Étiquette : solidarité

  • DE PLUS EN PLUS CAUCHEMARDESQUE POUR FABRICE BOROMEE : EN GUISE DE REPONSE A SES DEMANDES DE TRANSFERT, L’ADMINISTRATION LUI JETTE UNE GRENADE ASSOURDISSANTE DANS SA DOUCHE

    Depuis son refus de remonter de la douche le 21 mai dernier, Fabrice a reçu beaucoup de lettres de soutien à la fois d’autres prisonnières et prisonniers et de personnes extérieures. La directrice a été obligé de reconnaître qu’il y avait du monde pour le soutenir. Elle a cessé de lui répéter que c’était pas « ses petits copains de L’Envolée qui allaient le sortir de là… ». Elle a lâché un peu de lest en lui concédant l’accès à la salle de sport. L’entraîneur est néanmoins obligé de rester à l’extérieur de la salle et de lui parler à travers les barreaux…

    Cette petite concession ne change pas grand-chose à la situation de Fabrice. Rappelons qu’il est entravé dans tous ses déplacements, qu’il est interdit de promenade, de douche le week-end et que la pénitentiaire a construit une cellule de mitard spécialement pour lui dans le quartier d’isolement, avec une grille à terre à travers laquelle les matons lui jettent la nourriture comme à un animal.

    Vendredi dernier, il a donc de nouveau bloqué la douche, le seul moyen qu’il ait pour réclamer son transfert immédiat en région parisienne où habite un ami qui lui rend visite – son seul parloir.

    Cette fois-ci, la directrice a utilisé les gros moyens pour le dégager : les Eris, avec casques, boucliers et autres armes de toutes sortes, sont arrivés et ont lancé une grenade assourdissante dans la douche ! Fabrice est au mitard pour 30 jours supplémentaires. Il n’entend plus d’une oreille, il est très inquiet. Il est écrasé de chaleur toute la journée avec des maux de tête violents et permanents. Le médecin refuse de l’examiner, passant juste la tête à travers les barreaux du mitard.

    Nous renouvelons donc notre appel émis il y a quelques semaines :

    L’administration pénitentiaire de Saint-Maur cherche méthodiquement à éliminer Fabrice Boromée, dont elle ne sait que faire : cette torture a pour but de le pousser à bout jusqu’à ce qu’advienne l’irréparable et que l’administration puisse le tuer en toute légalité ou l’envoyer à vie en hôpital psychiatrique.

    Il est toujours aussi important de lui écrire pour le maintenir en vie : autant pour lui témoigner de la solidarité, lui donner du courage, que pour montrer à l’administration pénitentiaire qu’il n’est pas seul et qu’elle ne peut pas commettre l’irréparable. Une carte postale, quelques mots suffisent.

    Fabrice Boromée, Maison centrale Bel Air, 36 255 Saint-Maur cedex

  • ILS SONT EN TRAIN DE TUER FABRICE BOROMÉE

    Solidarité avec Fabrice Boromée

    L’administration pénitentiaire veut éliminer Fabrice Boromée alors qu’il ne fait que demander un transfert en Guadeloupe pour être rapproché des siens.

    Comme plus de 500 prisonniers originaires des DOM-TOM, Fabrice Boromée purge une peine en métropole, loin de ses proches. Il réclame son transfert en Guadeloupe depuis 2011. L’administration pénitentiaire (AP) fait la sourde oreille, et l’empêche même de se rendre à l’enterrement de son père en septembre 2012. Il tente alors de se faire entendre en « prenant en otage » un maton de Condé-sur-Sarthe avec Rachide Boubala. Il réitère cette tentative de prise de parole à la centrale de Arles en 2014 : la justice qualifie de nouveau son acte d’« agression » et de « tentative de prise d’otage ». En septembre 2015, alors qu’il fait le tour des quartiers d’isolement (QI) des prisons françaises depuis trois ans et demi, le directeur de Vendin-le-Vieil lui fait miroiter sa sortie de l’isolement, mais il change d’avis à son retour de vacances et envoie son sous-directeur lui annoncer qu’il va y être maintenu : Fabrice retient le sous-fifre pendant deux heures. La justice répond systématiquement à toutes ses tentatives pour se faire entendre par des peines supplémentaires. Entré en prison pour une peine de huit ans, il en a maintenant plus de trente à faire. L’AP lui fait payer sa détermination en refusant de lui faire rejoindre la détention dite normale. Maintenu à l’isolement, sans cesse transféré (Fleury-Mérogis, Clairvaux, Lannemezan pour la seule année 2016, et maintenant St-Maur), entravé dans tous ses déplacements en prison (y compris lors de la distribution des repas), il fait l’objet d’insultes racistes et de passages à tabac de la part des matons.

    Fabrice Boromée vient d’être transféré à la centrale de Saint-Maur, il est toujours à l’isolement, sauf que là l’administration pénitentiaire a transformé sa cellule en mitard en ajoutant une grille devant la porte. Il n’a pas de parloirs, les matons ont dissuadé l’aumônier de venir le voir en lui faisant croire qu’il était dangereux et qu’il s’en prendrait à lui en lui jetant de l’urine à travers la grille. La psychologue refuse d’intervenir au prétexte de conditions indignes et incompatibles avec l’exercice de ses fonctions. Le docteur, obligé de passer vérifier s’il est toujours vivant, se contente d’un « ça va » et repart. Son avocat se sent dépassé par la situation. Bref, au moment où tout ce petit monde devrait se réveiller, personne ne bouge.

    Il est privé de toute activité, même de sport. Il est interdit de promenade le week-end sous prétexte que le chef de détention n’est pas là. Il est menotté et entravé, encadré par plusieurs surveillants armés de boucliers pour les rares mouvements qu’il fait en dehors de sa cellule, comme pour aller à la douche ; douche qui lui est aussi refusée le week-end. Les matons lui jettent sa gamelle à travers la grille comme à un chien.

    Pour protester contre ces mesures, le 21 mai Fabrice a refusé de se laisser menotter et de remonter en cellule. Il a bloqué la douche de 9 heures à 15 heures pour demander son transfert immédiat en Ile-de-France.

    L’administration pénitentiaire l’a averti : rien ne changera d’ici son probable transfert pour Réau en novembre. Associations, contrôleur des lieux de privation de liberté, etc., tous sont informés, mais aucune réponse de leur part à ce jour.

    L’administration pénitentiaire de Saint-Maur cherche méthodiquement à éliminer Fabrice Boromée, dont elle ne sait que faire : cette torture a pour but de le pousser à bout jusqu’à ce qu’advienne l’irréparable et que l’administration puisse le tuer en toute légalité ou l’envoyer à vie en hôpital psychiatrique.

    Il est important de lui écrire pour le maintenir en vie : autant pour lui témoigner de la solidarité, lui donner du courage, que pour montrer à l’administration pénitentiaire qu’il n’est pas seul et qu’elle ne peut pas faire ce qu’elle veut. Une carte postale, quelques mots suffisent.

    Adresse : Fabrice Boromée, Maison centrale Bel Air, 36 255 Saint-Maur cedex

  • ÉMISSION DE L’ENVOLÉE DU 21 AVRIL 2017

     

    • Lettre : Christine Ribailly, pour Fabrice Boromée
    • Appels : Christine, nous donne des nouvelles de Philippe Lalouel, Oier Gomez et Fabrice Boromée / Patricia, pour son fils malade en détention
    • Coup de gueule : La folle du CD H1 de Réau / Le directeur de Villefranche-sur-Saône, Eric Schots, tabasse un prisonnier
    • Retour : Sur la manif de dimanche dernier contre le FN
    • Annonce : Lundi 24 avril à l’EHESS, projection du film Sous surveillance

    Zics : Seth Gueko – Dès Que / Héctor Lavoe – Calle luna calle sol / Enregistrement du Rassemblement devant Fleury-Mérogis


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  • « Ici nous vivons sous la contrainte permanente, torturées quotidiennement, oui, torturées, parce que cela n’a pas d’autre nom. » Marina, Fleury-Mérogis, mai 2016

    Fleury-Mérogis, en bas à gauche la maison d’arrêt des femmes

    Il y a un an, au début du mois d’avril 2016, des prisonnières de la maison d’arrêt des femmes (MAF) de Fleury-Mérogis entamaient une lutte contre le durcissement de leurs conditions de détention. Au prétexte d’uniformiser les régimes des hommes et des femmes, l’administration pénitentiaire mettait en place le logiciel Genesis (Gestion nationale des personnes écrouées pour le suivi individualisé et la sécurité). Sa mise en place a eu pour effet immédiat de supprimer une promenade par jour, de réduire l’accès aux parloirs, aux activités et de limiter les contacts que les prisonnières pouvaient avoir entre elles (lire ici).

    En plein mouvement contre la « loi travail », la publication des lettres des prisonnières en lutte à Fleury avaient incité des personnes de l’extérieur à inonder de courriers le directeur de la MAF, à se rassembler devant la prison et à témoigner de leur solidarité. Dans la foulée, des prisonnières de Fresnes avaient collectivement dénoncé l’autoritarisme des surveillantes.

    Dans un long dossier publié dans le numéro 44 du journal nous avions rendu compte de cette lutte de prisonnières ainsi que des allers-retours entre l’intérieur et l’extérieur qui ont donné du souffle et de l’écho à ces mobilisations (lire ici et ici). Le logiciel de gestion de la détention a finalement été mis en place, certaines prisonnières ont subi de longues semaines d’isolement en représailles (lire ici) et le mouvement s’est essouflé… mais il reste exceptionnel par sa durée et sa vitalité. Alors que le groupe anticarcéral « les Trois passants » vient d’organiser à Toulouse une très belle journée de rencontres sur le thème « des femmes face à la prison », nous avons décidé de republier une longue lettre de Marina, qui revenait sur la vie à Fleury avant le début du mouvement. Vous pouvez par ailleurs écouter la dernière émission de l’Envolée pour avoir des nouvelles de Marina actuellement enfermée à la prison de Rennes.

     

    Maison d’arrêt des femmes de Fleury– Mérogis, le 10 mai 2016

    Je suis arrivée a la MAF(maison d’arrêt des femmes) de Fleury-Mérogis en 2006, et en 2016, après un petit tour par d’autres prisons, je suis encore là. J’ai donc vu l’évolution (ou plutôt l’involution) de cette maison d’arrêt, qui tombe en lambeaux depuis des années déjà : douches pourries, murs pleins de moisissure, morceaux du mur extérieur qui tombent sur la cour de promenade… dégradation matérielle qui vient s’ajouter à la dégradation psychique d’une administration malade de sécurité et de contrôle. Pendant des années, l’AP a laissé pourrir cette prison parce que, soi– disant, de grands travaux de renouvellement étaient prévus pour… 2012. Après, ça a été reporté jusqu’en 2014. Nous sommes en 2016, et après avoir fait des travaux à la maison d’arrêt des hommes et au centre des jeunes détenus, il semblerait qu’il ne reste plus de budget pour rénover la MAF. Cela ne les a pas empêchés de dépenser de l’argent pour renforcer les mesures sécuritaires : barbelés, caméras, portiques, construction d’une nouvelle cage (impossible d’appeler ça une promenade) pour isoler les mineures… pour cela, oui, il y a de l’argent.

    La MAF de Fleury a été construite en 1968, c’est donc une prison ancienne. Elle fait partie d’un programme pilote qui prétendait tenir compte des caractéristiques spécifiques des femmes, – dans l’optique hétéropatriarcale, en nous considérant comme des êtres faibles à protéger. Juste pour donner quelques exemples : dans les quartiers des hommes il y a des matons et des matonnes, mais chez les femmes il y a seulement des matonnes ; les vêtements trop courts, un peu transparents, les décolletés, ou même le fait de ne pas porter de soutien– gorge font l’objet de remarques et de prohibition ; les activités proposées sont orientées vers des occupations dites « féminines » : patchwork, tricot, couture, soins corporels, etc. ; enfin les parloirs avec des proches masculins sont doublement surveillés. Autre particularité ; les fenêtres des cellules n’ont pas de barreaux – peut-être nous croit-on incapables de tenter une évasion. Elles sont grandes, dégagées, ce qui permet de voir un grand morceau de ciel, mais en revanche, ce système ne permet pas d’aérer la cellule parce que la fenêtre ne s’ouvre que de dix centimètres en bas et en haut – à peine la place pour sortir l’étendoir.

    Cette maison d’arrêt est donc construite à l’ancienne : une promenade avec de l’herbe, deux ou trois arbres… il y a des grilles pour séparer la promenade des fenêtres des cellules, mais elles ne sont pas assez hautes pour empêcher de s’envoyer un peu de tabac ou du café ; il y a encore des douches collectives et aussi des espaces où objets et histoires se sont accumulés au fil des années. Je dis cela parce que j’ai connu des prisons récentes et qu’elles sont toutes en béton, grises, sans vie ni histoire, aseptisées, cloisonnées, froides, compactes, grillagées… et ça fait une grande différence.

    Le fait est que la structure de la prison ne permet pas encore de nous isoler autant que l’AP le voudrait – alors comment empêcher le contact et la communication ? Comment mettre en place de nouvelles mesures sécuritaires ? En limitant nos mouvements au maximum, en nous isolant de plus en plus en cellule.

    A mon avis, c’est dans cette logique que le système de promenade unique et les changements qui vont avec ont été conçus.

    A l’intérieur, nous sommes à peu près 260 femmes. Il y a une aile arrivantes, 3 ailes pour les prévenues, 3 ailes pour les condamnées, une pour les mineures – elles sont entre 15 et 20 à galérer dans un espace exigu, persécutées et fouillées sans cesse par les matonnes à la recherche de tabac, avec un seul jour de sport par semaine et des conditions vraiment pénibles… Ça mériterait tout un texte a part ! Et il y a la nursery dans un espace complètement différencié. Dans chaque aile il y a 20 ou 30 cellules de 9m2, avec un lit superposé pour 2 personnes, mais aussi des cellules collectives de 6 lits. Être seule en cellule, pour celles qui le veulent, c’est considéré comme un cadeau que l’AP te fait. Les cellules sont en très mauvais état : la peinture tombe, il y a de la moisissure sur les murs, il manque des carreaux au sol. Il y a quelques cellules dans lesquelles le soleil ne rentre jamais, ce qui les rend très froides et humides en hiver. ll y a un chauffage au sol, mais il ne marche pas dans toutes les cellules. D’autres, au contraire, sont orientées est – ouest, et en été elles sont en plein soleil pendant des heures et des heures.

    Dans les cellules, le mobilier est composé de deux ou trois armoires, une ou deux tables, des WC séparés par un rideau, un bidet et un lavabo. II y a une seule prise de courant tout en haut, au plafond, ce qui nous oblige à mettre des rallonges bout à bout pour brancher la bouilloire, la plaque électrique, le poste de radio, la télé, etc. L’installation étant ancienne, ça pète souvent, à la moindre surcharge. C’est l’excuse de l’AP pour ne pas installer de frigos et limiter l’accès aux appareils électriques (sèche-cheveux, lecteur DVD, etc.). Dans la cellule, il n’y a pas de système d’alarme ni d’interphone, ce qui veut dire que si quelqu’une a une urgence ou fait un malaise, nous sommes obligées d’alerter nos voisines et de taper sur les portes toutes ensemble jusqu’à être entendues par les matonnes, qui peuvent prendre tout leur temps pour venir. Les repas sont distribués en cellule ; ici, ça marche encore à la louche. Composés de produits en boîte ou surgelés, ils sont répétitifs, ni variés ni équilibrés et toujours en quantité insuffisante ; parfois il y a de la salade ou un fruit, Ici chacune mange seule en cellule, impossible de partager un repas, ni même un café. Pour faire passer de la nourriture d’une cellule à l’autre, ça dépend toujours de la matonne, et il n’y en a pas beaucoup qui acceptent de le faire. Nous pouvons faire la cuisine en cellule avec des produits que nous achetons à la cantine – pour celles qui ont de l’argent, bien sûr. Il n’y a pas beaucoup de variété, mais il y a pas mal de fruits et légumes, et de ce côté-là, ça passe ; j’ai vu pire, surtout dans les prisons semi– privées, où les prix explosent. Comme nous n’avons pas de frigo, en été nous devons consommer tous les produits périssables en vitesse ou de bien regarder s’ils ne sont pas pourris. Pas de boisons fraiches non plus.

    En ce qui concerne l’hygiène, nous avons droit à trois douches par semaine, mais celles qui vont à la salle de sport peuvent se doucher là-bas aussi. Dans mon bâtiment, les deux ailes – à peu près 60 femmes – doivent se partager 6 douches. Les murs sont sales et le nettoyage inexistant, le seul changement des dernières années a été de passer une couche de peinture sur les murs pourris, mais maintenant la peinture tombe, et cela augmente encore la sensation de saleté ; il n’y a pas assez d’aération ; les dalles en plastique disposées au sol ont disparu : nous les avons sorties dans le couloir il y a quelques mois pour protester parce qu’elles étaient noires de moisissure et pleines de petites bêtes qui couraient en dessous ; nous ne pouvons pas régler la température de l’eau, et comme il n’y a pas assez de pression, il n’y a qu’un petit filet d’eau qui sort.

    Avant, il y avait un salon de coiffure géré par une surveillante et deux auxiliaires, mais il y a deux ans, le salon a été fermé, et depuis lors il n’y a plus de service ; alors chacune se débrouille comme elle peut pour se faire couper ou tresser les cheveux… Suite à nos protestations des derniers jours pour dénoncer la dégradation de nos conditions de vie en général, il semblerait que la direction envisage de rouvrir le salon, mais pour l’instant il n’y a rien de fait.

    Tous les produits d’hygiène corporelle doivent être achetés, car ce qu’on appelle partout la « trousse mensuelle »(deux rouleaux de papier toilette, un gel de douche, un paquet de mouchoirs, un peigne, une savonnette, des serviettes hygiéniques, une brosse à dents et un tube de dentifrice) n’est maintenant distribuée que deux ou trois fois par an. Pour le nettoyage des cellules, nous recevons chaque mois (sauf quand il y a la trousse) un flacon de liquide vaisselle, un autre pour faire la lessive, une éponge à récurer et une dosette d’eau de javel. Avant, il y avait un service payant de lingerie, mais il a été supprimé il y a des années déjà, donc nous lavons tout notre linge dans de petites cuvettes.

    Le plus gros de la journée, nous le passons enfermées en cellule. Quand il n’y a ni sport ni activités pour cause de vacances, week-end, annulations, etc., le seul moment que nous avons pour nous rencontrer, c’est la promenade.

    Les condamnées et les prévenues sortent dans des promenades différentes. Avant la séparation prévenues – condamnées en 2009, nous sortions ensemble, une heure le matin, et deux heures l’après-midi en horaire d’hiver – trois heures en horaire d’été. Après, l’horaire d’été a été supprimé et elles ont mis deux tours de chaque côté. Le temps de promenade est compté dès que les matonnes démarrent les mouvements, alors la dernière à sortir peut perdre 15 à 20 minutes de promenade. Et pour rentrer, c’est pareil : si la promenade doit finir par exemple, à 11 heures, la surveillante va appeler à 10 h 50, afin qu’à 11 heures tout soit fini. Avec le système de promenade unique, il y a des jours où nous passons vingt-deux heures consécutives enfermées en cellule, et cela a des conséquences à tous les niveaux.

    La promenade est l’espace des échanges, où on peut se dépanner les unes les autres d’un peu de tabac, discuter avec les copines, passer un appel, marcher ou faire un peu de sport, s’allonger dans l’herbe, partager de bonnes ou mauvaises nouvelles, évacuer l’angoisse, respirer de l’air frais… Et les heures sont longues en cellule, surtout quand il fait beau a l’extérieur.

    La chaleur est insupportable et te laisse dans un état de fatigue physique permanente aggravée par le manque de mouvement. En cellule, tu passes de la chaise au lit, du lit à la chaise, et le corps en subit les conséquences. Il faut être très motivée pour faire du sport sur même pas 2 mètres carrés (le seul espace qui reste dégagé). Psychologiquement, c’est très dur, car tu ne peux jamais « déconnecter » : toute l’activité se passe dans la tête, et même si tu es une personne qui aime lire, écrire ou étudier, il arrive toujours un moment où il faut que tu bouges, que tu communiques, que tu changes d’activité. Et en cellule, il n’y a pas beaucoup d’options pour cela. En plus, dans le couloir, il y a constamment des mouvements et des bruits qui t’empêchent de te concentrer. Dès le premier contrôle à 7 heures du matin, la prison te tombe dessus, le bruit des serrures, le claquement des portes, les matonnes qui se parlent entre elles en criant d’un bout à l’autre du couloir, la sortie de la poubelle, la distribution des bons de cantine, du pain, du courrier. En une matinée, on peut t’ouvrir la porte au moins dix fois. En plus, il y a des matonnes qui t’obligent à te déplacer jusqu’à la porte pour récupérer ce qu’elles ont à distribuer. Si tu ne te lèves pas pour prendre le pain, tu restes sans pain toute la journée ; c’est comme ça, à Fleury.

    Sur les matonnes et le personnel pénitentiaire en général… que dire ? Qu’elles ont une apparence humaine et que cela nous confond parfois. On croirait qu’en tant que personnes, elles peuvent raisonner, argumenter, être sensibles, comprendre des situations graves et agir en conséquence, avoir de l’empathie… Mais non, il semblerait qu’en signant le contrat avec l’Etat, elles échangent leur cerveau contre un règlement et lui jurent obéissance absolue. Les effets sont dévastateurs. Nous avons vu mille fois le processus de dégradation d’une jeune stagiaire parfois arrivée toute fraîche et souriante, croyant venir faire du « social », ou l’autre extrême, la version apeurée et raide, venue protéger la société de toute cette racaille. Toutes découvrent très vite la parcelle de pouvoir qu’elles acquièrent avec l’uniforme, c’est-à-dire le pouvoir de décider si tu sors ou pas, si tu appelles, si ton attitude est suspecte et si tu dois être fouillée, si ton attitude est indécente et doit faire l’objet d’un rapport, si tu passes trop de temps sous la douche, en bref le pouvoir d’imposer quelque chose à quelqu’un, et elles y prennent goût rapidement. Maintenant, elles sont l’AUTORITé ! Et qu’importe si la matonne sort de sa poche une nouvelle règle sortie de son interprétation personnelle du règlement, ou même de sa vision du monde personnelle : tous les bleus se couvrent systématiquement entre eux et c’est sa décision qui va finir par s’imposer.

    Pour nous, les DPS (détenues particulièrement signalées), le contrôle est total jour et nuit : tous nos mouvements sont notés dans des cahiers aux ronds-points intérieurs, où nos photos sont affichées. Il y est noté aussi avec qui nous parlons en promenade, avec qui nous nous promenons, ce que nous faisons… La nuit, nous subissons des contrôles toutes les deux heures, les surveillantes allument la lumière, certaines d’entre elles font claquer l’œilleton, frappent parfois à la porte pour nous faire bouger – cela pendant des années et des années. Nous sommes fouillées par palpation et nous devons passer sous les portiques détecteurs de métaux pour sortir en promenade, pour nous rendre aux parloirs famille et avocats, et même pour faire des photos. Nous subissons encore la fouille à nu à la sortie des parloirs, ainsi qu’à chaque extraction au palais ou à l’hôpital, et à chaque fouille de cellule.

    Nous avons imposé des limites, et nous n’acceptons pas certaines choses, comme les demandes de montrer l’intérieur de la bouche, retirer le tampon ou montrer ses fesses, mais ceci suppose toujours un moment de tension qui peut bien te gâcher ton parloir ou ta journée. Les matonnes contrôlent aussi le sac que nous emportons au sport, et parfois même la bassine pour aller à la douche. A tout cela il faut ajouter le contrôle de toutes nos communications écrites ou téléphoniques.

    Ici nous vivons sous la contrainte permanente, torturées quotidiennement, oui, torturées, parce que cela n’a pas d’autre nom.

    Il y aurait plein d’autres choses à dire, mais j’espère qu’avec ça vous pourrez vous faire une idée de comment nous survivons ici. Je ne vous ai pas parlé du mitard parce qu’ils ont fermé l’ancien et que nous ne connaissons pas encore le nouveau, mais ne vous inquiétez pas, peut-être que nous pourrons bientôt vous en dire quelque chose…

    Demain, les 4 d’entre nous qui avons été choisies comme bouc-émissaires, allons passer en commission disciplinaire à cause des blocages, et nous ferons sûrement l’objet d’une lourde punition. Rien de nouveau, cela nous le savions déjà. L’AP ne tolère pas l’insoumission, et encore moins quand elle est collective. Elle nous impose des mesures de sécurité toujours plus strictes et veut que nous avalions tout sans protester ; quand nous ne le faisons pas, toute la machinerie répressive se met en route pour nous écraser. C’est le modèle régnant : obéir et se taire.

    Contre cela, il nous reste toujours l’immense plaisir de désobéir et de crier bien haut que « non ! », on ne va pas tout avaler, et qu’il n’y a pas de grillage ni de mur assez hauts pour enfermer notre détermination !

    Salutations à toutes les rebelles.

    A bas les murs des prisons !

    Marina

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  • Inonder l’AP de courrier, pour aider Fabrice Boromée, transféré à la centrale de Saint-Maur

    Fabrice Boromée a quitté l’isolement à la centrale de Lannemezan, pour être transféré à la centrale de Saint-Maur (à côté de Châteauroux), toujours à l’isolement. Il y est déjà passé il y a quelques temps et redoutait ce transfert. Comme à son habitude, l’AP n’a pas même feint de prendre en compte les demandes de Fabrice : il se bat toujours pour son rapprochement familial en Guadeloupe, et sachant que l’attente peut être encore longue, il aimerait au moins être transféré en région parisienne de manière à être visité. Il a besoin de notre aide depuis dehors. Ecrire à l’AP est une des formes très concrètes que peut prendre notre solidarité à toutes et tous. Pour soutenir Fabrice, les animateurs et animatrices du collectif Prison par terre ont écrit un courrier type que nous publions ici. Vous pouvez vous en inspirer ou l’imprimer tel quel afin de l’envoyer aux différents échelons hiérarchiques de l’AP dont vous trouverez les adresse en fin de courrier. A vos imprimantes ou à vos stylos. Gageons que la direction de Saint-Maur sera au moins surprise par un afflux de courrier en soutien à un prisonnier à peine arrivé et qu’elle pense isolé.

    A L’ATTENTION DE LA DIRECTION DE L’ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE,

    Madame, Monsieur,

    Nous, collectif Prisons par terre, sommes particulièrement inquiets quant à la situation de Monsieur Fabrice Boromée, c’est pourquoi nous vous écrivons. Condamné à une peine de 34 ans, en ayant purgé 7 ans dont 6 en métropole, nous estimons que le parcours de Fabrice vous est parfaitement connu, depuis sa première incarcération à l’âge de 16 ans, jusqu’aux peines qui lui sont infligées encore aujourd’hui. Il nous semble ici inutile de vous résumer les faits, la justice et la direction de l’administration pénitentiaire se plaisent à les rappeler et à les communiquer lors de tous ses passages au tribunal.

    Depuis ses 16 ans, il a passé moins de sept mois en liberté ; aujourd’hui, à 36 ans, il lui reste au minimum quinze années à purger.  Il dénonce depuis toujours les conditions de détention que vous lui imposez ; son combat a suffit pour enclencher et justifier un harcèlement permanent. Privations, isolement, gamelle jetée au sol « comme pour des chiens »… autant de violences qui laissent transparaître la volonté de l’isoler et le briser. Sa résistance a été réprimée par de nouvelles années d’enfermement. Ce que vous imposez à Fabrice n’est rien d’autre qu’une mise à mort sociale.

    Aujourd’hui, et à la suite d’une grève de la faim, Fabrice appelle à ce que des solidarités s’expriment et soutiennent son combat. Il n’a qu’une seule demande : être transféré en Guadeloupe. En ne cessant de lui refuser ce droit, l’Etat crée les conditions de ce qu’elle qualifie d’ »incidents », mais qui ne sont pourtant que de légitimes revendications. Ses décisions attisent les tensions et cherchent à casser les liens de solidarités créés avec Fabrice, en même temps qu’elles impactent sa famille et ses proches en Guadeloupe. Nous avons une pensée pour eux.

    Face a cette situation, nous demandons:
    – que Fabrice Boromée soit transféré en Guadeloupe près de sa famille et ses proches ;
    – qu’il soit, d’ici là, immédiatement transféré en région parisienne, de manière à ce qu’il puisse avoir un parloir régulier avec son ami en métropole.

    Notre solidairté avec Fabrice est sans faille ; vos barreaux n’y changeront rien.

    Le collectif Prison Par Terre

    Les trois adresses auxquelles vous pouvez adresser ce courrier :

    Direction Interrégional des services pénitentiaire de Dijon Centre

    72 a rue d’Auxonne

    BP 13331

    21033 Dijon Cedex

    Tel : 0380725000 / Fax : 0380672055

    Direction de la maison centrale de Saint-Maur

    Bel Air

    36255 Saint-Maur Cedex

    Tel : 0254082900

    Direction de l’Administration Pénitentiaire, Philippe GALLI , directeur de l’Administration Pénitentiaire

    13 place Vendôme 75042 Paris Cedex 01

     

     

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  • Lourdes peines et répression des soutiens au procès de la deuxième mutinerie au QMC de Valence

    Vendredi 10 mars 2017 se tenait le procès de deux prisonniers, Romain Leroy et José Torres, accusés d’être les auteurs de la mutinerie du 27 novembre 2016, au sein du Quartier Maison Centrale du nouveau centre pénitencier de Valence. En l’espace de deux mois, fin 2016,  deux mutineries éclataient et révélaient les conditions de détention drastiques et inacceptables, que subissent les prisonniers longues peines stockés par l’AP dans ces nouveaux QMC. Comme au premier procès, le tribunal est bouclé et les soutiens empêchés de rentrer. Pire qu’au premier procès, les deux accusés mangent de lourdes peines. Eléments de non compte-rendu… encore un.

    Appel à solidarité avec les mutins et rendez-vous devant le tribunal

    Adeline, la compagne de R. Leroy avait appelé à un large soutien notamment lors d’entretiens téléphoniques avec les radios de l’Envolée et Papillon (vous pouvez écouter l’émission de l’Envolée du 20 janvier et celle de Papillon du 2 février ). On y entendait sa détermination, son envie de lutter  : elle refusait que son compagnon et son co-accusé ne se fassent massacrer. Le jour du procès, elle a les yeux qui brillent, elle a même la pêche car c’est « son jour à elle aussi », son jour de lutte partagée contre la pénitentiaire. Elle s’est bougée pour réunir ce monde en soutien. Devant le tribunal, nous rencontrons la famille de José . Dès l’arrivée du fourgon où se trouvent les prisonniers, toute une équipe de cousins, sœur, père montent au portail qui sépare la rue de la cour du tribunal pour se faire entendre de José. Ils arrivent même a prendre une photo.

    Un procès public transformé officieusement en huis-clos

    Comme au procès de la première mutinerie, c’est une armada de flics sur-armés qui bloquent l’entrée du tribunal. Il nous est impossible de passer la porte, encore moins d’accéder à la salle d’audience.  A moins d’avoir la carte de presse des médias à la botte de l’Etat, un écusson de l’administration pénitentiaire, ou un bête uniforme bleu. Seuls quelques proches des prisonniers pourront rentrer en prouvant leur lien familial avec une carte d’identité. Les flics laissent planer le doute sur le fait de laisser entrer à l’audience Adeline, la compagne de Romain Leroy pour affirmer leur autorité et faire monter la pression sur elle, sur lui et enfin sur nous … Le procès commence, elle ne peut toujours pas entrer dans la salle d’audience. Les flics ont bien vu qu’elle était accompagnée d’un soutien anticarcéral ! On imagine très bien Romain Leroy cherchant inquiet, stressé, énervé de ne pas trouver sa femme à l’audience. Pour J.Torrés, les flics de l’escorte appliquent un autre stratagème pour le faire monter en pression. Ils prétextent que la sœur filme le procès avec son téléphone et vont le rapporter au juge, qui la fait sortir définitivement de la salle. Une manière bien sale de punir les mots de soutien clamés par la famille lors de l’arrivée au tribunal des deux inculpés .

    Les autres personnes qui sont là pour apporter leur soutien, entendre et relayer la parole des prisonniers, ne peuvent pas rentrer. Sans explication, ou plutôt avec des prétextes différents : un coup le tribunal est plein, un autre coup c’est un simple « non, vous vous ne rentrerez pas », une autre fois c’est ordre du procureur général… bref l’accès au tribunal est interdit. Ce procès comme le précédent est censé être public, mais une fois de plus, la justice fait ce qu’elle veut, la police travaille pour elle et pour que la parole des prisonniers en lutte ne sorte pas…

    Mise en scène caricaturale de la « dangerosité » des prisonniers et du soutien extérieur.

    Contrairement au procès de la première mutinerie, ni R. Leroy, ni J. Torres ne sont considérés comme des prisonniers particulièrement dangereux pourtant le dispositif de sécurité est une nouvelle fois impressionnant et démesuré. Il manque juste les tireurs d’élite ! L’accès au tribunal est sous surveillance. D’ailleurs deux caméras globes filment la place en continu… A l’entrée, les flics caparaçonnés sont armés de tasers, de gazeuses, de matraques télescopiques. Ce serait risible s’ils ne s’en étaient pas servis. Une fois la compagne de R. Leroy entrée, les personnes interdites d’accès à l’audience se rassemblent devant l’entrée du tribunal pour montrer leur mécontentement. Une personne se met à chanter une chanson anti-flic dans une autre langue. Et puis, un dialogue s’installe entre le chanteur et une personne passante bien énervée de pas arriver à déposer plainte contre les flics. C’est ça qui les décide à une violente attaque à coups de matraques, de gazeuses, d’étranglements. Ils embarquent deux personnes au comissariat pour une garde à vue d’environ 24 heures. On pouvait lire dans le torchon local (le dauphiné libéré), que suite à une manifestation anticarcérale et des contrôles d’identités se passant mal, les flics ont arrêté deux personnes. Elles sont accusées, comme toujours dans ces cas là, de violences et outrages sur personnes dépositaires de l’ordre public. L’attaque des flics à coups de matraques et gaz au poivre était donc un simple contrôle d’identité ! C’est vrai que par les temps qui courent, les gens devraient savoir que ce sont les pratiques courantes de la police.

     Une mutinerie, le seul moyen de se faire entendre pour dénoncer les conditions impossibles de détention dans ce QMC

    Les prisonniers protestaient contre le régime de détention trop strict de la nouvelle prison de Valence.

    « Ça fait 10 ans que je suis en prison, et je n’ai jamais vu ça » raconte Romain.

    Il parle d’un régime carcéral trop strict, inadapté aux détenus lourdement condamnés, et d’une administration sourde à toute revendication. 

    « On demandait simplement à ce que ça fonctionne comme une vraie maison centrale » enchaîne José, l’autre « meneur » de la mutinerie.

    Les prisonniers avaient fait part de leurs revendications de manière pacifique à plusieurs reprises auprès de la direction de l’établissement (courriers, refus de réintégration des cellules ou blocages de cour de promenade). Ils avaient alerté l’OIP et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté :

    « Y a un peu tout qui ne va pas dans cette prison. Le problème est le mauvais fonctionnement de cette maison centrale gérée comme une maison d’arrêt disciplinaire (un seul mouvement à la fois, pas de cuisine), les parloirs se passent mal car ils (les surveillants, NDLR) sont tout le temps sur notre dos. Ils ne sont pas capables de livrer les cantines. On veut fonctionner comme une vraie centrale, avec d’avantage de liberté […] On vous parle de longues peines, de plus de convivialité, du mode de vie […] On a demandé à parler au directeur, on les a saoulés avec ça […] Des surveillants sont même venus nous dire de faire quelque chose », a déclaré José Torres. Et Romain Leroy d’ajouter : « Voilà dix ans que je suis incarcéré. Le système pénitentiaire français se préoccupe plus de la modernité des nouvelles prisons que de la vie à l’intérieur. Je n’ai pas fait cette mutinerie que pour parler de Valence. Ce n’est pas la seule prison de niveau 4 en France. Il y a un gros problème de communication dans ces prisons ».

    Quand des prisonniers se révoltent et se mutinent … ils prennent des risques énormes. L’un des inculpés, José Torres terminait sa peine de 7 ans et demi de prison ( + 18 mois pris à l’intérieur pour un chargeur de téléphone rentré illégalement, ça fait cher payé le chargeur !). Il devait bénéficier d’un aménagement de peine courant 2017. Romain Leroy remarque :

    « Si je casse juste une caméra dans le couloir, on m’enferme au mitard et personne dehors ne saura ce qui se passe ici, alors j’ai tout cassé et voilà, il y a des gens devant le tribunal, voilà la presse qui est venue au procès…» et il conclut que « quand les écrits ne font rien que reste-il à part les actes ? »

    Lui, a été transféré à Moulins.

    Une proche dira, hors de l’audience :

    « c’est pas vrai que les QHS sont fermés depuis les années 80, ou alors ils ont juste changé de nom et s’appelle maintenant les QMC. »

     Un verdict sévère et des magistrats obnubilés par les dégâts

    Le tribunal n’entend que l’avocat du centre pénitentiaire qui chiffre les dégâts à 1 696 000 euros. Une somme pareille pour 4 cellules cramées ! Une des proches ajoutera :

    «  Vous vous rendez compte a ce prix là, tout ce qu’on pourrait construire ! »

    Les dégâts proviennent très majoritairement de l’intervention des pompiers, alors ça aurait été moins coûteux de tout laisser disparaître ! Le procureur N. Julia, après avoir rappeler que les prisonniers encourent une peine de 20 ans, réclame  8 ans de prison ferme… A l’audience, les deux prisonniers ont reconnu s’être emparés des clefs du surveillant mais ont nié les violences. Ils ont reconnu avoir « cassé quelques caméras et ouvert les portes des cellules de 40 détenus », mais ils ont nié avoir incendié les quatre cellules et dégradé du matériel mobilier.

    Néanmoins, après 6 heures d’audience, malgré une défense et des prisonniers relatant les conditions de détentions insupportables le verdict est salé : 5 ans de prison ferme pour les deux mutins. Immédiatement, R. Leroy et J. Torres ont fait appel de cette décision.

    Le procureur est satisfait, lui qui voulait faire un exemple.

    Suite à ce procès et cet appel que demandent les deux mutins, soyons au rendez-vous et restons en contact avec eux. Ne laissons pas l’administration pénitentiaire les isoler, les faire oublier ou tenter de les faire taire.

    Solidarité avec les mutins de Valence et leurs proches !

    Pour un compte rendu plus détaillé de ce qu’il s’est joué dans la salle, on peut écouter l’émission de l’Envolée du vendredi 17 mars avec Adeline et Michèle.

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  • Insupportables, le tribunal de Valence et le Quartier maison centrale de sa prison. Le 10 mars devant le TGI à Valence et le 11 devant Fleury-Mérogis, solidarité avec les prisonniers-inculpés!

    Le 10 mars 2017, tous et toutes au TGI de Valence pour soutenir les prisonniers de la deuxième mutinerie du quartier maison centrale (QMC) de la prison de Valence.

    Le 27 novembre 2016, des prisonniers longues peines se sont révoltés au QMC du centre pénitentiaire de Valence,  contre un enfermement toujours plus strict et sécuritaire. Le vendredi 10 mars 2017 à 14h, deux d’entre eux, accusés de dégradation et vol avec violence seront jugés par le tribunal de grande instance de Valence.

    Le 6 janvier dernier, les magistrats de ce même tribunal ont déjà distribué un cumul de neuf années de prison supplémentaires à trois autres prisonniers -longues peines aussi- pour une première mutinerie qui avait eu lieu en septembre dans ce même QMC. déjà des prisonniers avaient dérobé les clefs de matons, ouvert les cellules du QMC, détruit des caméras de vidéosurveillance et mis le feu à des matelas.

    Ces peines sont supérieures aux peines que les mutins de Châteaudun se sont pris dans la bouche en 2013 (elles n’excédaient alors pas 18 mois pour ceux qui avaient été désignés comme meneurs). Bien supérieures encore aux peines de huit mois qui avaient été distribuées pour la destruction totale de la prison de Nancy en 1972, peines que les mutins d’alors qualifiaient déjà « d’insupportables ». En quarante cinq ans, la pénalisation des révoltes sociales de prisonniers s’est considérablement accentuée et le TGI de Valence en donne une illustration de plus.

    Insupportables, les magistrats de ce tribunal, qui pour mieux tirer à peines réelles, interdisent l’accès à une audience civile -donc publique-, aux personnes contrôlées, puis identifiées comme soutien potentiel aux prisonniers-inculpés. Le 6 janvier deux personnes avaient en effet été « retenues » à l’unité de garde à vue du commissariat de la Comédie pendant la durée du procès.

    Insupportable, que les prisonniers soient jugés dans une salle toute entière acquise au point de vue des matons. L’AP avait, lors de cette audience de janvier, dépêché rien moins que son directeur régional.

    Insupportables, ces avocats du barreau de Valence qui dans cette petite ville où tout le monde se connaît s’accommodent fort bien des pratiques d’intimidation des magistrats et vivent de défenses couchées qu’ils facturent aux prisonniers, transformés en « clients ».

    Insupportable, le TGI de Valence.

    Insupportable, le QMC de Valence.

    Face à la justice, face aux syndicats de la pénitentiaire, l’Envolée appelle à soutenir publiquement les deux prisonniers de la deuxième mutinerie. Rendez-vous le vendredi 10 mars à 13h30, place du tribunal de grande instance de Valence pour témoigner de notre solidarité et ne pas laisser la justice poursuivre son méticuleux travail d’élimination sociale.

    L’Envolée

    En attendant, vous pouvez écouter l’interview de l’épouse de l’un des deux inculpés. Elle permet de comprendre le sort qui est fait aux prisonniers longues peines dans les QMC et les causes de ces révoltes dans celui de Valence.

    tagValence

    Si vous êtes en région parisienne, rassemblement devant la maison d’arrêt pour hommes de Fleury-Mérogis, samedi 11 mars 2017 à 13h, en solidarité avec les prisonnier-e-s :

    « De nouveau apparaît la figure du casseur et de la racaille. Médias, police et Justice travaillent ensemble pour taire la révolte, pour séparer les bon.ne.s des méchant.e.s. La réponse est immédiate : des centaines d’arrestations et de nombreuses condamnations. (…) Quand éclate une révolte, l’Etat tente de nous diviser, et peut ensuite réprimer plus facilement dans l’isolement et l’indifférence. Que ce soit contre une nouvelle loi, contre nos conditions de vie de merde, contre des violences policières, ou contre la prison, on a raison de se révolter. Pour être plus fort.e.s, il nous faut rester solidaires, ne pas laisser nos compagnon.ne.s de lutte seul.e.s avec les juges et les matons. »

    Extraits de l’appel paru sur Paris-luttes.info., Solidaires dans les luttes, solidaires face à la répression.

     

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  • Toutes les luttes mènent à Boboch’

    C4Epd4XWAAA04Lj (Tant qu’il y aura la Justice, il n’y aura pas de paix)

    Tout y est : « Des banlieues à feu et à sang », « en ébullition »,  « la sécession de certains quartiers », « un risque de partition », et une dernière, en mode métaphore animalière : « les émeutiers marquent leur territoire »… La presse qui elle-même en avait un peu marre des affaires de pantins présidentiables se jette sur l’os et plonge la France dans l’angoisse avec son nouveau feuilleton policier. Objectif simple : ne surtout pas dire que ce qu’il se joue depuis le viol de Théo lors d’un « contrôle policier » est aussi,  une remise en cause inédite de la justice.

    Mêle-toi de tes affaires

    La gauche flippe, comme à son habitude quand elle doit gérer cet « électorat traditionnel »… qu’elle a perdu depuis longtemps. Elle claque des genoux d’un nouveau 2005, et plus encore de vraiment perdre ces élections déjà perdues. Ben oui, à force d’être déjà « en état d’urgence permanent » depuis deux ans, elle peut même plus sortir cette arme de dissuasion des masses – comme ses confrères de droite l’avaient fait en 2005. Alors Hollande tente un truc : il fait son Obama de dernière minute en posant pour la photo à l’hosto à côté de Théo ; on n’avait pas vu ça pour les proches d’Adama… Le FN, par le biais de son porte parole, voudrait quant à lui « interdire les troubles publics pour l’avenir »… Au delà du fait que cette phrase n’a aucun sens, c’est un très très gros mensonge. Il trépigne, le petit mari de Marine. Tout son parti fait des rêves humides de contagion brûlante. Il est déçu quand un expert quelconque – mesurant l’opinion qu’il fabrique – explique que « pour l’instant, c’est le thème de la lutte contre le terrorisme qui paraît le plus important quand on évoque les fonctions régaliennes auprès des français »On en a tellement fait en deux ans sur le terrorisme qu’il faut y aller franco pour revenir au petit quotidien sécuritaire. Marine Le Pen – entre des larmes de crocodile sur la Prom’  pour les victimes de l’attentat de Nice et un Vendée Globe sauce PNL dans son clip de campagne –, revient à ses premières amours : la défense de la police qu’il « faut armer moralement et matériellement ». Vous noterez l’usage du ré, alors qu’on a vu des flics cagoulard et armés manifester tout l’hiver, pénétrant même le périmètre interdit du palais de l’Élysée… Et puis, pour la route, histoire que nos amis les bêtes n’aient pas l’impression de travailler pour rien, elle y va d’un « 40 000 places de prison supplémentaires ».

    Fillon, trop empêtré dans la révélation de son petit biz’ familial, nous envoie son Ciotti de proximité pour faire du lien social sécuritaire. Ce sont des gamins qui mettent le feu à des poubelles – et jamais à une petite fille soit dit en passant, laquelle n’a jamais été sauvée par des flics, en prime – et tiennent tête à la police d’occupation ? Qu’à cela ne tienne : on se voit déjà « abaisser la majorité pénale à 16 piges », relancer « des tribunaux correctionnels pour mineurs », multiplier les centre éducatifs fermés. Une spéciale à Luis Voguel, maire LR de Melun : « ce n’est pas un hasard si ces incidents se déroulent en pleines vacances scolaires. Il faut lutter contre le décrochage scolaire dans ces quartiers »… Un truc que t’as pas capté, mon petit Louis ? S’il y a bien un moment pour décrocher de l’école, c’est les vacances, que tu vives dans un ghetto de riche ou dans un ghetto de pauvre. Quant à Macron – le pseudo outsider aux dents déjà longues –, il profite des légers problèmes de ses collègues de droite pour dégainer. Lui qui trouve le moyen d’être en tête des sondages alors qu’il n’avait rien poucav’ jusque là de son programme, il nous balance enfin un programme de… 15 000 places de prison supplémentaires ! Il reprend et cite officiellement le rapport que notre actuel ministre des tribunaux et des prisons, JJ Urvoas, avait sorti en septembre dernier. Pas bien original, l’Emmanuel, qui rajoute pour la saveur, une pincée de «tolérance zéro pour la délinquance » et une remise en cause du «principe d’automaticité de l’aménagement des peines inférieures à deux ans ». Comme si il n’y avait pas déjà des milliers de gens qui purgent des peines de moins de deux ans, en préventive par exemple.

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    Les mots sont salement importants

    Nous, pendant ce temps là, on ne va pas trop jouer – comme trop d’autres – à lire dans la boule de cristal. Mais on va quand même rappeler une obsession : les mots sont lourds de sens.

    Nous avons la brutale impression d’être replongés dans n’importe quel numéro de l’Envolée écrit entre 2005 et 2008 : dans le discours dominant, les enfants deviennent des « barbares» ; les manifestants, des « casseurs » ; les familles en deuil, des « boutte-feu victimaires » ; les tués par la police, des « délinquants au lourd casier judiciaire » ; les questions sociales, « des problèmes migratoires ou religieux » ; les quartiers populaires et misérables, des « zones de non droit » ; un viol lors d’une arrestation un « accident regrettable »… Alors, en toute logique, il faudrait que l’État puisse intervenir à la naissance, ou aux frontières, ou les deux, pour « prévenir la délinquance ».

    Tout cela, on le sait. Mais il y a un endroit où nous devons nous méfier, pour ne pas se faire à notre tour les agents de ces sournois glissements de sens : il n’y a pas « des violences policières », mais bien « la violence de la police ». Comme il n’y a pas « des violences faites aux femmes », mais bien « la violence patriarcale ». L’emploi du pluriel induit toujours – même involontairement – qu’il s’agit d’une succession d’actes isolés, individuels. Des bavures. Des dérapages, en somme. À l’inverse, dire : « la violence » et y ajouter « de la police », c’est affirmer qu’elle est structurelle, c’est à dire que l’ordre social en a besoin pour se maintenir, qu’elle est en un pilier, qu’elle est à la fois voulue et nécessaire. En un mot, elle est politique. Il ne peut donc pas être question de « moraliser » la police. La raison d’être de la police, c’est de produire la violence exigée par l’État pour se maintenir ; elle se doit d’être raciste, patriarcale, au service de la bourgeoisie.

    « Le contrôle qui s’opérait dans le rapport au travail s’étend dorénavant dans toutes les séquences de vie par la militarisation de l’espace. De l’exploitation ouvrière à l’asservissement des banlieues, les procédés sont les mêmes : c’est l’incorporation de la domination par les corps, où le policier joue dorénavant le rôle du contremaître. Le quadrillage par les mouchards, la hiérarchisation parallèle, les assignations sans motif, les insultes racistes qui étaient le lot quotidien de « l’usine de la terreur » dénoncée par les ouvriers de l’époque sont les mêmes mécanismes qui opèrent maintenant dans les « quartiers de la peur », comme le dit très justement le texte de Hugues  Bazin. « Résister à cette domination, c’est analyser l’humiliation avant tout comme une question politique décisive ». (1)

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    La rue c’est important, le tribunal c’est primordial

    Et malheureusement – et ce n’est pas pour le plaisir de jouer sur les mots – il faudrait qu’on parvienne à appliquer ce même type d’analyse à la justice. La justice, dans les faits, ce n’est pas qu’un mot, ce n’est pas un concept ou un idéal : c’est avant tout une institution. C’est à dire un rapport de force qui s’est institutionnalisé, l’état des rapports sociaux du moment, inscrit dans le marbre de la loi. La Justice sanctionne et valide l’ordre social dominant à un instant précis. La justice ne peut être pour Théo, ou pour Adama. La justice n’est là que pour l’État, et c’est bien normal : c’est sa seule raison d’être. Nul besoin de philosopher, d’ergoter sur la pertinence du concept-même de « justice », de se demander si elle est une étoile à poursuivre dans ce monde ou dans l’au-delà des croyants, ou encore quelle forme elle pourrait prendre dans un « monde post-révolutionnaire ». Ici et maintenant, la justice, ce sont des tribunaux, des peines de prison, des juges, des procs, des matons.

    Comme on peut le lire dans des compte rendus quotidiens publiés sur le net, ces jours-ci au tribunal de Bobigny, les bourreaux en robe noire n’ont  de cesse de le répéter quand ils condamnent lourdement les « émeutiers » : « La procureure rappelle encore une fois son amour pour les policiers, elle affirme à demi-mots son envie de faire des exemples » (2) (3) (4). Ils sont là pour ne pas faire le lien entre ce qui se passe dans la rue et le viol de Théo, ou l’assassinat d’Adama, ou tous les contrôles et humiliations que nous subissons tous les jours. Son travail, c’est précisément de dissocier ces histoires.

    Réclamer la justice – surtout à l’État –, l’appeler de ses vœux, l’invoquer, la prier, n’a donc finalement pas grand sens. Mais l’observer, la pointer, l’attaquer, non seulement ça a du sens, mais c’est de toute première nécessité. C’est là que s’enterrent les mouvements, c’est là que se réaffirme constamment la domination. Il n’y a de justice que de classe (comme la lutte). Il faudrait donc précisément taffer à l’empêcher de faire son travail, pour une fois, contrairement à ce que les chiens de garde de journalistes font dire à Théo sur son lit d’hôpital.

    Le rassemblement du samedi 11 février est historique à ce titre-là : des milliers de gens se sont rassemblés devant le tribunal du 93. Devant cette cité judiciaire où nous sommes des centaines de milliers à avoir été « entendus », c’est à dire humiliés, rabaissés, condamnés. Et encore plus nombreux à y avoir assisté à l’exécution semi-publique d’un gamin, d’un poto, d’un camarade… Ou bien encore à l’acquittement d’un flic qui a tué ou mutilé. Ce n’est pas par hasard que si peu de commentaires médiatiques ont insisté sur ce point fondamental : le rassemblement avait lieu devant un tribunal ! Pas dans Paname intra-muros mais en banlieue ; pas devant un commissariat ou devant l’assemblée nationale : devant un tribunal.

    « Tout le monde déteste la police » (car elle nous déteste tous) est devenu un slogan jouissif et largement partagé. Et si on se mettait à crier aussi « Tout le monde déteste la justice » (qui, elle, n’a même pas besoin de nous détester pour nous éliminer socialement) ? La rue c’est important, le tribunal c’est primordial. C’est là que la machine étatique nous individualise, nous met à l’ombre, nous vole nos proches, brise nos solidarités. C’est donc là avant tout qu’il faut se montrer solidaires. Et pourquoi pas, parfois, la bloquer. « En attendant mieux, nous demandons que les émeutiers soient acquittés. Pour qu’à leur quotidien déjà injuste ne s’ajoute pas la mort sociale ! La Justice arrive bien à acquitter des policiers qui ont tué », comme l’écrit Hanane Karimi dans un post FB repris par Street Press (5).

    Si vraiment quelque-chose a changé depuis 2005 et si, comme l’affirment certains témoignages à chaud de la journée du 11, le mouvement du printemps dernier a permis de partager quelques évidences, alors il est plus que jamais nécessaire de se rendre en masse dans et devant les tribunaux. À Bobigny, et partout ailleurs en France.

    Police partout ? Justice pareil.

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    #ToutleMondeDétestelaJustice

    #TMDJ

    L’Envolée

     

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  • ÉMISSION DE L’ENVOLÉE DU 06 JANVIER 2017

     

    • Courriers : Damien (MA de Fleury-Mérogis), Kamel (poème)
    • Invités : Les potes et frères d’Adama Traoré sont venus parler de leurs frères, des événements récents et de la mobilisation à Beaumont-sur-Oise.

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    • Tel : Christine nous raconte un peu sa sortie depuis dix jours et sa « liberté » retrouvée après quatre années de prison et de bagarre au quotidien avec l’administration pénitentiaire.
    • Invitée : Loubna, sortie de prison depuis cinq mois, condamnée pour avoir défendu un gamin face à la police.

    Zics : Demi Portion – Marre ; Dead Prez – Fuck the Law ; Berurier Noir – Manifeste ; Al & Casey – L’hiver est long


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  • Pour la libération des prisonnier-e-s gravement malades

    Lettre des prisonniers politiques basques de Moulins-Yzeure

    Nous publions ci-dessous une lettre que des prisonniers de la centrale (prison pour longues peines) de Moulins nous ont demandé de faire circuler. Ils annonçaient des initiatives du Collectif de  Prisonnier-e-s Politiques Basques pour demander la libération des prisonnier-e-s gravement malades. La « loi Kouchner » de 2002 prévoit des suspensions de peine pour raisons médicales, mais elles ne sont que très rarement accordées, même lorsque des experts affirment que la situation d’une personne est incompatible avec la détention, même lorsqu’elle ne peut pas être soignée correctement en prison, même lorsqu’elle est sur le point de mourir. Ainsi, beaucoup de prisonnier-e-s meurent encore en prison, isolés. Et souvent mal soignés. Contrairement à ce qu’estiment souvent les politiques ou JAP (juge d’application des peines), ceux et celles qui sont passés par là savent très bien qu’on est souvent très mal soigné en prison, et qu’on y meurt parfois par manque de soins. Des services de soins palliatifs ont même été créés au sein d’unités hospitalières pénitentiaires afin de justifier les décisions de ne pas laisser sortir de prison des malades sur le point de mourir.

    Cette mobilisation des Basques rappelle deux tristes histoires – parmi tant d’autres !- que nous avons relayées récemment : celle de Béa, décédée d’un cancer à la prison de Rennes et celle de Rachid, décédé à la centrale de Lannemezan. Tous deux étaient dans des états de santé très graves et demandaient depuis longtemps une suspension de peine, un codétenu de Rachid avait tenté d’alerter l’opinion et de lancer une pétition*.

    Liberté pour les prisonnier-e-s gravement malades !

    Liberté pour tous et toutes !

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    « Depuis la prison de Moulins-Yzeure, le 14 novembre 2016,

    Il y a 370 prisonnier(e)s politiques basques incarcéré(e)s en France et en Espagne. Dix d’entre eux sont très gravement malades : Josetxo Arizkuren, Garikoitz Arruarte, Inaki Etxebarria, Aitzol Gorgotza Otaegi, Ibon Iparragirre Burgoa, Jose Ramon Lopez de Abetxuko, Txus Martin, Gorka Fraile, Jagoba Codo et Ibon Fernandez Iradi.

    Ce dernier incarcéré en France depuis 13 ans se trouve actuellement à la maison centrale de Lannemezan (65). Il a été condamné à 30 ans d’emprisonnement (assortis d’une peine de sûreté de 20 ans). Atteint d’une sclérose en plaques, il a fait une demande de suspension de peine en Janvier 2013. La lenteur de la procédure est à souligner. Les premiers symptômes de la maladie remontent à fin 2010, mais le diagnostic n’a été fait qu’en janvier 2013. Ibon Fernandez Iradi a dû attendre juin 2014 pour que le Tribunal d’Application des Peines se prononce contre sa sortie, malgré que durant la procédure deux médecins experts sur trois se soient prononcés sur la non compatibilité de son état de santé avec son maintien en détention. Son maintien en détention a pour conséquence une évolution plus rapide de sa maladie. Maladie qui ne peut être efficacement combattue que s’il est libéré et bénéficie de tous les soins et attention que nécessite son état de santé.

    Finalement, la cour de cassation a cassé le jugement de Juin 2014. La procédure de demande de suspension de peine est ainsi relancée. Et l’espoir renaît. Une audience est prévue le 24 novembre 2016.

    La volonté de la société civile au Pays Basque et de ses élu(e)s est claire. Au-delà des différences d’approches des uns et des autres, il est demandé et attendu de l’État français qu’il s’engage en faveur du processus de paix. Un jugement qui irait à l’encontre de la demande d’Ibon, non seulement irait à l’encontre des exigences humanitaires les plus élémentaires, mais encore viendrait en opposition à la demande massivement exprimée en Pays basque. Nous attendons une décision qui permette la libération immédiate d’Ibon, de façon qu’il puisse bénéficier des soins médicaux appropriés à son état de santé.

    Nous demandons par ailleurs la libération immédiate de tous les prisonnier(e)s basques gravement malades. Ainsi une manifestation est prévue pour le samedi 19 novembre à Bayonne. De notre part, le collectif des Prisonnier-e-s Politiques Basques EPPK va entamer une série de mobilisations durant cette semaine, du 14 au 19 novembre, dans toutes les prisons espagnoles, françaises, portugaises, ou suisses où nous nous trouvons dispersés et prises en otage. Ici au CP de Moulins-Yzeure, nous allons refuser le repas de la prison durant cette période.

    Pour avoir plus d’informations sur la situation précise de tous nos camarades gravement malades vous pouvez consulter le rapport de l’association d’aide médicale aux prisonnier-e-s JAIKI HADI que vous trouverez normalement sur internet ou bien à la page web de l’association Bagoaz ou Etxerat. »

     

    Post- scriptum de la rédaction :

    Après une grande manifestation ayant réuni 2000-2500 personnes à Bayonne le 19 novembre et réclament la libération des prisonnier-e-s basques gravement malades, et plus particulièrement de Ibon, après un appel de 180 personnes du corps médical qui réclament une suspension de peine à son égard, la commission qui examinait son cas a refusé , mi-décembre, de lui accorder une suspension de peine (Voir ici).

    * Pour en savoir plus :