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  • Remarques sur l’état de la prison et de la Justice française au regard du « procès Khider »

    Un article qui revient à chaud sur le troisième jour du procès de l’évasion de Moulins en février 2009. Nous l’avons lu sur le site internet Rebellyon le dimanche 7 avril. Pour un bref résumé de ce qui s’est passé lors de l’évasion voir l’article du journal l’Envolée à ce sujet. Vous pouvez aussi écouter trois comptes rendus audio où l’équipe de l’Envolée revient sur les quatre premiers jours du procès.

    Fragilité d’un pouvoir

    Ce qui frappe d’emblée quand on assiste aux « débats », mais surement serait-on plus proche de la vérité en parlant de l’emmurement programmé [1] de Christophe Khider et Omar Top El Hadj, tant le verdict est attendu d’un coté comme de l’autre, c’est la volonté judiciaire de calme et d’apaisement. La volonté que les débats se déroulent « dans la sérénité », comme ils disent, qu’on distribue certes plusieurs dizaines d’années de prison à tout va aux cinq inculpés, mais dans la quiétude. Et tout irait bien dans le meilleur des mondes, si ce n’est que la sérénité des débats, dans de telles circonstances, dans une enceinte judiciaire gardée par les hommes du GIPN, des tireurs d’élite et un hélicoptère avec une salle d’audience bondée de matons et de flics où n’entre que celui qui présente une pièce d’identité, ce n’est jamais que la politesse des bourreaux qui font mine de garder la face après l’événement.

    Car il faut bien voir que la cavale de 36h de Christophe et Omar en février 2009 (qui s’est soldée par leur arrestation et une balle dans le poumon pour Christophe), couplée à leurs dénonciations récurrentes de l’univers carcéral [2], a quelque peu ébranlé la routine du système judiciaro-pénitentiaire. D’où une volonté palpable, quoiqu’un peu grossière, de la part du parquet et des avocats des 29 parties civiles, de se rassurer sur l’humanité de la prison. Et implicitement sur la bestialité, l’animalité des « preneurs d’otages ».

    Il faut l’entendre cet ancien directeur de la Centrale de Moulins-Yzeure, dont nous tairons le nom par respect pour ses enfants – les pauvres, hélas !, ne sont pour rien dans la carrière pathétique de leur pater passé d’éducateur, à travailleur au SPIP puis au monde carcéral [3] – qui vient témoigner à la barre, et jurer que la prison n’est faite que d’actions éducatives et de projets pour les détenus, que les surveillants n’œuvrent qu’à leur réinsertion et n’ont pour seul objectif que le soucis de la dignité des prisonniers et de leurs familles, et qu’au milieu de tous ces surveillants pénitentiaires bienveillants et charitables, entre les salles de sport, la bibliothèque, les cours et la possibilité de travailler, les détenus ne savaient plus où donner de la tête [4].

    Il faut le voir ce parfait petit gestionnaire raconter comment, une fois le top départ donné, il a été complètement dépassé par les événements, obligé d’un coté de négocier dans le feu de l’action avec Khider et Top El Hadj, de l’autre de rassurer sa femme au téléphone tout en rendant compte de la situation en temps réel à « Paris » et en alertant la gendarmerie pour qu’ils envoient des renforts. Un poil fébrile, il décrit dans le détail la scène : un « état de guerre », le chaos, l’épaisse fumée qui accompagne les explosions des portes blindées, les autres détenus qui refusent de regagner leurs cellules, et le regard implorant des deux surveillants pris en otages, l’un avec un couteau sous la gorge. La sensation de perdre tout le contrôle en quelques instants, de n’avoir plus prise, de devoir subir, bref d’éprouver la condition de prisonnier. C’est d’avoir ressenti dans sa chair cette condition un court instant dont il ne s’est, au final, jamais complètement remis.

    Et ouais mec, là y’a plus de schémas tout prêts pour agir. Une prise d’otage et une évasion à l’explosif au glock et au couteau, y’avait pas encore eu de précédent en France. On a pas de repères pour décider quoi faire. On peut pas se référer au manuel, à la « procédure dans ces cas-là », on traverse une sorte de mini-béance existentielle où les questions les plus pratiques deviennent les plus décisives. Le malheureux ne s’est d’ailleurs, à ses dires, pas complètement remis de cette épreuve. Sous anti-dépresseurs depuis quatre ans et avec des insomnies chroniques, il faut bien avouer que ce pauvre homme nous a fait un peu pitié à se lamenter sur son sort, même si on peut suspecter une certaine tendance à la victimisation. Il n’était sans doute pas préparé. Ce monsieur envisagerait dorénavant une reconversion dans l’Éducation Nationale ou même « une simple collectivité territoriale » assure-t-il. En un mot, la déchéance n’est pas finie pour ce fonctionnaire qui, comme il le dit lui-même, voulait simplement faire son travail le mieux possible.

    Rapports de vérité

    Il faut aussi savoir que ce dirlo a été moralement affecté par les critiques de sa hiérarchie. Un rapport de la direction de l’Administration Pénitentiaire après l’évasion l’a vertement critiqué pour sa « gestion de crise » calamiteuse, pour le manque de vigilance des matons à la fouille des parloirs et pour ne pas avoir tiré sur les fuyards, ce qui est tout de même la procédure standard en cas d’évasion dans le pays des Droits de l’Homme.

    Il faut le reconnaître : nous ne sommes pas loin de partager les conclusions de M. Ripert, avocat de la défense, qui a hurlé pendant le procès que ce rapport de l’Administration Pénitentiaire était « un torchon, un tissu de mensonges doublé d’un appel au meurtre ». Ce rapport remettait en cause la prison de Moulins-Yzeure en tant que prison la plus sécurisée et la plus sûre d’Europe – et pour cause. En ce début d’année 2009, les dispositifs de sécurité carcéraux étaient bel et bien perméables (un peu du reste comme ceux de ce procès aux Assises du Rhône de 2013, contrairement à ce que disent les médias [5].)

    Au final, c’était assez jouissif de les voir se tirer dans les pattes entre eux, entre la-fraction-modérée-qui-pense-avant-tout-à-la-vie-des-otages et la-fraction-radical-on-ne-fait-pas-d’omelettes-sans-casser-des-oeufs [6].

    S’il ne pouvait manquer d’inspirer un sentiment de commisération à la salle quand il dépeignait les « violences psychologiques » qu’il n’a cessé de subir pendant et après l’évasion, l’ancien directeur de Moulins n’a pas su en revanche quoi répondre à M. Ripert, fin dialecticien s’il en est, quand celui-ci a remis le problème à l’endroit, c’est-à-dire sur ses pieds, en affirmant : « ils [Khider et Top El Hadj] ont été violent ce jour-là [le jour de la prise d’otages] pour fuir cette violence ». Et l’avocat de continuer en lui demandant si la violence causée par Khider et Top El Hadj n’est pas sans lien avec la violence omni-présente générée par l’univers carcéral. On aura bien compris, quand l’ancien directeur se décide à répondre, après un temps de réflexion, « ah mais oui c’est sûr qu’entre détenus, il y a de la violence, je ne le nie pas », qu’il n’a définitivement rien compris. Qu’il lui est impossible de s’envisager une seule seconde dans la peau d’un bourreau moderne. Il y a bien un monde qui les sépare, les accusés et lui. Comme il y a un monde qui sépare tout le temps les magistrats des mis en cause ; il faut voir la gueule de la vieille avocate générale attifée dans sa robe rouge à hermine. La vieille France dans toute sa décrépitude.

    Comme l’essentiel de ces gens-là pensent très sincèrement être du coté du Bien luttant contre leMal, mais que devant les nombreuses dénégations et la parole accusatoire des accusés, il arrive qu’ils n’en soient plus tout à fait persuadés, ils ont alors besoin de se rassurer collectivement sur leur mission quasi-divine : protéger la société contre les criminels. Et comme ils n’assument pas du tout leur rôle de bourreaux, ils sont pris dans des contradictions/justifications interminables.

    Petits plaisirs

    Plaisir de voir les accusés interrompre les témoins de la partie civile, les prendre à partie, dénoncer leurs mensonges : une cellule normale serait de même dimension que le mitard [7], à écouter l’ancien directeur du centre pénitentiaire de Moulins – encore lui ! – qui, lorsqu’il ne gémit pas en évoquant ses crises d’angoisse ponctuelles et les « flashs » qui lui reviennent de temps en temps, est aussi un menteur invétéré. Le bougre va même jusqu’à oser affirmer qu’il y aurait plus d’activités proposées aux détenus placés en isolement qu’à ceux en régime normal ! Heureusement, cette sale habitude de mentir impunément a pu trouver du répondant durant ces journées.

    Vu qu’ils n’ont plus grand chose à perdre, les accusés peuvent gueuler, interrompre, dire véritablement ce qu’ils pensent. Chose impensable dans un procès en correctionnel classique où le mis en cause espère toujours s’en prendre le moins possible dans la gueule et sert d’ordinaire un discours de convenance, de regrets. Discours que le juge, en fonction de son humeur du moment, accepte en partie ou pas. Paradoxalement, c’est seulement dans des conditions où le mot de « liberté » ne peut plus rien signifier d’autre pour Khider et ses proches qu’un horizon, un horizon éloigné mais à atteindre by any means necessary, qu’ils peuvent se laisser aller à une certaine pratique de la liberté pendant leur procès, c’est-à-dire remettre en question les rapports de pouvoir ici et maintenant. C’est seulement dans ces conditions atypiques que du discours vrai, de la parrhèsia, peut filtrer dans ces enceintes du mensonge.

    Réponse cinglante d’Omar Top El Hadj à une affabulation sur la nécessaire réforme de la prison et son humanisation : « on n’humanise pas un cimetière ».

    Ces enceintes du mensonge et du vice. Il y a eu 29 constitutions de parties civiles. Des gens qui espèrent être reconnus comme victimes, vous comprenez, qui espèrent se reconstruire après le drame – et au passage être dédommagés du préjudice subi. Qui sont-ils ? Un peu tout le monde et n’importe qui. Beaucoup de matons et quelques flics, quelques automobilistes pris en otage pendant l’évasion, deux femmes de matons inquiètes pour leurs maris pendant l’évasion, et qui sur les conseils des débiles de l’UFAP (l’Union Fédérale Autonome Pénitentiaire) [8] sont venues gratter quelques euros, etc.

    Question fulgurante de maître Ripert, magistral, à l’ouverture du procès pendant que les parties civiles se font connaître : « Connaissez-vous la différence entre la Française des Jeux et une Cour d’Assises ? Et bien le Loto, ça coûte deux euros et on est pas sûr de gagner. Se constituer partie civile, c’est gratuit et vous êtes sûrs de ramasser gros à la fin ». En face, les avocats des parties civiles s’étranglent.

    Plaisir de voir les accusés se lancer dans des diatribes contre les mensonges éhontés proférés par les témoins et l’accusation.

    Plaisir de voir ce cher Ripert avoir l’audace d’interrompre la représentante du parquet pendant ses questions au témoin. De l’entendre se foutre de la gueule de l’ancien directeur du centre pénitentiaire de Moulins en lui demandant si « il est un homme sensible ».

    Plaisir surtout de voir qu’il y a toujours des élans de vie chez les accusés, même après des années en prison, en isolement.

    Plaisir de voir qu’ils ne plieront jamais, que la prison est loin d’avoir gagnée.

    [1] L’emmurement est une pratique qui remonte jusqu’aux tribunaux de l’Inquisition et qui consistait à enfermer vivant jusqu’à la fin de ses jours des hérétiques qui ne se reniaient pas.

    [2] Omar Top El Hadj vient de publier Condamné à vivre.

    [3] Assurément, il y a des gens qui ne sont pas fait pour certains métiers. Il y en a qui ont lapoisse : la prise d’otages et l’évasion de Moulins s’étaient produits deux mois après son arrivée, en 2009 ; c’est seulement deux semaines après avoir été muté à la Maison d’arrêt de Grasse en 2010 qu’intervient une prise d’otages à l’infirmerie. Belote et rebelote.

    [4] Il va même jusqu’à évoquer l’hypothétique projet d’une piste d’athlétisme dans la centrale de Moulins !

    [5] Un exemple parmi d’autres : une alarme incendie qui se déclenche et c’est toute une salle d’audience qui doit se lever et sortir .

    [6] L’administration pénitentiaire est une grande famille qui sait prendre soin des siens : à la suite de la prise d’otages, tous les surveillants de Moulins-Yzeure ont reçu une prime, sauf les deux nuls qui s’étaient fait prendre en otage.

    [7] Au moment de l’évasion de Christophe et Omar, la table, le tabouret et le lit dans les cellules du mitard de Moulins-Yzeure étaient constitués de moellons. Par exemple, Eugène Baed, également inculpé dans ce procès car suspecté de complicité a passé 48 jours au mitard peu avant la tentative d’évasion pour une embrouille avec un surveillant-stagiaire alors qu’il venait d’apprendre le décès de son père.

    [8] D’ailleurs ce syndicat s’est lui aussi porté partie civile.

  • Compte-rendu audio n°5 du procès de l’évasion de Moulins

    Ce cinquième compte-rendu revient sur la journée du mardi 09 avril avec le témoignages et versions contradictoires des différentes équipes de policiers qui ont participé à l’arrestation très confuse des évadés. Le policier qui a tiré pour tuer maintient une version qui va dans le sens de la légitime défense. Cette version sera invalidée par les deux experts qui interviennent le lendemain. Est aussi apporté le témoignage de Sylvie Piccioty, compagne de Christophe Khider au moment de l’évasion, et accusée de complicité en ayant permis l’introduction des explosifs au parloir.

  • Compte-rendu audio n°4 du procès de l’évasion de Moulins

    Ce quatrième compte-rendu revient sur la journée du lundi 08 avril avec le témoignages des propriétaires des différents véhicules qui ont été emprunté durant la cavale, et le témoignage des deux personnes qui ont été prises en otage avec leur véhicule.

  • Compte-rendu audio n°3 du procès de l’évasion de Moulins

    Ce troisième compte-rendu revient sur la journée du vendredi 05 Avril avec les témoignages des directeurs de la centrale et de nombreuses prises de paroles des accusés contre le sort qui leur est fait en prison.

  • Compte-rendu audio n°2 du procès de l’évasion de Moulins

    Ce deuxième compte-rendu revient sur la journée du jeudi 04 Avril avec les témoignages des matons qui se sont portés parties civiles.

     

  • Compte-rendu audio n°1 du procès de l’évasion de Moulins

    Ce premier compte-rendu balaye les journées du mardi 02 et du mercredi 03 Avril du procès qui se tient aux assises de Lyon depuis le 02 avril, avec le rappel des faits, les inculpations, la position des accusés sur ces inculpations et le témoignage des deux enquêteurs de police.

  • Évasion de la prison pour étrangers de Palaiseau

    Un an de prison pour t’enlever le goût de la liberté.

    Le 2 avril 2013, les juges de la cour d’appel ont rendu leur verdict concernant Ibrahim El Louar, condamné en première instance à 2 ans de prison ferme suite à l’évasion de Palaiseau le 16 décembre 2012.

    Les chefs d’inculpation de tentative de soustraction à une mesure d’éloignement et de vol aggravé ont été annulés. Mais il a été reconnu coupable pour les violences aggravées sur agents dépositaires de l’autorité publique (à savoir Frantz Piece et Coralie Bouton) en état de récidive légale et condamné à 1 an de prison ferme. Il est donc maintenu en détention à la prison de Fleury-Mérogis.

    Vous pouvez toujours lui écrire : Ibrahim El Louar – écrou n°399815 – Bâtiment D4 – MAH de Fleury-Mérogis – 7 avenue des Peupliers – 91705 Sainte-Geneviève-des-Bois

    La cour d’appel ne voulant pas désavouer les juges du tribunal d’Évry ni les flics du centre de rétention de Palaiseau, a coupé la poire en deux : mi chef d’inculpation, mi peine. Quoi de surprenant : la police et la justice font partie de la même machine. Ibrahim grâce à son appel, qui lui a permis de préparer sa défense, fera toujours un an de prison de moins. Mais un jour enfermé sera toujours un jour de trop. Liberté pour tou-te-s, avec ou sans papiers !

    A lire également sur Sans papiers ni frontières.noblogs.org

  • Procès de l’évasion de la centrale de Moulins Du 02 au 19 avril 2013 aux assises de Lyon

    Solidarité avec les accusés.

    « IL FAUT QUE TOUT CELA SERVE À QUELQUE CHOSE » CHRISTOPHE KHIDER, depuis un des nombreux Quartiers d’Isolement de France.

    L’Envolée s’est installée à Lyon depuis le 02 avril et jusqu’au 19 pour suivre et rendre compte du déroulement du procès de l’évasion de la centrale de Moulins-Yzeure qui a lieu en février 2009.

    Christophe Khider l’un des co-accusés -qui, avant même le verdict, n’est pas libérable avant 2045-  veut que ce procès soit l’occasion de dénoncer les peines infinies et cette justice qui tue à petit feu dans des prisons toujours plus modernes et oppressantes.

    Ce sera pour nous l’occasion de témoigner de notre solidarité avec les accusés en donnant l’échos le plus large possible à ce qui sera dit contre l’isolement carcéral lors de cette mise à mort programmée.

    UNE ÉVASION OU UNE TENTATIVE D’ÉVASION, CE N’EST PAS UN FAIT DIVERS, C’EST LE GESTE DE SURVIE D’UN ENFERMÉ QUE L’ON TENTE DE FAIRE MOURIR À PETIT FEU EN PRISON

    Le procès a commencé, l’ambiance est lourde, les forces inégales

    29 partie civile (aucun blessé) remplissent la salle d’audience ; parmi ces parties civiles des dizaines de matons venus assister à la mise à mort de ces personnes qui ne se sont pas résignées à leur enfermement. Des dizaines de policiers surarmées pour éviter une quelconque tentative d’évasion, et surtout pour transformer les accusés en monstres dangereux.

    A nous, qui voulons lutter contre l’enfermement et toutes les dominations, de venir aussi remplir cette salle.

    Rendez_vous tous les jours du 02 au 19 avril, aux assises de Lyon, de 09 heures du matin à 17 heures. La cour est située au Palais de Justice Historique dans le quartier du Vieux-Lyon (1, rue du Palais de Justice 69005 Lyon)  L’accès aux salles d’audience est située Quai Romain Rolland.

    Et solidarité partout ailleurs.

    L’évasion : petit retour sur les faits

    Le 15 février 2009, deux prisonniers s’évadaient de la maison centrale de Moulins-Yzeure: Christophe Khider et OmarnTop El Hadj parvenaient, à l’issue d’un parloir dominical, à prendre deux surveillants en otages, puis à faire sauter à l’explosif les portes qui les séparaient de l’enceinte extérieure avant de se faire ouvrir la dernière porte de sortie… Leur « liberté » aura été de courte durée : la police leur a tendu un piège en région parisienne quelques dizaines d’heures plus tard. Les tireurs d’élite (et non pas de simples policiers du Val-de-Marne, comme cela a été dit) ont tiré plusieurs balles en visant à hauteur du coeur. Christophe a été blessé à la poitrine. Fin de la cavale.

    Les deux femmes qui étaient venues visiter Omar et Christophe ce dimanche-là ont été immédiatement placées en garde à vue pour quatre-vingt-seize heures, elles ont ensuite été inculpées de complicité d’évasion et ont été incarcérées : malgré des demandes répétées de mise en liberté sous contrôle judiciaire, ces deux mères de famille sont restées emprisonnées jusqu’à ce jour…

    Christophe et Omar ont toujours été présentés comme « extrêmement dangereux »… Pendant leur courte cavale, ils n’ont blessé personne, et ont préféré laisser partir les otages au risque d’être immédiatement dénoncés et repérés par les policiers. Leur objectif n’a jamais été de tuer froidement, mais d’intimider au besoin pour retrouver la liberté. Une liberté qu’on a définitivement ôtée à des centaines de prisonniers : certains refusent leur condamnation, l’hypocrisie d’une mort maquillée par des peines toujours plus longues, plus éliminatrices. Ceux qui ne se suicident pas et qui ne s’installent pas non plus dans l’espoir quasi-religieux d’une sortie improbable passent quelquefois  à l’action et tentent la belle. Le courage de tenter d’échapper à cette logique de destruction, aux confusions de peines toujours plus hypothétiques leur coûtera de nouvelles années de prison non confusionnables distribuées par une administration pénitentiaire vengeresse et bien décidée à faire chèrement payer ces hommes qui osent encore la braver.

     Du 2 avril au 21 avril 2013, a lieu le procès de ces quatre personnes devant la cour d’assises de Lyon. Christophe compte bien faire ce ce procès celui de la longueur des peines, celui de la justice, celui du système carcéral.

    « Tout cela », c’est son refus de mourir lentement en prison, son refus de purger une peine comparable à une peine de mort (plus de quarante-cinq ans), son besoin de liberté – il a déjà passé vingt ans derrière les barreaux, et souvent dans les quartiers d’isolement des différentes maisons d’arrêt dans lesquels l’administration pénitentiaire l’a fait tourner.

    « Servir à quelque chose » : à dire à tout un chacun la réalité des peines éliminatrices, la torture blanche de l’isolement carcéral, le refus de la prison et du monde qu’elle façonne.

    A écouter : nos comptes-rendus audio du procès

    A lire : Fraternité à perpet’, le livre sur une précédente tentative d’évasion de Christophe Khider paru au moment de son procès disponible en libre téléchargement (en cliquant sur son titre ci-dessus).

  • Lettre de Nabil, depuis le quartier d’isolement du CD de Roanne

    La lettre qui suit a été écrite début février 2013 par Nabil Chakik, prisonnier du centre de détention (CD) de Roanne. Elle a été adréssée à la Direction Interrégionale des services pénitentiaires (DISP), dans l’objectif d’être transféré. Ce que subit Nabil est typique de punitions exemplaires que sait infliger l’AP aux prisonniers qu’elle a dans le collimateur. Elle complète malheureusement les lettres, informations et témoignages que nous avons relayés ces derniers mois sur ce qui se passe depuis bientôt un an à Roannes. Des prisonniers ont protesté de diverses manières contre ce qui se passait en détention. S’ils ont gagné sur quelques points et durant quelques mois (obtenant notamment la fin du régime fermé dans deux quartiers de la prison , l’administration pénitentiaire entend bien faire payer à quelques prisonniers, ces mouvements collectifs. Elle a ainsi mis en place un climat de tensions et exercé des pressions et des représailles, afin de saper toute volonté d’ouvrir sa gueule. (voir à ce sujet de nombreux articles, notamment sur le site http://lenumerozero.lautre.net ou dans les numéros 33 et 34 de L’Envolée). Espérons que cela ne marchera pas. Que lui, comme les prisonniers qui se bougent en général, et qui sont souvent durement réprimés, seront soutenus, entendus comme ce fut le cas ces derniers mois… Ne les laissons pas tous seuls face à l’AP !Espérons aussi que dans ce climat, les autres prisonniers sauront être solidaires et ne le laisseront pas isolé. N’hésitez pas à le soutenir (nous pouvez transmettre son adresse sur demande : emissionpapillon@riseup.net. La lettre de Nabil est suivie d’une lettre que des proche à lui ont fait circuler sur le net pour susciter une solidarité à l’égard de Nabil.

    Lettre de Nabil Chakik (début février 2013)

    «  A l’attention du directeur de la Direction Interregionale des Services Pénitentiaires. Monsieur le Directeur, Je viens à vous une nouvelle fois, pour vous donner des informations sur mes conditions de détention et réitérer ma demande de transfert qui devient une urgence, une question de vie ou de mort ! Il y a un an et demi que je suis arrivé au CD de Roanne, ce qui devait m’aider dans mon projet professionnel, social et d’exécution de peine. A mon arrivée on m’a tenu le même discours. Avant d’arriver à Roanne, j’avais un projet professionnel et un logement, j’ai suivi les exigences du suivi socio-judiciaire qui m’est imposé, je n’avais aucun rapport d’incident. Il m’a fallu attendre un an avant d’avoir ma première permission employeur de 6 heures, soit deux ans après la possibilité de déposer une permission. Depuis je n’ai plus eu de permission et aucune aide ne m’a été apportée. J’ai perdu l’emploi que j’avais trouvé, un employeur ne peut pas attendre trois ans un employé. Mes proches et moi-même, nous vous avions alerté sur ma situation dès mon arrivée à Roanne, et depuis ce que nous craignions s’est produit et je me retrouve à ne pouvoir mener aucun projet à bien. De plus, dans l’étrange climat existant au sein du CD de Roanne, je subis acharnement et pressions, qui d’ailleurs compromettent gravement ma santé. J’ai perdu une vingtaine de kilos, je suis sujet à des insomnies qui peuvent durer plusieurs jours, je suis sujet à des angoisses, vertiges, malaises vagaux, migraines, douleurs dorsales violentes et incurables selon le médecin, ma vue baisse de jour en jour et mon état psychologique en est gravement menacé, vivant chaque jour dans la peur de vos agents qui me semblent chercher à m’assassiner. Lors d’un entretien après un rapport d’incident le 14 novembre 2012, pour différentes clés USB (ndlr : la possession de clés USB est interdite en détention) sur lesquelles on pouvait trouver de la musique et différentes émissions de radio, dont une qui parlait d’une plainte déposée contre la maison d’arrêt de la Talaudière concernant les conditions indignes de détention de cette maison d’arrêt, plainte encore en cours actuellement (ndlr : nabil a déposé plainte en mai 2011 contre la maison d’arrêt de saint-étienne au sujet des conditions de détention), Monsieur Simon, lieutenant du bâtiment D, en la présence de Monsieur Arnoud, major du bâtiment D du CD de Roanne, m’a interpellé à ce sujet et m’a très clairement fait comprendre qu’ils n’aimaient pas ces manières de faire, me menaçant par ces termes : « Vous pouvez être un chien enragé, nous serons des loups avec vous !». Sur quoi j’ai demandé si c’était des menaces, à quoi il a répondu : « Non, une promesse ! ». Je crois que les mots sont dits et que l’on veut me faire payer cher mon comportement vis-à-vis de ma plainte de la Talaudière. Depuis je subis des fouilles régulières, tous les quinze jours en moyenne, mes courriers me parviennent avec un retard pouvant aller jusqu’à un mois, de nombreux de mes courriers sont censurés sans raison valable et sans que l’on m’en donne connaissance. Le 15 janvier 2013, une fouille de cellule est organisée par Monsieur Simon, lieutenant du bâtiment D, mes courriers sont fouillés, certains me sont confisqués. Le 16 janvier 2013 à 15h30, je suis placé à l’isolement pour une durée de 3 mois, pour des raisons confuses et obscures. Le soir même à 18h45, voyant que les surveillants ne m’ont pas remis mes affaires, surtout de quoi écrire et de quoi fumer, j’appelle à l’interphone. Un agent me répond d’un ton menaçant et me disant que j’attendrai demain, ne voulant pas attendre et à bout d’une journée difficile, je m’entaille le poignet à deux reprises, le surveillant intervient, reste derrière la porte et me dit de lui montrer mon poignet, ce que j’exécute. Sa réponse est que je peux attendre demain. (Après avoir vu le médecin, ça sollicitera trois points de suture). Voyant que le surveillant ne veut rien entendre à ma détresse, je m’ouvre le torse à deux reprises, ce qui sollicitera l’intervention du brigadier qui décidera de me donner mon tabac et de me faire voir à un médecin, médecin que je verrai à 20h45. Soit deux heures après m’être entaillé de 15 points de suture. Je ne récupérerai mes affaires que deux jours plus tard. Le 30 janvier 2013, je passe en commission de discipline pour les clés USB et de la résine de cannabis. Je suis placée suite à cette commission de discipline pour six jours au quartier disciplinaire (mitard). Le 2 février 2013, j’avais parloir à 14h avec Melle… Parloir auquel j’avais droit, et accordé par Madame Petit, directrice adjointe du CD de roanne. A la grande surprise de mon amie et moi-même, ce parloir a été supprimé. Mon amie, qui s’était déplacée d’une centaine de kilomètres, s’est vu refuser le parloir à son arrivée. Voyant que l’heure tournait et que je n’avais toujours pas mon parloir, j’ai appelé le surveillant, qui m’a répondu que je n’avais pas de parloir aujourd’hui. Il a fallu que je menace de foutre le feu à la cellule ou que je me suicide pour voir un brigadier, après lui avoir expliqué la situation et avoir insisté longuement sur mon droit. Après s’être renseigné et après vérification de prise de parloir, le parloir a été accordé au deuxième tour (15h45). C’est l’une des nombreuses attaques portées contre mes proches et moi. Le 4 février 2013, je sors de cellule disciplinaire. À mon arrivée en cellule au QI, je découvre ma cellule en désordre, preuve d’une fouille survenue en mon absence, du café et divers produits dont j’ignore l’origine ont été déversés sur le sol et mes serpillières m’ont été retirées de la cellule, il m’a fallu en réclamer une que l’on m’a prêté jusqu’à midi ! Je n’ai répondu à aucune attaque sur ma personne. Le 5 février 2013 on me restitue ma chaîne hi-fi après vérification de cet objet. Cette chaîne hi-fi est constituée de 3 enceintes, deux seulement me sont rendues et en présence du surveillant qui me le remet le fait constater et fait constater le fonctionnement, hors le fonctionnement n’est pas bon et la chaîne hi-fi ne fonctionne que partiellement. Je la fais renvoyer par le surveillant l’ayant amenée afin d’avoir réparation. Comprenez Monsieur Le Directeur que je ne pourrai tenir longtemps dans des conditions de détention dignes de la torture. J’ai peur que vos agents m’assassinent, un jour où ils auront été trop loin dans leur torture et que j’aurais réagi. Car je vous préviens aussi que pour l’instant je n’ai pas réagi, à aucune provocation de vos agents. Mais lorsque je me serai décidé à réagir se sera par la plus grande violence, je préfère mourir en me défendant, plutôt que de subir plus longtemps de telles tortures. Dans l’immédiat je vous demande mon transfert dans les plus brefs délais, surtout avant que la situation n’échappe à tout le monde. Ma mère a de gros problèmes de santé (cardiaques), je vous prie de prendre en considération cet élément dans votre affectation de transfert me concernant. Dans l’attente d’une réponse rapide de votre part, veuillez agréer mes salutations. Nabil CHAKIK. »

    Une lettre ouverte de la part de proches de Nabil

    «Le 12 février 2013, Nous avons écrit à de multiples reprises l’administration pénitentiaire au sujet de la situation de notre ami Nabil. Sans jamais aucune réponse ni réaction. Alors, nous adressons cette lettre à toute personne qui voudra bien la lire et la relayer, en espérant que cela permettra de faire savoir comment l’AP s’acharne sur lui et de faire évoluer sa situation. Nous avons bien conscience que son cas n’est pas unique et souhaitons bon courage à tous les détenus subissant ce genre de choses, et à celles et ceux qui les aiment ! Depuis des années, nous avons pu observer à quel point l’incarcération est destructrice. Nabil avait pourtant un parcours carcéral qui semblait plutôt « normal ». Après d’autres incarcérations qui avaient été plus « tumultueuses », il faisait tout pour éviter les soucis avec l’AP (et pourtant c’est parfois difficile!). Il faisait des projets de sortie dans lesquels nous le soutenions : il souhaitait demander une libération conditionnelle pour mener à bien un projet de maraîchage. Ensemble, nous lui avions trouvé un logement et un employeur. Il n’a jamais été soutenu par les juges, SPIP, etc. et n’a obtenu que des refus. Ce qui est profondément déprimant et révoltant. Depuis des mois, il subit ce qui nous semble être un acharnement particulier, une situation de plus en plus hardcore. Certains surveillants lui mettent régulièrement la pression, voire le menacent. Il subit des fouilles répétées que nous qualifions de harcèlement. Quelques objets trouvés lors de ces fouilles (Lettres ? Clés USB ? Une machine à tatouer bricolée ??? …) semblent avoir finalement fourni le prétexte d’un placement à l’isolement. Notre ami est au fond d’un couloir dont on a l’impression qu’on n’atteindra jamais le bout, on nous éloigne de plus en plus, de jour en jour. C’est intenable. Au quartier d’isolement, il est enfermé en cellule toute la journée, seul, sans voir personne, sauf les surveillants, quelques fois dans la journée. Il voit de temps en temps le personnel médical. Qui ne semble d’ailleurs « pas inquiet » quand une personne qui pèse aujourd’hui 51 kilos en a perdu 15 au cours des derniers mois, quand une personne en est venue à sa taillader le torse pour qu’un surveillant lui restitue ses affaires alors que c’était son dû. Il est en isolement strict, il n’a le droit de parler à personne, de voir personne. Il a accès quelques heures par jour à une « salle d’activité »… où il n’y a pas d’activités pour une personne seule ! Il y a un babyfoot, histoire de lui rappeler à quel point il est seul ! L’accès à un livre de bibliothèque est compliqué par des procédures extrêmement complexes puisqu’il n’a pas le droit de voir le bibliothécaire. La « cour de promenade » semble être une farce : un minuscule carré de quelques mètres aux murs très hauts et plafonné de grillages. Il refuse d’y aller. Quoi de plus compréhensible ? Ce n’est pas un endroit pour prendre l’air. Il ne peut pas se procurer le minimum vital : les mandats que nous lui envoyons mettent dix jours à lui parvenir. Comme la plupart de nos lettres. Heureusement, les parloirs sont maintenus (même s’ils se déroulent dans des cabines spéciales, minuscules, avec dispositif de séparation et avec toute une mise en scène ultra sécuritaire quand il y est amené, heureusement qu’on en rit !). Quand il arrive au parloir, il a du mal à parler car il ne parle plus de la journée, avec personne. (Sauf quelques surveillants, trois fois par jour.) Ces moments sont extrêmement précieux pour lui et pour nous. A trois reprises des surveillants ont posé des soucis pour l’entrée au parloir. Ils lui ont dit, ou ont dit à la personne venue le visiter, qu’il n’avait pas de parloir, que le rendez-vous n’était pas inscrit, ou annulé. Ce qui était faux. Nabil a du insister à chaque fois, étant persuadé qu’il avait bel et bien un rendez-vous et qu’il y avait droit. Nous n’avons pas compris pourquoi cela s’était produit. Mais ce que nous savons, c’est que ces parloirs sont les seules choses qui le rattachent au monde, ils sont vitaux pour lui, mais aussi pour ceux et celles qui l’aiment. Le priver de cela, c’est vraiment tenter de lui faire péter les plombs. Notre ami nous a dit pour la première fois qu’il avait peur des surveillants, nous prenons ça très au sérieux. Certains l’ont provoqué, menacé, essaient de le pousser à bout. Ils profitent de sa situation : complètement isolé face à eux, comment se défendre et être soutenu ? Il nous semble que certains surveillants cherchent des personnes à punir, coûte que coûte, suite aux évènements survenus dans cette prison. Est-ce que Nabil est une cible idéale parce qu’il a porté plainte contre la maison d’arrêt de La Talaudière ? Parce qu’il a parfois écrit publiquement au sujet de la prison et de ce qu’il en pensait ? Parce qu’il exprime parfois ce qu’il pense un peu fort en détention ? Nous partageons ses positions et avons compris à quel point c’était dangereux, mais vital, d’exprimer son avis en prison, de ne pas toujours se laisser faire. Pour l’instant, Nabil a réagi avec les mots et exigé que les droits lui soient appliqués « normalement ». Quand il s’est senti poussé à bout, il s’en est parfois pris à lui-même pour exprimer sa protestation, ce qui est inquiétant. Mais c’était un moyen de ne pas réagir directement aux provocations pénitentiaires. Nous nous sentons parfois bien seules et impuissantes face à cette situation, alors nous pensons à tous ceux et toutes celles qui subissent pareil, voire bien pire. Nous ne baisserons pas les bras. Nous espérons que d’autres (amis ou inconnus, de dedans ou de dehors…) seront solidaires. Son avocat a déposé un recours au tribunal administratif afin de le faire sortir de l’isolement. Des proches de Nabil.»

    Pour plus d’informations sur les luttes à la prison de Roanne

  • Le procès de Philippe Laouel aux assises de Toulouse sur le blog de laurent Jacqua

    Philippe Lalouel prisonnier malade qui a déjà fait 23 ans de placard a été condamné par les assises de Toulouse  à une peine de 20 ans … pour trois braquages de postes, fin 2009.Le procureur demande à l’issue du procès « une peined’élimination sociale ».

    Laurent Jacqua, un vieux poteau à lui, raconte jour après jour le procès qui s’est tenu du 03 au 05 décembre 2012. Philippe a fait appel et espère un transfert à la centrale de Lannemezan pour attendre son procès en appel dans de meilleures conditions et plus prés de sa compagne. Courage à tous les deux.

    Vous pouvez aussi lire un compte rendu du procès paru dans le numéro 34 de l’Envolée et prochainement en ligne.

    voir la vidéo sur le blog « vue sur la prison » de Laurent Jacqua