Catégorie : Lettres

  • Quel Noël pour les prisonnières de la MAF des Baumettes, à Marseille ?

    Quel Noël pour les prisonnières de la MAF des Baumettes, à Marseille ?

    « De 22 heures à 22 h 30, on a tapé aux barreaux en disant : ‘Justice ! Dupont-Moretti !’ »

    À Marseille, depuis plusieurs mois, les prisonnières de la MAF (maison d’arrêt pour femmes) des Baumettes dénoncent la détérioration de leurs conditions de détention et les violences pénitentiaires qu’elles subissent.

    Conditions de vie ? De survie, plutôt !

    Comme dans les autres prisons de France, le quotidien des prisonnières de la MAF s’est encore dégradé avec la crise du coronavirus, mais un nouveau cap a été franchi depuis deux mois.

    Les activités hors des cellules sont suspendues ; en promenade, l’eau a été coupée, ce qui signifie que les prisonnières restent plusieurs heures sans pouvoir se désaltérer ni aller aux toilettes. Le lien avec les proches est mis en péril par la fermeture des UVF (unités de vie familiale) et des relais enfants et par la réduction de moitié de la durée des parloirs. Les produits cantinés arrivent en retard, voire pas du tout. Quant aux colis de noël — le petit extra alimentaire toléré chaque année par l’administration –, aucune denrée dite périssable n’est plus acceptée.

    « On est séparés par une vitre, donc on peut pas approcher nos familles ; c’est impossible, pour nous. La vitre part du sol et monte jusqu’au plafond. »

    [Témoignage du 23 décembre.]

    « C’est urgent, la prison est en feu, les détenues sont à bout. On est plusieurs femmes à dénoncer tout cela. […] Ça fait plus de deux mois que ça dure. »

    [Témoignage du 24 décembre.]

    Toujours plus d’isolement !

    Le comité de riverains qui a dénoncé des « nuisances » liées à la prison est largement responsable de la progressive disparition des rares espaces de liberté et d’entraide gagnés au fil du temps par les prisonnières. Depuis l’installation de fenêtres antibruit dans les cellules, les échanges sont devenus quasiment impossibles (voir L’Envolée N°52 : ) : finis les échanges de nourriture ou de petits mots de fenêtre à fenêtre au moyen de « Yoyos », finies les discussions de cellule à cellule, finis les parloirs sauvages avec les proches venus crier leur amour ou leur soutien de la rue. De plus, la vie en cellule est devenue intenable à cause de la chaleur et du manque d’aération.

    « Du 2e au 4e étage, tu n’as aucune possibilité d’ouvrir une fenêtre. Tu as des fenêtres fixes, avec des petits trous sur le côté sur une paroi en fer. Mais c’est le seul truc où l’air peut passer dans ta cellule. Je te donne un exemple : je pouvais pas faire à manger. Tu peux pas te permettre de faire des frites : tu vas sentir la friture à 400 km ! Tu as tout dans la même pièce : ton linge, tes affaires… »

    [Témoignage du 23 décembre]

    Violences pénitentiaires

    Pour éviter que les prisonnières ne contestent les conditions de survie qui leur sont imposées, la gestion de la détention s’est durcie. Sous couvert de lutte contre le terrorisme, les prisonnières ont notamment subi une « fouille sectorielle » d’une extrême violence dans la nuit du 3 au 4 novembre dernier. Les Eris (équipes régionales d’intervention et de sécurité, créées en 2003 pour militariser le maintien de l’ordre dans les prisons) ont insulté, frappé, humilié et fouillé les prisonnières à nu ; et aussi saccagé les cellules.

    « On a fait un blocage, du coup, et finalement c’est les Eris qui sont venus. Ils ont quasiment massacré les filles. Y a quand même une fille qui a fini au cachot pendant vingt jours avec la mâchoire cassée. C’est assez costaud, quand même. »

    [Témoignage du 23 décembre]

    « Un des Eris a tordu le bras à une fille, et elle s’est retrouvée à plus bouger du tout, de la mâchoire au bras. Il y est allé avec un pied sur la tête, l’autre pied sur le bras. Ils l’ont mise à poil ; ce sont des hommes qui l’ont mise à poil, et pas des femmes. »

    [Témoignage du 25 décembre]

    Fouilles abusives et humiliantes

    Les prisonnières des Baumettes dénoncent aussi les pratiques plus quotidiennes des ELSP (équipes locales de sécurité pénitentiaire). Intégrées à la prison, ces équipes directement inspirées du modèle des Eris sont venues remplacer les Elac (équipes locales d’appui et de contrôle) en 2019, faisant encore monter d’un cran la militarisation. Depuis des mois, les fouilles à nu sont les violences les plus régulièrement dénoncées par les prisonnières. Elles sont en effet fréquentes depuis mars, et presque quotidiennes depuis quelques semaines.

     « Moi, j’ai été fouillée trois fois en un mois par les ELSP. Normalement c’est la surveillante qui vient pour la fouille mensuelle, mais de temps en temps c’est les ELSP qui viennent pour tout te retourner. Pour les fouilles, normalement, on se déshabille, on se retourne. Mais là, il faut lever la jambe droite vers le côté droit, la jambe gauche vers le côté gauche… Comme un chien. Comme si on pissait. Et ce sont des fouilles qui se font à trois surveillantes, et y en a une qui se baisse et qui regarde entre les jambes. Ils ont tout l’équipement de protection, mais nous on est à poil, ils en ont rien à foutre. […] Là, c’est stop, quoi. Je suis pas rentrée en prison pour vivre ça.  Ils ont regardé mes parties intimes, c’est un viol ! Plus les placages, nue, par les ELSP, parce que je lève pas la jambe. Je ne suis pas un chien, pour lever la jambe ! J’en peux plus. »

    [Témoignage des 24 et 25 décembre]

    « Normalement t’as a une fouille mensuelle, toutes les cellules sont fouillées chaque mois ; ça, y a pas de soucis. Là c’est perpétuel, tout le temps : quand tu descends au parloir, t’es fouillée. Tu remontes : t’es fouillée. […] A un moment donné il faut que ça s’arrête. Qu’ils fassent des fouilles, OK, mais y a un minimum de respect à avoir. C’est pire à la MAF que chez les hommes. Chez nous, ça arrive qu’ils te menottent, ils te jettent au sol, ils t’écartent les jambes. Y a une certaine limite. […] A un moment, c’est bon de se déshabiller tout le temps. Moi, j’ai 30 ans, donc tu vois, ça passe, mais je descendais avec une mémé qui avait quand même 64 ans. Au bout d’un moment, elle me regardait, limite elle était à deux doigts de pleurer. »

    [Témoignage du 23 décembre]

    « C’est des fouilles au corps avec menottes, jambes écartées. Elles regardent dessous nos parties intimes à 3, 4 surveillantes. T’as des coups de pieds quand tu veux pas. […] Cette semaine, c’était six fouilles. Elles ont donné des coups de pieds à cause  de mon refus d’écarter mes fesses. Placage au sol nue, à trois sur moi. J’avais rien du tout… J’en peux plus. […] Tous les jours elles débarquent, c’est invivable ! Grave de chez grave tout ce qui ce passe. Les ELSP hommes restent avec le chef de détention à ma fouille à corps nue, c’est grave ! »

    [Témoignage du 24 décembre]

    Résistances et solidarité !

    Malgré tout, de nombreuses prisonnières de la MAF font part de leur inquiétude à l’extérieur, et se mobilisent de différentes manières : début novembre, elles refusaient de remonter de promenade ; depuis, elles multiplient les recours juridiques ; et dernièrement, elles appellent à faire un maximum de bruit tous les jours et à boucher les œilletons tous les matins à 7 heures.

    « Entre les prisonnières, c’est comme partout, hein : y a des gens bien, et d’autres qui sont moins bien. Mais y a une méchante solidarité ; malgré les disputes et certaines embrouilles, y a vraiment une méchante solidarité. »

    [Témoignage du 23 décembre]

    « De 22 heures à 22 h 30, on a tapé aux barreaux en disant :  ‘Justice, Dupont-Moretti !’ » Ça a fait péter les plombs aux bleues. »

    [Témoignage du 25 décembre]

    « Je vous dis : tapez à une fenêtre, à la plaque de fer qui coupe votre respiration toute la journée. Où votre oxygène ne se renouvelle pas. La moitié de votre cerveau, elle est paralysée parce que votre oxygène ne se renouvelle pas. Vous chiez dans votre cellule, ça part pas. Vous vous douchez, ça part pas… Tapez dessus, tapez dessus ! »

    [Témoignage du 19 décembre]

    « Je veux faire de gros bisous à la MAF, encourager toutes les filles à rester fortes et à ne pas se laisser aller par rapport à tout ce qui se passe. Même si certaines ne l’ont pas encore subi, on est toutes à l’intérieur, et c’est susceptible d’arriver à toutes. Parce que vous avez toutes vu : que l’on soit agitée ou pas agitée, eh ben ça peut arriver à n’importe quelle personne. »

    [Témoignage du 19 décembre]

    Parloir Libre est une émission de dédicaces pour les prisonniers et les prisonnières des Baumettes et leurs proches, tous les samedis de 19h à 21h et tous les jeudis de 20h30 à 22h. Sur Radio Galère 88.4FM.

    L’Envolée, l’émission pour en finir avec toutes les prisons, donne la parole aux prisonniers, prisonnières et à leurs proches. Émission de radio chaque vendredi de 19 à 20h30 sur FPP 106.3 en région parisienne et MNE 107.5 à Mulhouse, sur RKB 106.5 en centre Bretagne les lundis à 22h, et sur les webradios Pikez (dimanche à 11h) et Station Station (lundi à 13h). Podcasts disponibles sur toutes les plateformes de podcast.

    Notre numéro de téléphone : 07.52.40.22.48 (whatsapp, telegram, signal, appels et textos). Pour écrire : Radio FPP – L’Envolée, 1 rue de la solidarité, 75019 Paris, ou encore à lenvolee.net et sur instagram, twitter, facebook & snapchat.

  • Lettre de Bilal à l’Envolée – et sa lettre à Dupond-Moretti

    Lettre de Bilal à l’Envolée – et sa lettre à Dupond-Moretti

    ça m’a vraiment donné le sentiment d’exister pendant un instant, de ne plus être seul, d ‘avoir quelqu’un qui m’écoute.

    Nous avions publié une lettre de Bilal dans le dernier numéro du journal, il nous a réécrit, et a ajouté à sa lettre une missive qu’il a envoyé à Super Dupont, ministre des tribunaux et des prisons. Même s’il sait qu’il y a peu à attendre de ce côté là, il essaie de se faire entendre.

    Le 07.12.2020

    Bonjour l’équipe de l’Envolée,

    Tout d’abord toute mes condoléances pour votre ami et co-fondateur. Je n’ose imaginer la peine et la difficulté d’une telle perte, mais au final une légende ne meurt jamais…

    Je tiens à préciser que mon commentaire au sujet du délai de réponse n’est pas lié au temps, mais à la réponse qui m’était apporté combiné au temps.

    J’avoue que lors de mon premier courrier, je n’avais pas conscience de ce que votre journal était vraiment. Puisque les explications du pote qui m’a parlé de vous, était du genre « ouai t’inquiète, ils sont là pour nous aider », je suppose que le ras le bol de ma condition carcérale à fait que j’ai préféré ignorer le côté journal et je suis resté focus au côté soutien…

    Du coup quand j’ai percuté que vous risquiez de publier mes écrits. J’avoue avoir eu un coup de chaud puisque je dévoilais mon identité parce que j’hésitais à faire ça de manière anonyme… Mais bon c’est pas bien grave au final je suis assez content du résultat, votre manière de travailler est bienveillante…

    Donc oui, je suis d’accord pour publier mes courriers. Franchement merci, ça m’a vraiment donné le sentiment d’exister pendant un instant, de ne plus être seul, d ‘avoir quelqu’un qui m’écoute.. Et si quelqu’un le souhaite, vous pouvez lui donner mes coordonnées.

    Je vous joints le brouillon du courrier que j’ai envoyé au ministre Moretti, je pense que ça explique à peu près les conditions de détention et l’état d’esprit dans lequel je me trouve : combatif, mais dans le dialogue…

    En tout cas. Merci de ce que vous faîtes, force à vous.

    Et voici la lettre adressée au ministre :

    Réponse à multiples demandes écrites.

    J’attire votre attention par le présent courrier sur cette systématisation malsaine pratiquée par l’administration et souhaite que votre vigilance se porte sur l’incohérence et l’injustice d’une telle pratique afin que cette spirale soit enrayée car elle est une opposition injuste à la voie de la réinsertion et donc un reniement total des valeurs qui fondent et animent un état de droit, car comme nous le savons tous, jamais un état de droit, solide sur ses valeurs, ne permettra qu’un citoyen appliqué, investi et méritant (preuves factuel à l’appui), ne soit lésé de ses droits sur la base de suppositions et de doutes, au détriment du factuel.

    Afin que vous preniez conscience de la réalité dans laquelle je vis, je suis libérable en 2048, c’est a dire à quand j’aurais 56 ans, suivi d’une peine additionnelle de 10 années de suivi sociaux judiciaire. Donc je serais officiellement libre a mes 66 ans.

    Avec de telle condition de détention, sur une telle durée, que me reste-t’il comme espoir pour une réinsertion social positive ?

    Suis-je toujours français ? Ai-je encore des droits ? Où tout simplement, suis-je encore un être humain ?

    Suis-je toujours français ? Ai-je encore des droits ?

    Où tout simplement, suis-je encore un être humain ?

    Puisque tout mes échanges se font a travers la grille de ma cellule (aumônier, SPIP, Chef de bâtiment, etc.)

    J’ai fauté lourdement, je l’ai reconnu et regretté amèrement, je purge donc ma peine, mais je fais des efforts et j’arrive a un stade ou j’ai besoin de sentir l’aide de l’administration pénitentiaire dans mon cheminement vers la rédemption et cela passe par des signaux certes faible, mais qui symboliquement pour moi signifient beaucoup et me montre que malgré l’horreur de mes erreur passée, on croit en moi et me donne une chance , alors je n’ai pas droit de recevoir, ma famille, mes enfants, et mon pays que je n’ai au final, jamais cessé d’aimer.

    Dans l’attente d’un retour, qui je l’espère fera évoluer ma situation positivement. Monsieur le ministre, veuillez recevoir mes sincère salutation.

    Bilal

  • Appel à l’aide de la MA d’Angoulême

    Appel à l’aide de la MA d’Angoulême

    Il a le temps de mourir 20 fois.

    Nous relayons cette lettre d’une proche d’un prisonnier enfermé à la Maison d’Arrêt d’Angoulême où il subit des traitements dégradants et violents et où, sans aucun accès aux soins, il est en danger permanent.

    Monsieur,

    Je soutiens un détenu, Mr H. Y., à la Maison d’Arrêt d’Angoulême.

    Voici les conditions de sa détention : il a subi des mauvais traitements, on lui fait boire l’eau des wc, c’est ça ou rien, disent les surveillants. Pour les douches, 2 fois par semaine et encore, quand celles-ci sont propres et c’est peu dire ! son courrier n’est pas envoyé, ni à son avocate, ni à la SPIP, ni ailleurs. Ces médicaments lui sont donnés au compte-goutte. Il a très mal au dos, attend un RDV pour ses dents et ses yeux depuis 4 ans et demi. Son état de santé se dégrade. Sa prise de sang n’est pas bonne, il a du cholestérol, des GMGT. Il voudrait être transféré, il n’est pas à sa place dans cette maison d’arrêt.

    A chaque parloir avec sa mère, il a une fouille à nu, fouille de vêtements, même le caleçon est mis à l’envers, ils le laissent nus devant une glace à la vue des surveillants, c’est humiliant ! les cantines il y a des manquants : les jeux de société, livres, jeux de dés, pinceaux pour son activité dessin. Tout ce que je lui remets m’est retourné : refusé par le propriétaire. Faux – archi faux. Les paquets sont neufs sans blister. Tout me revient. Pourquoi le priver de ces objets qui améliorent le quotidien ?

    Ils sont trop dans les cellules, 5 dans une cellule de 4. L’autre dort au sol sur un matelas devant la porte.

    La Maison d’Arrêt ne prévient pas la famille ne cas de problèmes graves. C’est une honte, il faut écrire au directeur ! il a le temps de mourir 20 fois. Il voudrait aller en SMPR ou en VHSI. On l’a forcé à quitter l’iso où il était, on lui a fait signer un document « pour travaux », faux. Ils ont mis quelqu’un à sa place.

    Je m’étais renseignée pour une formation de pâtissier, c’est sa passion, a-t-il reçu la documentation ? il veut s’en sortir et on lui met des bâtons dans les roues. Je lui verse un petit peu chaque mois pour améliorer son quotidien, et bien ils lui prélèvent une somme qui lui sera remise à sa sortie. C’est maintenant qu’il en a besoin, pas après. Actuellement il est dans une cellule sans chauffage. Il n’a pas de vêtements chauds à froid, a beaucoup maigri. Il a des marques de coups au dos, aux bras, des strangulations. Il n’en peut plus. C’est un appel au secours. Il a fait déjà beaucoup de tentatives de suicides.

    Il est dans une cellule sans chauffage. Il n’a pas de vêtements chauds à froid, a beaucoup maigri.

    Il est au bout du rouleau, n’est pas entendu. Seule son avocate se démène pour trouver une solution. Je le soutiens également comme je peux. Que pouvons nous faire ? à l’aide ! Merci

    Cordialement,

  • Lettre de Kamel Daoudi

    Lettre de Kamel Daoudi

    Enfermé à plus de cinq heures de route de ma famille et toujours dans le circuit fluctuant de l’incarcération sous ses diverses formes (prison, CRA,, assignation à résidence).

    Une lettre que nous avons reçu de Kamel Daoudi, plus long assigné à résidence de France, réenfermé il y a trois mois pour 20 minutes de retard. Il revient ici sur le journal et Olive (des lettres où il décrit son quotidien au QI de Corbas ont été publiées sur lundimatin).

    Maison d’arrêt de Lyon-Corbas

    Le 5 décembre 2020

    C’est avec tristesse que j’ai appris la mort d’Olivier. Dès la première phrase de l’édito du N° 52 (octobre 2020) de L’Envolée papier,  quand la mort d’Hafed avait été évoquée, j’ai compris. Ce sont deux piliers de L’Envolée qui ont été emportés au loin, et deux voix qui continueront à porter malgré leur absence. Je ne connaissais pas Olive personnellement. J’aurais bien aimé le rencontrer, tout comme Hafed. Malheureusement, nos destinées ne se sont pas croisées. Ce que j’aimais dans la personnalité d’Olivier, c’était son éternelle détermination et son invincible optimisme. Derrière sa voix enjouée et sonnante, quasi enfantine, on entendait sa force de caractère et sa détermination à lutter.

    Aujourd’hui, je ne peux plus entendre ni écouter le générique de l’émission, mais chaque fois que j’entends un hélicoptère passer au-dessus de la prison, j’ai une pensée mélancolique pour toute votre équipe qui a contribué à me soutenir moralement quand nous étions dans les QI entre 2001 et 2005.

    Aujourd’hui, me revoilà en taule pour une vingtaine de minutes de retard sur le couvre-feu qui m’était imposé depuis les quatre dernières années de mes douze ans de perpétuelle assignation à résidence.

    Enfermé à plus de cinq heures de route de ma famille, je suis toujours dans le circuit fluctuant de l’incarcération sous ses diverses formes (prison, CRA, assignation à résidence).

    Je tenais à vous saluer chaleureusement, ainsi que tous les auditeurs et auditrices de L’Envolée… A bientôt

    Kamel

  • Lettre de Mickaël Gilgenmann

    Lettre de Mickaël Gilgenmann

    « Et aux personnes à l’extérieur, je voudrais leur dire que nous sommes des êtres humains et que nous aussi nous avons des droits »

    Lettre publique que nous a transmis Kemi pour dénoncer ses conditions de détention à Saint Maur, prison malheureusement déjà tristement célèbre. Les matons et l’adiministrations s’acharnent sur lui sous de faux prétextes et le poussent à bout. N’hésitez pas à nous demander son contact si vous voulez lui écrire. Force et soutien à lui !

    Le 23 novembre 2020,
    Maison Centrale de St Maur

    À tous les détenus de France et les personnes non-incarcérées, j’écris cette lettre pour dénoncer mes conditions de détention et pour trouver un écho à ma parole.

    Je suis à la centrale de Saint Maur depuis trois mois, au quartier d’isolement depuis mon arrivée dans l’établissement pour soi-disant être « observé ». Je viens d’être prolongé pour trois mois de plus car mon arrivée « serait » trop récente et donc ils ne peuvent pas dire si je suis « apte » à une détention ordinaire.

    Au début, j’ai été classé auxiliaire peintre mais au bout de dix jours, ils m’ont déclassé parce qu’ils auraient trouvé un câble dénudé dans ma cellule « s’apparentant à un port USB ».

    Puis le jour-même, j’ai été mis en gestion équipé menotté pour trois raisons différentes.
    La première serait que j’aurais fait venir une équipe de voyous un soir devant la prison et que le chef de détention nous aurait entendu tenir des propos mettant en danger l’établissement et le personnel pénitentiaire, la deuxième serait qu’ils ont des éléments prouvant la mise en place d’une prise d’otage et la troisième serait parce qu’un de mes frères – avec qui je n’ai pas de contact – voulait se suicider…

    Mes conditions de détention sont horribles. Je n’ai pas le droit aux activités, pas de travail alors qu’un atelier a été ouvert au sein du QI, je vois un médecin tous les 36 du mois, mais le plus hallucinant est ma cellule.

    Il y a des grilles partout, même à la porte, comme au quartier disciplinaire. On me donne le repas à travers un passe-plat, je fais tous mes entretiens dans ma cellule, derrière la grille, et mon interlocuteur dans la coursive, même le psy !!! Aucun secret médical !!!
    Les toilettes sont à côté de la porte sans cloison de séparation, l’eau du robinet est marron, j’ai le dos en miettes car les chaises sont interdites au QI, on a juste le droit à un tabouret !! Le repas nous arrive froid, les douches sentent la fausse sceptique !!

    Il y a des grilles partout, même à la porte, comme au quartier disciplinaire.


    Je demande des entretiens avec la direction mais personne à l’horizon, je les vois que quand elle vient m’inventer je ne sais quel délire !!!
    Mes courriers n’arrivent pas à destination et ne me parviennent pas, d’ailleurs je ne serais pas étonné que cette lettre atterrisse dans une poubelle de la prison ! J’ai téléphoné à « l’OIP » mais la voix d’un détenu ne vaut rien et faut croire que la direction de Saint Maur est intouchable, tellement que les autres détenus n’osent pas s’opposer à eux de peur de représailles !!! Sur quinze détenus du QI, nous ne sommes que trois à essayer de faire valoir nos droits. Mais ‘faut bien l’avouer, rien ne bouge… Je vous l’avoue, sans l’Envolée et une personne en particulier qui se reconnaîtra, je ne sais pas si je serait encore là pour écrire cette lettre.
    Je suis de nature combative, mais Saint Maur commence à avoir raison de moi !
    Je place tous mes derniers espoirs dans cette lettre en espérant que ça fera réagir qui de droit…

    Faire cesser la torture psychologique et physique au sein des établissements pénitentiaires français.

    Je finis cette lettre en disant courage à tous les détenus de France. Et aux personnes à l’extérieur, je voudrais leur dire que nous sommes des êtres humains et que nous aussi nous avons des droits… Un animal de compagnie à droit à de l’eau potable, une niche ou cage confortable, alors pourquoi pas moi ? J’espère que quelqu’un entendra mon appel au secours et m’aidera à faire bouger les mentalités. Et à faire cesser la torture psychologique et physique au sein des établissements pénitentiaires français.

    Bien à vous,
    un détenu aux abois. 

    Si vous souhaitez contacter Mickaël, écrivez-nous à contact@lenvolee.net !

  • Encore un « suicide » au mitard de Seysses : « trop de frangins sont morts »

    Encore un « suicide » au mitard de Seysses : « trop de frangins sont morts »

    Jules est mort au mitard de la maison d’arrêt de Seysses dans la nuit du 5 au 6 décembre. Il avait 20 ans. L’administration pénitentiaire prétend qu’il s’est pendu, mais les prisonniers sont formels : Jules ne s’est pas suicidé.
    Ils sont très nombreux à témoigner, et c’est toujours la même équipe qui est mise en cause ; ce sont toujours les prénoms des mêmes surveillants qui ressortent. Le pire, c’est que ça fait des années que ça dure.
    En 2018 déjà, après la mort de Jaouad, des prisonniers avaient demandé dans un communiqué que les membres de cette équipe soient dispersés ou mutés hors du quartier disciplinaire, mais rien n’a été fait. Rien n’a bougé. Jules, Jaouad, Mehdi… la liste des morts suspectes au quartier disciplinaire de cette taule ne cesse de s’allonger sans que soit jamais entendue la parole des prisonniers qui ne cessent de dénoncer cet escadron de la mort, comme ils le nomment. Pas un seul surveillant n’a été inquiété.

    À la mort de Jaouad en 2018, il y a eu des refus de remonter de promenade et une banderole portant les mots « matons assassins » a été déployée dans la cour de promenade peu après la publication du communiqué dans lequel des prisonniers de Seysses criaient leur détresse ; la seule réponse de Belloubet, ministre des tribunaux et des prisons de l’époque, a été de déclarer à la presse qu’elle condamnait « ces allégations » et se réservait le droit de porter plainte contre ceux qui les relayaient. Même pas peur…
    Pas question de passer sous silence le régime de terreur qui fait peser une menace mortelle sur la tête des prisonniers de Seysses. Manifestement visée, L’Envolée avait même encouragé la ministre à porter plainte… Un procès, c’est l’occasion en or de cuisiner à la barre les surveillants incriminés par tous les témoignages !

    En effet, tous les prisonniers qui décident de témoigner parlent invariablement de la même équipe, celle du mitard ou quartier disciplinaire  ce lieu clos, à l’abri de tous les regards, où règne la peur. Ils décrivent souvent les mêmes faits : amenés au quartier disciplinaire, ils y ont subi une prise qui leur a fait perdre connaissance  sans doute une des techniques de pliage mortelles enseignées à l’école de police… et aussi aux surveillants. Certains racontent qu’ils se sont ensuite réveillés nus, couverts de sang et d’hématomes, et qu’il ne leur a pas été permis de voir un médecin malgré leurs nombreuses demandes. Certains sont terrorisés au point de dire qu’ils ont « une chance sur deux » de sortir vivants du mitard ; c’est dur à entendre… et encore plus dur à vivre.

    Marre de cette impunité, marre que la voix des enfermés soit toujours réduite au silence…
    Voici quelques extraits des innombrables témoignages de prisonniers de Seysses sur le mitard et ce qui s’y passe.

    Ma femme connaît la femme de Jules : il l’a appelée trois fois pour dire qu’ils l’avaient mis à nu et qu’ils l’ont defoncé. Au final, elle a essayé de rappeler, et plus de nouvelles. Ils l’ont démonté, mais il s’est pas pendu, parce qu’avant la dinguerie, il était au téléphone avec sa femme. Il faut pas lâcher, il faut que sa famille porte plainte.

    Je suis resté longtemps à Seysses, ils ont failli me tuer. Ils ont tout fait pour me traîner aux isolés, ils m’ont fait une prise de sommeil ; je me suis réveillé au quartier disciplinaire, à poil – obligé de mettre le feu pour sortir.

    J’étais à Seysses en 2009, je suis allé au mitard ; ils m’ont tabassé, ils m’ont mis à poil avec les menottes aux mains et aux pieds, j’avais des bleus partout. Même le médecin – obligatoire –, ils me l’ont pas fait voir. Ils font ce qu’ils veulent. Les surveillants nous mettent à l’amende. Faut pas lâcher la famille de Jules. Il faut qu’ils payent tout ce qu’ils font.

    J’ai été à Seysses, ils ont tué Jaouad.
    J’ai vu plus d’un collègue rentrer au cachot, mais j’en ai pas vu beaucoup ressortir.
    La loi du mitard et celle du bâtiment n’ont rien à voir. On sait tous ce qui se passe au bâtiment disciplinaire : ils maquillent tout en suicide. Faut que la vérité sorte. Maintenant trop de frangins sont morts. C’est pire que l’omertà : tous complices, tous du sang sur les mains. J’ai fait trois ans au MAH 2 [bâtiment 2 de la maison d’arrêt des hommes] : y a pas de règles pour eux.

    Je suis sorti de Seysses le 8 décembre, c’est une prison où tu te lèves le matin et tu sais pas comment tu vas finir ta journée. Les surveillants sont très solidaires entre eux et camouflent beaucoup de choses. J’ai vu des mecs partir au mitard en mode avion et se faire éclater. J’étais auxi d’étage, et tu vois beaucoup plus de choses que les détenus qui taffent pas.

    Ils m’ont fait pareil à Seysses. Ils m’ont écrasé la tête, j’ai perdu connaissance. Fallait pas que je meure ; je pensais à mon fils quand ils m’écrasaient la tête à coup de Rangers sur le sol en béton. Pour tous les morts et tous les disparus, il faut le dénoncer.

    Mon beau-frère aussi a été retrouvé pendu au mitard. On a porté plainte… trop de trucs bizarres. On a même pas pu récupérer les affaires, elles avaient disparu.

    Moi aussi, j’étais à Seysses. À l’époque, ils ont dit qu’un jeune s’était suicidé : il avait les côtes cassées.

    Une année, à Seysses, après un refus de réintégration de cellule, je finis au mitard. Le deuxième soir, on entend un gadjo qui arrive en criant en rebeu de toutes ses forces ; on entend la serrure se refermer, et tandis que les matons s’arrachent, on continue d’entendre crier cet homme – qui devait être sans-papiers, donc personne à qui rendre des comptes –, puis d’un seul coup, on entend l’ouverture de la cellule et un brouhaha, un enchaînement de cris et de coups, puis plus un mot, puis la fermeture de la cellule.
    Je m’en souviendrai toute ma vie.
    Le lendemain matin, on nous fait sortir du mitard – nous étions deux ou trois à ce moment-là, sans compter le blédard – et là, dans le couloir, un sac mortuaire rempli… On nous a fait sortir du mitard en avance, juste au moment où les gengens arrivaient pour constater la mort de ce Monsieur.
    Seysses est la prison de France où il y a le plus de suicides… maquillés !

    Mon cousin aussi, à Seysses, il s’est soi-disant pendu au mitard, alors que les légistes ont relevé des bleus sur tout son corps. Il lui restait plus beaucoup à faire, il avait des enfants à l’extérieur… aucune raison pour lui de se pendre, vraiment. Faudrait se rassembler pour faire quelque chose à chaque décès, ou pousser un coup de gueule. Il faudrait vraiment aller plus loin dans les démarches. Courage aux familles pour tout ce qui se passe par là… Je sais que c’est dur.

    Solidarité avec les prisonniers de la Maison d’Arrêt de Seysses et les proches de Jules !
    On lâchera pas l’affaire.

  • Lettre de L’Infâme

    Lettre de L’Infâme

    « FAUT QUE ÇA S’ARRETE, CE QU’ILS ME FONT »

    L’infâme nous a écrit pour raconter les violences des matons contre lui depuis qu’il a été transféré à Vendin en Septembre. L’AP veut le faire craquer et le pousse à bout. On relaie ici sa lettre, pour que ses bourreaux ne restent pas cachés derrière quatre murs et le silence de la prison. Force à lui ! N’hésitez pas à nous contacter pour lui écrire.

    le 17 Novembre 2020, Vendin-le-Vieil

    Salut,

    Désolé, j’écris mal car j’écris de la main gauche – heureusement que je suis ambidextre, hein ?

    Tout va très très mal : dans les paroles et les dossiers de l’AP, y a que des mythos ! Et ce que je te dis n’est que vérité ! Et j’ai peur qu’ils réussissent à me tuer. Une fois encore, ça recommence. Ils me font du mal. Sérieusement trop. Depuis mardi 10 novembre, je suis au cachot. Ça se passe mal, ici. Samedi, j’ai subi salement deux agressions en une fois. Je t’explique.

    Ils m’ont mis les menottes, puis m’ont dit : « On te met à côté, on va te faire une fouille. » Moi, OK, je les ai suivis ; j’ai obtempéré.

    Sauf que depuis mercredi soir, j’ai le bras droit comme paralysé : j’ai tenté de me suicider tellement ils me poussent à bout, en me mettant la corde au cou. Heureusement, j’ai fait ça n’importe comment, car je suis pas un habitué de la chose ; la corde a pété et je me suis mangé la gueule par terre. Bref …  depuis, j’ai plus de sensations dans le bras droit. J’ai perdu conscience cette nuit-là, donc je crois que c’est lié à ça, la paralysie.

    J’en reviens à ce que je te disais : donc je me fous à poil pour la fouille (j’ai du mal, mais j’y arrive)… Puis le surveillant en face de moi, qui porte un bouclier, me dit : « lève les bras » – bien qu’il sache très bien que je peux pas lever le bras droit. Je lui dis : « OK, mais je suis obligé de le faire en m’aidant de l’autre main ». J’avais le bras gauche en l’air ; j’ai même pas le temps de descendre ma main pour attraper la droite et la lever au-dessus de la tête qu’il me charge très brutalement. Ma tête a heurté le mur derrière moi de manière tellement violente qu’il m’a mis KO. Et là, mon frérot, mon calvaire n’a fait que commencer. KO, à terre, je suis roué de coup de pieds ! Combien de temps ? je sais pas, mais ça m’a paru interminable. ¾ KO, ¼ conscient, je vois les jambes des surveillants me frapper, mon corps faire des sursauts – mais impossible de me protéger. Aucune partie de mon corps de voulait bouger à cause de l’état de KO dans lequel j’étais. Puis celui qui m’a mis le KO est monté sur mon dos, m’a fait un espère d’étranglement, puis il m’a dit : « On va voir c’est qui l’enculé ! »

    Ensuite, ben ça a été la lacrymo. Ils m’ont mis 27 jets de gazeuse(mes oreilles ont entendu 27 pshitt) ! Les endroits visés sont multiples : les yeux, le nez, l’intérieur des narines, sur et dans la bouche, sur et dans les oreilles, sur les testicules et sur le sexe.

    J’ai encore repris des coups, puis ils m’ont dit « rhabille-toi » alors que ça me brûlait de partout ! ils me disaient tout en me bousculant : « Allez, dépêche-toi, on perd patience… On va encore te ‘stimuler’ à coup de gazeuse si tu te dépêches pas. » J’ai lâché mes vêtements, car la bousculade avait empiré la sensation de brûlure de la gazeuse. J’ai cherché mes fringues à tâtons sur le sol, ce qui m’a valu d’être piétiné à nouveau et de reprendre une nouvelle série de petits coups de gazeuse. Malgré les petits coups de gazeuse et les gifles que me mettait toujours le même surveillant – celui qui m’a mis KO avec son bouclier lorsqu’il m’a chargé -, j’ai quand même réussi à m’habiller en mettant juste le bas de jogging, le tee-shirt, et un pull-over – je crois -, mon bourreau a dit : « Ah, il a oublié le caleçon, ça vaut bien encore quelques … » Mais là, un autre agent lui a pas laissé finir sa phrase, il a dit : « C’est bon, on lui en a foutu plein la gueule… mais là, c’est trop ! » Mon bourreau a dit à l’autre surveillant : « T’étais d’accord aussi pour qu’on l’sèche ! T’étais OK comme les autres… » « – Oui, sauf que là, ça suffit, il a son compte. C’est bon, on arrête les frais ! » Quel con j’ai été de croire qu’ils étaient en train de s’embrouiller ! J’ai pas capté que celui qui faisait style qu’il voulait arrêter, en fait, pendant qu’il parlait, il se mettait en « position » ! Il s’est placé stratégiquement pour me gazer de loin mais avec précision, sans toucher ses collègues. Tout en me faisant face pour viser ! Ça les a bien fait rire ! Il a encore envoyé quatre jets rapides à ce moment-là, un dans les yeux, un dans le nez, un autre dans la bouche quand j’ai crié de douleur, et un à l’intérieur des oreilles ! Moi, j’ai hurlé ! Puis celui que je croyais temporisateur, il a dit en rigolant : « Putain, ça part vite, cette connerie-là ! Mais ça a pas l’air d’être efficace… »puis il m’en a refoutu à l’intérieur du conduit auditif. Depuis ce jour, j’entends un bruit en continu dans mon oreille gauche ! J’entends comme un sifflement 24h/24 depuis qu’il m’a gazé. Ça les a tous fait marrer. La première surveillante a éclaté de rire en disant : « Bon alors, enculé, tu fais encore le malin maintenant ? C’est qui qui commande ici, hein ? » Vu que je répondais pas, elle m’a dit : « J’entends rien ! Je t’ai posé une question, tu vas répondre, sinon on va te retomber dessus… »

    Qu’est ce que tu veux que je fasse ? Je suis menotté dans le dos, j’ai mangé un KO, j’ai des hématomes à la tête et un peu partout sur le corps, mon corps me brûle à cause de la lacrymo, j’y vois presque rien… J’ai été obligé de faire la victime pour qu’ils arrêtent. Je leur ai dit « OK, c’est bon, c’est bon, j’fais pas l’malin, c’est vous les patrons, c’est vous les tauliers ! J’ferme ma gueule, y a rien à dire ! C’est vous les plus forts. »

    Et tu sais frérot, ça, ça m’a fait mal aussi, de leur dire ; mais je pense que si j’avais pas dit ça, ils auraient continué, et la gazeuse m’aurait tué, je pense, en m’étouffant. T’aurais dû voir ça : ils étaient comme possédés. Rien ne les aurait fait arrêter. Vu le déroulement des choses, ils avaient prévu cette punition ! c’est pas, comme ils le prétendent, une fouille à laquelle je n’ai pas voulu me soumettre, mais bel et bien une punition, doublée de sévices graves ! J’me sens si faible face à eux. J’en suis convaincu : ils ont planifié et organisé la punition violente qu’ils m’ont fait subir ce samedi.

    Et dis-toi qu’il a fallu que je foute le bordel en service de nuit pour qu’un gradé aille faire en sorte que je voie quelqu’un… Même si j’ai vu une infirmière que le lendemain matin (les faits se sont passés samedi matin) et qu’apparemment y a pas de médecin jusqu’à mercredi. D’ici là, il n’y aura plus d’hématomes ni de bleus ! Toute trace de cette agression aura disparu ! « On y peut rien, y a pas de médecin avant mercredi, la seule chose qu’on peut faire, c’est vous donner du Doliprane ! » « Mais c’est pas de Doliprane dont j’ai besoin. Ce dont j’ai besoin, c’est de relater ce que j’ai dit à un médecin, d’être examiné et soigné au plus vite, et d’obtenir un certificat médical pour déposer plainte contre ces individus. Mercredi, tout aura disparu. Voilà ce dont j’ai besoin, et tout de suite, pas mercredi ! » Voilà ce que j’ai dit.

    « Nous, on peut rien pour vous, on peut juste dire au médecin de passer vous voir mercredi, et vous donner du Doliprane maintenant ! On est désolés, M. Bouazza, c’est tout ce qu’on peut faire. »

    La façon qu’ils m’ont démonté, les sévices qu’ils m’ont fait, et tout ce qu’ils font autour de ça pour faire croire que tout est légitime et que tout a été fait dans les règles ! Je suis au cachot depuis mardi et c’est seulement aujourd’hui dimanche qu’on me donne de quoi écrire !Mais on veut pas me donner de quoi me laver. On me donne pas à manger comme aux autres… soit-disant sur ordre de la direction. C’est hallucinant, les trucs qu’ils inventent pour justifier les actes odieux et injustes. En gros, les surveillants et une première surveillante – qui fait partie de ces gradés qui mentent et inventent souvent des choses pour me porter atteinte de façon récurrente ces temps-ci – se sont mis d’accord pour mentir ; pour dire que je les ai menacés de leur jeter des excréments et de l’urine avec les barquettes dans lesquelles on nous donne à manger. Donc l’ordre de la direction, c’est mettez un rapport d’incident pour ces menaces inventées à Bouazza, et nous, en tant que membres de la direction, on vous autorise à ne plus lui donner un repas normal en barquette. Donnez-lui seulement 4 petites portions individuelles de fromage avec un fruit le midi, et pareil le soir !

    Et comme on m’a dit, le « repas de punition »,comme ils l’appellent ici, a été validé par le médical, Donc entre ces médecins, la diététicienne, et la direction ; et ça a été validé par note ministérielle. Je n’en crois pas un mot, mon frérot. C’est juste les affabulations et les mensonges de la première surveillante. Rien de plus. Car que ce soit au QI comme au cachot. Comment penser et croire que ceux qu’ont leur repas chaud, qui plus est et nourrissant, à base de légumes, de féculents, d’entrées, de viandes, de desserts, etc. …comment un tel repas complet, même s’il est souvent dégueulasse car mal cuit ou cuit à l’eau, sans sel ou sauce parfois, etc. … Comment un repas complet trouverait-il son équivalent nutritionnel dans quatre portions de fromage midi et soir ? Donc pour moi, plus de repas chauds nourrissants etc. Juste quatre portions individuelles genre « Vache qui rit », emmental, etc. et une baguette de pain. Est-ce légal ? Est-ce humain ? Apparemment oui, selon la gradée – et par ordre de la direction.

    Est-ce légal ? Est-ce humain ?

    Ils veulent même pas que j’aille au téléphone. Pourtant j’ai le droit d’y aller, mais ils inventent des trucs, ils disent que j’insulte, menace etc. …ce qui leur donne le droit, selon eux, de ne pas m’amener au téléphone. Comme ça, je ne mets pas mes soit-disant menaces à exécution. Pourtant, tu sais, frérot, qu’ils font souvent allusion à mes conversations téléphoniques ou à mes courriers. Ils savent que je peux, ou plutôt qu’au QD, je vais appeler que le week-end. Dejà qu’y a pas de médecin jusqu’à mercredi, ils me font pas aller au téléphone de tout le week-end pour éviter que je fasse venir un secours du dehors, sachant que ma tante taffe la semaine.

    Sinon, ben, si vous avez toujours des avocats qui vous aident à L’Envolée, voyez si vous pouvez m’en envoyer un ici, à Vendin. Car faut que ça s’arrête, ce qu’ils me font ! Entre les coups, les mensonges, les abus de pouvoir, le fait qu’ils créent des incidents de toutes pièces pour me salir et me mettre au QD, et ensuite faire d’autres abus de pouvoir… Tout ça pour dire : « Nous, agents de l’AP, on n’a rien fait, voyez tous les rapports d’incident (mensongers)… Tout démontre que c’est le détenu et lui seul qui est fautif dans tout ça, que c’est le seul a avoir créé tout ça. Nous, on n’a rien fait, on est clean. » Bah oui ! j’en peux plus.

    Ils m’ont poussé au suicide une fois déjà. Je recommencerai pas car c’est atroce. Mais ça veut pas dire qu’eux n’essaieront pas de me tuer. Et vu que j’ai essayé – poussé par eux -, si eux me tuent, ils diront : « Il avait déjà essayé, sauf que là, il s’est pas loupé ; la première fois, il s’était loupé. »

    Bref.

     A bientôt, les amis

    Bisous à tous

  • Lettre d’Abderrazak Djefour, prisonnier à Bapaume

    Lettre d’Abderrazak Djefour, prisonnier à Bapaume

    JE DEMANDE UN TRANSFERT EN URGENCE CAR J’ESTIME QUE MA VIE EST EN DANGER ICI.

    Bonjour,

    je vous écrit car j’ai des problèmes dans cette prison. Cela fait 8 mois que je suis ici à Bapaume, que je demande du travail, des formations pour me réinsérer… J’ai toujours des réponses négatives et pour aucune raison. Alors que moi j’ai l’envie de travailler ou de faire quelque chose bien en prison.

    Ils me changent de cellule à chaque fois pour rien, ils me font plusieurs fois la fouille alors que je n’ai rien à me reprocher et ils ne trouvent rien. Les surveillants continuent de persister, et à force, je prend cela pour de l’acharnement ! Le dernier incident en date, j’étais en promenade, je faisais mon sport tranquillement dans mon coin, j’embête personne, lorsque je remonte en cellule, je retrouve une serviette que j’avais mise à la fenêtre pour protéger du froid, je la retrouve donc, mais toute déchirée. Je suis alors parti demander aux surveillants « mais qui a fait ça ? »Il m’a répondu que c’est le capitaine « Azzaoui » qui se serait défoulé. Je suis donc retourné en cellule, ils m’ont enfermé… toujours sans raison !! « à cause d’une serviette ».

    C’est ensuite qu’ils sont arrivés en force à dix (alors que aucune raison ne leur donnait droit à user de la force), ils m’ont menotté et étranglé pour rien car j’étais innofensif ! Suite à ça, et donc toujours sans raison, ils décident de me ramener à la C (bâtiment fermé). Suite à ces incidents, l’énervement qui montait de toutes parts, je me suis lamé tout le corps de la tête aux pieds. Je l’ai fait car je ne savais pas quoi faire face à toutes leurs violences, provocations et leurs abus de pouvoirs. Le capitaine Azzaoui est revenu avec ses collègues, ma cellule était pleine de sang, je demandais alors le médical. Mais il a donné l’ordre de me plier, de me menotter et de m’étrangler sans pouvoir voir un médecin. Ensuite, je suis arrivé au QD, ils m’ont mis à genoux et m’ont laissé nu, toujours sans médecin (alors que j’en faisais l’appel). Ils sont violents. Je ne sais plus quoi faire ! Le 1er incident, c’était à la A, avec le chef. J’étais malade, l’autre capitaine m’a fermé la porte sans raison… Je me suis lamé parce qu’ils me poussent à bout, me provoquent, et de ça, leur sanction a été de 20 jours au QD…. J’ai passé trois ans et demie à Sequedin, j’ai jamais eu de problème, ni avec les surveillants ni avec les détenus. Dans cette prison, ils provoquent, ils me poussent à bout et je m’autodétruit à cause d’eux.

    Une fois, j’ai eu parloir avec ma sœur, qui habite à Paris, à 250 km d’ici. Ma sœur attendait en salle d’attente, à l’heure des rentrées de parloirs, ma sœur avance donc voulant entrer, et là, ils lui refusent son accès au parloir, et ils disent qu’elle était en retard alors qu’elle était en salle d’attente avec les autres familles ! Et ils ont pas vu… Ensuite ma sœur est partie les voir en demandant qu’elle était la raison, ils lui ont dit « retard », ma sœur leur a alors dit de regarder les caméras car il y a erreur, elle était bien là, et de là, ils ont décidé de nous suspendre le parloir trois mois !! Sans vérifier les caméras, sans investigations, sans motif… !

    Moi, je ne parle pas bien le français , ils me provoquent, me poussent à boût… Je n’ai jamais demandé à venir ici à Bapaume, mais j’avais demandé Laons ou Longuenesse. C’est le lieutenant de Sequedin qui a mis le 3ème choix Bapaume de lui-même.

    S’il vous plait, je demande un transfert en urgence car j’estime que ma vie est en danger ici.

    Dans l’attente d’une réponse de votre part,

    Abderrazak

    Lettre lue à l’antenne le 16 octobre 2020

  • « Tu chantes pas, tu manges pas » : une Prisonnière au CRA de Mesnil-Amelot raconte les humiliations sexistes et racistes par les keufs (extrait de l’émission du 9 Octobre)

    « Tu chantes pas, tu manges pas » : une Prisonnière au CRA de Mesnil-Amelot raconte les humiliations sexistes et racistes par les keufs (extrait de l’émission du 9 Octobre)

    Au centre de rétention administrative (CRA, prison pour sans papier) de Mesnil Amelot, alors qu’une prisonnière est tombée malade suite à une infection (dû au rationnement de serviettes hygiéniques), les prisonnières ont dû lutter pour faire intervenir les pompiers. Elles dénoncent les multiples insultes et harcèlements – traitées notamment de « putes » par les flics- et aussi l’humiliation lorsqu’ils les forcent à chanter « joyeux anniversaire » au chef du centre sous peine de ne pas manger. Elles dénoncent aussi la nourriture périmée qui leur est donnée, qui s’ajoute au froid dans lequel elles vivent. Voici une retranscription de l’émission de l’Envolée du 9 octobre dans lequel une prisonnière raconte tout ça (d’abord publié sur abaslescra.noblogs.org https://abaslescra.noblogs.org/tu-chantes-pas-tu-manges-pas-temoignage-des-prisonnieres-du-cra-du-mesnil-amelot/).

    « – Bonjour madame

    Bonjour, déjà merci de ton appel, est ce que tu vas bien ?

    – Oui ça va un peu malgré le stress et tout .

    Tu voulais nous parler de choses précises aujourd’hui ?

    – Ouais ouais ce que je vis depuis 2 jours là, ça a commencé avant hier et ça m’a un peu bouleversée, ça m’a rendue triste et donc c’est pourquoi je voulais le partager avec certaines personnes aussi.

    N’hésite pas vas y on t’écoute.

    – En fait ici sur le CRA des filles, parce que nous sommes aussi avec des filles qui parlent pas français – il y a les albanaises et tout- nous vivons avec elles. Alors il y a de cela 2 jours, il y a une albanaise qui est venue me voir, comme elle parle pas français, elle, elle parle anglais… bah bien que je parle pas trop français je me débrouille quand même. Elle est venue me dire qu’elle avait ses règles et elle voulait avoir des bandes hygiéniques. Elle me dit si je peux l’accompagner à la police pour aller demander des bandes hygiéniques. Là je l’ai accompagnée, arrivées là bas on a trouvé une dame, je lui ai dit voilà, la demoiselle elle a ses règles elle voulait avoir les bandes hygiéniques et la police lui a remis juste 2 bandes. Elle a négocié elle a dit avec 2 bandes qu’est-ce que je vais faire avec ? Et la police l’a grondé. La fille elle a eu peur, on est rentrées. Après dans la journée elle a utilisé les 2 serviettes, ça n’a pas suffi. Donc elle est venue me voir elle a demandé si j’en avais aussi. Moi non plus j’en avais pas. Du coup elle a pris son habit, elle a pris sa blouse, elle l’a déchiré, elle a utilisé ça comme serviette. Sans se rendre compte qu’il y avait des problèmes avec ça. Et comme la femme, elle est trop fragile elle a attrapé des infections. Elle a commencé à avoir trop mal au niveau du bas ventre et au niveau de la hanche. Elle pleurait tellement fort, elle est venue me dire « je me sens pas bien, j’ai trop trop trop mal », du coup elle est tombée par terre elle a commencé à crier très fort et comme dans notre bâtiment, il y a un bouton là quand vous appuyez directement ça sonne chez la police. Moi j’ai sonné et on a essayé d’appeler la police. La police nous a répondu « nous ne sommes pas là pour vos conneries, donc démerdez vous là bas ». C’est la réponse qu’ils nous ont donnés. Et du coup la fille elle a commencé à pleurer. Au départ on croyait que non ça va passer, c’est juste une douleur, comme on avait pas aussi les antidouleurs rien du tout. Elle pleurait, elle pleurait et plus le temps avançait, la fille elle devenait pale et elle avait une forte fièvre je voyais aussi ses yeux commencer déjà à changer et tout le monde était paniqué. On savait plus quoi faire. Elle pleurait tellement, elle était par terre, elle a commencé à faire… comment appeler ça…

    Des convulsions ?

    – Oui. Et elle pleurait tellement fort j’ai eu peur. Après il y a une des amies ici, on l’avait rapatriée il y a pas longtemps, elle m’a appelé, j’étais tellement paniquée, je lui ai expliqué la situation, elle m’a dit « attends d’abord je t’envoie le numéro des pompiers ». C’est elle qui nous a envoyé le numéro des pompiers. On a essayé de contacter les pompiers, mais on leur a dit, dès que vous êtes là, il faut pas dire aux flics que c’est nous qui vous avons fait un signe parce que ça risque de nous créer des problèmes. Effectivement les pompiers sont arrivés, à la porte d’abord, il y a eu un peu de discussion, apparemment la police ne voulait pas que les pompiers rentrent à l’intérieur pour prendre la retenue. Et à la fin les pompiers ils ont réussi à les convaincre parce que les pompiers ils sont entrés à l’intérieur ils ont pris la fille ils ont vérifié l’état de sa tension, elle était déjà en baisse, ils ont remarqué aussi qu’elle avait une forte fièvre, la fille était vraiment KO. Ils ont pris la fille et ils sont partis avec. Et puis la police est venue. Déjà les portes de ma chambre sont déjà cassées donc ça fait déjà 3 jours que je dors… on dirai que… je suis congelée en fait. Premièrement on mange pas bien et aussi tu dors dans le froid, j’imagine la suite de ma santé avec la crise sanitaire, comment je vais m’en sortir ? Donc j’ai l’impression que je vais aussi tomber malade. Et du coup les flics ils sont venus nous voir « Ouais les filles c’est vous qui avez appelé les pompiers? On va voir. » Directement ils se sont approchés de moi, ils ont commencé à m’agresser en me disant « toi tu parles français mieux que les autres c’est à dire c’est toi qui est allé appeler les pompiers » j’ai dit « mais comment ? C’est pas moi qui ai appelé les pompiers c’est la fille elle-même, c’est elle-même qui avait mal et savait ce qu’elle sentait dans son corps. Moi je suis pas dans son corps pour sentir ce qu’elle elle sent, c’est elle qui a appelé les pompiers. » Et directement une policière s’est approchée de moi, elle a voulu me gifler, j’ai esquivé, je suis rentrée dans ma chambre.

    « ok vous serez poursuivie : 3 ans de prison si vous faites pas le test. »

    Vers 4h, ils sont venus dans ma chambre comme la porte est déjà cassée, comme toutes les portes sont déjà cassées, donc il y a même pas moyen qu’elle frappe à la porte, elle rentre, elle m’a réveillé à 4h et j’ai sursauté sur le lit il y avait déjà l’un des… [problème de téléphone] je ne comprenais rien de ce qu’il voulaient me faire en fait… Le policier il était dehors et la dame elle est rentée, elle m’a réveillé elle dit « demain tu dois te présenter au greffe » j’ai dit «  bah pour quelle raison ? » « Tu n’as aucun droit de me poser des questions, demain tu te présentes au greffe. » Je lui demande « mais pourquoi ? » elle me dit « Tu dois faire le test parce qu’il y a un vol prévu pour toi » je lui ai dit « non je vais pas faire le test » « si tu oses refuser tu vas voir, de toute façon tu verras ce qu’on va te faire. » Le matin effectivement vers 10h comme ça, les gens de l’hôpital m’appellent : « mademoiselle il faut passer à l’infirmerie. » Je suis pas partie, j’ai essayé d’appeler les garçons, les amis qui sont dans l’autre CRA, ils me disent « non il faut pas y aller ». Je suis pas allé non plus. Après quelques minutes comme ça je vois qu’ils ont envoyé 4 policiers qui sont venus. Ils me disent « madame vous êtes appelée à l’infirmerie. » Comme j’ai refusé de partir du coup je vois l’un d’eux dit : « ok vous serez poursuivie : 3 ans de prison si vous faites pas le test. » J’ai pas répondu à ça et dans la nuit encore ils sont venus là ou j’étais et ils ont commencé à me traumatiser. Il y en a un là qui m’a bousculé. Elle me dit « comme tu veux pas y aller, que ca fait 2 fois que tu as refusé le vol, tu seras escortée parce que tu dois faire le test. » J’ai dit « non c’est ma santé si je ne veux pas faire le test, je ne vais pas, je ne vais pas, de toute façon je suis pas en train de présenter les symptômes du Covid ». Ils ont commencé à parler n’importe quoi, comme ils voulaient parler et c’était fini.

    Aujourd’hui quand on est allé manger, vers 18h (aujourd’hui on a fini à 19h), nous sommes rentrées à l’intérieur du réfectoire comme on fait souvent, des lignes : vous montrez les cartes et puis vous vous asseyez. Du coup on voit la policière elle se lève et elle nous dit « Avant de manger vous devez d’abord chanter. » Chanter ? Chanter quoi encore ? Elle nous dit comme quoi ouais aujourd’hui c’est l’anniversaire de leur chef et nous sommes obligées de chanter. J’ai dit « est-ce que chanter pour votre chef c’est obligatoire? »

    Elle me dit « si tu chantes pas tu manges pas ».

    C’est à dire on a commencé à prendre une personne par personne. C’est à dire vous rentrez à l’intérieur vous chantez 3 fois joyeux anniversaire, 3 fois, et puis vous partez manger. Si vous refusez on ne vous donne pas à manger. Il y a le même fille là qui était malade, celle qui avait été emmenée à l’hôpital elle ne se sentais pas bien, elle n’a pas la force de chanter et la policière lui a exiger de chanter, la fille elle dit : « j’ai très mal, je ne peux pas chanter ». Directement on a refusé de la nourrir. Jusqu’à présent la fille est est dans la maison [la chambre] et comme on a l’habitude de prendre le pain pour rentrer avec dans la chambre, ils ont remarqué que quand on prenait le pain on va donner à la fille. Ils ont refusé de nous donner même le pain … [problème de téléphone] quand la nuit elle est trop longue. Parfois la nourriture qu’on nous donne on arrive pas à manger, c’est pas du tout bon alors quand on te donne le pain ca va t’aider durant la nuit tu peux avoir faim. Ça peut t’aider, tu peux manger, tu bois de l’eau, tu dors et la nuit passe. Mais comme notre amie elle est malade, le pain là on allait amener avec nous, comme ça on peut partager avec l’autre. Mais eux ils disent non il faut pas prendre de pain parce que ils savent que au cas ou on prenait le pain on va le donner à la fille. Ça fait depuis le matin que la fille n’a pas mangé vous exigez aux gens de chanter pour votre anniversaire, vous vous êtes bien alors que nous nous sommes stressées la nuit on dots pas on ne sait pas comment on va s’en sortir. Oui on a fait des erreurs chaque personnes fait des erreurs dans la vie et toute personne à le droit à un deuxième chance…

    […]

    Je suis avec deux autres ici.

    Et ça va ? Elles ont le moral ?

    Bah on essaie un peu d’être fortes, on essaie. On a pas le choix, seulement la fille elle m’inquiète beaucoup parce que on a donné des médicaments qu’elle doit prendre ce soir mais elle n’a rien mangé, comment elle va s’en sortir ? Elle n’a rien mangé elle est devenue pale. Déjà ici je n’ai pas de pull, déjà je porte que seuls deux habits que je suis venue avec depuis que je suis venue en France. Je suis venue avec que deux habits parce que je fuyais chez moi avec la guerre qui était là bas je fuyais, je n’avais que deux habits et toutes les portes sont cassées ce qui fait qu’il fait très très très froid. Ça fait deux mois et quinze jours que j’utilise les même draps non lavés et c’est déjà troué. Donc j’arrive même pas à me couvrir comment je vais continuer à vivre comme Ça ?

    Elles nous ont racontées ce matin que la femme malade a été libérée hier soir, suite à l’intervention des pompiers. C’est grâce à leur lutte collective que cela a pu arriver !

    Lien vers l’émission du vendredi 9 Octobre en entier:

    Vous pouvez appeler et soutenir les personnes enfermées dans les taules pour sans papier.

    Rassemblement vendredi 16 Octobre 2020 à 16h30 au RER A Joinville le Pont pour manifester devant le centre de rétention de Vincennes en solidarité avec les personnes enfermées en CRA.

  • Lettre de Kemi

    Lettre de Kemi

    ILS VEULENT ME GARDER AU QUARTIER D’ISOLEMENT POUR TROIS MOIS

    Salut L’Envolée,
    j’ai été transféré à la centrale de Saint Maur, à Réau j’étais bloqué au quartier disciplinaire pour mon transfert. J’ai pas demandé Saint Maur, ça ne m’arrange pas… En plus, ici, ils veulent me garder au quartier d’isolement pour trois mois, soit-disant pour m’observer. Je ne peux pas bosser, rien ! C’est abusé… Je prends sur moi, mais c’est dur.
    Saint Maur, c’est éclaté comme centrale, laisse tomber comment c’est la mort… Tout le monde veut partir d’ici. Bref, si je pouvais au moins bosser ça passerait mieux, mais pour l’instant je prend sur moi.

    Lettre lue à l’antenne le 25 Septembre 2020