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  • Face au Covid-19 en prison : amnistie générale !

    Face au Covid-19 en prison : amnistie générale !

    (Ce texte de la rédaction est publié dans le numéro d’avril du mensuel CQFD)

    « Avec le confinement, vous touchez du doigt – en plus roudoudou – ce que nous vivons au quotidien, nous les prisonniers : impossibilité d’aller et venir, privation de voir ses proches et soumission à l’arbitraire pour tout », écrit un prisonnier à L’Envolée, à l’heure où le pays est confiné et les prisonniers et prisonnières plus coupés du monde que jamais. Ajoutée à l’absence de soins, la surpopulation carcérale – ou plutôt, le surenfermement de la population – fait des prisons des lieux hautement pathogènes. Tous les ans, des épidémies s’abattent sur les personnes incarcérées : tuberculose, gale… Le Covid-19, qui ne fera pas exception, révèle la criante indignité de la prison.

    Suspendre les parloirs ne protégera pas les prisonniers

    Face à cette épidémie, Nicole Belloubet, la ministre des tribunaux et des prisons, opte pour une mesure très brutale : la suppression des parloirs et de toute activité. Faute de pouvoir isoler les prisonniers en attribuant une cellule à chacun (70 651 prisonniers et prisonnières au 1er janvier pour 61 080 places dans des cellules le plus souvent collectives) ; faute de distribuer à toutes et tous des masques de protection, des tests et des solutions hydroalcooliques ; faute de confiner les matons qui continuent de rejoindre leurs familles chaque soir… l’État considère d’office que les prisonniers, les prisonnières et leurs proches ne seraient pas capables d’appliquer les fameux « gestes barrières ».

    Plus de shit, des possibilités de cantines (achats de produits de la vie courante) restreintes, plus d’activités, plus de parloirs, 22 heures sur 24 en cellule et déjà des promenades réduites dans certaines prisons. Celles et ceux qui sont enfermés sont à la fois en colère et inquiets : le peu de mouvements et de contacts qui rendent la détention supportable disparaissent du jour au lendemain sans qu’ils et elles se sentent protégés pour autant. Ces mesures sont ressenties comme absurdes et méprisantes parce que le prétendu « confinement » est totalement inapplicable à l’intérieur des prisons. Et ce n’est pas la générosité de la ministre (télévision gratuite, un maigre crédit téléphonique et une aumône de 40 € pour les indigents) qui va étouffer les craintes – et le feu.

    Des révoltes contre ces mesures

    Ces mesures n’empêcheront pas l’épidémie de se répandre. Elles ne servent qu’à donner des gages aux personnels de l’Administration pénitentiaire (AP), et notamment aux matons, en diminuant les mouvements à l’intérieur et le nombre de fouilles à effectuer ; et donc les contacts. Ils ont aussi peur du coronavirus que des mutineries : ils savent très bien que les prisons vont se transformer à la fois en cluster (foyer d’infection) et en cocotte-minute prête à exploser. Leur syndicat majoritaire (Force ouvrière) a déjà menacé d’user du droit de retrait, agitant l’exemple de l’Italie où, depuis le 8 mars, des émeutes ont éclaté dans des dizaines de prisons, causant la mort d’au moins 14 prisonniers et plusieurs évasions collectives. Sur les toits, les prisonniers crient « Libertà ! » et exigent l’indulto – l’amnistie.

    Quinze jours après, la révolte gronde dans toutes les prisons françaises avec chaque jour des dizaines de mouvements collectifs : refus de remonter de promenade, montées sur les toits, mutineries ; et déjà des matons qui tirent, comme à la maison d’arrêt de Grasse (Alpes-Maritimes) et au centre de détention d’Uzerche (Corrèze).

    Il faut vider les prisons

    C’est dans cette ambiance que la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), Adeline Hazan, se fonde sur la protection que l’État doit aux gens qui sont sous sa garde pour demander, le 17 mars, de « réduire la population pénale à un niveau qui ne soit pas supérieur à la capacité d’accueil des établissements », de « favoriser les sorties de prison et limiter les entrées » et « de procéder sans délai à la fermeture temporaire des centres et locaux de rétention administrative ». Du jamais vu.

    Le lendemain, un texte signé par des organisations qui vont de l’Observatoire international des prisons à l’Association nationale des juges de l’application des peines en passant par le Syndicat des avocats de France demande de « réduire drastiquement le nombre de personnes détenues ». Il énumère différentes manières de limiter les entrées : préférence aux peines alternatives, placement sous contrôle judiciaire plutôt qu’en détention provisoire, report de la mise à exécution des peines de prisons et limitation des comparutions immédiates, « particulièrement pourvoyeuses d’incarcérations ». Il demande également de faire sortir un maximum de personnes (en libérant les prévenus sous contrôle judiciaire, en multipliant les aménagements de peine, en anticipant les libérations en fin de peine et en suspendant des peines pour raison médicale). Les signataires suggèrent aussi d’augmenter les réductions de peine, voire de voter une loi d’amnistie. De mémoire de L’Envolée, on n’avait jamais vu ça non plus.

    Mais le plus fort reste à venir. Le 20 mars, la CGT pénitentiaire demande « un recours massif à la grâce individuelle pour le maximum de personnes incarcérées, en fonction du reliquat de peine restant et de la nature des infractions concernées ». Même s’ils ne peuvent pas tout à fait s’empêcher de jouer aux petits juges, ces surveillants envisagent la libération de presque 20 000 prisonniers condamnés à des peines de moins d’un an !

    Tout le monde dehors !

    Bon, on se calme, on reprend. Pour ce qui est des centres de rétention, le CGLPL le dit : tout le monde dehors. Pour ce qui est des prisons, on prend la calculette : 18 000 courtes peines + 20 000 prévenus en attente de jugement + 1 404 personnes en semi-liberté + 611 personnes en centre de peine aménagée + 20 000 prisonniers en centre de détention (régime soi-disant orienté vers la réinsertion, donc la sortie) + les malades (chiffres non fournis)… on arrive déjà à plus de 60 000 personnes à relâcher.

    Ajoutons simplement : les mineurs (804) + les plus de 60 ans et toutes les personnes qui ont déjà effectué des longues peines en dépassant les quinze ans d’enfermement… Bon an mal an, on y est : autant arrondir à 70 000 ! Soit l’amnistie générale ! Les prisonniers et les prisonnières l’exigent depuis vingt ans dans les colonnes de L’Envolée – avec un autre argumentaire, certes ; mais si là, tout le monde est d’accord, on ne va pas chipoter…

    Et ne plus remplir les prisons !

    Que tous ces gens s’entendent pour définir l’enfermement comme un risque sanitaire et fassent pression sur la ministre pour vider les prisons, même provisoirement, c’est historique. Malheureusement, on sait que ça ne suffira pas.

    Même face au péril sanitaire, l’impératif sécuritaire reste le maître mot : la machine pénale est pensée pour remplir les prisons, pas pour les vider. Nicole Belloubet le confirme dès le 20 mars en s’engageant à peine à « travailler sur (sic) les détenus malades et sur les personnes à qui il reste un mois de détention ». Elle finit par promettre 5 000 libérations – très loin du compte – en précisant qu’« il n’y aura pas d’amnistie, car il faut préserver la sécurité de la société ». Ben tiens !

    Quant aux quelques « mesures qui veillent à ne pas faire entrer de personnes supplémentaires en prison », elles sont contredites par un amendement – adopté par l’Assemblée nationale dès le 21 mars – qui fait du non-respect à quatre reprises des règles de confinement un délit puni de six mois d’emprisonnement. Cherchez l’erreur ! Le même jour, quatre hommes arrêtés pour ce motif étaient incarcérés à la prison de Villepinte (Seine-Saint-Denis) en attente de jugement pour « outrage et rébellion » et « mise en danger de la vie d’autrui »… Qui met la vie de qui en danger ?

    On le voit déjà dans toute la société : la coercition de la politique sécuritaire du gouvernement sera inversement proportionnelle à sa scandaleuse gestion sanitaire.

    Ça se fera aussi sur le dos des prisonniers à moins qu’ils et elles trouvent des moyens d’imposer leur libération.

    Force, courage et décontamination

    L’Envolée

    ***

    Messages et lettres de prison

    « À tous les frérots en prison : à partir du 19 mars, il faut qu’on bloque en promenade tous les jours jusqu’à que l’État accepte au minimum un parloir par semaine. Faut qu’on se fasse entendre bien plus haut que l’administration pénitentiaire : c’est l’État qui dirige. Il faut faire du bruit. Ils nous disent que c’est pour quinze jours alors qu’ils savent très bien que c’est parti pour plusieurs mois. Ils nous privent de la seule liberté qui nous reste : la visite de notre famille. Merci, et oubliez pas : l’union fait la force, ensemble on y arrivera. » Lenvolee.net, 18 mars.

    « Libérez un peu les prisons de la surpopulation carcérale ! On veut que les surveillants soient contrôlés à chaque entrée, parce que ça nous fait peur ; au moins leur fièvre parce que c’est eux qui vont nous le refiler. Tous les gens qui rentrent en prison aussi, qu’ils soient contrôlés à l’entrée, avec un registre. » Lenvolee.net, 19 mars.

    « Nos cantines n’arrivent pas, nos parloirs ont été suspendus. Personne ne se préoccupe de notre état de santé. On avait un co-cellulaire qui est parti, avec le masque, on l’a sorti à 8 heures du soir de la cellule. On ne sait pas pourquoi […]. Aujourd’hui nous sommes deux personnes encore dans la cellule. Nous présentons des symptômes de fièvre, le nez qui coule, et la gorge qui pique. […] L’administration trouve une seule solution :  “Vous vous étouffez pas ? Y a pas de souci à se faire !” […] J’appelle tous les détenus de la maison d’arrêt de Seysses à faire une révolution générale. » Maison d’arrêt de Seysses (Haute-Garonne), Iaata.info.

    « On est 3 dans une cellule de 9 m2. Ça fait une semaine qu’on a plus de parloir, qu’ils nous autorisent plus les promenades, plus rien. […] On a peur qu’un jour la porte s’ouvre plus, qu’on nous laisse mourir dans la cellule… Y a beaucoup de psychose qui commence à s’installer dans la prison. » Maison d’arrêt de Seysses, Mediapart.

     « Nous voulons un DÉPISTAGE pour chaque détenu ainsi que pour chaque membre de l’administration pénitentiaire. – Nous souhaitons que tous les agents pénitentiaires sans exception soient équipés de gants et de masques (ce sont eux les plus exposés au virus car ce sont eux qui rentrent et sortent de l’établissement). – Nous voulons être informés de l’évolution de cette situation : quand les parloirs seront-ils rétablis ? Qu’en est-il des cantines ? Qu’en est-il des sacs de linge ? Qu’en est-il des soins médicaux en cas de coronavirus ? – Et enfin, pour nous protéger, nous aimerions que chaque détenu ait du gel désinfectant et un masque à sa disposition (le minimum en mesures d’hygiène actuellement). »
    Revendications des prisonniers du centre de détention d’Uzerche (Corrèze) lors de la mutinerie du 22 mars.

    « Un  message qui s’adresse à l’État et à tous ceux qui régulent les pénitenciers de France : nous voulons un dépistage au cas par cas pour chaque détenu et membre de l’établissement pénitentiaire. Nous voulons que les agents soient équipés de masques car c’est eux qui entrent et sortent de la prison donc c’est bien eux qui nous ramènent le coronavirus puisque nous n’avons plus de parloir. Nous voulons plus d’informations sur cette situation : cantines, parloirs, sacs de linge, activités, car les seules informations qu’on a c’est à la télé. Nous voulons du gel hydro-alcoolique, des masques, du savon pour chaque détenu. Tout ce qu’on a c’est du gel douche Tahiti. On nous offre la télé et 40 € pour les indigents, waouh, quelles belles mesures par l’État ! S’il peut faire mieux ce serait pas mal, sinon ça va chauffer. » Centre pénitentiaire de Béziers (Hérault), 23 mars.

    ***

  • Emission du 27 mars 2020

    Emission du 27 mars 2020

    L’envolée – émission du 27 mars 2020

    Cette émission est enregistrée à distance le jeudi 26 mars.

    • Une semaine de confinement en prison : fin des parloirs, scandale d’État.
    • Ordonnances d’application des peines : la carotte.
    • Une prison sur 4 en mutinerie, et ça continue.
    • Les matons demandent des confinements en cellule plutôt que de protéger les prisonniers.
    • Préconisations Covid-19 malgré la cantine réduite  »corona ».
    • Des nouvelles des prisons pour étrangers (Mesnil Amelot, Oissel, etc)

    Face à la gravité de la situation, à partir du lundi 23 mars, L’Envolée va diffuser à 19h une émission quotidienne d’un quart d’heure sur FPP (106.3 Mhz sur la bande FM à Paris) pour faire circuler l’information sur ce qui se passe dans les prisons françaises. Nous y lirons les messages qui nous seront envoyés au 07.52.40.22.48. Nous maintenons par ailleurs l’émission du vendredi, entre 19 heures et 20 heures 30.


    Podcast (clic droit –> « enregistrer la cible du lien sous »)


  • Les prisonniers du centre de détention d’Uzerche montent sur les toits et exigent des mesures contre l’épidémie

    Les prisonniers du centre de détention d’Uzerche montent sur les toits et exigent des mesures contre l’épidémie

    Ce dimanche 22 mars au centre de détention d’Uzerches, les prisonniers poussés à bout par les nouvelles mesures de confinement  et l’ignorance dans laquelle ils sont laissés sur la maladie ont réussi à accéder à la cour de promenade et sont montés sur les toits. Sur certaines vidéos qui ont tourné sur le Net, on entend des jeunes gens dire qu’ils ont peur de mourir parce que les sinistres Eris (Equipes régionales d’intervention et de sécurité) et la police sont armés, et pas eux ; et qu’ils tirent à balles réelles, comme ce fut le cas la semaine dernière à la maison d’arrêt de Grasse. Nous reproduisons ici leurs revendications :

    REVENDICATIONS DES DETENUS d’UZERCHE

    -Nous voulons un DEPISTAGE pour chaque détenu ainsi que pour chaque membre de l’administration pénitentiaire.

    -Nous souhaitons que tous les agents pénitentiaires sans exception soient équipes de gants et de masques (ce sont eux les plus exposés au virus car ce sont eux qui rentrent et sortent de l’établissement).

    -Nous voulons être informé de l’évolution de cette situation :

                -Quand les parloirs seront-ils rétablis ?

                -Qu’en est-il des cantines?

                -Qu’en est-il des sacs de linge ?

                -Qu’en est-il des soins médicaux en cas de Coronavirus ?

    -Et enfin, pour nous protéger, nous aimerions que chaque détenu ait du gel désinfectant et un masque à sa disposition( le minimum en mesure d’hygiène actuellement).

  • Le Covid-19 : la prison dans la prison – video

    Le Covid-19 : la prison dans la prison – video

    Un prisonnier âgé de 74 ans incarcéré à Fresnes dix jours auparavant est mort hier du Covid-19. Le même jour, les parloirs ont été supprimés dans toutes les prisons françaises. Aucun moyen de maintenir le lien avec leurs proches n’a été fourni aux prisonnier.e.s. Les activités, sportives et autres, ont également été supprimées. Dans les centres de détention en régime « portes ouvertes », où les prisonniers peuvent circuler dans tout leur étage pendant la journée, les cellules sont maintenant fermées. Les prisonnier.e.s resteront enfermés 22 heures sur 24 en cellule, le plus souvent à trois dans 9m².

    Face à cette situation intolérable, des mutineries ont éclaté dans de nombreuses prisons. A cette heure, nous avons connaissance de mouvements à Aiton, Angers, Douai, Epinal, Grasse, La Santé, Lille-Sequedin, Maubeuge, Metz, Montauban, Nancy, Perpignan, Saint-Etienne, Toulon, Valence et Varennes-le-Grand. Les Eris (Équipes régionales d’intervention et de sécurité – GIGN des prisons) sont intervenues dans plusieurs de ces taules, et à Grasse, les matons ont tiré.

    Les prisons pour étrangèr.e.s subissent les mêmes restrictions : plus de parloirs pour quinze jours au moins. Comme les associations se sont retirées de certains Centres de rétention administrative (CRA), les prisonnier.e.s ne sont plus soutenu.e.s dans leurs démarches juridiques. L’Ofii (Office français de l’immigration et de l’intégration) qui fournit habituellement le tabac et les recharges téléphoniques ne vient presque plus dans les centres, ce qui produit une situation critique. Les préfectures continuent d’expulser vers les pays qui n’ont pas interrompu leurs liaisons aériennes avec la France. Si les préfectures et les juges ont commencé à libérer des prisonnièr.e.s, souvent pour motif sanitaire, les rafles et les arrestations continuent. Certaines prisons pour étrangers continuent donc de se remplir. Des révoltes et des mouvements collectifs ont eu lieu dans les centres du Mesnil-Amelot (communiqué1, communiqué2), de Lille-Lesquin (communiqué), de Lyon-St-Exupéry (témoignage), de Metz et de Vincennes (communiqué), et peut-être d’autres encore dont nous n’avons pas eu connaissance : grèves de la faim, départs de feu, évasions, blocages de la promenade…

    Nous diffusons ici des vidéos reçues hier de la prison de la Santé. Il est essentiel que les enfermés puissent faire sortir les nouvelles du sort qui leur est fait par la pénitentiaire. Tenez-nous au courant par tous les moyens à votre disposition.

    Face à la gravité de la situation, à partir du lundi 23 mars, L’Envolée va diffuser à 19h une émission quotidienne d’un quart d’heure sur FPP (106.3 Mhz sur la bande FM à Paris) pour faire circuler l’information sur ce qui se passe dans les prisons françaises. Nous y lirons les messages qui nous seront envoyés au 07.52.40.22.48. Nous maintenons par ailleurs l’émission du vendredi, entre 19 heures et 20 heures 30.

    Soutien aux prisonnier.e.s et à leurs proches !

    Force et détermination !

  • Le numéro 51, spécial abonné·e·s, est dehors !

    Le numéro 51, spécial abonné·e·s, est dehors !

    Un 12 pages destiné essentiellement à nos abonné.e.s, imprimé à peu d’exemplaires, qui sera donc très peu distribué à l’extérieur. Si toutefois vous voulez le lire (et il y a plein de choses intéressantes dedans), vous pouvez le télécharger là : Envolée 51 (SLIM)

  • Communiqué des prisonniers en lutte du CRA de Oissel le 6 juin 2019

    Communiqué des prisonniers en lutte du CRA de Oissel le 6 juin 2019

    Les prisons pour étrangèr.e.s de Oissel et de Rennes ont été en partie détruite suite à des révoltes il y a quelques semaines. Depuis la répression de l’état est implacable: au moins 4 personnes à Rennes en prison pour des peines allant de 7 mois a 2 ans.  Récemment la lutte à repris au CRA de Oissel,nous relayons ici leurs communiqués:

    Nous on fait grève par rapport à la nourriture qui est pas bonne. Le centre de rétention est sale. Les douches sont bouchées. Les lavabos sont bouchés.

    Y a un terrain de foot où personne peut faire du sport. C’est les policiers qui font du sport à notre place. Y a pas d’activité ici.

    Le CRA est en travaux. Hier on s’est embrouillé avec eux, ce matin ils ont reveillé tot le matin tout le monde pour prendre des gens et les ramener en Espagne.

    Toute la journée y a du bruit parce que le centre est en travaux. Il est en travaux parce qu’il a brulé recemment. On devrait être sorti pendant les travaux. Il devrait pas y avoir de prisonniers ici.

    Hier ils ont mis un gars qui avait 16 ans a l’hôpital pour lui faire le test osseux et depuis pas de nouvelles des résultats. Il est toujours
    là.

    Ici les flics ont conseillé à la femme d’un prisonnier de divorcer de son mari si elle veut avoir un jours les papiers.

    Y a des gars qui devrait être a l’hôpital. Y a un gars qui doit se faire opérer, il ne peut pas respirer par le nez. Y a un mec ici qu’a l’hépatite B et un autre l’hépatite C. Ils devraient être à l’hôpital.

    On sait qu’a Rennes depuis l’incendie du CRA de la bas c’est plus pareil. Ils ont plus de sport, les visite c’est plus compliqué. Les policiers écoutent tout et laissent les porte ouverte.

    Face à tous ça, on appelle les prisonniers de Rennes et de tous les autres centre à nous rejoindre dans la lutte !

    Des prisonniers du CRA de Oissel.

    Force et courage à tou.te.s les enfermé.e.s!

  • Gilets jaunes : quand les juges obéissent au parquet !

    Les comparutions immédiates dont il est question dans le compte rendu qui suit ont eu lieu il y a un mois, suite à l’acte XIII des GJ. Notre retard dans leur publication n’enlève rien à leur intérêt dans le nécessaire travail d’observation et de critique de la justice auquel nous voulons contribuer.

    Notamment car elles illustrent très clairement l’application par les tribunaux de la circulaire que le ministère avait fait parvenir aux parquets dès le 22 novembre 2018, au lendemain de l’acte II de ce mouvement des Gilets Jaunes. Cette circulaire (à lire ici : circulaire répression gilets jaunes (3) du garde des sceaux aux procureurs et aux présidents des tribunaux leur indiquait déjà la marche à suivre pour les mois qui suivraient… Le gouvernement sentait bien que « les faits délictueux pourraient se poursuivre dans les prochains jours », comme il est dit dans le préambule. De là à penser qu’il puisse ordonner des violences, « donner des consignes », comme le dit un avocat commis d’office, afin de réprimer le mouvement social, il n’y a qu’un pas, que l’on franchit facilement : « l’accroissement de l’activité judiciaire » qui suit et complète invariablement la répression policière a bel et bien été anticipé. Dans le langage du droit, on parle de préméditation !

    Ajoutée à l’utilisation systématique du délit de « participation à un groupement » crée par Sarkozy en mars 2010, la circulaire donne toutes les clés pour comprendre les réquisitions auxquelles on assiste après chaque manifestation : aucun questionnement des déclarations des flics, qu’ils soient officiers de police judiciaire ou pas, fiche d’interpellation comme pièce unique portée au dossier, peine complémentaire d’interdiction de se présenter à Paris… tout y est.

    Tout ce qu’il faut pour donner la « réponse pénale systématique et rapide » exigée par cette circulaire. Aux ordres du ministère de la justice, les procureurs sont dans leur rôle. Quant aux présidents des différentes cours, leur complaisance et leur docilité donne l’exacte mesure de leur indépendance.

    De simple « Magisrats », comme disait l’ami Hafed.

    A l’audience du 11 février, tous les prévenus ont accepté la comparution immédiate.

    D., 25 ans, est accusé de la désormais fameuse « participation à un groupement », de « dégradations », et du jet d’une bouteille en verre sur une voiture de flics. Comme il est belge, la cour ne dispose pas de son casier judiciaire. Or, comme le claironnent de concert le président et la proc, « C’est un problème, car on ne peut juger sans casier ! » On le sait bien: au-delà des faits, c’est toujours la personne que l’on juge – et toujours à charge ! Le casier  est toujours un stigmate. La prétendue présomption d’innocence (mise en avant par l’avocat des deux prévenus suivants) vole en éclats -et avec elle, la chimère de la peine rédemptrice… Les condamnations précédentes justifient une nouvelle arrestation, et la peine qui en découle presque systématiquement. Condamné un jour, condamné toujours ! Son casier finit tout de même par arriver : il a été condamné à 100 heures de TIG pour dégradations en Belgique, et il a eu un rappel à la loi en 2015 : présent sur la place de la République au cours des manifestations de la COP21, il avait été arrêté et placé au centre de rétention de Vincennes. Après le classement de l’affaire sans autre suite qu’un rappel à la loi, la France avait été condamnée à  payer 800 euros pour cette « pratique étonnante pour un citoyen européen », dixit le président qui n’aime pas qu’on mélange les torchons et les serviettes.

    Arrivé à 13 heures sur Paris, il y a retrouvé une amie. Il s’est acheté une bouteille -celle qu’il jettera sur la voiture. Il est arrêté à 17 h 50 en possession du matériel maintenant classique : lunette, masque, bonnet, écharpe, etc. – protections indispensables vu la violence subie par le cortège, mais qui pour le parquet atteste invariablement de la volonté d’en découdre. Particulièrement remontée, la proc insiste sur le fait qu’il a masqué son visage… parce qu’elle n’a rien d’autre à se mettre sous la dent: il n’y a pas une éraflure sur la voiture de flics et l’analyse du téléphone n’apporte aucun élément à charge. L’accusé n’appartient à aucune « mouvance », il n’y a pas de « haine antiflic » dans ses mails et  textos ; il est juste là par  « solidarité », comme il l’a déclaré. Il reconnaît qu’un peu bourré, il a lancé sa bouteille.  Le président lui fait la morale : « Vous semblez avoir un problème avec l’alcool : quatre bières par jour (dixit l’enquête de personnalité), c’est beaucoup! et depuis plusieurs années… vous prenez des risques! Il peut y avoir des complications, et si vous êtes malade, tout ça coûte cher à la société. » Moraliste, et pingre avec ça… «  -Je suis Belge, la bière c’est culturel », rétorque le prévenu avec un bon sourire.

    La proc demande quatre mois avec sursis et une interdiction d’un an sur Paris pour éviter la réitération des faits. Le délit de dégradation ne peut être retenu? Qu’à cela ne tienne! Comme la cour travaille main dans la main avec le proc, dont elle suivra toujours scrupuleusement les réquisitions, elle  requalifie les faits en tentative de dégradation. Pour participer à un groupement, il faut qu’il y ait du monde… or le prévenu a été arrêté seul, à 17 h 50, alors que que les PV d’ambiance dressés par la maison poulaga ne font état d’une manifestation violente que jusqu’à 17h10. La défense rappelle que la seule présence du prévenu sur place ne peut suffire, comme nous l’avons souligné dans le compte rendu précédent, à caractériser sa volonté de commettre des dégradations, puis revient sur les protections pour réaffirmer qu’elles sont devenues indispensables : « Avec les gaz et le risque de perdre un œil, on en est là, en France: on ne peut plus manifester sans s’exposer !» La défense plaide donc la relaxe pour l’ensemble du dossier: pas de délits, pas de condamnation. La cour voit les choses différemment: quatre mois avec sursis et un an d’interdiction sur Paris.

    La défense des deux prévenus  suivants est assurée par un avocat commis d’office, qui, fait suffisamment rare pour être noté, s’attache à démonter un à un les chefs d’inculpation de ses clients. Les deux portaient masques, lunettes et écharpe ou tour de cou lorsqu’ils ont été interpellés.

    Sans emploi depuis deux ans suite à un accident du travail qui l’a rendu inapte à l’activité, C. touche 880 euros d’allocation de retour à l’emploi. A 15 h 40, au croisement de la rue Vaugirard et du boulevard Pasteur, 7 flics de la BAC lui sont tombés dessus. L’un des kisdés est témoin, et deux autres viennent confirmer ses dires pour accuser C. de « participation à un groupement », « dégradation et destruction par substance explosive ou incendiaire », d’avoir « poussé une poubelle en direction de policiers non identifiés – c’est-à-dire qu’aucun n’a été touché (voir compte rendu précédent) – mais dont la fonction ne pouvait être ignorée – puisqu’ils étaient en tenue », de « transport de feux d’artifice », de « rébellion », et encore d’« usage de cannabis ». Côté casier, ça remonte à loin : il a été condamné à trois mois de prison avec sursis pour un feu de poubelle en 2001.

    L’avocat commence par replacer les faits dans leur contexte : « On parle de manifestations et de violences, ce sont effectivement deux choses différentes. Il faut certes distinguer le droit de manifester des comportements répréhensibles, mais il faut  bien le dire : pour obtenir quelque chose, une manifestation ne peut pas être que pacifique. S’il y a eu des concessions, c’est bien parce qu’il y a eu des débordements. En France, c’est comme ça : pour obtenir quelque chose, il faut qu’il y ait des violences et des débordements ». Il poursuit, revenant sur le soutien populaire « encore extraordinaire » au mouvement des gilets jaunes : « Dans ce contexte, le rôle de l’institution judiciaire n’est pas de punir ceux qui viennent manifester. Ce n’est pas à l’accusé de prouver son innocence ! Les faits ne sont pas avérés, et la seule fiche d’interpellation ne suffit pas. Je ne veux pas dire qu’ils (les flics interpellateurs, NDLR) mentent, mais il y a la présomption d’innocence (il rappelle alors que ce principe est énoncé dans la constitution, dans la convention européenne des droits de l’homme… et dans le code pénal:) Notre code pénal, celui qui régit le fonctionnement de ce tribunal -et la simple déclaration de trois policiers ne peut pas remettre cela en question. »

    Concernant l’accusation d’avoir mis le feu à une poubelle conteneur et de l’avoir poussée en direction des condés, il explique à la cour que « le feu ne prend pas comme ça en deux minutes, et c’est compliqué pour un homme seul de pousser le conteneur sur les policiers. Faute de preuves, le doute doit bénéficier à l’accusé; le procès verbal des policiers n’est pas un élément suffisant. » En garde à vue, le prévenu a demandé à voir les images de télésurveillance : les condés ont refusé – et la cour n’y trouve rien à redire ; voir à ce propos la circulaire du 22 novembre, qui stipule que la parole des policiers prévaut sur les images dans tous les cas. «La reconnaissance par d’autres policiers, cela peut être par complaisance avec leur collègue. Le feu d’artifice ? Le texte que vous invoquez vise les cocktails Molotov ! Là, c’est un feu d’artifice de supporter, vendu dans le commerce ! Un élément festif, comme le dit mon client. La qualification de mise en danger par substance explosive ou incendiaire est excessive. » L’avocat conclut sa plaidoirie par une attaque en règle contre la pratique d’accumulation des délits à laquelle on a déjà assisté lors d’audiences précédentes :  il explique que le chef d’inculpation d’usage de cannabis est le résultat du « principe d’opportunité des poursuites », qu’on enseigne dans les écoles de droit. Son client a été attrapé avec 1.7g de cannabis, quantité qui ne prouve que le simple usage et qui serait jetée dans le caniveau lors d’une interpellation ou d’un contrôle d’identité. Si le parquet rajoute ce délit à son client, c’est par pur opportunisme. Et ce n’est pas non plus un pyromane, comme le parquet tente de le faire croire sur la base de faits vieux de dix-huit ans ! Il plaide donc la dispense de peine pour le feu d’artifice et le cannabis, et la relaxe pour les autres chefs d’accusation.

    La proc a déclaré que le feu d’artifice prouvait la préméditation et l’intention de blesser les policiers ; elle demande huit mois, dont quatre avec sursis, avec mandat de dépôt, et une interdiction de se présenter sur Paris pour une durée d’un an. En échange du mandat de dépôt, elle obtiendra du président, non pas quatre, mais huit mois fermes, et une interdiction de Paris pendant six mois.

    Artisan boulanger, A. touche 1 500 euros par mois après trois ans de tour de France. Il est accusé de « participation à un groupement » et de « violences »; on lit sur la fiche d’interpellation qu’il « jette des pierres et en ramasse d’autres ». Son casier est vierge, mais il a déjà été interpellé -pour port d’un couteau suisse ! Il nie avoir jeté des pierres, mais reconnaît en avoir ramassé pour se protéger après qu’un flic l’a désigné du doigt à ses collègues alors qu’il vomissait à cause des lacrymo. « Pourquoi se défendre, rétorque la proc : les policiers sont là pour protéger les manifestants, lorsqu’ils sont pacifiques ! » Elle demande quatre mois avec sursis et un an d’interdiction sur Paris. Après avoir répété que la simple présence à une manifestation ne suffit pas à caractériser la volonté de détruire ou de dégrader, l’avocat va s’attaquer au délit de violences reproché à son client : « On sait qu’il y a de la violence des deux côtés, et c’est quand mon client a été désigné du doigt  (par un civil NDLR) suite aux gaz qu’il prend peur. C’est comme ça que ça se passe : s’il y a des consignes pour réprimer, il faut faire du chiffre. Un manifestant regarde mal un policier, celui-là l’arrête. Il n’y a pas violence, pour les pierres, elle doit être caractérisée par l’exécution, mais tentative ; et le Code pénal ne punit pas l’intention, au pire l’acte préparatoire. Les infractions ne sont pas caractérisées, et c’est comme ça tous les lundis (en comparution immédiate suite aux  manifestations des gilets jaunes, NDLR)!  Alors qu’est-ce qu’on fait ? soit on relaxe tout le monde, ce que je vous demande, soit on accorde une force probante excessive à la parole des policiers, une force probante telle qu’elle suffit à emporter seule l’intime conviction du tribunal. » Imperturbable, la cour condamne A. à quatre mois avec sursis, et six mois d’interdiction de se présenter à Paris.

    Au sortir de l’audience, l’avocat de la défense est soufflé : il est habitué à des dossiers « plus lourds » dans lesquels il a toujours réussi à diminuer significativement les réquisitions du procureur, mais « là, le juge n’écoute rien: il est aux ordres du parquet! »

     

  • Appel national à perturber la justice quotidienne le mardi 5 mars 2019

    Appel national à perturber la justice quotidienne le mardi 5 mars 2019

    Nous relayons ici un appel émanant d’une assemblée des environs de Toulouse dont nous partageons, évidemment, l’analyse !

    Appel national à perturber la justice quotidienne le mardi 5 mars 2019 

    « Depuis le début du mouvement des Gilets jaunes la répression s’abat avec une grande violence. La répression, c’est d’abord la police qui blesse, mutile, tue (comme Zineb Redouane à Marseille le 2 décembre), et qui a arrêté plus de 8 000 personnes en trois mois.

    C’est aussi la justice, qui a condamné 1 800 personnes dont plusieurs centaines dorment aujourd’hui en prison. Nous ne les oublions pas ! Mais la justice ce n’est pas seulement la répression du mouvement social.

    La justice, c’est cette machine qui chaque jour, dans le silence des salles d’audience à peine troublé par le froufrou des robes bordées d’hermines des magistrats, condamne les pauvres. Ce sont le paternalisme, le racisme et le mépris de classe du juge qui « mène les débats » et prononce la peine. C’est cette mécanique qui chaque jour broie des centaines de vies sans que l’on s’en émeuve.

    Ces vies broyées, ce sont d’abord et en immense majorité celles des pauvres. Les petits délits sont désormais le plus souvent jugés en comparution immédiate : des prévenu.e.s comparaissent en sortant directement de garde à vue (parfois de 48 h), n’ayant pas de temps pour préparer leur défense ; des procès bâclés, et dans la majorité des cas des condamnations plus lourdes.

    Tandis que des Sarkozy ou des Fillon se la coulent douce, les Gilets jaunes condamnés ont fait les frais de ce dispositif ; mais il touche plus généralement des pauvres tâchant de s’en sortir.

    Dans un monde où l’argent est roi, comment vivre quand, pour beaucoup, toute opportunité de travailler légalement a depuis longtemps disparu ?

    Parce que la justice ne fonctionne si efficacement que grâce au silence dans lequel elle s’exerce, nous appelons à aller, partout en France, le mardi 5 mars, assister aux audiences près de chez vous, qu’elles concernent ou non des Gilets jaunes. Notre simple présence transformera le déroulement des audiences et pourra en atténuer le résultat.

    Amnistie pour toutes les personnes inculpées du mouvement social!

    Solidarité avec toutes les prisonnières et tous les prisonniers !

    L’assemblée du Mas d’Azil (avec ou sans gilet)

  • DES GILETS JAUNES FACE A LA JUSTICE… DE CLASSE, suite : de l’intérêt de refuser la comparution immédiate

    DES GILETS JAUNES FACE A LA JUSTICE… DE CLASSE, suite : de l’intérêt de refuser la comparution immédiate, exemples à Paris le 07 janvier 2019

    Ce lundi 7 janvier au palais de justice des batignolles à Paris, nous avons assisté à des audiences en renvoie ; c’est à dire que les personnes qui comparaissaient ont été arrêtées lors des actes II et III et qu’elles ont alors refusé le passage en comparution immédiate et obtenu de ce fait un délais pour préparer leur défense.

    Deux inculpés qui n’avaient pas eu le temps de préparer leur défense ont obtenu un nouveau renvoi ; ils passeront le 16 avril devant la 24e chambre. Le contrôle judiciaire dont ils font l’objet a été assoupli pour qu’ils puissent voir leur avocat à Paris. Quatre personnes ont comparu avec l’aide d’un avocat, cinq autres se sont présentées sans.

    Le chef d’inculpation principal était pour tous d’avoir « participé sciemment à un groupement, même formé de façon temporaire, en vue de la préparation caractérisée d’un ou plusieurs faits matériels de violences volontaires contre les personnes ou de destructions ou de dégradations de biens ».

    Ce délit a été créé par Sarkozy dans la loi du 2 mars 2010 dans le but de « renforç[er] la lutte contre les violence de groupe et la protection des personnes chargées d’une mission de service public ». Le parquet a assaisonné ce fond de sauce d’épices variées, selon le cas : rébellion, dégradations, port d’arme, coups et blessures sur personnes dépositaires de l’autorité publique.

    Avant de rendre compte plus précisément de chacune des affaires, une évidence s’impose néanmoins : cette audience en renvoi montre une fois de plus la nécessité de refuser les comparutions immédiates. Bien sûr, des peines sont toute de même prononcées ; bien sûr, la relaxe n’est toujours pas la norme (alors que les dossiers le permettraient) ; bien sûr, la justice continue ici aussi son travail d’éradication du mouvement ; bien sûr, il est toujours difficile d’énoncer des vérités générales dans le cadre des procès… mais force est de constater qu’à dossier équivalent, la sentence est souvent plus « clémente » qu’en comparution immédiate.

    Le chef d’inculpation principal est toujours le même, c’est la fameuse « participation à un groupement », résurgence de la loi anticasseurs -qu’Edouard Philippe voudrait encore durcir, si c’est encore possible. En comparution immédiate, pour des faits identiques -ou plutôt pour une absence similaire de ces dits « faits » – quasiment tous les inculpés prennent des peines de prisons ferme ou avec sursis. Ce jour,  lors des audiences de renvoie, sans être forcément des flèches, les avocats ont pu faire le taf, c’est à dire qu’ils ont pu démontrer le vide des dossiers, qui souvent ne contenaient que la fiche d’interpellation et le PV d’ambiance de la police.

    L’un d’entre eux a même -dingue…- osé s’en prendre à cette loi en expliquant le contexte de sa création et le fait qu’elle est maintenant utilisée pour arrêter « tout le monde et n’importe qui » – destin classique de toutes les lois sécuritaires, qui ciblent d’abord l’« ennemi public » du moment pour être acceptées, avant de s’appliquer progressivement au plus grand nombre.

    Le président reconnaît lui-même qu’en comparution immediate, c’est une justice d’abattage qui s’applique : « Maintenant que l’ambiance est apaisée, dit-il, il faut examiner les faits »

    Les relaxes sont dues au fait que la simple présence sur les lieux d’une manifestation ne constitue pas un « fait matériel » suffisant pour caractériser un intention quelconque. Encore une fois, en comparution immédiate ces dernières semaines, cela suffit bien souvent aux juges comme « fait matériel ». Très paternaliste, le juge se contente ici d’expliquer qu’une manifestation doit être declarée… et puis qu’il faut savoir rentrer chez soi. « On interdit pas ici le fait de manifester, mais il faut rester dans le cadre défini. » D’ailleurs, s’il y a pu y avoir des violences policières, elles étaient légitimées par l’ambiance, la fatigue… et puis le policier, c’est un être humain, lui aussi ! Il a le droit de craquer ! Pareil pour les erreurs de procédure… comme si on pouvait renvoyer dos à dos la violence de l’État et la réaction populaire !

    De fait, les quelques nuances que nous introduisons ici, ne doivent pas masquer l’essentiel, à savoir la continuité de la violence d’Etat : violence policière dans la rue, rigueur des condamnations devant les tribunaux. Les rouages de l’appareil répressif tournent à plein régime pour qu’il y ait de moins en moins de monde dans la rue. Depuis janvier plus qu’en décembre encore, le gouvernement assume : il veut blesser, abîmer, terroriser les participants et tente par tous les moyens de retourner la population contre le mouvement. Jusqu’ici, malgré un travail assidu notamment des tribunaux  il n’est pas parvenu à trier le bon grain de l’ivraie -ce qui est déjà exceptionnel-, il s’agit donc de continuer à l’en empêcher.

    #SolidariteDansLesTribunaux

    Les quatre qui avaient des défenseurs

    R. a été arrêté lors de l’acte III, il est accusé de « participation… » et de « dégradations ». Son avocat dépose des conclusions de nullité car les condés ont rajouté une page au PV de fin de notification de garde à vue. Le président joint l’incident au fond. Le procureur demande six mois avec sursis. Relaxe.

    Arrêté à midi boulevard Haussmann pendant l’acte III, C. B. est accusé de « participation », de « dégradations » et de « port d’arme de catégorie D ». Le procureur requiert dix mois dont six avec sursis ; il est condamné à 300 euros d’amende pour le port d’arme et relaxé pour les deux autres chefs d’inculpation.

    Interpelé très tôt sur les Champs lors de l’acte II, D. Y. est accusé de « participation », de « dégradations », de « violence volontaire sur personnes identifiées comme représentants de l’ordre public ». La ville de Paris se porte partie civile pour les degradations : une pierre lancée sur un kiosque à journaux. Pour l’acte II, au fait de « participer à un groupement » s’ajoute une circonstance aggravante : « en dehors de l’espace autorisé » -il faut rappeler que l’ensemble des Champs était totalement bouclé par les condés. Pour y pénétrer, il fallait accepter une vérification d’identité et ue foille en règle ; le fait d’être « en dehors » attestait donc pour les juges de la volonté « d’en découdre ». Le procureur demande quatre mois fermes ; le gars est condamné à 105 heures de TIG assorties d’une obligation de soins –et quatre mois de sursis si les TIG ne sont pas effectués. Pas d’indemnités pour la partie civile.

    Arrêté à 15h45 rue la Boêtie au cours de l’acte III, B. M. est accusé de « participation », et du port de « pierres, lunette, masque et protège-tibias ». La procureur demande des TIG et l’interdiction de se présenter à Paris : il est relaxé.

    Les comparutions sans avocat

    A. a été arrêté au cours de l’acte II. Il est accusé de « participation », de « rébellion » et de « coups et blessures » : un des condés de la BAC qui l’ont arrêté s’est foulé le pouce – 10 jours d’ITT… et 1 500 euros de dommages et intérêts. A. n’a pas d’avocat, mais accepte d’être jugé. Le condé est présent, témoigne… et lui, il a son avocat. Larmoyant, le proc évoque les manifestations de janvier 2015 « où on embrassait et remerciait les policiers qui nous protègent » pour les opposer à « ces violences insurrectionnelles » où « ils sont pris pour cibles ». Dans la foulée, il requiert deux ans fermes. C. est condamné à six mois de sursis et cinq ans de mise à l’épreuve. Les dommages et intérêts du condé sont renvoyés au civil, mais C. doit tout de même verser 1 500 euros -en provision…

    R. a été interpelé au soir de l’acte II ; il est accusé de « participation » et de « rébellion ». Le procureur demande trois mois fermes. Il prend 105 heures de TIG assortis de trois mois de sursis s’ils ne sont pas effectués.

    L. a été arrêté pendant l’acte II, dans l’après-midi. Lui, il mérite une special dedicace : il s’est fait tirer dessus « par un lanceur de 40 mm » (le fameux LBD)… mais dans les jambes ! et ce côté « pro » des CRS, il a grave apprécié. Il connaît un peu la musique, faut dire : après cinq ans dans l’armée, il est rentré dans la pénitentiaire en 2003. Il a bossé en centrale en Alsace, en CD, et là, il est à Fresnes. Le maintien de l’ordre et ses conséquences, ça le connaît  : il a été dans les Eris (les matons cagoulés qui interviennent pour écraser les mouvements collectifs en prison) « d’où la cagoule, Monsieur le président » ! Des émeutes, il en maté 3, et il a eu « de la chance de ne pas avoir eu une main arrachée, ou perdu un œil ». Du coup, quand il vient manifester, il se protège bien : masque et lunettes. Six mois avec sursis requis ; il en prend quatre.

    Interpellé dans le 18ème lors de l’acte III, D. G. est accusé de « participation », de « déclarations imaginaires » et de « possession de pétards ». Arrivé du Havre à 20h30, il a été arrêté à 21h50. Le procureur requiert une amende avec sursis. Relaxe.

    Interpellée à 15h30 au cours de l’acte II. L. Y. est accusée de « participation », de « déclaration imaginaire », de « violence volontaire envers une personne détentrice de l’autorité, sans ITT ». Le flic aurait reçu de la peinture noire sur le visage, et il aurait du mal à s’en remettre ! Le procureur demande une amende avec sursis. Elle explique qu’elle voulait « voir et filmer ». Le président s’étonne : pourquoi faire, puisque « BFM retransmet tout en direct » ? Droite dans ses bottes, elle rétorque que  «  non, ce qui est montré ne correspond pas à la vérité : on ne voit pas les violences policières ! » 105 heures de TIG assortis de cinq mois de sursis s’ils ne sont pas effectués, et 150 euros d’amende pour fausse déclaration d’identité.

  • A Foix aussi, la justice envoie des Gilets jaunes en prison pour tuer le mouvement !

    Ce mercredi 2 janvier, le tribunal de Foix (09) faisait comparaître deux hommes de 25 et 30 ans, pour dégradation avec incendie au péage de Pamiers et « occupation non appropriée du domaine routier » dans la soirée du 31 décembre.

    Au vu du casier non vierge des deux prévenus, l’avocat de la défense Me Baby leur a conseillé d’accepter la comparution immédiate, estimant qu’il pouvait « faire appel à l’humanité du tribunal » pour leur éviter l’incarcération immédiate (mandat de dépôt).

    Autant pisser dans un violon…

    « Que l’on s’estime innocent ou coupable, il vaut mieux refuser la comparution immédiate. Être jugé tout de suite, à chaud, c’est courir le risque de prendre une peine « pour l’exemple », et se priver de l’aide d’avocats capables de défendre correctement le dossier – ne serait-ce que parce qu’ils auraient eu le temps de le lire. » Des gilets jaunes face à la justice…de classe

    Les deux prévenus sont précaires, l’un travailleur pauvre sans logement et l’autre intérimaire, et le tribunal ne va pas se priver de s’appuyer lourdement sur ce qu’il appel le « profil des accusés ». Ils ont tous deux quelques condamnations à leur casier pour larcins ou conduite sans permis. Procureur comme juge insistent en chœur sur « le niveau ras-des-pâquerettes des prévenus ». Ce à quoi un des deux rétorquera en fin d’audience « nous ne sommes pas des bêtes, nous ne nous arrêtons pas de penser ».

    La trentaine de soutiens dans la salle ne se montre pas révérencieuse face au tribunal et n’hésite pas à réagir. Une femme de l’assistance se fait sortir pour avoir répondu aux dires du procureur que l’usage du flashball était également une atteinte à la sécurité des personnes.
    Le procureur demande une peine de 8 à 9 mois de prison ferme pour les deux gilets jaunes.
    La défense n’était certes pas facile, les deux hommes ayant reconnu et raconté en détail les faits en garde à vue ; pour l’un d’entre eux après s’être fait mettre la pression par la police pour ne pas faire plonger son camarade seul.

    L’avocat opte pour une défense politique avec un discours sur la casse comme « moyen pour se faire entendre », n’hésitant pas à évoquer les faucheurs d’OGM ou même la ZAD de Notre-Dame-des-Landes comme exemple. Les derniers mots de l’avocat n’auront pas convaincu le tribunal : « donnez le message ferme qui convient, mais laissez la place à l’humanité » pour « laisser les condamnés retourner chez eux » . Raté !

    Les deux gilets jaunes ont été incarcérés mercredi soir, avec pour peine 3 mois de prison ferme et 6 mois de sursis avec obligation de travailler, plus 150 euros d’amende chacun. Encore une fois, la comparution immédiate a entraîné une condamnation sévère et envoyé les condamné dormir en prison.

    Solidarité avec les prisonniers et leurs proches et renforçons nos réflexes de défense avant, pendant et après les actions !

    Exemple de conseils de précautions avant les manifs ou blocage : Conseils contre la répression

    Pour  s’en sortir au mieux et ne pas aggraver son cas en garde à vue : Brochure GAV
    A propos de son téléphone, ce mouchard quand on est entre les mains de la police : Code PIN en GAV décryptage