Catégorie : Lettres

  • Lettre d’Emma

    Lettre d’Emma

    AU CPF DE RENNES IL EST MONNAIE COURANTE POUR LES DETENUES DE SUBIR DES AGRESSIONS DE LA PART DES SURVEILLANTES

    Lettre d’Emma, lue à l’antenne le 18 Septembre 2020

    Je m’appelle Emma, je suis transgenre, J’ai été détenue au centre pénitentiaire des femmes de Rennes, entre décembre 2018 et août 2020 où j’ai subi des violences répétées par le personnel pénitentiaire, la direction et les détenues.

    En décembre 2018 j’arrive au centre de détention des femmes de Rennes, où je suis intégrée à la maison d’arrêt de Rennes ; mon entrée a débuté par une fouille au corps avec palpation, Quand je suis arrivée je ne me sentais pas bien, on ne m’a pas donné mes hormones comme il se doit, car le docteur S a refusé pour des raisons qui la concernent. Elle m’a appelé Monsieur en plein rendez-vous.

    En janvier 2019 et février 2019, Monsieur B, directeur de la prison des femmes de Rennes s’est permis, de m’insulter en donnant son avis sur mes organes génitaux, à la suite de quoi j’ai été mise au quartier disciplinaire, ainsi qu’au quartier d’isolement pour une période totale de 8 mois, car Monsieur le directeur m’a dit très frontalement qu’il pensait que j’avais un sexe masculin.

    Sans mes hormones, ma transformation était compliquée psychologiquement et physiquement, d’autant qu’en isolement on est maltraitée : violences et brimades par les surveillantes, pas le droit de sortir, pas le droit aux activités, c’était ce qu’ils appelaient le « régime de contrôle ».

    La seule activité à peu près autorisée était le sport, pour toute autre activité il fallait demander l’accord du chef de détention. Les femmes qui se retrouvent en isolement perdent leur travail ou ne peuvent pas travailler, je suis restée un an et demi sans travail à cause des refus répétés du Directeur de la prison. J’ai passé ma détention entre quartier disciplinaire et isolement et de temps à autre au centre de détention quand le personnel ne trouvait plus de motif à me mettre à l’isolement Je tiens à vous préciser que j’ai vu plusieurs filles aller en isolement à la demande du directeur du centre pénitentiaire des femmes de Rennes ou sur simple décision du chef de détention, et cela m’est arrivé à la fin de ma détention au sein du CPF, sans motif valable. En ce qui concerne les violences, après une tentative de suicide, j’ai été mise à l’isolement ce qui a généré chez moi une incompréhension mêlée à un sentiment d’injustice devant cet abus d’autorité. En tant que personne fragile cela était compliqué pour moi de rester enfermée 24 heures sur 24, dans une cellule de 7,35 m².

    Au régime régime d’isolement, les douches sont très peu nettoyées ; quand on me donnait à manger c’était dans de l’aluminium.

    En mai 2020, je me suis énervée contre les surveillantes qui avaient eu des remarques déplacées sur ma transidentité. Je leur ai dit qu’elles avaient un délire de persécution, elles m’ont alors plaquée au sol à plusieurs, deux hommes étaient présents, l’un des deux m’a tiré par les cheveux en me disant « tu aimes bien le quartier disciplinaire ». Il m’a fait très mal, ils ont utilisé une prise d’étranglement, je ne pouvais plus bouger, j’étais paralysée et je ne pouvais plus respirer. J’avais la main en sang car les plaies de ma tentative de suicide s’étaient rouvertes dans la bagarre. La surveillante m’a donné un coup de poubelle métallique sur la figure. J’ai encore à ce jour deux crans à la tête, qui témoignent de la force qu’elle a mise à ce geste ; à ce jour j’ai encore des pertes d’équilibre dues à cette bagarre.

    J’ai été obligée de passer une I.R.M. cérébrale pour suspicion de traumatisme et j’ai été jugée par le tribunal correctionnel de Rouen, qui n’a pas reconnu la violence que j’ai subie. J’ai été condamnée à sept mois d’emprisonnement avec sursis, dont trois ferme, avec un suivi de deux ans, obligation de soins et obligation de travail.

    Je souhaite à ce jour déposer plainte contre les 8 surveillant.e.s, dont la surveillante qui m’a frappée avec la poubelle métallique pour tentative d’homicide sur personne vulnérable.

    Au CPF de Rennes il est monnaie courante pour les détenues de subir des agressions de la part des surveillantes lorsqu’elles sont dans des lieux à l’abri du regard des autres. J’ai été visée par 38 compte rendus d’incident : de la part des surveillantes qui se sont senties insultées si je leur répondais ou bien par des détenues qui me calomniaient, l’une d’elles a même déposé plainte contre moi pour des faits qui ne se sont jamais produits.

    Juste après sa prise de fonctions la nouvelle directrice s’est permise de m’insulter en pleine commission de discipline devant l’avocat, et les assesseurs avant de me mettre au quartier disciplinaire pendant 20 jours. Je connais une détenue qui est à l’isolement, à répétition depuis au moins janvier 2019. La prison est vétuste, l’eau est calcaire, les douches ne sont pas nettoyées, les sols non plus, surtout dans les couloirs, et cela ne change pas même en temps de Covid 19. Les détenues ne portent pas de masque et n’ont pas accès à du gel hydroalcoolique, les activités sont réduites.

  • Lettre de Carla

    Lettre de Carla

    ON EST PAS LIBRE QUAND ON EST PRIVE-E DE SA VIE

    Lettre lue à l’antenne le 4 Septembre 2020

    Salut !

    Après 536 jours de cavale, j’ai été arrêtée le 26 juillet dernier près de Saint-Étienne. J’ai vécu l’arrestation comme la première représentation d’une scène répétée mille fois dans ma tête, ou plutôt 536 fois… Tout m’a semblé se passer au ralenti : les keufs cagoulés qui me braquent avec leurs fusils, me mettent à terre et me demandent ce nom que j’ai si souvent tu ces derniers temps. Ça m’a fait un drôle d’effet de le prononcer.

    J’ai ensuite été amenée à Paris par la SDAT, quatre heures de trajet menottée dans le dos en compagnie de leurs cagoules. Ils m’ont bandé les yeux sur les derniers kilomètres qui nous séparaient de leurs locaux de Levallois-Perret. Ce sont eux qui m’ont conduite au tribunal le surlendemain de l’arrestation, puis à la prison de Fresnes.

    Lors de l’audience, j’ai accepté sans hésiter l’extradition. J’avais suivi avec attention les évènements autour de l’arrestation de Vincenzo Vecchi (que je salue au passage), il avait pour sa part refusé, s’offrant une chance de rester libre en France. Pour moi le choix se résume à attendre le procès en France ou en Italie, où se trouvent les autres inculpé-es de l’opération Scintilla, tou-tes libres à l’exception de Silvia, encore soumise à un contrôle judiciaire.

    Il semble que ces derniers temps, l’exécution par mandat d’arrêt européen et l’extradition qui en découle, soient devenues de simples formalités pour la justice européenne. Nous l’avons vu récemment en Italie à plusieurs reprises, mais aussi à l’occasion de la répression qui a suivie les émeutes de Hambourg ou bien en Grèce et en Espagne. Les polices européennes affinent leurs armes et leurs collaborations semblent se faire plus étroites, s’échangeant tuyaux et services. Dès lors, il me semble qu’il nous appartient de nous pencher sur la question et d’en étudier les mécanismes.

    Je découvre la prison au temps du coronavirus , la quatorzaine réglementaire au quartier des arrivantes, le masque lors de tous les déplacement, y compris la promenade pour cette durée, la suspension de toutes les activités, la cellule 22 heures sur 24.

    Au terme de ma quatorzaine, et à la veille de la date programmée de mon extradition, les autres arrivantes et moi avons été placées à l’isolement sanitaire au motif que nous avions partagé une promenade avec une nouvelle arrivante qui s’est révélée infectée. Des tests ne nous ont été proposés qu’une fois ce cas avéré, ils sont depuis la règle pour toute nouvelle arrivante. À nous on avait initialement dit qu’on ne pouvait tout de même pas tester tout le monde. Sans surprise, il semble que l’administration pénitentiaire (AP) ait un train de retard.

    Au printemps, les mesures prises par l’AP en réaction à l’arrivée du coronavirus ont porté à des situations de mutineries, de révoltes et de solidarité. Malheureusement, ici en tous cas, il semble que vivre avec le virus est devenu la norme, et la crainte qu’une nouvelle arrivante puisse amener le virus se double de celle de se voir suspendre les parloirs, comme le cela a été notre cas cette semaine. Les maigres compensations qu’avaient octroyées l’AP sous forme de crédit téléphonique au printemps ne sont plus d’actualité, tant un groupe d’arrivantes isolées ne fait pas le poids au regard des fortes mobilisations de mars dernier.

    J’attends de nouveau l’extradition d’un jour à l’autre, et je sais qu’un troisième isolement sanitaire me sera probablement réservé à mon arrivée en Italie. Je profite des témoignages de solidarité qui me rejoignent aujourd’hui après tant de silence. Malgré les publications sur le thème, qui sont précieuses, on considère encore trop souvent la cavale comme une aventure romantique et on pense souvent aux compagnon-nes concerné-es comme libre. Au cours de cette année et demi, je n’ai jamais manqué de solidarité et d’un soutien chaleureux, je n’ai manqué de rien, mais on est pas libre quand on est privé-e de sa vie.

    J’aurais voulu être dans la rue avec mes compagnon-nes lors des manifestations en réaction à l’expulsion de l’Asilo, j’ai accompagné par la pensée la grève de la faim de Silvia, Anna et Natascia, j’ai pensé tous les jours aux compagnon-nes arrêté-es par vagues successives. J’aurais voulu être aux côtés de ma famille quand elle a traversé des moments difficiles et avoir de leurs nouvelles quand tou-tes nous étions confiné-es. Aujourd’hui je me tiens prête et déterminée à affronter les prochains mois, mais mes pensées vont à celles et ceux qui sont encore sur les routes, souvent loin des personnes qui leur sont chères. J’espère que leur route sera aussi longue qu’ils et elles le souhaitent, et que les rencontres qu’ils et elles font leurs apportent la chaleur qu’illes méritent et l’énergie pour continuer à lutter.

    Carla

    Pour lui écrire :

    Carla Tubeuf
    casa circondariale di Vigevano Centralino
    via Gravellona 240
    27029 Vigevano (PV)

  • Lettre ouverte de l’Infâme

    Lettre ouverte de l’Infâme

    QUAND UN DETENU ARRIVE ICI, C’EST LE « TERMINUS »

    Centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil,
    Le 11 août 2020, 4h20 du mat’

    Coucou les loulous,

    Eh ouais, l’Infâme est de retour ! coucou ! salut l’équipe ! j’vous écris car comme vous le savez, j’ai été transféré à Vendin-le-Vieil, au motif qu’il fallait, soit-disant, « faire de la place » au QD de Lannemezan ! j’étais normalement prévu pour intégrer initialement la centrale de Poissy qui, sous peu, va devenir un centre de détention. Mais … à Lannemezan, ils m’ont dégagé de là-bas pour m’envoyer dans ce mouroir à ciel ouvert où nous sommes traités comme des bêtes sauvages ! Ce que je ne peux accepter ! Car, en plus, ça me prive de tout espoir de réinsertion ! Si j’avais intégré Poissy, pour faire court, j’aurais pu sortir en conditionnelle entre 2021 et 2022. Sauf qu’en étant détenu en centrale, et restant sous le statut de détenu en centrale, tout ceci s’évapore d’un claquement de doigts ! Vu que les reliquats ne sont plus les mêmes ! Et donc, en restant détenu centrale, je ne peux pas espérer sortir en conditionnelle avant 2027 voire 2028.

    C’est fou, c’est pourquoi je pousse un coup de gueule contre ces enfoirés qui m’ont niqué mon projet de sortie et de réinsertion, et je crie par la même haut et fort que Vendin est une prison où règne l’hypocrisie et la provoc’ ; ainsi que le sentiment que quand un détenu arrive ici, c’est le « terminus ». Ce qui ne présage donc rien de positif ! Je le ressens, ça ! Je vous le confirme ! C’est la merde ici, de fou ! Le week-end dernier, en deux jours on m’a privé trois fois de repas ! Gratuitement, par pure méchanceté. On a accès à la téléphonie en cellule, à Vendin. En détention ordinaire, les détenus ont accès à la téléphonie en cellule 24h/24, 7 jours sur 7 et à 365 jours par an. Mais ici, à l’isolement (je suis encore isolé vu que je suis isolé ministériel), l’ensemble des détenus au QI (peu importe leur statut, DPS ou non, calmes ou non)  est privé de la téléphonie dans les termes qui devraient être les mêmes partout. On a des heures qui nous sont imposées, et des coupures entre midi et 14 heures et le soir à partir de 18 heures. c’est inadmissible ! en faisant ainsi, vu que c’est une mesure qu’a prise M. Vernet, le chef d’établissement, on peut très facilement dire, que le directeur, sans motif qui le justifie, viole un des plus fondamentaux de nos droits : le maintien des liens familiaux. Je ne peux pas accepter ça ! C’est illégal, ce qu’il nous fait !

    Chacun de nos mouvements doit se faire menottés ; même à Lannemezan, j’ai jamais eu de mesure de gestion menotté. Même pour un truc basique : la prise des repas. Si, au moment du repas, on ne veut pas être menottés (pour ne pas, tout simplement, ressentir ce sentiment d’être rabaissé au rang de bête sauvage), eh bien, ils ne nous ouvrent pas la porte, ni ne nous donnent notre repas à travers la trappe passe-menottes. Tout simplement, ils n’ouvrent pas la cellule, referment la trappe passe-menotte, et ils se cassent ! Te privant ainsi de repas ! Une telle gestion m’est insupportable, elle est révoltante ! Mais à croire que ça ne révolte que moi ici ! et … C’est donc pour toutes ces choses mises bout à bout que depuis lundi, je me suis mis en grève de la faim ! Pour contester, et advienne que pourra. Je conteste dans le calme. Mais bon, je ne me fais pas d’illusions, je suis quasi certain que rien ne va changer. C’est l’impression que j’en ai. On verra bien. Dans le calme … pour le moment. On verra ensuite. Sinon, hormis tout ça, ça va ! j’essaie de tenir le coup … mais c’est dur dans un tel contexte ! mais, pour le moment, je tiens, c’est le principal. C’était donc mon coup de gueule face à toute cette injustice qui m’est faite gratuitement.

    Je termine cet écrit, comme d’habitude, en ayant une pensée pour toutes les nanas incarcérées, donc enfermées. Tenez le coup, les filles. Force et courage à vous toutes, vous êtes des lionnes. Tenez bon ! Tout comme j’adresse une pensée à tous les gros, les bonhommes enfermés, et qui ne se laissent pas faire face à l’injustice et à l’adversité ! Courage, tenez bon les gars ! On les aura … à l’usure, mais on les aura quand même.

    Force et courage à vous

    Enfin, merci à l’équipe de l’Envolée de faire entendre nos voix et ma voix. Continuez à nous soutenir, on a besoin de gens tels que vous. Big-up à vous aussi, et courage à tous et toutes les détenus !

    L’infâme

  • «VOUS L’AVEZ LAISSÉ BRÛLER !»

    «VOUS L’AVEZ LAISSÉ BRÛLER !»

     Réactions à la mort de Khaled en cellule à Villepinte le 23 juin 2020.
    #LaPrisonTue

    Avec plus de 1 000 prisonniers entassés dans une prison de 587 « places », la maison d’arrêt de Villepinte en Seine-St-Denis est l’une des plus surpeuplées de France.
    Khaled, un prisonnier de 28 ans, est mort mardi soir dans l’incendie de sa cellule. Ses codétenus dénoncent une « bavure », soulignant que les matons ont tardé à intervenir en toute connaissance de cause. Ce n’est pas la première fois que l’administration pénitentiaire laisse crever quelqu’un dans sa cellule sans rien faire, loin de là : dernièrement, le 19 octobre et le 14 novembre 2019, deux prisonniers de la prison de la Santé sont ainsi morts brûlés dans leurs cellules ; les pompiers avaient mis plus de trois heures à intervenir. Sur les réseaux, beaucoup de prisonniers ont réagi à la mort de Khaled pour lui rendre hommage, raconter ce qui s’est vraiment passé et crier leur rage contre la prison, qui tue.

    Voici un témoignage trouvé sur Snapchat, légèrement condensé :

    « Je tenais à revenir sur la bavure de Villepinte – oui, j’ai bien dit une bavure. Equipe de nuit : une dizaine de [bip] de matons avec un [bip] de bricard… « personnel réduit » ! Toute cette putain d’équipe se tape des beuveries toute la nuit… Ils entendent une alarme : un des matons décide d’aller voir, prend son temps pour monter, va vers la cellule et voit la fumée, mais il ne peut pas ouvrir la porte car il n’a pas les clés : la nuit, seul ce [bip] de bricard les a. Le temps qu’il retourne voir le bricard et que tous ces [bip] agissent, trente minutes, voire plus, se sont écoulées entre le déclenchement de l’alarme et leur arrivée sur les lieux… C’est horrible. Trop dur, je trouve pas les mots. Combien de détenus et de détenues sont partis malgré eux grâce à ce système pénitentiaire et toutes leurs casquettes… Faites attention, vous êtes aucunement intouchables ; bande de [bip] de matons, vous l’avez laissé brûler ! Les nom et prénom de chaque membre de l’équipe de nuit, comment j’aimerais les avoir ! C’est impossible qu’ils s’en sortent avec un accident, c’est une bavure tellement répétée… »

    Un autre message sorti de Villepinte raconte plus en détail ce qui s’est passé et signale que plusieurs prisonniers intoxiqués par les fumées ont annoncé qu’ils allaient porter plainte contre les matons. Nous le résumons ici :

    « La fouille, à la base, c’était pas pour lui, c’était pour un autre. Ils sont passés à l’œilleton, ils sont venus et ils ont foutu le zbeul. Le mec, il s’est ouvert le ventre – les bras, en fait – en disant : « Regarde, je vais me tuer ! » Il s’est coupé, et puis il a mis le feu en disant : « Venez, venez ! », et ils voulaient pas venir… et le chef de détention, il s’est arraché – parce qu’il était là pour mener toutes ces fouilles. Il était là, et il l’a entendu ; je l’ai vu. Dès qu’ils ont fini de fouiller la cellule, le feu a éclaté. Le chef est revenu vers 21 heures, genre en jean-tee-shirt comme s’il n’était pas là avant, comme s’il n’était pas au courant de ce qui s’était passé. Mais en vrai, ils savent : ils peuvent bien vérifier les caméras. »

    Un appel à bloquer les promenades samedi a commencé à tourner sur les réseaux :

    « Blocage de promenade dans toutes les prisons de France pour manifester contre la mort de Khaled laissé brûler dans sa cellule samedi 27 juin ! PARTAGEZ LES FREROTS »

    Une cagnotte a été lancée pour soutenir les proches de Khaled :
    www.cotizup.com/pour-jesuiskhaled

  • A force d’être trop tôt pour eux, ça finira par être trop tard pour moi ! par Philippe Lalouel prisonnier longue-peine

    A force d’être trop tôt pour eux, ça finira par être trop tard pour moi ! par Philippe Lalouel prisonnier longue-peine

    Bonjour à tous et toutes,

    Nous venons vous dire, avec ma femme, que nous sommes solidaires des détenu.es qui sont emprisonné.es et en particulier ceux et celles qui ont des problèmes de santé. Tout comme moi.

    Aujourd’hui, ce Covid19 nous met nous les prisonnier.es malades particulièrement en danger. Face à cet attentat gouvernemental, nous demandons des suspensions de peine qui sont toujours refusées. A croire que cette loi de suspension de peine pour raison médicale n’existe pas ! En 34 ans, j’en ai vu des prisonniers partir à l’hosto la veille de crever ! Et j’en ai vu des épidémies ravager les prisons !

    A cause du Covi19, je suis, comme d’autres, dans l’impossibilité aujourd’hui de faire mes contrôles et bilans à l’hôpital car après chaque sortie, chaque examen, je devrais passer 14 jours en isolement dans une cellule du quartier arrivant. Autant dire que j’y passerais ma vie.

    Avec cette logique absurde, il faudrait mettre tout le monde au quartier arrivant en permanence puisque nous sommes tous les jours en contact avec les surveillant.es qui rentrent et sortent tous les jours de la centrale !

    Pour ma part, je suis contaminé par le VIH depuis 34 ans suite à une transfusion de sang contaminé après avoir été blessé par balle par la police dans les années 1980. Mon parcours carcéral a été catastrophique à cause du VIH : apprenant ma contamination en prison je me suis évadé deux fois pour ne pas crever en prison ; et j’ai repris des années. Cela m’a couté 34 ans de vie !

    Je me suis évadé pour ne pas crever en taule. Ca ne plait pas aux juges et aux juges d’application des peines que je dise cela. Ils disent que je me « comporte en victime ». J’assume mes responsabilité bien sûr : depuis 34 ans je n’ai connu la liberté que quelques mois pour cela. Mais on ne peut pas balayer la maladie d’un revers de main. Ni balayer les raisons de cette maladie : un scandale sanitaire d’Etat qu’on a oublié aujourd’hui mais qui a fait des milliers de victimes. Personne ne peut l’affirmer mais ma vie aurait sans doute pris un autre chemin si l’on ne m’avait pas mis dans les veines un virus. A ce titre, oui, je suis une victime de l’Etat.

    Jusqu’à maintenant, ils n’ont pas voulu l’entendre : tant que je me tiens debout, tant que je répète que j’ai été contaminé et que mon parcours carcéral est lié à ça, c’est que je ne suis pas prêt à sortir ; que c’est « trop tôt ».

    Mais à force d’être trop tôt pour eux, cela finira par être trop tard pour moi !

    Victime enfermée du VIH je ne veux pas être une victime enfermée du Covid19 !

    Je dois passer en commission d’application des peines le 17 juin 2020. Je vais répéter ce que j’écris ici. J’ai passé ma vie en prison en partie à cause d’un virus ; je me suis évadé pour ne pas qu’il me tue en prison. Aujourd’hui, je ne veux pas qu’un autre virus me tue en prison. Pas question que je parte comme ça après 34 ans ! Si c’était le cas, la justice et l’AP en porteront la responsabilité et devront en assumer les conséquences. Je suis conditionnable, ma compagne m’attend, mes ami.es m’attendent pour que nous vivions quelques années communes de liberté. Alors qu’on me laisse sortir et vivre… un peu !

    Sur ces quelques lignes nous vous souhaitons force courage et détermination.

    La loi c’est eux, Lalouel c’est moi !

    Philippe Lalouel, Centrale de Lannemezan, 30 mai 2020.

    Faites sortir l’accusé, est un film documentaire sorti en 2017 et écrit avec Philippe Lalouel depuis sa cellule de prison centrale ; ce film retrace sa vie et le combat mené aux assises entre 2012 et 2014 pour réduire sa peine infinie. Il est disponible ici. Le DVD comprend un lien de téléchargement et un livret des mémoires écrites par Philippe. Le film est envoyé gratuitement aux prisonniers et proches qui en font la demande.

  • 26 lettres contre la prison

    26 lettres contre la prison

    « Ça ne valait pas la peine, mais ça valait le coup », le livre florilège d’Hafed Benotman, co-inventeur de L’Envolée, était déjà gratuit pour les prisonniers et prisonnières qui en font la demande (et il l’est toujours). Nous vous en offrons aujourd’hui le pdf complet ainsi que le disque qui l’accompagne.

     

    Pour télécharger le PDF du livre, cliquez là : Ça ne valait pas la peine mais ça valait le coup – Hafed Benotman

    Pour télécharger le zip du disque CD en MP3 haute qualité, c’est par là : Quelques pistes contre la prison (2001-2014)

     

  • Interview de Nabil, enfermé à La Talaudière

    Interview de Nabil, enfermé à La Talaudière

    « c’est toujours un risque de parler comme ça, publiquement. […] J’aimerais bien que les gens dehors, ils comprennent que les détenus, si ils parlent pas trop, c’est parce que c’est dangereux pour eux. C’est pas un acte anodin. »

    lu à l’antenne le 14 Mai 2020

    Nabil : Il me semble que dans toutes les prisons de France, en fait, c’est la même chose. Y’a plus de parloirs. Pour aller à l’infirmerie, ou juste pour la joindre, c’est un peu compliqué, c’est même très compliqué car il n’y a que quelques jours où les médecins sont présents, du coup, bien sûr, les détenus ils n’ont pas accès aux soins qu’ils devraient avoir.

    Elsa : Encore pire que d’habitude ?

    N : D’habitude, y a quand même au moins des consultations médecin à peu près tous les jours, et là c’est pas du tout le cas.
    Donc là, en fait, c’est la sortie du confinement et on ne sais toujours pas si les activités vont reprendre, si le scolaire va reprendre, si la bibliothèque sera ouverte… Parce qu’ils ont même fermé la bibliothèque, pendant tout le temps du confinement ! Même si on a pu entendre dans certaines émissions qu’il y a avait toujours un accès à la bibliothèque, c’est pas vrai, nous ici en tous cas on n’en a pas. Ils ont mis apparemment des cloisons aux parloirs, pour la reprise des parloirs, ils ont mis des espèces de vitres en plexiglas, je les ai pas vu, mais bon, on m’a dit ça.

    E : Pour les mettre entre les familles et le prisonniers ?

    N : Exactement. Et bon, les surveillants ils ne portent pas de gants, la plupart ils ne portent pas de masques, certains oui et d’autres non. J’ai un peu l’impression, en fait, que certains surveillants n’en ont rien à foutre, de toute manière. C’est pas dans leurs préoccupations, de savoir si on va tomber malade ou pas. Je sais pas si, ici, il y a des gens qui ont eu le Covid ou non, parce qu’il y a plusieurs bâtiments, et comme c’est fait, en fait, on ne peut pas forcément voir tout le monde. Par exemple, si y a eu des arrivants, on ne les vois pas. On peut pas voir ceux qui sont dans ce qu’on appelle « le petit quartier », et eux, on ne les vois jamais et on n’a jamais de contacts avec eux. Moi, j’suis dans le bâtiment des travailleurs, ici en tous cas personne n’est tombé malade. J’imagine qu’il y en a eu, mais moi j’en ai pas entendu parler, ils ne l’ont pas ébruité en tous cas.

    E: Ça créée du stress pour les prisonniers ?

    N : Oui, et notamment, surtout, pour les parloirs quoi. Parce que les gens ils ne voient plus leurs proches, donc forcément ça stresse un peu tout le monde, de ne pas pouvoir avoir un contact avec des gens de l’extérieur. Malgré qu’ils nous aient mis une cabine téléphonique en cellule (là, en fait, ils ont mis des cabines dans chaque cellule) juste après le début du confinement. Mais les échanges par téléphone, c’est pas les mêmes que quand on a les personnes directement, devant nous. C’est pas du tout la même chose. Et puis, imaginez bien que de toute manière, y a plein de gens qui font leurs petits trafics, tout ça, qu’ils peuvent pas faire, et puis même pour le linge, par exemple, sortir ou ramener du linge, bah c’est pas possible… Y a moyen quand même de se le faire laver, mais les détenus en général ils préfèrent les donner à leur famille plutôt que de le donner à la détention, parce que des fois il est perdu, des fois il est peut-être volé même, ou déchiré quand il revient, ou alors il est encore sale quand il revient… donc oui ça peut faire des conflits. En plus ici y a eu quelques conflits liés aux cantines parce que pendant le confinement il n’y avait pas tous les articles disponibles, notamment en nourriture, du coup souvent ils nous mettaient « rupture de stock ». Il faut savoir qu’ici on ne peut cantiner que toutes les trois semaines notre nourriture, en fait quand on fait notre dépôt de compte-cantine on attend trois semaine pour avoir nos cantines. Ce qui fait que, quand on attend trois semaines, on nous dit que y en a pas parce qu’il y a rupture de stock et qu’on doit attendre trois semaines de plus, forcément ça créée des tensions, des problématiques avec les surveillants – parce que de tout manière on ne peut parler qu’avec eux, et ne leur reprocher qu’à eux. Oui, y a eu quelques tensions !

    E : Au tout début, je crois que c’était au tout début du confinement, dans les médias locaux ça a parlé de protestations, dans la prison…

    N : Bah en fait c’est pas vrai ! Il y a eu un mouvement, mais qui n’était pas un mouvement de protestation vis-à-vis du confinement. Il y a eu un mouvement de contestation contre les conditions de détention générales, mais ça, c’est régulier à La Talaudière depuis quelques mois, où il y a toujours des conflits entre l’administration et des détenus, qui refusent de remonter de promenade. Même, il y a un mur qui sépare deux cours de promenades, à plusieurs reprises il a été cassé, le grillage aussi, qui a été cassé à plusieurs reprises.
    Mais ça c’était déjà avant, ça avait déjà commencé avant le confinement. Les gens, ici… Ici il y a presque pas de travail, y a pas d’activités, les cours de promenade ont été réduites quelques années en arrière, donc elles sont plus petites, bah forcément les détenus ils aimeraient retrouver leur grande promenade, on avait deux grandes cours on se retrouve avec deux petites… Et aussi il y a des surveillants qui jouent le rôle de la provocation tout le temps. Donc ça aussi ça a favorisé le fait qu’il y ait des mouvements. Et puis il n’y a pas assez de transferts vers les centres de détention, y a plein de gens qui attendent depuis cinq ans, qui sont encore en maison d’arrêt, qui ne peuvent toujours pas accéder au centre de détention, ce qui est un problème quand t’a une longue peine.

    E : La ministre a parlé de faire sortir plein de gens de prison à cause de la crise du Covid, toi tu a vu des gens sortir ?

    N : Les gens qu’on a vu sortir, c’est les gens qui devaient sortir. Qui ne devaient pas avoir de RPS, de remise de peine supplémentaire, bah là, comme de par hasard, on les leur a donné quand même. C’est à dire qu’ils ne répondaient pas aux conditions, ils n’allaient ni au scolaire, ni ils travaillaient, ils ne faisaient aucun effort, de, comme ils aiment bien le dire, « de réinsertion ». Là, ils ont pu avoir les RPS mais c’est tout. C’est tout, y a pas eu plus que ça. Franchement, ça ne s’est pas ressenti en détention. Y a que là, depuis une semaine, qu’on a senti un petit souffle, dans la prison. Et seulement dans le bâtiment dans lequel je suis, c’est parce que y a beaucoup de gens qui sont partis en transfert, à Roanne. Donc là, ça a libéré quelques places en cellule. Donc il y a des gens qui se retrouvent tout seuls en cellule ; mais sinon, en vrai, il n’y a pas beaucoup de gens qui ont pu sortir. De tout manière, les aménagements de peine ils ont été bloqués pendant tout le confinement, il n’y a pas de gens qui ont pu en faire, enfin très peu, et ce très peu, c’est ceux qui en avaient fait, bien avant, et qu’ils attendaient déjà leur réponse. Mais ça reste des gens, en fin de peine, qui leur reste pas grand chose à faire, trois mois à tout casser. On a vu des gens rentrer par contre.

    E : Beaucoup ?

    N : Pas mal quand même, ouais. J’ai pas l’impression que le confinement a changé bien grand chose sur les entrées en prison. Pour moi c’est toujours la même chose, y a toujours autant d’entrées, ça veut dire, je sais pas moi, quinze à vingt personnes par semaine qui doivent rentrer à peu près. Mais non, j’ai pas vu beaucoup de gens sortir en tous cas. En tous cas, ceux que je fréquente, que je vois depuis longtemps ici, je les vois pas sortir.

    E : Quelque chose à ajouter ?

    N : Non, pas vraiment. Ah, si ! Que c’est toujours un risque de parler comme ça, publiquement. Et que moi, sur mes dernières détentions, j’ai subi de plein fouet de parler publiquement de ce qu’il se passait en détention. Et ça m’a coûté l’isolement, beaucoup de mitard, beaucoup de pressions de la part des surveillants, tout ça. Là, je ne sais pas si j’aurais des pressions ou non, et en vrai, j’en ai rien à foutre. Mais, je le dis parce que j’aimerais bien que les gens dehors, ils comprennent que les détenus, si ils parlent pas trop, c’est parce que c’est dangereux pour eux. C’est pas un acte anodin. Souvent, j’entends des gens dire « ils se plaignent pas beaucoup », « ils disent rien », ceci cela… Oui, mais en fait, si ils disent rien, c’est aussi qu’ils ont peur pour eux, pour leur sortie, pour savoir s’ils vont obtenir leurs aménagements, si il ne vont pas subir les assauts de l’administration pénitentiaire ou des transferts très loin de chez eux… Alors voilà, c’est un truc que je voulais dire quand même.

    E : C’est pour ça qu’on peut te remercier de nous donner des nouvelles, envoyé spécial malgré toi ! Et à tous ceux qui le font, déjà, big up ! À tous ceux qui font ça, c’est un sacré risque.

    N: J’tiens à dire aussi aux détenus qui peuvent le faire, qui n’ont pas peur des pressions et tout, qu’ils doivent parler, et pas se laisser faire. Ils doivent agir, par tous les moyens qu’ils peuvent, en envoyant des courriers, ou en téléphonant à des radios ou à des journaux ou n’importe quoi, mais en tous cas qu’ils se laissent pas abattre, qu’ils se disent pas que c’est fichu, qu’on peut rien faire. Non, y a toujours moyen de faire quelque chose !

  • Témoignage d’un prisonnier du CRA de Lille

    Témoignage d’un prisonnier du CRA de Lille

    TOUS LES JOURS ILS DECIDENT DE CHANGER LES REGLES

    lu à l’antenne le 5 Mai 2020

    Hier je suis passé au juge mais ils m’ont refusé. J’ai été à l’hôpital, je me suis coupé parce que j’étais trop énervé. Ils m’ont ramené à l’hôpital psychiatrique. J’ai vu la psy. Le psy m’a donné 15 trucs de médicaments mais moi j’ai pas besoin de médicaments. Et après ils m’ont ramené au CRA.

    Ca fait 6 jours qu’on mange mais eux ils s’en foutent. On est trois bâtiments de musulmans qui font le ramadan et maintenant ils lavent plus qu’une fois par semaine le vendredi.

    On est presque 16 maintenant, avec les gens arrivés de Paris et les nouvelles entrées. Et dans tout le centre presque 50. Tous les jours ils ramènent des gens.

    Dans le bâtiment on a fait la grève à 11 pendant 6 jours. Mais ils répondent pas.

    Comme y a pas de parloirs on peut pas faire rentrer à manger, et la famille quand elle vient ils ont le droit de rien ramener.

    Moi perso ils peuvent pas m’expulser, ils restent encore 30 jours. Je vais repasser devant le juge. Maintenant c’est comme la prison depuis que c’est 90 jours. Ici ils donnent plein de médicaments à tout le monde c’est vraiment la galère.

    Ils nous ont dit : «Vous inquietez pas le mardi et le jeudi on pourra ramener à manger ». Mais ils laissent rentrer que des petits gateaux alors on a décidé de refuser de manger et tout. Parce que nos familles elles viennent de Lille, Paris ou Marseille.

    Tous les jours ils décident de changer les règles. Et nous on doit s’adapter.

    Eux ce qu’ils veulent c’est qu’on tape un flic ou qu’on brule une cellule qu’ils puissent nous envoyer en prison. C’est ça qu’ils veulent.

    Pour le moment c’est tout le bâtiment F qui est en grève de la faim. Mais on a appelé les autres bâtiments à faire comme nous et à arrêter de manger. Cette semaine ils ont expulsé des personnes vers la Roumanie. Mais nous on peut pas nous expulser parce que la frontière elle est fermée. Je comprends plus rien. Si je deviens fou c’est à cause d’eux. Après tu me ramènes à l’hôpital et tu dis que je suis fou ! Mais en fait c’est normal que je devienne fou, un juge me dit « Ramène tel papier, tu seras libre » Je le ramène et on me dit « Ah il faut ramener un autre papier ». Depuis que je suis ici j’ai dépensé tout mon argent en tabac, parce que quand t’achètes du tabac il faut partager.

  • Lettre de Seb à Metz

    Lettre de Seb à Metz

    C’EST HUMILIANT ET INSUPPORTABLE DE VIVRE COMME CA

    lue à l’antenne le 6 Mai 2020

    Salut à tous et toutes à L’Envolée,

    Pour vous expliquer c’est quoi, ça consiste à me retrouver complètement paralysé, ou partiellement selon les crises : je peux ne pas pouvoir bouger mes pieds, où, en général, tout mon corps est immobilisé, il n’y a que les muscles de mon visage qui répondent faiblement. Autrement dit, j’arrive que à parler. Depuis peu, on me donne enfin 3 gélules de potassium par jour, donc 600 mg, ce qui n’est pas beaucoup, en tous cas pas suffisant parce qu’on ne sait pas du tout ce que j’ai, et que ça continue. En fait, on ne sait pas d’où ça vient, et ça m’est arrivé plusieurs fois : une fois quand j’étais dehors (j’étais un grand consommateur de cocaïne de provenance louche et on m’avait dit que ça devait être lié, alors le médecin n’avait pas fait d’analyses plus poussées) mais depuis que je suis rentré je ne consomme pas de cocaïne alors ça ne peux pas être la raison de la suite des crises : il y en a eu deux où j’étais complètement paralysé, le 22 février, et vendredi dernier, le 1er mai, mais là ils ont tout fait pour ne pas m’hospitaliser à nouveau.

    J’ai enfin vu un médecin de l’UCSA lundi, qui m’a dit qu’elle allait essayer de trouver la cause de mes paralysies en me faisant hospitaliser à la prison-hôpital de Nancy. Moi, ça me va, plutôt que d’avoir la pression de me lever paralysé à chaque fois que je m’endort dans ma cellule, surtout vu ce que les surveillants se sont déjà permis de faire quand c’est arrivé les dernières fois.

    Je vous raconte : la première fois que j’ai fait une crise « totale » en prison, le 22 février, c’était donc au réveil. J’ai été réveillé à 5h40 par le surveillant qui passait à l’œilleton, et j’ai voulu lui faire signe mais en fait j’ai réalisé que j’étais paralysé et je suis tombé de mon lit. À 7 heures, quand un autre surveillant est passé, il a ouvert la porte et m’a trouvé la tête sous le lit, position dans laquelle j’étais (mal) tombé, par terre, coincé la tête et le haut du corps sous le lit, paralysé. J’ai appelé à l’aide mais il a juste rigolé, m’a appelé par mon nom de famille, a fait des blagues sur le fait que je faisais du ménage sous mon lit (il ne voyait que mes jambes) et a refermé la porte. J’avais mis mon réveil à sonner pour que ça fasse du bruit et qu’ils finissent par rentrer pour se rendre compte que j’étais coincé et en galère. Mais ils ont dit que tant que ça sonnait c’était que « ça allait ». Un gradé est aussi passé, qui a affirmé que je « jouais la comédie », j’ai eu beau réclamer qu’ils appellent le médical, ils n’ont rien fait. J’ai dû attendre de sept heures du matin à 13h30 pour qu’ils appellent enfin le médical, qui a appelé le SAMU, et j’ai été hospitalisé. Les intervenants du SAMU ont pris ma défense, leur a dit que je n’avais aucun intérêt à simuler cela et qu’ils avaient mis ma vie en danger.

    La deuxième fois, vendredi, j’ai du attendre trois heures pour être pris en charge, et mon codétenu a du me faire boire comme un bébé vu que je n’arrive pas à bouger du tout à ces moments-là. Bref, c’est humiliant et insupportable de vivre ça, et la pression, elle existe aussi pour mon codétenu.

    Bon, en plus, j’ai un kyste au cerveau, il paraît que c’était bénin en 2016 mais depuis aucun examen n’a été fait et j’en ai aussi réclamé. J’avais même un rendez-vous mais le jour de mon rendez-vous chez le neurologue, juste avant le confinement, on me prévient à 8 heures que je dois être extrait à 10h pour y aller. J’attends 45mn dans la cage à poule, et finalement ils m’annoncent qu’il n’y a pas d’escorte qui peux m’y amener et je rate donc le rendez-vous…. Depuis, j’ai appris que les matons avaient fait un rapport comme quoi j’aurais refusé l’extraction et que je refuse donc de me soigner ! Je l’ai appris à l’UCSA, bref, c’est abusé.

    Je vous tiendrais au courant de ce qu’il se passe pour moi par la suite, Force aux malades en prison, ils ont pas le droit de nous traiter comme ça, il faut en parler !

    Seb, prisonnier à Metz

  • Revendications et actions collectives des prisonniers du CP de Borgo, le 21 avril 2020 : libérations, aménagements et permissions.

    Revendications et actions collectives des prisonniers du CP de Borgo, le 21 avril 2020 : libérations, aménagements et permissions.

    Alors que la ministre des prisons et des tribunaux fait beaucoup de bruit autour des quelques libérations que ces services ont consenti, les prisonnier.es rongent leur frein : il n’y a ni mesures de protection, ni libérations massives. Face à cette situation des prisonniers protestent et s’organisent. Ceux de la prison de Borgo (Corse) ont décidé de refuser leur plateau à compter du mardi 21 avril. Nous relayons, leurs revendications et souhaitons lui donner le plus d’échos possible.


    Monsieur le directeur,

    Nous, détenus du centre pénitentiaire de Borgo, vous informons qu’à compter du mardi 21 avril 2020, nous refusons la distribution des plateaux repas pour un délai indéterminé.

    Cette action est menée en contestation des faits suivants :

    Prolongement des détentions provisoires de façon abusive et illégale

    Refus de libération des mandats de dépôts arrivants à termes

    Refus systématique des demandes de mise en liberté provisoire

    Suspension des permissions

    Suspension des aménagements de peine (prétexte : manque d’agent pour l’installation d’équipement)

    et, Refus de la libération des détenus à risque pathologique COVID-19

    Nous refusons que, sous prétexte d’un décret non conforme aux lois Européennes (qui doivent toujours prévaloir), et par respect à la présomption d’innocence, cela nous soit imposé.

    Les détenus du CP de Borgo.