Étiquette : violences d'état

  • Expérimentations sécuritaires et violences pénitentiaires : lettres sur le QI et le mitard

    Expérimentations sécuritaires et violences pénitentiaires : lettres sur le QI et le mitard

    Le QI (quartier d’isolement) et le mitard sont les parties de la prison les plus propices aux violences pénitentiaires. Francis Dorffer explique comment les QI deviennent de plus en plus invivables, au rythme de la diffusion progressive des nouvelles logiques sécuritaires. Beaucoup de morts en prison ont lieu à l’isolement ou au mitard, comme le dit Kémi dans une lettre écrite le 29 mai 2022 à l’occasion de la journée nationale contre les violences pénitentiaires. Anonyme, une quatrième lettre revient sur le caractère systémique des violences contre les prisonnier·e·s, spécialement au QI.


    « À chaque transfert, je recommence le circuit de la mort à zéro »

    Lettre de Francis Dorffer

    Nous avons publié au début de l’année une lettre ouverte de Francis écrite en décembre 2021 depuis Saint-Maur. Transféré à Arles, il continue à y subir la gestion toujours plus sécuritaire des QI. Cette première lettre a été lue à l’antenne le 18 mars 2022.

    Maison centrale d’Arles, quartier d’isolement,

    Le 15 février 2022

    Aujourd’hui en prison, on n’y fait plus attention, mais la sécurité prend une place de plus en plus énorme et déshumanise tout. Depuis un certain temps, au nom de la sécurité, on a laissé tomber toute forme de sympathie ou même d’humanité. Depuis bientôt trois ans, je vis à l’isolement enfermé 24 heures par jour. C’est par une trappe dans la porte que je dois passer mes mains pour être menotté dans le dos, par des casqués équipés de boucliers, pour sortir de cellule. Comment me sentir bien ? Comment résister et ne pas tomber dans la haine, dans la violence ? Je résiste sans dire un mot. Malgré les années qui sont passées, à chaque transfert, je recommence le circuit de la mort à zéro.

    Exemple : ici, on m’a mis dans une cellule dite « de force », où la fenêtre ne s’ouvre presque pas, les toilettes et le lavabo sont dans du béton, il n’y a aucun meuble à part une table en ferraille attachée au sol. Et le pire, je suis menotté à chaque sortie de cellule par des surveillants qui me tiennent par chaque bras. Imaginez un rendez-vous ! La personne vous voit arriver avec cinq surveillants équipés comme des robots ! Super, les entretiens menottés dans le dos. Au dentiste les menottes me rongent la peau car je suis assis dessus, et je me casse les poignets. Je pense que les directions qui prennent ce genre de mesures contre moi ne se rendent même plus compte qu’ils participent à un acharnement et cela commence à me ronger.

    Je vis en détention depuis vingt-deux ans. J’ai passé plus de temps en prison qu’à l’extérieur, j’ai été condamné à une peine qui est la plus longue infligée en France. En tout, quatre-vingt-six années de détention ont été prononcées contre moi et j’ai encore un jugement en attente. Pour ceux qui ont du mal à y croire, qu’ils contactent mes avocats ou qu’ils regardent sur le net.

    Quand j’entends que la France est un pays fondateur des droits de l’homme, ça me dégoûte. Et mes droits, ils sont où ? Ah, je suis un taulard, donc je peux m’asseoir dessus ? Les gens pensent : « il est en prison, il l’a bien mérité », mais non ! J’ai pas mérité d’être condamné à autant. J’ai pas versé une seule goutte de sang. Dans mes prises d’otages, je n’ai pas frappé une seule fois un otage ! Pourtant on m’a condamné comme si j’avais tué cent fois, et c’est ma quinzième année de détention au QI, et actuellement j’en suis à la troisième d’un trait. Menotté et baluchonné chaque année, car à chaque fois on me dit : « reste tranquille et on va enlever les menottes », arrivé quelques mois on me met les menottes devant, puis paf on me transfère ailleurs et arrivé dans une nouvelle prison on me dit :

    "On te connaît pas, donc on repart sur le menottage dans le dos, si tu reste tranquille on verra pour te les mettre devant !"

    Que la France arrête de faire semblant d’être un pays humain et surtout qui respecte les droits de l’homme. Ça fait 22 ans que je suis en prison et chaque jour on m’attache comme un chien ! C’est ça, se réinsérer, les gens ! En les attachant dans le dos ! En les éloignant de leurs familles, en les laissant des années au QI, en les laissant sans rien. Bref, ce que je sais, c’est que c’est pas comme ça qu’ils vont me casser !

    Force et courage à tous, soyez forts, et si besoin écrivez-moi, je répondrai.

    Francis Dorffer


    En direct des abattoirs français

    Lettre de Francis Dorffer

    Nous avons publié au début de l’année une lettre ouverte de Francis écrite en décembre 2021 depuis Saint-Maur. Transféré à Arles, il continue à y subir la gestion toujours plus sécuritaire des QI. Cette seconde lettre a été lue à l’antenne le 18 mars 2022.

    Maison centrale d’Arles, quartier d’isolement,

    Le 20 février 2022

    Aujourd’hui, la prison a pris un tournant ultra-sécuritaire. C’est de plus en plus inquiétant : en 2022 le budget pénitentiaire a voté 145 millions d’euros rien que pour le volet sécuritaire ! Quand le budget pour les alternatives à la prison s’élèvent à 300000 euros ! Ou la prévention de la récidive : 90 millions ! C’est hallucinant. À ces deux catégories, on n’arrive même pas au budget alloué pour la sécurité. Alors que les deux sont essentiels. Sur le terrain, la hausse de l’hyper-sécuritaire se fait ressentir chaque jour un peu plus.

    Quand on se penche un peu sur les quartiers d’isolement… Pour être concret : il y a quinze ans, j’étais en QI dans des maisons d’arrêt. Il n’y avait pas de système de trappes aux portes. Aujourd’hui, 90% des QI sont munis au moins partiellement de ces trappes ! Et ce qu’il se passe, c’est que dans beaucoup de QI, vu qu’il y a ces trappes aux portes, les agents n’ouvrent quasiment plus les portes. La facilité de venir seul et de distribuer le courrier, les cantines ! Voire dans certains cas, les repas. Et l’humain disparaît petit à petit. Même des audiences sont faites par les trappes ! Et je ne suis pas une exception. Des détenus traités comme moi, il y en a de plus en plus… Il faut que ça cesse ! On a pas le droit de laisser des êtres humains comme ça ! Le contact avec les surveillants ne fait plus que le bruit de la ferraille des menottes et le claquement des boucliers, chaque jour depuis trois ans. Et je vous le dit, il y a des centaines de détenus qui vivent ça. Mais les pauvres ont tellement laissé le temps passer que pour eux, c’est normal ! C’est devenu banal de laisser les gens mourir à petit feu comme ça.

    Et quand il y a des incidents, on relance les vieux débats, les manques de moyens, etc. Non ! Stop ! Aujourd’hui le directeur d’une prison peut placer un prisonnier au QI, le faire menotter, lui imposer des agents équipés casqués avec boucliers, lui imposer des heures de sortie (1 heure du matin !), le mettre en position animale ! Et après ils vont dire : « regardez, le mec est violent ». On fabrique des bombes humaines et quand elles explosent on se demande comment c’est arrivé. Non, vraiment, stop ! Il est temps de traiter les détenus comme des humains et de leur laisser l’espoir, la vie est déjà assez compliqué pour nous. Il faut que ça cesse ! Venez voir !

    Merci à tous,

    Francis Dorffer


    Le mitard et l’isolement

    Lettre de Kémi

    Kémi écrit dans cette lettre, lue à l’émission du 20 mai 2022, qu’il est sorti d’isolement peu de temps avant, en janvier 2022. Cependant, l’AP a depuis décidé de l’y remettre au courant de l’été 2022...

    Maison centrale de Saint-Maur,

    Mai 2022

    Bonjour à tous,

    Je vous écris de la centrale de Saint-Maur, je m’appelle Mickaël, j’ai 33 ans et ça fait dix ans que je suis en cellule, et il me reste encore dix ans sur le papier, tout ça pour vous dire que je connais bien le mitard et l’isolement. D’ailleurs, récemment je suis sorti de l’isolement après un bref séjour de deux ans, le mitard je connais que trop bien aussi malheureusement, j’ai même connu les fameux 45 jours fermes de cachot ! Un mois et demi enfermé dans 3 m² avec rien, même la radio ils font galérer pour nous la donner !

    La France devrait fermer ces lieux sombres, sérieux

    L’isolement en France c’est quoi ? C’est ni plus ni moi que les QHS (quartiers de haute sécurité) des temps modernes ! On est 23H/24 enfermés en cellule, impossible de voir à quoi ressemble ton voisin de cellule, et si tu parles à la fenêtre faut faire très attention à tes propos et avec qui tu les tiens pour éviter que l’AP te colle une étiquette chelou sur ton dos ! Si tu t’énerves faut être préparé car ils entrent dans ta cellule avec le bouclier et les tenues pare-coups, et te sautent dessus, donc quitte à faire du mitard, autant y aller pour une raison valable…

    Ça peut paraître brutal, mais en vrai vous êtes loin de la vérité, c’est encore plus brutal. Je m’exprime pas très bien, mais c’est des abattoirs à détenus. Regardons la vérité des choses, la plupart du temps, quand un détenu perd la vie, c’est soit au mitard, soit à l’isolement, ou alors par un incendie dans la cellule…

    L’isolement et le mitard en France, ce sont des lieux où l’on se sert des détenus comme des cobayes, ils essayent de vous shooter avec des médocs, ou alors ils te piquent, c’est la camisole de force par injection, c’est des oufs ! La France devrait fermer ces lieux sombres, sérieux, vous ne pouvez pas imaginer ce qui s’y passe !

    Oui c’est vrai, à l’isolement, on a le droit à la télé et aux cantines mais si tu bosses pas et que t’as pas de soutiens à l’extérieur tu fais comment ? Rares sont les quartiers d’isolement où tu peux bosser, la télé n’est pas gratuite, c’est 20€ par mois, et même si t’as la télé tu peux passer plusieurs années à l’isolement coupé de tout, si tu commences à parler à ta télé et que tu attends une réponse, ben, pose-toi les bonnes questions !

    J’ai vécu une nuit au mitard en 2014 où je me suis battu pour ma vie, merci à mes voisins qui ont fait le bordel

    J’ai personnellement côtoyé l’isolement, j’ai passé plusieurs années dans ces mouroirs. Le mitard c’est pareil, on doit rester sur nos gardes 24H/24. Pour tout vous dire, j’ai vécu une nuit au mitard en 2014 où je me suis battu pour ma vie, et merci à mes voisins qui ont fait le bordel quand ils ont entendu la bagarre dans ma cellule, à cette époque j’étais le détenu à briser voir plus après une prise d’otage dont j’ai été l’auteur, quand on joue avec l’AP, on joue sa vie !

    Bref, j’espère que ces quelques mots permettront de voir un peu ce qu’est l’isolement et le mitard… Force, courage et honneur pour tout·e·s les détenu·e·s de France et leurs familles !

    Mickaël, AKA Kémi


    « S’adapter, ne pas s’habituer »

    Lettre d’un lecteur anonyme de L’Envolée

    Cette lettre a été lue à l’émission du 17 juin 2022.

    Dans une prison de France, quartier d’isolement,

    Juin 2022

    Salam, peace à toute la populace,

    Je suis un lecteur assidu de L’Envolée, un révolté de nature, qui au fur et à mesure vire entre haine et dégoût. Innocent ? Nan, sûrement pas, et alors ? Non coupable ? Ça dépend des points de vue. Plus de sept ans de détention, six ans d’isolement ininterrompu, réclusion criminelle à perpétuité, la trentaine, nice to meet you.

    Je suis en ce moment dans une cellule d’isolement. Force à tous ceux qui sont dans ce cas. La fenêtre s’ouvre à peine suffisamment pour passer la main, ni un oiseau ni un singe et, malgré tout le respect que j’ai pour eux, j’ai l’impression d’être un animal dans un zoo. Drôle de situation quand un directeur vient vous accueillir à votre arrivée en disant : « alors, c’est vous ? », avec le regard que l’on pourrait porter sur un lion domestiqué ou non domestiqué dans une cage.

    Ces bleus, ces humains qui ne le sont que très peu au quotidien, agents et acteurs d’un racisme structuré

    S’adapter, ne pas s’habituer. J’ai vu au cours des années des détenus flancher psychologiquement, répondre à la violence institutionnelle (quand elle n’est qu’institutionnelle, ce qui est extrêmement rare), par la violence physique, souvent contre eux-mêmes, trop souvent contre eux-mêmes d’ailleurs. À l’égard des bleus, parfois ces bleus, ces humains qui ne le sont que très peu au quotidien, agents et acteurs d’un racisme structuré, nous les noirs ris de leurs blagues racistes de leurs collègues. Ces gens, ces bleus, très souvent instables, qui laissent libre cours à leur base instable à l’ombre de ce système panoptique, où force n’est pas à la loi, puisque ces lois ils les bafouent en permanence et que le détenu qui aurait l’outrecuidance de s’emparer de ces lois pour tenter de se défendre (je dis bien tenter) est immédiatement estampillé procédurier et les vexations ne font que se multiplier.

    Que dire des piqûres ? De la camisole chimique ? Que dire des décès ? Des meurtres maquillés en suicides ? De l’instrumentalisation de la bassesse humaine ? De l’utilisation des détenus contre d’autres détenus ?

    Et lorsque l’on a dit tout cela, que dire des QI ? J’y suis depuis six ans. On m’accuse d’être un roc, de ne pas faiblir, de ne pas craquer, d’être trop peu impacté après toutes ces années. Qu’on se le dise, je n’ai pas l’intention d’abdiquer : routine exigeante émaillée d’effractions de la part de soldats, plus exactement de marionnettes de l’injustice.

    L’instrumentalisation d’événements au profit du tout sécuritaire… Des débats contradictoires pour donner à tout cela un semblant de cadre légal. Pour ma part, je dis une chose simple quant à ces débats. Dire à son empoisonneur : « je connais ta recette » est inutile, puisqu’il ajoutera toujours un nouvel ingrédient à son poison. Lorsqu’on nous empoisonne, la meilleure façon de ne pas mourir, c’est d’arrêter de manger. Il faut donc ne plus accepter de subir. Stimulez votre intellect, maintenez votre physique en bon état, résistez de la manière la plus adaptée à votre situation… peu importe la manière et peu importe cette situation.

    Un grand salam à L’Envolée que je lis depuis longtemps, à qui je n’ai jamais écrit. C’était une présentation, peut-être que d’autres courriers suivront. Dans tous les cas, je ne souhaite pas que mon identité soit donnée si ce courrier devait être publié. Un grand big up de l’ombre pour les gens à la lumière, prenez soin de vous, je vous souhaite de sortir dans le meilleur état possible.

  • Pressions contre Kémi à Saint-Maur – procès de matons violents à Lille-Sequedin – résistances des prisonnières au CRA du Mesnil-Amelot

    Pressions contre Kémi à Saint-Maur – procès de matons violents à Lille-Sequedin – résistances des prisonnières au CRA du Mesnil-Amelot

    Émission de L’Envolée du vendredi 21 octobre 2022
    • Évasion collective de 9 prisonniers au CRA de Oissel, près de Rouen.
    • Des nouvelles de Kémi, qui continue à se prendre des pressions à la centrale Saint-Maur pour le pousser à bout. N’hésitez pas à appeler la prison de Saint-Maur pour leur dire d’arrêter, et vous pouvez passer par nous pour écrire à Kémi et lui envoyer de la force.
    • Retour sur le procès à Lille de matons qui ont passé à tabac un prisonnier, nu et seul dans sa cellule, le 3 janvier 2022 à la prison de Lille-Sequedin. Il s’est pris des coups de pied et de poings, a été strangulé, a été tiré par les bras menottés dans le dos, se prend des coups à chaque marche d’escalier dans lequel il est traîné. Il est laissé inerte au mitard et ne reçoit aucun soin pendant plusieurs jours. Les matons écrivent un faux CRI et vont essayer de faire passer le prisonnier pour fou et l’envoient 48h à l’UHSA. Le prisonnier et son codétenu témoin sont mis sous pression. La défense des matons pour se dédouaner repose sur un soi-disant « effet-tunnel« . L’AP les félicite et les matons n’ont eu aucune sanction administrative ; le délibéré du procès est prévu pour novembre.
    • Appel de plusieurs prisonnières enfermées au CRA du Mesnil-Amelot. Elles subissent des blocages dans la distribution des produits d’hygiène, de la nourriture et de l’argent. Elles n’ont aucun soin gynéco. Les punaises de lit prolifèrent dans le CRA. Le covid et la variole du singe aussi ; l’une des prisonnières ayant eu le covid a été mise en isolement chez les hommes. Elles subissent des fouilles des hommes de la PAF. Désormais un OPJ est présent en permanence dans le CRA. Mais la résistance et la complicité des prisonnières fait plaisir à entendre !

    Agenda :

    L’Envolée est une émission pour en finir avec toutes les prisons. Elle donne la parole aux prisonniers, prisonnières et leurs proches & entretient un dialogue entre l’intérieur et l’extérieur des prisons. C’est aussi un journal d’opinion de prisonniers, de prisonnières et de proches.

    On manque de forces pour faire tourner l'émission radio comme on le souhaiterait en ce moment : que vous soyez prisonnier·e·s, proches, ou révolté·e·s contre l'enfermement et l'AP n'hésitez pas à nous contacter et à passer le mot !

    Direct chaque vendredi de 19h à 20h30 sur FPP 106.3 en région parisienne et MNE 107.5 à Mulhouse, RKB 106.5 en centre-Bretagne lundi à 22h, Radio Galère 88.4 à Marseille le jeudi soir à 20h30, PFM à Arras et alentours 99.9 mardi à 21h30, Canal Sud 92.2 jeudi à 17h30 à Toulouse, L’Eko des Garrigues 88.5 à 12h le dimanche à Montpellier, Radio U 101.1 le dimanche à 16h30 à Brest, Radio d’Ici 106.6 à Annonay mardi à 21h30 et 105.7 FM & 97.0, à Saint-Julien-Molin-Molette dimanche à 20h et sur les webradios Pikez (dimanche à 11h) et Station Station (lundi à 13h). Podcasts disponibles sur toutes les plateformes !

    Pour nous joindre : 07.53.10.31.95 (appels et textos). Pour écrire : Radio FPP – L’Envolée, 1 rue de la solidarité, 75019 Paris, ou encore à contact@lenvolee.net et sur instagram, twitter, facebook.

    L’abonnement au journal est gratuit pour les prisonniers et les prisonnières. Le numéro 55 est dispo et déjà censuré par l’Administration pénitentiaire ! Raison de plus pour le faire tourner !

    Notre bouquin pour troubler la fête du quarantième anniversaire de la prétendue abolition de la peine de mort est sorti ! Une manière parmi d’autres, que nous espérons nombreuses, de faire entendre quelques voix dissonantes dans l’écœurante auto-célébration du pouvoir.

    Ce livre réunit des paroles de prisonniers, de prisonnières et de proches publiées dans le journal depuis sa création en 2001 qui nous rappellent avec force qu’en réalité c’est seulement la guillotine qui a été supprimée en octobre 1981.

    Il est disponible dans toutes les bonnes librairies et sur la boutique de nos ami·e·s des éditions du bout de la ville.

    Il est gratuit pour toutes les personnes enfermées : écrivez-nous à contact@lenvolee.net pour que nous puissions le faire parvenir à vos proches emprisonné·e·s !

  • Lettre de Claudio Lavazza – l’acharnement contre Kémi continue – appel de Nordine criblé de balles par la BAC – des nouvelles de L’Infâme

    Lettre de Claudio Lavazza – l’acharnement contre Kémi continue – appel de Nordine criblé de balles par la BAC – des nouvelles de L’Infâme

    Émission de L’Envolée du vendredi 14 octobre 2022
    • Lettre de Claudio Lavazza, dans laquelle il explique les mécanismes juridiques permettant à la France de ne pas le libérer, au mépris du droit européen. On peut lire cette lettre par ici.

    • Nouvel appel d’Adeline, comme la semaine dernière, car les pressions et l’acharnement des matons et de l’administration pénitentiaire contre Kémi continuent, en particulier à cause de l’équipe de nuit du quartier d’isolement (QI) de la centrale de Saint-Maur. Kémi est actuellement en danger, il demande un transfert immédiat et s’il venait à lui arriver quoi que ce soit, nous en tiendrons l’AP pour responsable. Kémi n’est pas suicidaire.

    • Appel de Nordine, contre qui un procureur requiert, lors de son procès en appel, 4 ans de prison et 20.000€ d’amende à payer aux keufs. C’est cher payé pour s’être fait tirer dessus – lui et sa compagne Merryl – par la BAC de Stains la nuit des 15-16 août 2021. Bien sûr, la plainte de Nordine contre l’agression des keufs n’avance pas aussi vite que les poursuites qui pèsent contre lui. Le verdict du procès en appel est fixé au 29 novembre 2022. Il est possible de suivre le combat de Nordine et de Merryl sur leur Facebook.

    • Des nouvelles de L’Infâme à Valence, contre qui l’AP recommence à s’acharner.

    • Une pensée pour Jakes Esnal et Ion Kepa Parot, qui obtiennent enfin une condi après 32 ans passés derrière les barreaux.

    Musiques : Eloquence, Chapelet dans ma fouille / Asian Doll, 41 Shots / IAMDDB & Inka, Leaned Out

    L’Envolée est une émission pour en finir avec toutes les prisons. Elle donne la parole aux prisonniers, prisonnières et leurs proches & entretient un dialogue entre l’intérieur et l’extérieur des prisons. C’est aussi un journal d’opinion de prisonniers, de prisonnières et de proches.

    On manque de forces pour faire tourner l'émission radio comme on le souhaiterait en ce moment : que vous soyez prisonnier·e·s, proches, ou révolté·e·s contre l'enfermement et l'AP n'hésitez pas à nous contacter et à passer le mot !

    Direct chaque vendredi de 19h à 20h30 sur FPP 106.3 en région parisienne et MNE 107.5 à Mulhouse, RKB 106.5 en centre-Bretagne lundi à 22h, Radio Galère 88.4 à Marseille le jeudi soir à 20h30, PFM à Arras et alentours 99.9 mardi à 21h30, Canal Sud 92.2 jeudi à 17h30 à Toulouse, L’Eko des Garrigues 88.5 à 12h le dimanche à Montpellier, Radio U 101.1 le dimanche à 16h30 à Brest, Radio d’Ici 106.6 à Annonay mardi à 21h30 et 105.7 FM & 97.0, à Saint-Julien-Molin-Molette dimanche à 20h et sur les webradios Pikez (dimanche à 11h) et Station Station (lundi à 13h). Podcasts disponibles sur toutes les plateformes !

    Pour nous joindre : 07.53.10.31.95 (appels et textos). Pour écrire : Radio FPP – L’Envolée, 1 rue de la solidarité, 75019 Paris, ou encore à contact@lenvolee.net et sur instagram, twitter, facebook.

    L’abonnement au journal est gratuit pour les prisonniers et les prisonnières. Le numéro 55 est dispo et déjà censuré par l’Administration pénitentiaire ! Raison de plus pour le faire tourner !

    Notre bouquin pour troubler la fête du quarantième anniversaire de la prétendue abolition de la peine de mort est sorti ! Une manière parmi d’autres, que nous espérons nombreuses, de faire entendre quelques voix dissonantes dans l’écœurante auto-célébration du pouvoir.

    Ce livre réunit des paroles de prisonniers, de prisonnières et de proches publiées dans le journal depuis sa création en 2001 qui nous rappellent avec force qu’en réalité c’est seulement la guillotine qui a été supprimée en octobre 1981.

    Il est disponible dans toutes les bonnes librairies et sur la boutique de nos ami.e.s des éditions du bout de la ville.

    Il est gratuit pour toutes les personnes enfermées : écrivez-nous à contact@lenvolee.net pour que nous puissions le faire parvenir à vos proches emprisonné.e.s !

  • Dans l’angle mort des violences d’État : les violences pénitentiaires

    Dans l’angle mort des violences d’État : les violences pénitentiaires

    En plein confinement, nous avons largement manifesté contre les violences policières. La prison tue, elle aussi. Ce samedi 9 janvier aura lieu à Brignais (69) une marche en hommage à Idir, mort au mitard à Lyon Corbas. L’occasion pour l’Envolée de proposer un article contre les violences pénitentiaires, en solidarité avec les proches qui luttent pour faire la lumière sur les morts en détention.

    Malgré le confinement, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté contre la loi dite « de sécurité globale », et plus particulièrement contre l’article qui vise à limiter le droit de filmer les agissements de la police. Si les journalistes s’en mêlent et manifestent avec les autres contre les violences policières, c’est bien parce qu’ils se trouvent directement menacés dans l’exercice de leur profession. Un concours de circonstances qui a mis – pour une fois – quelques caméras officielles du côté des opprimés, et on les a mieux entendus : tant mieux !
    Nous n’oublions pas pour autant que ça fait des années que ces violences sont régulièrement dénoncées par des collectifs et des comités de familles et de victimes qui réclament inlassablement la vérité, le plus souvent sans jamais être entendus ni recevoir de réponse.

    En clair, pour prouver que la police est violente, il faut des images qui passent à la télé.
    Mais alors, comment « prouver » les violences là où il ne peut pas y avoir d’images : en garde-à-vue, dans les centres de rétention administratifs (CRA), et dans toutes les prisons de France ?
    Comment « prouver » qu’il y a des violences pénitentiaires tout comme il y a des violences policières ?


    La prison tue

    Le 9 septembre 2020, Idir est mort au mitard de Lyon Corbas, deux semaines avant sa sortie. L’AP affirme qu’il s’est pendu, mais sa famille et ses proches ne croient pas à la version officielle (voir ici leur pétition), qui est aussi mise en doute par des témoignages de prisonniers.

    Le 18 octobre 2020, Taoufik est mort à la maison d’arrêt de Perpignan. Selon l’AP, il se serait étouffé en mangeant. Sa famille n’a appris sa mort que plusieurs semaines plus tard, alertée par un prisonnier en permission.

    Le 14 avril 2018, Jaouad avait trouvé la mort dans le mitard (quartier disciplinaire) de la maison d’arrêt de Toulouse-Seysses. Ses voisins de cellule avaient immédiatement dénoncé un meurtre maquillé en suicide et désigné une équipe de matons violents, qu’ils appelaient « l’escadron de la mort » (Voir aussi ici et ). Depuis, les violences au mitard continuent, selon des témoignages de prisonniers, malheureusement trop nombreux.

    Tous les trois jours en moyenne, l’administration pénitentiaire signale un nouveau mort au sein de la population pénale – qui se trouve par définition sous son entière responsabilité. Ceux et celles qui connaissent la réalité carcérale pour l’avoir éprouvée dans leur chair parlent souvent de « morts suspectes » plutôt que de suicides.

    La liste de ces « suicides » qui sont contestés par les prisonniers et leurs proches est malheureusement interminable.

    Et même quand il s’agit vraiment d’un suicide, c’est encore la prison qui tue : conditions inhumaines et peines sans fin plongent certains condamnés dans le désespoir.

    En effet, la prison torture aussi. Combien de prisonniers sont tabassés, étouffés, privés de sommeil et de visites ? Un correspondant régulier du journal L’Envolée, « L’infâme », a par exemple subi des violences inouïes à la prison de Vendin-le-Vieil en novembre dernier. Qui s’en émeut ?

    Ceux qui voudraient dénoncer ces lynchages voient s’abattre sur eux une punition immédiate et implacable. Des transferts disciplinaires les éloignent de leurs familles et de leurs réseaux de solidarité au sein de la prison… quand ils ne sont pas passés à tabac à leur tour, comme Jean-Christophe Merlet, un prisonnier handicapé à vie après avoir subi la fureur d’une équipe de surveillants du centre de détention de Saint-Martin-de-Ré qu’il accuse d’avoir frappé à mort un de ses codétenus.


    À l’abri des regards

    Il semble qu’il y ait une prise de conscience du fait que le racisme et la brutalité policières sont bel et bien systémiques, et qu’il est indispensable de pouvoir prouver par l’image le harcèlement policier, les contrôles au faciès, les humiliations, les mutilations et les morts dans le cadre du « maintien de l’ordre ». Ces pratiques sont déjà dénoncées depuis des dizaines d’années par les habitants des quartiers populaires et les personnes racisées… La police tue en moyenne 25 personnes par an. La répression du mouvement des Gilets jaunes a contribué à cette prise de conscience car les images d’une brutalité policière que la sacro-sainte « légitime défense » ne saurait justifier se sont multipliées : yeux crevés, mains arrachées et violences gratuites.

    Il faudrait que cette période soit aussi l’occasion d’enfin entendre les récits sortis des lieux où la violence d’État s’exerce loin des regards.

    Comme les policiers, les surveillants pénitentiaires humilient ; certains tabassent, et tuent parfois derrière les hauts murs des prisons de France. Tout particulièrement dans les mitards et les quartiers d’isolement. Dans ces lieux, il n’y a que les caméras de surveillance qui filment, et les agents connaissent tous les angles morts ; si des images les incriminent tout de même, elles ont tendance à disparaître les rares fois où une enquête est ouverte. Les surveillants sont couverts par leur hiérarchie en toute circonstances. La prison, c’est la vraie « grande muette ». 


    Sort-on de l’humanité en entrant en prison ?

    Et puis les gardiens de prison savent que prisonniers et prisonnières sont au ban de l’humanité. Qu’ils portent un numéro, qu’ils n’ont pas le droit d’association, qu’ils n’ont pas le droit à la parole. La parole des prisonniers est une parole infâme, jamais crue car toujours suspecte d’être mensongère, exagérée, nourrie par « la haine de l’autorité». Lorsque des proches contestent la version officielle après un décès en détention, c’est comme pour les crimes policiers : l’administration pénitentiaire et la justice invoquent d’improbables problèmes de santé, la consommation de stupéfiants, des troubles psychiatriques, des violences à l’encontre des surveillants, des tendances suicidaires… Le défunt est systématiquement présenté comme seul responsable de sa mort. Tant pis si des contre-expertises d’autopsie donnent des preuves patentes que la version officielle est mensongère, si on constate des traces de coups ou de strangulation, tant pis si la corde avec laquelle un prisonnier est censé s’être pendu est trop longue.

    Quand on enferme quelqu’un, on enferme avec lui les gens qui l’aiment. Ils ne peuvent endurer, en plus de l’éloignement et de la séparation, la peur de le voir sortir mutilé, traumatisé, ou entre quatre planches. Mais comme la parole d’un prisonnier ou d’une prisonnière, celle de sa famille n’inspire le plus souvent que de la méfiance, voire le mépris. Des familles et des collectifs de proches de prisonniers et de prisonnières se font tout de même obstinément les porte-voix des prisonnier·e·s qui osent s’exposer aux sanctions disciplinaires en rendant public des faits de violences.

    Nous sommes évidemment opposés à la loi sur la sécurité globale, qui doit être complètement abrogée, mais nous appelons à l’extension du combat à tous les lieux d’enfermement.

    Il faudrait que ce soit l’occasion de croire enfin la parole des premiers concernés, et cette fois sans attendre des images : nous estimons que les prisonniers sont les mieux placés pour décrire ce qu’ils vivent et énoncer quelques vérités sur la prison.

    Les quartiers disciplinaires (QD) et les quartiers d’isolement (QI) sont des lieux de torture. Ils doivent être fermés.

    Toute la lumière doit être faite sur toutes les morts suspectes en prison ; la parole des prisonniers doit être crue et relayée.
    Leurs proches doivent être soutenus dans leur recherche de la vérité.

    L’Envolée

    https://twitter.com/l_envolee/status/1346588867399454728?s=19