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  • Compte-rendu audio n°3 du procès de l’évasion de Moulins

    Ce troisième compte-rendu revient sur la journée du vendredi 05 Avril avec les témoignages des directeurs de la centrale et de nombreuses prises de paroles des accusés contre le sort qui leur est fait en prison.

  • Compte-rendu audio n°2 du procès de l’évasion de Moulins

    Ce deuxième compte-rendu revient sur la journée du jeudi 04 Avril avec les témoignages des matons qui se sont portés parties civiles.

     

  • Compte-rendu audio n°1 du procès de l’évasion de Moulins

    Ce premier compte-rendu balaye les journées du mardi 02 et du mercredi 03 Avril du procès qui se tient aux assises de Lyon depuis le 02 avril, avec le rappel des faits, les inculpations, la position des accusés sur ces inculpations et le témoignage des deux enquêteurs de police.

  • Évasion de la prison pour étrangers de Palaiseau

    Un an de prison pour t’enlever le goût de la liberté.

    Le 2 avril 2013, les juges de la cour d’appel ont rendu leur verdict concernant Ibrahim El Louar, condamné en première instance à 2 ans de prison ferme suite à l’évasion de Palaiseau le 16 décembre 2012.

    Les chefs d’inculpation de tentative de soustraction à une mesure d’éloignement et de vol aggravé ont été annulés. Mais il a été reconnu coupable pour les violences aggravées sur agents dépositaires de l’autorité publique (à savoir Frantz Piece et Coralie Bouton) en état de récidive légale et condamné à 1 an de prison ferme. Il est donc maintenu en détention à la prison de Fleury-Mérogis.

    Vous pouvez toujours lui écrire : Ibrahim El Louar – écrou n°399815 – Bâtiment D4 – MAH de Fleury-Mérogis – 7 avenue des Peupliers – 91705 Sainte-Geneviève-des-Bois

    La cour d’appel ne voulant pas désavouer les juges du tribunal d’Évry ni les flics du centre de rétention de Palaiseau, a coupé la poire en deux : mi chef d’inculpation, mi peine. Quoi de surprenant : la police et la justice font partie de la même machine. Ibrahim grâce à son appel, qui lui a permis de préparer sa défense, fera toujours un an de prison de moins. Mais un jour enfermé sera toujours un jour de trop. Liberté pour tou-te-s, avec ou sans papiers !

    A lire également sur Sans papiers ni frontières.noblogs.org

  • Procès de l’évasion de la centrale de Moulins Du 02 au 19 avril 2013 aux assises de Lyon

    Solidarité avec les accusés.

    « IL FAUT QUE TOUT CELA SERVE À QUELQUE CHOSE » CHRISTOPHE KHIDER, depuis un des nombreux Quartiers d’Isolement de France.

    L’Envolée s’est installée à Lyon depuis le 02 avril et jusqu’au 19 pour suivre et rendre compte du déroulement du procès de l’évasion de la centrale de Moulins-Yzeure qui a lieu en février 2009.

    Christophe Khider l’un des co-accusés -qui, avant même le verdict, n’est pas libérable avant 2045-  veut que ce procès soit l’occasion de dénoncer les peines infinies et cette justice qui tue à petit feu dans des prisons toujours plus modernes et oppressantes.

    Ce sera pour nous l’occasion de témoigner de notre solidarité avec les accusés en donnant l’échos le plus large possible à ce qui sera dit contre l’isolement carcéral lors de cette mise à mort programmée.

    UNE ÉVASION OU UNE TENTATIVE D’ÉVASION, CE N’EST PAS UN FAIT DIVERS, C’EST LE GESTE DE SURVIE D’UN ENFERMÉ QUE L’ON TENTE DE FAIRE MOURIR À PETIT FEU EN PRISON

    Le procès a commencé, l’ambiance est lourde, les forces inégales

    29 partie civile (aucun blessé) remplissent la salle d’audience ; parmi ces parties civiles des dizaines de matons venus assister à la mise à mort de ces personnes qui ne se sont pas résignées à leur enfermement. Des dizaines de policiers surarmées pour éviter une quelconque tentative d’évasion, et surtout pour transformer les accusés en monstres dangereux.

    A nous, qui voulons lutter contre l’enfermement et toutes les dominations, de venir aussi remplir cette salle.

    Rendez_vous tous les jours du 02 au 19 avril, aux assises de Lyon, de 09 heures du matin à 17 heures. La cour est située au Palais de Justice Historique dans le quartier du Vieux-Lyon (1, rue du Palais de Justice 69005 Lyon)  L’accès aux salles d’audience est située Quai Romain Rolland.

    Et solidarité partout ailleurs.

    L’évasion : petit retour sur les faits

    Le 15 février 2009, deux prisonniers s’évadaient de la maison centrale de Moulins-Yzeure: Christophe Khider et OmarnTop El Hadj parvenaient, à l’issue d’un parloir dominical, à prendre deux surveillants en otages, puis à faire sauter à l’explosif les portes qui les séparaient de l’enceinte extérieure avant de se faire ouvrir la dernière porte de sortie… Leur « liberté » aura été de courte durée : la police leur a tendu un piège en région parisienne quelques dizaines d’heures plus tard. Les tireurs d’élite (et non pas de simples policiers du Val-de-Marne, comme cela a été dit) ont tiré plusieurs balles en visant à hauteur du coeur. Christophe a été blessé à la poitrine. Fin de la cavale.

    Les deux femmes qui étaient venues visiter Omar et Christophe ce dimanche-là ont été immédiatement placées en garde à vue pour quatre-vingt-seize heures, elles ont ensuite été inculpées de complicité d’évasion et ont été incarcérées : malgré des demandes répétées de mise en liberté sous contrôle judiciaire, ces deux mères de famille sont restées emprisonnées jusqu’à ce jour…

    Christophe et Omar ont toujours été présentés comme « extrêmement dangereux »… Pendant leur courte cavale, ils n’ont blessé personne, et ont préféré laisser partir les otages au risque d’être immédiatement dénoncés et repérés par les policiers. Leur objectif n’a jamais été de tuer froidement, mais d’intimider au besoin pour retrouver la liberté. Une liberté qu’on a définitivement ôtée à des centaines de prisonniers : certains refusent leur condamnation, l’hypocrisie d’une mort maquillée par des peines toujours plus longues, plus éliminatrices. Ceux qui ne se suicident pas et qui ne s’installent pas non plus dans l’espoir quasi-religieux d’une sortie improbable passent quelquefois  à l’action et tentent la belle. Le courage de tenter d’échapper à cette logique de destruction, aux confusions de peines toujours plus hypothétiques leur coûtera de nouvelles années de prison non confusionnables distribuées par une administration pénitentiaire vengeresse et bien décidée à faire chèrement payer ces hommes qui osent encore la braver.

     Du 2 avril au 21 avril 2013, a lieu le procès de ces quatre personnes devant la cour d’assises de Lyon. Christophe compte bien faire ce ce procès celui de la longueur des peines, celui de la justice, celui du système carcéral.

    « Tout cela », c’est son refus de mourir lentement en prison, son refus de purger une peine comparable à une peine de mort (plus de quarante-cinq ans), son besoin de liberté – il a déjà passé vingt ans derrière les barreaux, et souvent dans les quartiers d’isolement des différentes maisons d’arrêt dans lesquels l’administration pénitentiaire l’a fait tourner.

    « Servir à quelque chose » : à dire à tout un chacun la réalité des peines éliminatrices, la torture blanche de l’isolement carcéral, le refus de la prison et du monde qu’elle façonne.

    A écouter : nos comptes-rendus audio du procès

    A lire : Fraternité à perpet’, le livre sur une précédente tentative d’évasion de Christophe Khider paru au moment de son procès disponible en libre téléchargement (en cliquant sur son titre ci-dessus).

  • Lettre de Nabil, depuis le quartier d’isolement du CD de Roanne

    La lettre qui suit a été écrite début février 2013 par Nabil Chakik, prisonnier du centre de détention (CD) de Roanne. Elle a été adréssée à la Direction Interrégionale des services pénitentiaires (DISP), dans l’objectif d’être transféré. Ce que subit Nabil est typique de punitions exemplaires que sait infliger l’AP aux prisonniers qu’elle a dans le collimateur. Elle complète malheureusement les lettres, informations et témoignages que nous avons relayés ces derniers mois sur ce qui se passe depuis bientôt un an à Roannes. Des prisonniers ont protesté de diverses manières contre ce qui se passait en détention. S’ils ont gagné sur quelques points et durant quelques mois (obtenant notamment la fin du régime fermé dans deux quartiers de la prison , l’administration pénitentiaire entend bien faire payer à quelques prisonniers, ces mouvements collectifs. Elle a ainsi mis en place un climat de tensions et exercé des pressions et des représailles, afin de saper toute volonté d’ouvrir sa gueule. (voir à ce sujet de nombreux articles, notamment sur le site http://lenumerozero.lautre.net ou dans les numéros 33 et 34 de L’Envolée). Espérons que cela ne marchera pas. Que lui, comme les prisonniers qui se bougent en général, et qui sont souvent durement réprimés, seront soutenus, entendus comme ce fut le cas ces derniers mois… Ne les laissons pas tous seuls face à l’AP !Espérons aussi que dans ce climat, les autres prisonniers sauront être solidaires et ne le laisseront pas isolé. N’hésitez pas à le soutenir (nous pouvez transmettre son adresse sur demande : emissionpapillon@riseup.net. La lettre de Nabil est suivie d’une lettre que des proche à lui ont fait circuler sur le net pour susciter une solidarité à l’égard de Nabil.

    Lettre de Nabil Chakik (début février 2013)

    «  A l’attention du directeur de la Direction Interregionale des Services Pénitentiaires. Monsieur le Directeur, Je viens à vous une nouvelle fois, pour vous donner des informations sur mes conditions de détention et réitérer ma demande de transfert qui devient une urgence, une question de vie ou de mort ! Il y a un an et demi que je suis arrivé au CD de Roanne, ce qui devait m’aider dans mon projet professionnel, social et d’exécution de peine. A mon arrivée on m’a tenu le même discours. Avant d’arriver à Roanne, j’avais un projet professionnel et un logement, j’ai suivi les exigences du suivi socio-judiciaire qui m’est imposé, je n’avais aucun rapport d’incident. Il m’a fallu attendre un an avant d’avoir ma première permission employeur de 6 heures, soit deux ans après la possibilité de déposer une permission. Depuis je n’ai plus eu de permission et aucune aide ne m’a été apportée. J’ai perdu l’emploi que j’avais trouvé, un employeur ne peut pas attendre trois ans un employé. Mes proches et moi-même, nous vous avions alerté sur ma situation dès mon arrivée à Roanne, et depuis ce que nous craignions s’est produit et je me retrouve à ne pouvoir mener aucun projet à bien. De plus, dans l’étrange climat existant au sein du CD de Roanne, je subis acharnement et pressions, qui d’ailleurs compromettent gravement ma santé. J’ai perdu une vingtaine de kilos, je suis sujet à des insomnies qui peuvent durer plusieurs jours, je suis sujet à des angoisses, vertiges, malaises vagaux, migraines, douleurs dorsales violentes et incurables selon le médecin, ma vue baisse de jour en jour et mon état psychologique en est gravement menacé, vivant chaque jour dans la peur de vos agents qui me semblent chercher à m’assassiner. Lors d’un entretien après un rapport d’incident le 14 novembre 2012, pour différentes clés USB (ndlr : la possession de clés USB est interdite en détention) sur lesquelles on pouvait trouver de la musique et différentes émissions de radio, dont une qui parlait d’une plainte déposée contre la maison d’arrêt de la Talaudière concernant les conditions indignes de détention de cette maison d’arrêt, plainte encore en cours actuellement (ndlr : nabil a déposé plainte en mai 2011 contre la maison d’arrêt de saint-étienne au sujet des conditions de détention), Monsieur Simon, lieutenant du bâtiment D, en la présence de Monsieur Arnoud, major du bâtiment D du CD de Roanne, m’a interpellé à ce sujet et m’a très clairement fait comprendre qu’ils n’aimaient pas ces manières de faire, me menaçant par ces termes : « Vous pouvez être un chien enragé, nous serons des loups avec vous !». Sur quoi j’ai demandé si c’était des menaces, à quoi il a répondu : « Non, une promesse ! ». Je crois que les mots sont dits et que l’on veut me faire payer cher mon comportement vis-à-vis de ma plainte de la Talaudière. Depuis je subis des fouilles régulières, tous les quinze jours en moyenne, mes courriers me parviennent avec un retard pouvant aller jusqu’à un mois, de nombreux de mes courriers sont censurés sans raison valable et sans que l’on m’en donne connaissance. Le 15 janvier 2013, une fouille de cellule est organisée par Monsieur Simon, lieutenant du bâtiment D, mes courriers sont fouillés, certains me sont confisqués. Le 16 janvier 2013 à 15h30, je suis placé à l’isolement pour une durée de 3 mois, pour des raisons confuses et obscures. Le soir même à 18h45, voyant que les surveillants ne m’ont pas remis mes affaires, surtout de quoi écrire et de quoi fumer, j’appelle à l’interphone. Un agent me répond d’un ton menaçant et me disant que j’attendrai demain, ne voulant pas attendre et à bout d’une journée difficile, je m’entaille le poignet à deux reprises, le surveillant intervient, reste derrière la porte et me dit de lui montrer mon poignet, ce que j’exécute. Sa réponse est que je peux attendre demain. (Après avoir vu le médecin, ça sollicitera trois points de suture). Voyant que le surveillant ne veut rien entendre à ma détresse, je m’ouvre le torse à deux reprises, ce qui sollicitera l’intervention du brigadier qui décidera de me donner mon tabac et de me faire voir à un médecin, médecin que je verrai à 20h45. Soit deux heures après m’être entaillé de 15 points de suture. Je ne récupérerai mes affaires que deux jours plus tard. Le 30 janvier 2013, je passe en commission de discipline pour les clés USB et de la résine de cannabis. Je suis placée suite à cette commission de discipline pour six jours au quartier disciplinaire (mitard). Le 2 février 2013, j’avais parloir à 14h avec Melle… Parloir auquel j’avais droit, et accordé par Madame Petit, directrice adjointe du CD de roanne. A la grande surprise de mon amie et moi-même, ce parloir a été supprimé. Mon amie, qui s’était déplacée d’une centaine de kilomètres, s’est vu refuser le parloir à son arrivée. Voyant que l’heure tournait et que je n’avais toujours pas mon parloir, j’ai appelé le surveillant, qui m’a répondu que je n’avais pas de parloir aujourd’hui. Il a fallu que je menace de foutre le feu à la cellule ou que je me suicide pour voir un brigadier, après lui avoir expliqué la situation et avoir insisté longuement sur mon droit. Après s’être renseigné et après vérification de prise de parloir, le parloir a été accordé au deuxième tour (15h45). C’est l’une des nombreuses attaques portées contre mes proches et moi. Le 4 février 2013, je sors de cellule disciplinaire. À mon arrivée en cellule au QI, je découvre ma cellule en désordre, preuve d’une fouille survenue en mon absence, du café et divers produits dont j’ignore l’origine ont été déversés sur le sol et mes serpillières m’ont été retirées de la cellule, il m’a fallu en réclamer une que l’on m’a prêté jusqu’à midi ! Je n’ai répondu à aucune attaque sur ma personne. Le 5 février 2013 on me restitue ma chaîne hi-fi après vérification de cet objet. Cette chaîne hi-fi est constituée de 3 enceintes, deux seulement me sont rendues et en présence du surveillant qui me le remet le fait constater et fait constater le fonctionnement, hors le fonctionnement n’est pas bon et la chaîne hi-fi ne fonctionne que partiellement. Je la fais renvoyer par le surveillant l’ayant amenée afin d’avoir réparation. Comprenez Monsieur Le Directeur que je ne pourrai tenir longtemps dans des conditions de détention dignes de la torture. J’ai peur que vos agents m’assassinent, un jour où ils auront été trop loin dans leur torture et que j’aurais réagi. Car je vous préviens aussi que pour l’instant je n’ai pas réagi, à aucune provocation de vos agents. Mais lorsque je me serai décidé à réagir se sera par la plus grande violence, je préfère mourir en me défendant, plutôt que de subir plus longtemps de telles tortures. Dans l’immédiat je vous demande mon transfert dans les plus brefs délais, surtout avant que la situation n’échappe à tout le monde. Ma mère a de gros problèmes de santé (cardiaques), je vous prie de prendre en considération cet élément dans votre affectation de transfert me concernant. Dans l’attente d’une réponse rapide de votre part, veuillez agréer mes salutations. Nabil CHAKIK. »

    Une lettre ouverte de la part de proches de Nabil

    «Le 12 février 2013, Nous avons écrit à de multiples reprises l’administration pénitentiaire au sujet de la situation de notre ami Nabil. Sans jamais aucune réponse ni réaction. Alors, nous adressons cette lettre à toute personne qui voudra bien la lire et la relayer, en espérant que cela permettra de faire savoir comment l’AP s’acharne sur lui et de faire évoluer sa situation. Nous avons bien conscience que son cas n’est pas unique et souhaitons bon courage à tous les détenus subissant ce genre de choses, et à celles et ceux qui les aiment ! Depuis des années, nous avons pu observer à quel point l’incarcération est destructrice. Nabil avait pourtant un parcours carcéral qui semblait plutôt « normal ». Après d’autres incarcérations qui avaient été plus « tumultueuses », il faisait tout pour éviter les soucis avec l’AP (et pourtant c’est parfois difficile!). Il faisait des projets de sortie dans lesquels nous le soutenions : il souhaitait demander une libération conditionnelle pour mener à bien un projet de maraîchage. Ensemble, nous lui avions trouvé un logement et un employeur. Il n’a jamais été soutenu par les juges, SPIP, etc. et n’a obtenu que des refus. Ce qui est profondément déprimant et révoltant. Depuis des mois, il subit ce qui nous semble être un acharnement particulier, une situation de plus en plus hardcore. Certains surveillants lui mettent régulièrement la pression, voire le menacent. Il subit des fouilles répétées que nous qualifions de harcèlement. Quelques objets trouvés lors de ces fouilles (Lettres ? Clés USB ? Une machine à tatouer bricolée ??? …) semblent avoir finalement fourni le prétexte d’un placement à l’isolement. Notre ami est au fond d’un couloir dont on a l’impression qu’on n’atteindra jamais le bout, on nous éloigne de plus en plus, de jour en jour. C’est intenable. Au quartier d’isolement, il est enfermé en cellule toute la journée, seul, sans voir personne, sauf les surveillants, quelques fois dans la journée. Il voit de temps en temps le personnel médical. Qui ne semble d’ailleurs « pas inquiet » quand une personne qui pèse aujourd’hui 51 kilos en a perdu 15 au cours des derniers mois, quand une personne en est venue à sa taillader le torse pour qu’un surveillant lui restitue ses affaires alors que c’était son dû. Il est en isolement strict, il n’a le droit de parler à personne, de voir personne. Il a accès quelques heures par jour à une « salle d’activité »… où il n’y a pas d’activités pour une personne seule ! Il y a un babyfoot, histoire de lui rappeler à quel point il est seul ! L’accès à un livre de bibliothèque est compliqué par des procédures extrêmement complexes puisqu’il n’a pas le droit de voir le bibliothécaire. La « cour de promenade » semble être une farce : un minuscule carré de quelques mètres aux murs très hauts et plafonné de grillages. Il refuse d’y aller. Quoi de plus compréhensible ? Ce n’est pas un endroit pour prendre l’air. Il ne peut pas se procurer le minimum vital : les mandats que nous lui envoyons mettent dix jours à lui parvenir. Comme la plupart de nos lettres. Heureusement, les parloirs sont maintenus (même s’ils se déroulent dans des cabines spéciales, minuscules, avec dispositif de séparation et avec toute une mise en scène ultra sécuritaire quand il y est amené, heureusement qu’on en rit !). Quand il arrive au parloir, il a du mal à parler car il ne parle plus de la journée, avec personne. (Sauf quelques surveillants, trois fois par jour.) Ces moments sont extrêmement précieux pour lui et pour nous. A trois reprises des surveillants ont posé des soucis pour l’entrée au parloir. Ils lui ont dit, ou ont dit à la personne venue le visiter, qu’il n’avait pas de parloir, que le rendez-vous n’était pas inscrit, ou annulé. Ce qui était faux. Nabil a du insister à chaque fois, étant persuadé qu’il avait bel et bien un rendez-vous et qu’il y avait droit. Nous n’avons pas compris pourquoi cela s’était produit. Mais ce que nous savons, c’est que ces parloirs sont les seules choses qui le rattachent au monde, ils sont vitaux pour lui, mais aussi pour ceux et celles qui l’aiment. Le priver de cela, c’est vraiment tenter de lui faire péter les plombs. Notre ami nous a dit pour la première fois qu’il avait peur des surveillants, nous prenons ça très au sérieux. Certains l’ont provoqué, menacé, essaient de le pousser à bout. Ils profitent de sa situation : complètement isolé face à eux, comment se défendre et être soutenu ? Il nous semble que certains surveillants cherchent des personnes à punir, coûte que coûte, suite aux évènements survenus dans cette prison. Est-ce que Nabil est une cible idéale parce qu’il a porté plainte contre la maison d’arrêt de La Talaudière ? Parce qu’il a parfois écrit publiquement au sujet de la prison et de ce qu’il en pensait ? Parce qu’il exprime parfois ce qu’il pense un peu fort en détention ? Nous partageons ses positions et avons compris à quel point c’était dangereux, mais vital, d’exprimer son avis en prison, de ne pas toujours se laisser faire. Pour l’instant, Nabil a réagi avec les mots et exigé que les droits lui soient appliqués « normalement ». Quand il s’est senti poussé à bout, il s’en est parfois pris à lui-même pour exprimer sa protestation, ce qui est inquiétant. Mais c’était un moyen de ne pas réagir directement aux provocations pénitentiaires. Nous nous sentons parfois bien seules et impuissantes face à cette situation, alors nous pensons à tous ceux et toutes celles qui subissent pareil, voire bien pire. Nous ne baisserons pas les bras. Nous espérons que d’autres (amis ou inconnus, de dedans ou de dehors…) seront solidaires. Son avocat a déposé un recours au tribunal administratif afin de le faire sortir de l’isolement. Des proches de Nabil.»

    Pour plus d’informations sur les luttes à la prison de Roanne

  • Le procès de Philippe Laouel aux assises de Toulouse sur le blog de laurent Jacqua

    Philippe Lalouel prisonnier malade qui a déjà fait 23 ans de placard a été condamné par les assises de Toulouse  à une peine de 20 ans … pour trois braquages de postes, fin 2009.Le procureur demande à l’issue du procès « une peined’élimination sociale ».

    Laurent Jacqua, un vieux poteau à lui, raconte jour après jour le procès qui s’est tenu du 03 au 05 décembre 2012. Philippe a fait appel et espère un transfert à la centrale de Lannemezan pour attendre son procès en appel dans de meilleures conditions et plus prés de sa compagne. Courage à tous les deux.

    Vous pouvez aussi lire un compte rendu du procès paru dans le numéro 34 de l’Envolée et prochainement en ligne.

    voir la vidéo sur le blog « vue sur la prison » de Laurent Jacqua

  • Edito du numéro 34, « La gauche revient…et alors?!! »

    Numéro 34, janvier 2013

    Dernier scandale en date, la vétusté de la prison des Baumettes. Partout, on a pu voir des images de cellules délabrées, de sanitaires hors d’usage, de tas d’immondices, de rats, de douches dégueulasses… V’là le scoop ! Taubira elle-même a convenu publiquement qu’on faisait semblant de découvrir une réalité connue de tous. Un collectif d’avocats marseillais a réclamé la libération des prisonniers des Baumettes ; le tribunal administratif a ordonné une opération de dératisation.

    Comme d’hab’, ils nous la font à l’envers.

    La politique pénale entretient la surpopulation des maisons d’arrêt ? Ils construisent toujours plus de nouvelles cellules. La dernière tranche du plan des 13 200 de 2002 à peine achevée, la garde des sceaux signe déjà un nouveau partenariat public-privé (PPP) avec Spie-Batignolles pour les futures prisons de Valence, Riom et Beauvais. C’est à la lumière de ces faits qu’il faut relire les grandes envolées lyriques de la ministre de la justice contre le tout-carcéral et les partenariats avec le privé : ce mode de financement n’est « pas acceptable », déclarait-elle dans Les Echos en juin 2012. Toujours des mots, rien que des mots. Face à Laurent Jacqua, ancien prisonnier longue peine qui l’avait apostrophée sur la situation des longues peines et des prisonniers malades : « il y a les mots, et il y a la réalité », elle avait répondu : « l’enfermement est une détresse, je crois qu’on peut en faire une perspective » ¹. La gauche a toujours tenu à « donner du sens à la peine » – les prisonniers peuvent en témoigner ! Taubira s’inscrit dans la lignée des Badinter et compagnie qui ont su faire accepter l’existence et la généralisation des quartiers de haute sécurité (QHS) par l’opinion en les renommant quartiers d’isolement (QI), et ont remplacé la peine de mort par l’enfermement jusqu’à la mort. Ce sont des prestidigitateurs qui jonglent avec les mots, changent le nom pour garder la chose…

    Cette ministre dit se préoccuper des conditions de détention et du sort des prisonniers ? Mais alors, comment expliquer qu’elle n’ait pas répondu aux pétitions et plates-formes de revendications des prisonniers de Roanne, Annœullin, Argentan, Ducos, dont nous nous sommes fait l’écho au numéro précédent ² ? Pour celles et ceux qui auraient encore quelques illusions sur ce gouvernement, rappelons-leur ces revendications et leur traitement. Aménagements de peine ? Nada. Demandons – entre autres – à Mounir ce qu’il pense

    de la révocation de sa conditionnelle, ou bien à Kaoutar de ses refus de permission, ou encore à Philippe el Shennawy du maintien de sa période de sûreté. Quant à l’abolition du mitard et des QI, Laurent Orsini devrait sans doute remercier le pouvoir socialiste pour les longues périodes de solitude qui lui ont été accordées. Et l’ensemble des prisonniers devraient aussi se réjouir des régimes différenciés dans les centres de détention, et du retour du régime portes fermées. Quant aux parloirs, tout est à la sécurité et on se dirige partout vers le régime strict des maisons d’arrêt. Et les cantines ?

    Les prisonniers de Réau, Annœullin et Nantes sont sûrement très heureux d’être rackettés par la société Themis, filiale de Bouygues. Le travail ? L’idée d’un salaire au moins aligné sur les misérables paies de l’extérieur n’est pas prête de sortir des oubliettes.

    Les «locataires»³ des nouvelles prisons regrettent leurs anciennes maisons d’arrêt vétustes. Ils dénoncent le développement massif du sécuritaire et de l’isolement, même si les cellules sont toutes neuves et équipées de douches individuelles. Ceux qui sont revenus de Cayenne après la fermeture du bagne et ont fini leur peine dans les prisons de la métropole se plaignaient déjà régulièrement de leurs nouvelles conditions de détention, et regrettaient la Guyane. Comme disait feu Jacques Mesrine : « Une cage dorée reste toujours une cage. » C’est à l’aune de cette évidence que se mesure le fossé entre l’intérieur et l’extérieur. Quand le pouvoir s’occupe des conditions de détention, c’est pour sophistiquer l’enfermement ; quand les prisonniers dénoncent leurs conditions de détention, c’est pour arracher un peu de liberté. Plus on améliore les conditions de détention, plus on enferme de gens.

    Le problème, ce n’est pas les conditions de détention, c’est la détention elle-même. Poser le problème de la détention, de l’enfermement, c’est poser la question de son existence et de son utilité sociale. A quoi sert-il ? A qui ? La prison ne peut se comprendre hors de la société qui l’engendre. On ne peut pas comprendre le procès de Philippe – qui a pris vingt ans pour 20 000 euros – sans avoir en tête le rôle de l’argent dans notre société. On ne peut pas comprendre ce qui ce passe à Annœullin si on ne comprend pas que dedans comme dehors, une des priorités de ce système est la gestion de ceux qu’il traite comme des déchets. On ne peut pas comprendre la mort de Gordana et Papi sans penser à la place assignée aux prisonniers et aux pauvres en général dans la hiérarchie sociale.

    Notes :

    ¹ Cet échange a eu lieu lors de la journée Prison-justice du Genepi. On peut voir la vidéo sur : www.dailymotion.com/video/xvq850#

    ² Alors Christiane, tu lis pas l’Envolée ?

    ³ Dans les nouvelles taules, un pourcentage est prélevé sur les mandats et les salaires des prisonniers pour « participer aux frais de fonctionnement ».

  • Edito du numéro 33

    Edito du numéro 33

    Six mois depuis le dernier numéro de l’Envolée. Deux élections sont passées par là. Sarkozy est parti, et avec lui le principe: un fait divers, une loi sécuritaire. À voir… L’abrogation de certaines mesures du précédent gouvernement a été annoncée: peines planchers,rétention de sûreté… en tout cas, encore rien au Journal officiel. Quant aux constructions prévues, le plan des 24000 nouvelles places devrait être divisé par trois. Oh,ce n’est pas par bonté d’âme, mais tout bêtement pour une question de trésorerie : il s’agit d’économiser 3 milliards d’euros. Problème comptable. D’ailleurs, lorsque le contrôleur général des lieux de privation de liberté propose à la veille du 14 juillet une amnistie pour les très courtes peines,le gouvernement s’empresse d’exclure cette possibilité: «ce serait un mauvais signe,et les décisions de justice doivent s’appliquer. » Aucune voix ne s’est élevée pour défendre cette très modeste proposition, qui n’aurait pas changé grand-chose à la situation générale des prisons, mais beaucoup à celle des personnes concernées. Et quant à  la traditionnelle amnistie post-électorale, il n’en a même pas été question. Alors quand la ministre de la justice Christiane Taubira s’insurge contre le tout-carcéral, l’enfermement des mineurs et la surpopulation, on ne s’y trompe pas. Le Parti socialiste a toujours carburé au sécuritaire –à sa sauce. Ce qui nous menace sous ce pouvoir, c’est l’adhésion passive, citoyenne aux règles du système capitaliste. La profession de foi de ne recourir à la prison qu’en dernière instance ne nous leurre pas davantage: cet été, on a atteint des chiffres d’incarcération record. Les peines alternatives à l’enfermement risquent de se cumuler à lui plutôt que de le remplacer. La mise sous bracelet électronique qui devait se substituer à l’incarcération a explosé en deux ans tandis que le nombre des enfermés ne cessait de croître. Aucune loi n’a encore été votée, mais le ministère de la justice émet des directives dans lesquelles l’individualisation des peines reste le leitmotiv : à chacun sa peine et son parcours de prisonnier, dedans comme dehors. Contrôler la population autant par le judiciaire que par le carcéral, étendre la prison hors les murs,voilà ce que risque d’être la contribution des socialistes. Justice partout, prison partout. Pour le moment, la seule réalité concrète pour les prisonniers, c’est le béton. Depuis plus de six mois, à Roanne, Vezin-le-Coquet près de Rennes, Argentan, Annoeullin près de Lille, Seysses près de Toulouse, Ducos en Martinique, Nouméa en Nouvelle-Calédonie, des prisonniers exigent, réclament, se battent, font du mitard,subissent des transferts, mais ne lâchent pas l’affaire. Ce sont ces combats que nous relayons dans ce numéro de l’Envolée, dont nous avons doublé le tirage dans l’intention de le faire circuler bien plus largement qu’à l’accoutumée. On verra à la lecture combien ils ont besoin d’une solidarité active à l’extérieur. Une solidarité qui se donne les moyens de dépasser les cercles de militants déjà convaincus. Une solidarité qui se fonde sur la justesse d’analyses qui sortent tout droit de l’intérieur. Une solidarité qui rappelle que ce qui se passe dedans n’est que l’image grossie de ce qui se passe dehors. Une solidarité en acte.

    Prisonnières et prisonniers recherchent complices !

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  • Pas d’quartier à Vezin-le-Coquet, retour sur le procès d’un mouvement, avril 2012

     Paru dans l’Envolée n°33, octobre 2012

    Le compte rendu du procès est suivi  d’une lettre de Faouzi reçue aprés le procés en juin 2012.

    PAS D’QUARTIER A VEZIN-LE-COQUET,

    RETOUR SUR LE PROCÈS D’UN MOUVEMENT

    Le mardi 8 avril 2012 en fin d’après-midi, un mouvement éclate à la prison de Vezin-le-Coquet (Ille-et-Vilaine), inaugurée en 2010. Surveillants et médias s’empressent alors de crier à la mutinerie ! Par ignorance ou par bêtise, la presse locale nous sert alors la soupe de l’islamisme radical, quand elle n’assimile pas cette révolte au mouvement des matons, qui réclament plus de moyens. Des véritables raisons du mouvement, il ne sera jamais question. Quatre prisonniers désignés comme meneurs passent en comparution immédiate deux jours plus tard, à la fin des quarante-huit heures de garde à vue.

    Le procès est pour eux l’occasion de dénoncer leurs conditions de détention, les violences et les brimades, l’arbitraire, bref l’ordre pénitentiaire. Pour l’état, c’est le moment de tenter de mater par des peines extrêmement lourdes ceux qui ont remis son autorité en cause. Pour comprendre ce qui s’est passé, manifester notre solidarité aux quatre accusés et tenter de prendre contact, nous nous sommes rendus au procès à quelques-uns.

    Le procès a lieu en soirée le jeudi suivant le mouvement, dans une salle désertée : quelques journalistes clairsemés, un ou deux proches, mais surtout la présence massive des bleus, y compris le maton victime. Dès le départ, la juge claironne en direction des accusés : « Soyez attentifs, le spectacle ne se passe pas dans la salle. Vous encourez pour certains dix ans, avec les peines plancher. » Le ton est donné.

    L’audience débute par l’exposition des faits et des motivations des prévenus. On apprend qu’ils se sont révoltés parce que deux d’entre eux se voyaient refuser un transfert : on est loin du mouvement « sans raison » des journalistes . En effet, Faouzi, désigné comme le meneur de l’histoire, demande son transfert vers une centrale de la région parisienne depuis des mois : d’une part parce qu’il purge une longue peine (il est libérable en 2020) et n’a donc rien à faire dans un centre de détention, d’autre part parce que sa compagne et sa fille demeurent aux Pays-Bas, ce qui rend inimaginable un déplacement pour une ou deux heures de parloir seulement. Ses demandes répétées étant restées vaines, il a passé cinquante et un jours au mitard volontairement et fait une grève de la faim de trente-cinq jours dans l’espoir de provoquer son transfert. Il a également écrit au contrôleur général des lieux de privation de liberté. Grégoire demande lui aussi son transfert depuis des mois.

    Les faits : les prisonniers bousculent un maton, récupèrent les clés et ouvrent les cellules du couloir. On apprend que les prisonniers ont laissé repartir le surveillant. Ensuite, une vingtaine de prisonniers balancent ce qui leur passe sous la main, savons, shampoing, vaisselle. Il y aurait eu un départ de feu dans une des cellules, et deux caméras de vidéosurveillance ont été cassées.

    Les prisonniers assument le mouvement sans jamais cesser de le remettre dans son contexte : celui d’une situation bloquée autour des transferts , d’une ambiance tendue avec des matons dans des conditions de détention insupportables.

    Grégoire : « J’ai mis le souk. Si j’avais pu faire autrement, je l’aurais fait. Mais quand quatre , cinq fois, on vous fait croire que vous allez être transféré : “ Préparez vos cartons, c’est pour dans quinze jours”, quand à 6 heures du matin on est prêt et qu’à 8 heures on vous dit : “Non, c’est pas maintenant”… On nous prend pour des chiens… Maintenant, au moins , je suis sûr d’être transféré. »

     Faouzi : « J’ai dit au directeur, le bon comportement, ça paye pas. J’ai travaillé, j’ai passé des diplômes. Ça fait huit ans que j’ai pas un seul rapport d’incident. J’ai l’impression qu’on fait tout pour m’éloigner de ma famille. C’est pas la meilleure solution, mais on n’a pas le choix. »

     Un troisième accusé, à qui on reproche d’avoir jeté un savon et une bouteille d’eau en plastique, en direction des surveillants, est interrogé .

    Sébastien : « J’ai jeté un savon et une bouteille d’eau en plastique, y avait 35 personnes à jeter des trucs . » La juge : « Donc vous reconnaissez avoir jeté des objets. »

     La juge essaye en permanence de faire avouer aux prisonniers qu’ils ont commis certains actes, au seul prétexte de leur dangerosité prétendue ou de leur profil profondément récalcitrant. Elle refuse de les entendre lorsqu’ils lui exposent leurs raisons. Sébastien : « Pourquoi les surveillants, quand ils viennent faire une fouille dans ma cellule, ils jettent les photos de ma famille, de mon enfant dans les toilettes ? C’est juste pour blesser. » Pour la juge, ce n’est jamais la question. La question, c’est uniquement la violence du prisonnier qui a osé lancer un savon et une bouteille d’eau en plastique en direction des surveillants.

    L’ examen des casiers judiciaires est une étape de plus dans la construction des « prétendus profils » des prisonniers, plutôt d’un profil type : ils ne sont pas jugés en tant qu’individus ayant des raisons d’agir, de lutter contre l’arbitraire de la prison, mais comme de mauvaises gens naturellement vouées à la sanction. La lecture du comportement en détention participe également à cette construction de la dangerosité du prisonnier – forcément mauvais puisqu’il est prisonnier.

    Ceux-ci ne se démontent pas pour autant et continuent de se défendre, refusant de se laisser enfermer dans cette image. Certains remettent en cause leurs séjours au mitard, arguant qu’à « Vezin, au mitard, on y va pour rien ».

    Faouzi revient continuellement sur les raisons du mouvement :

    « Ça fait six mois que je n’ai pas vu ma fille. Dans toutes les centrales, elle peut rester le week-end, pas une heure comme ici ».

    La juge : « Bon, la Bretagne ne vous convient pas pour votre peine ? »

    Faouzi : « Ça n’a rien à voir avec la Bretagne. Ça explique comment l’administration pénitentiaire vous pousse à bout. En janvier on m’avait fait des promesses de transfert. Rien»

     Vient le moment des plaidoiries des plaignants. Les services immobiliers de la justice se sont portés partie civile ainsi que le maton malmené. Même si l’AP « n’a pas fini de chiffrer les dégâts », la première facture qu’elle présente est de 4 837,53 euros. Pour une « mutinerie », le coût des dégradations semble bien léger – il est en fait très en rapport avec ce qui s’est passé. Puis c’est le blabla sur le traumatisme subi par le surveillant, qui revit la scène sans cesse, qui se remet en cause dans son professionnalisme… et qui méri te 1 500 euros. Il a décroché une ITT de trois jours, ramenée à six jours suite à un examen médical complaisant. C’est qu’« il revit la scène sans cesse ».

    Arrive la réquisition de la procureure, où l’hyperbole sert de vérité. Bien que les faits se résument à trois coups à un maton et une aile de la prison quelque peu « dégradée », pour elle, on est face à « un climat quasi insurrectionnel », « un véritable défi à l’autorité », bien que l’ordre ait été ramené en moins de trois heures. Elle souligne que pour faire face à ces défis, la direction de la prison avait mis en place des régimes différenciés, et que ces prisonniers se trouvaient alors dans l’aile « régime fermé », donc celle des prisonniers les plus récalcitrants. Il s’agit pour elle d’un véritable guet-apens, un acte prémédité au seul profit de Faouzi. Cette préméditation serait attestée par le jet sur le sol de shampoing et de lessive destinés à empêcher l’intervention des équipes régionales d’intervention et de sécurité (Eris). La question des transferts et de l’attitude de l’AP, pour elle, ce n’est pas le lieu pour en débattre. Comme dans chaque mouvement, il est très difficile de dire qui fait quoi, parce que c’est toujours des moments collectifs, mais elle s’ingénie à désigner un meneur et un bras droit, un second couteau et un actif suiveur. Déverser de la lessive sur le sol, jeter des savons et des bols en direction de matons armés, cagoulés et casqués témoignent pour elle d’une « extrême violence ».

    Violence psychologique aussi, puisqu’on nous raconte que les autres prisonniers seraient choqués. S’il ne s’agit pas de faire le procès de l’ordre pénitentiaire, il s’agit encore moins de faire celui de la prison neuve qu’est Vezin-le-Coquet. « Une belle prison avec des locaux neufs et des activités », et « le régime différencié a satisfait 90% des détenus, qui peuvent ainsi faire de leur détention un moment constructif ! » Elle réclame six et cinq ans pour Faouzi et Grégoire, reconnus comme les meneurs ; trente mois et dix-huit mois pour les deux autres.

    L’audience touche bientôt à sa fin, c’est au tour des avocats d’entrer dans la danse. Ce sont tous les quatre des avocats commis d’office, et trois d’entre eux n’ont pu prendre connaissance des dossiers que deux heures avant le procès. Il n’y a pas de défense commune, et il s’agira le plus souvent de charger un des accusés pour décharger l’autre. Tous les avocats plaideront tout de même contre les nouvelles prisons, inhumaines, où tout est à l’électronique et à la sécurité.

    La parole est aux accusés :

    Faouzi explique : « C’est pas [ce surveillant] qu’on visait. D’ailleurs, on n’a pas voulu le séquestrer ou le mettre dans une cellule. En quatorze ans, je n’ai jamais frappé un surveillant. Les jeunes, ça me fait mal de les voir là, je veux bien prendre leur condamnation. Ils n’ont rien à faire là. Si je prends six ans, de toute façon, ma vie, elle est foutue, ça veut dire que je sors en 2026, j’appelle ma femme et je lui dis de partir. J’ai essayé de faire le mouton, ça n’a jamais été récompensé. »

    Verdict : cinq ans.

     Grégoire revient toujours sur les brimades subies : « Quand on m’a cassé les côtes, qu’on m’a attaché toute la nuit au mitard, qu’on m’a frappé, regardez, la cicatrice sur ma tête, ça fait un an que je l’ai… je suis pas traumatisé, aussi, moi ? Quand on nous prend pour des chiens ! C’est pas humain. Quand on est au quartier disciplinaire et que derrière les grilles les surveillants passent, agitent les clefs et disent : “alors on fait le singe ?” On n’est pas des chiens. Et le coup des parloirs fantômes… Moi j’ai pas de famille, je suis désolé pour le surveillant, mais j’ai rien à perdre. J’ai rien à perdre. Au moins, là, je suis sûr d’être transféré. »

    Verdict : cinq ans.

    Pierre : « On dit jamais qu’au mitard on nous casse les côtes, on se fait frapper. Ça on le dit jamais ».

    Verdict : deux ans.

    Sébastien : « Moi aussi j’suis désolé. Mais pour vous, on est juste des numéros d’écrou. »

    Verdict : un an.

    Les peines sont extrêmement lourdes. Ce sont au total plus de treize années de prison qui ont été distribuées. Pour rappel, la mutinerie de Clairvaux qui avait rendu le bâtiment A inutilisable pendant plusieurs mois en 2003 n’avait été sanctionnée par aucun procès : les prisonniers avaient pris soin de détruire en premier lieu toutes les caméras de vidéosurveillance, et personne n’avait moufté ; la destruction au 3/5e de la centrale d’Ensisheim en 1988 avait abouti à des peines de quatre ans pour les meneurs. La sévérité du procès de Vezin est exemplaire. Les juges ont suivi les réquisitions du parquet sans entendre les personnes qu’ils avaient en face d’eux. Il fallait rassurer les syndicats de surveillants et se serrer les coudes entre braves gens – ce qui n’empêchera pas lesdits syndicats de bloquer les parloirs quelques jours plus tard. Il fallait aussi défendre les nouvelles prisons, décriées par tous, jusqu’au contrôleur général des lieux de privation de liberté !

    D’ailleurs, il faudrait parler de double, voire de triple peine : en plus des peines d’emprisonnement, les prisonniers ont droit au mitard, à l’isolement et aux transferts disciplinaires. En ce qui concerne le prisonnier qui a pris un an pour avoir jeté une bouteille d’eau et un savon, la peine est très, très lourde, car il devait sortir le mois suivant, il avait trouvé un travail à l’extérieur et sa compagne l’attendait. C’est sa conditionnelle qui saute, les sursis qui tombent et la peine qui se prolonge indéfiniment.

    Cette sévérité s’explique aussi par le recours à la comparution immédiate. Les avocats auraient dû conseiller aux accusés de la refuser. On sait par expérience que les jugements en comparution immédiate aboutissent généralement à des condamnations très lourdes. Souvent, les personnes acceptent la comparution immédiate de crainte d’être placées en détention provisoire. Ici la question ne se posait pas, les accusés étant déjà enfermés. Refuser la comparution immédiate, c’est se donner le temps et les moyens de préparer sa défense, de contacter des soutiens extérieurs pour une solidarité active, de faire connaître son histoire, bref ne pas se jeter dans la gueule du loup. Ça peut aussi permettre de choisir son avocat. On sait que les avocats commis d’office ont une implication moindre, voire nulle dans les dossiers des accusés, d’autant qu’ils n’y ont accès que quelques heures avant l’audience. Cela peut éventuellement permettre une défense commune, et éviter, comme lors de ce procès, les défenses individuelles, où chaque avocat charge les autres accusés pour disculper son « client ». Cela allait d’ailleurs à contre-courant de l’attitude et des déclarations des accusés eux-mêmes. Ils sont toujours restés solidaires les uns des autres, sans se charger mutuellement, ils s’efforçaient même de se couvrir les uns les autres.

    De même, on ne peut que regretter que les prisonniers de Vezin n’aient pas fait appel, par crainte d’une condamnation plus lourde. Faire appel aurait pu leur laisser le temps de préparer ce procès, de prendre contact avec des avocats, et d’être nombreux dans la salle d’audience. Ce lien avec l’extérieur est essentiel dans la construction d’un rapport de force et de complicités. Être présents lors des procès permet de comprendre ce qui se joue dans un mouvement au-delà de son traitement médiatique. C’est aussi un moment où il est possible de montrer aux prisonniers qu’ils ne sont pas seuls et qu’ils peuvent compter sur du monde dehors, bref qu’ils ont été entendus.

     « J’ai payé le prix fort parce que

    j’ai osé dire ce que tous les détenus

    pensent très fort »

     

     Centre pénitentiaire de Vivonne,

     21 avril 2012

    « Salut, J’ai eu grand plaisir à recevoir vos lettres. Ça fait chaud au cœur de savoir qu’il y a des amis qui sont sensibles à ce qui s’est passé à Vezin. Malheureusement j’ai payé le prix fort parce que j’ai osé dire ce que tous les détenus pensent très fort. J’ai essayé de me faire comprendre par tous les moyens. Dès mon arrivée à Vezin le 4 janvier 2012, j’ai tout de suite expliqué mon cas. À Rennes, je ne peux pas voir ma fille qui habite en Hollande, et pour protester j’ai pris quatorze jours de cachot. Au terme de ces quatorze jours, j’ai refusé de sortir et j’ai fait cinquante et un jours d’affilée, et trente-huit jours de grève de la faim. J’ai vu Monsieur Bauer, et il m’a promis de s’occuper de mon transfert. Je suis sorti du cachot et ils m’ont mis au rez-de-chaussée d’une unité du centre de détention qu’ils ont appelé le zéro, avec des gens qui n’ont pas droit à la parole ni de se plaindre de leur condition, enfermés 22 heures sur 24. J’ai vu la misère de jeunes désœuvrés, des gens qui ne mangent pas à leur faim et qui ramassent les mégots en promenade. Moi qui avais encore du chemin à faire, ma date de sortie en 2020, l’espoir que j’avais ma conditionnelle en 2013… Je voyais l’horizon s’assombrir devant moi. J’ai tapé à toutes les portes. J’ai alerté Monsieur Delarue sur mon cas, j’ai écrit à l’OIP. Tous m’ont répondu. J’ai vu le Spip, la chef de détention, mais j’ai pas trouvé de l’aide. Après j’ai été désespéré et on m’a poussé à faire le mouvement. Avant ça, comme vous l’avez entendu au palais de justice, en quatorze ans de prison, je n’ai eu que trois incidents. Je voulais me battre pour ma fille qui a 7 ans. Je savais que c’était une bataille perdue d’avance, le pot de fer contre le pot de terre, mais la résistance n’est pas finie. Je veux faire savoir ce qui s’est passé au monde entier. J’ai écrit à M. Marzouri, président tunisien, qui a été avant, dans les années sombres, sous la dictature de Ben Ali, un fervent défenseur des droits de l’homme, il en était même le président, pour l’alerter sur ce qu’on subit en étant d’origine étrangère. Moi j’ai grandi en France et je suis fier. J’ai grandi dans le XXe à Paris, à Belleville, dans une diversité incroyable : Juifs, Arabes, Africains, Chinois. Je n’ai jamais été islamiste, comme ils ont écrit à Ouest-France. Je suis tombé pour trafic et j’ai été extradé de Hollande en 1998. Je fais ma prière, étant musulman, et ça s’arrête là. Les petits jeunes qui étaient avec moi, je n’ai aucune idée où ils sont. C’est des petits malheureux qui m’ont touché au plus profond de mon âme.

    Voilà à peu près le résumé de ce qui s’est passé. Vous avez vu que le surveillant n’avait aucune trace de violences, parce que ce n’était pas le but, et c’est moi qui lui ai permis de partir. Je ne voulais pas qu’on l’enferme, ni le prendre en otage. Tout ce qu’on voulait c’est qu’on entende notre souffrance. Mais voilà, ça continue. Moi, jeudi je passe au prétoire pour être jugé en interne et je risque le maximum de trente jours de mitard. Triple peine : cinq ans, trente jours de mitard et un éloignement encore plus important, puisque après trois mois d’isolement, je serai transféré en centrale à Lannemezan. Mais je me battrai pour être rapproché de ma famille. Ma sœur et mes frères à Paris, ils peuvent accueillir ma fille.

    Voilà mon histoire, juste les derniers mois passés en Bretagne. J’ai décidé de ne pas faire appel parce que je sais que je risque d’être condamné plus lourdement. J’en ai la conviction, et je laisse au jeune homme Grégoire de faire appel, il a plus de chances que moi s’il bénéficie de mon absence pour qu’on lui abaisse la note. Je l’espère.

     Je veux vous embrasser, et merci de votre soutien. Je fais des bisous à tous vos auditeurs et souhaite bon courage aux familles de détenus et aux détenus, passez-leur mon amitié et dites-leur de ne pas flancher et de garder le moral.

    Merci mille fois.

     Votre ami, FAOUZI ».