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  • Edito du numéro 29, décembre 2011, « le mouvement contre la réforme des retraites… »

    Edito du numéro 29, décembre 2011, « le mouvement contre la réforme des retraites… »

     

    Le mouvement contre la réforme des retraites serait mort…

    du moins son enterrement a-t-il bien commencé. Le mot d’ordre gouvernemental est relayé partout : rien ne doit résister aux vacances, et l’on ne parle déjà plus de pénurie dans les stations-service. Ca débloque ici et là, plus ou moins violemment. Quant aux syndicats, s’ils ne déclarent pas ouverte- ment qu’ils veulent mettre un terme à ce mouvement, ils commencent à articuler différents discours pour accompagner tranquillement la reprise − notamment dans les raffineries − tout en se laissant la possibilité de reprendre la main sur ce qui pourrait encore arriver, et qui continue ici et là. Les langues de bois, en somme, cohabitent dans les mêmes bouches.

    Ce mouvement, nous l’avons regardé, nous nous y sommes plongés ici ou là avec plus ou moins de timidité, de plaisir, toujours un peu en étrangers tout de même, n’arrivant jamais tout à fait à oublier les manœuvres de la gauche comme du gouvernement et l’odeur rance des syndicats. Ces maquignons ne nous surprennent pas : quand le mouvement prend, ils l’arrêtent et cherchent à convaincre que la défaite est, quelque part, une victoire. Mais le mode d’emploi syndical a généré un enthousiasme au-delà des syndicats eux-mêmes – ce qui les a surpris -, et il est encore trop tôt pour en mesurer les conséquences. Cette inadéquation entre l’enthousiasme et ce qui était proposé traverse de part en part un mouvement au cours duquel le blocage est devenu une forme d’action très largement partagée.

    Cette histoire intéresse forcément un canard anticarcéral comme L’Envolée ; d’abord parce que les mouvements s’accompagnent toujours de répression, avec la traditionnelle trilogie : arrestation, procès, condamnation. Les salariés sont menacés de cinq ans de prison s’ils refusent d’être réquisitionnés sur les piquets de grève devant les raffineries. La présence à une manifestation un peu agitée se solde par de la prison ferme. D’autre part, la fabrication largement médiatique d’une frontière illusoire entre lycéens et casseurs, bons bloqueurs et mauvais bloqueurs, alimente des séparations incompatibles avec une critique radicale du travail salarié et de la prison. Surtout, on ne peut pas séparer la critique de la prison et du système judiciaire de celle du monde qui les génère : travail salarié et prison mettent au pas les corps et les esprits, chacun à sa manière, et en s’alimentant mutuellement. Dans ce monde, on se soumet aux lois du travail ou on va en prison. La prison est le mitard de la société et le travail est la meilleure des polices.

    Depuis longtemps, il n’y avait pas eu un « mouvement d’ampleur », comme on dit, qui parle du travail – indirectement, certes, mais tout de même : refuser de consacrer deux ans de plus au travail, c’est dire quel-que chose de la vie qui vient de s’écouler. Bloquer son lycée avec des potes, c’est une manière de dire ensemble que l’idée d’un boulot fixe ou d’une quelconque carrière est au moins aussi abstraite que l’idée d’une retraite dans des dizaines d’années. La retraite avant la traite, disent-ils en substance. Il doit bien s’agir de cela, sinon comment expliquer que pas mal de gens continuent à s’activer en sachant très bien que cette réforme est déjà passée – au compte-goutte – depuis 2003.

    Mais de quoi s’agit-il vraiment alors que les manifestations cessent dès que les syndicats arrêtent d’en pondre à intervalles réguliers entre Nation et Bastille ? Que le pétrole est importé d’Italie, d’Espagne, de Hollande ou tiré des stocks stratégiques dès qu’il commence à manquer ? Que les blocages restent le plus souvent symboliques, et ne permettent en définitive pas tant de rencontres que ça ? Que la police a carte blanche pour éborgner, grenader, canarder ? Que l’on nous parle victoire électorale de la gauche en 2012 pour nous renvoyer au chagrin ? Et puis, peu de textes parus pendant le mouvement posent centralement la question du travail, du salariat précaire ou à perpète, de la vie de producteur-consommateur de marchandises et de services plus ou moins inutiles, bref de ce qui se passe avant la retraite. Et lorsqu’il est question de ces boîtes où l’on passe sa vie, c’est trop souvent sous l’angle de la pénibilité, de la souffrance au travail. En quelques années, la médi- calisation de la question sociale a gagné ici aussi du terrain. La psychologisation à outrance et l’individualisation ont contribué à évacuer un peu plus la critique du travail salarié.

    Souhaitons qu’en quittant la première page des journaux, ce mouvement soit allé se ressourcer ailleurs, se remplir de sens, se renforcer pour éclater plus fort encore… Voici quelques textes et tracts trouvés ici et là pendant le mouvement ; et parce que derrière les murs, tout continue, on pourra aussi lire dans ce numéro des lettres de prisonniers, un rapport mensonger de médecins qui camouflent une mort en prison, des analyses de lois qui nous tombent sur la gueule, et d’autres nouvelles de six mois de quotidien carcéral. On trouvera pour finir une négociation entre des prisonniers et le directeur suite à un autre mouvement, qui avait – lui aussi – pris la forme d’un blocage : celui de la centrale de Moulins en 2005, qui montre une fois de plus qu’un blocage à l’intérieur, ce n’est pas un blocage à l’extérieur, que tout se complique quand on est enfermé – les moyens d’actions comme les possibilités de solidarité. C’est précisément parce que ces difficultés sont décuplées en prison qu’il y a aussi à apprendre de ces luttes.

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  • Edito du numéro 27, « avalanche de lois sécuritaires »

    Edito du numéro 27, « avalanche de lois sécuritaires »

    ENVOLÉE N°27

    Et les textes de lois sécuritaires continuent d’être promulgués. Avant même qu’ils soient appliqués, un nouveau projet est déjà à l’étude… Dernier en date, dans l’esprit managérial du temps : le projet de loi sur la promotion de la sécurité intérieure. Il prévoit l’instauration du couvre-feu pour les mineurs de 13 ans et du contrat de responsabilité parentale qui, outre la suppression des prestations familiales, pourra imposer un couvre-feu individuel à un mineur de moins de 18 ans. Les policiers municipaux deviendront des agents de police judiciaire, avec toutes les prérogatives que cela comporte. Les auditions de prisonniers se feront par visioconférence. Les cambriolages, jusque-là qualifiés de vols par ruse ou effraction et punis de cinq ans d’emprisonnement, seront passibles de sept ans ; les vols simples passeront de trois à cinq ans et les vols aggravés de sept à dix… Les biens d’un inculpé pourront être vendus avant la fin de l’enquête ou de l’instruction ; en cas de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement, le propriétaire touchera une indemnité équivalente à la valeur d’usage des biens confisqués. La réserve civile, aujourd’hui composée de retraités de la police, pourra accueillir des volontaires de 18 à 65 ans pour des contrats de cinq ans : pendant quatre-vingt-dix jours par an, ils seront des collaborateurs de la police… Alors tout le baratin sur les gardes à vue, les « prisons du cœur », le parrainage des prisonniers.

    Tout cet humanisme associatif ou politicard sert comme toujours de paravent à la réalité carcérale et judiciaire. Celle-là, il n’y a que les prisonniers et prisonnières, les familles, les proches et les amis qui peu- vent en témoigner. Les morts suspectes − bien plus réelles que l’épidémie de grippe A −, l’ouverture des centrales de haute sécurité, la construction de nouvelles taules et de nouveaux centres de rétention, les verdicts de plus en plus lourds ne peu- vent être contrecarrés que par des solidarités actives : témoignages, campagnes anticarcérales, semaines de solidarité avec des inculpés… pour tenter de détruire tout ce qui nous enferme.

    Autrement dit, dehors comme dedans, il s’agit de ne pas lâcher le morceau, de rompre le silence sans permettre que nos voix soient récupérées par le pouvoir et régurgitées par les médias officiels.

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  • Edito du numéro 28, « Des jeux et des lois »

    Edito du numéro 28, « Des jeux et des lois »

    ENVOLÉE N°28

    DES JEUX ET DES LOIS

    On nous amuse ; on voudrait nous voir soutenir les bleus… ils patrouillent dans les halls, ils contrôlent, expulsent et enfer- ment, mais on en fait les héros de « l’équipe France » sous la douche de rigueur.

    Quand la prison prend l’eau, comme à Draguignan mi-juin, on emmène les prisonniers en balade pour éviter « qu’ils ne se livrent aux pillages » de rigueur.

    Quand c’est l’eau qui prend le pétrole comme en Louisiane fin avril, les prisonniers les plus méritants gagnent une formation de nettoyage des côtes. On nous amuse ; dehors c’est foot à l’écran, dedans pareil, en payant plus cher. Regarder ailleurs, l’écran des sites de paris en ligne. Y perdre un peu plus de cet argent qui manque déjà. En masse, les masses renflouent le compte courant d’un État qui rembourse les banques de leurs jeux foireux.

    On nous amuse ; dehors, c’est Fête de la musique et technivals sous gyrophares ; dedans, c’est ateliers d’écriture sous contrainte. Paroles et musiques en liberté surveillée. Pour ceux qui pètent les plombs, soixante places à gagner en UHSA pour déguster des psychotropes multicolores. On nous accuse ; de nous promener en bandes un peu trop rugueuses ; de ne pas assez engraisser les concessionnaires ; de nous servir dans la caisse ; de refuser d’être soignés à vie ; de nous battre avec nos maigres muscles ; de ne pas croire aux nouveaux monstres que l’on exhibe ; de critiquer les faux critiques…

    Jeu pour matons : combien de temps, un prisonnier qui a mis le feu à sa cage met-il pour crever ?

    Jeu pour humanistes : combien de temps un prisonnier qui a fait vingt piges tient-il à l’extérieur ?

    La seule règle, y’en a pas… d’arrangement, dixit Nino !

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  • « Imaginer tous les prisonniers qui veulent que ces prisons de merde ferment un jour »

    Paru dans le N°30 de l’Envolée, mars 2011

    Le 13/11/10 Salut à toute l’équipe,

    C’est avec un tout petit regret que je vous écris cette lettre car bientôt je serai transférée à la centrale de Rennes, normalement c’est pour début décembre. Je suis contente à la fois de quitter cette maison d’arrêt pourrie qu’est Fresnes mais le seul regret que je vais avoir c’est de ne plus pouvoir vous écouter. Comme M. Top el Hadj j’aurai aimé comme lui que la diffusion soit nationale mais les explications d’Olivier qui montrent que c’est pratiquement impossible me désolent.

    J’aurai passé 3 ans dans 3 maisons d’arrêt et là je vais atterrir dans une centrale où les conditions de détention ne seront pas les même mais j’espère inch’Allah que cela se passera bien. Je continuerai à vous écrire et à vous téléphoner, avec un pincement au cœur bien sûr de ne plus vous entendre. C’était comme un rituel le vendredi de 19h à 20h30, rituel qui me faisait imaginer tous les prisonniers qui veulent que ces prisons de merde ferment un jour. Isolée je me sentais comme entourée par d’autres comme moi qui étaient à l’affût en vous écoutant d’un témoignage, d’un courrier et cela fait chaud au cœur. Merci à M. Top Omar et à Malek Khider de penser à moi , cela prouve que les messages, les courriers que j’ai envoyé pour dénoncer toutes ces humiliations, ces brimades, ce quotidien morose, ont bien abouti en ce sens.

    J’ai deux grands frères et un petit frère, trois soeurs et j’imagine toujours que ce pourrait être eux derrières les barreaux à notre place, c’est pourquoi je vous apporte tout mon soutien de tout petit bout de femme calme posée mais tellement enragée à l’intérieur de moi quand j’entends des mots comme QI, isolement, peine de sûreté, perpétuité, etc…

    Je suis de tout coeur avec vous même si l’on ne se connait pas. J’adresse aussi un salut particulier à Sylvie Picciotti qui a Fleury ne nous entend pas mais j’espère qu’elle pourra lire le journal un jour et qu’elle pourra lire toute l’attention que je lui porte. Je vous remercie pour tout ce que vous faites , continuez dans ce sens, c’est un baume au cœur que de se savoir soutenue et entendue surtout. Ma dernière pensée sera pour M.Benchetouya, assassiné en prison par des détenus (Paix ait son âme). C’est par lui que j’ai pu vous rencontrer et commencer à m’intéresser à toute cette violence carcérale que personne ne voit. C’était le frère d’un ami au mien, je ne le connaissais pas mais je ne souhaite à personne de mourir en prison , mourir sans avoir pu voir tes proches et leur dire au-revoir. Je vous demanderai si c’est possible, et c’est un petit coucou à M.Top, et mon cadeau de départ des ondes, si c’était possible de passer des morceaux de Kenny Arkana, album entre ciment et belle étoile et si possible la 19, la dernière de l’album.

    Je vous embrasse tous, en espérant un jour vous revoir sur le plateau comme Laurent Jaqqa et continuer à lutter pour l’abolition des prisons, des centres de détention et toute autre forme, de type d’enfermement. Je continuerai à prendre de vos nouvelles par le biais d’Olivier que je vois au parloir, d’ici là bon vent, force, courage, détermination et PATIENCE. Car la patience est une vertu. Pour finir y’a pas d’arrangement, ça c’est pour Nino, paix ait son âme.

     

    Kaoutar, future-ex prisonnière de Fresnes.

  • L’INFÂME BOUILLIE MÉDICO-PÉNITENTIAIRE, SUICIDES ET MÉDICALISATION

    Paru dans l’Envolée numéro 26 – Octobre 2009 –

    L’INFÂME BOUILLIE MÉDICO-PÉNITENTIAIRE, SUICIDES ET MÉDICALISATION

     MÉDICAL DE SÛRETÉ ET SANTÉ PUBLIQUE

     C’est probablement en référence à l’efficacité des soins procurés et à la qualité de la prévention pratiquée que Florence Aubenas, nouvelle présidente de l’Observatoire international des prisons (OIP), s’est exclamée : « On est là face à un problème de santé publique, je crois qu’il faut se décider à faire rentrer les médecins dans les prisons ! », la journaliste lui répondant fort justement : « Mais il y a déjà des médecins dans les prisons aujourd’hui !». Plus précisément, voilà ce que pense l’OIP (1) : « L’attitude de l’administration pénitentiaire, qui empêche toute analyse documentée et rationnelle du phénomène du suicide en prison, pour se prémunir d’une remise en cause de ses modalités d’action, témoigne de la nécessité de confier au ministère de la Santé la responsabilité de la définition et de la mise en œuvre de la politique de prévention. »

    C’est d’une certaine façon une tentative de faire jouer le pouvoir médical soignant contre le pouvoir carcéral. En d’autres termes de faire jouer le biopouvoir contre le pouvoir disciplinaire et les survivances du pouvoir souverain, de plaider en quelque sorte pour le droit à la vie des personnes incarcérées.  Ce faisant, c’est oublier que le pouvoir médical, sous sa forme psychiatrique, a depuis longtemps, hors du champ initial de son savoir, envahi le système pénal, notamment par le biais des expertises.  C’est oublier que ce même pouvoir gère l’enfermement psychiatrique et qu’avec la mise en place des UHSA (Unités d’hospitalisation spécialement aménagées), il devient un acteur à part entière du système pénitentiaire…  C’est oublier qu’avec la création des centres de rétention de sûreté, il joue sur tous les tableaux, apportant à la fois la caution de l’expertise et l’alibi du soin (2). C’est oublier enfin que le pouvoir médical est capable, sur injonction de la Chancellerie, de lourdement participer à la production de rapports – tel celui de la commission Albrand – où impératifs pénitentiaires (3) et thérapeutiques sont mêlés dans une infâme bouillie et où l’amalgame entre délinquance et pathologie est repris de plus belle (4). Mais comme en 2003 avec la mission de réflexion sur les suicides confiée au psychiatre J-L Terra, les choses sont faussées dès le départ car la mission-commission, dirigée par un psychiatre, va d’emblée considérer la question sous l’angle de la maladie mentale. Et l’accroissement, ces dernières années, du nombre de prisonniers souffrant de troubles psychiques ne peut que renforcer la tentative d’en faire une affaire médicale. Mais le problème n’est pas fondamentalement psychiatrique, comme tentent de nous le faire croire certaines déclarations médico-pénitentiaires. Il est provoqué par des traitements durs, méritant pleinement le nom de torture : choc de l’incarcération, longues peines, transferts incessants, placements en quartier d’isolement, mises au mitard, refus de parloir, rejet de libération conditionnelle, etc. Il est provoqué par la prison même. Première embrouille donc : oser qualifier de psychopathologie la souffrance et les comportements qu’elle induit. Et seconde embrouille : faire porter tout le poids de cette souffrance à l’individu en niant la responsabilité de l’administration pénitentiaire, du système répressif dans son ensemble et de la société.

    Quant au soin qui semblerait, en l’occurrence, intéresser la pénitentiaire, il pourrait s’appeler techniques de « préservation de l’intégrité physique à tout prix ».

    IL N’Y A PAS QUE LES « SUICIDES »…

     On l’a déjà dit, mais on le répète : le bruit qui a été produit sur les suicides en prison (discours officiels et amplification médiatique) a été accompagné d’un silence assourdissant sur les « morts suspectes» dans les mêmes endroits. À de rares exceptions près, les medias sont restés prisonniers du sujet défini selon les normes au pouvoir, où pour un peu l’AP apparaîtrait comme une officine de santé publique aux prises avec un problème complexe dont est responsable une sous-catégorie– difficilement repérable – à l’intérieur d’une population spécifique, celle des détenus.

    M ais il n’y a pas que des « suicides » ou des morts mal expliquées parmi les décès qui mettent en cause la prison, et ils ne se produisent pas qu’à l’intérieur (5). Peu de personnes en sont conscientes, mais le nombre de personnes mortes de la prison est bien plus élevé que le chiffre officiel des « suicides » en prison…

     NOTES :

    1. Cf. « Prévention du suicide en prison : en finir avec une politique absurde et mensongère ».

    2. Comment en effet prétendre encore soigner dans un lieu où le moindre propos d’un prisonnier pourrait être retenu contre lui ? À moins de ne plus concevoir le traitement que sous la forme épurée : « Gobe tes médocs et ferme ta gueule ! »

    3.  « En charge de la garde de cette personne, l’administration se doit alors de préserver son intégrité physique à tout prix, y compris contre elle-même. » La prévention du suicide en milieu carcéral, rapport de la commission Albrand, p.15.

    4.  « Par ailleurs, la délinquance est devenue plus violente et plus improvisée. Les personnes incarcérées sont ainsi souvent adeptes de « conduites à risques », atteintes de troubles de la personnalité, voire de troubles psychiatriques. » Ibid., p.13.

    5. Cf. « Prison : danger de mort » , L’Envolée N°25.

  • TRANSPARENCE PLUS QUE TOTALE, sur les morts en prison

    Paru dans l’Envolee numéro 26 – octobre 2009  

    TRANSPARENCE PLUS QUE TOTALE, sur les morts en prison

    Le 18 août, la nouvelle garde des Sceaux s’est vu remettre le rapport demandé à l’administration pénitentiaire (AP) sur les morts en prison depuis le début de l’année, dont le contenu n’a pas été rendu public. Par contre, ce même jour, le fameux rapport Albrand, jusque-là confidentiel, a été mis en ligne sur le site du ministère de la justice. S’agit-il de la version revue et corrigée par la précédente tenancière de la Chancellerie ? Le bon Dr Albrand vous répond :

    « La ministre ressort la version édulcorée du rapport… La version light, pas celle que j’avais remise en décembre au ministère. »

    Cela n’a pas empêché Alliot-Marie de déclarer :

    « La première des choses que j’ai décidé de faire, là aussi par ce que je souhaite que l’on agisse dans la transparence, c’est de publier ce rapport ».

    La transparence, selon la ministre de la pénitentiaire, est à opacité variable. En l’occurrence il s’agit que tout le monde voie ce document,

    « ce qui permet ensuite de juger de ce qui est fait et de ce qui reste à faire. Il y a vingt préconisations dans ce rapport, j’ai décidé de suivre ces vingt préconisations. » a-t-elle ajouté.

    Pure démagogie, car seule une commission de contrôle, indépendante de la pénitentiaire et dotée de moyens conséquents, pourrait produire une estimation sérieuse. Cela dit, quel sens y aurait-il à faire une estimation sérieuse de recommandations qualifiées d’« idiotes » par Albrand lui-même ? Il pourrait y en avoir 50 ou 100, de ces mesurettes d’opérette, que cela ne changerait rien à la réalité du problème…

    Citons, à titre d’exemple, le fameux « kit de protection » à « expérimenter » pour les « personnes détenues en urgence suicidaire élevée » comprenant « draps et vêtements déchirables [en papier] ou/et couvertures indéchirables ne pouvant être transformés en liens », « des cellules sécurisées avec interphone et absence de points d’arrimage (support TV, canalisation, barreaux de fenêtre…) » à « expérimenter », toujours, ainsi qu’une meilleure formation des personnels pénitentiaires. Le dernier point de la préconisation n°11 va jusqu’à vouloir  « sensibiliser les codétenus […] en expérimentant [encore] une action de formation au soutien d’une personne en souffrance »,

    Les transformant donc en agents pénitentiaires psycho-médicaux. Pour mettre fin à la « sur-suicidalité carcérale », comme ils disent, l’AP semble surtout prête à renforcer les contrôles et la surveillance, dans la mesure de ses moyens c’est-à-dire qu’il faut que cela ne (sur)coûte rien ou presque.

    S’il ne s’agit que de ramener le chiffre des suicides ou morts suspectes, en très forte augmentation en 2009, à des proportions moindres acceptables par tous les pouvoirs… Une fois retrouvé le taux de « suicidalité » des années précédentes, qui osera prétendre que le problème n’est pas résolu ?

     

     

     

  • « Longues peines »

    Paru dans l’Envolée N°2, Novembre 2001

    Je tenais à témoigner pour votre dossier concernant les longues peines dont je fais partie, quoique je qualifierais celles-ci d’infaisables, d’irréelles, d’inacceptables…! Sachant très bien que je ferai tout pour ne pas la finir quoi qu’il m’en coûte; la mort, oui bien sûr, mais debout sur le haut du mur, jamais je ne courberai l’échine en attendant la fin de l’échéance…! Je suis en détention depuis six ans dont plus de cinq années dans les QI, étiqueté DPS depuis de nombreuses lunes, accro aux balluchonnages pénitenciaires, résident quasi permanent des rez-de-chaussées glauques et sombres, des QD dépourvus d’humanité, mais fidèle client de la liberté… de l’envolée ! Comment pourrais-je expliquer que c’est ce qui me reste pour vivre, pour supporter l’enfermement, ma date de sortie est bloquée temporairement à 2034… alors que je n’ai tué personne, j’ai certes volé quelques banques, vidé quelques distributeurs, pillé quelques salles de coffres, mais de là à finir par une peine compressée à trente années, non… ce n’est pas juste! Bien évidemment je refuse en bloc tout le cinéma interne à la détention des longue-peine (CNO, travail, psychothérapie, etc.). Mon esprit, mon corps tout entier se nourrit de vengeance, seule ma haine me permet de voir des jours… des lendemains joyeux. Le ministère m’a affecté dans une centrale sans savoir laquelle bien entendu, mais je dois patienter encore une année pour pouvoir vivre décemment, j’entamerai donc ma septième année en maison d’arrêt, une punition de plus pour avoir tenté plusieurs envolées! Le cher directeur de Fresnes m’a fait savoir que mes balluchonnages continueront dans les centrales où je représente un danger… La résistance n’est toujours pas bien vue dans notre pays malgré les années passées, il faut collaborer avec les autorités… alors j’en suis désolé d’avance, j’ai beaucoup plus d’atomes crochus avec Jean Moulin qu’avec Pierre Laval… Je devrais clôturer mes sessions d’assises dans un an avec un dernier round à Nanterre. Entre-temps j’espère être passé en correctionnelle pour ma dernière tentative d’évasion du QI de Ploemeur… ce qui m’amènera à plus de 2050 grosso modo, avant compression. J’ai oublié aussi que bien sûr je vois passer les grâces devant mon nez sans arrêt, pareil pour les RP, les RPS, une vraie perpétuité, une élimination pure et simple de l’individu gênant ! Mais qui ils sont, eux, pour me juger, pour m’annihiler, des magistrats détenteurs provisoirement d’un pouvoir, survolant ma vie, mes dossiers, avec des a-priori, des certitudes…
    A ceux là je dirai simplement : n’oubliez jamais «que le vrai pouvoir, il est au bout du fusil…».
    Amicalement,
    Tony

  • « Lettre de Fleury »

    Paru dans le N°2 de l’Envolée, octobre 2001

    Monsieur,
    De part ce courrier, nous tenons à vous mettre en garde sur la détérioration des conditions de détentions que font  subir certains membres du personnel surveillant du bâtiment D5 à l’ensemble de sa population carcérale outrepassant le règlement intérieur et abusant de leur autorité disciplinaire sur le comportement et le mode de vie des détenus et prévenus, et de ce fait cherchant à mettre en place un rapport de force verbal ou physique (dominé-dominateur) qui risque d’aboutir à des conséquences très grave pouvant aller jusqu’à un point de non retour. L’humiliation, la provocation verbale et la brutalité physique sur les détenus sont devenues monnaie courante. En effet on ne compte plus les différents problèmes qui ont surgi ces derniers temps et dont la liste est loin d’être exhaustive :
    – réflexions douteuses voire racistes sur les origines et les croyances religieuses ou ethniques d’une partie de la population carcérale (phénomène croissant étant donné la conséquence directe du contexte mondial et sociétal actuel)
    – violation délibérée du dernier lieu d’intimité qu’il reste au détenu : la cellule, en arrachant tout ce qui se trouve à portée de main
    – non respect des conditions politiques que tout un chacun à la liberté d’avoir
    – bousculades lors d’altercations avec des détenus refusant de se soumettre à l’excès de zèle autoritaire de certains surveillants et/ou bricards
    – passages à tabac sur les détenus qui par leurs états psychomentaux devraient être placés dans d’autres endroits pénitenciers
    – un exemple flagrant : vers la mi–septembre 2001, Djamel Ben Drisse longue peine condamné à vingt ans de réclusion criminelle a été sans aucun motif, humilié, passé à tabac et remis en cellule !!!
    Suite à son agression, Djamel Ben Drisse a mis le feu à sa cellule à l’aide de fils électriques arrachés des murs. Il a été conduit à l’hôpital d’urgence. Plus de nouvelles depuis. Certains disent qu’il est décédé.
    C’est donc dans cette logique de tension et de dégradation quotidienne de la vie carcérale qu’un terrain de haine et de vengeance se développe. Une situation qui deviendra ensuite de la part du personnel surveillant un prétexte à des revendications syndicales demandant toujours plus de moyens tant humains que matériels.

    A raison de quoi, si des mesures concrètes sur cette situation critique et alarmante à l’encontre de monsieur X (équipe du vendredi 26/10/01 3ème étage droite D5), de type révocation ou reclassement de ce personnel pénitencier à des postes où ils n’auront plus de contact direct ou indirect avec les prisonniers, ne sont pas prises, nous nous devons de vous avertir que nous ne serons pas responsables des actes collectifs de quelque nature que ce soit pouvant gravement perturber l’ordre carcéral–militaire dont vous êtes la plus haute instance représentative au sein de l’administration pénitentiaire de la maison d’arrêt de Fleury Mérogis.
    En espérant que vous saurez faire preuve de responsabilité et par conséquence prendre des mesures nécessaires pour que ce rapport conflictuel n’aille en s’ envenimant.
    Veuillez accepter, monsieur, nos salutations.
    Collectif des détenus du bâtiment D5 de Fleury Merogis.

  • "Mis à mort"

    Paru dans le N°2 de l'Envolée, octobre 2001

    Il est l’arpenteur du temps sans substance.
    Emmuré dans son passé;
    Immobile le royaume de l’absence en sourit ;
    Infatigable compagnon d’un voyage,
    Où l’horizon souvenir tend à s’évanouir;
    Vapeurs nauséabondes d’une petite mort.
    Perpétuel chemin d’inexistence macabre
    De son être ne laissera qu’une silhouette d’acier qu’on ne plie;
    Le briser : un espoir de bourreaux parés d’hermine
    Trop lâches pour le sauver.
    Nul rachat, une vie arrachée aux sens.
    Laisser l’arpenteur échapper à cette torpeur,
    Terrible tumeur de son existence qui tue son essence.

    Toi, fossoyeur, vois le perpétuel arpenteur.

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  • « Pour le droit d’expression des détenus… »

     

    Dire, lire et écrire Pour la population carcérale Est un besoin aussi vital
    Que l’air que l’on respire…
    Ras l’bol d’être baillonnée,
    Trop envie d’crier, d’hurler!
    J’vais finir par étouffer
    A force de toujours refouler
    Ma haine face au silence
    De l’ensemble de la société
    Face à l’indifférence,
    L’individualisme et l’égoïsme
    De tous les complices du libéralisme,
    D’un système soi-disant démocratique et égalitaire
    En vérité fasciste et même carrément totalitaire
    Puisqu’il spolie les droits des individus

    Paru dans le n° 2 de l’Envolée, octobre 2001

    D.E.T.E.N.U.S.

    Au moyen d’une censure
    Généralisée et systématique
    En l’an 2000 les prisons furent
    Au cœur d’une tempête médiatique…

    Zone de non-droit, ainsi ont-ils défini la prison
    Mais aussitôt passée la vague d’indignation
    Parmi toutes les âmes bienveillantes de la Nation,
    Peut-ont dépasser le stade de la dénonciation!

    La polémique concernant les prisons françaises
    Est trop rapidement tombée dans l’oubli
    Pourtant, aujourd’hui encore persiste le malaise
    Et c’est de l’ombre qu’il ressurgit!

    Réveillons les consciences endormies!!!

    Constater les failles du système carcéral,
    Le juger nuisible et inadapté
    Tant pour l’individu incarcéré
    Que pour la société en général
    Constitue un phénomène presque banal

    Mais ne pensez-vous pas qu’il est grand temps
    De décider d’agir et de le transformer réellement?
    Comme si le sort des détenus que l’on exclut
    N’était pas une cause assez noble pour être défendue

    Comme s’ils ne valaient pas la peine qu’on s’unisse,
    Qu’on se batte tous ensemble afin que cesse
    Cette indéfendable et ignoble injustice
    Et que notre force triomphe des faiblesses
    Des institutions judiciaires et pénitentiaires
    Pour cela, une mobilisation de masse est nécessaire!

    Donc là, je m’adresse à tous mes frères et sœurs
    Pour que votre action prolonge notre réflexion
    Dans ce long combat pour la liberté d’expression
    Afin de construire ensemble une société meilleure…

    Vous qui êtes libres de penser,
    Et d’exprimer ce que vous pensez
    Vous qui êtes libres d’informer
    Mais aussi de vous informer
    Sur toutes sortes de sujets,
    De théories, de faits ou d’idées

    Ne pouvez-vous pas également jouir
    De la liberté de vous soumettre et d’obéir
    Ou alors de vous battre et de désobéir?
    Sachez que ce choix déterminera notre avenir…

    Motif de confiscation du courrier:
    La «Bible judiciaire» est invoquée
    Lorsque celui-ci est considéré,
    Par les «autorités», constituer
    Une menace pour la sécurité
    Et l’ordre de l’établissement
    Et surtout des personnes que l’on veut maintenir
    Dans l’exclusion et l’isolement

    Ne pensez-vous pas qu’il est temps d’en finir?
    De supprimer ce maudit article du Code pénal,
    Véritable atteinte à la dignité de la population carcérale
    Sommes-nous indignes de témoigner et de nous exprimer?
    Pourquoi s’acharner à nous censurer, laissez-nous publier!

    Seuls les représentants de la Justice et de la Pénitentiaire
    Ont droit à la parole, n’est-ce pas totalement arbitraire?
    Ne sommes-nous pas des individus à part entière?
    A ce titre, nous refusons de nous taire!

    Comme si le pouvoir de nous parquer
    Dans ces neuf mètres carrés
    Comme si le pouvoir de nous séparer
    Des êtres tant aimés
    Comme si tout cela n’était
    Pas encore assez …

    A bas la dictature
    De la magistrature,
    Qui détient tous les droits et pouvoirs
    Et nous prive de ces mêmes droits
    En nous laissant uniquement les devoirs
    Désormais nous revendiquons le droit
    De faire entendre notre voix
    Car la liberté d’expression
    Est une des libertés fondamentales
    Que chaque individu possède
    Du seul fait incontestable– de sa nature humaine
    Il ne s’agit pas d’un privilège qu’on lui concède
    Mais d’un respect dû à l’humain, avec ou sans chaînes…