En Italie, il y a eu 14 morts en prison pendant les révoltes ; le dernier est mort dimanche à Udine d’overdose de médocs – ils sont en train de les shooter pour qu’ils restent calmes. Beaucoup de gens considérés meneurs ont été transférés. Il y a 10 cas parmi les détenus d’après la pénitentiaire : au moins 4 chez les médecins et infirmiers qui travaillent en taule et les matons. La proposition de loi faite par le gouvernement prévoit l’assignation à résidence pour les détenu.e.s condamnés à moins de dix-huit mois jusqu’au 30 juin 2020 – mais avec plein de restrictions, notamment pour celleux qui ont pris part aux révoltes ou ont des rapports de discipline ; pour les peines définitives de moins de six mois, bracelet électronique – sauf qu’il y en a pas assez, a priori genre 2 100 ou par là. Ça va faire en gros 3000 libérations, alors qu’il y a un surpeuplement de 15 000 détenus ; de plus, c’est en gros un règlement qui existait déjà. Du coup, pas de vraie solution ni pour le surpeuplement, ni pour les conditions merdiques d’enfermement. À l’intérieur ça reste très tendu ; ça a bougé à Brescia et Turin (nord) où il y a eu des battiture [ça consiste à faire du bruit en tapant sur les barreaux] et des tensions. La situation est tellement tendue que même les présidents des tribunaux de surveillance ont écrit une lettre au ministre de la Justice et au chef de la pénitentiaire pour demander qu’ils sortent un décret-loi pour vider un peu les taules.
« SEULS LES MURS NOUS ENTENDENT »
Lettre d’un prisonnier italien
Prison Madonna del
Freddo, Chieti
Bonjour
mon amour,
il est 5 heures de matin et je voudrais être dans le lit avec toi, alors qu’en fait je suis otage d’un État barbare et criminel. Le vrai criminel, c’est l’Etat qui, malgré le danger de nous faire tomber malade et mourir, préfère nous entasser dans ce trou que nous renvoyer chez nous pour être avec nos proches. Peut-être pour une idée d’État tout-puissant qui punit, peut-être pour obtenir le consensus populaire, peut-être pour obtenir des votes, il se comporte en vrai criminel, nous gardant en otage contre toutes les lois ; il nous nie tous nos droits. On court le risque de ne plus voir nos proches, ou pire encore, de ne pas sortir vivants de cet enfer. Je te demande de publier cette lettre, parce que depuis des semaines, on essaie de se faire entendre : grève de la faim, on tape contre les barreaux tous les jours avec des mains couvertes de sang, mais à ce qu’il paraît, seuls les murs nous entendent. On demande de rentrer chez nous au moins jusqu’à la fin de l’état d’urgence ; on veut pas la liberté, on veut juste purger notre peine avec dignité. Je suis citoyen italien et je ne demande pas la lune, mais seulement d’être traité comme tel, pas comme de la chair à canon qui attend sa mort impuissant.
J’espère pouvoir t’embrasser bientôt, je t’aime ; tu es ma vie !
« NI LE
PRISONNIER, NI SA FAMILLE N’ONT ETE PREVENUS »
Lettre d’un parent de prisonnier testé positif au
Coronavirus à la prison de Voghera, Italie
La
lettre dont nous publions ici la traduction a été reçue à l’adresse emergenzacarcere@gmail.com, ouverte par un pool d’associations italiennes « pour recueillir des infos
sur la situation actuelle en matière de santé et d’hygiène dans les prisons, et
en particulier sur la réalité des mesures préventives adoptées face à la propagation
de l’épidémie de COVID-19 ». Les prisonniers italiens « peuvent y
signaler les sévices et traitements inhumains et dégradants qui leur sont
infligés, notamment à la suite des récentes émeutes en prison, et recevoir une assistance
juridique adaptée. »
Je voudrais commencer par remercier d’avance l’hôpital San Paolo, de
Milan, et je tiens à préciser que nous ne les tenons responsables d’aucune
injustice ; au contraire, je leur tire mon chapeau pour le travail qu’ils
sont en train de faire, ce sont eux les seuls qui nous donnent quelques
nouvelles de notre père.
Je vous écris à propos de la propagation du Coronavirus à la
maison du district de Voghera. Mon père a été testé positif et nous n’en avons
été informés d’aucune manière (Même le juge d’instruction et le juge des
enquêtes préliminaires de Catanzaro – qui sont pourtant responsables de sa
mise en détention provisoire n’étaient pas au courant), et de son hospitalisation
non plus ; ni le prisonnier, ni les membres de sa famille n’ont été
prévenus pour pouvoir se protéger du danger de ce virus.
Ils ont fait circuler de fausses nouvelles, racontant que
les familles étaient prévenues et qu’ils avaient la situation bien en main,
alors on était rassurés ; mais en fait, on ne nous a mis au courant de
rien. Ce n’est qu’à force d’insister la peur au ventre qu’on a fini par nous
signifier : « Oui, ton père est
hospitalisé à l’hôpital San Paolo, de Milan. » A ce jour, nous n’avons
toujours pas pu nous entretenir avec le médecin qui l’a ausculté, nous ne
savons pas quels symptômes il présente et nous n’avons pas pu parler à notre
parent au téléphone ; bien sûr, nous comprenons dans quelle situation
d’urgence se trouve l’établissement face à ce virus.
Ça faisait
plusieurs jours que mon père ne se sentait pas bien, il avait une forte fièvre
et des difficultés respiratoires, le médecin de l’établissement n’a pas voulu
aller le voir. Au bout de quelques jours à stabiliser son état avec des
Doliprane, il a été testé positif au Covid-19 et hospitalisé ; le gardien a
alors fait un rapport contre le médecin de l’établissement pour négligence.
Ils ont
répandu la nouvelle que le virus avait été contracté au cours d’un parloir avec
la famille le 27 février, alors que nous ne l’avons pas vu depuis le 15 de ce
mois ; lors d’une visioconférence le 13 mars, il nous a encore fait
part de ces symptômes, et il nous a dit qu’il avait envoyé une lettre de
réclamation à son avocat dans laquelle tout ce qui s’est passé est décrit en
détail parce que les droits de l’homme ne sont plus respectés ; cette
lettre envoyée il y a douze jours environ n’est toujours pas arrivée.
A ce jour,
mon père est toujours confiné en observation à l’hôpital ; nous
voulons que tout le monde sache ce qui s’est passé parce qu’il est juste que
d’autres personnes détenues avec mon père protègent leur vie et que les
procédures imposées par le gouvernement à juste titre pour protéger notre vie soient
également respectées pour eux.
Parce que toute la
famille va bien, nous n’avons eu aucun cas de contagion, heureusement ;
mais si jamais c’était un autre prisonnier ou d’autres personnes qui fréquentent la prison, il faudrait qu’ils
soient examinés et que le premier porteur soit identifié pour pouvoir
reconstituer ses fréquentations et ses mouvements afin de protéger la vie des
autres.
P. S. :
l’instruction du procès de mon père n’est même pas commencée.