Cette lettre nous est arrivée très tard ; quand il nous écrit cette lettre, Francis est encore dans une cellule du quartier d’isolement de Saint Maur. Mais il a été transféré du jour au lendemain à la maison centrale d’Arles en début d’année. Depuis son arrivée, il y subit une « gestion équipée-menottée » : tous ses déplacements sont « encadrés » par des types cagoulés et armés, quand il est menotté dans le dos en prime.

Francis est friand de correspondances, et propose de correspondre avec qui le voudrait. Si vous voulez lui faire signe, contactez-nous !

Lettre ouverte de Francis Dorffer, du QI de Saint Maur, le 6 décembre 2021

Me voilà, chers lecteurs ou auditeurs !

Francis Dorffer, qui pendant 21 années s’est contenté d’écouter ou de lire ce que l’on publiait sur moi, le preneur d’otages ! Avez-vous seulement songé une seule fois à questionner pourquoi un détenu faisait, et enchaînait, six prises d’otage ? Pour un transfert ? Foutaises ! Ça, c’est la version BFMTV, ou C-News. Non, mesdames, messieurs. J’étais un gosse de seize ans incarcéré, et à 38 ans je suis toujours derrière les mêmes barreaux. Pourtant, je ne suis pas un tueur en série, et j’ai été condamné à 86 années de prison. Quand m’a t-on laissé ma chance ?


Dès la première prise d’otage, ils ont ameuté les médias. Résultat, j’ai servi d’exemple à la justice.
Dix ans !… De réclusion criminelle pour avoir retenu une psy pendant deux heures en 2006 !
Je vivais un calvaire dans une cellule du quartier d’isolement d’une prison moyenâgeuse…
Regardez-comparez ! Qui prend dix ans pour deux heures de retenue ? La psychologue, à l’époque, n’a même pas voulu porter plainte. Elle que j’avais retenue a senti et compris qu’il s’agissait pour moi de sonner l’alarme, crier au secours.

Quinze ans plus tard, je le dis, je n’ai aucune haine.
Aucun otage n’a jamais été blessé ni maltraité. Pourtant, moi, j’ai passé treize ans à l’isolement. Ça fait deux ans et demie que je dois passer mes mains dans une trappe pour être menotté, comme un fou dangereux. Est-ce cela qui va me responsabiliser ?

J’ai eu un enfant. J’avais une compagne. On m’a retiré la vie ! J’entends par là : pour me stopper ! On m’a retiré le droit de les voir. On m’interdit d’aimer, à ma place, qu’auriez-vous fait ?
Peut-être pire ? La haine vous aurait envahi et à cette heure vous pourriez tuer, ou vous tuer. je suis
Pas moi. Je suis là, pour vous dire : avant de parler, juger…. Écoutez, réfléchissez : comment et pourquoi un homme comme moi est passé d’une petite peine de 5 ans, mineur, à moi, un prisonnier de 38 ans ? Je vous appelle à penser à ce qu’est la prison. À penser à comment vont ressortir des hommes qui, comme moi, ont passé des décennies enfermés vingt trois heures par jour. C’est ça, se réinsérer ? Se responsabiliser ?

Pourquoi de jeunes détenus ressortent lobotomisés et font des actes terroristes ? On tue sans sommation ! On les a conditionnés. Au lieu de rester accrochés à la vie, certains préfèrent l’oublier et se laisser emporter dans la haine et la rage ! À ce jour, ne serait-ce pas plus utile que je me responsabilise en travaillant, en étant à l’extérieur, en travaillant, pour aller aider ces jeunes qui sont sur le point de déraper. Peut-être que mes mots face à des ados un peu rebelles les amèneraient à réfléchir !

Après 21 années en prison, je vous le dit : la punition n’a pas de sens ! Ce n’est pas en restant enfermé 23 heures par jour que je vais mes responsabiliser et retenir quelque chose des erreurs que j’ai fait. Ça, le temps et la maturité me l’ont apporté. Alors s’il-vous-plaît, avant d’aller sur internet, puis commenter, parler… Une simple lettre pourrait vous éclairer. Je ne vous souhaite jamais de connaître la prison.

Ne pensez pas qu’en prison on est bien, ou bien qu’on est amenés à devenir meilleurs. Cela est un trompe l’œil.

Je suis enfermé. Condamné à rester figé. Et dans X temps, on me dira « vas-y, sort ! »
Mais je suis l’exemple même que la détention ne rend pas meilleur, mais bien pire !
La prison m’a éduqué de mes seize ans à aujourd’hui. De simple petit voleur je suis devenu un criminel que je n’étais pas à mon entrée en prison. Donc sérieusement, avant même ne serait-ce que avant de ne prononcer le mot prison, sachez que ça peut transformer des hommes en ce qu’il y a de plus mauvais. Laissez les détenus s’exprimer! Échangez, questionnez, et là alors vous serez à même de pouvoir essayer de comprendre que l’enfermement à long terme, pour des gens qui veulent vivre / respirer / se réinsérer, cela est inutile et contre-productif ! Je vous invite à poser les questions. Mais s’il-vous-plaît, ne jugez pas sans poser de questions. Pensez à votre avenir, car je suis aussi acteur de celui-ci !

Et mon rôle est d’alerter et de prévenir vos enfants, vos amies ! Un acte, une action, ne résume pas un homme, et encore moins un enfant.

Merci de m’avoir écouté ou lu. Je reste à la disposition de quiconque qui a des questions. Je suis à moi seul une prison ! J’y ai grandi et passé deux décennies.

Prenez soin de vous mais aussi prenez soin de nous.

3 réponses sur “Lettre ouverte du QI: des décennies enfermé vingt trois heures par jour

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