Voici une lettre adressée à L’Envolée par une prisonnière de la Maison d’arrêt femmes (MAF) des Baumettes (Marseille). Elle nous écrit pour dire qu’elle ne baisse pas les bras, dans un contexte carcéral ultra répressif. Nous avons déjà évoqué la violence pénitentiaire subie par les prisonnières des Baumettes (voir en bas de cette page). Entre autres : coupure des liens familiaux, fermeture des fenêtres, brutalités, fouilles à nu fréquentes et violentes. Elles subissent des représailles en réponse à leurs protestations. Forces, courage et détermination à elles !
“Maison d’arrêt pour femmes des Baumettes, le 24 février 2021,
Bonjour à vous, J’espère que ma carte vous trouve en bonne forme et en bon moral.
L’hiver passe et nous arrivons au printemps. Mais il ne nous a pas épargnées cette année 2020 : pluie, vent, froid, neige, inondation, etc. Alors oui, on l’a senti passer. De plus, les conditions de ce château sont loin d’être aux normes européennes… mais une honte de la société, c’est clair.
La solidarité, bien des personnes ont oublié ce mot. Comme d’habitude, je me bats pour tout. De toute façon, la vie est un combat. Et il ne faut jamais baisser les bras !!! Peu importe l’adversaire face à soi.
Je ne rentre pas dans la case car je suis assez trempée en caractère. Je tempère au vu du lieu et des conséquences. De toute façon, j’assume. Face à nous, ils sont tous humains. Un humain = un humain !
Ça passe vite pour mes enfants dehors. J’ai laissé des bébés, ce sont des femmes et des hommes maintenant. C’est une claque qui fait mal. Mais pas le choix, on s’y fait, et le temps fait son chemin et son travail.
De Fleury aux Baumettes, et partout ailleurs : solidarité avec les prisonnières.
Pour le 8 mars 2014, des prisonnières, militantes basques féministes, avaient diffusé un tract dans la cour de promenade de la MAF (maison d’arrêt femmes) de Fleury Merogis : un appel aux femmes et prisonnières à se révolter. A l’occasion du 8 mars 2021, nous le republions ci-dessous, complété d’extraits de lettres qui détaillaient alors leurs conditions d’enfermement, leurs combats, leurs solidarités.
Ces récits résonnent avec ce que dénoncent les prisonnières de la MAF des Baumettes (Marseille) depuis l’automne 2020 : déjà menacés par l’enfermement, les liens avec leurs proches, avec leurs enfants, sont coupés sous prétexte de Covid. On leur impose des grilles aux fenêtres qui les empêchent de respirer et de se parler. Elles subissent des fouilles à corps particulièrement abusives et humiliantes. Elles ont refusé de remonter de promenade, mené des recours juridiques, fait du boucan aux fenêtres en interpellant Dupont-Moretti – resté sourd évidemment. Elles subissent brutalités et représailles de la pénitentiaire. Forces, courage et détermination à elles !
Tract diffusé par des prisonnières de Fleury Merogis dans la cour de promenade le 8 mars 2014
Aujourd’hui, 8 mars, le jour international de la femme, en tant que femmes prisonnières, militantes, basques et féministes, nous vous faisons part de nos réflexions.
Encore en 2014, nous les femmes, continuons à nous battre pour nos droits dans cette société. Avec l’Europe en crise des droits, notre situation et les acquis de ces dernières décennies ont régressé considérablement. Il suffit d’apprécier la croisade contre les droits des femmes déclenchées par l’Eglise et l’extrême-droite.
« La prison rend presque impossible le droit d’être maman et aussi la maternité. »
Le système capitaliste-patriarcal veut diriger nos vies et même nos corps à l’avantage du capitalisme. Par conséquence, en faisant partie de ce système, nous les femmes, il ne nous reste que la violence, la précarité, la pauvreté. La prison ne fait qu’aggraver la crue réalité. Elle nous éloigne de la société égalitaire qu’on revendique, avec le seul objectif de nous soumettre, suscite une constante violence dans la relation pouvoir-soumission. La prison étouffe nos conditions de vie, en empêchant notre développement, en amplifiant les situations de pauvreté et précarité, en nous exploitant au travail et en nous rémunérant avec des salaires misérables. La prison rend presque impossible le droit d’être maman et aussi la maternité. L’architecture de la prison ne répond pas aux besoins ni de l’enfant ni de la mère. Les mamans avec des enfants hors de la prison n’ont pas beaucoup plus de chances. Elles subissent de véritables entraves pour conserver les liens avec leurs enfants. Les obstacles aux relations nous les trouvons régulièrement : avec les proches, amis, conjoint/e… Il faut ajouter que tout contact avec des hommes est annulé, nous nous trouvons alors dans une situation, dans un monde hors de la réalité. Si le fait d’être en prison ne suffit pas, notre sexualité aussi est condamnée à périr dans ces quatre murs. Aucun texte ne mentionne expressément que les relations sexuelles sont interdites en prison. Sans être explicitement interdite ni autorisée, toute pratique sexuelle peut aussi bien être sanctionnée que tolérée en prison. Alors, l’administration pénitentiaire s’appuie sur une faute disciplinaire, celle « d’imposer à la vue, des actes obscènes ou susceptibles d’offenser la pudeur », lorsqu’elle souhaite sanctionner une pratique sexuelle au sein d’un établissement pénitentiaire. Conséquence : toute possibilité d’intimité et de sexualité est anéanti en prison. Que dire du plaisir, aucune prévention, aucune mesure nous est proposé pour avoir un moment de plaisir. Pas d’endroit où l’intimité est assurée, pas de préservatifs, ni jouets sexuels à disposition… La prison réagit avec un discours répressif et une mentalité conservatrice et réactionnaire.
« Notre sexualité aussi est condamnée à périr dans ces quatre murs »
L’assemblée nationale vient d’accepter une proposition de loi au sujet de l’égalité homme- femme. Projet mené par Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes. Nous estimons que cette loi ne répondra pas aux besoins des femmes, elle sert à laver l’image de cette société mais pas pour faire face à la véritable controverse.
Nous voulons profiter du 8 mars pour dénoncer et faire appel à toutes les femmes pour se battre ensemble, coude à coude, pour une société égalitaire. Nous encourageons toutes les femmes à être sujets de révolte contre cette situation d’oppression.
Pour la défense de nos droits fondamentaux, pour une société égalitaire femme-homme, pour une société plus humaine : femme prisonnière, engage-toi dans la lutte féministe !
Des prisonnières politiques basques.
« L’étouffante pression que nous subissons quotidiennement »
Extrait d’une lettre de prisonnières politiques basques, Fleury Merogis, mars 2014 :
“Le problème, ce ne serait pas les conditions inhumaines que nous subissons ? Nous pourrions parler du manque d’hygiène des douches, qui sont pleines de moisissure, ou de la cour de promenade pleine d’excréments où nous devons nous asseoir par terre. Des repas répétitifs, froids, servis en quantité insuffisante avec un chariot qui amène la nourriture à deux pas du sol. (…) De la suppression de la trousse mensuelle avec les produits d’hygiène corporelle de base et la suppression du service de laverie. Du manque de respect de certaines surveillantes qui nous réveillent la nuit ou crient dans les couloirs. Du manque de possibilité de formation. De l’étouffante pression que nous subissons quotidiennement : palpation, fouilles… même la bassine pour aller aux douches est fouillée !”
(publié dans le journal L’envolée n°39 en mai 2014)
« Nous avons fait un blocage après la promenade du dimanche »
Lettre d’Itziar, MAF de Fresnes, mars 2014 :
“ Le 9 janvier, une femme a mis le feu à sa cellule ; mis à part le manque d’information et le retard dans l’évacuation des détenues, malheureusement habituelles dans ces situations, il faut absolument dénoncer l’attitude et les décisions suivantes de la direction : cette femme, après un cri à l’aide comme celui-là, a été placée seule en cellule, cellule théoriquement “particulièrement surveillée”. Trois jours après, cette femme a été retrouvée morte dans sa cellule. N.L., tuée par le système pénitentiaire. Nous, les détenues de la MAF, nous avons fait un blocage après la promenade, une minute de silence pour dénoncer sa mort et en hommage. D’ailleurs, nous avons écrit une carte pour embrasser et soutenir ses proches, mais la direction a refusé de nous fournir l’adresse de la famille.”
Combien de détenus doivent mourir entre ces murs sous la responsabilité de l’AP pour que la population réagisse enfin ?
Dans une lettre publiée et lue à l’antenne il y a quelques mois, Mickaël dénonçait les conditions inhumaines du quartier d’isolement (QI) de la centrale de Saint-Maur. Sur le site de L’Envolée, un ancien prisonnier lui a répondu et a commenté sa lettre. Le message se terminait par ces mots : « À vous tous qui êtes encore derrière ces hauts murs de Saint-Maur – Santa Muerte comme on le disait à l’époque –, je vous souhaite force et courage, les gars. » Mickaël a repris la formule dans le texte qu’il nous a écrit peu après. Il décrit clairement le rôle de la prison et dit comment les taules et les matons poussent les prisonniers à bout et rappelle que les centrales et les QI sont des mouroirs.
Santa Muerte
Lettre de Mickaël G.
Quartier d’Isolement, Centrale de Saint Maur,
Janvier 2021
Connaissez-vous « Santa Muerte » ? Moi, ça fait quatre longs mois que je vis au creux de ses mains froides… Je parle bien évidemment de la centrale de Saint-Maur… Pourquoi l’appeler ainsi ? Parce que, littéralement, je suis en train de mourir à petit feu entre ces quatre murs glaciaux, j’ai perdu 20 kg à cause de l’eau polluée du robinet, et récemment j’ai chopé une angine au cachot tellement il fait froid. Mais le plus triste, c’est que la toubib m’a prescrit un spray pour le nez pour soigner mon angine tenace, à croire qu’elle ne connaît que ça, comme médocs !!!
Que faut-il que je fasse pour que les choses changent dans cette abattoir à détenus ?
Nos conditions de détention au QI sont horribles et on n’a même pas droit à des soins dignes de ce nom !!! Faut-il que l’on se laisse mourir pour attirer l’attention de hauts responsables sur ce lieu inhumain ? Ça ne servirait à rien car nos vies ne comptent pas, nous ne sommes que des numéros pour eux !!!
Quand les matons pleurent pour leurs conditions de travail, tout le monde en parle et veut les aider à être plus payés à en faire encore moins. Mais quand un ou des détenus se plaignent, on leur met la trique !!! L’écriture m’aide beaucoup. Avant, je faisais des prises d’otages ou des agressions violentes avec arme contre l’AP (administration pénitentiaire), mais j’ai compris trop tard que ça les arrangeait bien !!! Je suis rentré en prison pour quatre ans, ça fait maintenant neuf ans que ça tourne, et ça jusqu’en 2032. Peut-être aurais-je droit à une conditionnelle vers 2024, mais Dieu seul sait de quoi est fait mon avenir…
Si j’écris à cette heure-ci, 4 h 42 du matin, c’est parce que je me pose tout un tas de questions, du genre : où je serais si « X » de L’Envolée ne m’avait pas écrit pour me montrer son soutien et donné l’occasion de m’exprimer autrement que par la violence et le sang, qu’aurais-je fait comme dinguerie pour partir de Santa Muerte ? C’est pour ça qu’il faut se battre avec leurs armes : recours administratifs, plaintes au pénal. Faut taper dans leur portefeuille et non pas dans leur tronche de SS du 21ème siècle !!! C’est bien connu, en France, tue, viole, torture qui tu veux, mais ne touche pas à l’argent français !! Un pointeur prendra toujours moins qu’un braqueur, alors posez vous les bonnes questions !!! Santa Muerte m’aura servi à une chose : elle m’a ouvert les yeux sur cette société qui porte des œillères et qui se laisse manipuler par une politique carcérale et toute-répressive. Les Français « libres » ne veulent pas voir ce qui se passe dans leurs prisons, et je dis « leurs » prisons car c’est avec leurs impôts qu’ils font construire ces lieux où on torture, on viole et on tue leurs enfants, leurs frères, leurs sœurs, leurs pères ou leurs mères !
La plupart d’entre eux se croient à l’abri, mais ils ne sont pas conscients que n’importe qui peut atterrir ici !!
Combien de détenus doivent mourir derrière ces murs entre les mains de l’AP pour que la population réagisse enfin ? Un jour viendra où toutes les prisons seront à feu et à sang, car plus le monde extérieur évolue, plus le monde carcéral régresse !!!
Je n’appelle pas à une révolution carcérale et judiciaire, j’appelle juste à une ré-humanisation des détenus en France, cette France donneuse de leçon, cette France hypocrite ! Quand un col blanc est condamné à neuf ans pour détournement de fonds publics, c’est-à-dire votre argent, chers Français, il est libéré au bout de quelques mois parce que Môssieur fait une déprime. Mais quand un jeune de vingt ans prend un an ferme pour avoir volé à manger et finit par se suicider en prison, l’AP dit : « une gamelle d’économisée ! » Vous trouvez ça normal ? Moi, non !!!
Il existe même des quartiers VIP, pourquoi ? Nous sommes censés être tous égaux en France, alors pourquoi nous, simples citoyens, devons-nous faire notre peine dans la merde avec des tortionnaires comme geôliers alors que d’autres sont comme à l’hôtel ? Égalité, liberté, fraternité mon cul !!!
Force, courage et honneur à tous et à toutes les prisonnier·ère·s de France.
Nous publions régulièrement des récits de mauvais traitements et de violences subis par des prisonnier.e.s. M. nous a déjà écrit il y a plusieurs mois pour dénoncer ses conditions d’enfermement à la maison d’arrêt (MA) d’Angoulême : surpopulation, manque d’accès aux soins, fouilles à répétition… Dans ce nouveau courrier, il raconte comment il a été mis au mitard sous un motif mensonger et privé du traitement médical qu’il doit prendre quotidiennement. La fragilité psy des prisonniers (et de toute personne enfermée entre quatre murs) est parfois utilisée contre eux et sert souvent à mettre encore un peu plus en doute leur parole. Pourtant, ce qu’ils vivent et dénoncent est tout aussi réel.
Lundi 28 Décembre 2020
Maison d’arrêt d’Angoulême,
« Aux traitements inhumains et dégradants, s’ajoute la torture. »
Je vous mets par écrit les faits, ceux qu’on m’a fait subir et ceux que je subis actuellement. Je peux vous dire que j’ai failli y laisser la vie. Les dysfonctionnements et négligences sont nombreux et récurrents. J’ai 43 ans, j’ai des fragilités psychologiques que l’administration pénitentiaire connaît parfaitement. Je ne souffre d’aucune pathologie psychiatrique, je suis dans la catégorie « état limite », avec une anxiété importante et des angoisses dépressives importantes. J’ai un suivi aléatoire. Je galère pour mes soins tant physiques que psychologiques. Aux traitements inhumains et dégradants, s’ajoute la torture. Torture blanche : des menaces de représailles de la part d’une minorité de surveillants (ils ne sont pas tous comme cela). Bavures et drames, entorses au droit et règlement sont légion. Des procédures non appliquées et des procédures abusives. J’ai aussi fait l’objet d’un article du journal local, la « Charente Libre », mensonger, où c’est avantageux pour eux seuls (les surveillants), où ils inversent les rôles, se font victimiser, et pleurnichent aussi. Trop d’abus, et mes droits les plus élémentaires sont bafoués, laissant place à une anarchie complète.
Déroulement des faits
Mercredi 18 Novembre, j’étais en forte tension psychique suite à quelques soucis familiaux graves cette semaine-là ; j’avais un rendez-vous avec ma psychologue de référence, j’ai attendu et essayé de gérer cette détresse seul.
Jeudi 19 : toujours aussi tendu, peu dormi et toujours pas vu ma psy.
Vendredi 20 : au petit matin, après une insomnie, je n’en pouvais plus. J’étais dans une grande souffrance. A 10h30, je décide de faire signe au surveillant de mon étage. Il appelle son collègue de l’UCSA, il l’a fait devant moi, le surveillant de l’UCSA lui a répondu : « C’est compliqué. » Encore un frein, ils me barrent l’accès à l’infirmerie, me laissant à la dérive alors que j’avais un rendez-vous de calé. Tout ceci aurait largement pu être évité. Ils m’ont laissé sciemment dans cet état, et dans mes retranchements, j’ai pris tout un stock de médicaments : 45 somnifères, 32 antidépresseurs et 12 Séresta. Mon codétenu m’a vu m’effondrer, il a immédiatement alerté. J’étais désespéré ; d’où mon acte. Une infirmière sympa est venue en cellule, elle m’a emmené à l’UCSA et elle a fait toutes les démarches pour me transférer d’urgence à l’hôpital de Giras (Angoulême).
Samedi 21, je me suis réveillé toujours pas bien, comateux, encore avec des médocs ; de plus, j’étais encore sous perfusion. Je tenais des propos incohérents ; pour Giras, j’étais tiré d’affaire, mais très loin d’être stabilisé. J’aurais dû aller en HP (hôpital psychiatrique).
En début d’après-midi, les surveillants de la MA sont venus me chercher. J’ai été entravé. J’étais bancal et ça les amusait.
J’aurais dû réintégrer ma cellule comme c’est la procédure ; ça n’a pas été le cas. La procédure classique en cas de velléités suicidaires, c’est CProU (cellule de protection d’urgence, dénoncée par de nombreuses personnes pour ses effets délétères) – Giras – HP – retour MA – cellule. Eux ont fait l’inverse avec un excès de zèle, malgré les recommandations du médecin-chef – ma psy – concernant les effets délétères de la CProU : j’y ai subi de mauvais traitements en octobre 2019 : j’ai dû boire l’eau des chiottes parce qu’on m’avait coupé l’eau. Torture blanche + traitement inhumain et dégradant. Donc de retour en MA, j’aurais dû réintégrer ma cellule ; eh bien non ! par ruse, on me dit d’aller chercher mon traitement. Je monte, et là on me dirige vers la CProU, ce qui n’est pas la procédure normale comme ils ont essayé de le dire. Il n’y avait aucune justification. Je n’étais pas suicidaire. Le lieu est hyper anxiogène et favorise fortement le passage à l’acte. Je n’ai pas voulu y rentrer. Ils voyaient que je n’étais pas bien. J’avais besoin de soins d’urgence, personne ne m’a écouté ! je ne voulais pas me déshabiller ; j’ai tenté de dialoguer : peine perdue. Ils se sont jetés sur moi à trois, puis à cinq ; j’ai été projeté au sol, écrasé par leur poids. J’ai hurlé si fort qu’on m’a entendu de loin, tellement ils me faisaient mal. La force employée était disproportionnée et injustifiée ! j’étais au sol, et quelques minutes après, j’entends une voix : « Ce con, il m’a fait mal ! » Le surveillant s’est fait mal en me mettant les menottes. La gradée condescendante a rétorqué : « Ah, il a mordu un surveillant », alors que rien n’était fait en face de moi, et puis : « Allez, hop ! au QD. » C’est un prétexte ; je me rappelle de tout, sauf d’avoir fait mal ou mordu.
« un des surveillant m’étrangle, et là je dis : « Je n’arrive plus à respirer. » »
Je suis un détenu exemplaire, pas violent d’ordinaire, je participe à tout, je suis instruit et j’essaie de défendre mes droits car ils sont peu, voire pas du tout respectés ; j’ai mis trois ans pour obtenir le règlement intérieur – et ça, la pénitentiaire n’aime pas ! Vers 15h30, après avoir été maîtrisé, je suis dans la coursive nord, au moment de la descente de l’escalier, un des surveillant m’étrangle, et là je dis : « Je n’arrive plus à respirer. » Au bout de l’escalier, la gradée lui a dit d’arrêter. J’étais blanc et je tanguais ; j’étais même HS.
« ils m’ont menacé : « Si tu portes plainte, tu auras des représailles. » »
Au QD, ils me jettent au sol avec une violence inouïe, puis ils m’arrachent mes vêtements violemment. je suis à poil, complètement passif. Ils me mettent à genoux, la tête face au mur. Toujours à poil, je reçois un coup dans le dos. Je m’éclate contre le mur et la grille d’aération, un autre surveillant lui dit d’arrêter. Il arrête. Il me balance un pyjama en papier et me dit : « Si tu le déchires, je te fous un coup de poing. » Ce type de pyjama se déchire en moins de cinq minutes si vous avez le malheur de bouger. Je suis resté plus de deux heures sans couverture et sans chauffage. J’étais à même le sol sur un matelas en mousse gonflé d’humidité. J’ai demandé mon traitement, ils me l’ont refusé. En sortant, ils m’ont menacé : « Si tu portes plainte, tu auras des représailles. » C’est inadmissible, inhumain et dégradant. Abus de pouvoir. Traité comme un vulgaire chien, et dans le dénuement le plus total. De plus, mon état mental n’était pas compatible avec le maintien au QD.
Sanction : vingt jours dont cinq avec sursis.
La cellule du QD
Pas de chauffage pendant treize jours. Juste deux jours de chauffage, le 30 novembre et le 1er décembre, pas d’eau au robinet, juste les chiottes qui fonctionnent ; j’ai dû la boire pendant quinze jours. Humidité + fuite de la fenêtre lorsqu’il pleut, matelas imbibé, mur à la peinture écaillée, odeur nauséabonde.
Samedi 21 Novembre : aucun accès au soin. Je n’ai pas eu mes deux traitements, aucune possibilité de faire constater mes blessures.
Dimanche 22 Novembre : juste une couverture et toujours le pyjama en papier. Au matin, provocation d’un surveillant : « T’es calmé ? » Pas d’eau chaude pour un café et pas de traitement.
Lundi 23 Novembre : plus de quarante-huit heures sans traitement. J’étais en manque, sale et privé de douche (douche au QD, lundi, mercredi et vendredi réglementaires), pas dormi depuis plus de quarante-huit heures, une insomnie due à la privation de traitement. Je me suis tordu de douleur. Je voulais en finir. Mes angoisses n’ont cessé de s’amplifier.
Vers 10h20, je passe au prétoire en état de manque, sans avocat. Ils ont bien vu que je n’allais pas bien du tout… rien.
Vers midi, un médecin arrive, mais n’ose pas entrer. J’ai juste vu une flopée de chefs et surveillants ; aucune auscultation. J’ai pourtant demandé à « voir » un doc.
Mercredi 25 Novembre : enfin une douche. Un souci : l’eau chaude sort directement, donc impossible de la prendre. Cinq jours crade. J’ai signalé au surveillant qui a fait le nécessaire.
Les chefs ont été corrects avec moi, et certains surveillants aussi ; je ne mets pas tout le monde dans le même panier. Ce n’est qu’une poignée qui agissent mal. Ils ont essayé de me briser pendant quinze jours.
Jeudi 26 Novembre : enfin un surveillant humain, il m’a dit vu qu’il était présent à l’hôpital et à la CProU, que « ça se voyait que tu étais gazé », et lui n’a rien vu de particulier lorsque j’ai été maîtrisé ; il n’est pas OK avec ses collègues.
Vendredi 27 Novembre : Une vraie douche. Je suis resté sept jours consécutifs sans douche (entorse à la loi et au règlement).
Lundi 30 Novembre : parloir. Encore fouille à nu systématique ; cela fait plus de quatre mois que je suis en permanence mis à poil pour les parloirs sans aucun justificatif particulier… encore des abus.
Samedi 5 décembre : je regagne ma cellule.
Mardi 8 Décembre : le matin, on me refuse le linge en prétextant un changement dans le règlement, ce qui est bien évidemment faux. C’est le surveillant qui m’a donné un coup dans le dos, je ne m’étonne pas. Et j’ai finalement pu récupérer mon linge avec un bon surveillant. Des petits coups de vice gratuits.
Jeudi 10 Décembre : vers 17 heures, encore une brimade et un total manque de respect de ce surveillant, il est grand, gros, cheveux grisonnant, moustache : « Alors, le croqueur, c’est ton surnom ? ».
Samedi 12 Décembre : j’avais le culte, comme par hasard, ils me disent (la même équipe), « que je ne suis pas sur la liste ». Faux, violation d’un des articles de la loi du 24 Novembre 2009 concernant la santé, la culture, les fouilles, journaux, courriers, etc.
» Cette Maison d’Arrêt est un mouroir »
J’espère que vous allez prendre connaissance de tout et m’aider à faire valoir mes droits pour arrêter de subir… je suis traumatisé, ma santé décline et je dérive. Je me sens mourir ici, et je n’ai pas la totalité des soins. On est déconsidérés, traités comme des moins que rien. Ils violent même le code de la déontologie concernant la confidentialité (article 10 titre II), et nous mettent en péril. J’ai beau écrire à la cheffe de détention, au chef d’établissement, aucune réponse. A force, c’est très dur de prendre sur soi… j’attends toujours mon transfert ! J’irai jusqu’au bout avec mon avocate, j’ai trop de problèmes de santé et de moral. Cette MA est un mouroir.
« De 22 heures à 22 h 30, on a tapé aux barreaux en disant : ‘Justice ! Dupont-Moretti !’ »
À Marseille, depuis plusieurs mois, les prisonnières de la MAF (maison d’arrêt pour femmes) des Baumettes dénoncent la détérioration de leurs conditions de détention et les violences pénitentiaires qu’elles subissent.
Conditions de vie ? De survie, plutôt !
Comme dans les autres prisons de France, le quotidien des prisonnières de la MAF s’est encore dégradé avec la crise du coronavirus, mais un nouveau cap a été franchi depuis deux mois.
Les activités hors des cellules sont suspendues ; en promenade, l’eau a été coupée, ce qui signifie que les prisonnières restent plusieurs heures sans pouvoir se désaltérer ni aller aux toilettes. Le lien avec les proches est mis en péril par la fermeture des UVF (unités de vie familiale) et des relais enfants et par la réduction de moitié de la durée des parloirs. Les produits cantinés arrivent en retard, voire pas du tout. Quant aux colis de noël — le petit extra alimentaire toléré chaque année par l’administration –, aucune denrée dite périssable n’est plus acceptée.
« On est séparés par une vitre, donc on peut pas approcher nos familles ; c’est impossible, pour nous. La vitre part du sol et monte jusqu’au plafond. »
[Témoignage du 23 décembre.]
« C’est urgent, la prison est en feu, les détenues sont à bout. On est plusieurs femmes à dénoncer tout cela. […] Ça fait plus de deux mois que ça dure. »
[Témoignage du 24 décembre.]
Toujours plus d’isolement !
Le comité de riverains qui a dénoncé des « nuisances » liées à la prison est largement responsable de la progressive disparition des rares espaces de liberté et d’entraide gagnés au fil du temps par les prisonnières. Depuis l’installation de fenêtres antibruit dans les cellules, les échanges sont devenus quasiment impossibles (voir L’Envolée N°52 : ) : finis les échanges de nourriture ou de petits mots de fenêtre à fenêtre au moyen de « Yoyos », finies les discussions de cellule à cellule, finis les parloirs sauvages avec les proches venus crier leur amour ou leur soutien de la rue. De plus, la vie en cellule est devenue intenable à cause de la chaleur et du manque d’aération.
« Du 2e au 4e étage, tu n’as aucune possibilité d’ouvrir une fenêtre. Tu as des fenêtres fixes, avec des petits trous sur le côté sur une paroi en fer. Mais c’est le seul truc où l’air peut passer dans ta cellule. Je te donne un exemple : je pouvais pas faire à manger. Tu peux pas te permettre de faire des frites : tu vas sentir la friture à 400 km ! Tu as tout dans la même pièce : ton linge, tes affaires… »
[Témoignage du 23 décembre]
Violences pénitentiaires
Pour éviter que les prisonnières ne contestent les conditions de survie qui leur sont imposées, la gestion de la détention s’est durcie. Sous couvert de lutte contre le terrorisme, les prisonnières ont notamment subi une « fouille sectorielle » d’une extrême violence dans la nuit du 3 au 4 novembre dernier. Les Eris (équipes régionales d’intervention et de sécurité, créées en 2003 pour militariser le maintien de l’ordre dans les prisons) ont insulté, frappé, humilié et fouillé les prisonnières à nu ; et aussi saccagé les cellules.
« On a fait un blocage, du coup, et finalement c’est les Eris qui sont venus. Ils ont quasiment massacré les filles. Y a quand même une fille qui a fini au cachot pendant vingt jours avec la mâchoire cassée. C’est assez costaud, quand même. »
[Témoignage du 23 décembre]
« Un des Eris a tordu le bras à une fille, et elle s’est retrouvée à plus bouger du tout, de la mâchoire au bras. Il y est allé avec un pied sur la tête, l’autre pied sur le bras. Ils l’ont mise à poil ; ce sont des hommes qui l’ont mise à poil, et pas des femmes. »
[Témoignage du 25 décembre]
Fouilles abusives et humiliantes
Les prisonnières des Baumettes dénoncent aussi les pratiques plus quotidiennes des ELSP (équipes locales de sécurité pénitentiaire). Intégrées à la prison, ces équipes directement inspirées du modèle des Eris sont venues remplacer les Elac (équipes locales d’appui et de contrôle) en 2019, faisant encore monter d’un cran la militarisation. Depuis des mois, les fouilles à nu sont les violences les plus régulièrement dénoncées par les prisonnières. Elles sont en effet fréquentes depuis mars, et presque quotidiennes depuis quelques semaines.
« Moi, j’ai été fouillée trois fois en un mois par les ELSP. Normalement c’est la surveillante qui vient pour la fouille mensuelle, mais de temps en temps c’est les ELSP qui viennent pour tout te retourner. Pour les fouilles, normalement, on se déshabille, on se retourne. Mais là, il faut lever la jambe droite vers le côté droit, la jambe gauche vers le côté gauche… Comme un chien. Comme si on pissait. Et ce sont des fouilles qui se font à trois surveillantes, et y en a une qui se baisse et qui regarde entre les jambes. Ils ont tout l’équipement de protection, mais nous on est à poil, ils en ont rien à foutre. […] Là, c’est stop, quoi. Je suis pas rentrée en prison pour vivre ça. Ils ont regardé mes parties intimes, c’est un viol ! Plus les placages, nue, par les ELSP, parce que je lève pas la jambe. Je ne suis pas un chien, pour lever la jambe ! J’en peux plus. »
[Témoignage des 24 et 25 décembre]
« Normalement t’as a une fouille mensuelle, toutes les cellules sont fouillées chaque mois ; ça, y a pas de soucis. Là c’est perpétuel, tout le temps : quand tu descends au parloir, t’es fouillée. Tu remontes : t’es fouillée. […] A un moment donné il faut que ça s’arrête. Qu’ils fassent des fouilles, OK, mais y a un minimum de respect à avoir. C’est pire à la MAF que chez les hommes. Chez nous, ça arrive qu’ils te menottent, ils te jettent au sol, ils t’écartent les jambes. Y a une certaine limite. […] A un moment, c’est bon de se déshabiller tout le temps. Moi, j’ai 30 ans, donc tu vois, ça passe, mais je descendais avec une mémé qui avait quand même 64 ans. Au bout d’un moment, elle me regardait, limite elle était à deux doigts de pleurer. »
[Témoignage du 23 décembre]
« C’est des fouilles au corps avec menottes, jambes écartées. Elles regardent dessous nos parties intimes à 3, 4 surveillantes. T’as des coups de pieds quand tu veux pas. […] Cette semaine, c’était six fouilles. Elles ont donné des coups de pieds à cause de mon refus d’écarter mes fesses. Placage au sol nue, à trois sur moi. J’avais rien du tout… J’en peux plus. […] Tous les jours elles débarquent, c’est invivable ! Grave de chez grave tout ce qui ce passe. Les ELSP hommes restent avec le chef de détention à ma fouille à corps nue, c’est grave ! »
[Témoignage du 24 décembre]
Résistances et solidarité !
Malgré tout, de nombreuses prisonnières de la MAF font part de leur inquiétude à l’extérieur, et se mobilisent de différentes manières : début novembre, elles refusaient de remonter de promenade ; depuis, elles multiplient les recours juridiques ; et dernièrement, elles appellent à faire un maximum de bruit tous les jours et à boucher les œilletons tous les matins à 7 heures.
« Entre les prisonnières, c’est comme partout, hein : y a des gens bien, et d’autres qui sont moins bien. Mais y a une méchante solidarité ; malgré les disputes et certaines embrouilles, y a vraiment une méchante solidarité. »
[Témoignage du 23 décembre]
« De 22 heures à 22 h 30, on a tapé aux barreaux en disant : ‘Justice, Dupont-Moretti !’ » Ça a fait péter les plombs aux bleues. »
[Témoignage du 25 décembre]
« Je vous dis : tapez à une fenêtre, à la plaque de fer qui coupe votre respiration toute la journée. Où votre oxygène ne se renouvelle pas. La moitié de votre cerveau, elle est paralysée parce que votre oxygène ne se renouvelle pas. Vous chiez dans votre cellule, ça part pas. Vous vous douchez, ça part pas… Tapez dessus, tapez dessus ! »
[Témoignage du 19 décembre]
« Je veux faire de gros bisous à la MAF, encourager toutes les filles à rester fortes et à ne pas se laisser aller par rapport à tout ce qui se passe. Même si certaines ne l’ont pas encore subi, on est toutes à l’intérieur, et c’est susceptible d’arriver à toutes. Parce que vous avez toutes vu : que l’on soit agitée ou pas agitée, eh ben ça peut arriver à n’importe quelle personne. »
[Témoignage du 19 décembre]
Parloir Libreest une émission de dédicaces pour les prisonniers et les prisonnières des Baumettes et leurs proches, tous les samedis de 19h à 21h et tous les jeudis de 20h30 à 22h. Sur Radio Galère 88.4FM.
L’Envolée, l’émission pour en finir avec toutes les prisons, donne la parole aux prisonniers, prisonnières et à leurs proches. Émission de radio chaque vendredi de 19 à 20h30 sur FPP 106.3 en région parisienne et MNE 107.5 à Mulhouse, sur RKB 106.5 en centre Bretagne les lundis à 22h, et sur les webradios Pikez (dimanche à 11h) et Station Station (lundi à 13h). Podcasts disponibles sur toutes les plateformes de podcast.
Notre numéro de téléphone : 07.52.40.22.48 (whatsapp, telegram, signal, appels et textos). Pour écrire : Radio FPP – L’Envolée, 1 rue de la solidarité, 75019 Paris, ou encore à lenvolee.net et sur instagram, twitter, facebook & snapchat.
ça m’a vraiment donné le sentiment d’exister pendant un instant, de ne plus être seul, d ‘avoir quelqu’un qui m’écoute.
Nous avions publié une lettre de Bilal dans le dernier numéro du journal, il nous a réécrit, et a ajouté à sa lettre une missive qu’il a envoyé à Super Dupont, ministre des tribunaux et des prisons. Même s’il sait qu’il y a peu à attendre de ce côté là, il essaie de se faire entendre.
Le 07.12.2020
Bonjour l’équipe de l’Envolée,
Tout d’abord toute mes condoléances pour votre ami et co-fondateur. Je n’ose imaginer la peine et la difficulté d’une telle perte, mais au final une légende ne meurt jamais…
Je tiens à préciser que mon commentaire au sujet du délai de réponse n’est pas lié au temps, mais à la réponse qui m’était apporté combiné au temps.
J’avoue que lors de mon premier courrier, je n’avais pas conscience de ce que votre journal était vraiment. Puisque les explications du pote qui m’a parlé de vous, était du genre « ouai t’inquiète, ils sont là pour nous aider », je suppose que le ras le bol de ma condition carcérale à fait que j’ai préféré ignorer le côté journal et je suis resté focus au côté soutien…
Du coup quand j’ai percuté que vous risquiez de publier mes écrits. J’avoue avoir eu un coup de chaud puisque je dévoilais mon identité parce que j’hésitais à faire ça de manière anonyme… Mais bon c’est pas bien grave au final je suis assez content du résultat, votre manière de travailler est bienveillante…
Donc oui, je suis d’accord pour publier mes courriers. Franchement merci, ça m’a vraiment donné le sentiment d’exister pendant un instant, de ne plus être seul, d ‘avoir quelqu’un qui m’écoute.. Et si quelqu’un le souhaite, vous pouvez lui donner mes coordonnées.
Je vous joints le brouillon du courrier que j’ai envoyé au ministre Moretti, je pense que ça explique à peu près les conditions de détention et l’état d’esprit dans lequel je me trouve : combatif, mais dans le dialogue…
En tout cas. Merci de ce que vous faîtes, force à vous.
Et voici la lettre adressée au ministre :
Réponse à multiples demandes écrites.
J’attire votre attention par le présent courrier sur cette systématisation malsaine pratiquée par l’administration et souhaite que votre vigilance se porte sur l’incohérence et l’injustice d’une telle pratique afin que cette spirale soit enrayée car elle est une opposition injuste à la voie de la réinsertion et donc un reniement total des valeurs qui fondent et animent un état de droit, car comme nous le savons tous, jamais un état de droit, solide sur ses valeurs, ne permettra qu’un citoyen appliqué, investi et méritant (preuves factuel à l’appui), ne soit lésé de ses droits sur la base de suppositions et de doutes, au détriment du factuel.
Afin que vous preniez conscience de la réalité dans laquelle je vis, je suis libérable en 2048, c’est a dire à quand j’aurais 56 ans, suivi d’une peine additionnelle de 10 années de suivi sociaux judiciaire. Donc je serais officiellement libre a mes 66 ans.
Avec de telle condition de détention, sur une telle durée, que me reste-t’il comme espoir pour une réinsertion social positive ?
Suis-je toujours français ? Ai-je encore des droits ? Où tout simplement, suis-je encore un être humain ?
Suis-je toujours français ? Ai-je encore des droits ?
Où tout simplement, suis-je encore un être humain ?
Puisque tout mes échanges se font a travers la grille de ma cellule (aumônier, SPIP, Chef de bâtiment, etc.)
J’ai fauté lourdement, je l’ai reconnu et regretté amèrement, je purge donc ma peine, mais je fais des efforts et j’arrive a un stade ou j’ai besoin de sentir l’aide de l’administration pénitentiaire dans mon cheminement vers la rédemption et cela passe par des signaux certes faible, mais qui symboliquement pour moi signifient beaucoup et me montre que malgré l’horreur de mes erreur passée, on croit en moi et me donne une chance , alors je n’ai pas droit de recevoir, ma famille, mes enfants, et mon pays que je n’ai au final, jamais cessé d’aimer.
Dans l’attente d’un retour, qui je l’espère fera évoluer ma situation positivement. Monsieur le ministre, veuillez recevoir mes sincère salutation.
Nous relayons cette lettre d’une proche d’un prisonnier enfermé à la Maison d’Arrêt d’Angoulême où il subit des traitements dégradants et violents et où, sans aucun accès aux soins, il est en danger permanent.
Monsieur,
Je soutiens un détenu, Mr H. Y., à la Maison d’Arrêt d’Angoulême.
Voici les conditions de sa détention : il a subi des mauvais traitements, on lui fait boire l’eau des wc, c’est ça ou rien, disent les surveillants. Pour les douches, 2 fois par semaine et encore, quand celles-ci sont propres et c’est peu dire ! son courrier n’est pas envoyé, ni à son avocate, ni à la SPIP, ni ailleurs. Ces médicaments lui sont donnés au compte-goutte. Il a très mal au dos, attend un RDV pour ses dents et ses yeux depuis 4 ans et demi. Son état de santé se dégrade. Sa prise de sang n’est pas bonne, il a du cholestérol, des GMGT. Il voudrait être transféré, il n’est pas à sa place dans cette maison d’arrêt.
A chaque parloir avec sa mère, il a une fouille à nu, fouille de vêtements, même le caleçon est mis à l’envers, ils le laissent nus devant une glace à la vue des surveillants, c’est humiliant ! les cantines il y a des manquants : les jeux de société, livres, jeux de dés, pinceaux pour son activité dessin. Tout ce que je lui remets m’est retourné : refusé par le propriétaire. Faux – archi faux. Les paquets sont neufs sans blister. Tout me revient. Pourquoi le priver de ces objets qui améliorent le quotidien ?
Ils sont trop dans les cellules, 5 dans une cellule de 4. L’autre dort au sol sur un matelas devant la porte.
La Maison d’Arrêt ne prévient pas la famille ne cas de problèmes graves. C’est une honte, il faut écrire au directeur ! il a le temps de mourir 20 fois. Il voudrait aller en SMPR ou en VHSI. On l’a forcé à quitter l’iso où il était, on lui a fait signer un document « pour travaux », faux. Ils ont mis quelqu’un à sa place.
Je m’étais renseignée pour une formation de pâtissier, c’est sa passion, a-t-il reçu la documentation ? il veut s’en sortir et on lui met des bâtons dans les roues. Je lui verse un petit peu chaque mois pour améliorer son quotidien, et bien ils lui prélèvent une somme qui lui sera remise à sa sortie. C’est maintenant qu’il en a besoin, pas après. Actuellement il est dans une cellule sans chauffage. Il n’a pas de vêtements chauds à froid, a beaucoup maigri. Il a des marques de coups au dos, aux bras, des strangulations. Il n’en peut plus. C’est un appel au secours. Il a fait déjà beaucoup de tentatives de suicides.
Il est dans une cellule sans chauffage. Il n’a pas de vêtements chauds à froid, a beaucoup maigri.
Il est au bout du rouleau, n’est pas entendu. Seule son avocate se démène pour trouver une solution. Je le soutiens également comme je peux. Que pouvons nous faire ? à l’aide ! Merci
Enfermé à plus de cinq heures de route de ma famille et toujours dans le circuit fluctuant de l’incarcération sous ses diverses formes (prison, CRA,, assignation à résidence).
Une lettre que nous avons reçu de Kamel Daoudi, plus long assigné à résidence de France, réenfermé il y a trois mois pour 20 minutes de retard. Il revient ici sur le journal et Olive (des lettres où il décrit son quotidien au QI de Corbas ont été publiées sur lundimatin).
Maison d’arrêt de Lyon-Corbas
Le 5 décembre 2020
C’est avec tristesse que j’ai appris la mort d’Olivier. Dès la première phrase de l’édito du N° 52 (octobre 2020) de L’Envolée papier, quand la mort d’Hafed avait été évoquée, j’ai compris. Ce sont deux piliers de L’Envolée qui ont été emportés au loin, et deux voix qui continueront à porter malgré leur absence. Je ne connaissais pas Olive personnellement. J’aurais bien aimé le rencontrer, tout comme Hafed. Malheureusement, nos destinées ne se sont pas croisées. Ce que j’aimais dans la personnalité d’Olivier, c’était son éternelle détermination et son invincible optimisme. Derrière sa voix enjouée et sonnante, quasi enfantine, on entendait sa force de caractère et sa détermination à lutter.
Aujourd’hui, je ne peux plus entendre ni écouter le générique de l’émission, mais chaque fois que j’entends un hélicoptère passer au-dessus de la prison, j’ai une pensée mélancolique pour toute votre équipe qui a contribué à me soutenir moralement quand nous étions dans les QI entre 2001 et 2005.
Aujourd’hui, me revoilà en taule pour une vingtaine de minutes de retard sur le couvre-feu qui m’était imposé depuis les quatre dernières années de mes douze ans de perpétuelle assignation à résidence.
Enfermé à plus de cinq heures de route de ma famille, je suis toujours dans le circuit fluctuant de l’incarcération sous ses diverses formes (prison, CRA, assignation à résidence).
Je tenais à vous saluer chaleureusement, ainsi que tous les auditeurs et auditrices de L’Envolée… A bientôt
« Et aux personnes à l’extérieur, je voudrais leur dire que nous sommes des êtres humains et que nous aussi nous avons des droits »
Lettre publique que nous a transmis Kemi pour dénoncer ses conditions de détention à Saint Maur, prison malheureusement déjà tristement célèbre. Les matons et l’adiministrations s’acharnent sur lui sous de faux prétextes et le poussent à bout. N’hésitez pas à nous demander son contact si vous voulez lui écrire. Force et soutien à lui !
Le 23 novembre 2020, Maison Centrale de St Maur
À tous les détenus de France et les personnes non-incarcérées, j’écris cette lettre pour dénoncer mes conditions de détention et pour trouver un écho à ma parole.
Je suis à la centrale de Saint Maur depuis trois mois, au quartier d’isolement depuis mon arrivée dans l’établissement pour soi-disant être « observé ». Je viens d’être prolongé pour trois mois de plus car mon arrivée « serait » trop récente et donc ils ne peuvent pas dire si je suis « apte » à une détention ordinaire.
Au début, j’ai été classé auxiliaire peintre mais au bout de dix jours, ils m’ont déclassé parce qu’ils auraient trouvé un câble dénudé dans ma cellule « s’apparentant à un port USB ».
Puis le jour-même, j’ai été mis en gestion équipé menotté pour trois raisons différentes. La première serait que j’aurais fait venir une équipe de voyous un soir devant la prison et que le chef de détention nous aurait entendu tenir des propos mettant en danger l’établissement et le personnel pénitentiaire, la deuxième serait qu’ils ont des éléments prouvant la mise en place d’une prise d’otage et la troisième serait parce qu’un de mes frères – avec qui je n’ai pas de contact – voulait se suicider…
Mes conditions de détention sont horribles. Je n’ai pas le droit aux activités, pas de travail alors qu’un atelier a été ouvert au sein du QI, je vois un médecin tous les 36 du mois, mais le plus hallucinant est ma cellule.
Il y a des grilles partout, même à la porte, comme au quartier disciplinaire. On me donne le repas à travers un passe-plat, je fais tous mes entretiens dans ma cellule, derrière la grille, et mon interlocuteur dans la coursive, même le psy !!! Aucun secret médical !!! Les toilettes sont à côté de la porte sans cloison de séparation, l’eau du robinet est marron, j’ai le dos en miettes car les chaises sont interdites au QI, on a juste le droit à un tabouret !! Le repas nous arrive froid, les douches sentent la fausse sceptique !!
Il y a des grilles partout, même à la porte, comme au quartier disciplinaire.
Je demande des entretiens avec la direction mais personne à l’horizon, je les vois que quand elle vient m’inventer je ne sais quel délire !!! Mes courriers n’arrivent pas à destination et ne me parviennent pas, d’ailleurs je ne serais pas étonné que cette lettre atterrisse dans une poubelle de la prison ! J’ai téléphoné à « l’OIP » mais la voix d’un détenu ne vaut rien et faut croire que la direction de Saint Maur est intouchable, tellement que les autres détenus n’osent pas s’opposer à eux de peur de représailles !!! Sur quinze détenus du QI, nous ne sommes que trois à essayer de faire valoir nos droits. Mais ‘faut bien l’avouer, rien ne bouge… Je vous l’avoue, sans l’Envolée et une personne en particulier qui se reconnaîtra, je ne sais pas si je serait encore là pour écrire cette lettre. Je suis de nature combative, mais Saint Maur commence à avoir raison de moi ! Je place tous mes derniers espoirs dans cette lettre en espérant que ça fera réagir qui de droit…
Faire cesser la torture psychologique et physique au sein des établissements pénitentiaires français.
Je finis cette lettre en disant courage à tous les détenus de France. Et aux personnes à l’extérieur, je voudrais leur dire que nous sommes des êtres humains et que nous aussi nous avons des droits… Un animal de compagnie à droit à de l’eau potable, une niche ou cage confortable, alors pourquoi pas moi ? J’espère que quelqu’un entendra mon appel au secours et m’aidera à faire bouger les mentalités. Et à faire cesser la torture psychologique et physique au sein des établissements pénitentiaires français.
Bien à vous, un détenu aux abois.
Si vous souhaitez contacter Mickaël, écrivez-nous à contact@lenvolee.net !
Jules est mort au mitard de la maison d’arrêt de Seysses dans la nuit du 5 au 6 décembre. Il avait 20 ans. L’administration pénitentiaire prétend qu’il s’est pendu, mais les prisonniers sont formels : Jules ne s’est pas suicidé. Ils sont très nombreux à témoigner, et c’est toujours la même équipe qui est mise en cause ; ce sont toujours les prénoms des mêmes surveillants qui ressortent. Le pire, c’est que ça fait des années que ça dure. En 2018 déjà, après la mort de Jaouad, des prisonniers avaient demandé dans un communiqué que les membres de cette équipe soient dispersés ou mutés hors du quartier disciplinaire, mais rien n’a été fait. Rien n’a bougé. Jules, Jaouad, Mehdi… la liste des morts suspectes au quartier disciplinaire de cette taule ne cesse de s’allonger sans que soit jamais entendue la parole des prisonniers qui ne cessent de dénoncer cet escadron de la mort, comme ils le nomment. Pas un seul surveillant n’a été inquiété.
À la mort de Jaouad en 2018, il y a eu des refus de remonter de promenade et une banderole portant les mots « matons assassins » a été déployée dans la cour de promenade peu après la publication du communiqué dans lequel des prisonniers de Seysses criaient leur détresse ; la seule réponse de Belloubet, ministre des tribunaux et des prisons de l’époque, a été de déclarer à la presse qu’elle condamnait « ces allégations » et se réservait le droit de porter plainte contre ceux qui les relayaient. Même pas peur… Pas question de passer sous silence le régime de terreur qui fait peser une menace mortelle sur la tête des prisonniers de Seysses. Manifestement visée, L’Envolée avait même encouragé la ministre à porter plainte… Un procès, c’est l’occasion en or de cuisiner à la barre les surveillants incriminés par tous les témoignages !
En effet, tous les prisonniers qui décident de témoigner parlent invariablement de la même équipe, celle du mitard ou quartier disciplinaire – ce lieu clos, à l’abri de tous les regards, où règne la peur. Ils décrivent souvent les mêmes faits : amenés au quartier disciplinaire, ils y ont subi une prise qui leur a fait perdre connaissance – sans doute une des techniques de pliage mortelles enseignées à l’école de police… et aussi aux surveillants. Certains racontent qu’ils se sont ensuite réveillés nus, couverts de sang et d’hématomes, et qu’il ne leur a pas été permis de voir un médecin malgré leurs nombreuses demandes. Certains sont terrorisés au point de dire qu’ils ont « une chance sur deux » de sortir vivants du mitard ; c’est dur à entendre… et encore plus dur à vivre.
Marre de cette impunité, marre que la voix des enfermés soit toujours réduite au silence… Voici quelques extraits des innombrables témoignages de prisonniers de Seysses sur le mitard et ce qui s’y passe.
Ma femme connaît la femme de Jules : il l’a appelée trois fois pour dire qu’ils l’avaient mis à nu et qu’ils l’ont defoncé. Au final, elle a essayé de rappeler, et plus de nouvelles. Ils l’ont démonté, mais il s’est pas pendu, parce qu’avant la dinguerie, il était au téléphone avec sa femme. Il faut pas lâcher, il faut que sa famille porte plainte.
Je suis resté longtemps à Seysses, ils ont failli me tuer. Ils ont tout fait pour me traîner aux isolés, ils m’ont fait une prise de sommeil ; je me suis réveillé au quartier disciplinaire, à poil – obligé de mettre le feu pour sortir.
J’étais à Seysses en 2009, je suis allé au mitard ; ils m’ont tabassé, ils m’ont mis à poil avec les menottes aux mains et aux pieds, j’avais des bleus partout. Même le médecin – obligatoire –, ils me l’ont pas fait voir. Ils font ce qu’ils veulent. Les surveillants nous mettent à l’amende. Faut pas lâcher la famille de Jules. Il faut qu’ils payent tout ce qu’ils font.
J’ai été à Seysses, ils ont tué Jaouad. J’ai vu plus d’un collègue rentrer au cachot, mais j’en ai pas vu beaucoup ressortir. La loi du mitard et celle du bâtiment n’ont rien à voir. On sait tous ce qui se passe au bâtiment disciplinaire : ils maquillent tout en suicide. Faut que la vérité sorte. Maintenant trop de frangins sont morts. C’est pire que l’omertà : tous complices, tous du sang sur les mains. J’ai fait trois ans au MAH 2 [bâtiment 2 de la maison d’arrêt des hommes] : y a pas de règles pour eux.
Je suis sorti de Seysses le 8 décembre, c’est une prison où tu te lèves le matin et tu sais pas comment tu vas finir ta journée. Les surveillants sont très solidaires entre eux et camouflent beaucoup de choses. J’ai vu des mecs partir au mitard en mode avion et se faire éclater. J’étais auxi d’étage, et tu vois beaucoup plus de choses que les détenus qui taffent pas.
Ils m’ont fait pareil à Seysses. Ils m’ont écrasé la tête, j’ai perdu connaissance. Fallait pas que je meure ; je pensais à mon fils quand ils m’écrasaient la tête à coup de Rangers sur le sol en béton. Pour tous les morts et tous les disparus, il faut le dénoncer.
Mon beau-frère aussi a été retrouvé pendu au mitard. On a porté plainte… trop de trucs bizarres. On a même pas pu récupérer les affaires, elles avaient disparu.
Moi aussi, j’étais à Seysses. À l’époque, ils ont dit qu’un jeune s’était suicidé : il avait les côtes cassées.
Une année, à Seysses, après un refus de réintégration de cellule, je finis au mitard. Le deuxième soir, on entend un gadjo qui arrive en criant en rebeu de toutes ses forces ; on entend la serrure se refermer, et tandis que les matons s’arrachent, on continue d’entendre crier cet homme – qui devait être sans-papiers, donc personne à qui rendre des comptes –, puis d’un seul coup, on entend l’ouverture de la cellule et un brouhaha, un enchaînement de cris et de coups, puis plus un mot, puis la fermeture de la cellule. Je m’en souviendrai toute ma vie. Le lendemain matin, on nous fait sortir du mitard – nous étions deux ou trois à ce moment-là, sans compter le blédard – et là, dans le couloir, un sac mortuaire rempli… On nous a fait sortir du mitard en avance, juste au moment où les gengens arrivaient pour constater la mort de ce Monsieur. Seysses est la prison de France où il y a le plus de suicides… maquillés !
Mon cousin aussi, à Seysses, il s’est soi-disant pendu au mitard, alors que les légistes ont relevé des bleus sur tout son corps. Il lui restait plus beaucoup à faire, il avait des enfants à l’extérieur… aucune raison pour lui de se pendre, vraiment. Faudrait se rassembler pour faire quelque chose à chaque décès, ou pousser un coup de gueule. Il faudrait vraiment aller plus loin dans les démarches. Courage aux familles pour tout ce qui se passe par là… Je sais que c’est dur.
Solidarité avec les prisonniers de la Maison d’Arrêt de Seysses et les proches de Jules ! On lâchera pas l’affaire.