Étiquette : hygiaphones

  • Covid en prison : quatre lettres de mars 2022

    Covid en prison : quatre lettres de mars 2022

    Le gouvernement a orchestré le mirage d’un prétendu « retour à la normale » avec la fin du passe sanitaire et du port du masque obligatoire en mars 2022 ; mais à l’intérieur, les mesures foireuses que l’AP (Administration pénitentiaire) impose aux prisonnier·e·s depuis deux ans – jamais les mêmes d’une semaine à l’autre ou d’une taule à l’autre – ne tombent pas vite. Prisonnier·e·s et proches n’en peuvent plus de ces mesures arbitraires et vexatoires – notamment au parloir, en salons et en UVF (Unité de vie familiale), seuls moyens de maintenir des liens avec l’extérieur.


    « Souriez, vous êtes matés ! »

    Lettre de l’Infâme

    Cette lettre écrite du QI (Quartier d’isolement) de Valence a été lue à l’émission du 15 avril 2022. On y voit comment l’AP (Administration pénitentiaire) se sert du prétexte du covid pour multiplier les restrictions au parloir et faire subir une surveillance accrue aux prisonniers et à leurs proches tandis que les matons qui vont et viennent librement peuvent faire rentrer le virus. L’Infâme revient sur l’argent promis aux prisonnier·e·s pour appeler leurs proches par téléphone pendant le premier confinement de mars-avril 2020, ce « cadeau» destiné à calmer les révoltes collectives contre l’interdiction pure et simple de tous les parloirs…

    Centre pénitentiaire de Valence, quartier d’isolement,

    Le 14 mars 2022

    Coucou les ami(e)s,

    L’Infâme est de retour, histoire de vous parler un peu du covid et de comment tout se joue autour de ça en ce lieu oppressant déjà, de base, qu’est le quartier d’isolement. De mon point de vue, le sujet covid est un peu spécial, je l’avoue, car je suis encore et toujours « isolé ministériel ». Mais ça n’en reste pas moins violent, révoltant, et parfois même un non-sens ! Mais bon, j’vais – comme à mon habitude –, vous parler sans langue de bois, même si ça pourrait déplaire à l’AP. Mais ce détail-là, je m’en tape comme de ma première chemise, car la libre expression est un droit – et un devoir, même – de l’être humain. Revenons à nos moutons… ou plutôt, à notre covid – toute une histoire, cette merde de covid, hein !

    Vous n’êtes pas sans savoir, vous, à l’Envo (pour celles et ceux qui me sont le plus proches) que, depuis quelques mois, j’ai enfin des parloirs. Et là, le choc ! Mon parloir s’est super bien passé ! Mais côté covid, le parloir, un désastre ! On a fait avec, moi et mes frérots.

    L’ordre qui nous a été donné, c’est zéro contact. Pas même un check du poing, ou même du pied ou alors du coude.

    L’ordre qui nous a été donné, c’est zéro contact. Pas même un check du poing, ou même du pied ou alors du coude. Rien, nada ! Et croyez-moi qu’après presque quinze ans sans parloir, de renouer avec le parloir, j’en étais ému… Mais ne pas pouvoir dans mes bras mes frérots, leur faire la bise, une accolade, etc., c’est d’une violence terrible ! J’aurais voulu passer outre, sauf qu’on était surveillés de près. Et v’là que ça fait des aller-retours, sans cesse, pour noter si on fait un écart ou pas… Alors qu’eux, bien évidemment, se faisaient des checks du poing ! Mais nous, on nous refusait même ça. Moi, j’étais dos à la porte de la cuisine du parloir, et je voyais les frérots lever les yeux, à chaque passage de Big Brother… Souriez, vous êtes matés ! Au sens propre comme au figuré. Une mise à l’amende inacceptable ! Et bien que pas contents de cette flagrante inhumanité qu’on subissait, on s’est pliés malgré tout à ça. Une mise à l’amende inacceptable ! Et bien que pas contents de cette flagrante inhumanité qu’on subissait, on s’est pliés malgré tout à ça.

    Le pire de cette mise à l’amende, c’est qu’on nous a bien signifié que, si on avait le moindre contact, que ce soit à l’initiative de mes visiteurs ou à la mienne, non seulement il serait mis fin à la visite, mais le permis de visite serait non pas suspendu, mais tout simplement supprimé. Et le pire dans tout ça, c’est qu’on ne pouvait rien y faire. Alors la mort dans l’âme, on n’a pas joué aux cons ! Mais c’était d’une violence psychologique extrême tout ça ! Mais, le principal, c’est que ça ne nous a pas empêché de profiter pleinement des trois heures de parloir qu’on a eu ce jour-là.

    Alors, vu les mesures de covid, pour les parloirs ici, à Valence, tenez-vous bien, car l’annonce est aussi rude que révoltante : de base, sans prolongation de durée, la durée d’un parloir, c’est 1h30 ! 3 heures avec une prolongation ! Et le parloir, c’est juste le dimanche. Et quand je dis « le dimanche », c’est pas tout le dimanche, mais une seule session de 1h30 si y a pas de prolongation. Soit le matin, soit l’après-midi.

    Même dans une prison aussi reloue que Condé-sur-Sarthe par exemple, les parloirs, c’est tout le week-end, et les jours fériés. Et toutes les sessions. C’est-à-dire, si la famille, les amis, etc., viennent, ils peuvent faire 3 heures le matin, 3 heures l’après-midi, tout le week-end. Et si le jour qui précède ou succède un week-end est férié, c’est possible de faire la session du matin et de l’après-midi, de faire 3 heures à chaque fois, sur les trois jours entiers.

    Ici, non ! C’est juste le dimanche, soit le matin, soit l’après-midi pour une seule session. Ici, Valence, c’est un CP (Centre pénitentiaire), donc y a une maison d’arrêt. Eux par contre, ils ont droit à plusieurs jours de parloir. Pourquoi pas nous, détenus QMC (Quartier maison centrale) ? Là encore, mystère et boule de gomme, au goût de révolte ! Et pourtant, y a personne côté centrale qui se bouge son cul pour s’insurger contre ça. Pas de bloquage, pas de mouvement de contestation, pacifique ou non. Rien, zéro ! Suis-je le seul à ne pas trouver ça ni acceptable, ni normal ? J’en ai bien l’impression ! Pfff, des moutons qui se sont laissés abrutir par le système ! Et par les miettes qu’on nous a données, par de prétendues « volontés » de maintenir des liens familiaux – par exemple avec le téléphone, où on nous donnait des clopinettes, du genre : « Estime-toi heureux, on te file 30 balles de téléphone gratis ! Appelle chez toi et ferme ta gueule ! » Ben non, désolé, moi, j’ferme pas ma gueule !

    Je pense qu’il y en a qui se sont gavés sur nous !

    Je sais pas si vous vous rappelez, les mesures prises par les politiques, c’était à la base 40€ par mois pour la téléphonie. Et d’un coup d’un seul, 40€ pour nous, les enfermés, les invisibles, les anonymes parmis les anonymes, 40€ c’était c’était bien trop, et sans que personne, de nous, détenus, ne sache vraiment comment, ni par qui tout cela s’est décidé, c’est redescendu à 30€ ! Vu que l’État, à la base, envoyait « une enveloppe-budget » pour les opérateurs de l’époque Sagi et Telio et que ces opérateurs ensuite répartissaient automatiquement, pour chaque prison et pour chaque prisonnier déterminé, la somme liée à la téléphonie, je pense qu’y en a qui se sont gavés sur nous ! Car on est combien de détenus en France ? 74, 75, 76.000 ? Mais à 10€ par tête, chaque mois, y a un champion bien avisé qui se foutait alors 10€ multiplié par le nombre de détenus en France dans la poche, ça veut dire ? Quel détenu en a été informé du pourquoi, du comment ? Pas moi en tout cas ! On s’est bien fait enfler, par des escrocs en col blanc, qui, pendant une X période, se sont mis 10€ multiplié par le nombre de détenus dans la poche ! Et ce sont vous, mesdames messieurs du dehors, qui payez avec vos impôts, avec toutes les taxes que vous donnez à l’État au quotidien. C’est votre argent, pas le nôtre, étant donné que nous, en prison, sommes rarement imposables.

    J’ai jamais entendu que ces clampins avaient été inquiétés par la Justice. Et pourquoi ? Tout simplement parce que, hormis certains détenus et certaines personnes qui luttent pour nous au dehors, personne n’en a rien à foutre que ces gens se gavent tant sur votre dos que sur le nôtre ! Libre à chacun de faire comme ces trois singes : j’ai rien vu, j’ai rien entendu, et je parle pas. Mais moi, je suis pas un singe ! Ni je ferme ma gueule, ni je deviens sourd quand ça se complique, ni je ferme les yeux sur ce qu’on nous fait. Car, ce qu’on nous fait à tous, détenus, on vous le fait à vous aussi au dehors, vous qui n’avez aucun lien quel qu’il soit avec le milieu pénitentiaire, car c’est aussi et surtout à vous que je m’adresse car nos proches ou ceux qui luttent à nos côtés, eux, savent. Ils font ce qu’ils peuvent pour aider, que ce soit par exemple en faisant entendre nos voix à nous les oppressés du système carcéral qui broie de l’humain et leur famille ! Mais, que vous le vouliez ou non, vous qui n’avez aucun lien direct ou indirect avec un détenu ou le milieu carcéral, vous êtes vous aussi tout autant impactés que nous ! Bien qu’il y ait des gens formidables, comme ceux et celles qui forment l’Envolée, bien qu’il y ait aussi d’autres assoces qui luttent tout comme l’Envo pour nous détenu(e)s, retenu(e)s que ce soit en prison ou dans tous les lieux où on enferme (à ceux-là, force et courage, aux femmes et hommes enfermé(e)s entre autres dans ces maudits centres de rétention administrative), ou que ce soit aussi nos proches… Certes tout ce monde, ça en fait des gens qui luttent pour nous, mais on est encore trop peu nombreux ! À vous toutes et tous, sentez-vous concernés et vous aussi, prenez position, car on a tous et toutes besoin de vous aussi ! Vous comme moi, on est tous des êtres humains avant tout ! Vous, mesdames, messieurs, si c’était vous qui subissiez ce genre de choses, l’accepteriez-vous ? Et, si vous ne l’acceptiez pas si vous étiez à ma place, pourquoi pas d’ores et déjà, en l’état actuel des choses ? Dites non et insurgez-vous, selon ce que vous pouvez, soutenez les personnes qui subissent ce broyage psychologique et physique !

    Pourquoi acceptez-vous ou même, pourquoi préférez-vous fermer les yeux, les oreilles et la bouche, alors que ça se passe ici en France ? Et à celles et ceux qui liront ceci, vous y penserez peut-être le jour où vous vous ferez agresser par un délinquant qui récidive : à mon niveau, ai-je fait ma part citoyenne en soutenant comme je le peux pour faire avancer les conditions des détenus ? Car si j’avais été là pour aider du mieux possible, peut-être que celui qui cambriole ou qui vend de la came à mon gamin aurait trouvé son chemin dans la droiture ! Au lieu de ça, il a subi, s’est endurci de la plus mauvaise des façons, et j’ai, en un sens, contribué à cela en ne faisant rien, en me complaisant dans mon petit train de vie, parce que je ne me sentais pas concerné. Ce que je vous dis là, ce sont de vraies réalités, c’est pas juste des élucubrations d’un mec qui aurait perdu la tête !

    Tout simplement, ces mesures, en ce qui concerne les parloirs, c’est juste pour nous oppresser sans que rien ne le justifie !

    Autre sujet les amis, par exemple, les salons ou UVF… Par exemple, entre le jour où j’ai eu mon premier parloir et mon premier salon, il ne s’est passé qu’un mois. Cool ! Ça dure 6 heures toute la session « du matin jusqu’au soir », 10h30-16h30, dans un genre d’appart aménagé ! Là, j’ai pu embrasser mes frérots, leur faire de grosses accolades, etc. Mais question : pourquoi alors nous menacer, pour les parloirs, de nous faire sauter le permis vu qu’au salon, on pouvait faire ce qu’on nous interdit au parloir ? Ben tout simplement parce que ces mesures, en ce qui concerne les parloirs, c’est juste pour nous oppresser sans que rien ne le justifie ! Normalement, à l’issue d’un UVF, ou d’un salon, il devrait y avoir une période de pfff… je sais même pas combien, car même ici, ils savent pas tellement ça change tout le temps de confinement obligatoire ! Moi, je savais que les frérots n’avaient pas le covid, donc je pouvais pas l’avoir à l’issue du salon. J’ai demandé, juste pour voir ce qu’on répondrait, si je pouvais (comme je le fais souvent) aller en salle de bibliothèque pour écrire mes courriers. « Prépare-toi, on arrive dans cinq minutes », m’a t-on dit, alors que tous savaient que je rentrais du salon. Au bout de trois minutes je les appelle et je les bluffe en leur disant : tout compte fait je dois appeler chez moi, j’reste en cellule. En fait, je me suis auto-confiné moi même dix jours pour être sûr.

    Les surveillants nous rappellent sans cesse qu’il faut respecter les gestes barrière alors que ça contamine sans vergogne, ni souci de conscience les détenus, parce que, eux, n’ont pas respecté les gestes barrière !

    Un détenu a eu le covid ici, au QI, et pourtant il n’a pas eu le covid lors s’un salon ou d’un UVF ou d’un parloir ! Au QI, nos contacts se limitent la plupart du temps aux surveillants. Il a des mesures de gestion équipée, donc ils ouvrent peu sa cellule. Il a eu des contacts qu’avec les surveillants et personne d’autre, donc c’est un surveillant qui lui a refilé le covid. Et, aucun détenu n’a été informé que l’un d’entre nous l’avait chopé à cause d’un surveillant, quelle honte ! Ils nous mettent en danger, mais par contre ils nous rappellent sans cesse qu’il faut respecter les gestes barrières alors que ça contamine sans vergogne, ni souci de conscience les détenus, parce qu’eux n’ont pas respecté les gestes barrières ! On sait même pas si c’est un surveillant QI qui lui a donné cette merde de covid, ou un Elac (Équipe locale d’appui et de contrôle) ! Car c’est les Elac qui font les mouvements infirmerie par exemple, quand on va à l’infirmerie ou dès qu’on sort du bâtiment du QI, donc non seulement ça a infecté un détenu, mais que dire de cet inconscient d’agent qui, de ce fait, a mis aussi ses collègues à lui en danger, peut-être même aussi ses proches. À cette période, ce détenu n’avait pas de parloir, de salon, ou d’UVF prévu : imaginez si ça avait été le cas, et qu’il ait eu une visite, avant même d’avoir été depisté positif ! Ce mec a des gamins, et s’il avait infecté ses gamins sans le savoir s’il avait eu parloir ? C’est-à-dire que de l’inconscience d’un seul surveillant, vous imaginez un peu comment tout ça aurait pu mal tourner.

    Et là, depuis 24 heures, plus personne ne met de masques. Est-ce général et/ou généralisé ? Mystère et boule de gomme ! Au QI, personne ne nous a informés de quoi que ce soit à ce sujet ! Alors, les Castex, Vérand, Macron et compagnie, au lieu de filer des chèques carburants et qu’ça foute la pagaille, au lieu de faire profil bas Olivier, et de pas remplir ton rôle de ministre, et toi Manu, au lieu de t’la raconter comme un Superman que t’es pas en voulant donner des leçons à ce fou de Poutine, commencez, messieurs, par vous occuper des vrais problèmes qu’il y a dans votre pays. Regardez d’un peu plus près tout ce qui se passe dans les prisons ! On tombe malade, on crève, que ce soit brutalement ou à petit feu, ce qui n’en n’est pas moins tout aussi brutal que de mourir d’une dizaine de coups de couteau dans une cour de promenade. Parce que, quand il y a des détenus « médiatiques et médiatisés » là vous commencez à bouger, et même à faire les canards, en transférant les gens là ou ils voulaient être pour être proches des leurs, chose que jusque là vous leurs avez refusé et tout ça, à quel titre, de quel droit ? Celui de l’apaisement des esprits échauffés à blanc ? Et nous alors, nous, les invisibles sauf quand on fait une prise d’otage ou qu’on agresse un surveillant, vous en avez rien à foutre de nous ? Et vous croyez que je vais voter pour des gens comme vous ? Commencez par voir les réalités de ce qui ce passe dans les geôles françaises, les CRA, et tous ces lieux où on enferme et tue de multiples façons, où l’on broie des gens, des familles entières, et faites changer les choses, alors là… peut-être, je dis bien peut-être, voterai-je un jour si un de vous tient de tels engagements !

    À toutes celles et ceux que je nomme pas et qui me soutiennent, activement et/ou, dans l’ombre, ainsi qu’à ma tante et mon oncle qui sont là pour moi, merci à vous pour votre soutien, votre cœur, et votre détermination ! Courage aussi, tout spécialement, à N. « la lionne » incarcérée actuellement aux Baumettes ! À toutes les femmes, hommes, minots, et tous ceux et celles, enfermé(e)s ailleurs qu’en prison, gardez le moral et l’espoir de jours meilleurs ! Force courage et détermination ! Restez unis et solidaires ! Car le combat « c’est nous contre eux, pas nous contre nous ».

    Y a pas d’arrangement, et y en aura jamais là-dessus ! Force à tous.

    L’Infâme


    « Voilà deux ans que le covid a posé ses bagages en prison »

    Lettre de Francis Dorffer

    Chaque fois que des mesures répressives sont mises en place au détriment des prisonnières et des prisonniers, ou de leurs proches, le risque, c’est qu’elles s’inscrivent dans le droit et dans les pratiques de l’AP et de ses matons longtemps après la disparition du prétexte qui les a initialement justifiées. Francis souligne dans cette lettre lue à l’émission du 15 avril 2022 que le covid ne fait pas exception à la règle.

    Maison centrale d’Arles, quartier d’isolement,

    Le 13 mars 2022,

    Salut à tous,

    Aujourd’hui, voilà deux ans que le covid a posé ses bagages en prison. Mars 2020, premier confinement : pendant des semaines, les visites au parloir ont été interrompues, les UVF annulés… Et dans certaines prisons, cela a mis plusieurs mois à reprendre !

    Beaucoup de mesures sanitaires se sont transformées en nouvelles règles inscrites dans le marbre en détention, et sont appliquées de façon permanente : parloirs vitrés, heures de réservation réduites ‒ parfois plusieurs heures réduites à une seule par jour. Dans beaucoup de prisons, les mesures liées au covid sont devenues un moyen de restreindre les droits : nombre de personnes au parloir réduit à deux ou trois, et en UVF, idem ! Activités en détention annulées, voire complètement supprimées, demande de vaccin ou test pour accéder aux UVF, isolement de personnes ayant eu des contacts au parloir ou au retour d’UVF…

    Bref, sans parler du réel manque d’information, on a pu voir nos droits réduits avec comme seule réponse : « C’est le covid ! »

    Pour info, le 14 mars, le masque n’est plus obligatoire à porter. Donc à toutes et tous ! N’oubliez pas de vous informer et demandez des informations. Dans la majorité des cas, cela n’a été que le moyen de faire régresser les droits et de remettre des vitres dans les parloirs !

    Courage à tous ! Force à tous !

    Francis Dorffer


    « Depuis deux ans qu’il y a ce foutu virus, la détention a beaucoup changé »

    Lettre de DD

    Dans cette lettre lue à l’émission du 1er avril 2022, DD rappelle rapidement les principales restrictions imposées aux Baumettes depuis l’arrivée du covid et la détérioration des relations des prisonnières avec leurs proches qu’elles entraînent, tout en soulignant que même quand on n’a pas de parloirs, on est tout de même affecté par des mesures comme la limitation des activités, et donc des mouvements et des rencontres au sein de la détention.

    Centre pénitentiaire de Marseille-Les Baumettes,

    Le 11 mars 2022,

    Depuis deux ans qu’il y a ce foutu virus, le corona, la détention a beaucoup changé. Personnellement je n’ai pas de parloir, mais je sais que pendant une période ils ont mis les plexiglas aux parloirs, il n’y avait plus d’UVF et le relais mère-enfants était fermé. Sans parler de toutes les activités qui ont cessé et ne sont toujours pas revenu à la normale. Ensuite, il y a plein de postes de travail qui ont été annulés, comme la formation bâtiment, tertiaire, la formation magasinier. Il y avait aussi le linge que la famille amenait à la détention et qui n’était pas donné avant une semaine, voire plus. Depuis, quelques activités ont repris mais très peu. Voilà tout ce que j’avais à dire sur les changements de l’AP.

    DD


    « Si le détenu n’est pas vacciné minimum deux doses, c’est parlu hygiaphone et confiné sept jours »

    Lettre de Kémi

    Kémi nous avait déjà écrit à propos du covid en automne 2021, quand un cluster avait été déclaré à la maison centrale de Saint-Maur ; il dénonçait des conditions sanitaires catastrophiques et la responsabilité des matons dans la propagation de la maladie. En mars 2022, récemment sorti du QI, Kémi constate le maintien de certaines restrictions, comme celles liées à la vaccination ou à la durée des parloirs, alors qu’officiellement, l’AP prétend lever toutes les mesures restrictives liées au covid. Cette lettre a été lue à l’émission du 8 avril 2022.

    Maison centrale de Saint-Maur,

    Le 14 mars 2022

    Salut L’Envolée,

    Ici ils sont pas emmerdants avec le covid, faut juste qu’on porte un masque c’est tout. Moi je suis toujours à la formation « menuiserie » mais je vais voir pour un autre job car celui-là paie pas et je m’ennuie grave. Le formateur c’est un fatigué ce gars ! Bref, je prends mes marques petit à petit, j’ai dû remettre les poings sur les « I » et les barres sur les « T » mais maintenant ça va. Ils ont vu qu’après le QI je suis resté un lion et pas devenu un fatigué !

    Bref, là il est 22 heures et j’écoute le son de NAPS « Les mains faites pour l’or », j’ai fait mes exercices et me suis lavé au lavabo, à l’ancienne les potos MDR.

    En tous cas merci de m’écrire, ça fait grave plaisir, ça me montre que je ne suis pas seul et ça me permet de traverser cette épreuve qu’est la prison. Sérieux, surtout depuis que je suis sorti du QI, quand je reviens du taf et vois que j’ai une lettre, je la lis avant même de manger et ensuite je prends le temps le soir pour y répondre. D’ailleurs merci pour l’enveloppe timbrée, ça me permet de vous rép et ça fait plaisir.

    Pour le covid en prison, ici ils sont tranquilles. Parloirs, UVF, salons : tout est disponible sans restriction. Juste, si le détenu n’est pas vacciné min deux doses, c’est parlu hygiaphone et confiné sept jours, mais si t’es vacciné c’est tout normal et pas confiné. Après ça reste 1h30 à la place de toute la journée et deux visiteurs max mais tu peux négocier pour un mineur en plus de deux majeurs. En détention tout est normal, juste on doit porter le masque sinon rien n’a changé. En plus le masque on le met que quand on a un entretien ou parloir, sinon ils cassent pas les couilles.

    En attendant de vos nouvelles, prenez soin de vous les potos, à+

    Kémi


    « Tout le reste découle de cette inertie de l’ARS »

    Extrait de lettre de Ion Kepa Parot

    Ion Kepa Parot souligne la responsabilité de l’État et en particulier de l’ARS dans la gestion du covid dans cet extrait de lettre lu à l’émission du 8 avril 2022. Au bout de plus de trente-deux ans de prison, à plus de 71 ans, Ion est une personne à risque car il est gravement malade ; de plus, il a eu le covid en prison l’été 2021. Il vient enfin d’obtenir une libération conditionnelle (le 13 octobre 2022), après une énième demande. L’État français persistait jusque-là dans la logique de vengeance qui est la sienne depuis des décennies en rejetant systématiquement ces demandes, alors que Ion avait dépassé sa période de sûreté depuis 2005. Des manifestations avaient eu lieu régulièrement au pays Basque pour exiger sa libération ainsi que celle de Jakes Esnal, lui aussi gravement malade après plus de trente-deux années passées en prison, et celle de tou·te·s les Basques enfermé·e·s du fait de l’acharnement sans fin des États français et espagnol contre ETA (Euskadi ta Askatasuna) même après sa dissolution.

    Centre de détention de Muret,

    Le 16 mars 2022

    […] Pourrais-tu dire aussi, de ma part, à Madame L’Envolée que début décembre 2020, j’avais dit au médecin-chef du centre de détention de Muret qu’il était urgent de vacciner contre la covid-19 sinon nous risquions un cluster important. Et, le cluster s’est installé en mars 2021 (40 détenus confinés durant plus de 20 jours) à cause des retards de l’ARS (Agence régionale de santé). Nous sommes toujours en retard d’une guerre, comme en 1918 et 1940, même pour la santé par manque de vision, de réflexion et de matériel. De plus, l’Institut Pasteur était en retard, il a fallu acheter des vaccins à l’étranger et vacciner, ici au CD de Muret, en juin 2021. Tout le reste découle de cette inertie de l’ARS. Le plus important ce ne sont pas les conséquences mais la cause.

    Ion Kepa Parot

  • PRIVÉ·E·S DE PARLOIRS UN JOUR…  PRIVÉ·E·S DE PARLOIRS TOUJOURS ?

    PRIVÉ·E·S DE PARLOIRS UN JOUR… PRIVÉ·E·S DE PARLOIRS TOUJOURS ?

    Le 31 mai 2020 par des proches de prisonniers enfermés à la maison centrale de St-Maur (36), au QMC de Réau (77), au QI d’Annœullin (59), à la maison centrale de Lannemezan (65), à la MA de La Talaudière (42), à la MA de La Santé (75), au CD de Nantes (44), à la MA de Rennes (35), à la MA de Ploemeur (56), au CD de Châteaudun (28), à la MA de Châlons-en-Champagne (51), avec Zorro, ancien prisonnier, et L’Envolée.

    Depuis le déconfinement du 11 mai, on entend dire que les parloirs sont rétablis mais c’est toujours le même mépris qui est subi par les prisonnier.es – et par nous-mêmes qui les visitons – depuis le début de la « gestion » de l’épidémie. Une gestion sécuritaire plus que sanitaire. Nous avons vécu la suppression des parloirs comme une mesure punitive et infantilisante ; leur pseudo rétablissement l’est tout autant. Et nous refusons que cela dure !

    Les visites à nos proches enfermé.es ont été brutalement supprimées le 17 mars, les privant de l’aide matérielle, du soutien moral, de l’amitié, de la solidarité, de l’amour que nous leur apportons chaque fois que nous mettons un pied dans ces horribles prisons. Pendant les deux mois de suspension des parloirs, nous n’avons eu de cesse d’exiger leur rétablissement immédiat. Rappelons que c’est la principale raison des mouvements de révolte qui ont alors éclaté. A l’heure où la direction de l’AP se flatte d’avoir éteint ces mouvements à force de transferts disciplinaires et de promesses de RPS (remises de peines supplémentaires), nous répétons que les prisonnier.es, nos compagnons, nos compagnes, nos amis, nos frères, nos sœurs, nos enfants… ont eu raison de se révolter.

    La suppression des parloirs était une mesure liberticide. Faute de masques, de tests et de solution hydroalcoolique à distribuer, et plutôt que de libérer massivement les prisonnier.es en urgence par une loi d’amnistie, l’État a considéré que les prisonnier.es et leurs proches ne seraient pas capables d’appliquer les fameux « gestes barrières ». A la recherche d’une solution adaptée à notre situation particulière, il a préféré la suppression pure et simple de ce dernier espace de liberté. Nous avons inlassablement souligné qu’il s’agissait bien d’un « motif familial impérieux » : rien n’y a fait. Dehors, des couples séparés ont pu se partager la garde de leurs enfants, mais les familles séparées par la prison ont été privées du droit de se retrouver ne serait-ce que quelques heures sans que la mesure soulève la moindre interrogation. Pourquoi était-ce une évidence ? Sort-on de l’humanité en rentrant en prison ? N’y avait-il plus de larmes pour les prisonnier.es dans un pays qui laissait déjà mourir ses anciens dans des Ehpad devenus prisons à leur tour ? A-t-on jugé politiquement intenable d’assurer le maintien d’un droit élémentaire aux prisonnier.es et leurs proches au moment d’imposer des conditions de vie carcérales à l’ensemble de la population ? Ou tout simplement, était-il plus « gérable » pour l’administration pénitentiaire (AP) de devancer les exigences des syndicats de surveillants ?

    Il semble qu’à ce jour, aucune prison ne soit devenue un foyer épidémique massif. Espérons que cela continue ; peut-être comprendrons-nous un jour pourquoi. D’ici là, ne laissons pas dire que la non-contamination massive des prisons est due à une bonne gestion de l’épidémie par l’AP. La preuve : quand le virus est entré ici et là (il n’y a pas de chiffre global), ce sont les surveillants qui l’ont amené avec eux, ainsi que les personnes que la justice a continué à incarcérer – en moins grand nombre que d’habitude, mais tout de même. L’affirmation que la suppression des visites a été bénéfique sert à justifier ce qui nous est aujourd’hui imposé en guise de parloirs. « Les parloirs seront limités à une personne, pour une heure maximum, une fois par semaine, avec des règles sanitaires drastiques [comme le port du masque et l’interdiction absolue de tout contact]. Nous savons que cela va être dur pour un détenu qui n’a pas vu sa femme depuis deux mois de ne pas lui prendre la main. » « Dur » ? C’est le moins qu’on puisse dire, Monsieur le directeur de l’AP. Disons aussi que ces règles sont méprisantes, infantilisantes, humiliantes, et au final… punitives !

    Une personne par visite, âgée de plus de 16 ans et de moins de 65 ans, une fois par semaine. Rappelons que les parloirs sont limités à six personnes en temps normal et que nous aurions pu comprendre de ne pas venir à plus de deux ou trois. Concrètement, cette mesure empêche les enfants de voir leurs parents. Alors que l’on incite les enfants à retourner dans des écoles qui ressemblent de plus en plus à des prisons, au nom de quoi les prive-t-on de parloir ? Combien de temps devront-ils encore attendre pour voir leur papa ou leur maman ?

    Ces règles instaurent des parloirs-express d’une durée de 30 minutes à une heure ; une mesure qui a déjà des conséquences très graves, notamment dans les établissements pour peine (centres de détention et centrales), car nombre d’entre nous renoncent à traverser la France pour une demi-heure ; Sans compter la limite des 100 kilomètres qui nous a exposé à une amende pendant quinze jours (1).

    Même si elle disparait le 2 juin, cette restriction initiale des 100 kilomètres aura renforcé notre détermination à réaffirmer une revendication que prisonnier.es et proches  portons depuis des dizaines d’années : le rapprochement familial et la fin des transferts disciplinaires qui éloignent les prisonniers à l’autre bout de la France. Nous exigeons que nos proches soient enfermés au plus près de nos lieux de vies pour que nous n’ayons plus à choisir entre un plein d’essence et un caddie pour nourrir les nôtres.

    Ces règles généralisent les parloirs « hygiaphone ». C’est le retour en force d’une mesure disciplinaire dégradante que les prisonnier.es ont combattu pendant des années : la vitre de séparation. L’absurde nous impose même le plus souvent de porter un masque derrière ce plexiglas. Non seulement on ne se touche pas, mais on ne s’entend pas, on se voit mal et on se comprend difficilement.

    Ces règles sont soumises à l’arbitraire des agents de la pénitentiaire. Nous savons déjà qu’elles ne s’appliquent pas de la même manière d’une prison à une autre, d’une heure à l’autre, d’un surveillant à l’autre. Une fois de plus, nous nous trouvons toujours un peu plus isolé.es face au sort qui nous est fait.

    Ces règles sont clairement punitives. Si nous nous prenons la main, notre droit de visite peut être supprimé et nos proches incarcéré.es placé.es à l’isolement pendant quatorze jours. Des surveillants épient en permanence nos moindres faits et gestes. En plus de nous infantiliser, cette surveillance constante ne nous laisse plus aucune intimité, aucune possibilité d’échanger sur des questions personnelles.

    Ces règles ne protègent pas les prisonniers. Nous sommes contraints de porter des masques – non fournis -, mais eux n’ont toujours pas le droit d’en porter en détention. Bien que les prisonnier.es fabriquent et lavent les masques de la pénitentiaire, on ne leur en donne pas. Pire : celles et ceux qui en portent se prennent des comptes rendus d’incidents. Et bien souvent lorsque nous proposons d’en apporter au parloir, on nous le refuse. Quant au gel hydroalcoolique, il est toujours interdit… au cas où quelqu’un voudrait se saouler avec ! Ne venez donc pas nous parler de prévention sanitaire. Rappelons encore une fois que surveillants et surveillantes rentrent tous les soirs dans leurs familles et qu’il est vraisemblable qu’ils se prennent dans les bras !

    Ces règles ont vocation à durer et l’absence de déclaration du gouvernement à ce sujet nous le confirme. S’il a fallu deux mois pour bricoler un système aussi ridicule et liberticide pour les parloirs, il faudra des mois, voire des années pour le faire disparaitre. Que l’épidémie reflue ou pas, cela ne changera pas fondamentalement la donne : en prison, quand nous perdons un espace de liberté, il est perdu pour longtemps. Et on peut craindre que la période serve de prétexte à l’introduction massive d’horribles visioparloirs qui se substitueraient progressivement à la chaleur des présences.

    A moins bien sûr, que nous trouvions la force – dedans aussi bien que dehors – de faire entendre nos exigences. Nombre de prisonnier.es refusent de se rendre au parloir pour combattre dès aujourd’hui l’avenir qui se dessine. Cette grève des parloirs n’est qu’un des nombreux moyens de lutte qui peuvent être déployés pour s’y opposer.

    Des proches de prisonniers enfermés à la maison centrale de St-Maur (36), au QMC de Réau (77), au QI d’Annœullin (59), à la maison centrale de Lannemezan (65), à la MA de La Talaudière (42), à la MA de La Santé (75), au CD de Nantes (44), à la MA de Rennes (35), à la MA de Ploemeur (56), au CD de Châteaudun (28), à la MA de Châlons-en-Champagne (51), avec Zorro, ancien prisonnier, et L’Envolée.

    Note :

    (1) Pour parer à l’absence de dérogation spécifique prévue par le gouvernement, des avocats ont proposé de regrouper les recours en cas d’amende. Pour être mis.es en relation avec eux si cela vous est arrivé, écrivez à contact@lenvolee.net.