L’évasion de Mohamed Amra le 14 mai 2024, au cours de laquelle deux surveillants ont été tués, a choqué par sa brutalité et fait la une de tous les médias. En réaction, les matons ont bloqué la totalité des prisons pendant cinq jours. Un mouvement de blocage « œil pour œil, dent pour dent » qui, comme rarement, a assumé d’être une vengeance : tous les prisonnier·e·s de France devaient payer. Certain.e.s ont alors pris la parole pour raconter ce qu’ils et elles vivaient : voici quelques extraits de lettres lues à l’émission de radio l’Envolée, et de messages trouvés sur les réseaux sociaux.
Message d’un prisonnier sur les réseaux sociaux au deuxième jour des blocages :
« Je suis incarcéré à […] Perpignan, à la maison d’arrêt. Ça fait deux jours que les surveillants bloquent la prison dans son intégralité.
Aucun mouvement, aucune douche, aucun parloir, aucune promenade, aucune livraison de cantine. Même le courrier que l’on veut poster nous est refusé, les poubelles s’entassent dans les cellules. Les mots du chef : “Nous sommes en guerre contre vous.” J’ai peur. Nous avons tous peur et nous ne comprenons pas ces punitions collectives, bien que nous compatissions un minimum avec le tragique événement horrible qui s’est passé dans l’Eure. Aidez-nous, s’il vous plaît. Je ne sais pas vers qui me tourner, j’ai tout essayé. »
Lettre depuis le centre pénitentiaire pour femmes de Poitiers-Vivonne, mai 2024 :
« Pour revenir à l’actualité, deux surveillants tués suite à l’évasion d’un détenu à Évreux. Oui, c’est triste. Mais avec leurs blocages, on en a payé les conséquences.
À Vivonne, blocage mercredi, jeudi et vendredi. Ouverture des portes entre 9 et 10 heures, pas de promenade le mercredi. Trois jours sans parloir famille ni parloir avocat. Pas de livraison de courrier. Seulement cantine de tabac. Comment c’était dans les autres prisons ? J’aimerais bien avoir le vécu d’autres détenus pendant ces trois jours. Ah, et ce midi, ou plutôt ce matin, je ne sais pas quel mot je dois employer, nous allons avoir le repas à 10 h 30. Non, c’est pas une blague. Sûrement dû à l’hommage aux surveillants tués. Bienvenue à Vivonne.
Aurélie »
Lettre depuis le centre pénitentiaire de Caen, le 17 mai 2024 *:
« Bonjour L’Envolée,
Je viens juste de recevoir votre courrier. Merci, cela fait du bien, car pendant deux jours, pas de courrier distribué. C’est très chaud ici, vu les circonstances qu’il y a eu au CP de Caen, car c’était deux surveillants de notre CP.
Du coup, plus rien. Atelier fermé, le culturel fermé, plus d’activités, plus de rendez-vous, plus de distribution de cantines, plus de parloirs, et ce n’est pas près de s’arranger. On nous laisse pour l’instant les portes ouvertes et la promenade, mais ça va aller de pire en pire vu les discussions que nous avons avec eux, les surveillants.
Pour l’instant, c’est calme, car ils respectent le deuil de leurs deux collègues, mais dès que les funérailles seront finies, c’est là que ça va bouger.
Ce matin, Dupond-Moretti était là, mais il n’est pas rentré. On aurait voulu qu’il rentre pour que nous, les détenus, puissions lui dire notre mécontentement, les conditions de vie ici à Caen, les cellules insalubres, l’hygiène et tout le reste. Même les surveillants ont honte de voir les conditions dans lesquelles on vit. Il faudrait qu’on nous aide de l’extérieur, qu’on puisse nous entendre. Madame Dominique Simonnot se bat pour nous, mais personne ne l’écoute. Le gouvernement en a rien à foutre qu’on soit comme des animaux en cage, comme à la SPA.
Désolée de faire une lettre aussi courte, mais je n’ai pas la force de parler d’autre chose. Rien ne va, et c’est très dur ici.
Blanche »
(* Lettre lue dans son intégralité à l’antenne de l’Envolée le 21 juin 2024, à écouter ici).
Un prisonnier des Baumettes, mi-mai 2024, sur les réseaux sociaux :
« Ils nous lèvent les douches, ils nous donnent le pain à 20 heures, ils nous privent de nos droits de minimum une heure de promenade par jour, ils nous privent de nos parloirs famille, ils nous privent de nos activités, école, stade, muscu, etc., ils nous privent de nos cantines. […] Toute l’année on doit subir, ils nous lèvent nos téléphones, notre fumette, nous parlent comme à des moins que rien, et on doit encore subir car des surveillants se sont fait tuer à 900 bornes d’ici. Perso, la promenade, je m’en bats les couilles, mais les parloirs et les cantines, c’est les seules choses qui nous font tenir dedans. »
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