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  • DES GILETS JAUNES FACE A LA JUSTICE… DE CLASSE, suite : de l’intérêt de refuser la comparution immédiate

    DES GILETS JAUNES FACE A LA JUSTICE… DE CLASSE, suite : de l’intérêt de refuser la comparution immédiate, exemples à Paris le 07 janvier 2019

    Ce lundi 7 janvier au palais de justice des batignolles à Paris, nous avons assisté à des audiences en renvoie ; c’est à dire que les personnes qui comparaissaient ont été arrêtées lors des actes II et III et qu’elles ont alors refusé le passage en comparution immédiate et obtenu de ce fait un délais pour préparer leur défense.

    Deux inculpés qui n’avaient pas eu le temps de préparer leur défense ont obtenu un nouveau renvoi ; ils passeront le 16 avril devant la 24e chambre. Le contrôle judiciaire dont ils font l’objet a été assoupli pour qu’ils puissent voir leur avocat à Paris. Quatre personnes ont comparu avec l’aide d’un avocat, cinq autres se sont présentées sans.

    Le chef d’inculpation principal était pour tous d’avoir « participé sciemment à un groupement, même formé de façon temporaire, en vue de la préparation caractérisée d’un ou plusieurs faits matériels de violences volontaires contre les personnes ou de destructions ou de dégradations de biens ».

    Ce délit a été créé par Sarkozy dans la loi du 2 mars 2010 dans le but de « renforç[er] la lutte contre les violence de groupe et la protection des personnes chargées d’une mission de service public ». Le parquet a assaisonné ce fond de sauce d’épices variées, selon le cas : rébellion, dégradations, port d’arme, coups et blessures sur personnes dépositaires de l’autorité publique.

    Avant de rendre compte plus précisément de chacune des affaires, une évidence s’impose néanmoins : cette audience en renvoi montre une fois de plus la nécessité de refuser les comparutions immédiates. Bien sûr, des peines sont toute de même prononcées ; bien sûr, la relaxe n’est toujours pas la norme (alors que les dossiers le permettraient) ; bien sûr, la justice continue ici aussi son travail d’éradication du mouvement ; bien sûr, il est toujours difficile d’énoncer des vérités générales dans le cadre des procès… mais force est de constater qu’à dossier équivalent, la sentence est souvent plus « clémente » qu’en comparution immédiate.

    Le chef d’inculpation principal est toujours le même, c’est la fameuse « participation à un groupement », résurgence de la loi anticasseurs -qu’Edouard Philippe voudrait encore durcir, si c’est encore possible. En comparution immédiate, pour des faits identiques -ou plutôt pour une absence similaire de ces dits « faits » – quasiment tous les inculpés prennent des peines de prisons ferme ou avec sursis. Ce jour,  lors des audiences de renvoie, sans être forcément des flèches, les avocats ont pu faire le taf, c’est à dire qu’ils ont pu démontrer le vide des dossiers, qui souvent ne contenaient que la fiche d’interpellation et le PV d’ambiance de la police.

    L’un d’entre eux a même -dingue…- osé s’en prendre à cette loi en expliquant le contexte de sa création et le fait qu’elle est maintenant utilisée pour arrêter « tout le monde et n’importe qui » – destin classique de toutes les lois sécuritaires, qui ciblent d’abord l’« ennemi public » du moment pour être acceptées, avant de s’appliquer progressivement au plus grand nombre.

    Le président reconnaît lui-même qu’en comparution immediate, c’est une justice d’abattage qui s’applique : « Maintenant que l’ambiance est apaisée, dit-il, il faut examiner les faits »

    Les relaxes sont dues au fait que la simple présence sur les lieux d’une manifestation ne constitue pas un « fait matériel » suffisant pour caractériser un intention quelconque. Encore une fois, en comparution immédiate ces dernières semaines, cela suffit bien souvent aux juges comme « fait matériel ». Très paternaliste, le juge se contente ici d’expliquer qu’une manifestation doit être declarée… et puis qu’il faut savoir rentrer chez soi. « On interdit pas ici le fait de manifester, mais il faut rester dans le cadre défini. » D’ailleurs, s’il y a pu y avoir des violences policières, elles étaient légitimées par l’ambiance, la fatigue… et puis le policier, c’est un être humain, lui aussi ! Il a le droit de craquer ! Pareil pour les erreurs de procédure… comme si on pouvait renvoyer dos à dos la violence de l’État et la réaction populaire !

    De fait, les quelques nuances que nous introduisons ici, ne doivent pas masquer l’essentiel, à savoir la continuité de la violence d’Etat : violence policière dans la rue, rigueur des condamnations devant les tribunaux. Les rouages de l’appareil répressif tournent à plein régime pour qu’il y ait de moins en moins de monde dans la rue. Depuis janvier plus qu’en décembre encore, le gouvernement assume : il veut blesser, abîmer, terroriser les participants et tente par tous les moyens de retourner la population contre le mouvement. Jusqu’ici, malgré un travail assidu notamment des tribunaux  il n’est pas parvenu à trier le bon grain de l’ivraie -ce qui est déjà exceptionnel-, il s’agit donc de continuer à l’en empêcher.

    #SolidariteDansLesTribunaux

    Les quatre qui avaient des défenseurs

    R. a été arrêté lors de l’acte III, il est accusé de « participation… » et de « dégradations ». Son avocat dépose des conclusions de nullité car les condés ont rajouté une page au PV de fin de notification de garde à vue. Le président joint l’incident au fond. Le procureur demande six mois avec sursis. Relaxe.

    Arrêté à midi boulevard Haussmann pendant l’acte III, C. B. est accusé de « participation », de « dégradations » et de « port d’arme de catégorie D ». Le procureur requiert dix mois dont six avec sursis ; il est condamné à 300 euros d’amende pour le port d’arme et relaxé pour les deux autres chefs d’inculpation.

    Interpelé très tôt sur les Champs lors de l’acte II, D. Y. est accusé de « participation », de « dégradations », de « violence volontaire sur personnes identifiées comme représentants de l’ordre public ». La ville de Paris se porte partie civile pour les degradations : une pierre lancée sur un kiosque à journaux. Pour l’acte II, au fait de « participer à un groupement » s’ajoute une circonstance aggravante : « en dehors de l’espace autorisé » -il faut rappeler que l’ensemble des Champs était totalement bouclé par les condés. Pour y pénétrer, il fallait accepter une vérification d’identité et ue foille en règle ; le fait d’être « en dehors » attestait donc pour les juges de la volonté « d’en découdre ». Le procureur demande quatre mois fermes ; le gars est condamné à 105 heures de TIG assorties d’une obligation de soins –et quatre mois de sursis si les TIG ne sont pas effectués. Pas d’indemnités pour la partie civile.

    Arrêté à 15h45 rue la Boêtie au cours de l’acte III, B. M. est accusé de « participation », et du port de « pierres, lunette, masque et protège-tibias ». La procureur demande des TIG et l’interdiction de se présenter à Paris : il est relaxé.

    Les comparutions sans avocat

    A. a été arrêté au cours de l’acte II. Il est accusé de « participation », de « rébellion » et de « coups et blessures » : un des condés de la BAC qui l’ont arrêté s’est foulé le pouce – 10 jours d’ITT… et 1 500 euros de dommages et intérêts. A. n’a pas d’avocat, mais accepte d’être jugé. Le condé est présent, témoigne… et lui, il a son avocat. Larmoyant, le proc évoque les manifestations de janvier 2015 « où on embrassait et remerciait les policiers qui nous protègent » pour les opposer à « ces violences insurrectionnelles » où « ils sont pris pour cibles ». Dans la foulée, il requiert deux ans fermes. C. est condamné à six mois de sursis et cinq ans de mise à l’épreuve. Les dommages et intérêts du condé sont renvoyés au civil, mais C. doit tout de même verser 1 500 euros -en provision…

    R. a été interpelé au soir de l’acte II ; il est accusé de « participation » et de « rébellion ». Le procureur demande trois mois fermes. Il prend 105 heures de TIG assortis de trois mois de sursis s’ils ne sont pas effectués.

    L. a été arrêté pendant l’acte II, dans l’après-midi. Lui, il mérite une special dedicace : il s’est fait tirer dessus « par un lanceur de 40 mm » (le fameux LBD)… mais dans les jambes ! et ce côté « pro » des CRS, il a grave apprécié. Il connaît un peu la musique, faut dire : après cinq ans dans l’armée, il est rentré dans la pénitentiaire en 2003. Il a bossé en centrale en Alsace, en CD, et là, il est à Fresnes. Le maintien de l’ordre et ses conséquences, ça le connaît  : il a été dans les Eris (les matons cagoulés qui interviennent pour écraser les mouvements collectifs en prison) « d’où la cagoule, Monsieur le président » ! Des émeutes, il en maté 3, et il a eu « de la chance de ne pas avoir eu une main arrachée, ou perdu un œil ». Du coup, quand il vient manifester, il se protège bien : masque et lunettes. Six mois avec sursis requis ; il en prend quatre.

    Interpellé dans le 18ème lors de l’acte III, D. G. est accusé de « participation », de « déclarations imaginaires » et de « possession de pétards ». Arrivé du Havre à 20h30, il a été arrêté à 21h50. Le procureur requiert une amende avec sursis. Relaxe.

    Interpellée à 15h30 au cours de l’acte II. L. Y. est accusée de « participation », de « déclaration imaginaire », de « violence volontaire envers une personne détentrice de l’autorité, sans ITT ». Le flic aurait reçu de la peinture noire sur le visage, et il aurait du mal à s’en remettre ! Le procureur demande une amende avec sursis. Elle explique qu’elle voulait « voir et filmer ». Le président s’étonne : pourquoi faire, puisque « BFM retransmet tout en direct » ? Droite dans ses bottes, elle rétorque que  «  non, ce qui est montré ne correspond pas à la vérité : on ne voit pas les violences policières ! » 105 heures de TIG assortis de cinq mois de sursis s’ils ne sont pas effectués, et 150 euros d’amende pour fausse déclaration d’identité.

  • A Foix aussi, la justice envoie des Gilets jaunes en prison pour tuer le mouvement !

    Ce mercredi 2 janvier, le tribunal de Foix (09) faisait comparaître deux hommes de 25 et 30 ans, pour dégradation avec incendie au péage de Pamiers et « occupation non appropriée du domaine routier » dans la soirée du 31 décembre.

    Au vu du casier non vierge des deux prévenus, l’avocat de la défense Me Baby leur a conseillé d’accepter la comparution immédiate, estimant qu’il pouvait « faire appel à l’humanité du tribunal » pour leur éviter l’incarcération immédiate (mandat de dépôt).

    Autant pisser dans un violon…

    « Que l’on s’estime innocent ou coupable, il vaut mieux refuser la comparution immédiate. Être jugé tout de suite, à chaud, c’est courir le risque de prendre une peine « pour l’exemple », et se priver de l’aide d’avocats capables de défendre correctement le dossier – ne serait-ce que parce qu’ils auraient eu le temps de le lire. » Des gilets jaunes face à la justice…de classe

    Les deux prévenus sont précaires, l’un travailleur pauvre sans logement et l’autre intérimaire, et le tribunal ne va pas se priver de s’appuyer lourdement sur ce qu’il appel le « profil des accusés ». Ils ont tous deux quelques condamnations à leur casier pour larcins ou conduite sans permis. Procureur comme juge insistent en chœur sur « le niveau ras-des-pâquerettes des prévenus ». Ce à quoi un des deux rétorquera en fin d’audience « nous ne sommes pas des bêtes, nous ne nous arrêtons pas de penser ».

    La trentaine de soutiens dans la salle ne se montre pas révérencieuse face au tribunal et n’hésite pas à réagir. Une femme de l’assistance se fait sortir pour avoir répondu aux dires du procureur que l’usage du flashball était également une atteinte à la sécurité des personnes.
    Le procureur demande une peine de 8 à 9 mois de prison ferme pour les deux gilets jaunes.
    La défense n’était certes pas facile, les deux hommes ayant reconnu et raconté en détail les faits en garde à vue ; pour l’un d’entre eux après s’être fait mettre la pression par la police pour ne pas faire plonger son camarade seul.

    L’avocat opte pour une défense politique avec un discours sur la casse comme « moyen pour se faire entendre », n’hésitant pas à évoquer les faucheurs d’OGM ou même la ZAD de Notre-Dame-des-Landes comme exemple. Les derniers mots de l’avocat n’auront pas convaincu le tribunal : « donnez le message ferme qui convient, mais laissez la place à l’humanité » pour « laisser les condamnés retourner chez eux » . Raté !

    Les deux gilets jaunes ont été incarcérés mercredi soir, avec pour peine 3 mois de prison ferme et 6 mois de sursis avec obligation de travailler, plus 150 euros d’amende chacun. Encore une fois, la comparution immédiate a entraîné une condamnation sévère et envoyé les condamné dormir en prison.

    Solidarité avec les prisonniers et leurs proches et renforçons nos réflexes de défense avant, pendant et après les actions !

    Exemple de conseils de précautions avant les manifs ou blocage : Conseils contre la répression

    Pour  s’en sortir au mieux et ne pas aggraver son cas en garde à vue : Brochure GAV
    A propos de son téléphone, ce mouchard quand on est entre les mains de la police : Code PIN en GAV décryptage

     

  • DES GILETS JAUNES FACE A LA JUSTICE… de classe

    « Si vous le saviez, pourquoi vous y rendre ? » un procureur parmi d’autres.

    Un gouvernement qui ne parvient pas à écraser un mouvement de  contestation dans l’œuf dispose de plusieurs outils pour le circonscrire et l’étouffer s’il menace de tenir, voire de s’étendre. Au bout de cette chaîne répressive, il y a les tribunaux. La ministre de la Justice Nicole Belloubet, en visite au tribunal de Paris au lendemain de la manifestation du 1er décembre, avait demandé aux magistrats une réponse pénale « tout à fait ferme » à l’encontre des prévenus. C’est pourquoi il est très important de soutenir les inculpés, notamment par la présence aux procès. C’est bien sûr une solidarité nécessaire, mais surtout, c’est un moment de la lutte à part entière ; et c’est particulièrement vrai dans le mouvement actuel.

    En effet, une des particularités de ce mouvement, c’est qu’une grande partie des gens qui descendent dans la rue n’ont jamais eu affaire à la justice et ignorent bien souvent tout ou presque de son fonctionnement. Et comme ce ne sont pas des bourgeois, ils subissent de plein fouet la violence de classe qui s’exerce quotidiennement dans les tribunaux ; en particulier dans les comparutions immédiates qui pratiquent une justice d’abattage. Ils n’ont ni les connaissances juridiques et les stratégies qu’apprennent et échangent les « habitués » des tribunaux et des prisons… ni le langage et les attitudes légitimes – et l’aide d’un bon avocat payé en conséquence – qui tendent à adoucir la sentence pour les bourgeois. Chacun sent bien qu’il va sans doute falloir faire profil bas, s’excuser, regretter… mais ça ne suffit pas pour se défendre.

    Nous publions ici quelques observations générales sur des audiences auxquelles nous avons assisté – comme toujours avec l’institution judiciaire qui s’ingénie à tout individualiser, il n’y a pas de vérité absolue, ce qui n’empêche pas de dégager certaines tendances – suivies de comptes rendus d’audiences d’ici et d’ailleurs.

    En assistant aux procès, chacun et chacune peut tenter d’analyser et de publiciser les postures et les réflexes qu’adoptent les juges dans la période actuelle : les chefs d’inculpations choisis, le genre de défense à laquelle s’attendent les procs, le montant des réquisitions pour tel ou tel acte… ces éléments peuvent permettre de renforcer les stratégies de défense des prévenus, et donc le mouvement lui-même.

     Des GAV par milliers

    Selon les chiffres officiels recoupés ici et là dans un article paru sur Bastamag.net le 10 décembre, il y avait déjà eu à cette date plus de 3300 arrestations dans le cadre de ce mouvement. Si toutes n’ont pas conduit à une garde à vue (GAV), ça a été le cas dans l’immense majorité. Plusieurs milliers de personnes ont fait l’expérience de la plus courte des peines de prison : vingt-quatre, quarante-huit heures ou plus (pour cause de micmacs sur les PV pour réguler les flux dans certains commissariats) entre les mains de la police.

    Cette situation très désagréable – surtout la première fois – conduit beaucoup de personnes interpellées à parler, à répondre aux policiers… belle occasion de charger un dossier qui souvent ne contenait jusque-là qu’un procès-verbal d’interpellation. Ne pas répondre, ou nier les faits, est un droit que beaucoup ignorent. Il faut le faire savoir au maximum : contrairement à ce que disent invariablement les policiers, moins on parle, moins on s’expose – que l’on se pense innocent ou que l’on se sache coupable.

    Une bonne partie des GJ gardés à vue est ressortie après un simple « rappel à la loi » parce que malgré tous leurs efforts, les OPJ n’avaient pas réussi à trouver de quoi constituer une infraction à poursuivre. Ça a été le cas de la plupart des gens qui ont été arrêté de manière préventive juste parce qu’ils étaient « équipés » (de masques, de cache-cols, de sérum physiologique), ou parce qu’ils sont arrivés en groupe à un endroit où les « forces de l’ordre » étaient particulièrement zélées ; le but de ces arrestations étant avant tout d’assécher les rassemblements du jour et de dissuader ceux et celles qui voudraient se rendre aux suivants.

    Refuser la comparution immédiate

    « Plus de 1200 personnes auraient été déferrées devant la justice depuis le début du mouvement. Par comparaison, c’est désormais davantage que lors de la contestation contre la loi Travail, de mars à juin 2016 sous le mandat de François Hollande, mouvement au cours duquel 753 personnes avaient été poursuivies » (source : bastamag.net).

    Celles et ceux qui ne sortent pas avec un rappel à la loi sont donc « déféré.e.s », c’est-à-dire qu’ils et elles comparaissent devant un juge pour répondre des « éléments » qu’il y aurait dans le dossier. Ça peut être la déclaration d’un flic concernant l’interpellation, des images de vidéosurveillance « exploitables », un aveu du prévenu, un simple texto dans son portable, une vidéo dans le téléphone d’un autre manifestant arrêté, ou encore « une preuve matérielle » : un gant troué, une pierre dans la poche, etc. C’est à ce moment-là que le juge propose au prévenu, soit d’être jugé tout de suite en « comparution immédiate », soit de demander à être jugé plus tard pour préparer sa défense.

    Que l’on s’estime innocent ou coupable, il vaut mieux refuser la comparution immédiate. Être jugé tout de suite, à chaud, c’est courir le risque de prendre une peine « pour l’exemple », et se priver de l’aide d’avocats capables de défendre correctement le dossier – ne serait-ce que parce qu’ils auraient eu le temps de le lire.

    Lorsqu’on refuse la comparution immédiate, le juge est dans l’obligation de donner la date à laquelle on sera de nouveau convoqué. La question est de savoir si on attendra cette date en prison ou dehors. Pour en décider, le tribunal examine les « éléments de personnalité », c’est-à-dire des informations sur le travail, le revenu, le domicile… pour déterminer, d’une part, si l’institution judiciaire est assurée de retrouver le prévenu le jour de son procès et, d’autre part, dans la période actuelle, s’il risque de retourner en manif d’ici là.

    Lorsque l’on voit un avocat en GAV, il faut donc lui demander de contacter quelqu’un qui pourra lui faire parvenir des « garanties de représentation » : fiche de paye, avis d’imposition, facture prouvant la domiciliation, déclaration d’une association, etc.

    Comme beaucoup de prévenus arrêtés pendant ce mouvement travaillent ou suivent une scolarité et ont une famille ou une vie considérée comme suffisamment stable aux yeux des juges, ils ont été nombreux à être libérés dans l’attente de leur procès – mais toujours avec l’interdiction de manifester, et de se rendre à Paris pour les non-parisiens de banlieue et d’ailleurs, le tout assorti d’un contrôle judiciaire plus ou moins strict, c’est-à-dire une obligation de pointer au commissariat ou à la gendarmerie de sa commune entre une et trois fois par semaine.

     En comparution immédiate

     Malheureusement, très peu de gens refusent la comparution immédiate – tout le monde ne sait pas que les peines y sont souvent plus lourdes, et puis il y a toujours la pression des policiers qui font croire qu’en cas de refus on part forcément en détention préventive… mais surtout, l’envie d’en finir au plus vite, l’illusion qu’on en sera quitte avec une GAV et un rappel à la loi.

    C’est faux, mais dans ce mouvement ça marche à fond, d’autant que les interpellés viennent très souvent de loin pour manifester à Paris et qu’ils ont envie de rentrer chez eux. Ils reculent devant la perspective d’avoir à revenir pour un procès dans plusieurs semaines, alors qu’ils n’auront sans doute ni le temps ni l’argent.

    Tous les prévenus – à de très rares exceptions près – des comparutions auxquelles nous avons assisté étaient poursuivis pour le désormais fameux « groupement en vue de commettre des dégradations ou des violences ». C’est devenu une sorte de socle commun pour ce mouvement, et pour cause : c’est un chef d’inculpation très très très pratique, puisqu’il permet au juge, quand il fait mine de vouloir reconstituer les faits, ainsi qu’au procureur dans son réquisitoire contre l’accusé, de mettre l’accent, soit sur le caractère collectif (groupement), soit sur l’intention (en vue de), soit sur les lieux où la personne est arrêtée (un endroit où des dégradations ou des violences ont été commises). Ce cocktail permet à la cour de poser des questions de tous types et cette succession de questions parfois anodines donne souvent l’illusion qu’elle cherche simplement à « établir la vérité », à « bien comprendre ce qui s’est passé », « ce que faisait l’accusé » etc. En réalité, le juge est en train d’accumuler en direct les charges suffisantes pour justifier la sentence que le procureur va requérir… alors même que le dossier monté par la police en GAV est la plupart du temps vide.

    « En vue de » : gare aux intentions

     Dans les procès auxquels nous avons assisté dans le néo-palais de justice de Paris, suite aux manifestations des 1er et 8 décembre, les magistrats ont invariablement commencé par demander pourquoi le prévenu était allé manifester et si c’était la première fois, pour vérifier si la personne était un « authentique Gilet jaune ». Ils se sont largement fondés pour cela sur sa profession et son salaire : pour les juges et les procureurs –pour certains avocats aussi d’ailleurs– le Gilet jaune travaille – mais il est précaire, artisan, ou exerce une profession indépendante. Il a des raisons de manifester… mais ce n’est pas un militant ; et puis, surtout, il n’a jamais été condamné auparavant – sauf, à la limite, pour un délit routier.

    S’il a un casier judiciaire, il bascule immédiatement dans la catégorie haïe du « délinquant d’opportunité » : il s’est glissé dans la manifestation pour profiter du chaos, piller et attaquer la police, et ses gestes n’ont rien à voir avec la colère – éventuellement – légitime des « authentiques Gilets jaunes ». Juges et procureurs sont rassurés de retomber sur leur gibier quotidien, et ils n’en sont que plus féroces et se permettent même de tancer le désigné « casseur » au nom de la crédibilité du mouvement. En bons bourgeois qu’ils sont, ils savent que l’ordre social repose en partie sur leur travail, qui consiste essentiellement à distinguer les bons pauvres des mauvais. Plus tu as chuté dans l’échelle sociale, plus tu as fait de prison, plus tu es paumé, moins tu mérites ta place dans ce mouvement de contestation. Comme toujours, si tu as fait de la prison, tu retourneras en prison, quant bien même elle serait directement responsable de ta misère actuelle.

    Passer l’examen d’« authentique Gilet jaune » avec succès ne suffit pas pour autant à laver le prévenu de toute « intention » malveillante. Elle peut s’être nichée dans un texto du genre : « Debout les amis, il est 5 heures, on monte à Paris, c’est la révolution. » Ou dans le matériel dont s’est équipée la personne : les protections témoignent de l’intention de se rendre dans un endroit où il y aura des gaz, « si vous le saviez, pourquoi vous y rendre ? » De même que ramasser une balle de flashball ou une grenade qu’on a reçue indique l’intention de la renvoyer sur les forces de l’ordre, etc.

     « Le groupement » : gare aux autres

     En gros, pour le proc, on n’est jamais « là par hasard » : si des gens cassent des vitrines ou jettent des cailloux sur les « forces de l’ordre » là où on est, c’est comme si on le faisait soi-même. En gros, notre présence, notre regard sur la scène (encore plus si nous la filmons) nous en rend complice.

    Le « groupement » peut être constitué dès lors qu’une vidéo montre le prévenu à proximité d’un groupe en capuches – qu’ils soient en train de dégrader quelque chose ou pas à ce moment-là. Il peut même être constitué grâce à une vidéo saisie dans un téléphone pour peu qu’on s’y adresse à un autre manifestant. Dans le cas où aucune image exploitable n’est disponible, le juge demande d’une voix rassurante : « Je cherche à bien comprendre ce que vous avez fait, donc dites-moi : quand vous êtes arrivés, il y avait des gens qui cassaient ? » ; et le prévenu répond, pensant que sa sincérité le protègera : « Oh oui, c’était vraiment le bordel ! Il y en a qui cassaient, mais pas moi ! » Le juge a réussi son coup : la personne a reconnu qu’elle s’est trouvée en compagnie de « casseurs ». Et un groupement de plus !

    Lorsqu’il n’y a vraiment rien dans le dossier, le juge peut s’appuyer sur un « PV d’ambiance » pour constituer le fameux délit de « groupement ». Ce drôle de truc, parfois aussi appelé « PV de renseignement », est un ramassis de considérations d’un agent X sur la situation dans un périmètre donné à un moment donné. Ce PV d’ambiance peut d’ailleurs remonter à deux ou trois heures avant l’arrestation.

    Enfin, il peut y avoir groupement même si la personne a été interpellée alors qu’elle rejoignait sa voiture avec un groupe d’amis, par exemple. Le juge demande d’ailleurs souvent si la personne est venue seule à la manifestation ; et si elle était accompagnée au moment de son arrestation.

    Bref, le « groupement « est LE chef d’inculpation fourre-tout qui permet l’arrestation et la condamnation de masse.

    Néanmoins, les seules relaxés ont été ceux qui ne devaient répondre que de ce seul chef d’inculpation. Certains avocats et avocates ont d’ailleurs bien compris qu’il faut le démonter à toute force et mettre à jour qu’il n’est rien d’autre qu’une remise en cause radicale du droit de manifester.

    Quant aux prévenus qui avaient en plus de ce chef d’inculpation des violences contre agent (avec ou sans dépôt de plainte de l’agent en question), des outrages, des vols ou du recel de marchandise volée, des dégradations de biens – sur la base de flagrants délits, d’aveux en GAV ou de vidéos (parfois filmées par eux-mêmes ou par leurs amis), ils ont tous été condamnés à des peines de prison. Assorties de sursis, ou même à du ferme, avec mandat de dépôt ou non, toujours selon les « personnalités ».

    Nous attendons d’avoir des retours de la part de ceux qui ont été incarcérés pour développer la question de la prison suite à ce mouvement.

    Nous vous invitons à vous rendre dans les tribunaux, à prendre des notes et à échanger avec les autres personnes présentes dans la salle, notamment si les familles des accusés sont là ; vous pouvez renvoyer vers et imprimer ces conseils :

    Quelques conseils pour se protéger en manifs et ailleurs

    SORTEZ COUVERT-E-S : se protéger en GAV

    Que faire quand un-e proche est incarcéré-e ?

     Vous pouvez envoyer comptes rendus de procès, commentaires, questions, informations sur d’éventuels comités de soutien et contacts de prisonniers qui voudraient des coups de main à :

    contact@lenvolee.net

    Twitter : @anticarceral

    Vous pouvez lire ci-dessous certains des comptes rendus des procès auxquels nous avons assisté ainsi que des compte rendus publiés sur différents sites collaboratifs d’informations

    A Toulouse :

    Retour sur les comparutions immédiates du lundi 10 décembre suite à l’acte IV

    Retour sur les comparutions immédiates suite à la journée de samedi 1er

    A Tours :

    Manifestation du 1er décembre : deux personnes condamnées à de la prison ferme et incarcérées

    A Marseille :

    Point sur répression depuis le 1er décembre

    Boucherie au tribunal : communiqué de la Legal Team sur les audiences du 10/12

    A Lyon :

    Comparutions immédiates du lundi 10 décembre 2018

    A Saint-Etienne :

    Rassemblement de soutien aux récent.e.s inculpé.e.s devant le palais de justice

    3 mois fermes pour vol : bilan des premiers procès de samedi

    A Avignon :

    A Paris :

    Appel à aller au TGI de Paris ces lundi 17 et mardi 18 décembre à partir de 13h30

    « A ce rythme-là, vous allez pouvoir mettre toute la France en comparution immédiate » – Récit de deux après-midi au TGI de Paris

    Réveillon au TGI des Batignolles, compte-rendu de compa le 24 décembre

    Témoignage d’une mère d’un Gilet jeune condamné à Paris

    Comptes-rendus d’audiences de comparutions immédiates consécutives à la manifestation des gilets jaunes du 1er décembre.

    Lundi 3 décembre, salle 6.04, de 14 à 20 heures, par M.

    Il y a pas mal de journalistes, comme on pouvait s’y attendre. La juge offre un beau numéro de condescendance de classe, enchaînant blagues et petites vannes aux prévenus qu’elle ne considère visiblement pas comme de mauvais bougres ; ça ne l’empêchera pas de les laminer au moment du verdict. Une heure après le début des audiences, la mairie de Paris fait parvenir à la cour une note dans laquelle elle dit qu’elle se constitue partie civile dans toutes les affaires ; demande finalement rejetée au motif que les parties civiles doivent se constituer nommément pour chaque affaire.

    Presque aucun prévenu ne l’est pour des faits caractérisés. La plupart comparaissent pour « participation à un groupuscule en vue de commettre des violences contre des biens ou des personnes », ou parce que les flics ont trouvé sur eux du matériel de défense : des gants, un plastron de moto, des genouillères, du sérum phy, des masques à peinture Casto, des lunettes de piscine, etc. Plusieurs ont été arrêtés avant d’arriver sur les lieux ; leur « participation » devient donc une « intention de participer » -ce qui ne changera rien aux peines distribuées.

    Parmi les inculpés de cette après-midi beaucoup ont déjà un casier judiciaire : conduite sans permis, accident de voiture, détention de shit. Tous les prévenus viennent de banlieue ou ailleurs en France mais aucun de Paris : Toulon, la Nièvre, l’Essonne, les Ardennes, St-Germain-en-Laye, le Blanc-Mesnil. Ils sont ouvriers ou artisans : deux maçons, deux tourneurs-fraiseurs, un soudeur, un inspecteur qualité, un cariste, un forgeron, un mécanicien, un technicien élec et un préparateur de commandes. L’un d’entre eux a fait la guerre du Kosovo, un autre est un ancien militaire condamné pour désertion. Il y a aussi un fils de flic. La plupart insistent sur le fait qu’ils n’ont rien contre la police, qu’ils ne sont ni d’extrême gauche, ni d’extrême droite, qu’ils n’avaient jamais fait de manif jusque-là, qu’ils condamnent les « casseurs ». Ils disent qu’ils ont bien retenu la leçon et n’iront plus jamais en manif.

    R. est accusé d’avoir participé à un « groupement » alors qu’il a été arrêté à 10h50 -avant de rejoindre la manif-, ainsi que d’avoir apporté un plastron, des gants et un casque de moto. Déjà condamné pour violences et conduite sans permis, il prend quatre mois de sursis et une interdiction de séjour à Paris de huit mois.

    S. : Les flics ont trouvé sur lui un casque de vélo qui viendrait du Décathlon pillé. Déjà condamné quand il était mineur pour incendie et vol de voiture, il prend trois mois avec sursis.

    J., D., G., M. et F. sont eux aussi accusés d’avoir participé à un « groupement » -alors qu’ils ont été arrêtés à 10h30, en descendant de leur voiture-, d’avoir été équipés de sérum physiologique, de lunettes, de masques à peinture, de gants et de petits pétards tout à fait légaux. L’un d’eux, qui a déjà un casier (suite à un accident de voiture), n’est pas éligible au sursis. Il prend trois mois ferme sans mandat de dépôt. C’est la plus grosse condamnation de l’après-midi ; il va faire appel. Les deux qui avaient des pétards sur eux prennent huit mois avec sursis, les deux qui n’en avaient pas en prennent quatre. Tous sont interdits de séjour à Paris pour un an. 

    J. est accusé d’avoir lancé un morceau de macadam sur les flics. Heureusement, lui n’accepte pas la comparution immédiate (c’est le seul). Il passera le 10 janvier à la 23e chambre correctionnelle, salle 3. D’ici là, il est placé sous contrôle judiciaire avec obligation de maintien à domicile (sauf pour se rendre au travail ou à un rendez-vous médical) ; interdit de séjour à Paris, il doit aller pointer toutes les deux semaines.

    F. est accusé d’avoir  participé à un « groupement« , d’avoir un sweat à capuche et des gants. Il est relaxé.

    A. a été arrêté à Bastille. Les flics l’ont fouillé alors qu’il descendait prendre le métro, et il avait un masque à gaz NRBC. Il est accusé de port d’arme de 1e catégorie, parce que c’est du matos militaire. Il est condamné à huit mois de sursis, avec interdiction de porter une arme -toutes catégories confondues- et de venir à Paris pendant un an.

    F. est accusé d’avoir participé à un groupement, d’avoir déplacé une barrière mobile et fait des pochoirs sur les murs. Il s’est pris des coups de matraque : cinq jours d’ITT, il a le visage complètement contusionné. Dans le PV d’interpellation, le flic précise qu’il ne fait pas partie des individus qui s’en sont pris à eux. Il est condamné à six mois de sursis et 500 euros d’amende pour les pochoirs « Marche ou crève », et huit mois d’interdiction de Paris.

    Mardi 4 décembre, salle 6.04, de 14 à 20 heures, par S.

    Aucun des prévenus âgés de 22 à 40 ans ne viennent de Paris : Jura, Alsace ou grande banlieue (Seine-et-Marne). Tous intérimaires ou chômeurs alors qu’ils ont un bac pro ou technique, ou le niveau BTS. Des déclassés des classes moyennes tombés dans la galère alors qu’ils ont fait tout ce qu’il fallait pour trouver un taf. Aucun n’est poursuivi pour violences. Juste parce qu’ils étaient présents avec du matériel (principalement défensif : lunettes, sérum physiologique, masques, gants), ils sont accusés d’avoir « participé sciemment à un groupement formé même de façon temporaire en vue de commettre des dégradations » et tout le blabla… un fourre-tout sorti de la dernière loi sécuritaire. Plus besoin d’actes de dégradation ou autres pour poursuivre : on juge une intention comme aux beaux jours de la loi anticasseurs. Petite modernization toutefois : les portables ont été analysés, et les textos ont valeur de preuve -à charge !

    Arrêté à 19h50 avec du matos défensif et une fronde, le premier prévenu ne connaît personne à Paris. Il a acheté un blouson 30 balles après l’attaque d’un magasin, alors on lui colle une poursuite pour recel. Relaxé pour le port d’arme, il prend douze mois dont six avec sursis sans mandat de dépôt et une interdiction de se rendre à Paris pendant un an.

    Le deuxième a été arrêté près de la Concorde à 17h25 alors qu’il traversait la place en courant ; les flics l’ont bloqué, ont fouillé son sac et trouvé le matos classique. Dix mois dont six avec sursis sans mandat de dépôt. Même s’ils sont aménageables, c’est 4 mois ferme quand même !

    Un troisième prévenu a été arrêté à 19 heures alors qu’il était arrivé sur Paris à 16 heures. Comme il ne connaissait personne, il a suivi un groupe et s’est retrouvé près du Palais des congrès –dont le directeur a porté plainte. Accusé d’avoir conduit un Fenwick, il est poursuivi pour le vol d’un engin de chantier avec lequel il aurait tenté de forcer les portes du bâtiment. Des vidéos le montrent bien à côté de l’engin, mais lui déclare qu’il a au contraire actionné le frein à main pour arrêter l’engin. Il avait 3 cailloux dans sa poche. Six mois avec sursis, et six mois d’interdiction de séjour à Paris.

    C’est ensuite au tour d’un gars venu d’Alsace avec un pote pour “voir de ses yeux”. Impressionnés par le speed de ce qui se passe autour, ils sont entrés dans un rade pour suivre le reste à la télé et se sont un peu bourré la gueule… sorti du rade, le mec passe un coup de bigo à sa copine, adossé à une vitrine. Enervé, il fout un coup de semelle dans la vitrine qui était déjà fêlée. À l’intérieur, le gérant appelle les condés qui le suivent, lui et son pote ; ils sont arrêtés quand ils sont en train de chercher un hôtel. Le gérant n’est pas présent à l’audience et ne s’est pas porté partie civile. Soixante jours amendes à 5 euros.

    Venu du Jura avec des potes, le cinquième à comparaître a dormi la veille chez sa mère avant de se retrouver à la manif. Il se mange une accusation de recel parce qu’on a trouvé sur lui des bouteilles d’alcool à son arrestation près d’un magasin Nicolas pillé. Sa GAV ne lui a été notifiée qu’à 23h25 alors qu’il a été arrêté à 20 heures. Le proc soutient qu’il a été arrêté à 23h25, parce qu’à cette heure-là, ça pétait dans le coin. Il prend trois mois avec sursis pour le recel des bouteilles. Il n’a pas participé à la manif mais exprime le désir de rencontrer les gens: il a acheté les bouteilles pour les partager, car “il aime les gens”. Visiblement ce n’est pas le cas du proc !

    Dans l’ensemble, le proc a eu la main lourde: il a plusieurs fois demandé de la prison ferme avec mandat de dépôt.

    Et si, la plupart du temps, il n’y a pas eu de mandat de dépôt et que ça semblait soulager les prévenus, il ne faut pas se faire d’illusion : c’est un peine ferme. D’une part ce n’est pas sure qu’elle soit aménagées et donc les accusés la feront peut être en prison ; et même si elle est aménagée, ils la feront, d’une autre manière mais ils la feront et cela pèsera dans leur vie.

    D’autre part, à l’échelle collective le fait de multiplier le ferme sans mandat de dépôt, ajoute un barreau intermédiaire à l’échelle des peines entre le sursis et le ferme ; ce qui veut dire que souvent, là où un proc aurait requis du sursis, il requiert du ferme.

    Les prévenus semblaient aussi accusés de soutenir le mouvement : plusieurs fois, un assesseur a demandé : « Et maintenant, quelle est votre position par rapport au mouvement ? ». Tous ont dit regretter, ne plus être solidaires, et qu’ils allaient suivre la suite à la télé. On peut constater que la zone « sécurisée » des Champs a eu une double fonction : contenir les manifestants tout en maintenant l’illusion du « droit fondamental de manifester », mais aussi servir d’indicateur de la volonté d’en découdre. Le proc a dit plusieurs fois: « Mais autour de vous, vous les voyiez, les violences… Vous auriez dû partir ! Si vous étiez un manifestant pacifique, vous auriez dû vous trouver dans la zone sécurisée. » Deux journalistes, dont une qui bosse à Radio France : « Non, mais c’est la récré : des frondes, des masques à gaz… -Le procureur à raison : c’est pas une manif, c’est l’émeute ! -La police a raison de mettre de l’ordre. »

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