Émission de l’Envolée du vendredi 28 novembre 2025
AU PROGRAMME :
Lettre d’Aurélie qui écrit du centre pénitentiaire de Rennes qui nous parle d’une formation qu’elle a finalement réussi à obtenir, des conditions d’enfermement différenciées, et du fait qu’elle n’en peut plus de cette peine qui n’en finit pas.
Dans l’émission du 14 novembre 2025, on lisait une lettre de Claudette, mère d’un prisonnier ultra-longue peine, qui avait peur de mourir avant de voir son fils libre. Incarcéré à 18 ans et de nouveau incarcéré depuis 2008, Patrice a passé 49 ans derrière les barreaux. Malgré trois passages au centre national d’évaluation et la multiplication des démarches, aucun aménagement en vue et donc aucune perspective de sortie. On lit aujourd’hui une lettre qu’il a écrite depuis la prison de Moulins et qui s’intitule « Jusqu’à la mort tu resteras » et où il dénonce la perpétuité réelle qu’on lui inflige et qu’il doit en plus subir en maison d’arrêt. L’occasion de rappeler que les perpétuités incompressibles comme les périodes de sûreté à rallonge sont distribuées de plus en plus fréquemment par les juges.
Moben, aujourd’hui incarcéré et qui a connu l’isolement pendant de longues années, a écrit un livre de recette, « Mange ta peine », sorti en octobre 2025 dans lequel il donne des astuces pour améliorer la gamelle sans beaucoup de matériel, mais aussi pour survivre à l’isolement carcéral. Mais à peine a-t-il reçu son bouquin que l’administration pénitentiaire a voulu lui faire payer cette parole sur la prison et l’a transféré à Condé-sur-Sarthe au quartier de lutte contre la criminalité organisé (QLCO). Dans cette émission on reçoit un appel de Gaëlle, amie de longue date de Moben et qui l’a assisté dans l’écriture du livre et Floréal qui fait partie des éditions du Bout de la ville qui l’ont publié. Ils dénoncent et décryptent la répression que subit Moben dans la période : on voit bien à quoi servent ces nouvelles « narco-prisons de Darmanin » : mater les prisonniers gênants, les soumettre à la torture blanche et punir leurs proches au passage, le tout dans un cadre totalement arbitraire. Le communiqué pour dénoncer ce transfert disciplinaire est disponible ici. Et on rappelle que tous les livres des Éditions du Bout de la Ville et en particulier celui-ci sont gratuit pour les prisonniers et les prisonnières qui en font la demande.
On revient sur l’actualité médiatico-sécuritaire avec le buzz fait par la permission de sortie accordée à une personne enfermée au QLCO de Vendin. Encore une fois, un évènement ordinaire de la détention qui vient infirmer le discours officiels sur la dangerosité de certains prisonniers et la sévérité de leur traitement, devient le prétexte pour exiger un durcissement des conditions d’enfermement et des exceptions au droit commun pour les « narcotrafiquants ». Darmanin ne s’arrête pas là : une évasion au planétarium de Rennes est l’occasion de s’attaquer aux sorties collectives et un nouveau plan de lutte contre les portables en prison est annoncé.
L’Envolée est une émission radio pour en finir avec toutes les prisons. Elle donne la parole aux prisonniers, prisonnières et leurs proches & entretient un dialogue entre l’intérieur et l’extérieur des prisons. C’est aussi un journal d’opinion de prisonniers, de prisonnières et de proches.
L’abonnement au journal est gratuit pour les prisonniers et les prisonnières.
En direct chaque vendredi de 19h à 20h30 sur FPP 106.3 en région parisienne. Rediffusions sur MNE 107.5 à Mulhouse, RKB 106.5 en centre-Bretagne lundi à 22h, Radio Galère 88.4 à Marseille le jeudi soir à 20h30, PFM à Arras et alentours 99.9 mardi à 21h30, Canal Sud 92.2 jeudi à 17h30 à Toulouse, L’Eko des Garrigues 88.5 à 12h le dimanche à Montpellier, Radio U 101.1 le dimanche à 16h30 à Brest, Radio d’Ici 106.6 à Annonay mardi à 21h30 et 105.7 FM & 97.0, à Saint-Julien-Molin-Molette dimanche à 20h, Radio FM 43 dimanche à 12h en Haute-Loire, 105.7 FM au Chambon-sur-Lignon, 102 FM à Yssingeaux et 100.3 FM au Puy-en-Velay, sur Radios libres en Périgord,en Dordogne,102.3 FM à Coulounieix-Chamiers jeudi à 20h, sur Radio Alto 94.8 FM sur le massif des Bauges jeudi à 21h, sur Jet FM 91.2FM à Nantes le lundi à 12h, et sur les webradios Pikez (dimanche à 11h) et Station Station (lundi à 13h). Et sur toutes les plateformes de podcast.
Pour nous joindre : 07.53.10.31.95 (appels, textos, signal), ou par mail : contact@lenvolee.net Pour écrire : Radio FPP – L’Envolée. 1 rue de la solidarité, 75019 Paris
De notre envoyé spécial au QI (quartier d’isolement) de Strasbourg, juillet 2025 : comment les médias ont repris en chœur une mascarade policio-pénitentiaire… aussi ridicule que lourde de conséquences pour les prisonniers accusés à tort.
Écouter la lettre :
Salut, Je vous écrit pour vous raconter la vraie histoire de la « tentative d’évasion déjouée » du 22 juillet au QI de la MA (maison d’arrêt) de Strasbourg qui a défrayé la chronique dans tous les médias de France, et qui s’apparente plus a une réelle mascarade montée de toutes pièces.
Le 22 juillet tout se passait normalement au QI quand a 13h les surveillants ouvrent les portes les unes après les autres pour « contrôler » l’état des portes. En fait ils ont « découvert » sur une, des traces de coupures et ont du coup contrôlé toutes les autres. Au total ils ont trouvé 3 portes « sciées » : toutes de la même façon, dans le coin en bas a droite, proprement. Seul Hic, et pas des moindres, ces traces sont recouvertes par des traces de peinture.
Je précise d’ores et déjà que les 3 détenus des cellules concernés ne se sont jamais vu, jamais parlé, et n’ont strictement rien à voir entre eux (un Djihadiste islamiste, un lié à l’extrême droite, et un trafiquant… les deux derniers purgeant des peines courtes avec des dates de sorties proches, 13 jours plus tard pour l’un deux….).
« A ce moment précis PERSONNE n’imaginait qu’on allait oser parler d’une tentative d’évasion. »
Dans un premier temps il ne s’est rien passé de particulier, le service technique a posé une plaque de métal sur ces fameuses traces dans l’après midi même et basta. A ce moment précis PERSONNE n’imaginait qu’on allait oser parler d’une tentative d’évasion et que tout aller prendre autant d’ampleur. Il faut savoir que la MA de Strasbourg est réputé pour être dans un sale état, surpeuplée, y a des souris qui sont de passage dans les cellules, des fissures dans les murs, tout tombe en ruine un peu partout.
En fin d’après midi voici que des gradés sortis de je ne sais où, accompagnés du directeur adjoint, ouvrent les portes des mecs concernés pour une « remontrance » comme a l’école primaire. Ils demandent aux mecs ce que c’est et pourquoi ils ont fait ça, les 3 leurs répondent naturellement qu’ils n’ont rien a voir, que y a de la peinture dessus donc c’est bien la preuve que eux n’ont pas pu faire ça, qu’il n’y a aucun intérêt a scier une porte (Pour aller a la douche en pleine nuit peut être ? Y a encore 15 portes avant la sortie..). Surtout que l’un sort en janvier, et un autre 13 jours plus tard…… (Faut vraiment être le roi des abrutis pour tenter de s’évader par la porte 13 jours avant sa libération !) Y en a 2 des 3 qui étaient dans leurs cellules seulement depuis quelques semaines.. enfin bref les surveillants bégayent car ils se rendent bien compte qu’il y a trop d’équations dans le problème qu’il essayent de résoudre.
S’en suit une fouille des cellules concernées avec passage au Rayon X ou ils ne trouvent strictement rien pour appuyer leurs fabulations.
Tout l’isolement prend un peu le truc a la rigolade et se permet quelques blagues a la gamelle vu l’aberration de la situation et tout le monde pense que ça va s’arrêter là.
Mercredi 23 un des concernés arrive a échanger avec l’Auxi-peintre de l’étage a la fenêtre et lui demande si il avait déjà vu ses fameuses traces dans les portes et il lui répond : « C’est des grosses conneries, ils veulent vous niquer les gars, j’avais déjà remarqué ça en peignant la porte (d’un des 3) y a 2 ans et je l’ai montré au surveillant qui m’a répondu : « On s’en bat les, couilles repeint par-dessus ». Voilà un argument de taille qui fait vraiment dire a tout le monde que c’est la fin de l’histoire.
« Une dinguerie qui aurait pu rester une simple péripétie, si la suite n’avait pas eu autant d’impact sur la détention et la vie des gens. »
Sauf que le jeudi 24 au petit matin, les 3 concernés partent en garde a vue pour « tentative d’évasion » au comico de Strasbourg avec un beau cortège (toute la PJ mobilisée pour le transport et les auditions). Les GAV (gardes-à-vue) ont duré seulement 9h et les auditions en elles-mêmes entre 45min et 1h par tête, tellement qu’il n’y avait aucun éléments. Comment 3 personnes qui ne se sont jamais vu ni parlé et aux profils totalement différents, opposés voire même « ennemis », peuvent avoir l’idée commune de s’évader en sciant la porte? Comment 2 personnes libérables dans les prochains mois voir les prochains jours peuvent prévoir de s’évader? Comment ils peuvent scier une porte et repasser de la peinture par dessus? Des 2 cotés de la porte en plus?
Ils n’ont pas manqué de demander l’audition de l’auxi pour qu’ils puissent aussi témoigner et qui fut entendu le jour même. Une dinguerie, qui aurait pu rester une simple péripétie si la suite n’avait pas eu autant d’impact sur la détention et la vie des gens.
Fin de GAV, affaire classées sans suite. Mais l’auxi ayant dit qu’il avait déjà déclaré ceci au surveillant et dit ce qu’on lui a répondu, a été déclassé le jour même ! En gros « Ah t’as dis la vérité ? Bah tu vas plus bosser. »
Le pire c’est que toutes cette histoire a été vendue (sûrement par un commissaire voulant se faire mousser…) et jetée en pâtures aux médias, les mecs sont même pas encore rentrés en cellules qu’ils passent déjà avec nom prénom et photo dans tous les médias de France. « Tentative d’évasion déjouée par l’AP » qu’ils osent dire, quelle blague ! (…) C’est repris de médias en médias sans qu’aucun ne vérifie l’info, c’était trop beau pour eux. En plein été quand y a rien a dire : « Un islamiste, un fasciste, et un narcotrafiquant » qui tentent de s’évader ! Wha la dinguerie. La réalité c’est que c’est sûrement le service technique qui a tenté un truc sur les portes il y a de ça des années, sûrement pour faire une trappe ou que sais-je, ils ont repeint par dessus 2 ou 3 fois et tout le monde a oublié. Jusqu’à ce fameux jour où il fallait des coupables…
L’Auxi a donc été déclassé le jour même, un des trois (seulement un) est parti au mitard 30 jours pour « tentative d’évasion », alors que ça a été classé sans suite par la justice elle même, et donc en toute illégalité. Et la meilleure c’est que 2 jours après ils ont commencé les transferts, le 28 juillet, 6 détenus ont été transférés, dont un concerné, qui sortirait dans 10 jours et qui après avoir fait le Tour de France des médias avec des graves accusations mensongères, a déposé plainte avec son avocat contre l’Administration et contre les médias qui relayent des conneries sans vérifier. Ils niquent leurs vies en racontant des conneries et sans devoir rendre des comptes a qui que ce soit. Quelle honte…. « Allez, on va le transférer, sinon on va avoir des problèmes… »
A l’heure où je vous parle, tout le QI est fermé jusqu’en 2026 pour « travaux ». Les 17 détenus ont été transférés parfois à des centaines de kilomètres. Tant pis pour ceux qui étaient du coin, qui bossaient, qui sortaient bientôt, pour les familles qui avaient les parloirs…
« Comme d’hab’ tout le monde se planque même devant les plus grande injustice. »
On pense tous qu’il s’agit d’une mascarade orchestrée car tout le monde savait que ces traces de coupures n’étaient pas dues aux détenus et encore moins à ceux qui en ont été accusés. Certains surveillants sont au QI depuis 15 ans et ouvrent ces fameuses porte entre 5 et 10 fois par jour. Tout le monde savait ! Alors on se demande sérieusement si c’est pas un énorme coup de bluff pour toucher des subventions ou quoi pour remettre tout en état ! » Regardez, des détenus tentent de s’échapper, donnez nous vite les moyens de faire face ! «
Un des mis en cause a demandé une audience avec le capitaine, chef de l’étage en rentrant de GAV pour lui demander quel était ce bordel et comment on en arrive à la GAV alors que tous savaient qu’il n’avait rien à voir et que sa sortie était imminente. Le capitaine lui même s’est excusé (assez rare pour le souligner !) en disant qu’ils ont été complètement dépassés et que c’est le directeur adjoint qui s’en est mêlé, la DI (direction inter-régionale) et que c’est remonté jusqu’à la DAP (direction de l’administration pénitentiaire) qui a saisi le procureur, qu’ils ne pouvait rien faire à leur niveau malgré leurs conviction. En gros comme d’hab’ tout le monde se planque même devant les plus grande injustice.
Le grand ménage qu’ils on fait en transférant l’ensemble du QI sert d’ailleurs d’alibi pour eux, comme ça plus personne ne peut parler ni dire la vérité.
Voilà voilà, dans tout cela des mecs se retrouvent avec des saloperies (où rien n’est vrai) écrites sur eux dans la presse, et certains juste avant la « réinsertion », un autre au mitard pour 30 jours en toute illégalité et d’autres sans taff ou loin de leurs familles, tout ça pour rien.
Précisons aussi que les 3 mecs en question ont gagné leurs tickets à vie pour l’isolement grâce à ça, il y aura toujours une trace « tentative d’évasion » quelque part dans leurs dossier alors qu’il ne s’est rien passé.
Preuve s’il en fallait que l’AP font ce qu’ils veulent et font porter le chapeau pour tout et n’importe quoi a n’importe qui, même ceux a 10 jours de leurs libération. C’est juste incroyable. En plus d’être enfermé dans un endroit qualifié de « torture blanche » par les médecins, de pas dormir tranquille car les Ninjas viennent régulièrement vous soulever cagoule et calibre en main pour vous fouiller sans aucun motif, on peut aussi se faire accuser de faits complètement dingues sans aucune preuve…
Voilà pourquoi je vous écris car personne ne relayera ces paroles, les médias « mainstream » balancent leurs saloperies où rien n’est vrai mais ne diront jamais qu’ils se sont trompé.
Fermeture des parloirs et de l’accueil aux familles, remises de peines bloquées, jugements reportés pour les prévenu.e.s comme les condamné.e.s, pas d’accès aux cabines téléphoniques, à la promenade et à la plupart des activités, fermeture des cantines et rationnement des gamelles, coupures d’eau/ d’électricité, pneus cramés devant les portes…
Voila 2 semaines que les matons ont abandonnés leur poste pour fanfaronner à la télé et pleurnicher sur leur situation (à se demander à quoi ils s’attendaient en passant le concours). Ca réclame plus d’armes, plus de personnel, plus d’encadrement, bref plus de sécuritaire. Et pendant ce temps, la machine carcéral continue de tourner et de broyer des vies au quotidien. Bah oui, on allait quand même pas arrêter les condamnations et fermer les prisons ! Alors les keufs et les ERIS s’occupent du maintien de l’ordre, les mouvements des détenu.e.s sont restreints et le peu de confort qu’on peut gratter à l’intérieur est retiré. On tente de les pousser à bout. A l’extérieur, les familles n’ont pas de nouvelles de leurs proches, se retrouvent bloquées devant les parloirs avec comme accueil ligne de matons et pneus en feu. Et la pression monte, les journées se ressemblent et sont toujours plus sombres.
Alors avant que tout explose et que le débat s’oriente sur « la violence des prisonnier.e.s », des proches d’incarcéré.e.s, qui viennent de créer le 1er syndicat de prisonniers (le PRP), prennent la parole pour dénoncer les violences de l’AP et de l’État, et mettre le point sur la situation qu’ils vivent actuellement.