Catégorie : Événements & communiqués

  • 7 et 8 septembre 2024 : à la mémoire d’Idir, mort au mitard de la prison de Corbas

    7 et 8 septembre 2024 : à la mémoire d’Idir, mort au mitard de la prison de Corbas

    Le 9 septembre 2020, Idir est décédé au mitard (quartier disciplinaire) de la maison d’arrêt de Lyon Corbas dans des circonstances plus que douteuses. Depuis ce jour, sa famille se bat pour obtenir la vérité, dénoncer les violences pénitentiaires et réclamer la fermeture des mitards et des quartiers d’isolement. Un week-end de commémoration et de soutien à leur combat aura lieu les 7 et 8 septembre 2024 à Lyon.

    –> à 18h à l’annexe de l’ECG (27 rue salomon reinach, Lyon 7).
    Au programme :

    • Projection sur le thème des violences pénitentiaires
    • Prises de parole
    • Couscous prix libre
    • Infokiosque & affiches prix libre (tout l’argent récolté ira en soutien au collectif Idir Espoir et Solidarité)

    –> départ à 14h place Bellecour à Lyon

    Soyons nombreuses et nombreux !

    … coups de main pour préparer :

    Toustes celleux qui souhaitent filer un coup de main pour aider à préparer ce week-end sont les bienvenuex : le dimanche 1er septembre à partir de 14h à l’Annexe de l’ECG (27 rue salomon reinach, Lyon 7) pour faire les banderoles puis une réunion de préparation.

    … et plus d’infos :

    Page Instagram de l’association « Idir Espoir et Solidarité » : noussommesidir69
    Des infos sur la mort de Idir et la mobilisation de ses proches ici.
    Quelques infos contre les mitards ici.

  • La lutte contre la nouvelle prison à Entraigues continue !

    La lutte contre la nouvelle prison à Entraigues continue !

    Appel à une assemblée générale le 27 novembre 2023 à la ZAC du Plan.

    Nous relayons ci-dessous un appel lancé par les opposant-e-s à ce projet de nouvelle prison, qui ont déjà organisé divers évènements (lire ici et , ou écouter cette émission).

    « Alors que l’état met en route la construction de 15 000 places de prisons supplémentaires, nous continuons d’affirmer qu’il faut se débarrasser de toutes les taules, outils dangereux de soumission et d’apprentissage de l’humiliation !

    A Entraigues sur la Sorgues dans le Vaucluse (84), comme dans des dizaines de villes en France, l’état a décidé de construire un nouvel établissement pénitentiaire (400 places), pour un total de 15000 places de prisons supplémentaires. Nous l’avons déjà dit, lors des consultations publiques ou de manifestations : la prison, nous n’en voulons pas ni ici, ni ailleurs !

    Pour réfléchir ensemble à nos moyens d’actions et à notre dynamique pour la vie, tant la vie des écosystèmes (une vingtaine d’hectares de terres agricoles sacrifiées), que celle des humains (ceux qui vont être enfermés et celles et ceux qui vont subir la taule de dehors), nous vous donnons RDV le lundi 27 novembre à midi, sur place à la ZAC du Plan.

    Après un pique-nique, nous ferons une Assemblée Générale pour mettre en place les activités de l’après-midi et des mois à venir. Vous êtes invité.e.s à venir avec de quoi partager un repas, des pancartes, des vieux draps, de la peinture, de la ficelle ou juste vous et toute votre énergie. »

    Ni béton ni maton : nibetonnimaton@riseup.net

    Cet appel est initialement publié ici.

    Au programme de leur dernière émission :

    • manifestation à Briançon en hommage à la personne migrante qui a trouvé la mort sur la frontière ;
    • OQTF des jeunes de Rosmerta, à Avignon ;
    • compte-rendu de la réunion publique de concertation du 11 octobre à Entraigues et qui n’intéresse plus personne ;
    • Des nouvelles du lancé de colis à la prison du Pontet ;
    • Et un point sur la répression des émeutier.ères.

  • « Je m’efforce d’être debout face à la rudesse de la tâche ».

    « Je m’efforce d’être debout face à la rudesse de la tâche ».

    Sandra en grève de la faim contre l’assignation à résidence de sa famille.

    Kamel Daoudi est assigné à résidence depuis 2008. Forcé de déménager du jour au lendemain au gré des décisions ministérielles, séparé de ses proches, contraint de pointer chaque jour à la gendarmerie, il se débat dans un labyrinthe administratif. Le 14 septembre 2023, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a refusé de se prononcer sur le fond du dossier en rejetant sa requête pour des motifs de procédure. Face a cet énième refus qui mêle vengeance d’Etat et folie administrative, Sandra, la compagne de Kamel vient d’entamer une grève de la faim. Dans le texte qui suit elle exprime les raisons de son action, sa détermination et son refus d’être « considérée comme « une pauvre femme » assignée à rester dans l’ombre de son conjoint, spectatrice de la souffrance de ses enfants ».

    Mon mari a été condamné définitivement en décembre 2005 pour des soupçons d’appartenance à une « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». Ce dossier repose essentiellement sur des aveux extorqués sous la torture. Mon mari a toujours nié les faits qu’on lui a reprochés. Il a exécuté intégralement sa peine.

    A cette peine a été adjointe, une peine complémentaire d’interdiction définitive du territoire français (IDTF). Cette IDTF est inapplicable car en cas d’expulsion vers son pays de naissance, l’Algérie, il serait exposé à des traitements dégradants et inhumains. L’expulsion étant impossible, le ministère de l’intérieur a décidé de l’assigner à résidence, en attendant son éloignement vers un autre pays.

    Ce 14 septembre 2023, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a refusé de se prononcer sur le fond de son dossier en rejetant sa requête pour des motifs de procédure. Cela signifie que la Cour Européenne laisse à l’État français toute latitude pour continuer à assigner mon mari sans limite dans le temps et sans se soucier des retombées sur l’ensemble de notre famille. Le gouvernement français concourt à le placer dans une situation inextricable lui interdisant toute vie privée et familiale. Je dois pour ma part pallier à toutes les injonctions du ministère sans jamais me rebeller ni contester leur bien-fondé.

    Comme la réhabilitation de Kamel est rendue impossible par les autorités administratives malgré ses attaches solides et profondes en France où il vit depuis l’âge de cinq ans, par voie de conséquence, celles-ci me privent – moi et mes enfants – de notre droit à la vie privée et familiale. Aucun pays n’acceptant son accueil, avec la réputation que l’État français a dressé de lui, l’administration s’acharne à nous pousser vers une impasse : son retour forcé en Algérie. Ce harcèlement continu sur quinze ans est épuisant pour toute la famille.

    Le ministère de l’intérieur interdit à mon mari de travailler. Mes enfants ne peuvent que constater l’incapacité de leur père à participer normalement à leur éducation et à leur épanouissement d’autant plus qu’il a été éloigné à plus de deux heures de route du foyer familial.

    Mes enfants doivent constamment s’adapter aux nouvelles contraintes liées à l’assignation de leur père. En quinze ans, ils ont dû arpenter les routes de France pour se rendre vers 7 lieux différents situés dans des départements aussi éloignés que la Creuse, la Haute-Marne, le Tarn, la Charente-Maritime ou le Cantal. Gérer le quotidien de deux adultes, une adolescente et trois jeunes enfants dans une chambre d’à peine dix mètres carrés relève d’une organisation extrêmement rigoureuse pour tenter de créer un climat sécurisant et apaisant malgré les circonstances. Chaque déplacement implique de fait, un isolement social.

    Cette situation d’enfermement à l’air libre crée une atmosphère anxiogène chez de jeunes enfants encore plus intense que pour l’incarcération d’un parent. En effet, un parent incarcéré peut susciter un espoir auprès de l’enfant qui sait que celui-ci sortira un jour tandis que dans le cas de l’assignation à résidence, l’enfant partage cet enfermement et n’a aucun espoir que la situation ne s’améliore. Je ne peux pas dire à mes enfants que le dénouement sera nécessairement politique.

    Il suffit de côtoyer Kamel Daoudi pour être suspecté de terrorisme. En plein état d’urgence alors qu’un car de CRS stationnait chaque nuit pendant plus de deux mois, de 19h à 7h devant mon domicile, les plaques d’immatriculation d’amis qui me rendaient visite étaient systématiquement relevées devant eux afin qu’ils comprennent que cette maison était hautement surveillée. Beaucoup de connaissances se sont malheureusement pliées à cette intimidation.

    Avec la répétition de situations humiliantes, toute atteinte à notre intégrité et à notre réputation contribue à alimenter le supplice dit « de la goutte d’eau ». Après la chute de plusieurs milliers de gouttes, une simple petite goutte a le même effet que l’effondrement d’un immeuble sur votre front. Je m’efforce d’être debout malgré la rudesse de la tâche pour faire face à toutes les personnes méprisantes qui me perçoivent comme une personne peu respectable et peu fréquentable.

    Ce qui est désarmant dans ce retournement permanent du stigmate, c’est que les institutions censées protéger les citoyens me laissent livrée à mon sort. En 2017, quand un couple de voisins policiers fabulateurs a décidé de tout entreprendre pour me nuire en provoquant l’intervention abusive de la section de déminage de Toulouse, les autorités concernées dont l’IGPN n’ont pas cherché à circonscrire leurs méfaits. Il a fallu d’autres incidents et des mensonges répétés très « grossiers » de la part de ces agents de police pour que les autorités judiciaires décident enfin de neutraliser ce couple en classant leurs plaintes extravagantes, sans suite. En revanche ma plainte pour harcèlement et diffamation déposée antérieurement contre ces mêmes voisins n’a toujours pas abouti à ce jour. Ce prétendu « non-évènement » pour reprendre l’expression du commandant de police de l’époque, a eu pour conséquence mon arrêt de travail pour anxiété post-traumatique pendant près d’un an. Il faut s’imaginer le quotidien de mes enfants pendant cette période alors que je peinais à réaliser de simples tâches ménagères.

    Combien de femmes se seraient résignées à se séparer de leur conjoint devant toutes ces difficultés, combien d’enfants humiliés se seraient laissés déborder par une colère légitime ?

    Le ministère de l’Intérieur refuse d’acter que nous ne sommes plus le 23 avril 2008, date du premier arrêté d’assignation à résidence de Kamel. Il s’emploie à toujours mettre en avant la sécurité publique sans considérer l’évolution de la situation familiale depuis quinze ans. Pourtant l’assignation à résidence a des répercussions palpables sur mon quotidien.

    En 2009, mon époux a été condamné à six mois de prison ferme pour avoir quitté le périmètre de son assignation afin de m’accompagner à la clinique alors que j’étais enceinte de sept mois. Et en 2020, il a été condamné à un an ferme en première instance pour 25 minutes de retard à son couvre-feu tandis qu’il cuisinait dans un lieu associatif. A chaque fois, j’ai dû supporter les conséquences de ces tragédies qui résultent des conditions particulièrement sévères de son assignation à résidence. La moindre infraction peut ainsi être punie d’une peine allant jusqu’à trois ans de prison ferme.

    Qui pourrait se prévaloir, en quinze ans d’assignation, de ne jamais avoir le moindre retard pour les deux, trois ou quatre pointages quotidiens imposés au commissariat ? Je ne comprends plus l’énergie déployée par le ministère de l’intérieur pour broyer toute une famille au mépris des droits individuels les plus fondamentaux.

    Deux murs restent infranchissables :
    Décoller l’étiquette de Kamel, considéré comme « un homme dangereux » alors qu’il n’a commis aucune infraction depuis la fin de l’exécution de sa peine en 2008 ;
    Déconstruire des décisions de justice administrative fondées essentiellement sur des notes blanches pour obtenir sa réhabilitation en relevant par exemple son interdiction définitive du territoire.

    Ne pas tenir compte de l’évolution de la situation de Kamel en l’espace de plus de quinze ans n’est pas digne d’un État prétendant respecter les libertés individuelles fondamentales. Le ministère a-t-il seulement conscience qu’il ne s’agit plus simplement de la destinée de Kamel. J’ai des droits en tant que femme. Je ne suis pas uniquement l’épouse de Kamel. J’aspire à être considérée comme un individu à part entière.

    Il me semble aussi que chaque fois que la situation d’un enfant est en cause, l’intérêt supérieur de celui-ci doit primer ; il s’agit d’un principe essentiel. Marteler sans aucun élément sérieux que Kamel continue d’être dangereux, alors qu’il se comporte de manière exemplaire dans des conditions déshumanisantes, ne peut suffire à sacrifier la vie de nos enfants en les privant de l’amour et de la présence de leur père. Être considérée comme « une pauvre femme » assignée à rester dans l’ombre de son conjoint, spectatrice de la souffrance de mes enfants, ne peut suffire à me réduire au silence.

    Mes droits et ceux de mes enfants, tous ressortissants français sont inaliénables.

    Durant toutes ces années notre famille a beaucoup trop souffert d’un ostracisme décomplexé, d’une violence institutionnelle assumée et d’un isolement qui n’est plus supportable. Ce qui est inhumain, ce n’est pas seulement de laisser Kamel dans cette situation sans fin mais de me mépriser en tant que femme et de laisser grandir mes enfants en leur faisant croire que leur quotidien relève de la normalité.

    Sandra, Aurillac, le 18 septembre 2023.

  • Soirée de soutien à L’Envolée – 21 avril à Pantin

    Soirée de soutien à L’Envolée – 21 avril à Pantin

    Contre la censure de la parole des prisonnier.e.s, une discussion ensemble, une cantine partagée et un concert de Baro Syntax, Ratur, Sitou Koudadjé, et DJ Black Mirror, vendredi 21 avril à La Trotteuse à Pantin, métro Hoche à partir de 17h ! La prison tue, passe le mot !

  • 3 jours d’échanges contre la prison et le béton

    3 jours d’échanges contre la prison et le béton

    Depuis 3 ans, le collectif crève la taule 84 se bat contre le projet de construction d’une prison entre Avignon et Carpentras, à Entraigues.
    Pour le week-end de Pâques (8, 9 et 10 avril), nous vous invitons à venir poser votre tente ou votre camion à Entraigues, sur la zone du plan, là où l’an dernier poussaient des tournesols et où l’an prochain l’état espère faire pousser une énième prison dans le cadre du plan de construction de 15000 places d’enfermement.
    Ensemble, et durant ces trois jours, nous allons discuter, partager, apprendre, s’amuser, bref, célébrer le vivant plutôt que se préparer au béton et à l’enfermement !
    Contact : nibetonnimaton@riseup.net
    Toutes les infos : https://valleesenlutte.org/spip.php?article480

  • Tribune : « En censurant le journal L’Envolée, l’administration pénitentiaire étouffe un peu plus la parole des personnes enfermées »

    Tribune : « En censurant le journal L’Envolée, l’administration pénitentiaire étouffe un peu plus la parole des personnes enfermées »

    Tribune collective parue dans Le Monde le 19 mars en réaction à la nouvelle censure du journal L’Envolée, signé par Patrick Baudouin, président de la Ligue des droits de l’homme ; Juliette Chapelle, présidente de l’association Avocats pour la défense des droits des détenus (A3D) ; Benoît David, président de Ban public, association pour la communication sur les prisons et l’incarcération en Europe ; Claire Dujardin, présidente du Syndicat des avocats de France ; Camille Gourdeau, présidente de la Fédération des associations de solidarité avec tou.te.s les immigré.e.s ; Ingrid Leys, directrice de publication du journal L’Envolée ; Matthieu Quinquis, président de l’Observatoire international des prisons-section française ; Nathalie Seff, déléguée générale de la section française de l’ACAT.


    Fin janvier 2023, pour la troisième fois en deux ans, le ministère de la justice a interdit la diffusion en détention d’un numéro du journal L’Envolée (le n° 56), et a saisi des exemplaires dans les cellules des personnes abonnées. Dans une note au personnel, il s’inquiétait de la gratuité du journal et de sa « large diffusion », susceptible d’avoir « un retentissement important auprès des personnes détenues », et citait des passages dénonçant le caractère mortifère de la prison.

    L’Envolée publie depuis vingt ans des lettres de prisonniers et de prisonnières qui dénoncent le sort qui leur est fait dans la continuité du Comité d’action des prisonniers des années 1970, pour désinvisibiliser le monde carcéral et remettre en cause la pertinence de son existence. En janvier 2021, le ministère interdisait la diffusion du numéro 52 de L’Envolée dans toutes les prisons, en raison d’un dossier consacré aux décès suspects de plusieurs personnes détenues. Nos organisations soulignaient alors (« Violences pénitentiaires : l’omerta doit prendre fin ! », Mediapart le Club, 18 mars 2021) que « cette interdiction ne saurait occulter le problème de fond dénoncé par le journal : les violences commises par des agents de l’administration pénitentiaire sur des personnes détenues sont une réalité désormais largement documentée, tout comme les rouages institutionnels permettant qu’elles se perpétuent ».

    Au printemps 2022, à l’insu de la directrice de publication, une note interne de la direction de l’administration pénitentiaire (AP) interdisait la lecture du numéro 55 à tous les prisonniers en raison de « propos diffamatoires à l’égard de l’AP » – sans que ces propos n’aient été condamnés pénalement. L’article rendait compte du procès de sept surveillants au tribunal de La Rochelle en novembre 2021 à la suite du décès de Sambaly Diabaté. Ce prisonnier de la centrale de Saint-Martin-de-Ré (Charente-Maritime) est mort étouffé après avoir été bâillonné et longuement maintenu au sol par plusieurs surveillants. La note s’offusquait de « propos alléguant que l’administration pénitentiaire enseigne à ses personnels des gestes professionnels portant atteinte à la dignité de la personne humaine, qualifiés par l’auteur de l’article d’“arsenal habituel” et d’“horreur tellement banale et généralisée” ».

    Ce qui paraissait diffamatoire à l’AP, c’était d’affirmer que certains des gestes qui ont tué M. Diabaté (étranglement, placage ventral, pliage, usage de bâillon, transport menotté à l’horizontale) étaient pratiqués et transmis à des surveillants, même s’ils sont officiellement interdits. Pourtant, ce n’est pas L’Envolée qui le relevait, mais les surveillants eux-mêmes à la barre : « On a fait comme d’habitude. A Fleury-Mérogis, j’ai vu cette méthode pratiquée dix, quinze fois », déclarait un surveillant à propos du transport à l’horizontale. Un autre confirmait que cette pratique était usuelle dans l’établissement francilien. « C’est une intervention comme j’en ai vu d’autres », dira un troisième. « J’ai pratiqué facilement une douzaine de fois la position allongée dans le camion », confirmera un quatrième.

    A la question : « Avez-vous déjà vu ce genre de transfert ? », un gradé répondait : « Oui, on l’a fait à la [prison de la] Santé. » Et le bâillon ? « C’est interdit, mais avant c’était autorisé, et c’était il n’y a pas longtemps ». « Il y a des usages qui ne sont pas en cohérence avec les textes », résumait la directrice de la centrale de l’époque. Avant le procès, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté avait par ailleurs rapporté, à l’occasion d’une visite en 2017 au centre pénitentiaire de Rennes-Vezin, « les dénonciations d’une pratique dénommée par des professionnels comme “la technique de Fleury-Mérogis”, qui consiste, quand un récalcitrant a été conduit dans une cellule disciplinaire, à le placer sous le lit après lui avoir retiré ses vêtements, sous prétexte de “sécuriser” le retrait des surveillants de cet espace étroit ».

    Si l’on ne peut parler d’« horreur tellement banale », quels mots employer ? Pourquoi les prisonniers ne pourraient-ils pas lire cette vérité dans L’Envolée ? Le ministère craint-il que la violence structurelle de la prison – officiellement établie et assumée lors de ce procès – finisse par être vraiment reconnue ? La principale conséquence de ces interdictions à répétition, c’est de faire pression sur les personnes abonnées au journal : certaines ont vu leur cellule fouillée et ont été menacées d’une sanction disciplinaire, ce qui les dissuade de le recevoir, et plus encore de lui écrire.

    En censurant L’Envolée, l’administration pénitentiaire étouffe un peu plus la parole des personnes enfermées. Au-delà des phrases visées, ce qui lui semble inadmissible, c’est l’existence même d’un outil au service de celles et de ceux qui sont déjà privés du droit de s’organiser, de contester et de parler publiquement. Or, nous considérons qu’il est plus important que jamais de s’opposer à la déshumanisation des personnes prisonnières et de leurs proches, de leur manifester de la sympathie et d’empêcher les oubliettes modernes de se refermer sur eux.

    A l’heure où l’hostilité d’une bonne partie de la presse et du champ politique ne cesse de grandir contre les prisonniers et les prisonnières, il s’agit d’empêcher notre société de se refermer complètement. Plus que jamais, les dénonciations, analyses et luttes sociales en prison nous concernent entièrement. La prison reste un angle mort de notre société ; il est essentiel de permettre au plus grand nombre d’entendre la voix des personnes concernées ! Notre liberté en dépend.


  • Tribune pour dénoncer l’impact des mesures d’assignation à résidence en France

    Tribune pour dénoncer l’impact des mesures d’assignation à résidence en France

    Nous relayons ce communiqué diffusé à l’occasion du 10 décembre, la « journée internationale des droits de l’homme ». Le livre de Kamel Daoudi, « je suis libre, dans le périmètre que l’on m’assigne », est dispo par ici. (gratuit pour les enfermé·e·s, contactez-nous !)


    En cette journée internationale des droits humains, cette tribune souhaite dénoncer l’impact sur sur tout un chacun, des mesures d’assignation à résidence prises par les autorités françaises au travers de la situation individuelle paroxystique de Kamel Daoudi, assigné à résidence et obligé de pointer plusieurs fois par jour au commissariat depuis maintenant plus de 14 ans.
    Ces privations lui interdisent la possibilité de travailler et de vivre normalement avec sa famille, le plongeant ainsi dans une situation de précarité économique et sociale évidente. Nous dénonçons ce qui apparaît très clairement comme un régime de privation de liberté constitutif d’une atteinte à l’état de droit.


    Cet état de privation de liberté a été soumis à la discrétion de l’autorité publique, sans limite dans le temps, ni intervention du juge de la liberté et de la détention (JLD). En somme, Kamel Daoudi pourrait rester sous ce régime de privation de liberté jusqu’à la fin de sa vie.
    Condamné pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste en France pour un projet qui lui a été imputé qu’il a toujours contesté, il a purgé sa peine de prison, et reste pourtant sous le coup d’une interdiction définitive de territoire français inapplicable. Une privation de liberté contrôlée par l’administration sans limite de temps.
    Ce genre de cas permet à l’administration de priver ou restreindre la liberté de personnes de manière illimitée dans le temps.


    Kamel Daoudi déchu de sa nationalité française en 2002 est considéré par la France comme un étranger mais ne peut pas expulsé du territoire, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) ayant donné suite à la requête de M. Daoudi en prononçant l’impossibilité pour la France de l’éloigner vers l’Algérie (son pays de naissance qu’il a quitté à l’âge de 5 ans).


    En effet, M. Daoudi y risque des traitements dégradants et inhumains au sens de la convention européenne des droits humains. Par ailleurs, toute sa famille réside en France et il n’a plus aucune attache avec son pays de naissance depuis plus de 42 ans. Kamel Daoudi est donc assigné à résidence administrative depuis le 25 avril 2008, subissant l’application d’un régime d’exception permettant à l’administration, sans aucune intervention du JLD, « jusqu’à ce qu’existe une perspective raisonnable d’exécution de [son] éloignement. » (L.561-1 du CESEDA).
    Cette « perspective raisonnable d’exécution de son éloignement » n’étant pas possible au vu de la décision de la CEDH, cela confère à ce régime d’assignation à résidence un caractère perpétuel.
    Kamel Daoudi pourrait donc rester jusqu’à la fin de sa vie dans ce régime de privation de liberté. Une décision prise sur des motifs flous à interprétation large.

    Cette décision d’assignation à résidence repose sur le CESEDA (Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile) et s’appuie sur la notion de « trouble à l’ordre public », une notion à très large spectre d’interprétation et potentiellement arbitraire.


    Amnesty international dénonce depuis des années l’assignation à résidence de Kamel Daoudi, alors que la justice n’a plus rien à lui reprocher. Cette situation porte atteinte à ses droits fondamentaux, y compris son droit à travailler ou son droit à la vie privée et familiale.Cette situation est en outre maintenue par le ministère de l’intérieur maintenant Kamel au milieu d’enjeux politiques dépassant largement sa personne.
    Plus largement, cette notion de « trouble à l’ordre public » peut tout à fait, selon les interprétations s’appliquer à des militant.e.s œuvrant contre les intérêts du gouvernement en place. La frontière est fine pour que les motifs fondant l’application de ces régimes de privation de libertés soient applicables à d’autres situations pouvant être jugées par l’autorité publique comme risquant de troubler l’ordre public.


    L’assignation à résidence n’est pas le seul dispositif de contrôle et de surveillance, elle fait partie d’un arsenal juridique répressif qui va de la perquisition administrative, jusqu’à l’interdiction de paraître dans certains lieux.
    Des exemples récents nous l’ont encore montré, des décisions de ce type ont été prises contre des militants écologistes lors de la COP 21, des syndicalistes ou encore des supporters de football.
    Une décision qui s’inscrit dans un mouvement d’intégration des régimes d’exception dans le droit commun.


    Plusieurs régimes d’exception ont été mis en place ces dernières années et ceux-ci ont donné lieu à une transposition de cette législation d’urgence dans le droit commun. L’état d’urgence en réaction aux attentats de 2015 et prorogé plusieurs fois jusqu’en 2017 a permis l’entrée en vigueur de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme reprenant de façon substantielle, ce régime d’exception.


    La situation exceptionnelle et excessive à laquelle sont confrontés Kamel Daoudi et sa famille est devenue la règle pour un ensemble de décisions de privations ou de restrictions de libertés potentiellement applicables à toute personne vivant sur le territoire français, étrangère ou française.


    * * *


    Nous dénonçons donc à travers cette situation l’ensemble des atteintes à l’état de droit produit par la délégation de l’exécution des peines à l’autorité publique. Par son lien étroit avec les enjeux politiques, l’autorité publique ne peut être en aucun cas garante d’une justice équitable.
    Nous considérons que l’assignation à résidence est une privation de liberté et qu’une personne sous le joug d’une telle décision doit être en mesure de voir les conditions de cette privation, contrôlées par le Juge des Libertés et des Détentions.
    Nous dénonçons l’ensemble des dérives juridiques de la lutte contre le terrorisme, imprégnant les personnes d’une tache indélébile de nature à justifier toute forme d’atteinte à leurs libertés fondamentales.


    Nous dénonçons l’entrée dans le droit commun et la massification de ces décisions privatives de libertés souvent basées sur le principe flou de « trouble à l’ordre public » de plus en plus appliquées à n’importe quelle personne française ou étrangère exerçant des droits fondamentaux comme celui de manifester et bien d’autres.


    Collectif de Défense des Libertés Publiques
    France, le 10 décembre 2022

  • Deuxième communiqué des détenus de semi-liberté de Rennes

    Deuxième communiqué des détenus de semi-liberté de Rennes

    Vendredi, nous avons reçu ce deuxième communiqué des prisonniers du quartier semi-liberté de Jacques Quartier à Rennes: ils ne peuvent toujours pas avoir accès aux douches, faire la vaisselle ou boire. Le directeur de Rennes-Vezin a toujours une bonne excuse pour ne pas venir donner des explications, notamment au sujet de leur exposition à des bactéries.

    Depuis le 23 Novembre, il n’y a plus d’accès à l’eau dans les quartiers semi-liberté de Rennes. 
    Il n’y a plus de douche. On nous demande de prendre des douches aux bains douches de Rennes pendant les permissions mais ça ne correspond pas forcément avec les horaires de permission. Sinon, les surveillants nous propose d’aller prendre des douches sous la pluie. Tous les détenus n’ont pas la possibilité de se doucher. La majorité des détenus n’ont pas de sortie le week-end, 2jours sans se laver. On nous donne deux bouteilles d’eau par jour : une pour boire et une pour la toilette. A nous de gérer notre consommation ensuite. 
    On ne peut pas non plus tirer la chasse d’eau, ni faire notre vaisselle. 
    
    Par rapport à cette coupure, on ne nous dit pas grand-chose. La spip n’en sait rien, les surveillants ne disent rien. On nous a quand même parlé d’une bactérie. Il devait y avoir une intervention sur les conduits, visiblement ça a été reporté au 6 décembre. Lundi, un détenu est allé à l’hôpital, il avait utilisé l’eau. Il est revenu depuis. Nous aimerions bien savoir quelle bactérie il y a dans cette eau. 
    
    Le directeur de Vezin devait nous rencontrer individuellement mercredi. Nous l’avons attendu mais il n’est pas venu. On nous a dit qu’il y avait une urgence à Vezin. Nous sommes toujours dans l’attente.
    
    Aux vues de la situation, avec des conditions de détention qui ne sont pas optimales, le mieux serait de libérer les détenues en fin de peines de donner des réductions de peine exceptionnelles et des libérations anticipées pour des raisons sanitaire, comme ça a pu être fait pendant la pandémie de Covid-19. On demande aussi que des aménagements soient donnés a ceux qui ont des adresses. 
    
    Les colis de noël ont finalement été acceptés, mais seulement du 22 au 26.
  • Communiqué des détenus de semi-liberté de Rennes

    Communiqué des détenus de semi-liberté de Rennes

    Nous avons reçu ce communiqué des prisonniers du quartier semi-liberté de Jacques Quartier à Rennes: ils subissent une coupure d’eau générale. Aucune explication ne leur est donné sur l’origine de cette coupure et ils s’inquiètent d’avoir été exposé à des bactéries. Ils expriment aussi leur solidarité avec les femmes enfermées aussi à Jacques Cartier.

    Communiqué des détenus de semi-liberté de Jacques Cartier à Rennes, le 24 Novembre 2022.

    Nous avons plus accès à l’eau. Nous n’avons que deux bouteilles d’eau par jour et pas de machine à laver, et les surveillants refusent de nous donner des bouteilles supplémentaires alors qu’on a plus d’eau. La majorité des détenus n’ont pas de sortie le week-end donc aucune possibilité de se doucher. On n’a pas de de chasse d’eau.

    Il y a trois jours, ils nous ont dit qu’on pouvait utiliser l’eau pour les douches et laver les habits, mais pas la boire. Maintenant, ils ont tout bloqué et on a plus le droit d’utiliser l’eau. Ils nous ont filer des adresses des bains-douches publics mais ça convient pas avec nos horaires, surtout qu’on sort pas le week-end. Donc, clairement y’a un problème avec les bactéries.

    Par ailleurs, nous sommes infestés de moustiques et de fourmis, d’humidité, d’insalubrité dans les douches.
    Les femmes de Jacques Cartier n’ont pas non plus d’eau ni de douche. Elles, elles ne sont pas en semi. C’est encore plus grave !

    A ce jour, nous n’avons aucune idée sur la durée de cette galère pour elle comme pour nous.

    Ils nous interdisent aussi les colis de noël avec des raisons bidons.

    Nous demandons le retour des colis de noel, des mesures de réduction de peines exceptionnelles comme pour les mesures covid, un traitement contre les insectes. Nous souhaiterions savoir à quelles bactéries nous sommes en contact.

  • Cantine de soutien au Réseau d’Entraide Vérité et Justice autour de « Depuis qu’ils nous ont fait ça », le livre d’Aurélie Garand !

    Cantine de soutien au Réseau d’Entraide Vérité et Justice autour de « Depuis qu’ils nous ont fait ça », le livre d’Aurélie Garand !

    Le livre d’Aurélie Garand est bientôt partout en librairies ! On en profite pour vous inviter aux prochaines présentations de son livre, mais aussi à la Cantine de soutien au Réseau d’Entraide Vérité et Justice à Paris ! Important : le livre est gratuit pour les enfermé⸱e⸱s, contactez-nous !

    Pour + d’infos, cliquez sur l’image !

    « Quand quelqu’un essaye de s’évader de prison, les matons ont le droit de lui tirer dessus. Pour Angelo, il faut croire qu’ils ont laissé le GIGN prendre le relais. Après l’avoir laissé sortir, ils ont raconté partout que c’était un évadé, mais moi j’appelle ça un déserteur. Il ne voulait pas crever dans leur prison de morts.Toute sa vie d’adulte, il aura été un condamné. Depuis qu’ils nous ont fait ça, ils n’ont plus le contrôle sur lui. Il n’est plus un numéro d’écrou. Bientôt, il ne sera même plus un numéro de dossier en cours. Il restera pour toujours Angelo Garand, mon frère. »

    Le 30 mars 2017, Angelo Garand, qui appartient à la communauté des Voyageurs, est abattu de cinq balles par une équipe du GIGN sur le terrain de ses parents, dans le Loir-et-Cher. L’équipe intervenait pour le ramener à la prison de Poitiers-Vivonne où il purgeait une peine pour vol : quelques semaines plus tôt, il n’était pas rentré de la permission de sortie d’une journée qui lui avait été accordée. Il n’était pas armé.

    La famille Garand sait que les membres du GIGN mentent quand ils invoquent la légitime défense. Aurélie prend publiquement la parole, quelques heures plus tard, pour le hurler à la face du monde. Commence alors pour elle et les siens un combat âpre et désespéré pour que la vérité soit reconnue par la justice. Cinq ans plus tard, tous les recours sont épuisés : les tueurs ne seront jamais inquiétés, leur version des faits pour toujours reconnue.

    Aurélie Garand, quant à elle, habite toujours sur le terrain de ses parents, à une dizaine de mètres à peine de la remise où Angelo « a été exécuté ». Elle est convaincue que la mort de son frère n’est que l’aboutissement d’une trajectoire tracée depuis bien longtemps : tombé dès l’enfance dans les mains de la justice, pris dans « l’engrenage carcéral », il a multiplié depuis les petites peines de prison et n’était plus, aux yeux de l’État, qu’un délinquant, un problème à régler. Mais son destin tragique remonte peut-être à plus loin encore, dans la construction ancestrale de la figure du Voyageur, coupable et perdu d’avance.

    Elle signe un texte sec, fiévreux, d’une pudeur bouleversante, qui mêle récit de lutte et souvenirs de sa « vie d’avant », qui rend un hommage exigeant à son frère et à sa communauté,qui affirme un point de vue acéré sur la justice, la prison, les violences d’État, et qui prône avec force l’indispensable solidarité entre « tous ceux qui sont pris dans la cible ».

    Aurélie Garand,  « Depuis qu’ils nous ont fait ça… », Les éditions du bout de la ville, 112 pages, 10 euros.

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