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  • COVID-1984

    COVID-1984

    LA PEUR EST L’ARME LA PLUS PUISSANTE ET LA PLUS EFFICACE POUR OBTENIR LA SOUMISSION

    LETTRE D’UN PRISONNIER ·

    Depuis des mois, les citoyens de ce pays vivent dans un système liberticide. Il ne faut pas se demander pourquoi, mais comment ils en sont arrivés là. Car ce qui importe, c’est la méthode qui a amené à ce résultat. En effet, pandémie et attentats sont les deux outils qui ont permis ce basculement brutal de la société et des libertés dans un régime ressemblant de façon troublante à un système carcéral. Au fond, la main-basse de l’idéologie du « tout-sécuritaire » sert une cause bien plus obscure que celle d’une société soit-disant protectrice et bienveillante vis-à-vis de ses citoyens face à une pandémie. Les états d’urgence – sanitaire et attentats – que nous vivons actuellement ne sont que des prétextes opportuns pour mieux assoir le pouvoir de la classe dirigeante ; pour transformer, avec succès, notre pays en un État policier et militaire. D’une certaine manière, nous leur avons laissé carte blanche, par une forme de consentement volontaire, pour mater toute protestation ou opposition à l’instauration de ce régime totalitaire que nul n’a le droit de contester aujourd’hui. Lorsqu’un pays est dirigé fermement par des lois, décrets ou règlements, toutes aussi liberticides les unes que les autres, lorsque les citoyens sont soumis à une autorité sans autre forme d’opposition ou de débat politique, c’est que nous sommes déjà dans une forme de dictature qui ne veut pas dire son nom. La peur est l’arme la plus efficace pour obtenir la soumission, voire même l’adhésion de tout un peuple. Ainsi, par un effet presque naturel, on neutralise toute rebellion ; et si cela ne suffit pas, la machine répressive se met en route par la dissuasion : amendes, sanctions, menaces, culpabilité, opprobre… incitant les derniers récalcitrants à baisser la tête.

    Cette pression et ce contrôle social se sont mis en place en quelques années selon une stratégie et un agenda bien réfléchi ; cela a juste été accéléré en quelques mois par la CoVid-19. Mais le véritable commencement de cette transition vers un régime autoritaire, outre la mise en place de Vigipirate en 1995 et autres états d’urgences et les lois liberticides votées durant les années qui suivirent, débute avec l’épisode du soulèvement des gilets jaunes, qui a été le premier vrai basculement vers un État qui utilise sans complexe la répression et de la violence policière  pour briser un mouvement populaire. Car le gouvernement de l’époque, face à la puissance de ce mouvement, a tremblé et compris qu’il fallait agir et se donner les moyens pour que cela ne se reproduise plus.

    Le premier confinement de mars 2020 a été une véritable expérience pour le pouvoir : cinquante-cinq jours d’enfermement total à l’échelle d’une nation sans aucune protestation… c’est là qu’ils ont pris conscience – non sans  surprise – qu’ils pouvaient agir sur nos libertés fondamentales avec une facilité déconcertante grâce aux chocs provoqués par l’épidémie et la peur. Quels outils fantastiques ! Quelle victoire de voir la soumission de toute une population. Cela leur a ouvert des possibilités infinies sur un changement total de notre regime, et ils ne se sont pas privés d’en abuser ; et ainsi, de transformer le pays en système carcéral. C’est sans précédent. La liberté a quasiment disparu pour être remplacée par un système  autoritaire et dominateur qui gère les citoyens comme on gère  la population pénale. Confinement, couvre-feu, parloirs dans les Ehpad, promenade soumise à autorisation, entrave à la liberté d’aller et venir, surveillance policière, toute manifestation, regroupement ou réunion interdites, privation des lieux et activités culturelles, plus de liberté d’expression, port du masque obligatoire adulte et enfant, fermeture administrative de commerces… Toutes ces injonctions autoritaires, vous ne les trouvez que dans un seul lieu : La prison !

    Nous sommes aujourd’hui dans une société qui applique un véritable modèle carcéral, et le pouvoir et ses sbires se comportent comme s’ils dirigeaient un établissement pénitentiaire. Lois, décrets, règlements : plus de place au bon sens, à la concertation ou à l’intelligence… Le système applique des règles, des méthodes, parfois absurdes, à tous sans aucun discernement, sans réflexion ni recul sur la situation. Le pays est aux mains de fonctionnaires, véritables matons, qui obéissent et appliquent la loi de façon aveugle et froide. Nos libertés individuelles sont entravées sans que nous puissions agir : c’est la définition même de ce qu’est un prisonnier. Ils nous persuadent, avec la complicité de médias aux ordres, que l’abandon de nos libertés est la seule solution pour s’en sortir ; le mécanisme est si efficace que plus rien ne les arrêtera. Cela est bien plus grave que la Covid-19 ou quelques attentats. Les citoyens subissent un enfermement et une privation de liberté, et ils ont accepté leurs propres chaînes sans réagir car on leur a fait croire que c’était pour le bien commun et l’intérêt général du pays.

    Non ! Tout cela n’est qu’un leurre. Covid-19, attentats, état d’urgence, chocs, peurs… ne sont que des leviers providentiels pour faire basculer la société dans une sorte de néodictature dite « intelligente », puisque masquée par une démocratie de façade. 

    Que vous le vouliez ou non nous sommes tous des prisonniers et le pays une prison. 


    Laurent Jacqua

  • Covid en prison · D.Moretti, l’ami de qui ? · Solidarité avec les GJ enfermés & blessés

    Covid en prison · D.Moretti, l’ami de qui ? · Solidarité avec les GJ enfermés & blessés

    Émission de l’Envolée du Vendredi 25 Septembre 2020 ·

    Courrier :

    Une lettre de Kémi transféré à la centrale de St-Maur et des nouvelles de l’Infâme.

    En bref :

    Condamnation à de la prison ferme de 7 personnes à Toulouse pour des tags et des affiches.

    Marche nationale des sans-papiers, rassemblements, parloirs sauvages, initiatives partout en France pour la régularisation des sans-papiers, la fermeture des CRA et le logement pour tout.es : réunion publique le 30 septembre à Montreuil ; rassemblement devant le CRA de Cornebarrieu (av. Latecoère, 31700 ; covoiturages : 0751379657) le 3 octobre ; grande manifestation le 17 octobre à Paris – hommage aux algériens massacré le 17 octobre 1961 par la police : en hommage à toutes les victimes du colonialisme, du racisme et des violences de la police, en hommage à toutes les victimes des politiques anti-migratoires et des contrôles au faciès.

    Suppression du bus DM05 (Keolis) qui dessert les arrêts de la prison de Fleury-Mérogis ; la galère des familles et des proches.

    Covid en prison :

    Belgique : communiqué de proches de prisonniers en réaction à la grève brutale des matons belges qui refusent la « normalisation » des parloirs, les contacts entre visiteurs.

    France : Cluster au CP de Bourg-en-Bresse et à l’EPM de Meyzieu

    Une alternative toujours : libération de tous les prisonniers dès qu’un cas de Covid est détecté dans une prison ; comme on ferme des classes ou comme on renvoie des salariés chez eux dès qu’ils sont personne contact….

    Dossier Dupont-Moretti, l’ami de qui ?

    Les juges appellent à une manifestation contre Dupond-Moretti le 24 septembre, mais le ministre des tribunaux et des prisons est-il vraiment « l’ennemi des juges » ?

    Est-il vraiment ce « ministre des détenus » comme il le prétendait cet été, au moment même où il envoyait un mémo aux procureurs pour empêcher des demandes de libération massive de prévenus, en application d’une décision de la cour de cassation suite à la condamnation par la CEDH de la France pour les conditions de détention indignes ?

    Une chose est sûre : il est bien le ministre des matons, à qui il a rendu un hommage appuyé cette semaine à Clairvaux et à qui il a promis tout ce qu’ils demandent depuis des années (brouilleurs téléphoniques, revalorisation, réflexion sur l’armement…) ?

    Entretien avec Marie France de l’association Taramada qui organise à Montpellier la solidarité avec les Gilets Jaunes enfermé.es et blessé.es.
    Marie France a assisté à 175 procès de GJ au tribunal de Montpellier depuis deux ans, en aidant les proches des inculpé.es à monter les dossiers de représentation, en accueillant les sortants de prison. Avec toute une équipe elles ont aussi monté l’association TARAMADA pour recenser et aider tous les blessé.es, les gardé.es à vue, les traumatisés.es du mouvement. Contacts : taramada@protonmail.com  et 06.67.34.46.74. Pot commun pour aider l’association.

    Semaine grosse en infos à propos de Gilets jaunes et de répression : l’IGPN reconnait des « ordres inadaptés » qui ont conduit à l’agression par la police de Geneviève Legay à Nice le 23 mars 2019 lors d’une manifestation de Gilets jaunes ; le préfet de Paris ordonnait l’arrestation préventive de GJ avant les manifestations sur la base de profils… et des GJ continuent à partir en prison comme à Nancy, où un GJ a pris 9 mois fermes avec mandat de dépôt pour avoir insulté des flics…


    Salut L’Envolée,
    j’ai été transféré à la centrale de Saint Maur, à Réau j’étais bloqué au quartier disciplinaire pour mon transfert. J’ai pas demandé Saint Maur, ça ne m’arrange pas… En plus, ici, ils veulent me garder au quartier d’isolement pour trois mois, soit-disant pour m’observer. Je ne peux pas bosser, rien ! C’est abusé… Je prends sur moi, mais c’est dur.
    Saint Maur, c’est éclaté comme centrale, laisse tomber comment c’est la mort… Tout le monde veut partir d’ici. Bref, si je pouvais au moins bosser ça passerait mieux, mais pour l’instant je prend sur moi.

    Lettre de Kemi

    L’Envolée, l’émission pour en finir avec toutes les prisons, donne la parole aux prisonniers, prisonnières et à leurs proches. Émission de radio chaque vendredi de 19 à 20h30 sur FPP 106.3 en région parisienne et MNE 107.5 à Mulhouse, sur RKB 106.5 en centre Bretagne les lundis à 22h, et sur les webradios Pikez (dimanche à 11h) et Station Station (lundi à 13h). Podcasts disponibles sur toutes les plateformes de podcast.

    Notre numéro de téléphone : 07.52.40.22.48 (whatsapp, telegram, signal, appels et textos). Pour écrire : Radio FPP – L’Envolée, 1 rue de la solidarité, 75019 Paris, ou encore à lenvolee.net et sur instagram, twitter, facebook & snapchat.

  • Les parloirs ? Toujours confinés !

    Les parloirs ? Toujours confinés !

    Le 17 mars 2020, pour cause d’épidémie, la ministre des prisons suspendait les parloirs dans les prisons de France… initialement pour quinze jours. Six mois plus tard, malgré les mobilisations dedans comme dehors, les prisonniers, prisonnières et leurs proches sont loin d’avoir retrouvé les conditions d’avant. Sous prétexte de sécurité sanitaire, ils et elles subissent des mesures punitives, arbitraires et infantilisantes. Petit tour d’horizon non exhaustif de prises de parole et de mobilisations.

    Après deux mois de suspension totale, les parloirs ont rouvert après le « déconfinement » général du 11 mai. Mais à quelles conditions ! Sous prétexte de limiter l’entrée du virus en prison, les enfermé.e.s et leurs visiteurs n’ont, en septembre 2020, toujours pas le droit au contact physique. Et la surveillance est souvent pointilleuse et intrusive. Toucher ses enfants, parents, amoureux, etc., c’est prendre le risque de partir en quatorzaine (= isolement total) et de se faire suspendre son permis de visite !

    Double punition : les prisonniers et leurs visiteurs sont très souvent séparés par des plexiglas afin d’éviter tout contact. Nombreux témoignages racontent à quel point ces vitres, infâmes, empêchent aussi de s’entendre, de se comprendre, obligent à crier, créant un climat de stress lors de ce moment si précieux. Suite aux nombreuses protestations, parfois même devant la justice, les vitres ont progressivement été remplacées, rapetissées, aménagées… mais elles existent toujours ! Et l’interdiction des contacts aussi !

    En plus, le port du masque, strictement interdit en détention, est pourtant souvent obligatoire au parloir, même avec une vitre de séparation. On suffoque, on se comprend encore moins, on se voit mal. Mais baisser le masque peut être prétexte à une suspension de permis de visite, au bon vouloir des matons… comme d’hab’ !

    Dans un texte (du 22 juin, mais toujours d’actu !), des proches dénoncent : « Un enfant doit retourner à l’école, mais n’a pas pu embrasser son parent depuis 3 mois… il doit se contenter de le regarder derrière une vitre, comme au zoo. (…) C’est leur habitude de nous traiter comme des moins que rien, et on sait bien que ce qui les préoccupe, ce n’est pas la santé des détenus. »

    Dans certaines prisons, les prisonniers doivent même signer une charte d’engagement pour aller au parloir : promettre qu’ils vont « respecter les gestes barrières » et surtout ne pas toucher leurs proches, sous peine de sanctions graves, pour éviter les contaminations, car « la situation est l’affaire de tous ». Sans blague ? Oblige-t-on les parents d’élèves, les profs, les policiers, les surveillants, les clients de supermarché, etc., à signer ce genre de document ?

    Charte que les prisonniers et prisonnières de Fresnes doivent signer avant les parloirs

    Cerise sur le gâteau : les bornes pour prendre les rendez-vous parloirs sont mises hors service. Elles transmettraient le virus ?! (Pourtant, docteur, on dirait que celles du MacDo et du Géant Casino ne le transmettent pas ?) Donc, la seule solution est de téléphoner pour réserver des parloirs : dans de nombreuses prisons, le service est saturé, chaque prise de rendez-vous devient un exploit qui peut vous prendre des heures.

    Pour toutes ces raisons, beaucoup ont renoncé au parloir, ne peuvent plus maintenir leurs seuls liens affectifs, ce qui les maintient souvent debout en prison.

    De nombreux récits rappellent que ces mesures ne sont réservées qu’aux prisonniers et leurs proches : les surveillants entrent et sortent de prison et touchent leurs proches. Puis ils palpent et fouillent les prisonniers, sans appliquer toujours les fameux gestes barrières : beaucoup rapportent que des surveillants ne portent pas de masques ni de gants, etc. « Imaginez-vous si depuis quatre mois on vous disait que vous n’avez pas le droit de toucher les gens que vous aimez. Mais par contre les autres qui bossent avec vous ils peuvent vous toucher, eux ils ont le droit. » (en juillet sur France Bleu)

    Dans le gymnase de la prison de la Santé, les surveillants se sont même offerts un petit gala de boxe avec leurs compagnons policiers le 1er septembre. Alors que pour une caresse au parloir, tu prends 14 jours d’isolement et un droit de visite suspendu. Ouais, y a de quoi suffoquer.

    Bien sûr, ces mesures sont hypocrites : les prisonniers n’ont toujours pas le droit de porter de masques en détention. L’hygiène minimale y est souvent inaccessible. L’unique traitement en cas de symptômes, de risques, ou de doutes, c’est la mise en quatorzaine, c’est-à-dire la mise à l’isolement dans des conditions souvent très dures (voir la lettre de Carla).

    Là où des cas de covid sont repérés, c’est parfois tout une prison qui est confinée en cellule, comme début août à la prison de Nancy : 120 prisonniers à l’isolement.

    En plus, « les détenus qui ont une permission doivent être isolés à leur retour pendant 14 jours, ce qui peut décourager certains. Pourquoi le contact avec le monde extérieur requiert un isolement de 14 jours pour un détenu, alors que le personnel de la maison d’arrêt va et vient tous les jours ? » (interview d’un prisonnier sorti de la maison d’arrêt La Talaudière) Donc, pour éviter cette quatorzaine, des prisonnier.e.s renoncent aux permissions de sortie. Mais le juge n’accordera pas d’aménagement de peine à celui ou celle qui n’aura jamais eu de permission de sortie. Donc toute perspective de respirer est repoussée…

    A l’extérieur, divers messages et pétitions ont circulé sur les réseaux sociaux. Par exemple :

    • « APPEL À TOUS LES DÉTENU(E)S ET LEURS PROCHES. Il est inadmissible que les parloirs, les salons et les unités de vie familiale ne soient pas redevenus à la normale. (…) Si nous nous battons tous ensemble nos dirigeants n’auront d’autres choix que de nous entendre. » (le 15 juillet sur la page Au delà des murs des prisons)

    Dans les prisons pour étrangers (Centres de rétention administrative), c’est la même merde. Les frontières sont fermées, il n’y a presque pas d’expulsions, mais l’état continue d’enfermer les personnes sans papier. La moindre suspicion de covid est prétexte à la fermeture des bâtiments, et surtout des parloirs, alors même que c’est le seul espace où on peut obtenir des cigarettes et de la nourriture mangeable. Alors les prisonniers des CRA aussi se mobilisent : à Marseille, Lyon, Toulouse, Nîmes…

    En Belgique c’est la même merde. Après la publication d’un article signé par des divers collectifs et associations, une cinquantaine de proches de détenus ont manifesté samedi 29 août devant la prison de Saint-Gilles pour demander à pouvoir à nouveau avoir des contacts physiques avec les membres de leur famille ou leurs amis.

    Nous le disions déjà en juin : en prison, quand nous perdons un espace de liberté, il est perdu pour longtemps. La seule solution pour éviter la propagation de l’épidémie en prison serait de faire sortir massivement les prisonniers et prisonnières. Pour de vrai.

    Dedans comme dehors, espérons que l’organisation collective des protestations permettra de déconfiner un peu.

    N’hésitez pas en tous cas à nous faire partager récits, protestations, initiatives et à échanger avec nous.

  • Covid, restrictions de parloirs et révoltes dans les taules et les CRA pendant l’été

    Covid, restrictions de parloirs et révoltes dans les taules et les CRA pendant l’été


    Fresnes, le 19.08.2020

    Salut !

    Après 536 jours de cavale, j’ai été arrêtée le 26 juillet dernier près de Saint-Étienne. J’ai vécu l’arrestation comme la première représentation d’une scène répétée mille fois dans ma tête, ou plutôt 536 fois… Tout m’a semblé se passer au ralenti : les keufs cagoulés qui me braquent avec leurs fusils, me mettent à terre et me demandent ce nom que j’ai si souvent tu ces derniers temps. Ça m’a fait un drôle d’effet de le prononcer.

    J’ai ensuite été amenée à Paris par la SDAT, quatre heures de trajet menottée dans le dos en compagnie de leurs cagoules. Ils m’ont bandé les yeux sur les derniers kilomètres qui nous séparaient de leurs locaux de Levallois-Perret. Ce sont eux qui m’ont conduite au tribunal le surlendemain de l’arrestation, puis à la prison de Fresnes.

    Lors de l’audience, j’ai accepté sans hésiter l’extradition. J’avais suivi avec attention les évènements autour de l’arrestation de Vincenzo Vecchi (que je salue au passage), il avait pour sa part refusé, s’offrant une chance de rester libre en France. Pour moi le choix se résume à attendre le procès en France ou en Italie, où se trouvent les autres inculpé-es de l’opération Scintilla, tou-tes libres à l’exception de Silvia, encore soumise à un contrôle judiciaire.

    Il semble que ces derniers temps, l’exécution par mandat d’arrêt européen et l’extradition qui en découle, soient devenues de simples formalités pour la justice européenne. Nous l’avons vu récemment en Italie à plusieurs reprises, mais aussi à l’occasion de la répression qui a suivie les émeutes de Hambourg ou bien en Grèce et en Espagne. Les polices européennes affinent leurs armes et leurs collaborations semblent se faire plus étroites, s’échangeant tuyaux et services. Dès lors, il me semble qu’il nous appartient de nous pencher sur la question et d’en étudier les mécanismes.

    Je découvre la prison au temps du coronavirus , la quatorzaine réglementaire au quartier des arrivantes, le masque lors de tous les déplacement, y compris la promenade pour cette durée, la suspension de toutes les activités, la cellule 22 heures sur 24.

    Au terme de ma quatorzaine, et à la veille de la date programmée de mon extradition, les autres arrivantes et moi avons été placées à l’isolement sanitaire au motif que nous avions partagé une promenade avec une nouvelle arrivante qui s’est révélée infectée. Des tests ne nous ont été proposés qu’une fois ce cas avéré, ils sont depuis la règle pour toute nouvelle arrivante. À nous on avait initialement dit qu’on ne pouvait tout de même pas tester tout le monde. Sans surprise, il semble que l’administration pénitentiaire (AP) ait un train de retard.

    Au printemps, les mesures prises par l’AP en réaction à l’arrivée du coronavirus ont porté à des situations de mutineries, de révoltes et de solidarité. Malheureusement, ici en tous cas, il semble que vivre avec le virus est devenu la norme, et la crainte qu’une nouvelle arrivante puisse amener le virus se double de celle de se voir suspendre les parloirs, comme le cela a été notre cas cette semaine. Les maigres compensations qu’avaient octroyées l’AP sous forme de crédit téléphonique au printemps ne sont plus d’actualité, tant un groupe d’arrivantes isolées ne fait pas le poids au regard des fortes mobilisations de mars dernier.

    J’attends de nouveau l’extradition d’un jour à l’autre, et je sais qu’un troisième isolement sanitaire me sera probablement réservé à mon arrivée en Italie. Je profite des témoignages de solidarité qui me rejoignent aujourd’hui après tant de silence. Malgré les publications sur le thème, qui sont précieuses, on considère encore trop souvent la cavale comme une aventure romantique et on pense souvent aux compagnon-nes concerné-es comme libre. Au cours de cette année et demi, je n’ai jamais manqué de solidarité et d’un soutien chaleureux, je n’ai manqué de rien, mais on est pas libre quand on est privé-e de sa vie.

    J’aurais voulu être dans la rue avec mes compagnon-nes lors des manifestations en réaction à l’expulsion de l’Asilo, j’ai accompagné par la pensée la grève de la faim de Silvia, Anna et Natascia, j’ai pensé tous les jours aux compagnon-nes arrêté-es par vagues successives. J’aurais voulu être aux côtés de ma famille quand elle a traversé des moments difficiles et avoir de leurs nouvelles quand tou-tes nous étions confiné-es. Aujourd’hui je me tiens prête et déterminée à affronter les prochains mois, mais mes pensées vont à celles et ceux qui sont encore sur les routes, souvent loin des personnes qui leur sont chères. J’espère que leur route sera aussi longue qu’ils et elles le souhaitent, et que les rencontres qu’ils et elles font leurs apportent la chaleur qu’illes méritent et l’énergie pour continuer à lutter.

    Carla

    Pour lui écrire :

    Carla Tubeuf
    casa circondariale di Vigevano Centralino
    via Gravellona 240
    27029 Vigevano (PV)

    Lettre de Robi

    Fresnes, le 18 juillet 2020.

    « Cari compagni, care compagne,Je vous écris pour vous dire que je suis en forme, que le moral est bon et je continue à avoir beaucoup, beaucoup d’énergie !

    Je profite de l’occasion pour remercier du fond du cœur celles et ceux qui m’ont écrit, qui ont pensé à moi, qui m’ont soutenu. Je ne vous cache pas que lorsque je reçois des lettres, ça me met de bonne humeur et ça me donne beaucoup, beaucoup de forces.
    J’ai eu le plaisir également de prendre connaissance avec la campagne de diffamation par le biais de quelques articles de journaux qui m’ont été consacrés [1]. Rien d’étonnant, les médias sont un instrument du pouvoir, utilisés pour ternir nos personnalités et pour alimenter les mensonges qui justifient mon incarcération ! Je leur renvoie donc tout mon mépris, tout comme aux enquêteurs de cette énième opération répressive.
    Après presque un mois de placard, lors de la sentence pour mon extradition à laquelle je me suis opposé, j’ai eu l’occasion de lire la version française des accusations à mon encontre et je me suis finalement rendu compte des motifs pour lesquels j’étais incarcéré. En un mot, ils m’accusent d’être anarchiste parce qu’en réalité, il n’y a pas grand chose dans mon dossier. Seulement des attaques idéologiques et délit de solidarité !

    Que dire de plus ? Vous n’avez pas inventé l’eau chaude chers accusateurs, la pensée anarchiste existe depuis plusieurs siècles et depuis autant de temps, vous voulez la mettre au pilori. Vous attaquez la solidarité apportée aux prisonnier.es mais quand vous rendrez-vous compte que certaines idées, certains idéaux, vous ne pourrez jamais les emprisonner, ni même les juger ? Une si merveilleuse idée comme celle-là, dont tant de personnes se font les porteurs / porteuses dans le monde ne pourra jamais être arrêtée. Il n’y a aucun flic, aucune prison, aucun tribunal qui pourra l’empêcher de vivre, où que ce soit. Aujourd’hui, vous enfermez nos corps mais pas nos idées et la solidarité que je reçois me fait comprendre encore plus que nous ne serons jamais comme vous le voulez vous. Et que mille fleurs de solidarité écloront de nouveau !

    Un salut chaleureux à tou.tes les anarchistes emprisonné.es partout dans le monde, à qui j’envoie toutes mes forces ! Un salut à tou.tes les détenu.es qui luttent contre la prison et qui ne baissent pas la tête devant les injustices subies !
    Contre le monde qu’ils veulent nous imposer, contre votre répression, contre votre dictature démocratique !

    Pour l’Anarchie, vive la liberté !
    Avec rage et détermination.

    Roby


    Musique: Cobra – « Des lieux associatifs pour les jeunes » / Haroun – « Zonard » / Kery James – « Deux issues« 


    Notre numéro de téléphone : 07.52.40.22.48 (whatsapp, telegram, signal, appels et textos). Pour écrire : Radio FPP – L’Envolée, 1 rue de la solidarité, 75019 Paris, ou encore à lenvolee.net et sur instagram, twitter, facebook & snapchat.

  • Redoine Ikil – Mort de Khaled – Libérez les parloirs

    Redoine Ikil – Mort de Khaled – Libérez les parloirs

    Emission du vendredi 3 juillet 2020 – dernier direct de l’année

    • Lettre de NoName
    • La soeur de Rédoine Ikil
    • Retour sur l’ « anti-terrorisme » : rapport de la contrôleuse, nouvelle loi et lettre
    • Bilan de l’année : libérez les parloirs !

    Musique:


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  • A force d’être trop tôt pour eux, ça finira par être trop tard pour moi ! par Philippe Lalouel prisonnier longue-peine

    A force d’être trop tôt pour eux, ça finira par être trop tard pour moi ! par Philippe Lalouel prisonnier longue-peine

    Bonjour à tous et toutes,

    Nous venons vous dire, avec ma femme, que nous sommes solidaires des détenu.es qui sont emprisonné.es et en particulier ceux et celles qui ont des problèmes de santé. Tout comme moi.

    Aujourd’hui, ce Covid19 nous met nous les prisonnier.es malades particulièrement en danger. Face à cet attentat gouvernemental, nous demandons des suspensions de peine qui sont toujours refusées. A croire que cette loi de suspension de peine pour raison médicale n’existe pas ! En 34 ans, j’en ai vu des prisonniers partir à l’hosto la veille de crever ! Et j’en ai vu des épidémies ravager les prisons !

    A cause du Covi19, je suis, comme d’autres, dans l’impossibilité aujourd’hui de faire mes contrôles et bilans à l’hôpital car après chaque sortie, chaque examen, je devrais passer 14 jours en isolement dans une cellule du quartier arrivant. Autant dire que j’y passerais ma vie.

    Avec cette logique absurde, il faudrait mettre tout le monde au quartier arrivant en permanence puisque nous sommes tous les jours en contact avec les surveillant.es qui rentrent et sortent tous les jours de la centrale !

    Pour ma part, je suis contaminé par le VIH depuis 34 ans suite à une transfusion de sang contaminé après avoir été blessé par balle par la police dans les années 1980. Mon parcours carcéral a été catastrophique à cause du VIH : apprenant ma contamination en prison je me suis évadé deux fois pour ne pas crever en prison ; et j’ai repris des années. Cela m’a couté 34 ans de vie !

    Je me suis évadé pour ne pas crever en taule. Ca ne plait pas aux juges et aux juges d’application des peines que je dise cela. Ils disent que je me « comporte en victime ». J’assume mes responsabilité bien sûr : depuis 34 ans je n’ai connu la liberté que quelques mois pour cela. Mais on ne peut pas balayer la maladie d’un revers de main. Ni balayer les raisons de cette maladie : un scandale sanitaire d’Etat qu’on a oublié aujourd’hui mais qui a fait des milliers de victimes. Personne ne peut l’affirmer mais ma vie aurait sans doute pris un autre chemin si l’on ne m’avait pas mis dans les veines un virus. A ce titre, oui, je suis une victime de l’Etat.

    Jusqu’à maintenant, ils n’ont pas voulu l’entendre : tant que je me tiens debout, tant que je répète que j’ai été contaminé et que mon parcours carcéral est lié à ça, c’est que je ne suis pas prêt à sortir ; que c’est « trop tôt ».

    Mais à force d’être trop tôt pour eux, cela finira par être trop tard pour moi !

    Victime enfermée du VIH je ne veux pas être une victime enfermée du Covid19 !

    Je dois passer en commission d’application des peines le 17 juin 2020. Je vais répéter ce que j’écris ici. J’ai passé ma vie en prison en partie à cause d’un virus ; je me suis évadé pour ne pas qu’il me tue en prison. Aujourd’hui, je ne veux pas qu’un autre virus me tue en prison. Pas question que je parte comme ça après 34 ans ! Si c’était le cas, la justice et l’AP en porteront la responsabilité et devront en assumer les conséquences. Je suis conditionnable, ma compagne m’attend, mes ami.es m’attendent pour que nous vivions quelques années communes de liberté. Alors qu’on me laisse sortir et vivre… un peu !

    Sur ces quelques lignes nous vous souhaitons force courage et détermination.

    La loi c’est eux, Lalouel c’est moi !

    Philippe Lalouel, Centrale de Lannemezan, 30 mai 2020.

    Faites sortir l’accusé, est un film documentaire sorti en 2017 et écrit avec Philippe Lalouel depuis sa cellule de prison centrale ; ce film retrace sa vie et le combat mené aux assises entre 2012 et 2014 pour réduire sa peine infinie. Il est disponible ici. Le DVD comprend un lien de téléchargement et un livret des mémoires écrites par Philippe. Le film est envoyé gratuitement aux prisonniers et proches qui en font la demande.

  • PRIVÉ·E·S DE PARLOIRS UN JOUR…  PRIVÉ·E·S DE PARLOIRS TOUJOURS ?

    PRIVÉ·E·S DE PARLOIRS UN JOUR… PRIVÉ·E·S DE PARLOIRS TOUJOURS ?

    Le 31 mai 2020 par des proches de prisonniers enfermés à la maison centrale de St-Maur (36), au QMC de Réau (77), au QI d’Annœullin (59), à la maison centrale de Lannemezan (65), à la MA de La Talaudière (42), à la MA de La Santé (75), au CD de Nantes (44), à la MA de Rennes (35), à la MA de Ploemeur (56), au CD de Châteaudun (28), à la MA de Châlons-en-Champagne (51), avec Zorro, ancien prisonnier, et L’Envolée.

    Depuis le déconfinement du 11 mai, on entend dire que les parloirs sont rétablis mais c’est toujours le même mépris qui est subi par les prisonnier.es – et par nous-mêmes qui les visitons – depuis le début de la « gestion » de l’épidémie. Une gestion sécuritaire plus que sanitaire. Nous avons vécu la suppression des parloirs comme une mesure punitive et infantilisante ; leur pseudo rétablissement l’est tout autant. Et nous refusons que cela dure !

    Les visites à nos proches enfermé.es ont été brutalement supprimées le 17 mars, les privant de l’aide matérielle, du soutien moral, de l’amitié, de la solidarité, de l’amour que nous leur apportons chaque fois que nous mettons un pied dans ces horribles prisons. Pendant les deux mois de suspension des parloirs, nous n’avons eu de cesse d’exiger leur rétablissement immédiat. Rappelons que c’est la principale raison des mouvements de révolte qui ont alors éclaté. A l’heure où la direction de l’AP se flatte d’avoir éteint ces mouvements à force de transferts disciplinaires et de promesses de RPS (remises de peines supplémentaires), nous répétons que les prisonnier.es, nos compagnons, nos compagnes, nos amis, nos frères, nos sœurs, nos enfants… ont eu raison de se révolter.

    La suppression des parloirs était une mesure liberticide. Faute de masques, de tests et de solution hydroalcoolique à distribuer, et plutôt que de libérer massivement les prisonnier.es en urgence par une loi d’amnistie, l’État a considéré que les prisonnier.es et leurs proches ne seraient pas capables d’appliquer les fameux « gestes barrières ». A la recherche d’une solution adaptée à notre situation particulière, il a préféré la suppression pure et simple de ce dernier espace de liberté. Nous avons inlassablement souligné qu’il s’agissait bien d’un « motif familial impérieux » : rien n’y a fait. Dehors, des couples séparés ont pu se partager la garde de leurs enfants, mais les familles séparées par la prison ont été privées du droit de se retrouver ne serait-ce que quelques heures sans que la mesure soulève la moindre interrogation. Pourquoi était-ce une évidence ? Sort-on de l’humanité en rentrant en prison ? N’y avait-il plus de larmes pour les prisonnier.es dans un pays qui laissait déjà mourir ses anciens dans des Ehpad devenus prisons à leur tour ? A-t-on jugé politiquement intenable d’assurer le maintien d’un droit élémentaire aux prisonnier.es et leurs proches au moment d’imposer des conditions de vie carcérales à l’ensemble de la population ? Ou tout simplement, était-il plus « gérable » pour l’administration pénitentiaire (AP) de devancer les exigences des syndicats de surveillants ?

    Il semble qu’à ce jour, aucune prison ne soit devenue un foyer épidémique massif. Espérons que cela continue ; peut-être comprendrons-nous un jour pourquoi. D’ici là, ne laissons pas dire que la non-contamination massive des prisons est due à une bonne gestion de l’épidémie par l’AP. La preuve : quand le virus est entré ici et là (il n’y a pas de chiffre global), ce sont les surveillants qui l’ont amené avec eux, ainsi que les personnes que la justice a continué à incarcérer – en moins grand nombre que d’habitude, mais tout de même. L’affirmation que la suppression des visites a été bénéfique sert à justifier ce qui nous est aujourd’hui imposé en guise de parloirs. « Les parloirs seront limités à une personne, pour une heure maximum, une fois par semaine, avec des règles sanitaires drastiques [comme le port du masque et l’interdiction absolue de tout contact]. Nous savons que cela va être dur pour un détenu qui n’a pas vu sa femme depuis deux mois de ne pas lui prendre la main. » « Dur » ? C’est le moins qu’on puisse dire, Monsieur le directeur de l’AP. Disons aussi que ces règles sont méprisantes, infantilisantes, humiliantes, et au final… punitives !

    Une personne par visite, âgée de plus de 16 ans et de moins de 65 ans, une fois par semaine. Rappelons que les parloirs sont limités à six personnes en temps normal et que nous aurions pu comprendre de ne pas venir à plus de deux ou trois. Concrètement, cette mesure empêche les enfants de voir leurs parents. Alors que l’on incite les enfants à retourner dans des écoles qui ressemblent de plus en plus à des prisons, au nom de quoi les prive-t-on de parloir ? Combien de temps devront-ils encore attendre pour voir leur papa ou leur maman ?

    Ces règles instaurent des parloirs-express d’une durée de 30 minutes à une heure ; une mesure qui a déjà des conséquences très graves, notamment dans les établissements pour peine (centres de détention et centrales), car nombre d’entre nous renoncent à traverser la France pour une demi-heure ; Sans compter la limite des 100 kilomètres qui nous a exposé à une amende pendant quinze jours (1).

    Même si elle disparait le 2 juin, cette restriction initiale des 100 kilomètres aura renforcé notre détermination à réaffirmer une revendication que prisonnier.es et proches  portons depuis des dizaines d’années : le rapprochement familial et la fin des transferts disciplinaires qui éloignent les prisonniers à l’autre bout de la France. Nous exigeons que nos proches soient enfermés au plus près de nos lieux de vies pour que nous n’ayons plus à choisir entre un plein d’essence et un caddie pour nourrir les nôtres.

    Ces règles généralisent les parloirs « hygiaphone ». C’est le retour en force d’une mesure disciplinaire dégradante que les prisonnier.es ont combattu pendant des années : la vitre de séparation. L’absurde nous impose même le plus souvent de porter un masque derrière ce plexiglas. Non seulement on ne se touche pas, mais on ne s’entend pas, on se voit mal et on se comprend difficilement.

    Ces règles sont soumises à l’arbitraire des agents de la pénitentiaire. Nous savons déjà qu’elles ne s’appliquent pas de la même manière d’une prison à une autre, d’une heure à l’autre, d’un surveillant à l’autre. Une fois de plus, nous nous trouvons toujours un peu plus isolé.es face au sort qui nous est fait.

    Ces règles sont clairement punitives. Si nous nous prenons la main, notre droit de visite peut être supprimé et nos proches incarcéré.es placé.es à l’isolement pendant quatorze jours. Des surveillants épient en permanence nos moindres faits et gestes. En plus de nous infantiliser, cette surveillance constante ne nous laisse plus aucune intimité, aucune possibilité d’échanger sur des questions personnelles.

    Ces règles ne protègent pas les prisonniers. Nous sommes contraints de porter des masques – non fournis -, mais eux n’ont toujours pas le droit d’en porter en détention. Bien que les prisonnier.es fabriquent et lavent les masques de la pénitentiaire, on ne leur en donne pas. Pire : celles et ceux qui en portent se prennent des comptes rendus d’incidents. Et bien souvent lorsque nous proposons d’en apporter au parloir, on nous le refuse. Quant au gel hydroalcoolique, il est toujours interdit… au cas où quelqu’un voudrait se saouler avec ! Ne venez donc pas nous parler de prévention sanitaire. Rappelons encore une fois que surveillants et surveillantes rentrent tous les soirs dans leurs familles et qu’il est vraisemblable qu’ils se prennent dans les bras !

    Ces règles ont vocation à durer et l’absence de déclaration du gouvernement à ce sujet nous le confirme. S’il a fallu deux mois pour bricoler un système aussi ridicule et liberticide pour les parloirs, il faudra des mois, voire des années pour le faire disparaitre. Que l’épidémie reflue ou pas, cela ne changera pas fondamentalement la donne : en prison, quand nous perdons un espace de liberté, il est perdu pour longtemps. Et on peut craindre que la période serve de prétexte à l’introduction massive d’horribles visioparloirs qui se substitueraient progressivement à la chaleur des présences.

    A moins bien sûr, que nous trouvions la force – dedans aussi bien que dehors – de faire entendre nos exigences. Nombre de prisonnier.es refusent de se rendre au parloir pour combattre dès aujourd’hui l’avenir qui se dessine. Cette grève des parloirs n’est qu’un des nombreux moyens de lutte qui peuvent être déployés pour s’y opposer.

    Des proches de prisonniers enfermés à la maison centrale de St-Maur (36), au QMC de Réau (77), au QI d’Annœullin (59), à la maison centrale de Lannemezan (65), à la MA de La Talaudière (42), à la MA de La Santé (75), au CD de Nantes (44), à la MA de Rennes (35), à la MA de Ploemeur (56), au CD de Châteaudun (28), à la MA de Châlons-en-Champagne (51), avec Zorro, ancien prisonnier, et L’Envolée.

    Note :

    (1) Pour parer à l’absence de dérogation spécifique prévue par le gouvernement, des avocats ont proposé de regrouper les recours en cas d’amende. Pour être mis.es en relation avec eux si cela vous est arrivé, écrivez à contact@lenvolee.net.

  • ÉMISSION DU 29 MAI 2020 : les prisonnier.es face au (dé)confinement

    ÉMISSION DU 29 MAI 2020 : les prisonnier.es face au (dé)confinement


    • Retour sur la semaine : Les matons sont testés mais pas les prisonniers, l’administration réécrit l’histoire de ces trois derniers mois, des contaminations à l’EPM de Porcheville, fabrication d’hygiaphone portatif à Riom, les sanctions au parloir.
    • Des nouvelles de la justice à Rennes. Des grosses peines pour une soit-disant prise d’otages et pour avoir bousculer un maton.
    • Une lettre de Philippe Lalouel : contaminé par le VIH dans les années 1980, il ne veut pas qu’un autre virus le tue en prison !
    • Retour sur la décision de la cours de cassation sur la prolongation automatique des détentions provisoires: il faut demander des DML.
    • Nouvelles des Centre de rétention administrative: une nouvelle grève de la faim au Mesnil-Amelot ; des jugements sans visio en absence des prévenus.
    • Interview de trois prisonniers du CRA de Vincennes.

    Musique: Big Floyd x Dj Screw – « Freestyle » / Police – « Roxanne » / Nessbeal – « Poussières d’Empire » / Ann Sexton – « You’ve Been Gone Too Long » 



    Notre numéro de téléphone : 07.52.40.22.48 (whatsapp, telegram, signal, appels et textos). Pour écrire : Radio FPP – L’Envolée, 1 rue de la solidarité, 75019 Paris, ou encore à lenvolee.net et sur instagram, twitter, facebook & snapchat.

  • ÉMISSION DU 8 MAI 2020 :                  les prisonnier.es face au confinement, semaine 8 : retour sur deux mois de mensonges d’Etat (parloirs, libérations, suspensions de peines…).

    ÉMISSION DU 8 MAI 2020 : les prisonnier.es face au confinement, semaine 8 : retour sur deux mois de mensonges d’Etat (parloirs, libérations, suspensions de peines…).

    L’Envolée – émission du 8 Mai 2020 (1h30)

    Après 32 flash infos quotidiens et 8 émissions hebdo pour pallier à l’absence de parloirs ; malgré la dite réouverture des parloirs on continue une semaine de plus.
    Un énorme merci aux 17 radios FM et aux 5 web radios qui ont diffusé L’Envolée partout en France et en Belgique.

    • Clin d’œil : Olivier parle de la fin du procès de la destruction du QMC de Valence en 2016 et du soutien dans la salle pour Romain.
    • RETOUR SUR LES DEUX MOIS DE CONFINEMENT autour des déclarations de Nicole Belloubet, ministre des tribunaux et des prisons :
    • Deux mois de lettres et nouvelles de très nombreuses prisons et Centres de rétention administrative.
    • Retour sur le nombre de prisonniers et prisonnières contaminé.es à l’intérieur : sans test, les chiffres n’ont aucun signification.
    • Il n’y a pas eu de maintien des liens familiaux. L’arrêt des parloirs n’a pas été compensé, les cabines étaient rarement accessibles.
    • L’enfer de l’incertitude pour les prisonniers et les prisonnières à propos de la contamination : une dépossession ultime.
    • Les paroles collectives et révoltes des prisonniers et des proches notamment à Uzerche, Béziers Rennes, Borgo et Ajaccio.
    • L’imposture des libérations : la ministre des prisons et des tribunaux avoue qu’il y a eu très peu de libérations. Les prisonniers -comme ceux de Borgo- ne cessaient de le répéter.
    • Les matons ont repris le monopole du commerce à l’intérieur.
    • Fausse réouverture des parloirs le 11 mai : des situations très disparates en fonction des prisons, réduction du temps des parloirs, impossibilité d’aller à plus de 100 km, interdiction pour les moins de 16 ans, pleins pouvoirs aux matons pour faire respecter les gestes barrières…
    • Lettre de Seb prisonnier malade, enfermé à Metz.
    • Retour sur la situation de Jean-Christophe Merlet, enfermé au CD de Nantes, qui demande une suspension de peine pour raison médicale ; témoignage de soutien de Derka.

    FACE AU COVID-19 EN PRISON : AMNISTIE GENERALE !

    Depuis 2001, L’Envolée, c’est une émission et un journal pour en finir avec toutes les prisons faits par d’anciens prisonniers et prisonnières et des proches pour relayer la parole des enfermé.e.s.
    L’abonnement au journal est gratuit pour les prisonniers et prisonnières qui en font la demande. L’épidémie de Coronavirus a de lourdes conséquences en prison. C’est pourquoi, face à la gravité de la situation, nous avons décidé de produire un bulletin d’information quotidien de vingt minutes, que vous pouvez écouter chaque jour de la semaine sur la FM, les plateformes de podcast et sur lenvolee.net, en plus de l’émission du vendredi qui est maintenue.

    Les émissions sont diffusées toute la semaine sur les ondes des radios : FPP (région parisienne, 106.3), Canut (Lyon 102.2), MNE (Mulhouse 107.5), Campus (Clermont-Ferrand 93.3), Clé des Ondes (Bordeaux 90.10), La Locale (Saint Girons 97.3), Prun’ (Nantes 92.0), Jet FM (Nantes 91.2), Galère (Marseille 88.4), Campus (Grenoble 90.8), Campus (Dijon 92.2), Panik (Bruxelles 105.4), St Affrique (Montauban 96.7), Dio (Saint Étienne 89.5), RKB (Guingamp 106.5), Vassivière (Royère 88.6), Canal Sud (Toulouse 92.2).
    Toutes les émissions sont aussi écoutables sur les plateformes de podcast.

    Il est plus que jamais nécessaire de ne pas laisser les prisonniers et les prisonnières seuls face à l’arbitraire de l’administration et de faire entendre leur voix. Nous relayons les actions collectives et individuelles dont vous nous informez ainsi que des témoignages directs sur la situation à l’intérieur. Tenez-nous au courant par tous les moyens à votre disposition. Nous diffuserons les messages vocaux et les textos de prisonniers et de prisonnières que vous nous enverrez. Nous lirons également les messages que les proches privés de parloir nous demanderont de passer.


    Notre numéro de téléphone : 07.52.40.22.48 (whatsapp, telegram, signal, appels et textos). Pour écrire : Radio FPP – L’Envolée, 1 rue de la solidarité, 75019 Paris, ou encore à lenvolee.net, sur contact@lenvolee.net et sur instagram, twitter, facebook & snapchat.


    Musique : Baby Huey « Hard Times », Fliptrix « War To Your Door », LKJ « Fite Dem Back ».


  • Flash info quotidien du 6 mai 2020 : Les charognards veillent, lettre de Seb à Metz, blocage à Osny, les services des parloirs sont déjà saturés.

    Flash info quotidien du 6 mai 2020 : Les charognards veillent, lettre de Seb à Metz, blocage à Osny, les services des parloirs sont déjà saturés.

    Actualité Covid-19 en prison :

    • Clin d’oeil : Oliv’ parle de la mutinerie de Valence en 2016 « c’est pour toutes les longues peines de France« .
    • Lettre de Seb, qui décrit son quotidien en cellule à Metz alors qu’il a un grave problème de santé.
    • Les charognards veillent : le RN dépose une proposition de loi pour que les prisonniers soient contraints de fabriquer des masques et la CGT-pénitentiaire de Condé pleure pour avoir des masques, mais ne pensent d’aucune manière aux prisonniers
    • Appel : blocage à Osny, tenez-nous au courant de ce qui a eu lieu !
    • Feux d’artifices de solidarité et feux de cars cellulaires de l’administration pénitentiaire
    • Parloirs : les services sont saturés dès maintenant… alors que la DAP a annoncé la réouverture !

    Lettre de Seb à Metz :

    Salut à tous et toutes à L’Envolée,

    Je vous écris pour vous parler de ma situation, parce que j’ai besoin de parler de ce qu’on me fait vivre ici, parce que je suis inquiet pour ma santé et que, malgré mes démarches, il n’y a rien qui est fait pour le moment pour que je sois soigné. Je suis incarcéré depuis plus de neuf mois, et j’ai fait à deux reprises des crises de carence de potassium, qui ont toujours lieu au réveil.
    Pour vous expliquer c’est quoi, ça consiste à me retrouver complètement paralysé, ou partiellement selon les crises : je peux ne pas pouvoir bouger mes pieds, où, en général, tout mon corps est immobilisé, il n’y a que les muscles de mon visage qui répondent faiblement. Autrement dit, j’arrive que à parler. Depuis peu, on me donne enfin 3 gélules de potassium par jour, donc 600 mg, ce qui n’est pas beaucoup, en tous cas pas suffisant parce qu’on ne sait pas du tout ce que j’ai, et que ça continue. En fait, on ne sait pas d’où ça vient, et ça m’est arrivé plusieurs fois : une fois quand j’étais dehors (j’étais un grand consommateur de cocaïne de provenance louche et on m’avait dit que ça devait être lié, alors le médecin n’avait pas fait d’analyses plus poussées) mais depuis que je suis rentré je ne consomme pas de cocaïne alors ça ne peux pas être la raison de la suite des crises : il y en a eu deux où j’étais complètement paralysé, le 22 février, et vendredi dernier, le 1er mai, mais là ils ont tout fait pour ne pas m’hospitaliser à nouveau.

    J’ai enfin vu un médecin de l’UCSA lundi, qui m’a dit qu’elle allait essayer de trouver la cause de mes paralysies en me faisant hospitaliser à la prison-hôpital de Nancy. Moi, ça me va, plutôt que d’avoir la pression de me lever paralysé à chaque fois que je m’endort dans ma cellule, surtout vu ce que les surveillants se sont déjà permis de faire quand c’est arrivé les dernières fois.
    Je vous raconte : la première fois que j’ai fait une crise « totale » en prison, le 22 février, c’était donc au réveil. J’ai été réveillé à 5h40 par le surveillant qui passait à l’œilleton, et j’ai voulu lui faire signe mais en fait j’ai réalisé que j’étais paralysé et je suis tombé de mon lit. À 7 heures, quand un autre surveillant est passé, il a ouvert la porte et m’a trouvé la tête sous le lit, position dans laquelle j’étais (mal) tombé, par terre, coincé la tête et le haut du corps sous le lit, paralysé. J’ai appelé à l’aide mais il a juste rigolé, m’a appelé par mon nom de famille, a fait des blagues sur le fait que je faisais du ménage sous mon lit (il ne voyait que mes jambes) et a refermé la porte. J’avais mis mon réveil à sonner pour que ça fasse du bruit et qu’ils finissent par rentrer pour se rendre compte que j’étais coincé et en galère. Mais ils ont dit que tant que ça sonnait c’était que « ça allait ». Un gradé est aussi passé, qui a affirmé que je « jouais la comédie », j’ai eu beau réclamer qu’ils appellent le médical, ils n’ont rien fait. J’ai dû attendre de sept heures du matin à 13h30 pour qu’ils appellent enfin le médical, qui a appelé le SAMU, et j’ai été hospitalisé. Les intervenants du SAMU ont pris ma défense, leur a dit que je n’avais aucun intérêt à simuler cela et qu’ils avaient mis ma vie en danger.
    La deuxième fois, vendredi, j’ai du attendre trois heures pour être pris en charge, et mon codétenu a du me faire boire comme un bébé vu que je n’arrive pas à bouger du tout à ces moments-là. Bref, c’est humiliant et insupportable de vivre ça, et la pression, elle existe aussi pour mon codétenu.

    Bon, en plus, j’ai un kyste au cerveau, il paraît que c’était bénin en 2016 mais depuis aucun examen n’a été fait et j’en ai aussi réclamé. J’avais même un rendez-vous mais le jour de mon rendez-vous chez le neurologue, juste avant le confinement, on me prévient à 8 heures que je dois être extrait à 10h pour y aller. J’attends 45mn dans la cage à poule, et finalement ils m’annoncent qu’il n’y a pas d’escorte qui peux m’y amener et je rate donc le rendez-vous…. Depuis, j’ai appris que les matons avaient fait un rapport comme quoi j’aurais refusé l’extraction et que je refuse donc de me soigner ! Je l’ai appris à l’UCSA, bref, c’est abusé.

    Je vous tiendrais au courant de ce qu’il se passe pour moi par la suite, Force aux malades en prison, ils ont pas le droit de nous traiter comme ça, il faut en parler !

    Seb, prisonnier à Metz


    FACE AU COVID-19 EN PRISON : AMNISTIE GENERALE !

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