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  • Lettres du QI : Kémi et l’Infâme dénoncent l’acharnement de l’AP – La guerre aux pauvres du gouvernement

    Lettres du QI : Kémi et l’Infâme dénoncent l’acharnement de l’AP – La guerre aux pauvres du gouvernement

    Émission de l’Envolée du vendredi 18 novembre 2022
    • Une longue lettre de l’Infâme qui dénonce les pièges des matons et de l’AP pour te pousser à bout et te punir derrière. Il sort tout juste de huit ans au quartier d’isolement (QI) et raconte les conséquences de l’isolement prolongé, les agressions et les violences psychologiques qu’il a subi et les séquelles qu’il en a conservé.
    • Une lettre de Kémi qui donne des nouvelles après son transfert à Arles il y a quelques semaines. Il est toujours au QI et en gestion menottée car l’administration pénitentiaire continue de lui faire payer sa révolte de 2016. Et il a attend toujours son paquetage suite à son transfert!
    • Discussion sur l’actu politique et l’ambiance bien crade du moment : le soi-disant « accueil » des réfugié.es de l’Ocean Viking par Darmanin qui annonce des expulsions à tour de bras et une nouvelle loi anti-migrant.es pour le printemps avec un renforcement du contrôle et de la répression des personnes étrangères. Dans le même temps, le gouvernement fait voter la Lopmi qui donne toujours plus de fric pour les policiers, qui généralise les amendes et prépare les offensives sécuritaires pour la coupe du monde de rugby et les jeux olympiques. La guerre aux pauvres continue !

    L’Envolée est une émission pour en finir avec toutes les prisons. Elle donne la parole aux prisonniers, prisonnières et leurs proches & entretient un dialogue entre l’intérieur et l’extérieur des prisons. C’est aussi un journal d’opinion de prisonniers, de prisonnières et de proches.

    On manque de forces pour faire tourner l'émission radio comme on le souhaiterait en ce moment : que vous soyez prisonnier·e·s, proches, ou révolté·e·s contre l'enfermement et l'AP n'hésitez pas à nous contacter et à passer le mot !

    Direct chaque vendredi de 19h à 20h30 sur FPP 106.3 en région parisienne et MNE 107.5 à Mulhouse, RKB 106.5 en centre-Bretagne lundi à 22h, Radio Galère 88.4 à Marseille le jeudi soir à 20h30, PFM à Arras et alentours 99.9 mardi à 21h30, Canal Sud 92.2 jeudi à 17h30 à Toulouse, L’Eko des Garrigues 88.5 à 12h le dimanche à Montpellier, Radio U 101.1 le dimanche à 16h30 à Brest, Radio d’Ici 106.6 à Annonay mardi à 21h30 et 105.7 FM & 97.0, à Saint-Julien-Molin-Molette dimanche à 20h et sur les webradios Pikez (dimanche à 11h) et Station Station (lundi à 13h). Podcasts disponibles sur toutes les plateformes !

    Pour nous joindre : 07.53.10.31.95 (appels et textos). Pour écrire : Radio FPP – L’Envolée, 1 rue de la solidarité, 75019 Paris, ou encore à contact@lenvolee.net et sur instagram, twitter, facebook.

    L’abonnement au journal est gratuit pour les prisonniers et les prisonnières. Le numéro 55 est dispo et déjà censuré par l’Administration pénitentiaire ! Raison de plus pour le faire tourner !

    Notre bouquin pour troubler la fête du quarantième anniversaire de la prétendue abolition de la peine de mort est sorti ! Une manière parmi d’autres, que nous espérons nombreuses, de faire entendre quelques voix dissonantes dans l’écœurante auto-célébration du pouvoir.

    Ce livre réunit des paroles de prisonniers, de prisonnières et de proches publiées dans le journal depuis sa création en 2001 qui nous rappellent avec force qu’en réalité c’est seulement la guillotine qui a été supprimée en octobre 1981.

    Il est disponible dans toutes les bonnes librairies et sur la boutique de nos ami·e·s des éditions du bout de la ville.

    Il est gratuit pour toutes les personnes enfermées : écrivez-nous à contact@lenvolee.net pour que nous puissions le faire parvenir à vos proches emprisonné·e·s !

  • Mourir à petit feu : trois lettres de prisonnier·e·s longues peines

    Mourir à petit feu : trois lettres de prisonnier·e·s longues peines

    Trois prisonnier·e·s condamné·e·s à de longues peines disent le temps qui détruit leur vie et celle des autres prisonnier·e·s, ces peines interminables qui dissipent tout idée de « réinsertion », mais surtout, qui tuent à petit feu, anéantissent les facultés physiques et intellectuelles. Cesario en arrive même à interpeller les institutions de l’État pour revendiquer le droit à mourir – comme les dix prisonniers de la centrale de Clairvaux qui écrivaient le 16 janvier 2006 :

    "À ceux de l'extérieur osant affirmer que la peine de mort est abolie. Silence ! On achève bien les chevaux ! Nous, les emmurés vivants à perpétuité du centre pénitentiaire le plus sécuritaire de France (dont aucun de nous ne vaut un Papon), nous en appelons au rétablissement effectif de la peine de mort pour nous."

    La guillotine certes n’existe plus ; mais la peine de prison à vie, c’est-à-dire de prison jusqu’à la mort, l’a remplacée à coups « de mois qui paraissent être un an » comme l’écrit Céline ci-dessous, avec un tranchant tout aussi morbide. Ces courriers font hélas écho aux dits et écrits de prisonnier·e·s rassemblés dans le livre La peine de mort n’a jamais été abolie.


    « La vie continue, mais nous, on stagne au jour de notre incarcération »

    Lettre de Céline

    Publiée dans le numéro 55 de L’Envolée, et lue à l’antenne le 4 février 2022.

    Centre de détention de Rennes,

    Le 19 mars 2022

    Salut l’équipe,

    J’ai encore dix longues années à tenir dans ces lieux. J’en ai effectué que deux et demi sur les seize ans de départ. Je ne serai aménageable qu’en 2026. Le temps est long. Dans ces lieux, un mois paraît être un an, alors je mets à profit ce temps pour comprendre ce qui m’a conduit ici et pour « préparer » tant bien que mal ma sortie.

    Cela fait un an que je suis à Rennes (avant j’étais à la maison d’arrêt pour femmes de Limoges), le plus grand centre de détention pour femmes de France et apparemment d’Europe. Laissez-moi rire. L’administration pénitentiaire est pire que ce que j’ai connu en maison d’arrêt. Voilà deux semaines que j’attends pour enregistrer un numéro de téléphone, cinq mois d’attente et certainement plus pour un droit de visite. Des demandes sans réponses. On m’avait dit, avant mon transfert : « les numéros de téléphone suivent ». Et bien ici, non. Alors qu’à Fresnes, à Jullouville, à Poitiers, et j’en passe, ça suit. Quand je parle aux filles qui ont connu d’autres maisons d’arrêt, d’autres centres de détention, dès lors qu’on est condamné, on n’a plus besoin de fournir de factures pour enregistrer les numéros. Mais ici il le faut. C’est incompréhensible.

    En ce qui concerne le taf, il n’y a pas de travail pour toutes. Il y a une vingtaine de places au façonnage où l’on fait du travail à la pièce, coller des blocs sur des pochettes, plier des documents pour faire des pochettes à rabats ou des dossiers, faire des disques stationnement, enrouler des affiches pour des magasins, mettre des documents sous film. Il y a environ quarante places à la confection : draps, serviettes pour les prisons, uniformes pour les matons, matelas, et quelques commandes pour des entreprises privées. Ensuite, il y a les auxi pour le repas, le ménage, la désinfection. Ensuite, il y a la cuisine et deux ou trois filles pour les cantines. Il y a deux ou trois formations rémunérées. Pour les autres, ce sera soit l’indigence, soit des personnes à l’extérieur s’il nous en reste, quand elles peuvent et qu’elles nous font des virements.

    Comment s’intégrer dans notre famille quand on est au téléphone ?

    Il faut un projet pour la sortie, mais comment mettre un projet en route quand on n’a pas les formations nécessaires ? Comment se renseigner quand on n’a pas accès aux informations ? Quand je vois des filles qui sont là depuis dix, quinze, vingt ans, comment les réinsérer dans un monde qui a totalement changé ? Ces filles qui n’ont pas connu internet et les téléphones portables, comment vont elles être autonomes et se servir de ces technologies qui sont tellement importantes aujourd’hui et pour lesquelles elles ne connaissent rien ? Ça me fait peur pour elles, mais aussi pour moi : dans dix ans, tout aura changé. C’est la vie ! Comment s’intégrer dans notre famille quand on est au téléphone ?

    Dehors la vie continue, mais nous on stagne au jour de notre incarcération. Oui, la sortie me fait plus peur que de rester ici, mais pourtant j’ai un désir beaucoup plus grand d’être libre. C’est paradoxal et difficile à vivre.

    En ce qui concerne le CGLPL (Contrôleur général des lieux de privation de liberté), on se tourne vers eux mais si on sait que ça sert à rien, mais surtout parce qu’on ne sait pas vers qui se tourner pour revendiquer ce qui nous semble injuste, ignoble. Alors on écrit au CGLPL ou à l’OIP (Observatoire international des prisons). Si les gens savaient vraiment ce que l’on vit, ce que l’on paie, et le prix, ce que l’on touche… Même ça, est ce que ça aurait un impact ?

    Céline


    « Des vieux que l’on a laissés crever »

    Lettre lue à l’antenne le 10 juin 2022.

    Centre de détention de Bédenac,

    Mai 2022

    Bonjour,

    Je suis dans la prison où il y a eu pas mal de problèmes, avec des vieux que l’on a laissé crever. J’ai vu ce qu’il y a de pire. Et aujourd’hui encore, exemples :

    • un codétenu cardiaque, avec les poumons foutus, et un demi-cœur qui fonctionne, qui n’a aucun suivi depuis un an qu’il est ici
    • un autre, polytraumatisé, avec le cerveau d’un enfant enfermé sans suivi

    Et le pire, c’est que le SPIP (Service pénitentiaire d’insertion et de probation) ne sert à rien, le médical c’est du n’importe quoi depuis que le médecin que l’on avait est parti. Pour savoir ce qu’il s’est passé, vous n’avez qu’à regarder sur le net : Bédenac, CGLPL, « maltraitrance sur les personnes âgées ». Je fais partie de principaux donneurs d’alerte au CGLPL, avec aussi l’ancien médecin du site. J’appelais tous les jours le CGLPL, et avec des courriers de suivi. Du coup, après cette visite de contrôle, du CGLPL, je vous explique pas, je suis très mal vu de la direction. Heureusement que les surveillants me comprennent, sauf deux ou trois qui n’ont rien compris. Mais si je devais recommencer, je le ferai car c’est inhumain ce qu’il se passe. On a été condamnés à la prison, pas à la peine de mort ! C’est que, ici, on peut se poser la question.

    Dans ce pays, il y a un sacré nombre de fachos !

    Vous savez, un autre exemple : un détenu qui me traite de « sale juif », qui fait des saluts nazis, des propos insultants sur les juifs. Et là, personne ne fait rien ! On le laisse faire. Pas besoin de se demander pour qui vote la direction de cette taule. Il ne fait pas bon être juif et étranger ici.

    En gros, c’est la merde totale, sauf les cellules et les bâtiments. En fait, c’est comme les bonbons à l’orange sanguine : l’emballage est beau, mais sans l’emballage c’est amer. C’est pour cela que je n’en peux plus. Je suis triste de cette vie et de ce monde qu’on laisse à nos enfants. On nous abreuve d’informations de guerre, de haine. Dans ce pays, il y a un sacré nombre de fachos ! Et tous ces gens qui crèvent dans le monde de faim, de la guerre, quelle honte !

    Je vous remercie pour votre réponse, à bientôt.


    « La peine de mort ayant été abolie en 1981, une peine de détention jusqu’à la mort a remplacé celle-ci dans les faits »

    Lettre de Cesario

    Lettre lue à l’antenne le 17 juin 2022.

    Dans une prison du sud de la France, quartier d’isolement,

    Mai 2022

    À mesdames et messieurs les représentants de la nation française, élu·e·s aux élections législatives de juin 2022,

    Je rédige ce courrier depuis la cellule d’un quartier d’isolement d’un centre pénitentiaire du sud de la France. J’ai écrit précédemment plusieurs courriers aux différents ministres de la Justice successifs. Au dernier en poste aussi, après la visite qu’il a effectué dans cet établissement quelques semaines en arrière, sans un regard sur ce quartier d’isolement situé à 50 mètres à peine de son parcours balisé ! J’écris donc ce jour à ceux qui véritablement s’intéressent et s’investissent réellement dans la défense des droits et conditions de vie en détention, comme l’OIP-SF et le trimestriel Dedans-dehors, que je lis depuis de nombreuses années. Si ma lettre paraît, vous en prendrez connaissance. La CGLPL recevra une copie de ce courrier. Nous sommes actuellement 501 détenus condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité en France. Pour certains, les plus anciens, la fin de vie est proche mais leur état physique ne leur permet pas une libération, ils attendent la mort dans les « EPHAD » pénitentiaires.

    Tous savent, et moi le premier, que je n’ai désormais plus aucune perspective d’avenir en liberté

    Pour d’autres, dont je fais partie, nous sommes encore en bonne santé apparente. Mon cas personnel est tout de même atypique. Condamné en 1988 à la réclusion criminelle à perpétuité pour des faits datant de 1986. Je fus libéré deux fois en libération conditionnelle, en 2007 puis une seconde fois en mars 2019. En novembre 2019 j’étais à nouveau réincarcéré et je viens de voir ma conditionnelle révoquée en totalité. Sans rentrer dans les détails, tous savent, et moi le premier, que je n’ai désormais plus aucune perspective d’avenir en liberté. À 62 ans et trente-huit années de détention effectives, je souhaite comme certains autres détenus ayant mon profil de peine, que nous soient accordé le droit de partir en bon état, en utilisant un procédé létal et légal de fin de vie. Je suis encore en capacité de faire ce choix, et vous élus du peuple, êtes en capacité de faire adopter une loi le permettant. La peine de mort ayant été abolie en 1981, une peine de détention jusqu’à la mort a remplacé celle-ci dans les faits.

    Vous pouvez l’ignorer, mais c’est un fait établi dont personne ne parle. N’attendez pas comme d’habitude qu’un très grave fait divers intramuros vous oblige, sous la pression médiatique, à vous pencher sur ce dossier de la fin de vie des très, très longues peines. J’en terminerai en citant Cioran :

    "Je ne vis que parce qu'il est en mon pouvoir de mourir quand bon me semblera : sans l'idée de suicide, je me serais tué depuis toujours."

    Salutations à toutes et tous,

    Cesario

  • Islamisation? oh, la barbe! par AH Benotman

    Avant de se pencher plus avant -sans tomber dedans- sur les bricolages de l'outil antiterroriste et du droit en général en cours ces jours-ci, voici un texte d'Hafed.  Paru en 2008 sur un blog qu'il animait, il tombe juste. 
    
    
    Ce mardi 30 septembre au soir, au journal de 20 heures sur TF1 - dont on connaît l'extrême délicatesse -, l'un des sujets sera l'islamisation en milieu carcéral et la possibilité que les prisons soient des viviers terroristes. En voilà une coïncidence! Juste le jour qui clôt le mois de Ramadan. Ce sont les téléspectateurs musulmans qui vont être ravis.
    
    Pour ce 20h, donc (sous réserve de passage à la trappe), une journaliste m'a interviewé. Elle me fera probablement dire - je ne suis dupe de rien - en deux minutes de montage pour 3/4 d'heure filmée, ce que TF1 voudra bien me faire dire. A savoir apporter de l'eau à leur moulin. J'espère me tromper...  Je connais les risques de ce genre d'intervention et j'assume. Si je réponds toujours positivement à ces demandes c'est  pour une raison simple: je préfère leur voler deux minutes en débitant des conneries plutôt que laisser ces deux minutes à un autre qui ferait consciemment de l'intox. 
    
    Il n'y a pas d'islamisation radicale dans les prisons françaises. Prisons qui, soit dit en passant, ne se transforment pas en boîte d'intérim pour terroristes potentiels. Si c'était le cas, au sein d'un des pouvoirs répressifs de l'Etat que sont les prisons, il y aurait des attentats violents intra-muros. Le fameux Djihad commencerait sur place par des agressions mortelles sur le personnel pénitencier. Ce qui n'est pas le cas. Je vais essayer de développer.
     
    Ce n'est pas la pensée religieuse qui islamise la population carcérale mais l'indigence sociale. Il faut savoir que 90% de cette population est en état de grande paupérisation. C'est l'indigence qui fait que, même des Français d'origine française basculent en écoutant les discussions que les musulmans tiennent comme de véritables colloques dans les recoins des cours de promenade, sur des pelouses pouilleuses ou sous des préaux insalubres. En dehors des affinités amicales (petits
    groupes de droit commun se connaissant du dehors) les musulmans sont les seuls à pratiquer la notion de partage et d'entraide. Entre détenus musulmans, ou en voie de le devenir et ne se connaissant pas, peu de choses sont mises en commun. Des timbres jusqu'à la nourriture, l'essentiel se donne entre musulmans (à part l'Institution qui gère les indigents en leur procurant une humiliante charité). Un prisonnier sans le sou doit réclamer un autre rouleau de papier W.C. en cas de courante s'il a utilisé le rouleau mensuellement distribué. C'est dire... Que se passe t-il donc dans nos bonnes vieilles prisons? C'est simple, depuis le début des années 90, après les grandes émeutes revendicatrices de la fin des années 80, l'Administration pénitentiaire a encouragé l'islamisation afin d'assurer la pacification des prisons. De la même manière que les élus (maires et autres) ont appelé les imams de tout poil à la «rescouscous» lors des émeutes de banlieues.
    
    De nombreux procès ont eu lieu dans les années 80 où des mutins plutôt gauchistes ont été lourdement condamnés. De nombreux transferts de soi-disant meneurs ont cassé les mouvements tout en les dispatchant aux quatre coins de la France carcérale. Pour l'exemple, moi-même, incarcéré à Fleury-Mérogis où se concentrent aux heures de promenade entre 100 et 200 détenus, au bout de deux jours, la direction m'a fait transférer à Fresnes où nous n'étions que deux détenus en promenade. Une manière de désamorcer une possible prise de parole auprès de mes 200 co-détenus dans un des bâtiments de Fleury-Mérogis.
    
    Pourquoi encourager l'islamisation dans les prisons et de quelle manière? L'Administration pénitentiaire a facilité la prise de parole de certains musulmans imams autoproclamés. Une manière de «caïdat», contre des prisonniers pouvant créer des mouvements de revendication sociale... Aussi bête et simple que ça. L'Administration pénitentiaire a été prise alors à son propre jeu quand les jeunes prisonniers, sensibles aux discours religieux, se sont insensiblement mis à observer une bonne hygiène de vie. Beaucoup ont cessé de fumer shit et tabac. Ils se sont mis au sport. Ont changé de langage: la vulgarité verbale indispose le Divin. Ils se sont moins bagarrés entre eux et se sont débarrassés petit à petit de cette addiction terrible, intra-muros, à la pornographie qui éteint le prisonnier frustré sexuellement. Mais le pire, pour l'Administration pénitentiaire, c'est d'observer que le prisonnier devenu musulman ne fréquentait quasiment plus le dealer légal qui siège dans toute bonne pharmacie de prison, la lecture du Coran devenant une sorte de règlement intérieur. Bref, un cerveau oxygéné est moins malléable et la prison ne devient plus un lieu de punition sociale pour ces jeunes musulmans, mais une épreuve envoyée par Dieu pour les éprouver. Dieu ayant décidé que ces jeunes devaient faire de la prison, la Justice des hommes devient peanuts et n'a plus prise ni sur les corps, ni sur les consciences. La volonté divine prime sur la fatalité sociale. L'Administration pénitentiaire perd son rôle d'épouvantail et son pouvoir de rétorsion.
     
    Avant, l'abrutissement généré par l'Administration pénitentiaire (par la T.V. Etc.) se confrontait à l'abêtissement distillé par le religieux. Faire venir des imans en prison - pendant longtemps ils ont refusé de reconnaître le culte musulman -, c'est casser les imans autoproclamés qui revendiquent uniquement pour leur culte. L'administration pénitentiaire s'est laissé dépasser par cette nouvelle génération de prisonniers pour la simple et bonne raison qu'elle n'a plus prise sur eux. Quant au terrorisme, il est plus à craindre des milieux intellectuels et étudiants que des prisonniers musulmans qui, une fois sortis, pour pouvoir bouffer retournent dans la spirale de la survie économique et reprennent illico leur petit bizness. Après la discrimination vient la criminalisation. Montrer les prisons comme étant des lieux générant le terrorisme en est la parfaite démonstration. Il est vrai que quelques imbéciles se laissent prendre à ce piège, j'ai moi-même eu quelques soucis en tant que maghrébin athée face à la pression communautariste, mais sans jamais parvenir au point de rupture et toujours à cause de deux ou trois illuminés - certainement bien plus mécréants que moi - qui cherchaient à se créer un statut dans la religiosité à outrance. 
    Et, comme disait l'autre:
    J'ai rencontré Dieu en prison.
    - Que faisait-il là?
    - Oh, il y était pour escroquerie...
     
    AH BENOTMAN L'Athégriste. le 30 septembre 2008
    
    Le lien avec la parution originale : http://abdel-hafed-benotman.blogs.nouvelobs.com/archive/2008/09/30/islamisation-oh-la-barbe.html