Catégorie : Textes de L’Envolée

  • A Foix aussi, la justice envoie des Gilets jaunes en prison pour tuer le mouvement !

    Ce mercredi 2 janvier, le tribunal de Foix (09) faisait comparaître deux hommes de 25 et 30 ans, pour dégradation avec incendie au péage de Pamiers et « occupation non appropriée du domaine routier » dans la soirée du 31 décembre.

    Au vu du casier non vierge des deux prévenus, l’avocat de la défense Me Baby leur a conseillé d’accepter la comparution immédiate, estimant qu’il pouvait « faire appel à l’humanité du tribunal » pour leur éviter l’incarcération immédiate (mandat de dépôt).

    Autant pisser dans un violon…

    « Que l’on s’estime innocent ou coupable, il vaut mieux refuser la comparution immédiate. Être jugé tout de suite, à chaud, c’est courir le risque de prendre une peine « pour l’exemple », et se priver de l’aide d’avocats capables de défendre correctement le dossier – ne serait-ce que parce qu’ils auraient eu le temps de le lire. » Des gilets jaunes face à la justice…de classe

    Les deux prévenus sont précaires, l’un travailleur pauvre sans logement et l’autre intérimaire, et le tribunal ne va pas se priver de s’appuyer lourdement sur ce qu’il appel le « profil des accusés ». Ils ont tous deux quelques condamnations à leur casier pour larcins ou conduite sans permis. Procureur comme juge insistent en chœur sur « le niveau ras-des-pâquerettes des prévenus ». Ce à quoi un des deux rétorquera en fin d’audience « nous ne sommes pas des bêtes, nous ne nous arrêtons pas de penser ».

    La trentaine de soutiens dans la salle ne se montre pas révérencieuse face au tribunal et n’hésite pas à réagir. Une femme de l’assistance se fait sortir pour avoir répondu aux dires du procureur que l’usage du flashball était également une atteinte à la sécurité des personnes.
    Le procureur demande une peine de 8 à 9 mois de prison ferme pour les deux gilets jaunes.
    La défense n’était certes pas facile, les deux hommes ayant reconnu et raconté en détail les faits en garde à vue ; pour l’un d’entre eux après s’être fait mettre la pression par la police pour ne pas faire plonger son camarade seul.

    L’avocat opte pour une défense politique avec un discours sur la casse comme « moyen pour se faire entendre », n’hésitant pas à évoquer les faucheurs d’OGM ou même la ZAD de Notre-Dame-des-Landes comme exemple. Les derniers mots de l’avocat n’auront pas convaincu le tribunal : « donnez le message ferme qui convient, mais laissez la place à l’humanité » pour « laisser les condamnés retourner chez eux » . Raté !

    Les deux gilets jaunes ont été incarcérés mercredi soir, avec pour peine 3 mois de prison ferme et 6 mois de sursis avec obligation de travailler, plus 150 euros d’amende chacun. Encore une fois, la comparution immédiate a entraîné une condamnation sévère et envoyé les condamné dormir en prison.

    Solidarité avec les prisonniers et leurs proches et renforçons nos réflexes de défense avant, pendant et après les actions !

    Exemple de conseils de précautions avant les manifs ou blocage : Conseils contre la répression

    Pour  s’en sortir au mieux et ne pas aggraver son cas en garde à vue : Brochure GAV
    A propos de son téléphone, ce mouchard quand on est entre les mains de la police : Code PIN en GAV décryptage

     

  • DES GILETS JAUNES FACE A LA JUSTICE… de classe

    « Si vous le saviez, pourquoi vous y rendre ? » un procureur parmi d’autres.

    Un gouvernement qui ne parvient pas à écraser un mouvement de  contestation dans l’œuf dispose de plusieurs outils pour le circonscrire et l’étouffer s’il menace de tenir, voire de s’étendre. Au bout de cette chaîne répressive, il y a les tribunaux. La ministre de la Justice Nicole Belloubet, en visite au tribunal de Paris au lendemain de la manifestation du 1er décembre, avait demandé aux magistrats une réponse pénale « tout à fait ferme » à l’encontre des prévenus. C’est pourquoi il est très important de soutenir les inculpés, notamment par la présence aux procès. C’est bien sûr une solidarité nécessaire, mais surtout, c’est un moment de la lutte à part entière ; et c’est particulièrement vrai dans le mouvement actuel.

    En effet, une des particularités de ce mouvement, c’est qu’une grande partie des gens qui descendent dans la rue n’ont jamais eu affaire à la justice et ignorent bien souvent tout ou presque de son fonctionnement. Et comme ce ne sont pas des bourgeois, ils subissent de plein fouet la violence de classe qui s’exerce quotidiennement dans les tribunaux ; en particulier dans les comparutions immédiates qui pratiquent une justice d’abattage. Ils n’ont ni les connaissances juridiques et les stratégies qu’apprennent et échangent les « habitués » des tribunaux et des prisons… ni le langage et les attitudes légitimes – et l’aide d’un bon avocat payé en conséquence – qui tendent à adoucir la sentence pour les bourgeois. Chacun sent bien qu’il va sans doute falloir faire profil bas, s’excuser, regretter… mais ça ne suffit pas pour se défendre.

    Nous publions ici quelques observations générales sur des audiences auxquelles nous avons assisté – comme toujours avec l’institution judiciaire qui s’ingénie à tout individualiser, il n’y a pas de vérité absolue, ce qui n’empêche pas de dégager certaines tendances – suivies de comptes rendus d’audiences d’ici et d’ailleurs.

    En assistant aux procès, chacun et chacune peut tenter d’analyser et de publiciser les postures et les réflexes qu’adoptent les juges dans la période actuelle : les chefs d’inculpations choisis, le genre de défense à laquelle s’attendent les procs, le montant des réquisitions pour tel ou tel acte… ces éléments peuvent permettre de renforcer les stratégies de défense des prévenus, et donc le mouvement lui-même.

     Des GAV par milliers

    Selon les chiffres officiels recoupés ici et là dans un article paru sur Bastamag.net le 10 décembre, il y avait déjà eu à cette date plus de 3300 arrestations dans le cadre de ce mouvement. Si toutes n’ont pas conduit à une garde à vue (GAV), ça a été le cas dans l’immense majorité. Plusieurs milliers de personnes ont fait l’expérience de la plus courte des peines de prison : vingt-quatre, quarante-huit heures ou plus (pour cause de micmacs sur les PV pour réguler les flux dans certains commissariats) entre les mains de la police.

    Cette situation très désagréable – surtout la première fois – conduit beaucoup de personnes interpellées à parler, à répondre aux policiers… belle occasion de charger un dossier qui souvent ne contenait jusque-là qu’un procès-verbal d’interpellation. Ne pas répondre, ou nier les faits, est un droit que beaucoup ignorent. Il faut le faire savoir au maximum : contrairement à ce que disent invariablement les policiers, moins on parle, moins on s’expose – que l’on se pense innocent ou que l’on se sache coupable.

    Une bonne partie des GJ gardés à vue est ressortie après un simple « rappel à la loi » parce que malgré tous leurs efforts, les OPJ n’avaient pas réussi à trouver de quoi constituer une infraction à poursuivre. Ça a été le cas de la plupart des gens qui ont été arrêté de manière préventive juste parce qu’ils étaient « équipés » (de masques, de cache-cols, de sérum physiologique), ou parce qu’ils sont arrivés en groupe à un endroit où les « forces de l’ordre » étaient particulièrement zélées ; le but de ces arrestations étant avant tout d’assécher les rassemblements du jour et de dissuader ceux et celles qui voudraient se rendre aux suivants.

    Refuser la comparution immédiate

    « Plus de 1200 personnes auraient été déferrées devant la justice depuis le début du mouvement. Par comparaison, c’est désormais davantage que lors de la contestation contre la loi Travail, de mars à juin 2016 sous le mandat de François Hollande, mouvement au cours duquel 753 personnes avaient été poursuivies » (source : bastamag.net).

    Celles et ceux qui ne sortent pas avec un rappel à la loi sont donc « déféré.e.s », c’est-à-dire qu’ils et elles comparaissent devant un juge pour répondre des « éléments » qu’il y aurait dans le dossier. Ça peut être la déclaration d’un flic concernant l’interpellation, des images de vidéosurveillance « exploitables », un aveu du prévenu, un simple texto dans son portable, une vidéo dans le téléphone d’un autre manifestant arrêté, ou encore « une preuve matérielle » : un gant troué, une pierre dans la poche, etc. C’est à ce moment-là que le juge propose au prévenu, soit d’être jugé tout de suite en « comparution immédiate », soit de demander à être jugé plus tard pour préparer sa défense.

    Que l’on s’estime innocent ou coupable, il vaut mieux refuser la comparution immédiate. Être jugé tout de suite, à chaud, c’est courir le risque de prendre une peine « pour l’exemple », et se priver de l’aide d’avocats capables de défendre correctement le dossier – ne serait-ce que parce qu’ils auraient eu le temps de le lire.

    Lorsqu’on refuse la comparution immédiate, le juge est dans l’obligation de donner la date à laquelle on sera de nouveau convoqué. La question est de savoir si on attendra cette date en prison ou dehors. Pour en décider, le tribunal examine les « éléments de personnalité », c’est-à-dire des informations sur le travail, le revenu, le domicile… pour déterminer, d’une part, si l’institution judiciaire est assurée de retrouver le prévenu le jour de son procès et, d’autre part, dans la période actuelle, s’il risque de retourner en manif d’ici là.

    Lorsque l’on voit un avocat en GAV, il faut donc lui demander de contacter quelqu’un qui pourra lui faire parvenir des « garanties de représentation » : fiche de paye, avis d’imposition, facture prouvant la domiciliation, déclaration d’une association, etc.

    Comme beaucoup de prévenus arrêtés pendant ce mouvement travaillent ou suivent une scolarité et ont une famille ou une vie considérée comme suffisamment stable aux yeux des juges, ils ont été nombreux à être libérés dans l’attente de leur procès – mais toujours avec l’interdiction de manifester, et de se rendre à Paris pour les non-parisiens de banlieue et d’ailleurs, le tout assorti d’un contrôle judiciaire plus ou moins strict, c’est-à-dire une obligation de pointer au commissariat ou à la gendarmerie de sa commune entre une et trois fois par semaine.

     En comparution immédiate

     Malheureusement, très peu de gens refusent la comparution immédiate – tout le monde ne sait pas que les peines y sont souvent plus lourdes, et puis il y a toujours la pression des policiers qui font croire qu’en cas de refus on part forcément en détention préventive… mais surtout, l’envie d’en finir au plus vite, l’illusion qu’on en sera quitte avec une GAV et un rappel à la loi.

    C’est faux, mais dans ce mouvement ça marche à fond, d’autant que les interpellés viennent très souvent de loin pour manifester à Paris et qu’ils ont envie de rentrer chez eux. Ils reculent devant la perspective d’avoir à revenir pour un procès dans plusieurs semaines, alors qu’ils n’auront sans doute ni le temps ni l’argent.

    Tous les prévenus – à de très rares exceptions près – des comparutions auxquelles nous avons assisté étaient poursuivis pour le désormais fameux « groupement en vue de commettre des dégradations ou des violences ». C’est devenu une sorte de socle commun pour ce mouvement, et pour cause : c’est un chef d’inculpation très très très pratique, puisqu’il permet au juge, quand il fait mine de vouloir reconstituer les faits, ainsi qu’au procureur dans son réquisitoire contre l’accusé, de mettre l’accent, soit sur le caractère collectif (groupement), soit sur l’intention (en vue de), soit sur les lieux où la personne est arrêtée (un endroit où des dégradations ou des violences ont été commises). Ce cocktail permet à la cour de poser des questions de tous types et cette succession de questions parfois anodines donne souvent l’illusion qu’elle cherche simplement à « établir la vérité », à « bien comprendre ce qui s’est passé », « ce que faisait l’accusé » etc. En réalité, le juge est en train d’accumuler en direct les charges suffisantes pour justifier la sentence que le procureur va requérir… alors même que le dossier monté par la police en GAV est la plupart du temps vide.

    « En vue de » : gare aux intentions

     Dans les procès auxquels nous avons assisté dans le néo-palais de justice de Paris, suite aux manifestations des 1er et 8 décembre, les magistrats ont invariablement commencé par demander pourquoi le prévenu était allé manifester et si c’était la première fois, pour vérifier si la personne était un « authentique Gilet jaune ». Ils se sont largement fondés pour cela sur sa profession et son salaire : pour les juges et les procureurs –pour certains avocats aussi d’ailleurs– le Gilet jaune travaille – mais il est précaire, artisan, ou exerce une profession indépendante. Il a des raisons de manifester… mais ce n’est pas un militant ; et puis, surtout, il n’a jamais été condamné auparavant – sauf, à la limite, pour un délit routier.

    S’il a un casier judiciaire, il bascule immédiatement dans la catégorie haïe du « délinquant d’opportunité » : il s’est glissé dans la manifestation pour profiter du chaos, piller et attaquer la police, et ses gestes n’ont rien à voir avec la colère – éventuellement – légitime des « authentiques Gilets jaunes ». Juges et procureurs sont rassurés de retomber sur leur gibier quotidien, et ils n’en sont que plus féroces et se permettent même de tancer le désigné « casseur » au nom de la crédibilité du mouvement. En bons bourgeois qu’ils sont, ils savent que l’ordre social repose en partie sur leur travail, qui consiste essentiellement à distinguer les bons pauvres des mauvais. Plus tu as chuté dans l’échelle sociale, plus tu as fait de prison, plus tu es paumé, moins tu mérites ta place dans ce mouvement de contestation. Comme toujours, si tu as fait de la prison, tu retourneras en prison, quant bien même elle serait directement responsable de ta misère actuelle.

    Passer l’examen d’« authentique Gilet jaune » avec succès ne suffit pas pour autant à laver le prévenu de toute « intention » malveillante. Elle peut s’être nichée dans un texto du genre : « Debout les amis, il est 5 heures, on monte à Paris, c’est la révolution. » Ou dans le matériel dont s’est équipée la personne : les protections témoignent de l’intention de se rendre dans un endroit où il y aura des gaz, « si vous le saviez, pourquoi vous y rendre ? » De même que ramasser une balle de flashball ou une grenade qu’on a reçue indique l’intention de la renvoyer sur les forces de l’ordre, etc.

     « Le groupement » : gare aux autres

     En gros, pour le proc, on n’est jamais « là par hasard » : si des gens cassent des vitrines ou jettent des cailloux sur les « forces de l’ordre » là où on est, c’est comme si on le faisait soi-même. En gros, notre présence, notre regard sur la scène (encore plus si nous la filmons) nous en rend complice.

    Le « groupement » peut être constitué dès lors qu’une vidéo montre le prévenu à proximité d’un groupe en capuches – qu’ils soient en train de dégrader quelque chose ou pas à ce moment-là. Il peut même être constitué grâce à une vidéo saisie dans un téléphone pour peu qu’on s’y adresse à un autre manifestant. Dans le cas où aucune image exploitable n’est disponible, le juge demande d’une voix rassurante : « Je cherche à bien comprendre ce que vous avez fait, donc dites-moi : quand vous êtes arrivés, il y avait des gens qui cassaient ? » ; et le prévenu répond, pensant que sa sincérité le protègera : « Oh oui, c’était vraiment le bordel ! Il y en a qui cassaient, mais pas moi ! » Le juge a réussi son coup : la personne a reconnu qu’elle s’est trouvée en compagnie de « casseurs ». Et un groupement de plus !

    Lorsqu’il n’y a vraiment rien dans le dossier, le juge peut s’appuyer sur un « PV d’ambiance » pour constituer le fameux délit de « groupement ». Ce drôle de truc, parfois aussi appelé « PV de renseignement », est un ramassis de considérations d’un agent X sur la situation dans un périmètre donné à un moment donné. Ce PV d’ambiance peut d’ailleurs remonter à deux ou trois heures avant l’arrestation.

    Enfin, il peut y avoir groupement même si la personne a été interpellée alors qu’elle rejoignait sa voiture avec un groupe d’amis, par exemple. Le juge demande d’ailleurs souvent si la personne est venue seule à la manifestation ; et si elle était accompagnée au moment de son arrestation.

    Bref, le « groupement « est LE chef d’inculpation fourre-tout qui permet l’arrestation et la condamnation de masse.

    Néanmoins, les seules relaxés ont été ceux qui ne devaient répondre que de ce seul chef d’inculpation. Certains avocats et avocates ont d’ailleurs bien compris qu’il faut le démonter à toute force et mettre à jour qu’il n’est rien d’autre qu’une remise en cause radicale du droit de manifester.

    Quant aux prévenus qui avaient en plus de ce chef d’inculpation des violences contre agent (avec ou sans dépôt de plainte de l’agent en question), des outrages, des vols ou du recel de marchandise volée, des dégradations de biens – sur la base de flagrants délits, d’aveux en GAV ou de vidéos (parfois filmées par eux-mêmes ou par leurs amis), ils ont tous été condamnés à des peines de prison. Assorties de sursis, ou même à du ferme, avec mandat de dépôt ou non, toujours selon les « personnalités ».

    Nous attendons d’avoir des retours de la part de ceux qui ont été incarcérés pour développer la question de la prison suite à ce mouvement.

    Nous vous invitons à vous rendre dans les tribunaux, à prendre des notes et à échanger avec les autres personnes présentes dans la salle, notamment si les familles des accusés sont là ; vous pouvez renvoyer vers et imprimer ces conseils :

    Quelques conseils pour se protéger en manifs et ailleurs

    SORTEZ COUVERT-E-S : se protéger en GAV

    Que faire quand un-e proche est incarcéré-e ?

     Vous pouvez envoyer comptes rendus de procès, commentaires, questions, informations sur d’éventuels comités de soutien et contacts de prisonniers qui voudraient des coups de main à :

    contact@lenvolee.net

    Twitter : @anticarceral

    Vous pouvez lire ci-dessous certains des comptes rendus des procès auxquels nous avons assisté ainsi que des compte rendus publiés sur différents sites collaboratifs d’informations

    A Toulouse :

    Retour sur les comparutions immédiates du lundi 10 décembre suite à l’acte IV

    Retour sur les comparutions immédiates suite à la journée de samedi 1er

    A Tours :

    Manifestation du 1er décembre : deux personnes condamnées à de la prison ferme et incarcérées

    A Marseille :

    Point sur répression depuis le 1er décembre

    Boucherie au tribunal : communiqué de la Legal Team sur les audiences du 10/12

    A Lyon :

    Comparutions immédiates du lundi 10 décembre 2018

    A Saint-Etienne :

    Rassemblement de soutien aux récent.e.s inculpé.e.s devant le palais de justice

    3 mois fermes pour vol : bilan des premiers procès de samedi

    A Avignon :

    A Paris :

    Appel à aller au TGI de Paris ces lundi 17 et mardi 18 décembre à partir de 13h30

    « A ce rythme-là, vous allez pouvoir mettre toute la France en comparution immédiate » – Récit de deux après-midi au TGI de Paris

    Réveillon au TGI des Batignolles, compte-rendu de compa le 24 décembre

    Témoignage d’une mère d’un Gilet jeune condamné à Paris

    Comptes-rendus d’audiences de comparutions immédiates consécutives à la manifestation des gilets jaunes du 1er décembre.

    Lundi 3 décembre, salle 6.04, de 14 à 20 heures, par M.

    Il y a pas mal de journalistes, comme on pouvait s’y attendre. La juge offre un beau numéro de condescendance de classe, enchaînant blagues et petites vannes aux prévenus qu’elle ne considère visiblement pas comme de mauvais bougres ; ça ne l’empêchera pas de les laminer au moment du verdict. Une heure après le début des audiences, la mairie de Paris fait parvenir à la cour une note dans laquelle elle dit qu’elle se constitue partie civile dans toutes les affaires ; demande finalement rejetée au motif que les parties civiles doivent se constituer nommément pour chaque affaire.

    Presque aucun prévenu ne l’est pour des faits caractérisés. La plupart comparaissent pour « participation à un groupuscule en vue de commettre des violences contre des biens ou des personnes », ou parce que les flics ont trouvé sur eux du matériel de défense : des gants, un plastron de moto, des genouillères, du sérum phy, des masques à peinture Casto, des lunettes de piscine, etc. Plusieurs ont été arrêtés avant d’arriver sur les lieux ; leur « participation » devient donc une « intention de participer » -ce qui ne changera rien aux peines distribuées.

    Parmi les inculpés de cette après-midi beaucoup ont déjà un casier judiciaire : conduite sans permis, accident de voiture, détention de shit. Tous les prévenus viennent de banlieue ou ailleurs en France mais aucun de Paris : Toulon, la Nièvre, l’Essonne, les Ardennes, St-Germain-en-Laye, le Blanc-Mesnil. Ils sont ouvriers ou artisans : deux maçons, deux tourneurs-fraiseurs, un soudeur, un inspecteur qualité, un cariste, un forgeron, un mécanicien, un technicien élec et un préparateur de commandes. L’un d’entre eux a fait la guerre du Kosovo, un autre est un ancien militaire condamné pour désertion. Il y a aussi un fils de flic. La plupart insistent sur le fait qu’ils n’ont rien contre la police, qu’ils ne sont ni d’extrême gauche, ni d’extrême droite, qu’ils n’avaient jamais fait de manif jusque-là, qu’ils condamnent les « casseurs ». Ils disent qu’ils ont bien retenu la leçon et n’iront plus jamais en manif.

    R. est accusé d’avoir participé à un « groupement » alors qu’il a été arrêté à 10h50 -avant de rejoindre la manif-, ainsi que d’avoir apporté un plastron, des gants et un casque de moto. Déjà condamné pour violences et conduite sans permis, il prend quatre mois de sursis et une interdiction de séjour à Paris de huit mois.

    S. : Les flics ont trouvé sur lui un casque de vélo qui viendrait du Décathlon pillé. Déjà condamné quand il était mineur pour incendie et vol de voiture, il prend trois mois avec sursis.

    J., D., G., M. et F. sont eux aussi accusés d’avoir participé à un « groupement » -alors qu’ils ont été arrêtés à 10h30, en descendant de leur voiture-, d’avoir été équipés de sérum physiologique, de lunettes, de masques à peinture, de gants et de petits pétards tout à fait légaux. L’un d’eux, qui a déjà un casier (suite à un accident de voiture), n’est pas éligible au sursis. Il prend trois mois ferme sans mandat de dépôt. C’est la plus grosse condamnation de l’après-midi ; il va faire appel. Les deux qui avaient des pétards sur eux prennent huit mois avec sursis, les deux qui n’en avaient pas en prennent quatre. Tous sont interdits de séjour à Paris pour un an. 

    J. est accusé d’avoir lancé un morceau de macadam sur les flics. Heureusement, lui n’accepte pas la comparution immédiate (c’est le seul). Il passera le 10 janvier à la 23e chambre correctionnelle, salle 3. D’ici là, il est placé sous contrôle judiciaire avec obligation de maintien à domicile (sauf pour se rendre au travail ou à un rendez-vous médical) ; interdit de séjour à Paris, il doit aller pointer toutes les deux semaines.

    F. est accusé d’avoir  participé à un « groupement« , d’avoir un sweat à capuche et des gants. Il est relaxé.

    A. a été arrêté à Bastille. Les flics l’ont fouillé alors qu’il descendait prendre le métro, et il avait un masque à gaz NRBC. Il est accusé de port d’arme de 1e catégorie, parce que c’est du matos militaire. Il est condamné à huit mois de sursis, avec interdiction de porter une arme -toutes catégories confondues- et de venir à Paris pendant un an.

    F. est accusé d’avoir participé à un groupement, d’avoir déplacé une barrière mobile et fait des pochoirs sur les murs. Il s’est pris des coups de matraque : cinq jours d’ITT, il a le visage complètement contusionné. Dans le PV d’interpellation, le flic précise qu’il ne fait pas partie des individus qui s’en sont pris à eux. Il est condamné à six mois de sursis et 500 euros d’amende pour les pochoirs « Marche ou crève », et huit mois d’interdiction de Paris.

    Mardi 4 décembre, salle 6.04, de 14 à 20 heures, par S.

    Aucun des prévenus âgés de 22 à 40 ans ne viennent de Paris : Jura, Alsace ou grande banlieue (Seine-et-Marne). Tous intérimaires ou chômeurs alors qu’ils ont un bac pro ou technique, ou le niveau BTS. Des déclassés des classes moyennes tombés dans la galère alors qu’ils ont fait tout ce qu’il fallait pour trouver un taf. Aucun n’est poursuivi pour violences. Juste parce qu’ils étaient présents avec du matériel (principalement défensif : lunettes, sérum physiologique, masques, gants), ils sont accusés d’avoir « participé sciemment à un groupement formé même de façon temporaire en vue de commettre des dégradations » et tout le blabla… un fourre-tout sorti de la dernière loi sécuritaire. Plus besoin d’actes de dégradation ou autres pour poursuivre : on juge une intention comme aux beaux jours de la loi anticasseurs. Petite modernization toutefois : les portables ont été analysés, et les textos ont valeur de preuve -à charge !

    Arrêté à 19h50 avec du matos défensif et une fronde, le premier prévenu ne connaît personne à Paris. Il a acheté un blouson 30 balles après l’attaque d’un magasin, alors on lui colle une poursuite pour recel. Relaxé pour le port d’arme, il prend douze mois dont six avec sursis sans mandat de dépôt et une interdiction de se rendre à Paris pendant un an.

    Le deuxième a été arrêté près de la Concorde à 17h25 alors qu’il traversait la place en courant ; les flics l’ont bloqué, ont fouillé son sac et trouvé le matos classique. Dix mois dont six avec sursis sans mandat de dépôt. Même s’ils sont aménageables, c’est 4 mois ferme quand même !

    Un troisième prévenu a été arrêté à 19 heures alors qu’il était arrivé sur Paris à 16 heures. Comme il ne connaissait personne, il a suivi un groupe et s’est retrouvé près du Palais des congrès –dont le directeur a porté plainte. Accusé d’avoir conduit un Fenwick, il est poursuivi pour le vol d’un engin de chantier avec lequel il aurait tenté de forcer les portes du bâtiment. Des vidéos le montrent bien à côté de l’engin, mais lui déclare qu’il a au contraire actionné le frein à main pour arrêter l’engin. Il avait 3 cailloux dans sa poche. Six mois avec sursis, et six mois d’interdiction de séjour à Paris.

    C’est ensuite au tour d’un gars venu d’Alsace avec un pote pour “voir de ses yeux”. Impressionnés par le speed de ce qui se passe autour, ils sont entrés dans un rade pour suivre le reste à la télé et se sont un peu bourré la gueule… sorti du rade, le mec passe un coup de bigo à sa copine, adossé à une vitrine. Enervé, il fout un coup de semelle dans la vitrine qui était déjà fêlée. À l’intérieur, le gérant appelle les condés qui le suivent, lui et son pote ; ils sont arrêtés quand ils sont en train de chercher un hôtel. Le gérant n’est pas présent à l’audience et ne s’est pas porté partie civile. Soixante jours amendes à 5 euros.

    Venu du Jura avec des potes, le cinquième à comparaître a dormi la veille chez sa mère avant de se retrouver à la manif. Il se mange une accusation de recel parce qu’on a trouvé sur lui des bouteilles d’alcool à son arrestation près d’un magasin Nicolas pillé. Sa GAV ne lui a été notifiée qu’à 23h25 alors qu’il a été arrêté à 20 heures. Le proc soutient qu’il a été arrêté à 23h25, parce qu’à cette heure-là, ça pétait dans le coin. Il prend trois mois avec sursis pour le recel des bouteilles. Il n’a pas participé à la manif mais exprime le désir de rencontrer les gens: il a acheté les bouteilles pour les partager, car “il aime les gens”. Visiblement ce n’est pas le cas du proc !

    Dans l’ensemble, le proc a eu la main lourde: il a plusieurs fois demandé de la prison ferme avec mandat de dépôt.

    Et si, la plupart du temps, il n’y a pas eu de mandat de dépôt et que ça semblait soulager les prévenus, il ne faut pas se faire d’illusion : c’est un peine ferme. D’une part ce n’est pas sure qu’elle soit aménagées et donc les accusés la feront peut être en prison ; et même si elle est aménagée, ils la feront, d’une autre manière mais ils la feront et cela pèsera dans leur vie.

    D’autre part, à l’échelle collective le fait de multiplier le ferme sans mandat de dépôt, ajoute un barreau intermédiaire à l’échelle des peines entre le sursis et le ferme ; ce qui veut dire que souvent, là où un proc aurait requis du sursis, il requiert du ferme.

    Les prévenus semblaient aussi accusés de soutenir le mouvement : plusieurs fois, un assesseur a demandé : « Et maintenant, quelle est votre position par rapport au mouvement ? ». Tous ont dit regretter, ne plus être solidaires, et qu’ils allaient suivre la suite à la télé. On peut constater que la zone « sécurisée » des Champs a eu une double fonction : contenir les manifestants tout en maintenant l’illusion du « droit fondamental de manifester », mais aussi servir d’indicateur de la volonté d’en découdre. Le proc a dit plusieurs fois: « Mais autour de vous, vous les voyiez, les violences… Vous auriez dû partir ! Si vous étiez un manifestant pacifique, vous auriez dû vous trouver dans la zone sécurisée. » Deux journalistes, dont une qui bosse à Radio France : « Non, mais c’est la récré : des frondes, des masques à gaz… -Le procureur à raison : c’est pas une manif, c’est l’émeute ! -La police a raison de mettre de l’ordre. »

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  • Communiqué de L’Envolée : Les prisonniers de Seysses ont raison !

    Communiqué de L’Envolée : Les prisonniers de Seysses ont raison !

    Samedi 14 avril 2018, J. est mort au mitard de la prison de Seysses. Il aurait été retrouvé pendu par les surveillants au moment de la distribution du repas du soir. Le 20 avril, nous relayions un communiqué envoyé par des prisonniers de cette maison d’arrêt au Syndicat pour la Protection et le Respect des Prisonniers (Syndicat PRP) avec qui nous travaillons étroitement et en qui nous plaçons une totale confiance. Ce communiqué remet en cause la version officielle, affirme que J. est mort suite à un déferlement de violence des matons à son encontre et témoigne des terribles conditions de détention à Seysses, en particulier au quartier disciplinaire.

     

    LES PRISONNIERS DE SEYSSES
    ONT RAISON !

    Communiqué de L’Envolée, dimanche 22 avril 2018

    C’est avec une certaine surprise que nous avons pris connaissance des déclarations de la Garde des sceaux dans les médias et du communiqué de son ministère le jour même de la publication de cette lettre. Pendant une semaine elle avait pourtant brillé par son silence alors que, dès l’annonce du prétendu suicide de J., des centaines de prisonniers de la maison d’arrêt de Seysses conduisaient durant plusieurs jours un mouvement de protestation (refus de remontée de promenade malgré l’intervention des ERIS, « Matons, assassins ! » hurlé aux fenêtres, déploiement d’une banderole dans la cour de promenade…) et que des manifestations de colère éclataient dans des quartiers de Toulouse.

    Il y a un suicide tous les trois jours en prison. Il n’y a pas pour autant un mouvement de prisonniers tous les trois jours. Rappelons aussi que les prisonniers qui se soulèvent, qui témoignent, qui s’expriment prennent énormément de risques : sanctions disciplinaires, diminution des jours de remise de peine, suppression de parloir, pression du personnel pénitentiaire, fouilles administratives, transferts, etc. Cela aurait dû suffire à la ministre pour considérer avec le plus grand sérieux leur exigence de vérité. Mais il a fallu qu’un communiqué de prisonniers commence à circuler massivement sur les réseaux sociaux et soit repris par les médias pour qu’elle daigne enfin réagir. Et de quelle glorieuse manière !

    Qu’elle ait à cœur d’inquiéter les témoins de cette mort plus que suspecte ainsi que ceux et celles qui la relaient plutôt que d’établir la vérité sur ce qu’il s’est véritablement passé pour J. le 14 avril 2018, alors qu’il était placé sous sa responsabilité, pourrait prêter à rire si ce n’était pas si indécent dans d’aussi dramatiques circonstances.

     

     

    Il va de soi que nous nous sentons – avec d’autres – directement visés quand elle envisage des « poursuites » contre les relais de ce qu’elle nomme des « allégations ». Nous assumons bien évidemment notre position de relais puisque c’est précisément notre raison d’être depuis la création de l’Envolée en 2001 par des anciens prisonniers et proches de prisonniers. Chaque semaine dans notre émission de radio et chaque trimestre dans notre journal, nous tâchons de donner de l’écho à la parole des prisonniers et prisonnières, qui sont les seuls à qui nous reconnaissons la légitimité de dire ce qu’il se passe derrière les murs. Le site Internet poursuit ce travail au fil de l’actualité.

    Ce ne serait pas la première fois que le ministère des prisons et des tribunaux et l’administration pénitentiaire tentent de nous empêcher définitivement de jouer ce rôle de porte-voix en nous attaquant pour diffamation. Il leur faudrait donc démontrer que les « allégations » dont ils accusent les prisonniers sont fausses. Tout ce qui nous importe dans cette histoire tragique, c’est que lumière soit faite sur ce qu’il se passe quotidiennement au quartier disciplinaire de Seysses et particulièrement sur ce qui a conduit à la mort de J. le 14 avril. C’est aussi tout ce qu’exigent les prisonniers qui, eux, ont toutes les raisons de s’inquiéter pour leur propre sécurité.

    Nous savons les pressions et les sanctions qu’ont déjà subies plusieurs prisonniers, et la traque menée par l’administration pour tenter d’identifier par tous les moyens des « responsables ». Les manifestations de révolte à l’intérieur de la prison et dans plusieurs quartiers populaires de Toulouse démontrent pourtant suffisamment que les dites « allégations » ne sont pas le fait de quelques responsables, ni d’une quelconque « rumeur », mais bien la conviction largement partagée que J. ne s’est pas pendu.

    L’administration veut des « responsables » ? Qu’elle cherche donc plutôt du côté de ceux qui ont eu la responsabilité de J. au mitard ! Là devrait être le seul souci de la ministre des tribunaux et des prisons. Sinistre posture que de menacer les témoins quand on prétend défendre la Justice… Quant à nous, nous poursuivons avec la plus grande détermination la tâche que nous nous sommes fixée il y a plus de quinze ans : relayer le plus largement possible la parole des enfermés.

    Notre seule inquiétude va au traitement réservé aux prisonniers de Seysses, à ceux qui ont déjà subi des transferts disciplinaires, à tous ceux qui craignent pour leur intégrité dans cette maison d’arrêt et dans toutes les prisons de France.

    Nos pensées vont aussi à la famille et aux proches de J. et nous respectons leur choix de ne pas s’exprimer dans les médias pour le moment.

    Il faut que la vérité éclate. C’est pourquoi nous appelons tous ceux qui pourraient témoigner de ce qu’il s’est réellement passé ce jour-là, mais aussi des suites disciplinaires en cours, à se rapprocher du Syndicat PRP ou de l’Envolée.

     

     

    Aux journalistes et aux associations

    Contrairement à l’essentiel des médias, nous ne cherchons pas à présenter un « traitement équilibré » de la question carcérale. D’abord, et nous le répétons inlassablement, parce que nous estimons que les prisonniers sont les mieux placés pour décrire ce qu’ils vivent et énoncer quelques vérités sur la prison. En des temps pas si lointains, des intellectuels, une bonne partie de la gauche et du peuple voyaient là une évidence. C’était d’ailleurs ce qui avait présidé à la fondation du Groupe d’Information Prison dans les années 1970.

    Ensuite parce que le dit « traitement équilibré » accentue bien souvent un déséquilibre profond, un « rapport de classe » osait-on même dire à l’époque du GIP, qui écrase un peu plus encore la parole des muets sociaux. Le blocage légitime d’une cour de justice par des avocats en colère contre la mise en place de cages vitrées pour les accusés au tribunal est reconnu par tous et toutes comme un acte politique, une prise de parole collective. Il n’y a aucune raison pour que des refus de remonter de promenade ou des révoltes dans des quartiers toulousains n’apparaissent pas également au yeux de tous et toutes comme une prise de parole politique et collective. Pourtant personne n’a jugé bon d’aller questionner ces prisonniers ou leurs familles à la sortie de la prison.

    Rappelons au passage qu’une grande partie des prisonniers – dont J. avant sa mort – de la MA de Seysses sont des prévenus : d’une part, ils sont présumés innocents, ils serait bon que l’administration et les médias ne l’oublient pas ; d’autre part, alors qu’ils ne sont pas encore passés en jugement, ils ont énormément à perdre. Bloquer une promenade deux jours de suite est moins que jamais un acte anodin. Les prisonniers ont en plus eu le courage de sortir un communiqué. Cette prise de parole est un acte si fort qu’une ministre, pourtant empêtrée au même moment dans des réformes liberticides et impopulaires (Justice, droit d’asile, éducation…), a dû prendre enfin la peine de répondre – dans le seul but de la faire taire.

    Le jour même, le GENEPI dont les membres interviennent quotidiennement en prison pour pallier au vide existentiel imposé aux enfermés, a choisi d’entendre la voix des prisonniers et de la relayer. Il serait maintenant temps que d’autres organisations se manifestent et soutiennent elles aussi cette parole, d’autant plus dans une période où bon nombre d’entre elles prétendent vouloir sauver une « justice menacée » par cette même ministre des tribunaux et des prisons.

    Enfin, la moindre décence à l’égard du prisonnier qui est mort à Seysses voudrait que les journalistes, à peine rappelés à l’ordre par la ministre « montée au créneau », ne se précipitent pas pour tendre complaisamment leur micros aux surveillants syndicalistes histoire d’en faire, une fois de plus, les véritables victimes de l’enfermement.

    Les prisonniers ont raison de se révolter et ils ont raison de prendre la parole contre le sort qui leur est fait.

    L’Envolée, pour en finir avec toutes les prisons.

     

    Communiqué du syndicat PRP :

     

  • #MatonQuiPleure

    Les matons n’en sont pas à leur premier mouvement… chaque année quasiment, ils tentent le coup. Ils obtiennent toujours quelque chose. Bien sur ils ne gagnent jamais la considération d’une société qui, malgré sa paranoïa et ses penchants sécuritaires, continue à les mépriser. Ces porte clefs à perpétuité rappellent en effet  par leur simple présence, qu’il y a des prisons, ces non lieux que tout le monde s’efforce d’oublier. Bien sur, ils ne gagnent rien pour les prisonniers ou pour améliorer les « conditions de détentions ». Bien sur, ce qu’ils gagnent, ils le gagnent toujours CONTRE les prisonniers : suppression de parloirs, de cantines, multiplication des fouilles, plus de moyens de contrôle, arsenal… 

    Nous reviendrons dans le prochain numéro du journal sur ce mouvement de janvier 2018 encore en cours ; et surtout sur ce qu’il implique et entraîne à l’intérieur pour les prisonniers. En attendant nous vous proposons la lecture d’un texte d’août 2013 paru dans le numéro 36 du journal, qui revenait sur ce que nous avions baptisé « le printemps français des matons » et qui pointait l’émergence d’un nouveau syndicat que l’on a vu depuis s’exposer longuement à l’antenne (SPS).

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  • DES NOUVELLES DE FABRICE BOROMÉE APRÈS SON TRANSFERT À MOULINS

    
    « J'ai trouvé Fabrice particulièrement déprimé, avec des idées très noires... Je suis particulièrement inquiet. »
    Maître Benoît David, avocat de Fabrice Boromée, le 27 juillet 2017
    Fabrice Boromée a été transféré le jeudi 20 juillet à la centrale de
    Moulins. Son avocat Maître Benoît David est allé le voir, et il nous a fait un compte rendu de sa situation actuelle. Les conditions de sa détention ont encore été durcies : tandis qu'à Saint-Maur, Maître Benoît David pouvait le voir au parloir avocat non menotté, à Moulins il n'a eu d'autre choix que de le voir soit dans un bureau, menotté à une barre, soit à travers la grille de la promenade du quartier d'isolement. L'avocat a préféré le voir ainsi. De plus, Fabrice est toujours enfermé dans une cellule de force : tout le mobilier est en fer ; chaise,  table et lit sont rivés au sol. Faute de meuble de rangement, ses quelques affaires sont à même le sol au centre duquel s'ouvre une bouche d’égout dont s'échappent des odeurs nauséabondes en fin de journée. L'avocat a demandé à rencontrer la direction pour obtenir l'allégement de ces mesures et exiger son placement dans une cellule « normale ». Demande restée pour l'heure sans réponse.
    
    Fabrice souffre encore des conséquences de sa détention à Saint-Maur,
    suite aux grenades assourdissantes qui avaient été envoyées dans sa cellule. Suite à cet incident, on lui avait  interdit de sortir de sa cellule pour téléphoner à son avocat. Par ailleurs, l'eau lui a été coupée et il n'a rien eu à manger pendant trois jours. Le médecin n'est venu le voir que quinze jours après les faits. Quant aux demandes de parloir déposées à
    Saint-Maur, sans surprise, certaines ont été « perdues », et doivent être redéposées auprès de l'administration de Moulins. Pour couronner le tout, le 21 septembre 2017, la concession funéraire du père de Fabrice prendra fin et son corps sera incinéré en son absence. Ça ajoute encore
    à son abattement.
    
    « J'ai trouvé Fabrice particulièrement déprimé, avec des idées très
    noires... Je suis particulièrement inquiet », écrit Maître
    Benoît David avant de rapporter ses propres mots : « Je
    me sens seul, je n'ai plus d'espoir, je n'ai plus le goût de
    continuer, je n'en peux plus, je suis traité comme un chien,
    j'arrive à saturation. »
    
    Une lettre, une simple carte... Écrivez à Fabrice Boromée.
    Numéro d'écrou 15964
    Maison centrale 
    Quartier d'isolement
    Les Godets
    03400 Yzeure Cedex
  • « Je veux bien mettre un genou à terre, mais pas les deux! » Romain L. Retour sur le procès en appel du 14 juin 2017 à propos de la mutinerie au QMC de Valence. Interview de l’Envolée et vidéo de Bernard Ripert

    En mars dernier s’est tenu le procès de deux prisonniers, Romain Leroy et José T., accusés d’avoir organisé une mutinerie le 27 novembre 2016, au sein du Quartier Maison Centrale du nouveau centre pénitencier de Valence. En l’espace de deux mois, fin 2016,  deux mutineries éclataient et révélaient les conditions de détention drastiques et inacceptables, que subissent les prisonniers longues peines stockés par l’AP dans ces nouveaux QMC.
    Lors du premier procès, interdit d’accès au public et aux soutiens, et sur la base d’un dossier parfaitement vide, le procureur réclame 8 ans contre les deux accusés. Ils prennent 5 ans, une peine énorme qui vise à faire un exemple comme l’avoue alors le tribunal. Romain, soutenu par sa compagne, décide de faire appel de cette condamnation pour continuer à porter le plus largement possible le message de cette mutinerie : la justice donne des peines infaisables à des prisonniers tenus de vivre ensuite dans des conditions toujours plus suffocantes et sécuritaires. Romain revendique cette révolte au nom des prisonniers longue peines de France que l’on condamne à vivre dans ces nouveaux QMC, qui cumulent les désagréments et les horreurs des anciens QHS (Quartiers de haute sécurité) et des nouvelles maison d’arrêt (pour courte peine).
    Le 14 juin dernier avec plus d’une quarantaine de personnes, nous avons pu cette fois-ci entrer dans la salle du tribunal de Grenoble pour le procès en appel de Romain. Nous vous proposons ici une petite analyse de ce procès ainsi qu’un entretien filmé avec l’avocat Bernard Ripert qui faisait son retour devant les juges de Grenoble -ceux -là même qui avaient obtenu sa suspension il y a plus de 18 mois.

     

    Transcription de l’émission de l’Envolée du 16 juin 2017 que vous pouvez écouter ici.

    O : Le 27 novembre 2016, il y a eu un mouvement au QMC de la nouvelle prison de Valence ; un deuxième, puisqu’il y avait déjà eu quelques semaines auparavant un mouvement durant lequel trois prisonniers avaient pris un maton en otage pour demander leur transfert. Jugés un tout petit peu avant les inculpés de la seconde mutinerie, ils avaient pris trois ans de prison. Le deuxième mouvement s’est fait sans prise d’otage ; il y a eu destruction de matériel – collective : les cellules de tout le quartier ont été ouvertes par des prisonniers qui avaient réussi à prendre les clés aux matons et il y a eu des cellules détruites, quelques caméras cassées – enfin rien de bien terrible. L’AP, évidemment, en fait toujours un truc énorme – tout comme elle oublie toujours de dire pourquoi les prisonniers en sont venus là.

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    « Depuis 2016, j’ai ressassé les problèmes par lettre, à l’OIP, au Contrôleur des lieux de privation de liberté, mais rien. Il y a eu des sit-in pacifiques pour voir la directrice. Des pétitions, mais faut savoir que c’est interdit les pétitions. Des demandes des familles. Et à la télé  on voit des gens qui cassent tout : à la fin il n’y a que ça pour se faire entendre. Même les gens qui travaillent sont obligés de prendre leur entreprise en otage. Nous on a des murs de 20 mètres donc personne ne sait rien et pour les longues peines de France rien ne bouge (…) Pour moi quand on a pris les clefs et ouvert les cellules, c’était pas un vol, mais le seul moyen de faire entendre la parole de nous, les longues peines de France.  Le seul moyen d’avoir une tribune »
    Romain L. -lors de son procès en appel

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    En tout cas, les inculpés de ce deuxième mouvement ont été jugés une première fois au tribunal de Valence. À Valence, justice, police, presse… tout marche main dans la main ; et quand je dis justice, c’est avocats compris. Ils avaient donc pu se permettre de faire un procès quasiment à huis clos en interdisant manu militari l’accès de la salle à tous les gens venus en soutien à José et Romain, les deux prisonniers qui passaient en jugement. Le procès a duré un bon moment, six ou sept heures. Au bout de ce temps-là, le procureur a requis huit ans ferme contre eux et le verdict a été rendu immédiatement : cinq ans pour chacun. Cinq ans, c’est une peine « abusive », comme l’a dit Romain pour expliquer son pourvoi en appel. C’est vraiment une peine pour l’exemple : ils ont mis plus d’années de prison à des gens qui ont détruit collectivement des cellules pour dénoncer leurs conditions de détention qu’aux trois prisonniers qui avaient pris des matons en otage. Parce que c’est plus dur de prendre des gens en otage ! Tout le monde n’est pas capable de le faire, tout le monde ne choisit pas de le faire. Tandis que la destruction collective, c’est quelque chose de plus sympathique, dans le vrai sens du terme : quand y en a marre, c’est finalement plus logique de se rassembler, de se réunir et de se faire entendre de cette façon. Il fallait donc faire un exemple, pour dire : « Vous amusez pas à ça, parce qu’on vous ratera pas. On hésitera pas à vous mettre des années de prison supplémentaires. »

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    «  Quand on a une grosse peine, pour éviter un état colérique, la frustration, c’est normal d’avoir des espaces de promenade et pas que de la sécurité. Dans ces nouvelles prisons c’est cinq surveillants à chaque ouverture de porte. Quand on nous fouille et nous écarte l’anus, la dignité l’emporte (…) C’est géré comme une prison de haute sécurité, on se croirait encore au QHS, dans ce système des années 1970-80 »  Romain L.

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    S : Ils doivent impérativement briser cet élan parce que c’est un outil dont tout le monde peut se saisir…

    O : Exactement ! Surtout qu’ils ont intérêt à mettre le paquet, parce qu’il y a des problèmes dans tous les QMC. Les quartiers maisons centrales, c’est des véritables QHS à… la moderne. Ils sont propres, nickel et tout, bien sûr, mais ils sont dotés d’une part d’une technologie effrayante – caméras et doubles sas partout, etc. – et d’autre part de moyens bien plus importants, ne serait-ce qu’en personnel : il y a environ quatre à cinq matons par prisonnier. Beaucoup de ces prisonniers sont encadrés par plusieurs matons dans tous leurs déplacements. C’est de petites unités, mais quand une aile de l’unité est en mouvement, l’autre est bloquée pour éviter toute rencontre. Bref tout est fait pour maintenir l’isolement le plus complet possible. Ils n’y arrivent pas encore complètement, parce qu’ils ont pas encore tous les moyens pour le faire, mais c’est leur objectif. Évidemment, quand on est complètement seul, ça devient compliqué de construire une résistance… On est moins fort. On le voit bien pour d’autres prisonniers, qui continuent néanmoins à se battre, mais c’est des batailles terribles, quasiment désespérées, comme celles de Fabrice Boromée ou de Rachide Boubala, dont on a souvent parlé. Ils continuent à résister, mais pour eux l’univers se rétrécit toujours un peu plus. C’est cette logique-là qui préside à l’architecture et au fonctionnement de ces saloperies de QMC, qui ont leurs modèles dans les deux prisons les plus sécuritaires du pays : Condé-sur-Sarthe et Vendin-le-Vieil.

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     « On s’était mis d’accord pour s’attaquer aux locaux pas aux personnes, pas de règlements de comptes. Toute la population pénale a montré sa frustration mais personne n’a été blessé des deux côtés »  Romain L.

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    On n’y enferme pas des petites peines mais ceux qui ont de très très très longues peines, c’est-à-dire des 25, 30 ans, des perpètes. Des gens qui ont peu de chances de sortir, en fin de compte, parce qu’on sait maintenant que quand on chope des peines comme ça, même à la fin de la peine on sort toujours pas. Il faut donc que l’AP réussisse à gérer cette politique de mise à mort. Y a pas d’autre mot. C’est de ça que les QMC sont le laboratoire. Évidemment, tant qu’il reste un souffle de vie, ça bouge à l’intérieur, parce que ce sont des êtres humains qui sont emmurés, des gens pour qui c’est insupportable. Évidemment, l’AP n’arrive pas à tous les éteindre à coup de télé, de drogues légales ou illégales ou de passage en hôpital psychiatrique comme ils essaient souvent de le faire. Il y en a quelques-uns pour qui ça marche, mais c’est pas la majorité. Ils en sont très, très loin ! Donc ça gueule. Ça gueule, mais le truc, c’est que pour gueuler, pour se faire entendre dans ces taules-là, y a qu’une seule solution. C’est ce qu’a dit Romain au procès en première instance à Valence :

    « Quand il n’y a plus de mots, il ne reste que les actes. »

    Passer aux actes, c’est ce qu’avaient décidé de faire les prisonniers du QMC de Valence.

    Après le premier jugement de Valence, Romain et José ont immédiatement fait appel de leur condamnation, mais José s’est ensuite désisté de son appel, sur le conseil à mon avis pas très avisé de son avocate. Elle, qui avait accepté que le procès se tienne quasiment à huis clos (cf. le “non-compte rendu du procès de la mutinerie de Valence” sur ce même site), a persisté dans une posture très timorée devant un verdict pourtant démesurément lourd. A Grenoble, les choses se sont passées différemment : les soutiens, nombreux, ont pu entrer dans la salle d’audience. Il avait été établi avec Romain et Bernard Ripert qu’il n’était pas question d’accepter de participer à une audience à huis clos…

    Romain a pu expliquer parfaitement toutes les raisons de ce mouvement. Il l’a répété plusieurs fois :

    « C’est moi qui passe en jugement, mais ce que je dis, c’est au nom de toutes les longues peines de France. »

    Il a aussi dit que ça concernait encore plus l’ensemble des gens qui se font spolier de leurs conditions d’existence dans cette société : « Pour nous, c’est comme pour les ouvriers qu’on licencie, qu’on jette sans rien leur demander et qui en viennent à prendre des patrons en otage, à détruire du matériel et à installer des bouteilles de gaz en menaçant de faire péter leur usine pour pouvoir se faire entendre ! Nous c’est le même combat ! On est pareils ! » C’était clair comme de l’eau de roche. Le but de tout ce qu’il a raconté, c’était absolument pas de nier quoi que ce soit :

    « Ce que j’ai fait, j’ai dit que je l’avais fait, y a pas de problème, et je regrette rien. Ce qui est regrettable, c’est qu’on soit obligés d’en arriver là ! »

    Ce qui est regrettable, c’est surtout que lui, il prend des risques énormes ! Il sait très bien que derrière, c’est des semaines de mitard, des transferts et des peines de prison supplémentaires ! Effectivement, qu’ils en soient réduits à en arriver là juste pour demander des améliorations de conditions de détention : c’est-à-dire l’application de leur putain de règlement dans ces QMC qui ne devraient pas fonctionner comme des maisons d’arrêt ou comme des quartiers d’isolement parce que c’est invivable… oui, c’est regrettable. Voilà. C’est un truc simple, mais il a su le dire sans jamais se laisser désarçonner par le président qui lui posait des questions sans aucun rapport avec les faits. Et le réquisitoire du proc’ : « Je sais tout ça parce que j’ai été avocat de la défense pendant seize ans, donc je connais les prisons, et c’est vrai qu’il faut les améliorer… On va y arriver ! C’est pas encore magnifique, mais elles sont un peu plus belles que celles que j’ai connues il a vingt-cinq, trente ans ; c’est pas en détruisant celle-là qu’on va améliorer les choses… Il nous reste beaucoup de travail à faire, mais déjà, ce qu’il y a, c’est une belle avancée ! » Romain, il faisait non de la tête, et nous dans la salle on a grommelé tant qu’on a pu, pendant l’ensemble du procès, évidemment, comme d’habitude. Le proc’ a fini sa petite tirade par « …c’est pourquoi je trouve que la peine prononcée à Valence est une juste peine, dont je demande la confirmation ».

    Après, c’est Bernard Ripert qui a plaidé une bonne heure. Il a commencé par dire ses quatre vérités à cette justice, comme d’habitude, et répéter ce à quoi elle sert vraiment ; absolument pas à être juste, ou quoi, ou qu’est-ce, mais bien à maintenir l’ordre à n’importe quel prix ; ensuite, comme il fait toujours, il a dit :

    « Mais bon, il n’y a pas que les déclarations de principe, vous les connaissez et j’y tiens, mais maintenant je vais démonter votre dossier qui ne tient pas la route. »

    Il a pris les éléments de l’acte d’accusation un par un, et à chaque fois il disait : « L’accusation est fausse, elle ne tient pas du tout pour diverses raisons, et c’est obligatoirement une relaxe. » Un exemple tout con : il y avait marqué « Vol des clés de M…. [le surveillant] » :

    « Il n’y a jamais eu vol des clés du surveillant, puisque les clés n’appartiennent pas au surveillant ! Ce ne sont pas les clés de chez lui, ce sont les clés de l’administration pénitentiaire. Pour que l’accusation soit juste il faut formuler les choses différemment. C’est trop tard pour les reformuler maintenant. Donc cette accusation ne tient pas. Ce qu’il y a eu c’est le vol des clés de l’administration pénitentiaire portées par M. Machin. Ce n’est pas pareil. »

    Un autre élément de l’accusation, c’était l’incendie des cellules. Et là, il a tout repris, il y a la preuve par beaucoup de témoignages que José et Romain n’ont pas eux-mêmes mis le feu aux cellules:

    « Parce que c’est eux qui ont pris les clés, qui ont ouvert les cellules, après quoi des gens ont mis le feu à quatre cellules, vous leur faites porter la responsabilité de ce geste incendiaire. Mais ça, aujourd’hui, en France, ça ne tient pas la route. C’était possible du temps de la loi anticasseurs, mais elle n’est plus en vigueur. »

    C’est vrai que pendant quelques années, la législation permettait de rendre tout le monde collectivement responsable de l’action d’une seule personne du simple fait d’avoir été là, mais ça a été abrogé (cf : la loi anticasseur évoquée par Ripert ; seule la « bande organisée » ou « l’association de malfaiteurs » permettent de rendre quelqu’un responsable d’actes qu’il n’a pas commis. Ces inculpations sont très souvent utilisées précisément pour pallier le vide des dossiers de flics ; mais cette fois non). Donc en l’absence d’une preuve formelle, témoignage, document… qui montre l’un ou l’autre en train de mettre le feu, l’accusation ne tient pas. Ils n’ont pas mis le feu. Donc relaxe, obligatoirement… Ils les a tous démontés comme ça un par un : à la fin il restait plus rien ! Du coup Bernard Ripert leur a dit que ce n’était pas une provocation de demander la relaxe : c’est l’application de la loi ! Il a apostrophé le proc’ :

    « Je ne comprends pas que quelqu’un d’aussi féru en droit que vous ne l’ait pas vu ! Vous auriez dû sauter au plafond ! »

    Romain était super content, ça se voyait, il regardait Ripert – qu’il ne connaissait pas avant de le rencontrer au procès– et c’était un bon moment de complicité entre eux deux ; je pense qu’ils ont été contents l’un de l’autre. A la fin, ils ont demandé à Romain s’il avait quelque chose à ajouter, tout en annonçant le délibéré pour le 11 juillet : ils n’ont pas donné la réponse tout de suite, contrairement à l’autre fois, ils se laissent un petit peu de temps. Romain a répondu :

    « Je tiens surtout à remercier les quelques personnes qui sont venues me soutenir ».

    On était effectivement “quelques-un.e.s”, il le savait, on s’est fait des coucous, etc. Mais quand il a vu toute la salle se lever – y avait que nous – pour applaudir, et des applaudissements qui ont duré cinq minutes…, on a lu toute l’émotion sur son visage… Il a complètement halluciné de voir cette salle entière qui s’était déplacée en soutien à ce qu’il avait fait, pour pas le laisser seul face à la justice.

    Il était déjà menotté dans le dos, donc il pouvait pas faire grand-chose, mais il faisait tous les mouvements qu’il pouvait pour nous signifier qu’il était vachement touché. Rien que ça, cet échange de force à ce moment-là, toutes les personnes présentes ont trouvé que ça donnait une respiration, et lui ça lui en a donné une aussi. Ça montre encore un coup qu’à chaque fois qu’on peut le faire, il faut le faire. Surtout pour des histoires comme ça, de mutinerie et d’évasion, où les risques sont tellement énormes, et c’est des gestes qui ne sont pas simples… Alors dès qu’on peut organiser un soutien… On n’arrive pas toujours à mobiliser autant de gens, ça c’est sûr, mais même s’il y a dix personnes c’est déjà quelque chose. Adeline – sa compagne, avec laquelle on reste évidemment toujours en relation, qui était présente à Valence mais qui n’a pas pu être là parce qu’elle est maintenant installée à Alençon avec sa petite fille et que le voyage était compliqué pour elle – l’a eu le soir même au téléphone quand ils l’ont fait dormir à Aiton, avant de le rebaluchonner à Condé-sur-Sarthe au matin d’où il lui a encore reparlé, et à chaque fois il lui a dit :

    « Vraiment, tu leur redis à tous que ça m’a mis un coup de chaleur et que je les remercie infiniment. »

    Faut absolument que tous ceux qui nous écoutent, et les soutiens qui sont plus loin, sachent bien que le mec était super content. Et moi j’ai dit à Adeline qu’on était super contents de voir un mec qui se tient tout droit debout comme ça… Ça nous a donné aussi une vraie force.

    S : Ça montre qu’on peut toujours créer un rapport de forces dans un tribunal, faut jamais croire que c’est mort. Il y aura peut-être une sanction horrible qui va tomber, mais ça aura permis de se défendre. Ce moment de la fin du procès que tu as décrit, quand tout le monde s’est levé pour applaudir, je pense que c’est un souvenir qui va rester longtemps ; et rien que le fait que le proc’ n’ait pas repris la réquisition de huit ans de la première instance, ça montre que tous ces rapports de forces ont une efficacité ; on croise les doigts pour l’appel, mais en tout cas il y a quelque chose qui s’est passé, et c’est important.

    O : Et n’oublions pas qu’il faut botter le cul aux avocats qui préfèrent se soumettre à l’autorité en pensant que ça va aider les inculpés en quoi que ce soit, alors que ça donne jamais rien. C’est la marche des canards, ils sont déguisés pareil, sauf exception ; mais il ne faut absolument pas les laisser faire dès qu’ils font mine de se comporter comme ça, à dire : « Attention, ça va énerver le président… ». Plus on rampe, plus on prend des coups.

    #ProcesMutinerieValence

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     « Je suis libérable en 2038.
    Je veux bien mettre un genou à terre mais pas les deux.
    Je veux garder ma dignité » Romain L.

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    INTERVIEW DE BERNARD RIPERT

    APRÈS LE PROCÈS EN APPEL DE ROMAIN L.

    https://vimeo.com/223278402

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  • DE PLUS EN PLUS CAUCHEMARDESQUE POUR FABRICE BOROMEE : EN GUISE DE REPONSE A SES DEMANDES DE TRANSFERT, L’ADMINISTRATION LUI JETTE UNE GRENADE ASSOURDISSANTE DANS SA DOUCHE

    Depuis son refus de remonter de la douche le 21 mai dernier, Fabrice a reçu beaucoup de lettres de soutien à la fois d’autres prisonnières et prisonniers et de personnes extérieures. La directrice a été obligé de reconnaître qu’il y avait du monde pour le soutenir. Elle a cessé de lui répéter que c’était pas « ses petits copains de L’Envolée qui allaient le sortir de là… ». Elle a lâché un peu de lest en lui concédant l’accès à la salle de sport. L’entraîneur est néanmoins obligé de rester à l’extérieur de la salle et de lui parler à travers les barreaux…

    Cette petite concession ne change pas grand-chose à la situation de Fabrice. Rappelons qu’il est entravé dans tous ses déplacements, qu’il est interdit de promenade, de douche le week-end et que la pénitentiaire a construit une cellule de mitard spécialement pour lui dans le quartier d’isolement, avec une grille à terre à travers laquelle les matons lui jettent la nourriture comme à un animal.

    Vendredi dernier, il a donc de nouveau bloqué la douche, le seul moyen qu’il ait pour réclamer son transfert immédiat en région parisienne où habite un ami qui lui rend visite – son seul parloir.

    Cette fois-ci, la directrice a utilisé les gros moyens pour le dégager : les Eris, avec casques, boucliers et autres armes de toutes sortes, sont arrivés et ont lancé une grenade assourdissante dans la douche ! Fabrice est au mitard pour 30 jours supplémentaires. Il n’entend plus d’une oreille, il est très inquiet. Il est écrasé de chaleur toute la journée avec des maux de tête violents et permanents. Le médecin refuse de l’examiner, passant juste la tête à travers les barreaux du mitard.

    Nous renouvelons donc notre appel émis il y a quelques semaines :

    L’administration pénitentiaire de Saint-Maur cherche méthodiquement à éliminer Fabrice Boromée, dont elle ne sait que faire : cette torture a pour but de le pousser à bout jusqu’à ce qu’advienne l’irréparable et que l’administration puisse le tuer en toute légalité ou l’envoyer à vie en hôpital psychiatrique.

    Il est toujours aussi important de lui écrire pour le maintenir en vie : autant pour lui témoigner de la solidarité, lui donner du courage, que pour montrer à l’administration pénitentiaire qu’il n’est pas seul et qu’elle ne peut pas commettre l’irréparable. Une carte postale, quelques mots suffisent.

    Fabrice Boromée, Maison centrale Bel Air, 36 255 Saint-Maur cedex

  • ILS SONT EN TRAIN DE TUER FABRICE BOROMÉE

    Solidarité avec Fabrice Boromée

    L’administration pénitentiaire veut éliminer Fabrice Boromée alors qu’il ne fait que demander un transfert en Guadeloupe pour être rapproché des siens.

    Comme plus de 500 prisonniers originaires des DOM-TOM, Fabrice Boromée purge une peine en métropole, loin de ses proches. Il réclame son transfert en Guadeloupe depuis 2011. L’administration pénitentiaire (AP) fait la sourde oreille, et l’empêche même de se rendre à l’enterrement de son père en septembre 2012. Il tente alors de se faire entendre en « prenant en otage » un maton de Condé-sur-Sarthe avec Rachide Boubala. Il réitère cette tentative de prise de parole à la centrale de Arles en 2014 : la justice qualifie de nouveau son acte d’« agression » et de « tentative de prise d’otage ». En septembre 2015, alors qu’il fait le tour des quartiers d’isolement (QI) des prisons françaises depuis trois ans et demi, le directeur de Vendin-le-Vieil lui fait miroiter sa sortie de l’isolement, mais il change d’avis à son retour de vacances et envoie son sous-directeur lui annoncer qu’il va y être maintenu : Fabrice retient le sous-fifre pendant deux heures. La justice répond systématiquement à toutes ses tentatives pour se faire entendre par des peines supplémentaires. Entré en prison pour une peine de huit ans, il en a maintenant plus de trente à faire. L’AP lui fait payer sa détermination en refusant de lui faire rejoindre la détention dite normale. Maintenu à l’isolement, sans cesse transféré (Fleury-Mérogis, Clairvaux, Lannemezan pour la seule année 2016, et maintenant St-Maur), entravé dans tous ses déplacements en prison (y compris lors de la distribution des repas), il fait l’objet d’insultes racistes et de passages à tabac de la part des matons.

    Fabrice Boromée vient d’être transféré à la centrale de Saint-Maur, il est toujours à l’isolement, sauf que là l’administration pénitentiaire a transformé sa cellule en mitard en ajoutant une grille devant la porte. Il n’a pas de parloirs, les matons ont dissuadé l’aumônier de venir le voir en lui faisant croire qu’il était dangereux et qu’il s’en prendrait à lui en lui jetant de l’urine à travers la grille. La psychologue refuse d’intervenir au prétexte de conditions indignes et incompatibles avec l’exercice de ses fonctions. Le docteur, obligé de passer vérifier s’il est toujours vivant, se contente d’un « ça va » et repart. Son avocat se sent dépassé par la situation. Bref, au moment où tout ce petit monde devrait se réveiller, personne ne bouge.

    Il est privé de toute activité, même de sport. Il est interdit de promenade le week-end sous prétexte que le chef de détention n’est pas là. Il est menotté et entravé, encadré par plusieurs surveillants armés de boucliers pour les rares mouvements qu’il fait en dehors de sa cellule, comme pour aller à la douche ; douche qui lui est aussi refusée le week-end. Les matons lui jettent sa gamelle à travers la grille comme à un chien.

    Pour protester contre ces mesures, le 21 mai Fabrice a refusé de se laisser menotter et de remonter en cellule. Il a bloqué la douche de 9 heures à 15 heures pour demander son transfert immédiat en Ile-de-France.

    L’administration pénitentiaire l’a averti : rien ne changera d’ici son probable transfert pour Réau en novembre. Associations, contrôleur des lieux de privation de liberté, etc., tous sont informés, mais aucune réponse de leur part à ce jour.

    L’administration pénitentiaire de Saint-Maur cherche méthodiquement à éliminer Fabrice Boromée, dont elle ne sait que faire : cette torture a pour but de le pousser à bout jusqu’à ce qu’advienne l’irréparable et que l’administration puisse le tuer en toute légalité ou l’envoyer à vie en hôpital psychiatrique.

    Il est important de lui écrire pour le maintenir en vie : autant pour lui témoigner de la solidarité, lui donner du courage, que pour montrer à l’administration pénitentiaire qu’il n’est pas seul et qu’elle ne peut pas faire ce qu’elle veut. Une carte postale, quelques mots suffisent.

    Adresse : Fabrice Boromée, Maison centrale Bel Air, 36 255 Saint-Maur cedex

  • Lourdes peines et répression des soutiens au procès de la deuxième mutinerie au QMC de Valence

    Vendredi 10 mars 2017 se tenait le procès de deux prisonniers, Romain Leroy et José Torres, accusés d’être les auteurs de la mutinerie du 27 novembre 2016, au sein du Quartier Maison Centrale du nouveau centre pénitencier de Valence. En l’espace de deux mois, fin 2016,  deux mutineries éclataient et révélaient les conditions de détention drastiques et inacceptables, que subissent les prisonniers longues peines stockés par l’AP dans ces nouveaux QMC. Comme au premier procès, le tribunal est bouclé et les soutiens empêchés de rentrer. Pire qu’au premier procès, les deux accusés mangent de lourdes peines. Eléments de non compte-rendu… encore un.

    Appel à solidarité avec les mutins et rendez-vous devant le tribunal

    Adeline, la compagne de R. Leroy avait appelé à un large soutien notamment lors d’entretiens téléphoniques avec les radios de l’Envolée et Papillon (vous pouvez écouter l’émission de l’Envolée du 20 janvier et celle de Papillon du 2 février ). On y entendait sa détermination, son envie de lutter  : elle refusait que son compagnon et son co-accusé ne se fassent massacrer. Le jour du procès, elle a les yeux qui brillent, elle a même la pêche car c’est « son jour à elle aussi », son jour de lutte partagée contre la pénitentiaire. Elle s’est bougée pour réunir ce monde en soutien. Devant le tribunal, nous rencontrons la famille de José . Dès l’arrivée du fourgon où se trouvent les prisonniers, toute une équipe de cousins, sœur, père montent au portail qui sépare la rue de la cour du tribunal pour se faire entendre de José. Ils arrivent même a prendre une photo.

    Un procès public transformé officieusement en huis-clos

    Comme au procès de la première mutinerie, c’est une armada de flics sur-armés qui bloquent l’entrée du tribunal. Il nous est impossible de passer la porte, encore moins d’accéder à la salle d’audience.  A moins d’avoir la carte de presse des médias à la botte de l’Etat, un écusson de l’administration pénitentiaire, ou un bête uniforme bleu. Seuls quelques proches des prisonniers pourront rentrer en prouvant leur lien familial avec une carte d’identité. Les flics laissent planer le doute sur le fait de laisser entrer à l’audience Adeline, la compagne de Romain Leroy pour affirmer leur autorité et faire monter la pression sur elle, sur lui et enfin sur nous … Le procès commence, elle ne peut toujours pas entrer dans la salle d’audience. Les flics ont bien vu qu’elle était accompagnée d’un soutien anticarcéral ! On imagine très bien Romain Leroy cherchant inquiet, stressé, énervé de ne pas trouver sa femme à l’audience. Pour J.Torrés, les flics de l’escorte appliquent un autre stratagème pour le faire monter en pression. Ils prétextent que la sœur filme le procès avec son téléphone et vont le rapporter au juge, qui la fait sortir définitivement de la salle. Une manière bien sale de punir les mots de soutien clamés par la famille lors de l’arrivée au tribunal des deux inculpés .

    Les autres personnes qui sont là pour apporter leur soutien, entendre et relayer la parole des prisonniers, ne peuvent pas rentrer. Sans explication, ou plutôt avec des prétextes différents : un coup le tribunal est plein, un autre coup c’est un simple « non, vous vous ne rentrerez pas », une autre fois c’est ordre du procureur général… bref l’accès au tribunal est interdit. Ce procès comme le précédent est censé être public, mais une fois de plus, la justice fait ce qu’elle veut, la police travaille pour elle et pour que la parole des prisonniers en lutte ne sorte pas…

    Mise en scène caricaturale de la « dangerosité » des prisonniers et du soutien extérieur.

    Contrairement au procès de la première mutinerie, ni R. Leroy, ni J. Torres ne sont considérés comme des prisonniers particulièrement dangereux pourtant le dispositif de sécurité est une nouvelle fois impressionnant et démesuré. Il manque juste les tireurs d’élite ! L’accès au tribunal est sous surveillance. D’ailleurs deux caméras globes filment la place en continu… A l’entrée, les flics caparaçonnés sont armés de tasers, de gazeuses, de matraques télescopiques. Ce serait risible s’ils ne s’en étaient pas servis. Une fois la compagne de R. Leroy entrée, les personnes interdites d’accès à l’audience se rassemblent devant l’entrée du tribunal pour montrer leur mécontentement. Une personne se met à chanter une chanson anti-flic dans une autre langue. Et puis, un dialogue s’installe entre le chanteur et une personne passante bien énervée de pas arriver à déposer plainte contre les flics. C’est ça qui les décide à une violente attaque à coups de matraques, de gazeuses, d’étranglements. Ils embarquent deux personnes au comissariat pour une garde à vue d’environ 24 heures. On pouvait lire dans le torchon local (le dauphiné libéré), que suite à une manifestation anticarcérale et des contrôles d’identités se passant mal, les flics ont arrêté deux personnes. Elles sont accusées, comme toujours dans ces cas là, de violences et outrages sur personnes dépositaires de l’ordre public. L’attaque des flics à coups de matraques et gaz au poivre était donc un simple contrôle d’identité ! C’est vrai que par les temps qui courent, les gens devraient savoir que ce sont les pratiques courantes de la police.

     Une mutinerie, le seul moyen de se faire entendre pour dénoncer les conditions impossibles de détention dans ce QMC

    Les prisonniers protestaient contre le régime de détention trop strict de la nouvelle prison de Valence.

    « Ça fait 10 ans que je suis en prison, et je n’ai jamais vu ça » raconte Romain.

    Il parle d’un régime carcéral trop strict, inadapté aux détenus lourdement condamnés, et d’une administration sourde à toute revendication. 

    « On demandait simplement à ce que ça fonctionne comme une vraie maison centrale » enchaîne José, l’autre « meneur » de la mutinerie.

    Les prisonniers avaient fait part de leurs revendications de manière pacifique à plusieurs reprises auprès de la direction de l’établissement (courriers, refus de réintégration des cellules ou blocages de cour de promenade). Ils avaient alerté l’OIP et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté :

    « Y a un peu tout qui ne va pas dans cette prison. Le problème est le mauvais fonctionnement de cette maison centrale gérée comme une maison d’arrêt disciplinaire (un seul mouvement à la fois, pas de cuisine), les parloirs se passent mal car ils (les surveillants, NDLR) sont tout le temps sur notre dos. Ils ne sont pas capables de livrer les cantines. On veut fonctionner comme une vraie centrale, avec d’avantage de liberté […] On vous parle de longues peines, de plus de convivialité, du mode de vie […] On a demandé à parler au directeur, on les a saoulés avec ça […] Des surveillants sont même venus nous dire de faire quelque chose », a déclaré José Torres. Et Romain Leroy d’ajouter : « Voilà dix ans que je suis incarcéré. Le système pénitentiaire français se préoccupe plus de la modernité des nouvelles prisons que de la vie à l’intérieur. Je n’ai pas fait cette mutinerie que pour parler de Valence. Ce n’est pas la seule prison de niveau 4 en France. Il y a un gros problème de communication dans ces prisons ».

    Quand des prisonniers se révoltent et se mutinent … ils prennent des risques énormes. L’un des inculpés, José Torres terminait sa peine de 7 ans et demi de prison ( + 18 mois pris à l’intérieur pour un chargeur de téléphone rentré illégalement, ça fait cher payé le chargeur !). Il devait bénéficier d’un aménagement de peine courant 2017. Romain Leroy remarque :

    « Si je casse juste une caméra dans le couloir, on m’enferme au mitard et personne dehors ne saura ce qui se passe ici, alors j’ai tout cassé et voilà, il y a des gens devant le tribunal, voilà la presse qui est venue au procès…» et il conclut que « quand les écrits ne font rien que reste-il à part les actes ? »

    Lui, a été transféré à Moulins.

    Une proche dira, hors de l’audience :

    « c’est pas vrai que les QHS sont fermés depuis les années 80, ou alors ils ont juste changé de nom et s’appelle maintenant les QMC. »

     Un verdict sévère et des magistrats obnubilés par les dégâts

    Le tribunal n’entend que l’avocat du centre pénitentiaire qui chiffre les dégâts à 1 696 000 euros. Une somme pareille pour 4 cellules cramées ! Une des proches ajoutera :

    «  Vous vous rendez compte a ce prix là, tout ce qu’on pourrait construire ! »

    Les dégâts proviennent très majoritairement de l’intervention des pompiers, alors ça aurait été moins coûteux de tout laisser disparaître ! Le procureur N. Julia, après avoir rappeler que les prisonniers encourent une peine de 20 ans, réclame  8 ans de prison ferme… A l’audience, les deux prisonniers ont reconnu s’être emparés des clefs du surveillant mais ont nié les violences. Ils ont reconnu avoir « cassé quelques caméras et ouvert les portes des cellules de 40 détenus », mais ils ont nié avoir incendié les quatre cellules et dégradé du matériel mobilier.

    Néanmoins, après 6 heures d’audience, malgré une défense et des prisonniers relatant les conditions de détentions insupportables le verdict est salé : 5 ans de prison ferme pour les deux mutins. Immédiatement, R. Leroy et J. Torres ont fait appel de cette décision.

    Le procureur est satisfait, lui qui voulait faire un exemple.

    Suite à ce procès et cet appel que demandent les deux mutins, soyons au rendez-vous et restons en contact avec eux. Ne laissons pas l’administration pénitentiaire les isoler, les faire oublier ou tenter de les faire taire.

    Solidarité avec les mutins de Valence et leurs proches !

    Pour un compte rendu plus détaillé de ce qu’il s’est joué dans la salle, on peut écouter l’émission de l’Envolée du vendredi 17 mars avec Adeline et Michèle.

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  • Insupportables, le tribunal de Valence et le Quartier maison centrale de sa prison. Le 10 mars devant le TGI à Valence et le 11 devant Fleury-Mérogis, solidarité avec les prisonniers-inculpés!

    Le 10 mars 2017, tous et toutes au TGI de Valence pour soutenir les prisonniers de la deuxième mutinerie du quartier maison centrale (QMC) de la prison de Valence.

    Le 27 novembre 2016, des prisonniers longues peines se sont révoltés au QMC du centre pénitentiaire de Valence,  contre un enfermement toujours plus strict et sécuritaire. Le vendredi 10 mars 2017 à 14h, deux d’entre eux, accusés de dégradation et vol avec violence seront jugés par le tribunal de grande instance de Valence.

    Le 6 janvier dernier, les magistrats de ce même tribunal ont déjà distribué un cumul de neuf années de prison supplémentaires à trois autres prisonniers -longues peines aussi- pour une première mutinerie qui avait eu lieu en septembre dans ce même QMC. déjà des prisonniers avaient dérobé les clefs de matons, ouvert les cellules du QMC, détruit des caméras de vidéosurveillance et mis le feu à des matelas.

    Ces peines sont supérieures aux peines que les mutins de Châteaudun se sont pris dans la bouche en 2013 (elles n’excédaient alors pas 18 mois pour ceux qui avaient été désignés comme meneurs). Bien supérieures encore aux peines de huit mois qui avaient été distribuées pour la destruction totale de la prison de Nancy en 1972, peines que les mutins d’alors qualifiaient déjà « d’insupportables ». En quarante cinq ans, la pénalisation des révoltes sociales de prisonniers s’est considérablement accentuée et le TGI de Valence en donne une illustration de plus.

    Insupportables, les magistrats de ce tribunal, qui pour mieux tirer à peines réelles, interdisent l’accès à une audience civile -donc publique-, aux personnes contrôlées, puis identifiées comme soutien potentiel aux prisonniers-inculpés. Le 6 janvier deux personnes avaient en effet été « retenues » à l’unité de garde à vue du commissariat de la Comédie pendant la durée du procès.

    Insupportable, que les prisonniers soient jugés dans une salle toute entière acquise au point de vue des matons. L’AP avait, lors de cette audience de janvier, dépêché rien moins que son directeur régional.

    Insupportables, ces avocats du barreau de Valence qui dans cette petite ville où tout le monde se connaît s’accommodent fort bien des pratiques d’intimidation des magistrats et vivent de défenses couchées qu’ils facturent aux prisonniers, transformés en « clients ».

    Insupportable, le TGI de Valence.

    Insupportable, le QMC de Valence.

    Face à la justice, face aux syndicats de la pénitentiaire, l’Envolée appelle à soutenir publiquement les deux prisonniers de la deuxième mutinerie. Rendez-vous le vendredi 10 mars à 13h30, place du tribunal de grande instance de Valence pour témoigner de notre solidarité et ne pas laisser la justice poursuivre son méticuleux travail d’élimination sociale.

    L’Envolée

    En attendant, vous pouvez écouter l’interview de l’épouse de l’un des deux inculpés. Elle permet de comprendre le sort qui est fait aux prisonniers longues peines dans les QMC et les causes de ces révoltes dans celui de Valence.

    tagValence

    Si vous êtes en région parisienne, rassemblement devant la maison d’arrêt pour hommes de Fleury-Mérogis, samedi 11 mars 2017 à 13h, en solidarité avec les prisonnier-e-s :

    « De nouveau apparaît la figure du casseur et de la racaille. Médias, police et Justice travaillent ensemble pour taire la révolte, pour séparer les bon.ne.s des méchant.e.s. La réponse est immédiate : des centaines d’arrestations et de nombreuses condamnations. (…) Quand éclate une révolte, l’Etat tente de nous diviser, et peut ensuite réprimer plus facilement dans l’isolement et l’indifférence. Que ce soit contre une nouvelle loi, contre nos conditions de vie de merde, contre des violences policières, ou contre la prison, on a raison de se révolter. Pour être plus fort.e.s, il nous faut rester solidaires, ne pas laisser nos compagnon.ne.s de lutte seul.e.s avec les juges et les matons. »

    Extraits de l’appel paru sur Paris-luttes.info., Solidaires dans les luttes, solidaires face à la répression.

     

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