Le représentant régional de FO pénitentiaire, Philippe Campagne, fait justement campagne (repris dans un article documenté du site carré rouge) pour redorer le blason de ces collègues de Seysses : les déclarations dans les lettres des prisonnières de la MA de Seysses ne seraient que des affabulations, la preuve FO a fait sa petite enquête interne et donc, FO envisage de porter plainte pour diffamation. (suite…)
Catégorie : Lettres
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Appel des prisonnières de la M.A.F de Seysses
Ce courrier était sorti il y a un mois. Un nouveau vient d’arriver, on le reproduit ici :
MAF de Seysses, le jeudi 30 mai 2013
Madame, Monsieur de la radio Je viens à vous pour dénoncer les maltraitances que l’on subit à la MAF de Seysses, que ce soit en tant que spectatrice qu’en tant que persécutée. Tout d’abord, il y a 4-5 jours, une détenue basque espagnole que les surveillantes provoquent très souvent verbalement ! Donc notre collègue détenue Iti a demandé gentiment aux surveillantes de ne pas la tutoyer, que le respect doit être dans les deux sens, enfin voila le ton est monté et Iti a été passée à tabac, coups de pieds dans le ventre, etc. (suite…)
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Des prisonnières de la Maison d’arrêt de Seysses (31) prennent la parole et demandent du soutien
Plusieurs prisonnières du quartier femme de la maison d’arrêt de Seysses (à proximité de Toulouse) ont adressé un courrier aux émissions de radio anticarcérales de Toulouse (Canal sud) pour dénoncer le « climat exécrable » qui y règne, les brimades des matons et le silence de la direction. Certaines d’entre elles ont été jusqu’à la tentative de suicide pour se faire entendre de la direction, en vain. (suite…)
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Combats et répression en détention, extraits de lettres de Christine
…depuis les prisons de La Talaudière, Corbas, Joux-La-Ville et Bapaume
Début novembre 2012, suite à une altercation avec les matons en allant visiter son compagnon au parloir à la taule de Corbas, Christine a été emmenée en garde à vue. Puis, en attendant un procès qui a eu lieu le 13 février, elle a été placée en détention à la Maison d’arrêt de La Talaudière à Saint-Etienne. Elle reste incarcérée depuis, et purge la somme de différentes peines écopées ces dernières années suite à de multiples insoumissions à l’autorité de différentes institutions (flics, administration pénitentiaire, institution psychiatrique,…).
Christine est bergère. Elle a notamment eu des soucis avec les institutions répressives lors de sa participation à des luttes contre la loppsi 2, contre le puçage des moutons.Depuis son incarcération, Christine a eu de multiples embrouilles en détention. Elle a été placée au mitard (QD ou Quartier Disciplinaire) et au QI (Quartier d’isolement). Elle a été transférée de La Talaudière à Corbas (Lyon) puis à Joux-La-Ville. Aux dernières nouvelles, elle est maintenant à Bapaume, vers Lille (alors que ses proches sont dans le sud !) L’accumulation d’altercations en détention risque d’alourdir sa peine, voire de la mener à nouveau devant les tribunaux.
Dans différentes lettres qu’elle a pu faire sortir de prison, elle raconte ses combats en détention et la répression féroce. Elle souhaite que ces lettres (que nous avons récupéré un peu tardivement) soient diffusées auprès des groupes qui se préoccupent de ce qui se passe en prison, et publiquement. Nous vous en proposons ci-dessous de larges extraits.
Christine se bat et revendique au quotidien. Elle crie qu’elle refuse l’enfermement. Et se bat pour que, au minimum, ses droits soient respectés. Elle a entamé de nombreux recours administratifs et plaintes. Son avocat est Guy Nagel (Lyon), elle est en contact avec l’OIP (Obseravtoire International des Prisons).N’hésitez pas à lui écrire à la prison de Bapaume, et tout soutien sera certainement le bienvenu !
Christine Ribailly – Centre de détention – Chemin des Anzacs – 62451 Bapaume Cedex.Extraits des lettres de Christine :
Jeudi 31 janvier, QD de Corbas.
Ne reculant devant aucun défi pour vous fournir des infos fraîches et diverses, votre envoyée spéciale au pénitencier est maintenant au mitard à Corbas.
Je suis passée au prétoire (à la Talaudière) et j’ai pris quinze jours (de mitard) ferme et 8 jours avec sursis. Je ne croyais pas que six mois allaient s’écouler sans que ça me tombe dessus, même si l’idée était séduisante. J’ai donc appris que je serai transférée ce lundi 28 [ndlr : il n’y a pas de mitard au quartier femmes de la talaud].
(…) Dimanche 27 janvier, à la promenade, je me suis engueulée avec une fille pour la deuxième fois. Cette fois on a échangé des coups (J’en ai pris plus car elles étaient à 2 contre moi). Bien sûr c’est moi que les bleus ont remonté en cellule, menottée dans le dos. Après m’être calmée, j’ai demandé à téléphoner, comme j’y ai droit. En fait, la surveillante ne voulait pas m’ouvrir sans un surnombre de matons comme ils me le font souvent, malgré l’accord du 15 novembre avec la direction. (…) L’auxi peut témoigner que j’étais calme. Mais les matons m’ont foutue au sol le temps de mettre en cellule le repas dans une barquette en plastique. J’ai dit : « Je veux juste téléphoner, j’y ai droit, de quoi avez-vous peur ? Je ne me débats même pas ». Mais ils m’ont refoutue en cellule et je n’ai pas pu bloquer la porte. J’étais furax et j’ai glissé du papier journal sous la porte pour l’enflammer, comme je l’ai souvent pratiqué.(…) Ils ont ouvert la porte, l’un d’eux avait un extincteur. Il ne s’est pas contenté d’asperger la porte mais m’a délibérément aspergée. J’étais en train de respirer à la fenêtre. Je suis allée vers eux en gueulant : « Tu t’amuses bien ? » Ils ont essayé de la refermer mais je l’ai bloquée avec le genou. Ils se sont alors énervé et m’ont foutu au sol, dans la neige carbonique. Ils m’ont menottée dans le dos en me faisant vraiment mal à l’épaule et en serrant très fort. Depuis leurs cellules des filles criaient : « Salauds ! Lâchez la !On t’a entendu dire que tu allais lui casser le bras ! » Il m’a demandé de dire aux filles de se calmer mais j’ai refusé, demandant juste à ce qu’il lâche l’épaule. Je suis restée au sol sous ce mec le temps qu’ils vident entièrement la cellule (fringues, bouquins, poubelle, table…) puis ils m’y ont refoutue en laissant un doliprane sur l’évier. La cellule était trempée et noire de papiers brûlés, moi j’étais trempée et mal en point. (…)
A 7h du matin, (quand ils ont ouvert), je suis allée vers la cabine. Mais ils m’ont dit que je téléphonerai après la douche. J’ai accepté car j’en avais vraiment besoin. Quand je suis [retournée dans la cellule], ils en ont profité pour claquer la porte. (…) J’ai gueulé « Vous aviez dit que je téléphonerai après ! » et ils ont répondu « Ben ouais, après, tu téléphoneras après… Aller, bon QD ! » Et un de ces s… rigolait en disant : « Ben quoi, tu chiales Ribailly ? », alors que je répétais, à bout de nerfs : « T’avais dit ! ».
Entre 7 et 9h, toutes les filles qui sont passées ont vu mon bordel dans le couloir et la crasse sous la porte. Beaucoup ont été choquées et m’ont gueulé quelques mots de solidarité. J’ai aussi eu un yoyo de mon propre tabac qu’elles ont pris dans ma veste, sur le tas de mes affaires. (…)
[ndlr : Puis Christine a été transférée vers Corbas]
Hier j’ai vu le toubib dans le cadre de l’accueil arrivante au mitard. Elle m’a fait un certificat médical avec 3 jours d’ITT. J’aimerais déposer plainte pour abus de pouvoir et violences. Pensez-vous que c’est possible ? Voulez-vous m’y aider ?
Bon, après ça j’étais remontée à bloc pour faire face au mitard. Ils ont du le comprendre car ils ont eu une toute autre position qu’il y a deux ans. Au greffe, ils se sont contenté d’un « Non ! » quand ils m’ont demandé la biométrie. J’ai pu avoir mon tabac à la porte de la cellule. J’ai vite eu des bouquins et de quoi écrire. Grâce à la réforme, j’ai même une petite radio. (…) Du coup, libérée de la peur qu’ils me psychiatrisent, je vis bien mieux le mitard que je ne le craignais. (…) J’écris beaucoup (vous voyez), je fais des séries de pompes et abdos. Je dors bien. (…)
Qu’est-ce que vous ne savez pas sur le QD de la MAF (Maison d’arrêt pour femmes) ? Il y a trois cellules, 2 cours goudronnées de 6x8m cernées de murs ou grilles de 3 ou 4 mètres de haut, et au plafond tellement tapissé de barreaux, grillage serré et rouleaux de barbelés que j’imagine que la neige ne passe pas (En tous cas le soleil, c’est sûr, n’atteint jamais le sol). (…)Mardi 5 février, QD de Corbas.
(…) Tout ce que je vous raconte est fait pour être diffusé. (…)
Ici j’ai découvert une cellule encore plus flippante que le mitard. Voilà ce qui s’est passé. Avec le lieutenant, toute la semaine, ça s’était pas mal passé. Mais l’équipe de ce week-end a voulu changer la donne. (…) Dimanche, ça a été encore plus tendu : ils m’ont mis à la promenade dès 8 heures du matin, alors qu’il faisait encore presque nuit. Puis ils m’ont refusé la douche alors qu’ils me l’avaient proposée le matin. A midi, ils n’ont pas ouvert la grille pour me passer la gamelle. Alors le soir, quand j’ai vu qu’ils n’ouvriraient pas plus, je leur ai dit : « Si, vous allez ouvrir ! » et j’ai enflammé une feuille de papier journal. Ils ont refermé la porte en laissant la gamelle dans le sas, hors accès. (…) Puis est venu un lieutenant pour calmer le jeu. Je lui ai expliqué que je refusais d’être servie comme un clebs au chenil et que je lui donnerai le briquet en échange du repas quand il aurait ouvert la grille. (…) Il m’a dit que je grillais mes chances d’avoir le parloir interne que je réclamais, alors que la direction avait émis un avis favorable. Je me doutais bien qu’il mentait, mais je ne voulais pas prendre de risque, alors je lui ai donné le briquet. Il est parti aussitôt, sans ouvrir le sas, et sans même me donner la gamelle. Dix minutes après, ils étaient 6, avec casques et boucliers, pour me menotter. Cassée en deux, ils m’ont menée à travers toute la MA. Je n’ai pas bien compris où on allait mais on a repris le souterrain. Ils m’ont accroupie au fond d’un cellule pour me démenotter après m’avoir pris lunettes et baskets. J’ai demandé où on était et ils m’ont dit « aux arrivants ». Mais la cellule n’avait rien d’une cellule d’arrivants. Je sentais la patte de l’architecte pervers de la chambre de l’UHSA [la prison hôpital]. Lit, table, tabouret, tout était en béton. La télé était protégée par un plexiglass, tout comme la fenêtre, impossible d’accès. Il n’y avait pas de draps, juste deux couvertures en tissu. Même la télécommande était incrustée dans le mur (et ne marchait pas). Une grande surface était prise par la douche et le chiotte. L’évier en alu comme au mitard, sauf qu’il n’y avait pas de robinet, juste un jet d’eau pour boire. Tout était super propre, lisse. J’ai vu un petit sac sur la table : il y avait une affichette. « Vous êtes en souffrance. Il est nécessaire de vous aider. Ce kit fait partie du protocole d’aide. Le pyjama est aéré pour un plus grand confort. En cas de détresse, faites appel au surveillant, votre premier interlocuteur ». Et un pyjama bleu, comme en HP. J’ai eu peur, j’ai pensé qu’ils m’avaient hospitalisée au SMPR, que j’étais en HO (hospitalisation d’office) sans avoir vu de toubib. J’ai appelé mais personne n’a répondu. Une demi heure plus tard, comme j’avais bouché le judas avec l’affichette, ils ont cogné à la porte, joué avec la lumière et appelé à l’interphone. J’ai décidé de ne pas répondre, comme eux. (…) Ils ne voulaient pas rentrer, juste mater. (…)
A 9h le lendemain, j’avais faim et envie de fumer. J’ai fureté dans la cellule pour faire quelque chose. On ne pouvait rien casser, pas appeler. La fenêtre donnait sur une cour intérieure, un toit en fait, où jamais un humain n’est allé. Tout était arrondi, lisse, aseptisé, c’était franchement flippant. Au plafond il y avait une demi-sphère en alu poli pour faire miroir depuis le judas et ne laisser aucun espace sans vue (même collé à la porte). C’était vraiment de l’incitation au suicide, par sa volonté affichée de le rendre impossible. La frustration, même pour moi qui ne veux pas crever, était à son comble. (…) Enfin vers 11h, j’ai entendu une surveillante me dire que j’allais voir un médecin. J’ai pris une grande inspiration et accepté. Ils étaient au moins douze dans le couloir !L’entretien a été assez court quand elles ont compris que j’étais en colère et pas suicidaire. Elles m’ont dit le sigle de la cellule, mais je ne m’en souviens plus, il y avait un P comme « protection » et elle est effectivement au quartier arrivant. [Puis Christine a été ramenée au QD]
J’imagine le pauvre gars, tout juste sorti de garde à vue et enfermé dans cette cellule d’incitation au suicide lors de sa première arrivée à la rate. La façon la plus ignoble de lutter contre la surpopulation ! Elles sont belles, les règles européennes. (…)Dimanche 10 février, QD de Corbas.
Demain je dois retourner à la Talaud. (…)
Excédée par le refus de parloir interne [ndlr : avec son compagnon, incarcéré aussi à Corbas], j’ai essayé encore de revendiquer vendredi. Sanction immédiate : plus de lumière et plus d’allume-cigare (bien sûr, pas de briquet en cellule). (…) Voici la lettre que j’ai écrite à la direction :« Quand on se targue d’apprendre aux autres à respecter la loi, il faut d’abord, par cohérence, à défaut d’honnêteté, la respecter soi-même. Or :
– J’ai été quinze jours au QD, trois lundis, et vous ne m’avez permis qu’un seul parloir.
– J’ai signalé dès l’arrivée au médecin que j’avais une ordonnance pour de la kiné hebdomadaire et il n’y a eu aucun suivi
– Je n’ai pas pu m’alimenter du dimanche 3 à midi au lundi 4 à midi (deux repas refusés).
– Malgré ma demande du 30 janvier, mon avocat n’a pas obtenu son permis de communiquer
– J’ai été jugée en mon absence le 5 à Aix en Provence, sans que soit organisée d’extraction ou de visioconférence.
– Je n’ai pu ni lire ni écrire ni fumer du vendredi 8 à midi au samedi 9 à 8h.
– L’évier de la cellule du QD est bouché.
– La télévision de la cellule d’incitation au suicide ne marche pas. Le flotteur des toilettes est coincé.
– La première semaine, je n’ai vu qu’une fois le médecin.
– Vous avez laissé nombre de mes courriers sans réponse et les gradés ont parfois refusé de répondre à mes questions.
– La cage de promenade est cernée de murs si hauts et fermée par un grillage si serré que ni la neige ni le soleil ne l’atteignent. Où est l’heure de promenade obligatoire « à l’air libre » ?
– Le courrier interne m’a toujours été remis en retard, ou pas remis du tout.
(…) Je continuerai à exiger le respect des lois (à défaut du respect humain qui vous est inaccessible). »Dimanche 17 février, QD de Joux-La-Ville.
Je continue mon tourisme pénitentiaire. Je suis maintenant en CD, près d’Auxerre.
(…) (A mon arrivée) j’ai accepté la fouille à corps et répondu au topo du chef : « Si vous vous tenez bien, ça se passera bien » par « Si vous me touchez pas, je me tiendrai bien ». Ils n’ont pas insisté pour les empreintes et ont fait une photo tête baissée et yeux fermés pour la carte de circulation. Puis je suis allée au mitard. (…) Il fait super froid en cellule et ma voisine, une jeunette toute maigre, en chie beaucoup. Depuis trois jours on réclame qu’ils viennent prendre la température, mais ils ne font rien. (…) Je me souviens avoir lu qu’un mitard avait été fermé après qu’un huissier ait relevé 14°C. Je suis sûre qu’il ne fait pas plus ici.(…)
Il y a deux mois, deux filles ont pris en otage une surveillante. Après 30jours de mitard bien agités et une comparution immédiate (18 mois pour l’une, deux ans pour l’autre), elles ont eu le droit à un transfert disciplinaire, mais je ne sais pas où.[Christine raconte ensuite comment elle a réclamé à maintes reprises que la température des cellules soit vérifié, qu’elle était entre 13 et 16°C alors que le médecin lui a dit que c’était entre 19 et 21°C pour une pièce d’habitation normale. Rien n’a changé, alors elle a revendiqué plus intensément -notamment en mettant le feu à sa cellule – et fait face à une répression sévère. Elle est alors placée au quartier d’isolement]
Le chef du quartier femmes, Dinan, m’a dit que le toubib avait eu un appel de l’OIP (ndlr : au sujet du chauffage en cellule) mais qu’il avait botté en touche. La technique, c’est pas lui, c’est Sodexo. Ce à quoi j’ai répondu. « Non, le respect de la loi, c’est vous. A vous de mettre la pression sur Sodexo ». Et là, pompon : « On le fait. Ils nous payent des amendes quand ils ne répondent pas à nos demandes ». En gros, merci les taulards de vous battre, vous enrichissez l’AP, et Sodexo l’a cool. Vive les Esquimaux !
[Christine a ensuite mené d’autres combats et eu d’autres altercations avec les surveillants, démarrant systématiquement sur des refus de réponses à ses demandes, ou quand elle réclame que ses droits soient appliqués sur des questions du quotidien. Certaines altercations dégénèrent et se finissent par des rapport d’incidents et passages au prétoire. Elle raconte aussi qu’elle est accusée d’avoir mordu un surveillant, ce qu’elle nie. Elle est passée pour cela au prétoire sans avoir pu être assistée d’un avocat, donc elle a refusé de comparaître, une nouvelle altercation avec les surveillants s’en est suivie, une sanction à trente jours de mitard a été prononcée en son absence, et elle risque un passage au tribunal correctionnel pour cette histoire. Elle raconte comment ses combats lui permettent parfois d’obtenir gain de cause et un apaisement de la situation, mais comment la répression, physique mais surtout psychique, la pousse parfois à bout. Elle raconte notamment que, en représailles, sa cellule a été plusieurs fois vidée de toutes ses affaires. Ou comment elle a craint d’être hospitalisée d’office pour la mater. Pour exemple, voilà sa retranscription d’un échange avec Monsieur Bacher, chef de détention :]
– Je veux mes affaires !
– Tu ne les auras pas et si t’es pas contente, t’as qu’à écrire à l’OIP.
– Et comment je leur écris sans stylo ?!
– Fais pas chier ! T’as mordu un collègue, t’es entre quatre murs et c’est bien fait pour ta petite gueule !
– De toutes façons, j’y suis entre quatre murs, que ce soit ici, en face, ou même en secteur ouvert !
– Et on va t’y faire triquarde si on veut. Tu vas apprendre que c’est pas toi qui décide. En 25 ans de pénitentiaire, j’en ai maté plus d’une, de petite conne comme toi ! (…)Mardi 9 avril, Bapaume, quartier arrivants
Ce matin à 8h j’ai eu droit au transfert. Il y avait les ERIS, aussi nombreux et équipés que le 15 février. Mais cette fois j’ai eu le droit à un fourgon cellulaire. J’ai donc refusé d’entrer dans la cage avec les menottes (devant) et les entraves, mais je n’ai rien pu faire. L’arrivée ici a été un peu plus calme. Bizarrement, je ne suis ni au QI ni au QD. (…) J’ai déjà rencontré la nana qui a pris une matonne de Joux en otage il y a deux mois. Je vais pouvoir aller en sport et en promenade collective. Je vais commencer par fêter ça avec une sieste et un coca devant la télé, quel confort ! Je vous tiens au jus de l’évolution, à bientôt.
Christine.
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Interview de Christophe Khider
Le procès de la belle de Moulin-Yzeure en 2009 s’est achevé le 11 avril.
Christophe a été condamné à 15 ans de prison, qui viennent s’ajouter aux 48 qu’il avait déjà à tirer, les peines pour évasion n’étant pas confusionnables… Omar a été condamné à la même, les trois complices à 5 ans (ce qui veut dire pour les deux femmes une sortie imminente). Le procès est raconté ici. Courage à eux, et bonne route à Redoine Faïd.Christophe a donné une interview par téléphone au sinistre Journal du dimanche, toujours avide de faits divers spectaculaires. Sa parole se fraie pourtant un chemin derrière les titres racoleurs. Pour ceux et celles qui sont passées à côté, on la reproduit ici, en hommage à cet irréductible combattant. Une putain de leçon de vie… (suite…)
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Prison de Nantes, témoignage d’un prisonnier
La nouvelle prison de nantes est ouverte depuis moins d’un an. Il s’agit d’un prison dite « full PPP », c’est à dire construite et gérée par Bouygues. Elle a, comme toutes les prisons modernes, été présentée et vendue pour « lutter contre la surpopulation » chronique de l’ancienne maison d’arrêt, rue Descartes, à Nantes, en promettant l’encellullement individuel et en augmentant les capacités d’enfermement.
En fait : en à peine un an, des dizaines de matelas ont été ajouté dans les cellules et posés à même le sol.
Au début du mois d’avril : trois prisonniers se « suicident » en moins de quinze jours. Un prisonnier nous livre son témoignage depuis l’intérieur sur ces trois suicides.
Centre pénitentiaire de Nantes, Avril 2013
« Par rapport au deuxième détenu décédé à la maison d’arrêt, le jour même un détenu a parlé à un surveillant pour lui dire que c’était triste et celui-i lui a dit « j’en ai rien à foutre, un de moins ». D’autres détenus ont mis des fleurs sur la porte en signe de respect. Le surveillant les a jeté en disant « vous vous croyez où ? ». Le troisième prisonnier était déjà mort à la MA, j’ai vu les infirmiers courir et étaient éclatée de rire. J’étais indigné ce qui m’a donné envie de les insulter par la fenêtre. Ici c’est l’enfer, il n’y a aucun respect ni humanité. La direction ne fait rien à part dire qu’il n’y a pas de dysfonctionnement après trois suicides. Ici les gens souffrent. Pour eux nous sommes des choses. Franchement, je suis révolté »
Un prisonnier du centre pénitentiaire.
Rappelons que le collectif Natchav anime une émission pour les prisonniers tous les dimanches de 19h à 20h pour la région de Nantes (CP de Nantes, MA de Nantes, EPM Orvault). C’est sur la radio Alternantes (98,1 FM à Nantes et 91 FM à Saint-Nazaire).
Vous pouvez laisser des messages au 0626558687. Vous pouvez écrire à Natchav, 56 bd des Poilus, 44300, Nantes.
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Lettre de Nabil, depuis le quartier d’isolement du CD de Roanne
La lettre qui suit a été écrite début février 2013 par Nabil Chakik, prisonnier du centre de détention (CD) de Roanne. Elle a été adréssée à la Direction Interrégionale des services pénitentiaires (DISP), dans l’objectif d’être transféré. Ce que subit Nabil est typique de punitions exemplaires que sait infliger l’AP aux prisonniers qu’elle a dans le collimateur. Elle complète malheureusement les lettres, informations et témoignages que nous avons relayés ces derniers mois sur ce qui se passe depuis bientôt un an à Roannes. Des prisonniers ont protesté de diverses manières contre ce qui se passait en détention. S’ils ont gagné sur quelques points et durant quelques mois (obtenant notamment la fin du régime fermé dans deux quartiers de la prison , l’administration pénitentiaire entend bien faire payer à quelques prisonniers, ces mouvements collectifs. Elle a ainsi mis en place un climat de tensions et exercé des pressions et des représailles, afin de saper toute volonté d’ouvrir sa gueule. (voir à ce sujet de nombreux articles, notamment sur le site http://lenumerozero.lautre.net ou dans les numéros 33 et 34 de L’Envolée). Espérons que cela ne marchera pas. Que lui, comme les prisonniers qui se bougent en général, et qui sont souvent durement réprimés, seront soutenus, entendus comme ce fut le cas ces derniers mois… Ne les laissons pas tous seuls face à l’AP !Espérons aussi que dans ce climat, les autres prisonniers sauront être solidaires et ne le laisseront pas isolé. N’hésitez pas à le soutenir (nous pouvez transmettre son adresse sur demande : emissionpapillon@riseup.net. La lettre de Nabil est suivie d’une lettre que des proche à lui ont fait circuler sur le net pour susciter une solidarité à l’égard de Nabil.
Lettre de Nabil Chakik (début février 2013)
« A l’attention du directeur de la Direction Interregionale des Services Pénitentiaires. Monsieur le Directeur, Je viens à vous une nouvelle fois, pour vous donner des informations sur mes conditions de détention et réitérer ma demande de transfert qui devient une urgence, une question de vie ou de mort ! Il y a un an et demi que je suis arrivé au CD de Roanne, ce qui devait m’aider dans mon projet professionnel, social et d’exécution de peine. A mon arrivée on m’a tenu le même discours. Avant d’arriver à Roanne, j’avais un projet professionnel et un logement, j’ai suivi les exigences du suivi socio-judiciaire qui m’est imposé, je n’avais aucun rapport d’incident. Il m’a fallu attendre un an avant d’avoir ma première permission employeur de 6 heures, soit deux ans après la possibilité de déposer une permission. Depuis je n’ai plus eu de permission et aucune aide ne m’a été apportée. J’ai perdu l’emploi que j’avais trouvé, un employeur ne peut pas attendre trois ans un employé. Mes proches et moi-même, nous vous avions alerté sur ma situation dès mon arrivée à Roanne, et depuis ce que nous craignions s’est produit et je me retrouve à ne pouvoir mener aucun projet à bien. De plus, dans l’étrange climat existant au sein du CD de Roanne, je subis acharnement et pressions, qui d’ailleurs compromettent gravement ma santé. J’ai perdu une vingtaine de kilos, je suis sujet à des insomnies qui peuvent durer plusieurs jours, je suis sujet à des angoisses, vertiges, malaises vagaux, migraines, douleurs dorsales violentes et incurables selon le médecin, ma vue baisse de jour en jour et mon état psychologique en est gravement menacé, vivant chaque jour dans la peur de vos agents qui me semblent chercher à m’assassiner. Lors d’un entretien après un rapport d’incident le 14 novembre 2012, pour différentes clés USB (ndlr : la possession de clés USB est interdite en détention) sur lesquelles on pouvait trouver de la musique et différentes émissions de radio, dont une qui parlait d’une plainte déposée contre la maison d’arrêt de la Talaudière concernant les conditions indignes de détention de cette maison d’arrêt, plainte encore en cours actuellement (ndlr : nabil a déposé plainte en mai 2011 contre la maison d’arrêt de saint-étienne au sujet des conditions de détention), Monsieur Simon, lieutenant du bâtiment D, en la présence de Monsieur Arnoud, major du bâtiment D du CD de Roanne, m’a interpellé à ce sujet et m’a très clairement fait comprendre qu’ils n’aimaient pas ces manières de faire, me menaçant par ces termes : « Vous pouvez être un chien enragé, nous serons des loups avec vous !». Sur quoi j’ai demandé si c’était des menaces, à quoi il a répondu : « Non, une promesse ! ». Je crois que les mots sont dits et que l’on veut me faire payer cher mon comportement vis-à-vis de ma plainte de la Talaudière. Depuis je subis des fouilles régulières, tous les quinze jours en moyenne, mes courriers me parviennent avec un retard pouvant aller jusqu’à un mois, de nombreux de mes courriers sont censurés sans raison valable et sans que l’on m’en donne connaissance. Le 15 janvier 2013, une fouille de cellule est organisée par Monsieur Simon, lieutenant du bâtiment D, mes courriers sont fouillés, certains me sont confisqués. Le 16 janvier 2013 à 15h30, je suis placé à l’isolement pour une durée de 3 mois, pour des raisons confuses et obscures. Le soir même à 18h45, voyant que les surveillants ne m’ont pas remis mes affaires, surtout de quoi écrire et de quoi fumer, j’appelle à l’interphone. Un agent me répond d’un ton menaçant et me disant que j’attendrai demain, ne voulant pas attendre et à bout d’une journée difficile, je m’entaille le poignet à deux reprises, le surveillant intervient, reste derrière la porte et me dit de lui montrer mon poignet, ce que j’exécute. Sa réponse est que je peux attendre demain. (Après avoir vu le médecin, ça sollicitera trois points de suture). Voyant que le surveillant ne veut rien entendre à ma détresse, je m’ouvre le torse à deux reprises, ce qui sollicitera l’intervention du brigadier qui décidera de me donner mon tabac et de me faire voir à un médecin, médecin que je verrai à 20h45. Soit deux heures après m’être entaillé de 15 points de suture. Je ne récupérerai mes affaires que deux jours plus tard. Le 30 janvier 2013, je passe en commission de discipline pour les clés USB et de la résine de cannabis. Je suis placée suite à cette commission de discipline pour six jours au quartier disciplinaire (mitard). Le 2 février 2013, j’avais parloir à 14h avec Melle… Parloir auquel j’avais droit, et accordé par Madame Petit, directrice adjointe du CD de roanne. A la grande surprise de mon amie et moi-même, ce parloir a été supprimé. Mon amie, qui s’était déplacée d’une centaine de kilomètres, s’est vu refuser le parloir à son arrivée. Voyant que l’heure tournait et que je n’avais toujours pas mon parloir, j’ai appelé le surveillant, qui m’a répondu que je n’avais pas de parloir aujourd’hui. Il a fallu que je menace de foutre le feu à la cellule ou que je me suicide pour voir un brigadier, après lui avoir expliqué la situation et avoir insisté longuement sur mon droit. Après s’être renseigné et après vérification de prise de parloir, le parloir a été accordé au deuxième tour (15h45). C’est l’une des nombreuses attaques portées contre mes proches et moi. Le 4 février 2013, je sors de cellule disciplinaire. À mon arrivée en cellule au QI, je découvre ma cellule en désordre, preuve d’une fouille survenue en mon absence, du café et divers produits dont j’ignore l’origine ont été déversés sur le sol et mes serpillières m’ont été retirées de la cellule, il m’a fallu en réclamer une que l’on m’a prêté jusqu’à midi ! Je n’ai répondu à aucune attaque sur ma personne. Le 5 février 2013 on me restitue ma chaîne hi-fi après vérification de cet objet. Cette chaîne hi-fi est constituée de 3 enceintes, deux seulement me sont rendues et en présence du surveillant qui me le remet le fait constater et fait constater le fonctionnement, hors le fonctionnement n’est pas bon et la chaîne hi-fi ne fonctionne que partiellement. Je la fais renvoyer par le surveillant l’ayant amenée afin d’avoir réparation. Comprenez Monsieur Le Directeur que je ne pourrai tenir longtemps dans des conditions de détention dignes de la torture. J’ai peur que vos agents m’assassinent, un jour où ils auront été trop loin dans leur torture et que j’aurais réagi. Car je vous préviens aussi que pour l’instant je n’ai pas réagi, à aucune provocation de vos agents. Mais lorsque je me serai décidé à réagir se sera par la plus grande violence, je préfère mourir en me défendant, plutôt que de subir plus longtemps de telles tortures. Dans l’immédiat je vous demande mon transfert dans les plus brefs délais, surtout avant que la situation n’échappe à tout le monde. Ma mère a de gros problèmes de santé (cardiaques), je vous prie de prendre en considération cet élément dans votre affectation de transfert me concernant. Dans l’attente d’une réponse rapide de votre part, veuillez agréer mes salutations. Nabil CHAKIK. »
Une lettre ouverte de la part de proches de Nabil
«Le 12 février 2013, Nous avons écrit à de multiples reprises l’administration pénitentiaire au sujet de la situation de notre ami Nabil. Sans jamais aucune réponse ni réaction. Alors, nous adressons cette lettre à toute personne qui voudra bien la lire et la relayer, en espérant que cela permettra de faire savoir comment l’AP s’acharne sur lui et de faire évoluer sa situation. Nous avons bien conscience que son cas n’est pas unique et souhaitons bon courage à tous les détenus subissant ce genre de choses, et à celles et ceux qui les aiment ! Depuis des années, nous avons pu observer à quel point l’incarcération est destructrice. Nabil avait pourtant un parcours carcéral qui semblait plutôt « normal ». Après d’autres incarcérations qui avaient été plus « tumultueuses », il faisait tout pour éviter les soucis avec l’AP (et pourtant c’est parfois difficile!). Il faisait des projets de sortie dans lesquels nous le soutenions : il souhaitait demander une libération conditionnelle pour mener à bien un projet de maraîchage. Ensemble, nous lui avions trouvé un logement et un employeur. Il n’a jamais été soutenu par les juges, SPIP, etc. et n’a obtenu que des refus. Ce qui est profondément déprimant et révoltant. Depuis des mois, il subit ce qui nous semble être un acharnement particulier, une situation de plus en plus hardcore. Certains surveillants lui mettent régulièrement la pression, voire le menacent. Il subit des fouilles répétées que nous qualifions de harcèlement. Quelques objets trouvés lors de ces fouilles (Lettres ? Clés USB ? Une machine à tatouer bricolée ??? …) semblent avoir finalement fourni le prétexte d’un placement à l’isolement. Notre ami est au fond d’un couloir dont on a l’impression qu’on n’atteindra jamais le bout, on nous éloigne de plus en plus, de jour en jour. C’est intenable. Au quartier d’isolement, il est enfermé en cellule toute la journée, seul, sans voir personne, sauf les surveillants, quelques fois dans la journée. Il voit de temps en temps le personnel médical. Qui ne semble d’ailleurs « pas inquiet » quand une personne qui pèse aujourd’hui 51 kilos en a perdu 15 au cours des derniers mois, quand une personne en est venue à sa taillader le torse pour qu’un surveillant lui restitue ses affaires alors que c’était son dû. Il est en isolement strict, il n’a le droit de parler à personne, de voir personne. Il a accès quelques heures par jour à une « salle d’activité »… où il n’y a pas d’activités pour une personne seule ! Il y a un babyfoot, histoire de lui rappeler à quel point il est seul ! L’accès à un livre de bibliothèque est compliqué par des procédures extrêmement complexes puisqu’il n’a pas le droit de voir le bibliothécaire. La « cour de promenade » semble être une farce : un minuscule carré de quelques mètres aux murs très hauts et plafonné de grillages. Il refuse d’y aller. Quoi de plus compréhensible ? Ce n’est pas un endroit pour prendre l’air. Il ne peut pas se procurer le minimum vital : les mandats que nous lui envoyons mettent dix jours à lui parvenir. Comme la plupart de nos lettres. Heureusement, les parloirs sont maintenus (même s’ils se déroulent dans des cabines spéciales, minuscules, avec dispositif de séparation et avec toute une mise en scène ultra sécuritaire quand il y est amené, heureusement qu’on en rit !). Quand il arrive au parloir, il a du mal à parler car il ne parle plus de la journée, avec personne. (Sauf quelques surveillants, trois fois par jour.) Ces moments sont extrêmement précieux pour lui et pour nous. A trois reprises des surveillants ont posé des soucis pour l’entrée au parloir. Ils lui ont dit, ou ont dit à la personne venue le visiter, qu’il n’avait pas de parloir, que le rendez-vous n’était pas inscrit, ou annulé. Ce qui était faux. Nabil a du insister à chaque fois, étant persuadé qu’il avait bel et bien un rendez-vous et qu’il y avait droit. Nous n’avons pas compris pourquoi cela s’était produit. Mais ce que nous savons, c’est que ces parloirs sont les seules choses qui le rattachent au monde, ils sont vitaux pour lui, mais aussi pour ceux et celles qui l’aiment. Le priver de cela, c’est vraiment tenter de lui faire péter les plombs. Notre ami nous a dit pour la première fois qu’il avait peur des surveillants, nous prenons ça très au sérieux. Certains l’ont provoqué, menacé, essaient de le pousser à bout. Ils profitent de sa situation : complètement isolé face à eux, comment se défendre et être soutenu ? Il nous semble que certains surveillants cherchent des personnes à punir, coûte que coûte, suite aux évènements survenus dans cette prison. Est-ce que Nabil est une cible idéale parce qu’il a porté plainte contre la maison d’arrêt de La Talaudière ? Parce qu’il a parfois écrit publiquement au sujet de la prison et de ce qu’il en pensait ? Parce qu’il exprime parfois ce qu’il pense un peu fort en détention ? Nous partageons ses positions et avons compris à quel point c’était dangereux, mais vital, d’exprimer son avis en prison, de ne pas toujours se laisser faire. Pour l’instant, Nabil a réagi avec les mots et exigé que les droits lui soient appliqués « normalement ». Quand il s’est senti poussé à bout, il s’en est parfois pris à lui-même pour exprimer sa protestation, ce qui est inquiétant. Mais c’était un moyen de ne pas réagir directement aux provocations pénitentiaires. Nous nous sentons parfois bien seules et impuissantes face à cette situation, alors nous pensons à tous ceux et toutes celles qui subissent pareil, voire bien pire. Nous ne baisserons pas les bras. Nous espérons que d’autres (amis ou inconnus, de dedans ou de dehors…) seront solidaires. Son avocat a déposé un recours au tribunal administratif afin de le faire sortir de l’isolement. Des proches de Nabil.»
Pour plus d’informations sur les luttes à la prison de Roanne
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Pas d’quartier à Vezin-le-Coquet, retour sur le procès d’un mouvement, avril 2012
Paru dans l’Envolée n°33, octobre 2012
Le compte rendu du procès est suivi d’une lettre de Faouzi reçue aprés le procés en juin 2012.
PAS D’QUARTIER A VEZIN-LE-COQUET,
RETOUR SUR LE PROCÈS D’UN MOUVEMENT
Le mardi 8 avril 2012 en fin d’après-midi, un mouvement éclate à la prison de Vezin-le-Coquet (Ille-et-Vilaine), inaugurée en 2010. Surveillants et médias s’empressent alors de crier à la mutinerie ! Par ignorance ou par bêtise, la presse locale nous sert alors la soupe de l’islamisme radical, quand elle n’assimile pas cette révolte au mouvement des matons, qui réclament plus de moyens. Des véritables raisons du mouvement, il ne sera jamais question. Quatre prisonniers désignés comme meneurs passent en comparution immédiate deux jours plus tard, à la fin des quarante-huit heures de garde à vue.
Le procès est pour eux l’occasion de dénoncer leurs conditions de détention, les violences et les brimades, l’arbitraire, bref l’ordre pénitentiaire. Pour l’état, c’est le moment de tenter de mater par des peines extrêmement lourdes ceux qui ont remis son autorité en cause. Pour comprendre ce qui s’est passé, manifester notre solidarité aux quatre accusés et tenter de prendre contact, nous nous sommes rendus au procès à quelques-uns.
Le procès a lieu en soirée le jeudi suivant le mouvement, dans une salle désertée : quelques journalistes clairsemés, un ou deux proches, mais surtout la présence massive des bleus, y compris le maton victime. Dès le départ, la juge claironne en direction des accusés : « Soyez attentifs, le spectacle ne se passe pas dans la salle. Vous encourez pour certains dix ans, avec les peines plancher. » Le ton est donné.
L’audience débute par l’exposition des faits et des motivations des prévenus. On apprend qu’ils se sont révoltés parce que deux d’entre eux se voyaient refuser un transfert : on est loin du mouvement « sans raison » des journalistes . En effet, Faouzi, désigné comme le meneur de l’histoire, demande son transfert vers une centrale de la région parisienne depuis des mois : d’une part parce qu’il purge une longue peine (il est libérable en 2020) et n’a donc rien à faire dans un centre de détention, d’autre part parce que sa compagne et sa fille demeurent aux Pays-Bas, ce qui rend inimaginable un déplacement pour une ou deux heures de parloir seulement. Ses demandes répétées étant restées vaines, il a passé cinquante et un jours au mitard volontairement et fait une grève de la faim de trente-cinq jours dans l’espoir de provoquer son transfert. Il a également écrit au contrôleur général des lieux de privation de liberté. Grégoire demande lui aussi son transfert depuis des mois.
Les faits : les prisonniers bousculent un maton, récupèrent les clés et ouvrent les cellules du couloir. On apprend que les prisonniers ont laissé repartir le surveillant. Ensuite, une vingtaine de prisonniers balancent ce qui leur passe sous la main, savons, shampoing, vaisselle. Il y aurait eu un départ de feu dans une des cellules, et deux caméras de vidéosurveillance ont été cassées.
Les prisonniers assument le mouvement sans jamais cesser de le remettre dans son contexte : celui d’une situation bloquée autour des transferts , d’une ambiance tendue avec des matons dans des conditions de détention insupportables.
Grégoire : « J’ai mis le souk. Si j’avais pu faire autrement, je l’aurais fait. Mais quand quatre , cinq fois, on vous fait croire que vous allez être transféré : “ Préparez vos cartons, c’est pour dans quinze jours”, quand à 6 heures du matin on est prêt et qu’à 8 heures on vous dit : “Non, c’est pas maintenant”… On nous prend pour des chiens… Maintenant, au moins , je suis sûr d’être transféré. »
Faouzi : « J’ai dit au directeur, le bon comportement, ça paye pas. J’ai travaillé, j’ai passé des diplômes. Ça fait huit ans que j’ai pas un seul rapport d’incident. J’ai l’impression qu’on fait tout pour m’éloigner de ma famille. C’est pas la meilleure solution, mais on n’a pas le choix. »
Un troisième accusé, à qui on reproche d’avoir jeté un savon et une bouteille d’eau en plastique, en direction des surveillants, est interrogé .
Sébastien : « J’ai jeté un savon et une bouteille d’eau en plastique, y avait 35 personnes à jeter des trucs . » La juge : « Donc vous reconnaissez avoir jeté des objets. »
La juge essaye en permanence de faire avouer aux prisonniers qu’ils ont commis certains actes, au seul prétexte de leur dangerosité prétendue ou de leur profil profondément récalcitrant. Elle refuse de les entendre lorsqu’ils lui exposent leurs raisons. Sébastien : « Pourquoi les surveillants, quand ils viennent faire une fouille dans ma cellule, ils jettent les photos de ma famille, de mon enfant dans les toilettes ? C’est juste pour blesser. » Pour la juge, ce n’est jamais la question. La question, c’est uniquement la violence du prisonnier qui a osé lancer un savon et une bouteille d’eau en plastique en direction des surveillants.
L’ examen des casiers judiciaires est une étape de plus dans la construction des « prétendus profils » des prisonniers, plutôt d’un profil type : ils ne sont pas jugés en tant qu’individus ayant des raisons d’agir, de lutter contre l’arbitraire de la prison, mais comme de mauvaises gens naturellement vouées à la sanction. La lecture du comportement en détention participe également à cette construction de la dangerosité du prisonnier – forcément mauvais puisqu’il est prisonnier.
Ceux-ci ne se démontent pas pour autant et continuent de se défendre, refusant de se laisser enfermer dans cette image. Certains remettent en cause leurs séjours au mitard, arguant qu’à « Vezin, au mitard, on y va pour rien ».
Faouzi revient continuellement sur les raisons du mouvement :
« Ça fait six mois que je n’ai pas vu ma fille. Dans toutes les centrales, elle peut rester le week-end, pas une heure comme ici ».
La juge : « Bon, la Bretagne ne vous convient pas pour votre peine ? »
Faouzi : « Ça n’a rien à voir avec la Bretagne. Ça explique comment l’administration pénitentiaire vous pousse à bout. En janvier on m’avait fait des promesses de transfert. Rien»
Vient le moment des plaidoiries des plaignants. Les services immobiliers de la justice se sont portés partie civile ainsi que le maton malmené. Même si l’AP « n’a pas fini de chiffrer les dégâts », la première facture qu’elle présente est de 4 837,53 euros. Pour une « mutinerie », le coût des dégradations semble bien léger – il est en fait très en rapport avec ce qui s’est passé. Puis c’est le blabla sur le traumatisme subi par le surveillant, qui revit la scène sans cesse, qui se remet en cause dans son professionnalisme… et qui méri te 1 500 euros. Il a décroché une ITT de trois jours, ramenée à six jours suite à un examen médical complaisant. C’est qu’« il revit la scène sans cesse ».
Arrive la réquisition de la procureure, où l’hyperbole sert de vérité. Bien que les faits se résument à trois coups à un maton et une aile de la prison quelque peu « dégradée », pour elle, on est face à « un climat quasi insurrectionnel », « un véritable défi à l’autorité », bien que l’ordre ait été ramené en moins de trois heures. Elle souligne que pour faire face à ces défis, la direction de la prison avait mis en place des régimes différenciés, et que ces prisonniers se trouvaient alors dans l’aile « régime fermé », donc celle des prisonniers les plus récalcitrants. Il s’agit pour elle d’un véritable guet-apens, un acte prémédité au seul profit de Faouzi. Cette préméditation serait attestée par le jet sur le sol de shampoing et de lessive destinés à empêcher l’intervention des équipes régionales d’intervention et de sécurité (Eris). La question des transferts et de l’attitude de l’AP, pour elle, ce n’est pas le lieu pour en débattre. Comme dans chaque mouvement, il est très difficile de dire qui fait quoi, parce que c’est toujours des moments collectifs, mais elle s’ingénie à désigner un meneur et un bras droit, un second couteau et un actif suiveur. Déverser de la lessive sur le sol, jeter des savons et des bols en direction de matons armés, cagoulés et casqués témoignent pour elle d’une « extrême violence ».
Violence psychologique aussi, puisqu’on nous raconte que les autres prisonniers seraient choqués. S’il ne s’agit pas de faire le procès de l’ordre pénitentiaire, il s’agit encore moins de faire celui de la prison neuve qu’est Vezin-le-Coquet. « Une belle prison avec des locaux neufs et des activités », et « le régime différencié a satisfait 90% des détenus, qui peuvent ainsi faire de leur détention un moment constructif ! » Elle réclame six et cinq ans pour Faouzi et Grégoire, reconnus comme les meneurs ; trente mois et dix-huit mois pour les deux autres.
L’audience touche bientôt à sa fin, c’est au tour des avocats d’entrer dans la danse. Ce sont tous les quatre des avocats commis d’office, et trois d’entre eux n’ont pu prendre connaissance des dossiers que deux heures avant le procès. Il n’y a pas de défense commune, et il s’agira le plus souvent de charger un des accusés pour décharger l’autre. Tous les avocats plaideront tout de même contre les nouvelles prisons, inhumaines, où tout est à l’électronique et à la sécurité.
La parole est aux accusés :
Faouzi explique : « C’est pas [ce surveillant] qu’on visait. D’ailleurs, on n’a pas voulu le séquestrer ou le mettre dans une cellule. En quatorze ans, je n’ai jamais frappé un surveillant. Les jeunes, ça me fait mal de les voir là, je veux bien prendre leur condamnation. Ils n’ont rien à faire là. Si je prends six ans, de toute façon, ma vie, elle est foutue, ça veut dire que je sors en 2026, j’appelle ma femme et je lui dis de partir. J’ai essayé de faire le mouton, ça n’a jamais été récompensé. »
Verdict : cinq ans.
Grégoire revient toujours sur les brimades subies : « Quand on m’a cassé les côtes, qu’on m’a attaché toute la nuit au mitard, qu’on m’a frappé, regardez, la cicatrice sur ma tête, ça fait un an que je l’ai… je suis pas traumatisé, aussi, moi ? Quand on nous prend pour des chiens ! C’est pas humain. Quand on est au quartier disciplinaire et que derrière les grilles les surveillants passent, agitent les clefs et disent : “alors on fait le singe ?” On n’est pas des chiens. Et le coup des parloirs fantômes… Moi j’ai pas de famille, je suis désolé pour le surveillant, mais j’ai rien à perdre. J’ai rien à perdre. Au moins, là, je suis sûr d’être transféré. »
Verdict : cinq ans.
Pierre : « On dit jamais qu’au mitard on nous casse les côtes, on se fait frapper. Ça on le dit jamais ».
Verdict : deux ans.
Sébastien : « Moi aussi j’suis désolé. Mais pour vous, on est juste des numéros d’écrou. »
Verdict : un an.
Les peines sont extrêmement lourdes. Ce sont au total plus de treize années de prison qui ont été distribuées. Pour rappel, la mutinerie de Clairvaux qui avait rendu le bâtiment A inutilisable pendant plusieurs mois en 2003 n’avait été sanctionnée par aucun procès : les prisonniers avaient pris soin de détruire en premier lieu toutes les caméras de vidéosurveillance, et personne n’avait moufté ; la destruction au 3/5e de la centrale d’Ensisheim en 1988 avait abouti à des peines de quatre ans pour les meneurs. La sévérité du procès de Vezin est exemplaire. Les juges ont suivi les réquisitions du parquet sans entendre les personnes qu’ils avaient en face d’eux. Il fallait rassurer les syndicats de surveillants et se serrer les coudes entre braves gens – ce qui n’empêchera pas lesdits syndicats de bloquer les parloirs quelques jours plus tard. Il fallait aussi défendre les nouvelles prisons, décriées par tous, jusqu’au contrôleur général des lieux de privation de liberté !
D’ailleurs, il faudrait parler de double, voire de triple peine : en plus des peines d’emprisonnement, les prisonniers ont droit au mitard, à l’isolement et aux transferts disciplinaires. En ce qui concerne le prisonnier qui a pris un an pour avoir jeté une bouteille d’eau et un savon, la peine est très, très lourde, car il devait sortir le mois suivant, il avait trouvé un travail à l’extérieur et sa compagne l’attendait. C’est sa conditionnelle qui saute, les sursis qui tombent et la peine qui se prolonge indéfiniment.
Cette sévérité s’explique aussi par le recours à la comparution immédiate. Les avocats auraient dû conseiller aux accusés de la refuser. On sait par expérience que les jugements en comparution immédiate aboutissent généralement à des condamnations très lourdes. Souvent, les personnes acceptent la comparution immédiate de crainte d’être placées en détention provisoire. Ici la question ne se posait pas, les accusés étant déjà enfermés. Refuser la comparution immédiate, c’est se donner le temps et les moyens de préparer sa défense, de contacter des soutiens extérieurs pour une solidarité active, de faire connaître son histoire, bref ne pas se jeter dans la gueule du loup. Ça peut aussi permettre de choisir son avocat. On sait que les avocats commis d’office ont une implication moindre, voire nulle dans les dossiers des accusés, d’autant qu’ils n’y ont accès que quelques heures avant l’audience. Cela peut éventuellement permettre une défense commune, et éviter, comme lors de ce procès, les défenses individuelles, où chaque avocat charge les autres accusés pour disculper son « client ». Cela allait d’ailleurs à contre-courant de l’attitude et des déclarations des accusés eux-mêmes. Ils sont toujours restés solidaires les uns des autres, sans se charger mutuellement, ils s’efforçaient même de se couvrir les uns les autres.
De même, on ne peut que regretter que les prisonniers de Vezin n’aient pas fait appel, par crainte d’une condamnation plus lourde. Faire appel aurait pu leur laisser le temps de préparer ce procès, de prendre contact avec des avocats, et d’être nombreux dans la salle d’audience. Ce lien avec l’extérieur est essentiel dans la construction d’un rapport de force et de complicités. Être présents lors des procès permet de comprendre ce qui se joue dans un mouvement au-delà de son traitement médiatique. C’est aussi un moment où il est possible de montrer aux prisonniers qu’ils ne sont pas seuls et qu’ils peuvent compter sur du monde dehors, bref qu’ils ont été entendus.
« J’ai payé le prix fort parce que
j’ai osé dire ce que tous les détenus
pensent très fort »
Centre pénitentiaire de Vivonne,
21 avril 2012
« Salut, J’ai eu grand plaisir à recevoir vos lettres. Ça fait chaud au cœur de savoir qu’il y a des amis qui sont sensibles à ce qui s’est passé à Vezin. Malheureusement j’ai payé le prix fort parce que j’ai osé dire ce que tous les détenus pensent très fort. J’ai essayé de me faire comprendre par tous les moyens. Dès mon arrivée à Vezin le 4 janvier 2012, j’ai tout de suite expliqué mon cas. À Rennes, je ne peux pas voir ma fille qui habite en Hollande, et pour protester j’ai pris quatorze jours de cachot. Au terme de ces quatorze jours, j’ai refusé de sortir et j’ai fait cinquante et un jours d’affilée, et trente-huit jours de grève de la faim. J’ai vu Monsieur Bauer, et il m’a promis de s’occuper de mon transfert. Je suis sorti du cachot et ils m’ont mis au rez-de-chaussée d’une unité du centre de détention qu’ils ont appelé le zéro, avec des gens qui n’ont pas droit à la parole ni de se plaindre de leur condition, enfermés 22 heures sur 24. J’ai vu la misère de jeunes désœuvrés, des gens qui ne mangent pas à leur faim et qui ramassent les mégots en promenade. Moi qui avais encore du chemin à faire, ma date de sortie en 2020, l’espoir que j’avais ma conditionnelle en 2013… Je voyais l’horizon s’assombrir devant moi. J’ai tapé à toutes les portes. J’ai alerté Monsieur Delarue sur mon cas, j’ai écrit à l’OIP. Tous m’ont répondu. J’ai vu le Spip, la chef de détention, mais j’ai pas trouvé de l’aide. Après j’ai été désespéré et on m’a poussé à faire le mouvement. Avant ça, comme vous l’avez entendu au palais de justice, en quatorze ans de prison, je n’ai eu que trois incidents. Je voulais me battre pour ma fille qui a 7 ans. Je savais que c’était une bataille perdue d’avance, le pot de fer contre le pot de terre, mais la résistance n’est pas finie. Je veux faire savoir ce qui s’est passé au monde entier. J’ai écrit à M. Marzouri, président tunisien, qui a été avant, dans les années sombres, sous la dictature de Ben Ali, un fervent défenseur des droits de l’homme, il en était même le président, pour l’alerter sur ce qu’on subit en étant d’origine étrangère. Moi j’ai grandi en France et je suis fier. J’ai grandi dans le XXe à Paris, à Belleville, dans une diversité incroyable : Juifs, Arabes, Africains, Chinois. Je n’ai jamais été islamiste, comme ils ont écrit à Ouest-France. Je suis tombé pour trafic et j’ai été extradé de Hollande en 1998. Je fais ma prière, étant musulman, et ça s’arrête là. Les petits jeunes qui étaient avec moi, je n’ai aucune idée où ils sont. C’est des petits malheureux qui m’ont touché au plus profond de mon âme.
Voilà à peu près le résumé de ce qui s’est passé. Vous avez vu que le surveillant n’avait aucune trace de violences, parce que ce n’était pas le but, et c’est moi qui lui ai permis de partir. Je ne voulais pas qu’on l’enferme, ni le prendre en otage. Tout ce qu’on voulait c’est qu’on entende notre souffrance. Mais voilà, ça continue. Moi, jeudi je passe au prétoire pour être jugé en interne et je risque le maximum de trente jours de mitard. Triple peine : cinq ans, trente jours de mitard et un éloignement encore plus important, puisque après trois mois d’isolement, je serai transféré en centrale à Lannemezan. Mais je me battrai pour être rapproché de ma famille. Ma sœur et mes frères à Paris, ils peuvent accueillir ma fille.
Voilà mon histoire, juste les derniers mois passés en Bretagne. J’ai décidé de ne pas faire appel parce que je sais que je risque d’être condamné plus lourdement. J’en ai la conviction, et je laisse au jeune homme Grégoire de faire appel, il a plus de chances que moi s’il bénéficie de mon absence pour qu’on lui abaisse la note. Je l’espère.
Je veux vous embrasser, et merci de votre soutien. Je fais des bisous à tous vos auditeurs et souhaite bon courage aux familles de détenus et aux détenus, passez-leur mon amitié et dites-leur de ne pas flancher et de garder le moral.
Merci mille fois.
Votre ami, FAOUZI ».
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Chronique des luttes au CD de Roanne, octobre 2011-octobre 2012
Parue dans l’Envolée n°33, octobre 2012 : Dossier sur les luttes récentes
MOUVEMENTS AU CENTRE DE DÉTENTION DE ROANNE
Dans l’Envolée n°30, nous avons publié l’interview d’un ancien prisonnier qui parlait de ses trois années passées au centre de détention (CD) de Roanne (Loire). Nous avions alors retenu de cette taule nouvellement construite, « grand confort », que c’était une version très aboutie de la carotte et du bâton. A priori, ça marche, puisque le CD de Roanne se donne des airs de « maison de retraite »… Du moins, c’est ce qui se dit ! Mais au bout d’un an, le vernis s’est effrité lorsque des évènements exprimant le ras-le-bol des prisonniers nous ont été communiqués. Nous partageons ici avec vous les luttes qui ont animé le CD de Roanne de fin 2011 à mi-2012 et suscité des soutiens réguliers alentour.
La petite chronique est suivi d’une lettre sortie en Juin 2012 du quartier D0 du CD de Roanne.
A NOUS DE JOUER !
De nombreux prisonniers galèrent (souvent depuis plus d’un an) pour obtenir des aménagements de peine et des permissions de sortie, qui sont soumis à l’avis d’un expert psychiatre . Or, ce monsieur est débordé ! Des prisonniers, des proches , parfois des avocats et l’Observatoire international des prisons (OIP) font pression sur l’administration pénitentiaire (AP) et ses collaborateurs pour faire bouger la situation. Une vague d’expertises psy est soudain organisée afin de ne pas discréditer l’organisation locale du suivi socio-judiciaire. Cependant une question de fond reste sans réponse : comment lutter contre le suivi socio – judiciaire comme rouage du système carcéral ?
NOVEMBRE 2011
Gurbet Askaroglu, prisonnier au CD, est à l’initiative de pétitions pour dénoncer le fonctionnement des parloirs, et notamment des parloirs UVF (unités de vie familiale), des fouilles, du travail aux ateliers, etc. La répression de l’AP locale est immédiate. Vous trouverez dans ces pages une lettre dans laquelle il raconte les procédés utilisés par les surveillants couverts par la hiérarchie pour rendre tricard un prisonnier au sein de la détention*. D’ailleurs, les surveillants ne tardent pas à lui reprocher ses soutiens extérieurs. Contacté par téléphone par le collectif Papillon, Georges Boyer, directeur du CD, est agacé : « Mais vous, là ! l’Envolée, Papillon ! vous n’avez pas votre mot à dire sur ma manière de gérer mon établissement. » Gurbet sera enfermé trois mois au quartier d’isolement puis au bâtiment 0 (D0) dont il dénoncera le régime portes fermées, jusqu’à ce qu’il obtienne un transfert dans la foulée des luttes de juillet décrites ci-après.
25 AVRIL 2012
Des prisonniers rendent publique par le biais de divers collectifs une lettre ouverte de revendications à l’AP et à la juge d’application des peines du tribunal de Roanne, Ludivine Chetail**. Elle est reprise dans les médias locaux. Pour éviter les répressions et peut-être pour faire durer la lutte, les prisonniers ont choisi l’anonymat. Entre autres, les revendications portent sur l’abolition des expertises psychiatriques, la fermeture immédiate des quartiers d’isolement et disciplinaire, la fermeture du prétoire, l’accès libre aux parloirs, l’arrêt des fouilles à nu, etc. La direction de l’AP roannaise fait la sourde oreille et joue la grande muette. Elle est agacée de ne pas réussir à identifier les prisonniers collectivement signataires de la lettre de revendications.
6 MAI 2012
Un rassemblement a lieu aux abords du CD pour exprimer une solidarité avec les prisonniers de Roanne. D’ailleurs, ce week-end-là est plutôt tendu, marqué par plusieurs altercations entre prisonniers et surveillants et une tentative de suicide à l’intérieur.
MI-JUIN 2012
Un des prisonniers accusés de violence lors de ce week-end mouvementé passe en procès au tribunal de Roanne***. Lui aussi a déjà connu les joies du mitard et du D0. Pour sa défense, cinq détenus se solidarisent et transmettent des lettres à son avocat. Toutes témoignent des provocations répétées d’une bande de surveillants dont il a fait l’objet. Elles confirment aussi les violences physiques et psychologiques subies, déjà rapportées par sa famille à des collectifs anticarcéraux. Malgré ces éléments, ce prisonnier écopera d’une peine supplémentaire de deux années pour violence sur maton. Ce procès révèle les connivences quasi organiques entre les représentants de la justice et la matonnerie de Roanne quand il s’agit de réprimer les prisonniers récalcitrants. Des collectifs anticarcéraux harcèlent l’AP roannaise de coups de téléphone et de courriers pour tenter de briser l’isolement dans lequel la direction de Roanne veut le maintenir. Si ce mode de soutien reste dérisoire, l’agacement des geôliers est néanmoins palpable : les hauts murs du CD ne suffisent plus tout à fait à cacher les réalités de la taule.
FIN JUIN 2012
Un prisonnier écrit une lettre pour alerter et dénoncer le quotidien au D0. Du fait de la censure du courrier, des collectifs anticarcéraux n’en prendront connaissance que début septembre 2012. Son contenu préfigure les évènements qui vont suivre… (ndlr : vous pouvez lire cette lettre sur le site)
4 JUILLET 2012
Quatre prisonniers du D0 refusent de remonter de promenade. En effet, la direction de Roanne vient de pondre une note de service instaurant de nouvelles règles défavorables aux prisonniers. Elle refuse le dialogue, ordonne une répression sévère du mouvement et le transfert des quatre au mitard . Depuis les cellules, des prisonniers lancent des projectiles (savon, bouteilles de shampoing…) sur les matons tandis que d’autres filment la scène clandestinement afin de la diffuser le plus largement possible. Ils l’accompagnent d’une lettre explicative pour affirmer leur solidarité. La vidéo tourne sur des sites Internet, accompagnée d’appels à se solidariser. La matonnerie se prétend quant à elle piégée. La méthode de répression qu’elle emploie n’a pourtant rien d’exceptionnel. La singularité, c’est qu’elle est vue hors les murs.
Pendant une semaine, les « tensions à la prison de Roanne » sont évoquées dans la presse locale, sur Internet et sur France 3 Saint-Etienne, et pour une fois pas uniquement du point de vue des geôliers. Nous apprendrons après coup la violence du transfert des quatre au mitard : tête cognée contre les portes pendant le trajet, absence de soins médicaux, harcèlement (réveil à plusieurs reprises chaque nuit, coupure d’eau…)****.
NUIT DU 12 AU 13 JUILLET 2012
Des tracts sont placardés dans le centre-ville de Roanne et aux abords de la prison. Le texte revient sur les événements du 4 juillet pour dénoncer le système carcéral et donner les noms des matons qui tabassent. Si le réveil à Roanne est pour le moins inhabituel, nous savons maintenant qui fait quoi dans cette taule.
SAMEDI 14 ET DIMANCHE 15 JUILLET 2012
Les surveillants se vengent à leur manière, exacerbent les tensions, et créent l’insécurité dont ils se plaignent tant : ils ferment la détention, suppriment les promenades pour l’ensemble des prisonniers et tentent de les confiner dans leurs cellules. Toutes les activités sont bloquées. Ils empêchent également le déroulement des parloirs : les proches venus rendre visite aux prisonniers attendent devant la porte pendant trois heures jusqu’à ce que le premier tour de parloir ait finalement lieu à 17 h 30. Les autres tours sont annulés ; et peu importe les kilomètres parcourus par les proches !
Les équipes régionales d’intervention et de sécurité (Eris) sont appelées en renfort pour le week-end. La distribution de la gamelle est repoussée à 21 h 30. Pourtant, les prisonniers ne lâchent pas l’affaire, et certains protestent avec les moyens dont ils disposent. Des départs de feu se produisent. Le dimanche 15, certains s’apprêtent à bloquer leurs étages pour ne pas être de nouveau confinés en cellule. Ils obtiennent rapidement des garanties de la direction à ce sujet.
UN PEU PARTOUT…
Durant l’été, des réunions publiques sont organisées dans quelques villes pour parler et faire parler de ces événements. Le 30 juillet 2012, une balade en solidarité avec les prisonniers de Roanne a lieu dans les rues de Lyon. Le quartier de la Guillotière est recouvert de tags et des tracts sont distribués : ils évoquent les turbulences survenues récemment dans diverses prisons , expriment un point de vue anticarcéral et appellent à se solidariser avec les luttes des prisonniers . Un rassemblement a lieu dans la foulée devant la direction régionale du Service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip), dont les personnels sont incommodés dans leur sale besogne par du bruit, des tags, du produit puant, et une banderole « solidarité avec les prisonniers en lutte ».
Dans la nuit du 20 au 21 août, le tribunal de Roanne est tagué : « Feu aux prisons. V., tu veux des balances, tu n’auras que notre haine ». Le procureur, perspicace, annonce dans la presse locale qu’il pense que cette décoration est « probablement liée aux incidents récents à la prison de Roanne ». Une nouvelle fois, la municipalité dépêche ses services techniques pour ôter ses mots que la justice et l’AP ne veulent donner à voir !
Nous tirons deux conclusions de ces luttes de Roanne. Pour être plus fortes, les luttes ne doivent pas être isolées entre elles et doivent se renforcer de taule en taule. Elles doivent également trouver des soutiens extérieurs pour être relayées et renforcées. Dedans comme dehors, les attaques contre l’AP et la matonnerie gagnent en efficacité si elles sont régulières, multiformes et tiennent compte du contexte, pour inverser le rapport de force et soutenir les prisonniers en lutte (mais pas que !) qui le souhaitent.
Depuis l’extérieur, faire circuler des informations et des messages ne suffit pas pour donner de la force à la lutte contre les prisons. Les idées ne manquent pas : organiser des manifs , des réunions publiques, imaginer des actions, faire des affichages, écrire des lettres et des courriers pour harceler l’AP, les Spip, les médecins de l’UCSA, les entreprises cogestionnaires du système carcéral, etc .
notes :
* Nous ne publions pas sur ce site internet la totalité des articles qui figurent dans le journal, mais vous pouvez lire le récit original et complet de Gurbet Askaroglu ici : http://lenumerozero.lautre.net/article2434.html
** Vous pouvez lire cette lettre de revendications ici : http://lenumerozero.lautre.net/article2401.html
*** Vous pouvez lire un compte-rendu de ce procès ici : http://lenumerozero.lautre.net/article2431.html
**** Vous pouvez voir la vidéo et la lettre l’accompagnant ici : http://rebellyon.info/Violences-penitentiaires-au-Centre.html et écouter l’interview d’un des quatre prisonniers ayant participé au blocage ici : http://lenumerozero.lautre.net/article2473.html
Lettre d’un prisonnier incarcéré au D0 :
CD de Roanne, 21 juin 2012, à 19 h 36
« Madame, Monsieur,
Bonjour, Je vous écris ce courrier car la situation du D0 du CD de Roanne où je suis actuellement incarcéré est invivable au quotidien. La plupart des surveillants, sans généraliser, sont toujours sur la défensive avec comme seule optique de toujours prendre le dessus verbalement sur les détenus du D0, parce qu’ayant été au E 3e étage, les surveillants n’étaient pas du tout comme ça. De plus je ne suis pas rentré de permission et depuis on m’en veut. Pour aller à la cabine téléphonique, même ayant mis le drapeau et sans taper à la porte, c’est toujours pareil, aucune réponse, et après, ils s’étonnent de retrouver des téléphones portables dans les cellules des détenus. Pour laver ses habits, je ne vous en parle pas, je crois que traverser le Pacifique à la nage serait plus facile. Tout ça pour vous dire que franchement, là c’est trop. Au point que j’en suis arrivé à me dire que j’étais bien mieux en maison d’arrêt, alors que logiquement ça devrait être le contraire.
Sur ce, je vous remercie d’avance. Je vous remercie d’avoir pris le temps de lire ce courrier, parce que la situation se dégrade de jour en jour et c’est nous qui payons les pots cassés. » ANONYME
A lire aussi la lettre de Nabil depuis le quartier d’isolement du CD de Roanne
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« Imaginer tous les prisonniers qui veulent que ces prisons de merde ferment un jour »
Paru dans le N°30 de l’Envolée, mars 2011
Le 13/11/10 Salut à toute l’équipe,
C’est avec un tout petit regret que je vous écris cette lettre car bientôt je serai transférée à la centrale de Rennes, normalement c’est pour début décembre. Je suis contente à la fois de quitter cette maison d’arrêt pourrie qu’est Fresnes mais le seul regret que je vais avoir c’est de ne plus pouvoir vous écouter. Comme M. Top el Hadj j’aurai aimé comme lui que la diffusion soit nationale mais les explications d’Olivier qui montrent que c’est pratiquement impossible me désolent.
J’aurai passé 3 ans dans 3 maisons d’arrêt et là je vais atterrir dans une centrale où les conditions de détention ne seront pas les même mais j’espère inch’Allah que cela se passera bien. Je continuerai à vous écrire et à vous téléphoner, avec un pincement au cœur bien sûr de ne plus vous entendre. C’était comme un rituel le vendredi de 19h à 20h30, rituel qui me faisait imaginer tous les prisonniers qui veulent que ces prisons de merde ferment un jour. Isolée je me sentais comme entourée par d’autres comme moi qui étaient à l’affût en vous écoutant d’un témoignage, d’un courrier et cela fait chaud au cœur. Merci à M. Top Omar et à Malek Khider de penser à moi , cela prouve que les messages, les courriers que j’ai envoyé pour dénoncer toutes ces humiliations, ces brimades, ce quotidien morose, ont bien abouti en ce sens.
J’ai deux grands frères et un petit frère, trois soeurs et j’imagine toujours que ce pourrait être eux derrières les barreaux à notre place, c’est pourquoi je vous apporte tout mon soutien de tout petit bout de femme calme posée mais tellement enragée à l’intérieur de moi quand j’entends des mots comme QI, isolement, peine de sûreté, perpétuité, etc…
Je suis de tout coeur avec vous même si l’on ne se connait pas. J’adresse aussi un salut particulier à Sylvie Picciotti qui a Fleury ne nous entend pas mais j’espère qu’elle pourra lire le journal un jour et qu’elle pourra lire toute l’attention que je lui porte. Je vous remercie pour tout ce que vous faites , continuez dans ce sens, c’est un baume au cœur que de se savoir soutenue et entendue surtout. Ma dernière pensée sera pour M.Benchetouya, assassiné en prison par des détenus (Paix ait son âme). C’est par lui que j’ai pu vous rencontrer et commencer à m’intéresser à toute cette violence carcérale que personne ne voit. C’était le frère d’un ami au mien, je ne le connaissais pas mais je ne souhaite à personne de mourir en prison , mourir sans avoir pu voir tes proches et leur dire au-revoir. Je vous demanderai si c’est possible, et c’est un petit coucou à M.Top, et mon cadeau de départ des ondes, si c’était possible de passer des morceaux de Kenny Arkana, album entre ciment et belle étoile et si possible la 19, la dernière de l’album.
Je vous embrasse tous, en espérant un jour vous revoir sur le plateau comme Laurent Jaqqa et continuer à lutter pour l’abolition des prisons, des centres de détention et toute autre forme, de type d’enfermement. Je continuerai à prendre de vos nouvelles par le biais d’Olivier que je vois au parloir, d’ici là bon vent, force, courage, détermination et PATIENCE. Car la patience est une vertu. Pour finir y’a pas d’arrangement, ça c’est pour Nino, paix ait son âme.
Kaoutar, future-ex prisonnière de Fresnes.