« Chaque témoignage bouleverse ce qu’on pensait déjà savoir sur les abus de pouvoir. »

De la prison ultrasécuritaire de Vendin-le-Vieil, véritable machine à broyer les prisonniers, Rédoine Faïd a écrit cette lettre peu de temps avant de commencer une grève de la faim le 10 décembre 2024, pour réclamer la levée de son isolement et des mesures hygiaphone, et pour exiger le respect de son droit à recevoir des visites en unité de vie familiale (UVF). En réaction aux paroles de prisonniers et prisonnières parues dans le no61 du journal L’Envolée, il développe depuis sa cellule d’isolement une critique sociale sans concessions, mais pleine d’empathie.

Centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil, à l’isolement,

le 5 décembre 2024

Bonjour L’Envolée,

Toujours un plaisir de lire votre mag, surtout découvrir le quotidien injuste des personnes emprisonnées. Malheureusement, il n’y a rien de surprenant. Quelle triste période vit-on. Cela en devient terrifiant. Chaque témoignage bouleverse ce qu’on pensait déjà savoir sur les abus de pouvoir… Ces cris d’alarme qui n’activent aucun SAMU ! A croire que la souffrance est inaudible, qu’elle incarne uniquement l’absurdité de la condition humaine. Dans tous les cas, je me reconnais dans ces récits désespérés. Je me sens proche d’eux. Et je commence à ne plus croire aux institutions. Ce petit monde de l’entre-soi où l’humanité et l’intégrité sont inexistantes, où personne ne semble fiable, où chacune et chacun trace sa petite carrière… Une politique qui s’apparente clairement à la recherche de privilèges. Qui permet à tous les opportunistes de se réaliser. Et ce, quoi qu’il en coûte à tout le monde. Et à la société, qu’on aveugle. On coupe le son de la réalité, quitte à nous faire vriller par le fond.

Parce que l’injustice et les abus sont et resterons des éléments mutiques, opaques.

Je commence aussi à croire de moins en moins à la politique. Comme toutes les françaises et les français, je me pose des questions. Je m’en désintéresse petit à petit. Cela ne m’inspire que de la méfiance. Et le changement, ça sera pas pour demain, je pense.

Par contre, je croirai toujours en l’humain, ce matériau qu’est la bonté. L’énergie de l’empathie, tu la trouves chez les gens de conviction. Et donc, les gens sans bonté ne m’intéressent pas. Parce qu’ils sont insensibles. Ce sont des humains dérangés, mais qui sont aux manettes. Il est là le vrai déséquilibre social. Celui qui divise, nous divise, et fracasse tout. Il est temps, grand temps, de revenir aux fondamentaux de la lutte des classes pour dénoncer les mécanismes de domination qui se déploient partout, sans une once d’humanité.

Force à vous toutes et tous,

Rédoine

… Pour lire d’autres lettres de Rédoine Faïd, voir ici.


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