Sports de combat, chuchotements et dons de vêtements : la fabrique de la culpabilité terroriste

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Retour du procès de l’attentat de Condé-sur-Sarthe

Émission de l’Envolée du vendredi 19 septembre 2025

AU PROGRAMME :

En juin 2025, nous avons suivi le procès de l’attentat qui avait eu lieu à la prison de Condé-sur-Sarthe en 2019. Pendant une UVF (unité de vie familiale), le prisonnier Michaël Chiolo et sa compagne avaient blessé au couteau deux surveillants avant de se retrancher et de revendiquer leur acte au nom de l’État islamique. Le RAID était intervenu, avait blessé et arrêté M.Chiolo et tué par balle sa compagne.

Au procès, M.Chiolo a revendiqué son acte comme un attentat commis au nom de l’État islamique, ce que nous ne pouvons que désapprouver. Cela dit, dans cette émission, nous racontons et analysons ce procès pour deux raisons. Premièrement le principal accusé ne cesse de dénoncer la violence pénitentiaire et d’affirmer qu’elle a fait de lui ce qu’il est devenu. Deuxièmement, derrière le show médiatico-sécuritaire antiterroriste, cette audience a aussi mis en lumière la prison actuelle, la justice en général et la justice antiterroriste en particulier, qui a permis d’infliger des peines délirantes. ­

Nous situons l’attentat dans son contexte en rappelant l’histoire de la prison de Condé-sur-Sarthe, cette centrale sécuritaire ouverte en 2013 et qui a toujours infligé des conditions invivables. Les prisonniers y avaient obtenu collectivement quelques assouplissements, puis avaient subi un durcissement après l’arrivée du directeur Chapu (+ d’infos ici). Suite à l’attentat dont nous parlons aujourd’hui, les surveillants avaient protesté en bloquant la détention pendant deux semaines. Punissant ainsi collectivement tous les prisonniers et leurs proches en leur infligeant quinze jours insupportables (voir ici), ils avaient ensuite obtenu de la part de l’AP un nouveau durcissement des conditions de détention, qui ne font qu’empirer avec les projets actuels de QLCO de Darmanin.

En 2019, l’auteur de l’attentat et ses quatre co-accusés étaient tous prisonniers longues peines et enfermés au QMC 2 (quartier maison centrale) de Condé-sur-Sarthe, cette aile où l’administration pénitentiaire avait décidé de regrouper des prisonniers condamnés pour terrorisme islamiste ou soupçonnés d’être « radicalisés » – parfois sur la base de critère fumeux tels que le fait de s’être converti en prison alors qu’on était déjà musulman.

Au long du procès, tous les accusés ont régulièrement dénoncé la violence pénitentiaire comme la dénoncent habituellement de nombreux prisonniers et prisonnières. Si Chiolo a expliqué que c’est la prison qui avait fait de lui ce qu’il était devenu, nous ne pouvons que combattre la trajectoire politique qu’il a choisie, qui relève selon nous d’une forme de fascisme. Si nous avons décidé malgré tout de raconter ce procès, c’est parce que ses quatre co-accusés ont systématiquement nié le moindre lien avec cet acte et rejeté une quelconque sympathie avec ses motivations djihadistes, mais aussi parce que la dénonciation de la violence pénitentiaire formulée par les 5 accusés a systématiquement été occultée, sous prétexte de l’accusation de terrorisme.

Raconter ce procès, c’est enfin et surtout montrer comment la justice et l’administration pénitentiaire (par le biais de ses services de renseignement internes et de son logiciel de fichage Genesis) fabriquent de toute pièce une culpabilité terroriste pour les quatre co-accusés, qui se retrouvent là parce qu’ils se sont fréquentés en prison, alors même qu’ils ne cessent de le répéter : c’est l’AP qui les a enfermés ensemble, et les pratiques présentées par l’accusation comme des preuves de leur « association de malfaiteur terroriste » ou de leur complicité ne relèvent que de conduites ordinaires en détention. Chiolo a pris une peine extrêmement lourde : la perpétuité incompressible, qui n’avait été appliquée jusqu’ici que pour des homicides. Mais ses co-accusés ont aussi reçu des peines délirantes : perpétuité assortie de 30 ans de sûreté pour l’un, 20 et 12 ans pour les autres. Le dernier a été acquitté. Les seuls éléments qui ont justifié leurs peines sont des pratiques banales en détention : pratiquer des sports de combat ensemble, chuchoter, donner des vêtements, avoir des compagnes qui s’entraident, etc. Ces éléments seraient des preuves qu’ils ont constitué un « club des cinq », traduit pénalement par le crime d’ « association de malfaiteur terroriste ».

C’est une caricature poussée à l’extrême de la manière dont la justice en général construit la « vérité judiciaire » sur la base d’éléments toujours tournés en défaveur des accusés : quoi que l’on ait fait ou pas fait, ce sera toujours retenu à charge. C’est aussi un malheureux exemple de la manière dont tout comportement ordinaire en détention (apprendre la langue des signes, se fréquenter dans un gourbi, prêter sa console de jeux vidéo, etc.,) peut être employé par l’administration pénitentiaire pour imaginer des profils dangereux et les (mal)traiter comme tels.  

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