Des prisonniers du centre de détention de Montmédy nous ont adressé une lettre ouverte suite à l’annonce du décès de celui dont le nom reste associé à l’abolition de la guillotine.
« Pour comprendre Robert Badinter, il suffit de remonter le cours de son histoire » dit un des nombreux éloges parus dans la presse. Pour comprendre que la peine de mort n’a jamais été abolie, en revanche, il faut écouter les prisonniers et les prisonnières. Alors que les hommages se multiplient, nous donnons ici la parole à celles et ceux que la justice et la prison ont continué et continuent de tuer.
Nous vous invitons aussi à lire ou relire dans ce livreque nous avons publié d’autres paroles de prisonnier.es qui dénoncent cette prétendue abolition.
Communiqué des détenus de Montmédy (55)
CI-GÎT l’«ÉTAT DE DROIT». TOUTES NOS CONDOLÉANCES.
Le décès tardif de Badinter a provoqué certains éloges qui eussent gagné à s’exprimer en privé.
Mais d’une manière plus surprenante et plus scandaleuse que de coutume, les médias à tendance gauchiste passive choisissent l’admiration esthétique du plus contestable «socialiste» bourgeois plutôt que le silence ou les injures qui, depuis l’application de la théorie du «droit pénal de l’ennemi» dans le droit français, se trouvent seuls moralement justifiés.
Entendons-nous: avec l’«abolition de la peine capitale», ce qui était jusqu’alors la part honteuse, occulte de la proclamé démocratie française (torture, assassinats extrajudiciaires, perpétuité réelle…) va être exhibée aux gens du pays, sapant dans ses profondeurs cet «État de droit» qui justifierait qu’on tolère le régime.
On avait pas encore publié cette lettre écrite en 2020 par une personne enfermée à l’Hôpital Psychiatrique des Eaux Vives en région parisienne. Dans notre émission et notre journal, on parle rarement de ces lieux d’enfermement car on y a moins de contacts. Mais ces paroles nous rappellent bien que les HP sont aussi des prisons où on subit un enfermement contraint, encadré par la justice et où le quotidien est soumis à l’arbitraire d’une administration. Force à toutes les personnes psychiatrisées sous contrainte et leurs proches. Continuons de faire sortir la parole de ces lieux et de soutenir celles et ceux qui y sont enfermées.
Salut l’Envolée,
Déjà quand t’arrives ici en HP ça commence par le déshabillage et ça c’est humiliant. Y a l’isolement aussi qui est une forme de torture psy. Y en a beaucoup d’autres ici (des formes de tortures) comme la contention où ils te ligotent – le mot est faible, c’est comme une camisole.
Y a une chambre qui s’appelle la cellule d’isolement et après y a une camisole chimique qui peut avoir lieu.
Y a un autre truc qui s’appelle le patch et genre on t’immobilise et tu peux plus bouger, t’es attaché a un lit. Moi ils m’ont fait ça pendant 20 minutes, j’avais peur qu’ils m’abandonnent là. C’est tous leurs outils pour la torture.
Quand t’arrives ici à l’hôpital le premier truc qu’ils te font c’est te mettre à poil pour vérifier que t’as pas de drogue ou quoi que ce soit. Et après ils te filent une tunique ou un pyjama où on se sent complètement à poil. Parce que les médecins et infirmières et les anciens patients, eux sont habillés. C’est humiliant et ça crée un truc par rapport aux autres patients, ça met une distance.
J’trouve ça absurde qu’on condamne les gens parce qu’ils sont malades.
À chaque fois que je suis hospitalisé ou interné, ma grand mère m’envoie des cartes postales. Et ça, ça fait très plaisir. Dès qu’on est enfermé, la première chose qu’on fait c’est rédiger un papier pour le juge ou écrire un papier à sa femme ou sa famille. J’ai vu des gens qui arrivaient là dedans (en hôpital psychiatrique), la première chose qu’ils faisaient c’était de rédiger un testament.
Souvent le fait que les gens sont internés, on pense directement à la folie. Mais souvent c’est lié à des événements extérieurs : situation économique, familiale ou de société.
Ici, pour vous décrire comment ça se passe. T’as une petite chambre avec une petite table, une chaise et un lit. C’est pas un hôtel F1 c’est sûr.. Y a des toilettes mais y a pas de douche. Ici c’est mal isolé. Ma chambre donne sur un couloir. A gauche y a un côté où à une époque ils avaient mis tous les gens qui avaient attrapé le covid.
À côté de ma chambre, y a la cellule d’isolement. Là, y a un mec qui a été, comment dire, peut être pas neutralisé, mais violenté par les infirmiers parce qu’il était réticent à leur obéir. Là, il est enfermé à l’isolement on sait pas pour combien de temps. Lui il crie derrière la porte qu’on le torture et il demande à voir les surveillants… J’essaye d’aller lui parler à travers la porte pour le rassurer. Je comprends qu’il soit pas bien.. Moi quand je suis arrivé ici, je me suis réveillé et je savais pas ce que je foutais là.
La journée ici : normalement on te réveille à 7h pour aller à la douche. Mais moi j’ai obtenu de me lever à 8h. Et j’arrive pas utiliser leurs douches. L’hygiène c’est important c’est sûr, mais ici y a pas d’intimité. Y a une douche pour 20 personnes, je vais pas faire la queue en slip avec un savon.
Le petit dej c’est un beurre président, confiture, du pain. C’est le premier truc qui se passe dans la journée. C’est un moment important.
Jusqu’à midi on fait ce qu’on peut. Y en a qui lisent comme moi, d’autres qui sortent dans le parc parce qu’ils sont autorisés. Moi j’ai eu des permissions en ville, jpourrai rentrer chez moi si je voulais mais j’ai plus mes clés, mon portefeuille ou quoi. Ils m’ont tout pris, donc bon je reste là.
La différence entre la psychiatrie et la prison. C’est qu’en prison t’as une peine, ça dure un certain temps. Ici en psychiatrie on a aucune idée de date de sortie. Et ça, c’est angoissant.
C’est ce que j’essaye d’expliquer à ma responsable. Je comprends pas ce qu’ils veulent de moi. Je sais pas si je dois fermer ma gueule ou faire genre que je vais mieux. Apparemment il faudrait que je patiente. Le temps de comprendre ça, c’est déjà quelque chose.
Moi ça me fait peur de rester ici jusqu’à la fin de ma vie. Ici je vois des vieux qui sont là depuis longtemps, je vois des gens qui sont là depuis 15 ans…
En fonction de ton attitude quand t’arrives, d’abord t’as un entretien avec un médecin pendant 10 minutes qui évalue si on te met à l’isolement ou pas. Mais si t’arrives le week-end ou un jour férié y a pas de médecin disponible pour te recevoir, alors tu vas à l’isolement direct.
Au début quand t’es à l’isolement, t’as le droit à 4 cigarettes par jour, en bâtiment fermé t’as 10 cigarettes, et en bâtiment ouvert, comme là où je suis, j’ai le droit de fumer comme je veux. Enfin en fonction de mes moyens donc je suis obligé de me limiter. Ici c’est la guerre des clopes, tout le monde en a besoin. Le troc marche pas mal à base de clopes.
Quand t’es à l’isolement, la cigarette c’est un des trucs qui fait tenir. T’attends ta cigarette, t’essaies d’en profiter un maximum.
La cuisine c’est un problème énorme ici. Dans tous les sens du terme. Y a beaucoup de gens qui ont des intoxications alimentaires parce que la chaîne du froid est pas respectée. Beaucoup de produits sont congelés ici et ils font pas attention.
Ici y a un tout secteur qui s’appelle IS A 13, l’autre c’est l’ASM 13 (association mentale 13). En gros ici c’est l’hôpital psychiatrique du 13e arrondissement même s’il est en Essonne.
Y a d’autres bâtiments dont je connais pas le nom, là où on n’a pas accès parce que c’est grillagé. Ça paraît plutôt inquiétant, on sent qu’il se passe des choses derrière la grille. Des fois y a des camions qui partent, y a aussi la police qui passe souvent dans les bâtiments fermés. Y a 2-3 jours une personne qui portait pas de masque a été contrôlée dehors, ils l’ont ramenée au bâtiment fermé parce qu’elle était sortie de psychiatrie quelques jours avant. Là ils viennent de la ramener en bâtiment « ouvert ».
La première fois que ça m’est arrivé ce truc là d’enfermement, j’suis resté 1 mois et demi en bâtiment fermé.
Ici on mange à 19h et après on me donne des médicaments. Après je m’endors direct, je fume une clope et jm’endors. À 21h30-45 on me redonne un somnifère qui est assez efficace et qui me permet de m’endormir. Et je me réveille le lendemain avec les gens à l’isolement qui tapent à la porte. Même si je dors, on me réveille a 21h30 pour me donner le somnifère. Ça m’a toujours fait halluciner mais je cherche plus à comprendre.
Et c’est rien y a bien pire. J’ai vécu bien pire et je vois des cas où c’est très compliqué. Y des patients qui ont pas de visite, pas de courrier, pas de procédure pour faire appel devant la justice, qui ont toujours des médicaments ou qui sont dans des situations d’handicap qui les placent en situation de dépendance totale face à l’administration, à qui on parle comme à des demeurés. J’trouve ça inhumain comme ils traitent ces gens.
Au niveau de la justice ici ça passe par le JLD. C’est le juge des libertés et détention. Simplement on arrive dans une salle d’attente. Ça m’est arrivé d’être convoqué au TGI pour des JLD de personnes que je connaissais. Le juge te dit selon tel article t’es vraiment malade mais il y connaît rien en médecine le juge. Le dernier JLD auquel j’ai assisté c’était dans une petite pièce. Y avait le juge, la greffière, le ministère public, mon avocat et moi. L’avocat m’a demandé ce qu’j’voulais, je lui ai demandé qu’on me libère. Je suis sorti de la pièce et j’ai reçu deux jours après par courrier des papiers me disant que j’étais prolongé.
Le premier JLD j’ai pas pu y assister parce qu’ils m’ont placé à l’isolement à mon entrée à l’HP.
On les voit quand ils sortent de la salle, ils sont tous copains. Le magistrat, l’avocate, la greffière, ils passent leur vie ensemble. L’avocate, le magistrat c’est plus à lui qu’elle a envie de plaire qu’à moi.
En France la psychiatrie et la prison c’est la même chose.
On continue de donner des nouvelles.
Une personne enfermée aux Eaux-vives le 20.10.2020
Dans cette suite de courriers de l’hiver 2021-2022 lus lors des émissions du 10 décembre 2021 (pour la pièce de théâtre) et du 24 janvier 2022 (pour les autres textes), Libre Flot dit l’impossibilité de recevoir des soins décents au QI (Quartier d’isolement) et décrit le mépris du secret médical qui y règne. La santé mentale et psychologique des isolé·e·s ne peut que se dégrader. Non seulement l’AP (Administration pénitentiaire) et les surveillant·e·s connaissent cet état de fait, mais le personnel médical est complice. Avec le soutien de l’UCSA (Unité de consultation et de soins ambulatoire), c’est-à-dire du « médical », L’AP soutient que les souffrances provoquées par le QI sont « normales ».
Pièce de théâtre en un acte sur l’UCSA
Maison d’arrêt de Bois-d’Arcy, quartier d’isolement,
Décembre 2021
Salut salut,
Ceci n’est pas une vraie lettre, juste une envie de partager un événement banal du petit théâtre du quotidien en un unique acte. C’est une visite de l’UCSA.
Scène 1
[Le rideau se lève sur une cellule. Une personne est penchée sur son bureau, étudiant des documents. Un bruit de clés actionnant une serrure retentit fortement. La personne se lève, saisit un masque, l'enfile pendant que la porte s'ouvre.]
Scène 2
[Derrière la porte, dans le couloir, se trouvent deux personnes en blouse blanche (une doctoresse, jamais vue par le détenu, et une infirmière) et deux autres en uniforme bleu foncé (surveillant et gradé). Chacun·e reste de son côté de la porte durant toute la scène.]
[La doctoresse.] Bonjour c'est l'UCSA, vous allez bien ?
[Le détenu.] Mouais, c'est comme d'habitude.
[La doctoresse.] Ah. Ça veut dire que ça va alors.
[Le détenu.] Non, ce que je veux dire c'est que j'ai toujours de fortes douleurs aux articulations, tout particulièrement aux genoux et aux poignets.
[La doctoresse fait style d'écrire sur un document, mais c'est trop rapide pour être plus qu'une croix ou deux. Elle reprend.] Ah, c'est parce que vous ne faites pas assez de sport.
[Le surveillant.] Ça, non. Il en fait bien du sport !
[La doctoresse.] Alors c'est parce que vous en faites trop. Passez une bonne journée.
[La porte se referme, le rideau tombe sur le détenu.]
Voici une scène 100% véridique, et rien n’a été omis ou rajouté de ce que j’ai perçu. Cette visite n’a rien d’extraordinaire, elle est d’une banale réalité. Et qu’est-ce qu’on peut en retirer ?
Pour l’UCSA ces visites sont des visites de routine, et c’est le cas. Tout va toujours bien selon eux, tant que l’on ne dit pas de manière appuyée que ça ne va pas. Ces visites doivent aller le plus vite possible, il faut un réel effort au détenu pour avoir une oreille attentive. Effort d’autant plus difficile quand ça ne va pas.
L’intention du surveillant, même si elle partait d’un bon sentiment, démontre le non-respect du secret médical.
Et au final, la visite n’a servi à rien. J’ai mal ? Bah, c’est de ta faute, on s’en fout.
Voilà, je voulais juste vous partager ça, tant que je l’avais en tête. Je vous écrirai une vraie lettre pour répondre à celle que vous m’avez envoyée et que je n’ai pas encore reçue. Au plaisir de vous lire et de vous écouter,
Salutations & respects,
Libre Flot
« Ce n’est hélas pas étrange que des personnes, pour en faire le moins possible, annulent les soins des personnes isolées »
Maison d’arrêt de Bois-d’Arcy, quartier d’isolement,
Le 31 décembre 2021
Salut, salut,
Un petit coucou pour vous donner quelques nouvelles :
Après des mois de plaintes répétées à propos de douleurs articulaires, on m’a filé un rendez-vous avec un·e kiné, puis un·e autre puisque le premier n’a pas eu lieu et j’espère en avoir un autre bientôt puisque le second n’a pas eu lieu non plus. La cause ? Je suis au QI !
Et le dentiste ? Merci au sentiment de culpabilité… Je m’explique : comme d’hab’, j’ai rendez-vous, les surveillant·e·s et le/la gradé·e sont au courant et je ne vois rien venir… Le matin, je vais à l’opprimenade du QI (c’est dans le même couloir) en précisant : « Si le dentiste appelle, vous me sortez et m’y amenez. – Oui, oui ». Début d’après-midi, on m’amène à la salle de sport, je précise : « Si le dentiste appelle, vous me sortez et m’y amenez ». À ce moment, le/la gradé·e me dit que le rendez-vous n’aura pas lieu, que le/la dentiste ne peut pas me recevoir. Dépité, ça se voit un peu sur ma tronche, je lui dis que c’est comme d’habitude, que mes rendez-vous sont toujours repoussés, celui-ci depuis quatre mois, qu’hier encore celui du kiné aussi… Et là je découvre sur son visage comme un malaise (mal à l’aise), un air un peu gêné, comme une once d’empathie mêlée à de la culpabilité. Je fini le sport, iel me dit qu’il a rappelé le/la dentiste, qu’iel a fait pression pour que mon rendez-vous soit honoré… Oui oui, c’est un peu gros, iel en fait trop c’est pas crédible. Quelques minutes après j’apprends par le personnel médical que mon rendez-vous était ce matin et que le personnel de l’AP (c’était le/la même gradé·e le matin) avait déclaré que je n’irai pas à mon rendez-vous. Bon évidemment, comme mon rendez-vous (qui devait être le dernier) ne s’est pas déroulé au moment prévu, ça foutait la « merde » à l’UCSA et suite à un cognage de porte et à un échange non-verbal que je n’ai pas pu voir à cause de ma posture, ma consultation s’est finie plus vite que prévu (selon ma perception) et un autre rendez-vous m’a été redonné. Bon en tous cas, là où j’avais le plus mal a été rebouché !
Donc oui je remercie le sentiment de culpabilité car ce n’est hélas pas étrange que des personnes, pour en faire le moins possible, annulent les soins des personnes isolées. Encore moins étrange quand on sait que ce·tte même gradé·e, peut-être pour éviter le surmenage, a tendance à « oublier » d’emmener les personnes en opprimenade ou en les « oubliant » dedans, ou en les « oubliant » dans la salle de sport, ou en les « oubliant » dans la douche… Comme si l’enfermement, ou régime d’isolement n’était pas suffisant, il faudrait encore nous faire galérer toute la journée à poireauter… C’est vrai qu’on est chiant à vouloir profiter de tous ces fantastiques bienfaits et ces nombreuses activités auxquelles on a droit, on veut sortir, rentrer, se dépenser, se laver et même retourner s’instruire en cellule… Mince cela l’oblige à faire son travail ! Peut-être espère-t-iel qu’en nous faisant subir toutes ses attentes abusives, on se lasse reste enfermés en cellule 24H/24 et lui permette de se tourner les pouces ? Raté !
Sinon, lundi dernier, j’ai pu constater le retour des Plexiglas au parloir. (Au moins, y a plus cette table qui prenait toute la place). D’ailleurs, en lisant certains témoignages d’autres détenu·e·s dans L’Envolée, il est question « d’intimité » lors des parloirs. Ici à Bois l’Arsouille, d’intimité, il n’y en a point !Les parloirs d’architecture panoptique sont vitrés des deux côtés où circulent en permanence surveillant·e·s qui épient sans cesse.
Je termine cette lettre-là pour qu’elle parte ce matin, je vous écoute ce soir (sûrement une émission enregistrée). Merci à vous pour votre soutien. Courage à tou·te·s les enfermé·e·s et leurs proches.
Salutations & respects,
Libre Flot
« Rien ne s’est amélioré. Cela ne se peut sans l’élimination des causes provoquant les maux. »
Maison d’arrêt de Bois-d’Arcy, quartier d’isolement,
Le 13 janvier 2022
Salut à vous tout·e·s !
Juste un petit coucou pour vous partager une réflexion sur le langage utilisé par l’UCSA pour dédouaner l’Admin’ Pen’ des conditions inacceptables de la détention en QI. N’ayant pas envie de passer quinze ans dessus (et d’ailleurs l’écriture devenant de plus en plus difficile), la forme de ce bref texte peut être un peu lourd et redondant, tout en simplifiant et réduisant des processus de réflexion, toujours est-il, et c’est le principal, que l’on comprendra aisément je l’espère le fond et le sens des propos.
En ce qui concerne ma situation, je ne m’étalerai pas sur mes différents « soucis » (moi aussi j’utilise les euphémismes) médicaux, vous comprendrez que rien ne s’est amélioré. Cela ne se peut sans l’élimination des causes provoquant les maux… J’ai juste ajouté à ma routine les exercices conseillés par le kiné.
Quant à ma détention provisoire, cela fait plus de trois mois que je n’ai pas de nouvelles du juge d’instruction (JI), que rien ne se passe… Récemment lors du renouvellement de mon mandat de dépôt, le juge des libertés et de la détention avait ordonné une enquête de faisabilité pour une « liberté conditionnelle » (je suis pas sûr du terme mais en gros prison à la maison avec bracelet). Cela fait désormais plus d’une semaine que nous savons que le JI a la réponse, que mes avocat·e·s ont demandé qu’on le leur transmette… mais rien. Encore une fois, le JI fait durer le « plaisir ». Cela ne pourra pas, dommage pour lui, durer éternellement. Pendant ce temps, je ne peux que constater ses pratiques humanistes.
Voilà pour aujourd’hui, au plaisir de vous écouter et de vous lire ! Merci encore pour votre soutien à tou·te·s les enfermé·e·s et à leurs proches. Force et courage à elleux et spécialement aux isolé·e·s.
Salutations & respects,
Libre Flot
Souffrances acceptées et voulues par l’Admin’ Pen’ ou ses commanditaires. C’est ce qu’on appelle la torture.
Après quatre mois de plaintes répétées à propos de douleurs généralisées aux articulations, j’ai enfin (après 3 rendez-vous repoussés) vu le kiné. Verdict ? « C’est normal dans ces conditions ». Étrangement, c’est toujours la même rengaine quels que soient mes maux… Mes maux de tête semi-permanents ? « C’est normal dans ces conditions qu’est l’isolement ». Mes pertes de mémoire, mon incapacité de concentration, la perte de repère spatio-temporels, mes douleurs cardiaques, mon oppression thoracique, mes troubles visuels, mes vertiges, mon hébétude, etc. ? Pareil ! « C’est normal au vu de mes conditions de détention. »
Dans un environnement normal (et même en détention classique), pourtant, subir l’ensemble de ces maux n’est pas considéré comme chose normale. Y introduire le facteur « Quartier d’Isolement » ne la rend pas plus normale. Tout comme ce que l’on dit avant un « mais » n’a pas vraiment de sens (je ne sais pas…, mais…), définir quelque chose de « normal » mais uniquement sous des conditions spécifiques ôte automatiquement toute notion de normalité. On ne peut dès lors plus parler que de conséquences logiques ou de réactions systématiques. Si le fait d’obtenir les mêmes résultats en prenant n’importe quelle personne et en la plaçant dans une cellule 22 ou 23 heures par jour, sans interaction sociale, est considéré par les médecins de l’UCSA comme « normal au vu des conditions de détention en isolement », cela veut, en fait, dire que ces conséquences, subies par la majorité des personnes en QI, sont donc bien des réactions systémiques et sont aussi très bien connues.
L’utilisation mensongère du terme « normal » (associé au « dans ces conditions ») est en fait un euphémisme ayant pour but de masquer la vérité toute simple qui est que la détention au QI provoque de graves souffrances aux individu·e·s. Souffrances tant physiques, cérébrales et psychologiques, qui, étant connues et systémiques, sont donc acceptées et voulues par l’Admin’ Pen’ (ou ses commanditaires). C’est ce que l’on appelle de la torture.
Le personnel médical, lorsqu’il (ab)use volontairement de cet euphémisme falacieux pour éviter d’énoncer la vérité qu’il connaît, n’œuvre plus à la santé de ses patient·e·s mais leur ment, les trompe, couvrant ainsi les méfaits de l’Admin’ Pen’ et lui permettent ainsi le maintien en isolement, ce qui dégrade profondément les individu·e·s. L’UCSA se rend donc complice de cette torture. Mais bon, on ne mord pas la main qui (même indirectement) nous nourrit…
« utilisation normale d’un euphémisme médical pour une torture carcérale »
P.-S. : et oui ! Je vous ai encore glissé quelques phrases à rallonge que vous allez « kiffer » pour une lecture à voix haute… hihihi 😉 (non, non, c’est promis, c’est pas du sadisme !)