Soyons nombreux et nombreuses jeudi 2 juin au tribunal de Grenoble à 9 heures pour soutenir B.Ripert contre ses juges. Inscrivons cette solidarité dans le cadre du mouvement social en cours. #Toulemondedetestelajustice
Retour sur une escalade judiciaire
Notre ami l’avocat Bernard Ripert a été placé en garde à vue lundi 23 mai. En mode western : cinq voitures de police pour bloquer l’accès à son domicile, dix flics pour venir l’alpaguer l’arme au poing. Cinq en sécurisation dehors, cinq autres pour le menotter dans le dos et le tirer hors de chez lui. « Ça ne s’est pas bien passé. C’est inquiétant, cette façon de procéder », a déclaré son épouse. C’est même intolérable.
Bernard venait d’être inculpé le 13 mai pour « entrave à l’exercice de la justice » et « menace ou acte d’intimidation commis envers un magistrat en vue d’influencer son comportement dans l’exercice de ses fonctions », un délit passible de trois ans de prison et 45 000 euros d’amende. Il aurait eu « une attitude menaçante » vis-à-vis d’un magistrat de la cour d’appel de Grenoble qui avait statué sur le dossier de sanction disciplinaire dont il faisait l’objet. C’est pour cette énième accusation qu’il est placé en garde à vue.
Ils n’en sont pas restés là : en fin de journée, Bernard Ripert a été interné à l’hôpital psychiatrique de Bassens. « L’expert psychiatre a estimé qu’il s’agissait d’une personne présentant des troubles mentaux nécessitant son hospitalisation sous contrainte en structure psychiatrique », a déclaré Jean-Yves Coquillat, procureur de Grenoble. On a souvent pu lire dans le journal comment la pénitentiaire a recours à ce procédé pour écarter des prisonniers récalcitrants. L’internement de Bernard Ripert s’incrit aussi dans la grande tradition des régimes totalitaires qui éliminent les dissidents en les enfermant à vie dans des hôpitaux psychiatriques. La justice a décidé de le faire passer pour fou pour lui faire payer une vie de combat ; pour faire passer sa colère contre les injustices pour une pathologie et sa dignité pour de la paranoïa. Pour les gardiens de l’ordre, sa parole libre, son insoumission sont la preuve de sa folie.
Heureusement, ça ne pouvait pas tenir bien longtemps face à la détermination de Bernard qui s’est immédiatement mis en grève de la faim et à celle de ses proches, confrères et amis qui ont réussi à organiser immédiatement un rassemblement de soutien devant l’hôpital.
C’est le dernier acte – en date – de la campagne de persécution dont cet avocat fait l’objet de la part de l’institution judiciaire. Ca fait plusieurs années que la magistrature de Grenoble tente par tous les moyens de le radier du barreau : il gêne vraiment trop par son refus de la justice de classe, qui l’a mené à défendre aussi bien les militants politiques d’Action directe ou des Grapo que des prisonniers longues peines qui s’évadent comme Christophe Khider, parce qu’il considère que « tous les prisonniers sont des prisonniers politiques». Cela fait bientôt quarante ans que Bernard Ripert mène une guerre de position dans les cours d’assises contre les juges, procureurs et bâtonniers qui veulent aujourd’hui le voir au trou. Pourquoi ? Pour que les inculpés ne prennent pas les peines infinies que ces magistrats veulent leur coller :
« Comment accepter que les décrets de 1991 et 2005, portant sur l’organisation de notre profession et nos règlements intérieurs, nous obligent à plaider avec « délicatesse et modération » quand la liberté et même la vie de nos clients sont en jeu ? Trente ans de réclusion, perpétuité…. Est-ce de “la délicatesse” et de “la modération” ? » écrivait-il le 26 mars dernier à ses confrères.
Il n’a jamais cessé de rappeler qu’« au niveau pénal, la justice est utilisée comme un moyen d’épuration sociale d’abord, d’épuration ethnique, ensuite. On veut par l’intermédiaire de la justice éliminer une frange de plus en plus importante de la population, l’enfermer, la mettre hors jeu, hors circuit » En avril 2013, il déclarait lors du procès de l’évasion de Christophe Khider et Omar Top El Hadj de la centrale de Moulin-Yzeure : « On veut faire crever les prisonniers dans les prisons de France, et quand on veut faire crever quelqu’un, cette personne a un droit et même un devoir : le devoir de s’évader. »[Cf l’Envolée n°35]
Revenons sur l’escalade qui a conduit à son hospitalisation d’office. En 2014, il est suspendu pendant un an pour avoir énoncé quelques vérités :
« Dans le cadre d’une audience d’assises tendue, j’ai été condamné sur les seules dénonciations des avocats des parties civiles requis par le bâtonnier alors que ni le président de la cour d’assises, ni l’avocat général n’avaient rien à me reprocher. Le grief le plus grave était d’avoir traité le président « de tricheur et de menteur ». » (Lettre aux avocats)
Il reprend ses activités en décembre 2015 :
« Je faisais déjà l’objet de nouvelles poursuites avant même cette reprise – non pas pour avoir, comme il m’est reproché fallacieusement sollicité devant deux cours d’assises l’application des dispositions de l’article 275 du code de procédure pénale [A titre exceptionnel, le président peut autoriser l’accusé à prendre pour conseil un de ses parents ou amis], mais pour avoir fait connaître à ces cours d’assises, présent en civil dans le public, que j’acceptais la demande de deux justiciables qui sollicitaient, eux, l’application de ce texte ! On m’a encore abreuvé d’accusations à la suite du renvoi d’une affaire, toujours en cour d’assises, au mois de février 2015, pour absence de nombreux témoins, et alors qu’“ils” ne trouvent plus à me reprocher que le fait que j’aurais dit à un confrère “qu’il ne se fatiguait pas pour la défense de son client”, ce qui n’est pas la formulation exacte et alors que mes accusateurs se refusent à considérer le contexte et les circonstances de ce propos, et notamment les propos agressifs préalables de ce confrère à mon égard ; et que j’aurais dit au président, dans le cours d’une plaidoirie sur incident, et après que ce président ait commis une énorme erreur de procédure, “qu’il était préférable de connaître le code de procédure pénale avant l’audience plutôt que de le découvrir pendant ou après”, ce qui me paraît particulièrement juste et opportun ! On me reproche également les termes d’un courrier considéré outrageant et que l’on déforme pour le rendre fautif, courrier adressé à un directeur de maison d’arrêt qui m’avait accusé fallacieusement – et dénoncé calomnieusement – d’avoir voulu introduire mon téléphone portable en détention ; ce qui était bien sûr faux, et je n’ai pas été poursuivi pour cela. Fort de ces poursuites disciplinaires, mon bâtonnier, au service du procureur général, a saisi le conseil de l’ordre pour demander, en application des dispositions de l’article 24 de la loi du 31.12.1971, une suspension provisoire pour, ose-t-il écrire dans son acte de saisine,“que je ne puisse intervenir ultérieurement à l’occasion des procès importants” dans lesquels je pourrais être présent, et notamment le procès dit “d’Échirolles.” (…) Sous le fallacieux prétexte que le conseil de l’ordre n’avait pas repris cette disposition légale dans sa décision, le bâtonnier, le procureur général et les magistrats de la cour d’appel, en violation de cette loi, ont imaginé un stratagème illégal pour dessaisir le conseil de l’ordre qui s’apprêtait à rejeter la demande de suspension provisoire : se saisir de la demande et prononcer aveuglément en mon absence – alors que je n’avais même pas connaissance de la tenue de cette audience, étant en Afrique – quatre mois renouvelables de suspension provisoire pour m’empêcher d’intervenir dans un dossier criminel qui devait être jugé à partir du 25 mars, comme l’a clamé le procureur général à l’audience. » (Lettre aux avocats)
En janvier 2016, il est de nouveau suspendu, pour des motifs toujours aussi fumeux. Il est relaxé le 11 mai 2016 par le conseil de discipline, constitué de 11 avocats de 5 barreaux différents. Dès le lendemain 12 mai, les magistrats de la cour d’appel de Grenoble décident illégalement de prolonger sa suspension provisoire, déjà elle-même illégale, et fixent son audience de radiation au 2 juin 2016 à 9 heures ; c’est-à-dire à trois semaines, alors qu’il faut habituellement de neuf à vingt-quatre mois pour qu’une affaire soit rejugée à la cour d’appel.
« Le président de cour d’assises Pradier a écrit dès le 7 avril 2016 à l’un de mes clients qui doit comparaître devant la cour d’assises de Valence à partir du 29 juin, pour l’enjoindre de changer d’avocat au motif qu’étant suspendu provisoirement jusqu’au 3 juin, je le serai encore le 29 juin. » (Lettre au ministre de la justice du 14 mai 2016) Ces dernières années, Bernard Ripert a cherché à rendre public l’acharnement dont il fait l’objet. En mars dernier, il écrit une série de lettres ouvertes – restées sans suite – au ministre de la justice, à la presse et à ses confrères pour tenter de les faire réagir : « Confrères, “on ne mendie pas un juste droit, on se bat pour lui”. Je ne mendie pas votre soutien. Je vous invite à vous battre avec moi pour que soient reconnus et respectés nos, et mes justes droits. C’est là la définition de l’avocat, n’est-ce pas ? »
Suite à la couverture médiatique de l’hospitalisation d’office de Bernard et aux vives réactions qu’elle a soulevées sur les réseaux sociaux, les syndicats d’avocats ont fini par réagir en organisant un rassemblement de soutien. Notons pour mémoire ces phrases tirées du communiqué du Syndicat des avocats de France – histoire de les leur ressortir plus tard :
« Sans le concours d’un avocat libre et indépendant, les décisions de justice n’ont aucune autorité et ne sont guère respectables. (…) Les avocats n’ont pas vocation à faire de la figuration ou à assurer simplement une présence pour le confort du juge. »
B.Ripert reste convoqué le 2 juin pour son audience de radiation en appel au tribunal de Grenoble le 2 juin à 9 heures.
Soyons nombreux et nombreuses sur place. Inscrivons cette action dans la cadre du mouvement social en cours
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