Catégorie : Événements & communiqués

  • « On comprend pourquoi certains prisonniers ont préféré demander à leurs proches de ne pas venir pour leur épargner cette humiliation »Communiqué des femmes de prisonniers de Condé sur Sarthe et du Syndicat PRP

    « On comprend pourquoi certains prisonniers ont préféré demander à leurs proches de ne pas venir pour leur épargner cette humiliation »Communiqué des femmes de prisonniers de Condé sur Sarthe et du Syndicat PRP

    Communiqué des femmes de prisonniers de Condé sur Sarthe et du Syndicat PRP

    Suite au premier parloir à Condé-sur-Sarthe depuis le blocage

    Ce mercredi 27 mars 2019, nous avons enfin pu voir nos proches, nos frères, nos maris. Cela faisait trois semaines ; trois semaines d’inquiétude. Depuis trois semaines, nous n’avions de leurs nouvelles que par des coups de fil de quelques minutes. Et ces nouvelles  étaient angoissantes. Depuis trois semaines, nos proches ont subi la violence sourde de la grève des matons.

    En bloquant la prison de Condé-sur-Sarthe, les matons ont rajouté de l’isolement à l’isolement. Construite pour enfermer des hommes condamnés à des « peines infaisables » durant une vie entière, cette prison est déjà ultrasecurisée. L’enfer vécu par nos proches, que nous avons déjà dénoncé, nous a été confirmé, durant nos parloirs. Pendant trois semaines, ils ont été enfermés dans leur cellule toute la journée : pas de promenade, pas d’accès au travail -donc moins de moyens pour cantiner le mois prochain. Ils ne recevaient de la nourriture qu’une fois par jour (une baguette et une boîte de thon, et pour certain une portion de riz pour trois jours). Il n’y avait pas non plus de cantine (le magasin interne de la prison où les prisonniers peuvent acheter de la nourriture ou des cigarettes… à des tarifs plus élevés qu’à l’extérieur). Certains ont eu droit à leurs cigarettes, mais pas tous. Pour certains, les télés, plaques de cuisson ou encore table et fer à repasser ont été confisqués. Il y a aussi eu des coupures d’électricité, d’eau et de chauffage. Enfin, les poubelles se sont entassées dans les cellules, car les déchets n’étaient pas récupérés… Ils ont été enfermés par les Eris (le GIGN de la prison) qui ont appliqué leur pratique (encore plus) brutale durant ces trois semaines : comment supporter de se faire livrer sa seule gamelle de la journée par une personne cagoulée, qui d’habitude nous frappe et nous envoie au mitard lorsqu’on exprime nos désaccords face à l’administration ? Les Eris ont passé à tabac ceux qui dénonçaient la situation.

    Lorsqu’enfin le blocage devait cesser, ils ont subi l’humiliation supplémentaire d’une fouille intégrale de la prison. Après leur avoir fait vivre l’enfer, les matons osent s’étonner d’une « certaine froideur et de l’incompréhension de la part des détenus, car ils se considèrent eux aussi comme victimes ».

    On doit le dire, on est arrivées pour ce parloir un peu inquiètes. L’administration pénitentiaire a accepté l’ensemble des mesures sécuritaires demandées par les syndicats de matons fascisants. La presse relayait que les moments collectifs vont être encore plus limités et vont renforcer l’isolement de nos proches (fermeture des espaces communs, locaux réaménagés pour limiter les regroupements, les Eris vont rester dans l’établissement encore longtemps). Des grilles vont être installées à la place des barreaux actuels limitant les possibilités de yoyo (grâce aux yoyos, les prisonniers peuvent se filer des objets de cellule en cellule – durant le blocage ce fut essentiel : nos proches ont été solidaires entre eux en s’échangeant cigarettes ou bouffe grâce aux yoyos car ils étaient bloqués en cellule 24h sur 24).

    Les mesures sécuritaires sont déjà mises en place avec des conséquences désastreuses. Alors que la situation était déjà intolérable avant le blocage, elle empire… Les Eris continuent à tourner dans l’établissement en soutien aux matons. Les espaces collectifs sont fermés : pas d’accès aux cuisines collectives et aucune possibilité d’y récupérer la nourriture stockée qui a été jetée, pas d’accès aux machines à laver… Le matériel confisqué n’a toujours pas été rendu entrainant pour certains l’impossibilité de se faire à manger.

    On était inquiètes, car on se demandait comment nos proches seraient : dans quel état de stress ? Ne seront-ils pas trop marqués par ces trois semaines d’isolement ?

    On était inquiète pour nous-mêmes  aussi ; nous qui vivons les peines de nos proches par procuration, sans être passés devant un juge. La semaine dernière, les matons ont cherché à faire monter la pression sur les réseaux quand on revendiquait notre droit à voir nos proches. Mais ils avaient disparu vendredi dernier, lorsqu’on est venues devant Condé-sur-Sarthe. Ils ne nous avaient pas laissées entrer, mais au moins, ils n’étaient pas venus à la confrontation. Reste qu’ils avaient annoncé des fouilles des familles pour la reprise des parloirs ce mercredi.

    Qu’allaient-ils encore nous réserver ? Juste des palpations ? Qu’allaient-ils faire avec les enfants et les nourrissons ? Par précaution, pour ne pas traumatiser les petits, certaines d’entre nous ont préféré y aller seules pour ce premier parloir.

    En arrivant, on constate rapidement que les matons ont la haine contre nous : ils ont  saccagé l’abri famille. Dès l’arrivée dans le sas, on comprend qu’ils feront tout pour nous humilier. Il y a des flics en renfort. Avec les matons, ils sont une vingtaine, et le directeur adjoint de la prison est là, alors que nous sommes moins de quinze… Ils nous font aligner contre le mur. Les enfants sont tous palpés, et pour les nourrissons, il faut leur enlever la couche devant un flic. Les adultes finissent tous en sous-vêtements ; on nous demande même de secouer nos culottes et soutiens-gorge. Le directeur adjoint force les flics à fouiller un vieux monsieur qui avait été initialement dispensé de l’humiliation. On comprend pourquoi certains prisonniers ont préféré demander à leurs proches de ne pas venir pour leur épargner cette humiliation. Le directeur adjoint se charge de mettre la pression sur certaines familles, leur demandant de gérer leur mari « agressif » (qui ne le serait pas après  trois semaines dans ces conditions ?) sous peine de se voir supprimer leur parloir.

    De nouveau, nous dénonçons les conditions d’incarcération de nos proches. Nous dénonçons l’existence même de la prison de Condé-sur-Sarthe, qui applique des peines de mise à mort sociale. Nous dénonçons l’isolement qu’ils subissent et les humiliations qui se cachent derrière les mesures « sécuritaires ». Nous ne pouvons accepter que nous, famille et proches, qui n’avons jamais condamnées, nous subissions aussi l’enfermement, et que nous soyons fouillées par des matons.

    Toujours aussi déterminés, nous resterons toujours solidaires avec nos proches ! Et avec les autres prisonniers qui ont subi des blocages, comme à Seysse, où ils ont refusé de remonter de promenade !

    Le syndicat PRP et des femmes de prisonniers de Condé-sur-Sarthe

    Sur un mur de la ville de Seysses (31)

  • « Des gens ont pillé la plus belle avenue du monde! » Comparutions immédiates suite à l’acte XVIII des Gilets Jaunes à Paris

    « Des gens ont pillé la plus belle avenue du monde! » Comparutions immédiates suite à l’acte XVIII des Gilets Jaunes à Paris

    TOUS COMPLICES !

    Alors comme ça, on est maintenant tous et toutes considérés comme « complices » des dégradations ? Sauf qu’on l’était déjà ! Automatiquement coupables, même : depuis la « justice d’exception » créée par Sarkozy, « participer sciemment à un groupement » est un délit (cf. compte rendu précédents), que les tribunaux collent à tous les gilets jaunes qui passent en comparution immédiate (CI).

     Nouvelle audience, même comédie : une cour aux ordres du parquet, une justice de classe qui fait le taf. Et qui donne les mêmes leçons de morale, par-dessus le marché : on est censés verser une larme sur le traumatisme à répétition des riverains des Champs-Elysées, dont certains ont même « échappé à la mort » ! Les déclarations du gouvernement ont clairement porté leurs fruits dans les réquisitions du procureur : la prison, c’est la sanction, et la privation de liberté doit être effective. C’est sa fonction première : un repoussoir. Un épouvantail que le gouvernement brandit devant un mouvement populaire qu’il n’a réussi ni à endiguer, ni à tout à fait diviser.

    Du fait de la mise en scène spectaculaire de la casse que cet acte XVIII a permis ; du fait des pseudo polémiques sur les dites « défaillances du maintien de l’ordre » policier dans la rue, il fallait que le gouvernement monte le ton pour satisfaire l’électorat dont il veut défendre les intérêts. Il y a donc eu le « limogeage » du préfet de police, remplacé illico par Didier Lallement qui, entre autres faits d’armes, fut le patron de l’Administration Pénitentiaire entre 2001 et 2004. Alors que d’importants mouvements de prisonniers dénonçaient les peines infinies qu’ils avaient à tirer ; alors qu’ils se battaient dans des quartiers d’isolement qu’ils comparaient à Guantanamo (notamment à Fresnes et Fleury), ce triste sire était appelé à la rescousse pour écraser la contestation.

     Entre 2001 et 2004, Lallement est directeur de l’Administration pénitentiaire (…) Il crée notamment le Bureau de renseignement pénitentiaire au sein de l’état-major de sécurité EMS3, qui vise le grand banditisme et l’extrémisme islamiste. Ce Bureau de renseignement pénitentiaire a fait courir la rumeur qu’une menace islamiste incontrôlable et massive existerait derrière les barreaux, afin de justifier les pratiques islamophobes de l’Administration pénitentiaire alors même qu’environ 60% des détenu.e.s sont de confession musulmane. En 2003, Lallement impulse également la création des Equipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS), les unités de type GIGN prêtes à intervenir en détention de façon agressive et sur-armée, où ils tirent au flashball à bout portant au sein des cellules.( Portrait complet sur Paris lutte infos)

    Mais au-delà de cette annonce, le gouvernement a surtout sonné une nouvelle fois ses petits juges de garde afin qu’ils et elles durcissent encore un peu plus le ton dans les salles des Batignolles. La plupart des peines de prison ferme que nous avions vu prononcer jusqu’à présent dans les procès de gilets jaunes au tribunal de Paris étaient aménageables, car inférieures à deux ans. Attention, c’était – comme toujours pour ce type de peine- au bon vouloir du juge des libertés et de la détention. Plus rares étaient cependant les peines assorties d’un mandat de dépôt. La nouvelle tendance est donc de les assortir systématiquement d’un mandat de dépôt.

    Comme lors des audiences précédentes, toutes les personnes déferrées ont été interdites de présence à Paris pendant un an. Attention : bien sûr qu’on a toujours le droit de manifester, comme la cour s’évertue à le répéter… mais en se rendant bien compte que ce gouvernement vient d’affirmer plus clairement que jamais son droit à nous enfermer et à nous mutiler : il va « falloir assumer, même si un black block qui met le feu au Fouquet’s s’en prend une et finit paraplégique », a déclaré au Parisien (édition du 19 mars) un membre du gouvernement anonyme (courageux mais pas téméraire !).

    Marx avait vu juste : l’Etat est bel et bien une bande d’hommes en armes et ses satellites.

     A cette audience, la mairie de Paris s’est portée partie civile dans tous les dossiers, mais sa demande a le plus souvent été rejetée. Dans les cas où elle a été déclarée recevable, les condamné.e.s repasseront en audience civile le 16 avril pour se voir exiger des dommages et intérêts – que la mairie aura réussi à chiffrer d’ici là…

    Certains avocats commis d’office ont été tout simplement lamentables. Quand la présidente a expliqué aux prévenus qu’ils avaient la possibilité de refuser la comparution immédiate, la plupart se sont tournés vers leurs « défenseurs » d’un air perplexe ; ces incapables n’ont pas été foutus d’expliquer à leurs clients ce qu’est une CI, le renvoi automatique s’ils le demandent et les différentes options suite à ce renvoi : comparaître libres, avec un contrôle judiciaire plus ou moins strict, ou partir en détention provisoire s’ils n’ont pas de garanties de représentation. Quant aux plaidoiries… Oui, mon client est coupable et la cour doit le condamner ; mais coupables simplement de s’être laissé entraîner par d’autres, plus dangereux : les « vrais casseurs » ! Mais pour le proc comme pour la cour, même cette dissociation est devenue inacceptable : si après quatre mois de manifestations violentes, les gens continuent à y aller, c’est bien pour en découdre ; ils sont donc coupables. (suite…)

  • Appel national à perturber la justice quotidienne le mardi 5 mars 2019

    Appel national à perturber la justice quotidienne le mardi 5 mars 2019

    Nous relayons ici un appel émanant d’une assemblée des environs de Toulouse dont nous partageons, évidemment, l’analyse !

    Appel national à perturber la justice quotidienne le mardi 5 mars 2019 

    « Depuis le début du mouvement des Gilets jaunes la répression s’abat avec une grande violence. La répression, c’est d’abord la police qui blesse, mutile, tue (comme Zineb Redouane à Marseille le 2 décembre), et qui a arrêté plus de 8 000 personnes en trois mois.

    C’est aussi la justice, qui a condamné 1 800 personnes dont plusieurs centaines dorment aujourd’hui en prison. Nous ne les oublions pas ! Mais la justice ce n’est pas seulement la répression du mouvement social.

    La justice, c’est cette machine qui chaque jour, dans le silence des salles d’audience à peine troublé par le froufrou des robes bordées d’hermines des magistrats, condamne les pauvres. Ce sont le paternalisme, le racisme et le mépris de classe du juge qui « mène les débats » et prononce la peine. C’est cette mécanique qui chaque jour broie des centaines de vies sans que l’on s’en émeuve.

    Ces vies broyées, ce sont d’abord et en immense majorité celles des pauvres. Les petits délits sont désormais le plus souvent jugés en comparution immédiate : des prévenu.e.s comparaissent en sortant directement de garde à vue (parfois de 48 h), n’ayant pas de temps pour préparer leur défense ; des procès bâclés, et dans la majorité des cas des condamnations plus lourdes.

    Tandis que des Sarkozy ou des Fillon se la coulent douce, les Gilets jaunes condamnés ont fait les frais de ce dispositif ; mais il touche plus généralement des pauvres tâchant de s’en sortir.

    Dans un monde où l’argent est roi, comment vivre quand, pour beaucoup, toute opportunité de travailler légalement a depuis longtemps disparu ?

    Parce que la justice ne fonctionne si efficacement que grâce au silence dans lequel elle s’exerce, nous appelons à aller, partout en France, le mardi 5 mars, assister aux audiences près de chez vous, qu’elles concernent ou non des Gilets jaunes. Notre simple présence transformera le déroulement des audiences et pourra en atténuer le résultat.

    Amnistie pour toutes les personnes inculpées du mouvement social!

    Solidarité avec toutes les prisonnières et tous les prisonniers !

    L’assemblée du Mas d’Azil (avec ou sans gilet)

  • Communiqué des prisonniers du CRA d’Oissel du 11 janvier 2019

    La lutte dans les centres de rétention continue… et s’amplifie ! Aujourd’hui 11 janvier c’est au tour du centre de rétention de Oissel de partir en grève de la faim. Les keufs ont bien compris le danger d’une grève de la faim qui s’étend de CRA en CRA. Aujourd’hui celui qu’ils considéraient être un leader a été plusieurs fois convoqué par le chef du CRA pour lui mettre des coups de pression : interdiction de visites si les gars ne se remettent pas à manger, transfert punitif à Marseille loin de sa famille… Deux autres retenus ont été placés à l’isolement au CRA après avoir refusé le repas. Pour le moment on n’a pas de nouvelles d’eux.

    Aujourd’hui un des prisonniers de Oissel a aussi raconté une violence qu’on passe souvent sous silence : les agressions sexuelles des policiers. Dans le communiqué de Mesnil aussi, les prisonniers témoignent pour une victime d’un viol policier qui depuis s’est fait déporter.

    La parole des copains est écoutable pendant presqu’une heure dans cette émission: http://actualitedesluttes.info/?p=4012

    Nous relayons ici le communiqué des copains:

     

    Aujourd’hui 11 janvier, nous rejoignons nous aussi la lutte dans les centres de rétention contre les conditions d’enfermement et les violences policières quotidiennes. Nous sommes déjà presque 40 en grève de la faim.

    Sur les conditions d’enfermement ici y a beaucoup à dire. Déjà la bouffe n’est pas bonne, rien n’est propre. Quand on mange, les policiers ils nous regardent et utilisent leurs smartphones. On a l’impression qu’ils nous snap, ce qui est sûr c’est qu’ils se moquent de nous.
    Hier à un vieux gars d’ici qui mangeait lentement, les policiers lui ont mis la pression pour qu’il finisse plus vite: « Hé India ! Hé India ! Dégage ! Il te reste plus qu’une minute ! »
    Ici on nous respecte pas.
    Pour boire de l’eau c’est aux toilettes. Si tu tombes malade, c’est qui qui te soigne? Pas la police en tout cas!
    On nous traite comme des animaux, et pendant les visites la porte continue d’être ouverte et les policiers continuent de nous écouter. Ils continuent de nous empêcher tout contact avec nos proches, même de faire la bise à ta femme.
    Ici il y a eu des histoires de viols pendant la fouille.

    On a décidé de pas tout casser. Parce qu’on veut pas se faire accuser « d’ancien taulard vener », pourtant y a de quoi ici. Ici tu peux même pas cantiner et la bouffe est vraiment dégueulasse.

    Ici il y a plein de profils différents : travailleurs, ceux avec un titre de séjour d’un autre pays [européen] mais que l’État veut quand même déporter au pays. Puis y a plein de nationalité enfermées !
    Chez les femmes aussi, là-bas c’est la galère.
    Même quand t’as ton passeport et que tu veux rentrer… Bah il se passe rien et on te laisse a galérer. Nous ici on comprend rien.

    Hier on a parlé avec Mesnil Amelot. La bas aussi c’est le système du bon et mauvais flic. Nous aussi on va lutter avec eux !

    Ici, a Oissel, on nous a déjà gazé dans le bâtiment. Hier ils ont voulu prendre des contacts dans des smartphones en fouille… pour voir de quel pays on pouvait venir. C’est totalement illégal !

    Ici il y a beaucoup de gens, ils se coupent les veines, on doit appeler nous-mêmes l’ambulance. Et quand elle arrive, la police, la seule chose qu’elle veut savoir c’est qui a appelé. Et les flics nous engueulent.

    Y a un gars ici, il a des problèmes aux reins et il pisse du sang. Elle a fait quoi la police? Elle lui a donné un doliprane. De toute façon a l’infirmerie c’est soit doliprane soit drogue.

    Pour la justice… Même quand y a des vices de procédure on nous libère pas. On nous donne des numéros pour connaître nos droits. Personne n’a jamais répondu.

    Après le premier communiqué, on avait vu le chef du centre. On avait décidé d’être gentils mais ça sert à rien.

    Ce qu’on vit c’est le néo-colonialisme. La France a colonisé nos pays avant et maintenant ça…

    Nous on a toutes nos attaches ici : parents, copines, poto, famille.
    On nous dit que si on nous libère on va s’enfuir. Mais on va s’enfuir où? Y en a ici ils sont venus pour demander la protection a l’État français… Et là c’est la protection qui t’enferme !
    Y en a marre de tout ça !

    Nous les enfermés on voit plus nos proches, les allers retours CRA-Prison-CRA empirent encore tout ça.
    On va pas passer notre vie a être enfermés !

    On appelle les autres centres de rétention a rentrer en grève de la faim avec nous et ceux de Vincennes et Mesnil en banlieue parisienne !

    Les retenus du CRA de Oissel le 11/01/2019

     

  • Communiqué des prisonniers du CRA de Vincennes du 3 janvier 2019

    Ca continue de bouger au centre de rétention de Vincennes.  Mi-décembre déjà des retenus du centre avaient entamé une grève de la faim réclamant la libération de tous les prisonniers. Ce communiqué est disponible ici:

    Communiqué de prisonniers du centre de rétention de Vincennes !

    Aujourd’hui, 3 janvier 2019, les prisonniers ont décidé de réagir face à une série de déportations violentes et cachées, face à la violence physique et psychologique quotidienne des policiers.

    Nous relayons leurs communiqués et leurs appels a soutien:

     

    Nous sommes des retenus du centre de rétention administrative de Vincennes en banlieue Parisienne.
    Nous demandons la libération de tous les prisonniers, l’application de l’égalité entre tous le monde: On est comme tous le monde.

    Aujourd’hui 3 janvier 2019, nous, 27 retenus du centre de rétention (du batiment 2A) se sont mis en grève de la faim pour demander la libération tout de suite de tout le monde.
    Nous savons que d’autres enfermés dans au moins un autre batiment sont eux aussi en grève de la faim (il parait au moins une quinzaine).

    On a tous une histoire différente, qu’on soit travailleur, étudiant depuis peu en france ou vivant ici depuis presque 20 ans.. Et on a tous le droit de vivre ici, où on a nos attaches. Mais nous sommes enfermés dans ce centre de rétention.

    Si on s’est mis aujourd’hui en grève de la faim c’est aussi pour dénoncer tout ce qui se passe dans cette prison.
    Ces derniers jours il y a eu beaucoup de vols cachés et violents. Des anciens d’ici nous on raconté qu’il y a plusieurs années la police, ici, était déjà violente.
    Il y a eu des copains tabassés puis déportés en étant casqué, bailloné et scotché. Il y a eu des copains drogués qui se sont reveillés de retour dans un pays où ils ne connaissaient plus grand monde.
    Les policiers ne respectent la loi que quand c’est contre nous, même quand légalement on devrait être libéré souvent le juge n’en a rien a foutre et la police te déporte quand même.

    La police comme toujours elle s’en fout, et l’état français aide. Si l’état n’était pas d’accord et si les biznesman faisaient pas d’argent tout ça ne marcherait pas.
    Ce centre de rétention, il est sale, les toilettes et les douches elles sont dégueulasse. La bouffe, elle est immonde.

    Nous revendiquons:

    – La libération de tous les prisonniers
    – Etre respecte et traiter dignement, on est pas des chiens.
    – La fermeture de ce CRA, qui a des gros problèmes d’hygiènes.
    – Le respect de l’égalité entre tous le monde
    – La fin des violences policières
    – La fin des vols cachés et violents
    – De la bonne nourriture
    – Un véritable accès au soin

    Si on s’est mis en grève de la faim, c’est parce que quand on est allé voir les assos pour se plaindre on nous a dit qu’y avait rien a faire.

    Nous allons continuer notre grève demain et les prochains jours nous appelons un maximum de monde a nous soutenir dehors. On en a marre d’être traiter comme des chiens !

    Les retenus du batiment 2 A
    03/01/2019

     

  • Communiqué : l’AP refuse de déférer l’Infâme pour son procès du 13 novembre

     


    Communiqué de l’Infâme

     

    Bonjour à tous, pour ceux qui ne me connaissent pas je m’appelle l’Infâme. Pour ceux qui me connaissent vous m’avez déjà entendu parler à la radio. J’ai fait une prise d’otage en 2016 à la centrale de Réau. Pour un peu expliquer le pourquoi du comment, avec deux collègues, on s’est rebellés contre les mauvais traitements, les coups, les insultes de l’administration pénitentiaire. On s’est senti contraint de faire une prise d’otage pour laquelle on a pris 5 ans chacun.

    Moi j’étais à titre personnel convoqué au civil le 13 novembre 2018 au tribunal de Melun pour les dommages et intérêts à verser aux matons retenus en otages. On m’a informé il y a quelques jours que je ne serai pas là-bas car l’administration pénitentiaire refuse de me déférer pour l’audience. Ils disent ne pas avoir reçu les ordres de transfert nécessaires, ce qui est impossible car je les ai moi-même reçus Pour moi, ça fait parti de l’acharnement judiciaire général dont je fais l’objet. Étant absent, je risque d’être condamné par défaut. À tout cela, je m’y refuse.

    Quand je m’engage à être présent pour leur faire face et leur dire que je refuse de subir ce qu’il me font subir, et que vous vous engagez à venir en soutien, ça me fait chaud au coeur. Mais moi on m’empêche d’être présent. Je voulais m’excuser auprès de tous mes soutiens qui auraient lu le communiqué sur le site de l’envolée, ou qui m’auraient entendus à la radio et toutes les personnes que j’ai pu toucher par mon histoire, car je vous ai sollicité pour vous déplacer, alors que moi-même on m’empêche de me déplacer. Même si mon absence n’est pas de ma faute, je leur dis merci. Le poing levé très haut, on lâche pas l’affaire, comme je dis toujours, c’est nous contre eux, pas nous contre nous.

    Je compte refuser la visio-conférence demain et quoi qu’il arrive, je ferai appel de la décision et j’espère qu’on pourra se retrouver au moment de l’audience de cet appel.

    Force et honneur !

    L’infâme

  • Communiqué de l’Infâme : appel à son procès du 13 novembre 2018

     


    Communiqué de l’Infâme
    Appel à soutien pour son procès

     

    CONDAMNE A L’AVANCE POUR L’EXEMPLE

    Pour dire non à la connerie humaine

    Soutien à Karim au TGI de Melun

    Le mardi 13 novembre 2018 à 9h30 salle C

    Venez nombreux et nombreuses

    Certains de ceux et celles qui me connaissent m’appellent l’Infâme, d’autres m’appellent Boubou, ou encore Papier. Pour d’autres, ceux qui ne me connaissent pas, c’est Karim. Mais pour les tribunaux, mon nom est synonyme de haine, de rage, et de combat perpétuel. Ce sont les sentiments qui m’animent lorsqu’on me parle de la prison et des cons qui s’y trouvent. Qu’ils soient surveillants ou détenus. Je vais passer devant le juge pour que l’on me fasse verser des dommages et intérêts que j’estime totalement indus. Ces dommages et intérêts me seront apparemment donnés pour un montant afin de faire de moi un exemple. A cela je m’y refuse totalement sans me battre, même si sincèrement je n’ai aucun doute sur le fait que je vais me faire allumer.

    Il m’a fallu faire une prise d’otage. Ce qui a fait passer des heures pénibles aux agents impliqués. Ce qui est malheureusement tout à fait logique et que je peux comprendre. Car ne plus avoir de dignité en se faisant dessus juste parce que j’avais selon lui, un regard belliqueux, qui sentait la mort. Donc selon le ressenti du surveillant au moment où, en pleurant, assis sur sa chaise, il nous a dit tout simplement, ‘j’ai peur’. Mais comme on le dit chez moi, c’est pas une fois que t’as chié dans ton froc qu’il faut serrer les fesses, garçon ! Des mois durant, j’ai subi des coups et blessures venant des surveillants et des chefs de Réau. Réau la centrale. La centrale pénitentiaire de Réau. J’en ai subi des violences : les insultes de ces mêmes agents, une lourde agression qui a eu lieu au quartier disciplinaire afin de me tuer et qui m’a provoqué un AVC, des missions punitives en service de nuit, et j’en passe.

    Je n’ai jamais prétendu être un ange, loin de là. J’aspire juste à un minimum de respect, des conditions de détention acceptables, vu que jamais de la vie, ni dans ce monde, ni dans l’autre, nous n’aurons ne serait-ce qu’une fois en France une prison qui soit « humainement viable ». Faire mon temps et sortir le plus rapidement possible. Voilà ce à quoi j’aspire. Mais à croire qu’à l’intérieur, y a toujours et encore et toujours la pénitentiaire pour nous détruire la vie. J’ai décidé une nouvelle fois de dire non.

    J’ai besoin de votre soutien, à vous qui vous bougez pour moi, pour nous aider, nous détenus, ainsi qu’à toutes celles et ceux qui en entendant mon histoire auraient envie de se mobiliser pour me soutenir. A toutes celles et ceux qui se sentent impliqués, je leur dis un grand merci à vous.

    Je ne suis pas un voyou ni quelqu’un de très connu du milieu ou encore un caïd. Je suis juste un jeune trou du cul de 35 ans, respectueux et calme, si tant est qu’on m’apporte le minimum de respect qu’un être humain doit avoir, ou plutôt a le devoir d’avoir de plein droit. Et je suis aussi ce genre de mec qui n’aime pas qu’on le fasse chier, qu’on le malmène gratuitement, sur lequel on peut se défouler en toute impunité. Et pour rétablir la balance, à hauteur de combien ils me punissent, ou pour protéger ma vie, celles de ma famille, de mes amis, de ma femme, que tout le monde sache – qu’il soit surveillant, détenu, directeur de prison, ou toute autre personne liée à cette catégorie de gens – que je serai, même si je devais être seul contre tous, celui qui sera toujours là pour leur faire barrière, tout le temps que j’en aurai la force, que ce soit intelligemment ou alors par des actions violentes. Puisque malheureusement je n’ai pas le choix. Je l’ai dit et toujours dit, c’est nous contre eux.

    Alors mesdames et messieurs, j’espère que vous viendrez tous nombreux, et merci à toutes celles et ceux qui font s’élever ma voix, Rendez-vous le 13 novembre 2018 pour faire la guerre cette fois ci avec le cerveau et non pas avec les bras.

    Venez comme soutien. Merci à vous tous.

     

  • « Vive le syndicat PRP et à bas tous les mitards ! » repas de soutien dimanche 8 juillet à midi

    « C’est l’été, mais rien ne change vraiment… »

    Vous vous dites : « Et merde, ça ressemble au début d’un édito -plus ou moins réussi- de l’Envolée… »

    Ben oui mais c’est  vrai quand même ; tous les ans, tout le monde dans ce drôle de pays s’arrête en pensant que tout s’arrête aussi… mais c’est pas vrai : le gouvernement  -quel qu’il soit d’ailleurs – en profite toujours pour allonger un petit paquet de lois biens sales supplémentaires, pendant qu’on regarde le tour de France ou les enfants jouer dans la pistoche.

    Non rien ne s’arrête ! Et pour les prisonniers et prisonnières c’est une très très sale période : pas de vacances, pas de mer, juste de la chaleur à en crever et les rapports qui se tendent en cellule !

    Alors pour y penser un peu ensemble, et continuer à agir, on vous donne RDV ce dimanche 8 juillet à la cantine des Pyrénées ; à 12h30, on se retrouve pour manger et boire un coup en soutien aux amies du Syndicat PRP qui se bagarrent pour faire sortir des informations des détentions et protéger les prisonniers qui en font la demande.

    Et puis ce sera aussi l’occasion de découvrir en avant première -on voit que vous êtes vraiment en chien- le tout dernier numéro du journal, le number 49, tout entier consacré au mitard suite à ce qui s’est passé à celui de la MA de Seysses en avril-mai dernier.

    Un numéro d’été qui ne raconte pas seulement le désespoir et l’horreur de cette prison dans la prison, mais aussi les bagarre qu’il a toujours suscité et qu’il suscitera toujours, le trou.

    RDV dimanche dans ce chouette lieu de la cantine des Pyrénées, pour gueuler ensemble :

    « A bas tous les mitards ! Vive le syndicat PRP ! »

  • « Rien n’a changé à Seysses », un nouveau communiqué de prisonniers

    « Rien n’a changé à Seysses », un nouveau communiqué de prisonniers

    Le samedi 14 avril 2018, J. est mort au mitard de la prison de Seysses. Il aurait été retrouvé pendu par les surveillants au moment de la distribution du repas du soir. Le 20 avril, nous relayions un communiqué envoyé par des prisonniers de cette maison d’arrêt au Syndicat pour la Protection et le Respect des Prisonniers (Syndicat PRP) avec qui nous travaillons étroitement et en qui nous plaçons une totale confiance. Ce communiqué remettait en cause la version officielle et affirmait que J. est mort suite à un déferlement de violence des matons à son encontre. Il témoignait des terribles conditions de détention à Seysses, en particulier au quartier disciplinaire.
    Ce même samedi 14 avril, un prisonnier s’est suicidé à Seysses, il est mort deux jours plus tard. Depuis ces deux morts, la direction a transféré ceux qu’elle jugeait responsable du mouvement qu’ont mené des centaines de prisonniers pendant plusieurs jours et les témoins du tabassage de J. ont subi des pressions.
    Un mois plus tard, le syndicat PRP reçoit un nouveau communiqué de prisonniers de la maison d’arrêt qui dénonce le climat de peur qui règne à la maison d’arrêt et la gestion de la détention par des surveillants brutaux et une direction complice. Ils nous en disent plus sur les circonstances dans lesquelles le jeune homme s’est donné la mort le 14 avril et relatent une nouvelle tentative de suicide dans cette prison sous pression.
    Nous reproduisons ici ce nouveau communiqué et assurons les prisonniers de notre solidarité. Nous restons extrêmement vigilants quant au sort qui leur fait. Merci de le relayer le plus largement possible.

     


    Rien n’a changé à Seysses


    Maison d’Arrêt de Seysses, le 12 mai 2018.

    Dans notre précédent communiqué du 20 avril 2018, on dénonçait ce que tout le monde sait à la prison de Seysses : J., retrouvé mort au mitard le samedi 14 avril 2018, ne s’est pas pendu. Il a été battu à mort par l’équipe de surveillants responsables du quartier disciplinaire. Le même jour, un prisonnier a fait une tentative de suicide au SMPR (l’hôpital de la prison) et il est mort deux jours plus tard. Depuis, on en a appris plus sur lui en parlant entre nous. C’était un jeune marocain sans-papiers d’une vingtaine d’années qui ne posait pas de problèmes. Il avait acheté du cannabis à d’autres prisonniers et il leur devait de l’argent. C’est pour ça qu’il a été mis à l’amende dans la cour de promenade. Il a été emmené au SMPR pour être soigné. Il réclamait de voir un psychiatre, on lui a refusé, alors il s’est ouvert les veines. Des témoins l’ont très bien entendu crier qu’il venait de se couper. C’était un appel à l’aide, il était à bout, et on l’a laissé se vider de son sang. Il n’avait pas de famille en France donc tout le monde s’en foutait. Mais il ne voulait pas mourir, il était juste en détresse. C’est la prison qui est responsable, avec les surveillants et les infirmiers.

    Depuis la mort de ces deux prisonniers, rien n’a changé à la maison d’arrêt. La direction a transféré ceux d’entre nous qu’elle jugeait responsables du mouvement qui a duré plusieurs jours (on a été jusqu’à 200 à refuser de remonter de promenade pour protester, on a fait une banderole, on criait « matons assassins » aux fenêtres) et les témoins directs du tabassage de J. qui a provoqué son décès ont subi des pressions. Mais l’équipe de matons qu’on appelle entre nous « l’escadron de la mort » est toujours là et tourne encore au mitard.

    Ce matin, un autre prisonnier a tenté de se pendre à la maison d’arrêt côté condamnés. L’après-midi, il devait passer devant le prétoire. C’est le tribunal interne à la prison qui juge les prisonniers accusés d’avoir provoqué des incidents en détention. Le prétoire peut décider de mesures disciplinaires, et le plus souvent c’est un placement au mitard. Le prisonnier avait très peur d’y aller vu comment ça se passe là bas : des brimades, des insultes, des coups et parfois même la mort comme on le racontait dans notre premier communiqué. Alors il s’est passé la corde au cou au moment de la gamelle du matin. Heureusement, les infirmiers ont réussi à le réanimer, mais des témoins ont entendu le major qui disait devant le mec qui n’était même pas encore décroché : « il nous fait toujours le même cinéma, celui-là ». Pour eux, une tentative de suicide c’est du cinéma ! Le lendemain de la mort de J., on a entendu le même major qui menaçait un prisonnier qui tapait dans sa porte, en lui disant : « Le dernier qui a fait ça, il a fini dans un sac ! »

    On est emprisonné par des gens qui sont inhumains. Comment peut-on supporter que ceux qui dirigent la détention se moquent de nos appels à l’aide, des tentatives de suicide et des morts dont ils sont responsables ? On a parfois l’impression d’être dans un cauchemar. Il y a des prisonniers ici qui sont juste en attente d’un jugement, qui ne sont même pas encore jugés coupables. Et il y en a d’autres qui ont été condamnés et qui acceptent de faire leur peine, mais on ne peut pas accepter d’être traités comme du bétail ! On a l’impression d’être rejugés chaque jour par les surveillants et les chefs. On le voit dans les regards, les paroles, les gestes… Ils nous déshumanisent, on est juste des numéros pour eux. Ils veulent nous faire comprendre qu’ils ont tout le pouvoir, qu’ils sont comme une mafia à l’intérieur. Ils peuvent tout se permettre, ils n’ont rien à craindre parce qu’ils sont toujours couverts. Ils dirigent tout par la peur. Un major peut même nous menacer de mort parce qu’on tape dans une porte pour réclamer quelque chose !

    Tout ce qu’on demande, c’est d’être traités comme des êtres humains. De faire notre temps en prison sans craindre pour notre vie, sans subir en permanence les humiliations et les violences des surveillants. Ici, il n’y a aucun respect de la dignité, aucune déontologie, tout est fait contre les prisonniers. On dirait aussi qu’ils font tout pour que ça se passe mal entre nous, en mettant ensemble en cellule des gens qui n’ont rien à voir ou en enfermant des gens qui n’ont rien à faire en prison, qui devraient être soignés : des malades, des mecs qui ont des troubles psychiatriques parfois très graves. On craint pour notre santé, on craint même pour notre vie, alors qu’on devrait juste patienter avant notre sortie. L’État s’en fout, on est juste des numéros à gérer, et ça arrange bien les surveillants sadiques qui se passent les nerfs sur nous.

    La situation est explosive ici, et c’est aussi en grande partie à cause de la juge d’application des peines (JAP) et le Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) qui se charge des conditionnelles. Il y a très peu d’aménagements de peines, les remises de peine et les grâces sont trop peu accordées, on est de plus en plus à faire notre peine quasiment pleine. Il n’est pas rare que le procureur fasse tomber des vieux sursis peu de temps avant la sortie pour qu’on reste enfermés. A croire qu’ils veulent nous garder le plus longtemps possible, et rien n’est fait pour la réinsertion. La loi Taubira était censée « vider les prisons » en facilitant les conditionnelles et les peines alternatives, mais c’est comme si elle n’était pas arrivée jusque Seysses. On est tous sous pression, et rien ne nous encourage à montrer des signes de réinsertion, de travailler, de se tenir à carreaux, puisqu’on sait que rien n’est fait en échange pour nous laisser sortir.

    Il faudrait qu’on nous explique comment J. a pu se pendre alors qu’il était à poil au mitard. Il n’était pas suicidaire, on le sait tous ici. Et il n’avait ni drap, ni couverture dans sa cellule. Pour éviter qu’il s’accroche, soi-disant, on lui a seulement laissé un pyjama en papier…. Leur version officielle ne tient pas debout.

    Nous réclamons la vérité sur ce qui s’est passé pour J.

    Nous réclamons que l’équipe de surveillants responsable de sa mort soit suspendue.

    Nous dénonçons les transferts disciplinaires et les pressions exercés sur les témoins. Nous exigeons de ne pas être condamnés à des nouvelles peines chaque jour par ceux qui devraient juste nous surveiller et assurer notre intégrité physique et morale.

    Nous exigeons de ne pas être enfermés avec des gens qui n’ont rien à faire en prison et qui peuvent menacer notre sécurité.

    Nous exigeons d’être traités dignement, comme des êtres humains.

    Nous nous associons à la peine des familles et sommes prêts à témoigner si elles nous le demandent.

    Des prisonniers de la maison d’arrêt de Seysses.

  • Lu ailleurs : « Combattre la répression dans les prisons »

    Lu ailleurs : « Combattre la répression dans les prisons »

    Le 1er mars dernier a paru sur Paris Lutte Infos un texte signé « Des proches de prisonniers et prisonnier.e.s » qui revient sur une tribune publiée par des proches d’Antonin Bernanos, et qui le disait frappé par une répression féroce dû à ses prises de positions politiques. Nous reproduisons ici ce texte, non pour entrer dans une quelconque polémique, mais parce que nous souscrivons à une bonne part de ce qui y est dit. Tous les prisonniers sont politiques.

     

    « Dans les prisons, le quotidien n’est que répression. A travers l’enfermement ou l’arbitraire de ses décisions, l’administration pénitentiaire harcèle et violente les prisonnier-e-s et leurs proches. Il est temps de combattre cette sordide banalité.

    Il y a encore quelques jours était publié un texte des proches d’Antonin Bernanos dans lequel elles/ils expliquaient les conditions intolérables d’enfermement qu’il subit. Samedi dernier, lors d’un événement organisé par le collectif libérons-les, Geneviève Bernanos, la mère d’Antonin, expliquait qu’Antonin vivait une situation similaire à l’ensemble des prisonnier-e-s de France. C’est ce que nous souhaitons rappeler à travers ce texte : ce sont soixante-dix mille prisonnier-e-s en plus de leurs proches qui souffrent aujourd’hui de ces mêmes conditions inhumaines. Pour faire en sorte que les mécanismes répressifs dans les prisons françaises ne soient pas passés sous silence et encourager à lutter contre la prison dans son ensemble.

    Soyons clair, ce que subit Antonin est intolérable : que ce soit l’enfermement, l’interdiction de communiquer avec l’extérieur, les transferts, les changements de cellule ou encore leur fouille punitive. Ce qui gêne dans ces textes, ce ne sont pas ce qu’ils combattent – nous aussi souhaitons voir les prisons en feu ainsi que le système de contrôle social qu’elles portent – mais la manière dont est présenté l’intolérable quotidien des prisons françaises qui semble devenir une mesure d’exception réservé à un militant qui a été médiatisé. Mais ce n’est pas le cas, ce qui est raconté est bien l’atroce banalité des prisons.

    Les mesures subies ne sont pas exceptionnelles et ne sont pas réservées à un prisonnier qui tient un discours politique depuis l’intérieur des murs. Présenter ces mesures de la sorte revient à nier la répression quotidienne des matons et cette répression n’est pas plus tolérable lorsqu’elle touche d’autres formes d’insoumission à l’arbitraire carcérale.

    Il semble donc nécessaire de rappeler les banalités intolérables des prisons françaises ; avec l’espoir que ce rappel mobilisera pour la lutte anti-carcérale et étendra les solidarités envers tou-te-s les prisonnier-e-s et leurs proches.

    Non, en France, un-e prisonnier-e n’a pas le droit de parler. Sa parole est contrôlée par l’administration pénitentiaire : les matons lisent l’ensemble de sa correspondance et ne se prive pas de la censurer ou d’arrêter un coup de fils lorsqu’ils considèrent que cela est dangereux (par exemple : hier, mon codétenu s’est fait défoncé par les matons, j’ai peur pour ma gueu.Biiiippp… Biiiippp… Biiiippp…). Savez-vous que l’administration pénitentiaire a le droit de refuser qu’un détenu s’exprime à visage découvert dans un documentaire ? Comme cela a été le cas pour le documentaire Le déménagement interdit de diffusion à la télévision durant deux ans car sa réalisatrice a refusé de flouter des personnes qui souhaitaient s’exprimer face caméra.

    Oui, les fouilles de cellule sont utilisées comme punition. Tous les matons de France savent qu’il y a des téléphones et du shit dans la grande majorité des cellules (surtout que bien souvent ça leur permet d’arrondir leur fin de mois). Surtout, c’est une épée de Damoclès suspendue au-dessus de tou-te-s les détenu-e-s. Il suffit qu’un maton se dise « aujourd’hui, c’est lui que je veux faire chier », il fait une fouille de cellule et peut envoyer n’importe qui au mitard (le mitard, c’est la prison dans la prison – tu es seul.e en cellule tous les meubles sont soudés au sol, le matelas est parfois enlevé la journée, tu n’as le droit qu’à une radio, tabac, bouquin, stylo et papier).
    Lorsque un.e prisonnier.e montre publiquement qu’il.elle a accès à des choses illégales en prison, l’Administration Pénitentiare ne laisse pas passer. Ce n’est pas une question de discours politique… Bibi-craveur qui a filmé un clip de rap en détention, les boys de Villepinte qui font un mannequin challenge… BigUp à tous de forcer ces espaces de liberté que ce soit pour une prise de parole politique pour Antonin, artistique pour Bibi-craveur, ou juste un délire pour les gars de Villepinte. Surtout qu’on sait que vous avez mangé derrière.

    Oui, les « décisions de gestion des établissements » sont des attaques supplémentaires. Une fois qu’un-e prisonnier-e a passé les murs de la prison, l’Administration Pénitentiaire a les pleins pouvoirs sur son devenir. Arbitrairement, elle peut décider des changements de cellule, de régime de détention, et même de prison. Par ces mesures, elle tente de briser les liens qui existent entre les prisonnier-e-s et avec l’extérieur, et les solidarités qui pourraient se construire. C’est aussi utilisé comme un moyen de pression afin de calmer les révoltes, avec par exemple des retours en régime fermé (22h/24 enfermé en cellule) alors qu’on bénéficiait de portes ouvertes à l’étage. Enfin, les transferts de prison éreintent les proches qui doivent toujours s’adapter aux bornes en plus et subir les retards des nouveaux permis de visite.

    Non, il n’y a pas de courrier complétement secret en détention. Normalement, les correspondances avec les avocats, les juges, les autorités administratives indépendantes (contrôleur général des lieux de privation de liberté et défenseur des droits) ne peuvent être ouvertes. Mais souvent, des « erreurs » sont commises… Chacun sait que ce ne sont pas des erreurs mais bien des ouvertures illégales de courrier. Aucun maton ne sera réprimandé ou rendu responsable de ces formalités illégales, comme pour les faux en écriture des policiers.

    Oui, les familles et proches de détenu-e-s subissent aussi l’incarcération. En effet, pour faire des demandes de parloir c’est la croix et la bannière. Les dossiers incomplets sont refusés. Le juge d’instruction ou la direction de la prison peuvent décider comme bon leur semble de refuser à une personne un parloir. Ils n’ont même pas besoin de justifier leur refus. Des recours administratifs peuvent être réalisés, mais ces derniers sont long et aboutissent assez rarement. Il arrive d’obtenir la décision d’un appel de refus de parloir, plusieurs mois après. Parfois même, la personne est sortie. Alors imaginez le processus d’une demande de parloir lorsque les proches n’ont pas de papiers, lorsqu’ils ne parlent pas français, …

    Tout ce que nous venons de décrire est intolérable et est subi par l’ensemble des soixante-dix mille prisonnier-e-s de France. Nous n’avons décrit ici qu’une petite partie des attaques de l’administration pénitentiaire contre les enfermé-e-s. Nous n’avons pas, non plus, développé le rôle social de la prison qui est de dompter les pauvres.

    Les réactions, à l’extérieur, existent (rassemblement devant Fleury pendant la grève des matons à la suite de l’appel de l’intérieur, manif à Montreuil Occupons les maisons, détruisons les prisons et autres…) mais restent peu nombreuses. Surtout, il semble que le quotidien carcéral ou le rôle social de la taule dans le monde capitaliste intéressent peu les militants, ou seulement lorsqu’un camarade est touché. L’objectif n’est pas ici d’en faire le procès, mais bien le constat, pour qu’enfin nous réagissions !

    Ne laissons pas les soixante-dix mille prisonniers et prisonnières de France seuls.
    Feu à la taule. Liberté pour toutes et tous.

    Des proches de prisonniers et prisonnières. »

    P.-S.
    Pour s’informer sur les prisons :
    Des émissions de radio : L’Envolée et Ras les murs
    Des bouquins : Foucault / Wacquant / Rouillan / Hafed
    Des films : Sur les toits / Faites sortir l’accusé / A l’ombre de la République
    Portails internet : Carcéropolis / prison insider
    Guide à l’usage des proches des personnes incarcérées