L’administration pénitentiaire n’aime pas la lumière ; le corporatisme y fonctionne à plein régime pour cacher ce que l’on nommerait poliment des bavures si elles n’étaient pas structurelles. Nous nous permettons de penser que les diverses plaintes que M. Merlet actuellement détenu au CD de Nantes a déposé contre des membres de l’administration pénitentiaire pour des faits de violences sont la cause de son maintien en détention, et d’un certain acharnement de cette administration et de celle de la justice à son encontre.

L’Envolée est saisie par la famille et des amis de M. Jean-Christophe
Merlet non seulement pour dénoncer la situation sanitaire dans
laquelle il est maintenu mais aussi pour rendre publics les
agissements de membres de l’administration pénitentiaire et du
ministère de la Justice.

Alors qu’il est handicapé et souffre de diverses pathologies sévères
(respiratoires et neurologiques), alors qu’il est coincé dans un
fauteuil roulant qu’il a de plus en plus de mal à actionner, alors que
son état a été jugé incompatible avec un maintien en détention depuis
2017 (rapport médical à l’appui), alors qu’il est conditionnable
depuis 2016, Jean-Christophe Merlet est actuellement incarcéré au CD
de Nantes, dans des conditions inadmissibles. Une première requête
en suspension de peine pour raison médicale déposée en mai 2017 a été
refusée en juillet… 2019.

Depuis plusieurs mois déjà, une nouvelle requête en suspension de
peine a été déposée sur le bureau de la juge d’application des peines,
Mme Briand.
La semaine dernière, l’avocate de M. Merlet a eu la bonne
surprise d’apprendre qu’un nouveau passage en commission d’application
des peines était prévu pour ce mercredi 6 mai. Nous nous réjouissons
de cette soudaine accélération…

Malheureusement, notre joie s’arrête là. En effet, Mme Briand,
profitant d’une procédure permise par la LOI n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, a prévu
que la commission se tienne « hors débat contradictoire »,
c’est-à-dire sans la présence de M. Merlet. Notons au passage, d’une
part, que de très nombreux avocats ont déjà déposé des recours pour
contester ce qui constitue  « une atteinte manifeste aux droits de
l’accusé et à ceux de la défense » ; et d’autre part, que tous les JAP
de France ne procèdent pas de la sorte. Il s’agit donc d’un choix
délibéré de Mme Briand de ne pas avoir à entendre de la bouche de M.
Merlet la description de son quotidien en détention :
fauteuil-lit-fauteuil-lit-lavabo-fauteuil-lit, 24h/24 en cellule.
Rappelons encore une fois que M. Merlet ne dispose ni d’une cellule
adaptée à son handicap (donc pas de douche possible), ni d’un suivi
médical par l’UCSA (Unité de consultation et de soin ambulatoire) en
rapport avec son état ; ni d’aucune aide pour se déplacer alors que
ses membres sont gagnés par la paralysie.

Mais surtout, en procédant de la sorte – une commission sans M. Merlet
–, Mme la JAP et M. le procureur de la République n’auront pas à
entendre ce que J.C. Merlet ne cesse de répéter depuis quatre ans, et
qui a donné lieu aux diverses plaintes qu’il a déposées 
; plaintes
qui, comme souvent dans ce genre d’affaires, semblent rester lettre
morte. Puisque personne au sein des institutions judiciaire et
pénitentiaire ne veut entendre ce que M. Merlet dénonce, nous nous
devons de le rendre largement public aujourd’hui.

Le 26 août 2016, à la centrale de Saint-Martin-de-Ré, M. Merlet se
fait tabasser par une équipe de surveillants
particulièrement violents
et clairement identifiés au sein de la pénitentiaire et au-delà (Cf.
le documentaire « A l’ombre de la République », de Stéphane Mercurio).

Ce passage à tabac est en grande partie responsable de l’état de santé
dans lequel il se trouve.

Ce passage à tabac est survenu quelques semaines après que M. Sambaly Diabaté, un autre prisonnier de la centrale de St-Martin-de-Ré, a trouvé la mort entre les mains de certains surveillants. Le 9 août
2016, M. Merlet avait assisté au début des violences qui ont abouti à
la mort de M. Diabaté.

La famille de M. Diabaté s’est portée partie civile et la plainte est
en cours. Une reconstitution de l’affaire a eu lieu en janvier 2020
alors même que tous les témoins n’ont pas été entendus. C’est
notamment le cas de M. Merlet, qui aimerait être entendu sur ces faits
pour aider à établir la vérité sur la mort de M. Diabaté.

Le 18 mai 2017, M. Merlet porte plainte à son tour pour « violence en
réunion commise par du personnel pénitentiaire » contre trois
surveillants pour le tabassage qu’il a subi fin août 2016
. Deux ans
plus tard, le 6 août 2019, voyant que sa plainte n’avance pas, il
porte plainte
pour des faits de menaces et de dissimulation d’actes
graves – aussi bien les violences qu’il a subi, que la mort de M.
Diabaté –, contre une juge d’application des peines de La Rochelle,
Mme. Gratacos, contre la vice-procureure de La Rochelle Mme. Ahras, et contre Mme Manaud Bénazéraf, directrice de la centrale de Saint-Martin-de-Ré au moment des faits.

Dans le cadre de l’instruction de ces plaintes, nous savons qu’au
moins une personne n’a pas été entendue : un agent de l’administration
pénitentiaire en poste à Saint-Martin-de-Ré à l’époque,
démissionnaire depuis, que M. Merlet cite comme témoin des agissements
de la direction à son égard.

Entretemps, au sein même de l’AP, la mort de M. Diabaté à eu de
notables effets 
dont le quotidien Sud ouest a fait état dans de
nombreux articles : « Un rapport de l’inspection des services
pénitentiaires rendu à l’automne 2016 ainsi que différents témoignages
pointent divers dysfonctionnements et mettent en cause 10 ou 12
personnes, y compris des membres de l’encadrement alors en poste à la
centrale de Saint-Martin-de-Ré.
 » Un mois plus tard, le 1er décembre
2016, un surveillant se donne la mort alors qu’il a été convoqué en
vue d’une possible mise en examen.  « Un autre surveillant dont la
participation aux évènements du 9 août 2016 est attestée s’est
également donné la mort en avril 2017.
 » En décembre 2017, un
troisième surveillant « également impliqué dans les évènements du 9
août » fait une tentative de suicide à la centrale de Saint-Martin-de-Ré.

Il faut rappeler, à toutes fins utiles, que la directrice qui était en
poste à St-Martin-de-Ré en 2016 – et contre laquelle M. Merlet a donc
porté plainte – n’est autre que l’actuelle directrice du CD de Nantes,
Mme. Manaud-Bénazéraf.
Par un mauvais concours de circonstances, elle
a pris la direction de cette prison quelques mois à peine après que
J.C. Merlet y ait été transféré début 2018. Avouez que c’est pas de
chance pour Jean-Christophe.

Il est effectivement compliqué de porter plainte contre la justice et
ses prisons. Nous savons que la plupart de ses affaires sont
étouffées.
Les plaintes contre des surveillants n’aboutissent que
rarement – notons ici la notable exception du 10 avril 2020, avec la
condamnation de 5 surveillants du CD de Val-de-Reuil… alors quand
elles impliquent des directeurs, des JAP, des procureurs, on y croit
encore moins.

A l’issue de la commission de mercredi, nous pouvons nous attendre à
ce que J.C. Merlet soit non pas libéré, mais plutôt transféré ou «
baluchonné » dans une autre prison pour tenter de l’isoler un peu
plus,
d’étouffer une nouvelle fois sa voix dérangeante en attendant
qu’il ait l’amabilité de crever au fond d’une cellule.

Soyons clairs : qu’on décrédibilise sa parole, qu’on brandisse sa
prétendue dangerosité (depuis son fauteuil !) ou qu’on prétexte un
quelconque manque au dossier, ça ne pourra désormais être compris que comme une ultime tentative pour le faire taire, le faire mourir entre les murs ; non pas pour la protection de la société mais pour la
protection d’une caste et des amitiés au sein d’une corporation.

De cette responsabilité, procureurs et juges d’application des peines
auront à répondre.

L’Envolée

« Lettre à Mme la ministre »

Vous pouvez lire ci-dessous des extraits d’une lettre adressée par des proches de J.C. Merlet à la ministre de tribunaux et des prisons le 01 mai 2020.

Madame la ministre,

Nous venons vers vous car nous sommes désespérés de la situation dans
laquelle se trouve M. Jean-Christophe Merlet, numéro d’écrou 66740,
incarcéré au CD de Nantes.

Il a été reconnu depuis mai 2017, inapte a la détention. Vu son état
de santé précaire, une demande de remise en liberté pour raison
médicale a été demandé par Maître de Oliveira. Cela fait plus d’un an,
on vient seulement d’apprendre que la juge d’application des peines
Mme Briand a prévu de juger cette demande le 6 mai 2020, en séance «
hors débat », donc sans la présence de M. Merlet, sous prétexte du
Covi19.

Va t il rester en prison malgré son problème de santé ?

Malheureusement oui, car depuis qu’il a porté plainte à plusieurs
reprises suite aux agressions qu’il a subit par 9 surveillants de la
centrale de St-Martin-de-Ré, et qui sont la cause de son handicap a
vie, l’affaire a été étouffée […].
M. Merlet a déposé plainte le 06 Aout 2019 contre la procureur Mme
Ahras, la juge et la directrice de détention Mme
Manaud-Bénazéraf afin de faire connaître la vérité […].
Tout ça parce que M. Merlet a été témoin des violences des
surveillants qui ont causés la mort de M. Sambaly Diabaté le 9 aout
2016, à la prison de St-Martin-de-Ré.
M. Merlet veut témoigner et demande que son témoignage soit entendu
afin que la vérité soit enfin dite a la famille de  M. Sambaly
Diabaté.
Madame la Ministre, nous aimerions savoir si c’est ça la justice? […]

Madame La Ministre la vie de cet homme est entre les mains de la
justice, j’espère simplement qu’il ne décédera pas en prison et que la
justice de ce pays fera le nécessaire pour que ses droits ne soient
pas bafoués.

Veuillez agréer Madame la Ministre nos salutations respectueuses,
Les amis de Mr Merlet

3 réponses sur “L’administration pénitentiaire et la justice auraient-elles intérêt à ce que M. Merlet meure en cellule ?

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