retranscriptions de vidéos sorties de la centrale de Condé-sur-Sarthe au printemps 2019

Ce printemps, les matons de Condé-sur-Sarthe ont bloqué la taule ; prisonniers, familles et proches ont vécu l’enfer pendant près d’un mois. Au terme de ce mouvement, les matons ont obtenu un nouveau durcissement des conditions de détention (voir L’Envolée N°50). Depuis, les prisonniers de Condé prennent la parole pour demander leur transfert, soit par des prises d’otage comme Francis Dorffer le mardi 11 juin, soit par des départs de feu en cellule comme le 4 juillet, soit en se filmant pour dénoncer les conditions de leur enfermement. Nous reproduisons ici les propos qu’ont tenu des prisonniers de Condé-sur-Sarthe dans des vidéos datées du 2 juin, qui sont apparues sur Internet deux semaines plus tard.

« Il est 23 h 12. Je tiens à m’exprimer encore sur les conditions de vie qui se passent actuellement à Condé-sur-Sarthe. Cela fait actuellement huit mois que je suis incarcéré ici. Avant que je vienne ici, j’étais incarcéré à la maison d’arrêt  de Lyon-Corbas où tout se passait bien. J’avais une situation carcérale stable. Je pouvais parler de réinsertion ; mais depuis mon arrivée ici, tout se dégrade. Notamment à cause de ce qu’il s’est passé le 5 mars 2019. Bon, moi je ne suis pas d’accord avec ce qui s’est passé, bien entendu. Je ne suis pas d’accord avec les faits qui se sont passés : l’agression. Il faut savoir qu’ici on qualifie l’acte qui s’est passé d’attentat ; alors que ces actes-là, y en a un peu partout dans les prisons de France, et on les qualifie pas d’attentat. Apparemment, il aurait crié Allah akbar, ou je sais pas trop quoi ; c’est pour ça qu’on dit que c’est un attentat… alors que moi, je verrais ça plutôt comme une agression. Bon, après, c’est mon ressenti, mon opinion personnelle. Bref. Sur quoi je voulais me focaliser : actuellement rien n’est mis en place… je sais que je me répète souvent, mais rien n’est mis en place pour la réinsertion. Les détenus sont livrés à eux-mêmes. On est là. On attend. On a une heure de promenade. Il faut savoir que je suis actuellement à un étage qu’ils appellent le « contraint » : on est contraint, en fait, et on est activement surveillé 24 heures sur 24. D’ailleurs, les passages à l’œilleton sont récurrents : c’est tout le temps, et c’est fatiguant. C’est épuisant.  Mais moi, ce qui m’énerve le plus, c’est qu’il n’y a rien de fait pour qu’on soit réinsérés à la société. Rien du tout. Ça veut dire, déjà, que nos liens familiaux, ils sont en train de les briser ; parce que ce qu’il faut savoir, c’est qu’ils ont maintenant instauré le système de fouille automatique des familles : qu’ils sonnent ou qu’ils ne sonnent pas, on les palpe. Palpation… et si ils ont un doute, la police fait son entrée et fouille à nu les familles qui viennent nous voir. Donc ça, moi je trouve ça complètement fou ; c’est pas normal, ça. C’est vraiment pas normal. Alors qu’il y a rien ! Leur couteau, soit disant en céramique, qui était entré… On a pas de retour de l’enquête, en fait… Ils disent qu’il y avait une ceinture d’explosif, qu’il y avait un couteau en céramique… Alors qu’à l’UVF [Unité de vie familiale – appartement-prison où les familles peuvent venir se faire enfermer auprès de leur proche pour passer jusqu’à 48 heures avec lui], il y a déjà des couteaux ! Je comprends trop pas…

Enfin, c’est pas ça le sujet. Le problème, c’est qu’ils nous réinsèrent pas du tout. Ils font rien pour nous. Y a rien qui change. Et on doit attendre… On s’abstient et on attend. On est constamment fouillés. Vous allez peut-être penser que c’est pas vrai parce que là, je suis entrain de me filmer, mais on est constamment fouillés. Et ce avec quoi je suis en train de me filmer, d’ailleurs, a été clairement donné par l’administration pénitentiaire, si je peux me permettre. Ça va peut-être vous sembler fou : dans cette centrale la plus sécurisée de France, ils arrivent quand même à avoir des trucs pour se filmer ? Ben, j’ai envie de vous dire, aucun système n’est infaillible : la preuve ! Et voilà quoi, c’était pour ça que je voulais m’exprimer ; mais surtout, je mets l’accent sur le fait qu’il n’y a rien qui est mis en place pour la réinsertion. Rien du tout… Au contraire, ils sont là, ils nous provoquent, ils nous poussent à la faute pour pouvoir justifier tout ce qu’ils sont en train de mettre en place. Notamment les fouilles des familles, les fouilles systématiques des détenus, les palpations systématiques des détenus, la surveillance à outrance. Alors que… je veux bien être surveillé, mais faut aussi me réhabiliter dans la société. C’est bien facile de me surveiller, mais pour ce qui est de la réhabilitation, on n’en parle pas. Donc, en fait, si je comprends bien, je serais voué à rester comme ça …à rien faire de ma vie, en fait. A rester comme ça : tous les jours une heure de promenade, et je rentre dans ma cellule et je m’abrutis avec la télé. J’apprends rien. Même pas possible d’aller à la bibliothèque, parce que ceux qui se retrouvent au [quartier] contraint… on a pas de bibliothèque, on a pas d’activité socio. Et même pour ceux qui sont en bâtiment normal c’est pareil : ils ont pratiquement le même système que nous. Ils sont fliqués… Moi, je demande pas de souplesse à leur système, ils font ce qu’ils veulent, mais juste de la réhabilitation pour les détenus ; c’est tout. »

« M’dame Belloubet, on vous fait un petit topo de tout ce qu’il se passe à Condé-sur-Sarthe. Vous voyez, on n’a toujours pas nos affaires. Vous voyez, moi je me trouve sans plaque [chauffante]. Soit-disant, ma plaque elle est arrivée toute neuve, toute fraîche. On me l’a ouverte, on me l’a démontée… et maintenant on me dit d’acheter une autre plaque ! Maintenant j’utilise un four, sans grille, sans plateau. Vous voyez, c’est comme ça que je me chauffe de l’eau, en fait. Voilà, il faut savoir que les Eris qui sont venus pendant la manifestation, qu’est ce qu’ils nous ont fait ? ils nous ont battus. Regardez, on m’a arraché les cheveux là [Il montre à la caméra.]. On a essayé de m’étrangler. On m’a mis le nez comme ça, avec les doigts [il montre à la caméra qu’il s’est fait mettre les doigts dans le nez et tirer dessus]. Vous voyez ce que je veux dire. Et jusqu’à maintenant, ici, les gens – disons l’administration – ne nous fournissent pas nos affaires. Ils gardent nos affaires jusqu’à maintenant. Vous voyez ce que je veux dire… Là, je possède [dans ma cellule] même pas la moitié de ce que j’ai. J’ai un ordi, j’ai des écrans, j’ai une chaine hifi, j’ai des jeux, j’ai tout un tas de choses. On nous les donne pas. Soit-disant, on nous retire les grilles des fours [pour ne pas blesser des gens], mais regardez on a de quoi blesser les gens, on a des fourchettes, on a tout… donc en fait, ça n’a aucun sens. Y a pas de retour à la normale… Il y a des agents qui se mettent à crier à ricaner dans le couloir carrément en faisant des cris de singe et en disant : « Vive Marine ! Vive le FN ! » Voilà, c’est comme ça. Donc notre situation, là, on en a tous marre d’ici. On veut tous partir de Condé-sur-Sarthe parce que le retour à la normale n’est pas encore arrivé. Vous trouvez ça normal, ce que l’on vit ici ? Voilà, on vous cache des choses… On vous fait croire que le retour à la normale est déjà arrivé ; mais que dalle, en fait ! Donc on est dans cette situation. C’est ça qu’on vit. On se fait insulter. Et dès qu’on insulte, voilà, c’est rapport et cachot. A chaque fois la même chose. Moi on me dit : « Ta gueule, sale chien », des trucs comme ça. Voilà, c’est ça, ici. Et nos familles, quand elles viennent ici, elles se font fouillées, elles se font palper. Les petits bébés, ils se font mettre à nu. On leur retire les couches, carrément. Et c’est bien marqué « sous peine de poursuite » si on veut pas se faire palper devant eux.

Donc voilà, comment vous expliquer… y a un agent qui s’est rapproché de certains amis à moi, qui l’ont payé, et il m’a fait entrer un téléphone. Je l’ai reçu comme ça, en fait. Vu qu’ils nous donnent des trucs – des confitures, du café, du sucre, tout ça – le vendredi, ben je l’ai retrouvé là-dedans [il montre un sac en papier avec un numéro dessus] avec un petit mot. Vous voyez, il y a mon numéro d’écrou là-dessus. Ça faisait un petit moment que trois agents m’avaient approché par rapport à ça, en me disant que des amis avaient payé dehors pour pouvoir faire entrer un téléphone, pour pouvoir justement vous prouver ce qu’il se passe ici. Par rapport à votre commission d’enquête, j’espère que ça fera peut-être un peu avancer les choses, et qu’on aura un transfert. Parce qu’on ne peut plus vivre dans cette situation. Regardez, j’ai pratiquement rien. Toute la journée, je reste ici. Je vais en promenade tout seul, en fait. Une heure de promenade par jour. Sinon, 23 heures sur 24, je suis enfermé dans cette cellule tout seul. C’est ce qui se passe ici. En même temps, je vous montre aussi, quelques potes qui vont vous raconter ce qui leur arrive ici, parce que voilà, on a plus de droits. Rien n’est respecté ici. Y a plus rien qui est respecté. »

« Bon… Cette petite vidéo pour dénoncer les conditions de vie à Condé-sur-Sarthe, les conditions de détention de tous les détenus qu’il y a ici. Moi, en tout cas, je voudrais juste dénoncer ici le fait qu’il n’y a rien qui est mis en place pour la réinsertion, et que nos droits les plus fondamentaux ne sont pas respectés. Et puis, quand on veut se plaindre à la direction ou quoi que ce soit, on nous dit de passer par des avocats qui nous demandent des sommes exorbitantes pour pouvoir faire valoir nos droits ; alors qu’ici il n’y a même pas de travail, y a pas de formation, y a rien. Depuis les faits du 5 mars, c’est pire que le IIIe Reich, ici, parce qu’on est constamment fliqués, comme nos familles qui le sont aussi, qui viennent au parlu et qui se font palper comme si elles faisaient rentrer du PEP 500. Moi, je comprends pas moi. Donc moi, je dénonce toutes ces choses parce que ce n’est pas normal. Et je tiens encore une fois à préciser que le matériel avec lequel je suis entrain de me filmer, c’est bien un surveillant qui me l’a rentrer et c’est rien d’autre. C’est pas les familles. Tout ça, c’est du mensonge. Côté sécuritaire, ici, il y a zéro sécurité. Tout ce qu’ils [les matons] sont en train de faire devant l’opinion publique, c’est prendre des sous pour pouvoir se les partager entre eux. Tout… Ils demandent des choses qu’ils ne mettent même pas… Les gilets pare-balles, on les voit même pas avec. Ils ont demandé des gilets cache-cou, ou je sais pas quoi, là : ils ne les mettent même pas. Tout ça, c’est que du mensonge. Voilà, je dénonçais juste ce mensonge, pour que les gens comprennent un peu dans quoi on est, car ça commence à bien faire. Et, j’espère bien qu’ils vont venir me chercher pour me jeter au mitard et me faire partir de cette prison, parce que c’est plus possible… J’ai des charges que je peux même pas assumer ici. Ça veut dire quoi, ça ? Voilà, donc c’est ce que j’avais à dire sur Condé-sur-Sarthe ; et que c’est bien une prison de corrompus, ici. Ils font comme si c’était la prison la plus sécuritaire de France, mais tout ça c’est rien que des mensonges. J’espère que le message sera bien passé et que je serai compris. Ne prenez pas ça pour une provocation. C’est pas pour provoquer, c’est pour vraiment dénoncer ce qu’il se passe ici. Parce ma situation carcérale avant que j’arrive ici, elle était stabilisée. Je suis arrivé ici et tout a commencé à se dégrader. Ma fin de peine… Mes grâces, elles ont sauté… Tout a sauté… Et cerise sur le gâteau, on me met une fiche de radicalisé maintenant… incroyable… Tout ça pour que je ne sorte jamais de prison. C’est eux, en fait, qui créent les terroristes, c’est eux qui les créent, et après ils nous laissent dans la nature. Après ils font des trucs et ils disent que c’est nous les terroristes. C’est faux ! Moi, j’ai pas que ça à faire avec ces histoires. Donc voilà, je voulais juste dénoncer ça et j’espère que le message sera bien passé et qu’on comprendra le message. Ne prenez pas ça pour une provocation parce que cela n’a rien à voir avec ça. Voilà, merci ! »

« Aujourd’hui, je viens m’exprimer. Comme tous mes confrères vous ont dit, on est dans la même situation : ça va pas dans cette prison. J’espère que vous allez faire le nécessaire pour nous. Pour pouvoir cesser toute cette méchanceté, cette hypocrisie et toutes ces choses-là. Je tiens à vous faire part que j’ai déjà fait quatre demandes de transfert qui ont été refusées pour des motifs bidon. Du baratin, des motifs bidons. Des mensonges de surveillants. L’administration, ce sont des menteurs, des manipulateurs. Ils veulent juste faire de la répression pour te gâcher la vie. C’est ça la France ? Rhalala… Allez, peace and love ! »

« Je m’appelle Cédric Couloufa, je suis à la Centrale d’Alençon-Condé-sur-Sarthe. Je m’adresse à vous car ils sont entrain de bafouer mes droits. [La vidéo s’interrompt.] »

« Je suis le détenu dénommé Jordi, écrou 829, détenu à Condé-sur-Sarthe, dans une prison où il n’y a aucune réinsertion, aucune formation, aucune activité pour permettre de se réinsérer. Ça fait deux ans que je [La vidéo s’interrompt.] »

« Bonjour, nous sommes à Condé-sur-Sarthe. C’est un surveillant qui a fait entrer ça [le téléphone qui filme] à un détenu ; donc voilà, on subit des violences de la part de surveillants de Condé-sur-Sarthe. On subit des trucs bizarres… On a le droit à rien. On se fait insulter tous les jours, des mains au cul… Tout, tout, tout pour regarder si on a des téléphones dans le cul. A un moment donné, voilà, quoi. Ce qui se dit à la télé, c’est faux. Je vous remercie de faire tourner ça. Voilà, un détenu de Condé. Au revoir ! »

1 réponse sur “CONDÉ-SUR-SARTHE : CE QUI SE DIT A LA TÉLÉ, C’EST FAUX !

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