Depuis la décision de la cour de cassation en juillet 2020, le juge de la liberté et de la détention (JLD) peut libérer des prévenus pour mettre fin à des conditions indignes de détention et un traitement inhumain : ce fut le cas pour un prisonnier de Nouméa, libéré le 12 octobre dernier. Il y a donc une petite occasion à saisir – on ne sait pas pour combien de temps encore.
Pour être valable, il faut que la demande de mise en liberté (DML) soit posée par le prisonnier en détention provisoire lui-même. Dans cette DML, il faut prouver que les atteintes à la dignité humaine sont « crédibles, précises, actuelles et personnelles ». Vous devez donc prouver que vous subissez personnellement ce traitement inhumain. Comme il n’y a pas de définition officielle de ce que sont des « conditions indignes » et un « traitement inhumain », c’est à vous de décrire ce que vous subissez. Voici quelques éléments qui ne sont pas exhaustifs : moins de 3,4 m² par prisonnier en cellule, présence de matelas au sol, pas d’accès à l’air, temps trop long passé en cellule, manque d’accès à la lumière directe, manque d’accès au soins, insalubrité de la cellule, absence d’intimité pour aller aux toilettes, etc. Il vous faudra compléter la description de ces conditions de détention avec des preuves confirmant vos affirmations. Il faut donner le plus d’éléments tangibles pour prouver ces faits. Il peut s’agir de photos, par exemple. Mais il peut aussi s’agir de rapports du contrôleur général des lieux de privation de liberté sur l’état de la prison où vous êtes enfermés, ou de décisions de justice qui auraient préalablement condamné cet établissement. Le JLD engagera ensuite les démarches pour confirmer ou non cette situation.
Voici un exemple de lettre type (établie avec un avocat). Complétez ce qui correspond à votre situation particulière. Ecrivez au chef de détention afin de pouvoir aller déposez la DML au greffe, qui la transmettra au JLD. Soyez le plus précis possible. Vous trouverez ici aussi une liste de décisions qui concernent certaines prisons que vous pouvez citer pour appuyer votre demande.
Madame, Monsieur,
Par la présente, je demande ma remise en liberté, étant actuellement enfermé dans des conditions inhumaines et dégradantes, sur le fondement de la décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation, arrêt n°1400 du 8 juillet 2020 (20-81.739)
Je suis enfermé à [établissement pénitentiaire] depuis le [date], soit depuis [X] mois. Dans cet établissement, j’ai occupé les cellules [X]. J’occupe actuellement la cellule n° [X].
Taille de la cellule : Celle-ci mesure selon moi environ [X] m². Cet espace est toutefois réduit par le mobilier qui s’y trouve, à savoir [X]. Depuis le [X], nous sommes [X] dans cette cellule. Nous avons donc chacun un espace personnel très réduit, ce qui nous oblige à [exemples de conséquences : impossibilité d’être debout tous en même temps dans la cellule, obligés de rester sur les lits quand un des occupants veut se déplacer dans la cellule, quelqu’un dort par terre, etc.]
État de la cellule : Cette cellule, comme le reste de la prison, est par ailleurs vétuste, sale et mal entretenue. [décrire la cellule : humidité, peinture qui s’écaille, rouille, chauffage défaillant, etc.]
Ouverture : La seule ouverture sur l’extérieur est la fenêtre qui mesure environ [X]. On a du mal à aérer et la lumière naturelle n’entre pas suffisamment. [précisez le nombre de grilles, la présence de caillebotis, etc.] Du coup, on est obligé de laisser le plafonnier tout le temps allumé pour voir quelque chose.
Toilettes : [décrire : état d’entretien, cloison, rideau de séparation, proximité avec les lieux de prise de repas, etc.]
Temps passé en cellule : Je n’ai la possibilité de sortir de ma cellule que pour [décrire et donner le temps]. Donc, je subis ces conditions de détention [nombre d’heures] sur 24.
Mes propos sont corroborés par la décision [n° X de la décision de condamnation] de [nom de l’instance daté de la décision] et/ou par le rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté [n° de la décision] daté du [date de la décision].
Compte tenu de ces conditions de détention inhumaines et dégradantes, je vous demande de me remettre en liberté. Je peux d’ailleurs être hébergé à l’extérieur chez [X].
Liste des prisons françaises déjà condamnées pour conditions indignes de détention :
CP de Baie-Mahault : TA de Basse-Terre, 16 mars 2018, n° 1800020
CP de Ducos : CAA Bordeaux, 17 février 2015, n° 14BX01991
CP de Faa’a-Nuutania : TA Ref. Polynésie française, 21 janvier 2016, n° 1500662
CP de Liancourt : CAA Douai, 15 juin 2010, n°09DA00256
CP de Nouméa-Camp Est : TA Nouvelle-Calédonie, 10 octobre 2013, n° 1200341
CP d’Orléans-Saran : TA Orléans, 3 juin 2014, n° 1300257
CP de Rémise-Montjoly : CAA Bordeaux, 4 octobre 2011, n° 10BX03217
MA d’Amiens : CAA Douai, 1er juillet 2010, n° 10DA00079
CP de Saint-Quentin-Fallavier : CEDH, 10 novembre 2011, Plathey c. France, n° 48337/09
MA d’Angers : TA Nantes, 29 septembre 2015, n° 1400842
MA de Besançon : TA Besançon, 23 février 2012, n° 1101344
MA de Caen : TA Caen, 6 novembre 2012, n° 1200277
MA de Basse-Terre : TA Ref. Basse-Terre, 17 octobre 2014, n° 1400536
MA de Bois D’arcy : CAA Versailles, 5 juin 2015, n° 11VE03158
MA de Cherbourg : TA Caen, 26 juin 2014, n° 1100895
MA de Clermont-Ferrand : CAA Lyon, 31 mars 2016, n° 10LY01546
MA de Coutances : TA Caen, 7 avril 2016, n° 1500038
MA de Douai Cuincy : TA Lille, 6 novembre 2014, n° 1204493
MA de Dunkerque : TA Lille, 18 janvier 2012, n° 1005824, n°1006267
MA de Fleury-Mérogis : Conseil d’État, 30 décembre 2014, n° 364774
MA de Fresnes : TA Melun, 28 avril 2017, n° 1703085
MA de Grenoble-Varces : TA Grenoble, 30 avril 2014, n° 1103756
MA de La Roche-sur-Yon : TA Nantes, 12 janvier 2012, n° 1100598
MA de Marseille-Baumettes : Conseil d’État, 22 décembre 2012, Section française de l’Observatoire international des prisons, n° 364584
MA de Mulhouse : TA Strasbourg, 3 juillet 2013, n° 1102199
MA de Nanterre : TA Versailles, 8 juillet 2011, no 0910656
MA de Nantes-Carquefou : CAA Nantes, 10 avril 2014, n° 13NT00633
MA de Nîmes : Conseil d’État, 30 juillet 2015, Section française de l’Observatoire international des prisons, n° 392043
MA de Reims : TA Châlons-en-Champagne, 24 mars 2015, n° 1301527
MA de Rouen : CAA Douai, 10 juillet 2012, n° 11DA01405
MA de Saint-Brieuc : TA Rennes, 28 novembre 2014, n° 1302079
MA de Saint-Étienne La Talaudière : TA Lyon, 25 septembre 2018, n° 154125.
MA de Paris la Santé : CAA Paris, 12 janvier 2012, n° 11PA01590
MA de Tours : TA Ref. Orléans, 14 juin 2012, n° 1200333
MA de Valenciennes : CAA Ref. Douai, 7 janvier 2013, n° 12DA01478
CP de Baie-Mahault, CP de Ducos, CP de Faa’a-Nuutania, MA de Fresnes, MA des femmes de Nice, MA de Nîmes : Cour européenne des droits de
l’homme pour conditions indignes de détention (arrêt J.M.B. et autres c. France, 30 janvier 2020)
MA de Fleury-Mérogis : CEDH, 21 janvier 2011, Payet c. France, n° 19606/08
MA de Nancy-Charles III : CEDH, 25 avril 2013, Canali c. France, n° 40119/09.
Vous pouvez aussi vous appuyez sur les rapports du Controleur Général des Lieux de Privation de Libertés : tous les rapports sont disponibles à la suite de ce lien. S’il y a plusieurs rapports, on vous conseille de prendre le plus récent.
Nouveauté importante, cf émission du 27 novembre :
« La description très générale des conditions très dégradées de détention (en l’occurrence, Fresnes) suffit à contraindre la chambre de l’instruction, saisie en appel d’un refus de DML, à effectuer des vérifications complémentaires pour apprécier le caractère crédible, précis et actuel de cette description. On ne peut exiger du détenu qu’il démontre le caractère indigne de ses conditions personnelles de détention, ni leur incidence sur sa santé »
Cass. Crim., 25 nov 2020 , n°20-84.886, dispo sur le site de la cour de cassation
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