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  • DES GILETS JAUNES FACE A LA JUSTICE… de classe

    « Si vous le saviez, pourquoi vous y rendre ? » un procureur parmi d’autres.

    Un gouvernement qui ne parvient pas à écraser un mouvement de  contestation dans l’œuf dispose de plusieurs outils pour le circonscrire et l’étouffer s’il menace de tenir, voire de s’étendre. Au bout de cette chaîne répressive, il y a les tribunaux. La ministre de la Justice Nicole Belloubet, en visite au tribunal de Paris au lendemain de la manifestation du 1er décembre, avait demandé aux magistrats une réponse pénale « tout à fait ferme » à l’encontre des prévenus. C’est pourquoi il est très important de soutenir les inculpés, notamment par la présence aux procès. C’est bien sûr une solidarité nécessaire, mais surtout, c’est un moment de la lutte à part entière ; et c’est particulièrement vrai dans le mouvement actuel.

    En effet, une des particularités de ce mouvement, c’est qu’une grande partie des gens qui descendent dans la rue n’ont jamais eu affaire à la justice et ignorent bien souvent tout ou presque de son fonctionnement. Et comme ce ne sont pas des bourgeois, ils subissent de plein fouet la violence de classe qui s’exerce quotidiennement dans les tribunaux ; en particulier dans les comparutions immédiates qui pratiquent une justice d’abattage. Ils n’ont ni les connaissances juridiques et les stratégies qu’apprennent et échangent les « habitués » des tribunaux et des prisons… ni le langage et les attitudes légitimes – et l’aide d’un bon avocat payé en conséquence – qui tendent à adoucir la sentence pour les bourgeois. Chacun sent bien qu’il va sans doute falloir faire profil bas, s’excuser, regretter… mais ça ne suffit pas pour se défendre.

    Nous publions ici quelques observations générales sur des audiences auxquelles nous avons assisté – comme toujours avec l’institution judiciaire qui s’ingénie à tout individualiser, il n’y a pas de vérité absolue, ce qui n’empêche pas de dégager certaines tendances – suivies de comptes rendus d’audiences d’ici et d’ailleurs.

    En assistant aux procès, chacun et chacune peut tenter d’analyser et de publiciser les postures et les réflexes qu’adoptent les juges dans la période actuelle : les chefs d’inculpations choisis, le genre de défense à laquelle s’attendent les procs, le montant des réquisitions pour tel ou tel acte… ces éléments peuvent permettre de renforcer les stratégies de défense des prévenus, et donc le mouvement lui-même.

     Des GAV par milliers

    Selon les chiffres officiels recoupés ici et là dans un article paru sur Bastamag.net le 10 décembre, il y avait déjà eu à cette date plus de 3300 arrestations dans le cadre de ce mouvement. Si toutes n’ont pas conduit à une garde à vue (GAV), ça a été le cas dans l’immense majorité. Plusieurs milliers de personnes ont fait l’expérience de la plus courte des peines de prison : vingt-quatre, quarante-huit heures ou plus (pour cause de micmacs sur les PV pour réguler les flux dans certains commissariats) entre les mains de la police.

    Cette situation très désagréable – surtout la première fois – conduit beaucoup de personnes interpellées à parler, à répondre aux policiers… belle occasion de charger un dossier qui souvent ne contenait jusque-là qu’un procès-verbal d’interpellation. Ne pas répondre, ou nier les faits, est un droit que beaucoup ignorent. Il faut le faire savoir au maximum : contrairement à ce que disent invariablement les policiers, moins on parle, moins on s’expose – que l’on se pense innocent ou que l’on se sache coupable.

    Une bonne partie des GJ gardés à vue est ressortie après un simple « rappel à la loi » parce que malgré tous leurs efforts, les OPJ n’avaient pas réussi à trouver de quoi constituer une infraction à poursuivre. Ça a été le cas de la plupart des gens qui ont été arrêté de manière préventive juste parce qu’ils étaient « équipés » (de masques, de cache-cols, de sérum physiologique), ou parce qu’ils sont arrivés en groupe à un endroit où les « forces de l’ordre » étaient particulièrement zélées ; le but de ces arrestations étant avant tout d’assécher les rassemblements du jour et de dissuader ceux et celles qui voudraient se rendre aux suivants.

    Refuser la comparution immédiate

    « Plus de 1200 personnes auraient été déferrées devant la justice depuis le début du mouvement. Par comparaison, c’est désormais davantage que lors de la contestation contre la loi Travail, de mars à juin 2016 sous le mandat de François Hollande, mouvement au cours duquel 753 personnes avaient été poursuivies » (source : bastamag.net).

    Celles et ceux qui ne sortent pas avec un rappel à la loi sont donc « déféré.e.s », c’est-à-dire qu’ils et elles comparaissent devant un juge pour répondre des « éléments » qu’il y aurait dans le dossier. Ça peut être la déclaration d’un flic concernant l’interpellation, des images de vidéosurveillance « exploitables », un aveu du prévenu, un simple texto dans son portable, une vidéo dans le téléphone d’un autre manifestant arrêté, ou encore « une preuve matérielle » : un gant troué, une pierre dans la poche, etc. C’est à ce moment-là que le juge propose au prévenu, soit d’être jugé tout de suite en « comparution immédiate », soit de demander à être jugé plus tard pour préparer sa défense.

    Que l’on s’estime innocent ou coupable, il vaut mieux refuser la comparution immédiate. Être jugé tout de suite, à chaud, c’est courir le risque de prendre une peine « pour l’exemple », et se priver de l’aide d’avocats capables de défendre correctement le dossier – ne serait-ce que parce qu’ils auraient eu le temps de le lire.

    Lorsqu’on refuse la comparution immédiate, le juge est dans l’obligation de donner la date à laquelle on sera de nouveau convoqué. La question est de savoir si on attendra cette date en prison ou dehors. Pour en décider, le tribunal examine les « éléments de personnalité », c’est-à-dire des informations sur le travail, le revenu, le domicile… pour déterminer, d’une part, si l’institution judiciaire est assurée de retrouver le prévenu le jour de son procès et, d’autre part, dans la période actuelle, s’il risque de retourner en manif d’ici là.

    Lorsque l’on voit un avocat en GAV, il faut donc lui demander de contacter quelqu’un qui pourra lui faire parvenir des « garanties de représentation » : fiche de paye, avis d’imposition, facture prouvant la domiciliation, déclaration d’une association, etc.

    Comme beaucoup de prévenus arrêtés pendant ce mouvement travaillent ou suivent une scolarité et ont une famille ou une vie considérée comme suffisamment stable aux yeux des juges, ils ont été nombreux à être libérés dans l’attente de leur procès – mais toujours avec l’interdiction de manifester, et de se rendre à Paris pour les non-parisiens de banlieue et d’ailleurs, le tout assorti d’un contrôle judiciaire plus ou moins strict, c’est-à-dire une obligation de pointer au commissariat ou à la gendarmerie de sa commune entre une et trois fois par semaine.

     En comparution immédiate

     Malheureusement, très peu de gens refusent la comparution immédiate – tout le monde ne sait pas que les peines y sont souvent plus lourdes, et puis il y a toujours la pression des policiers qui font croire qu’en cas de refus on part forcément en détention préventive… mais surtout, l’envie d’en finir au plus vite, l’illusion qu’on en sera quitte avec une GAV et un rappel à la loi.

    C’est faux, mais dans ce mouvement ça marche à fond, d’autant que les interpellés viennent très souvent de loin pour manifester à Paris et qu’ils ont envie de rentrer chez eux. Ils reculent devant la perspective d’avoir à revenir pour un procès dans plusieurs semaines, alors qu’ils n’auront sans doute ni le temps ni l’argent.

    Tous les prévenus – à de très rares exceptions près – des comparutions auxquelles nous avons assisté étaient poursuivis pour le désormais fameux « groupement en vue de commettre des dégradations ou des violences ». C’est devenu une sorte de socle commun pour ce mouvement, et pour cause : c’est un chef d’inculpation très très très pratique, puisqu’il permet au juge, quand il fait mine de vouloir reconstituer les faits, ainsi qu’au procureur dans son réquisitoire contre l’accusé, de mettre l’accent, soit sur le caractère collectif (groupement), soit sur l’intention (en vue de), soit sur les lieux où la personne est arrêtée (un endroit où des dégradations ou des violences ont été commises). Ce cocktail permet à la cour de poser des questions de tous types et cette succession de questions parfois anodines donne souvent l’illusion qu’elle cherche simplement à « établir la vérité », à « bien comprendre ce qui s’est passé », « ce que faisait l’accusé » etc. En réalité, le juge est en train d’accumuler en direct les charges suffisantes pour justifier la sentence que le procureur va requérir… alors même que le dossier monté par la police en GAV est la plupart du temps vide.

    « En vue de » : gare aux intentions

     Dans les procès auxquels nous avons assisté dans le néo-palais de justice de Paris, suite aux manifestations des 1er et 8 décembre, les magistrats ont invariablement commencé par demander pourquoi le prévenu était allé manifester et si c’était la première fois, pour vérifier si la personne était un « authentique Gilet jaune ». Ils se sont largement fondés pour cela sur sa profession et son salaire : pour les juges et les procureurs –pour certains avocats aussi d’ailleurs– le Gilet jaune travaille – mais il est précaire, artisan, ou exerce une profession indépendante. Il a des raisons de manifester… mais ce n’est pas un militant ; et puis, surtout, il n’a jamais été condamné auparavant – sauf, à la limite, pour un délit routier.

    S’il a un casier judiciaire, il bascule immédiatement dans la catégorie haïe du « délinquant d’opportunité » : il s’est glissé dans la manifestation pour profiter du chaos, piller et attaquer la police, et ses gestes n’ont rien à voir avec la colère – éventuellement – légitime des « authentiques Gilets jaunes ». Juges et procureurs sont rassurés de retomber sur leur gibier quotidien, et ils n’en sont que plus féroces et se permettent même de tancer le désigné « casseur » au nom de la crédibilité du mouvement. En bons bourgeois qu’ils sont, ils savent que l’ordre social repose en partie sur leur travail, qui consiste essentiellement à distinguer les bons pauvres des mauvais. Plus tu as chuté dans l’échelle sociale, plus tu as fait de prison, plus tu es paumé, moins tu mérites ta place dans ce mouvement de contestation. Comme toujours, si tu as fait de la prison, tu retourneras en prison, quant bien même elle serait directement responsable de ta misère actuelle.

    Passer l’examen d’« authentique Gilet jaune » avec succès ne suffit pas pour autant à laver le prévenu de toute « intention » malveillante. Elle peut s’être nichée dans un texto du genre : « Debout les amis, il est 5 heures, on monte à Paris, c’est la révolution. » Ou dans le matériel dont s’est équipée la personne : les protections témoignent de l’intention de se rendre dans un endroit où il y aura des gaz, « si vous le saviez, pourquoi vous y rendre ? » De même que ramasser une balle de flashball ou une grenade qu’on a reçue indique l’intention de la renvoyer sur les forces de l’ordre, etc.

     « Le groupement » : gare aux autres

     En gros, pour le proc, on n’est jamais « là par hasard » : si des gens cassent des vitrines ou jettent des cailloux sur les « forces de l’ordre » là où on est, c’est comme si on le faisait soi-même. En gros, notre présence, notre regard sur la scène (encore plus si nous la filmons) nous en rend complice.

    Le « groupement » peut être constitué dès lors qu’une vidéo montre le prévenu à proximité d’un groupe en capuches – qu’ils soient en train de dégrader quelque chose ou pas à ce moment-là. Il peut même être constitué grâce à une vidéo saisie dans un téléphone pour peu qu’on s’y adresse à un autre manifestant. Dans le cas où aucune image exploitable n’est disponible, le juge demande d’une voix rassurante : « Je cherche à bien comprendre ce que vous avez fait, donc dites-moi : quand vous êtes arrivés, il y avait des gens qui cassaient ? » ; et le prévenu répond, pensant que sa sincérité le protègera : « Oh oui, c’était vraiment le bordel ! Il y en a qui cassaient, mais pas moi ! » Le juge a réussi son coup : la personne a reconnu qu’elle s’est trouvée en compagnie de « casseurs ». Et un groupement de plus !

    Lorsqu’il n’y a vraiment rien dans le dossier, le juge peut s’appuyer sur un « PV d’ambiance » pour constituer le fameux délit de « groupement ». Ce drôle de truc, parfois aussi appelé « PV de renseignement », est un ramassis de considérations d’un agent X sur la situation dans un périmètre donné à un moment donné. Ce PV d’ambiance peut d’ailleurs remonter à deux ou trois heures avant l’arrestation.

    Enfin, il peut y avoir groupement même si la personne a été interpellée alors qu’elle rejoignait sa voiture avec un groupe d’amis, par exemple. Le juge demande d’ailleurs souvent si la personne est venue seule à la manifestation ; et si elle était accompagnée au moment de son arrestation.

    Bref, le « groupement « est LE chef d’inculpation fourre-tout qui permet l’arrestation et la condamnation de masse.

    Néanmoins, les seules relaxés ont été ceux qui ne devaient répondre que de ce seul chef d’inculpation. Certains avocats et avocates ont d’ailleurs bien compris qu’il faut le démonter à toute force et mettre à jour qu’il n’est rien d’autre qu’une remise en cause radicale du droit de manifester.

    Quant aux prévenus qui avaient en plus de ce chef d’inculpation des violences contre agent (avec ou sans dépôt de plainte de l’agent en question), des outrages, des vols ou du recel de marchandise volée, des dégradations de biens – sur la base de flagrants délits, d’aveux en GAV ou de vidéos (parfois filmées par eux-mêmes ou par leurs amis), ils ont tous été condamnés à des peines de prison. Assorties de sursis, ou même à du ferme, avec mandat de dépôt ou non, toujours selon les « personnalités ».

    Nous attendons d’avoir des retours de la part de ceux qui ont été incarcérés pour développer la question de la prison suite à ce mouvement.

    Nous vous invitons à vous rendre dans les tribunaux, à prendre des notes et à échanger avec les autres personnes présentes dans la salle, notamment si les familles des accusés sont là ; vous pouvez renvoyer vers et imprimer ces conseils :

    Quelques conseils pour se protéger en manifs et ailleurs

    SORTEZ COUVERT-E-S : se protéger en GAV

    Que faire quand un-e proche est incarcéré-e ?

     Vous pouvez envoyer comptes rendus de procès, commentaires, questions, informations sur d’éventuels comités de soutien et contacts de prisonniers qui voudraient des coups de main à :

    contact@lenvolee.net

    Twitter : @anticarceral

    Vous pouvez lire ci-dessous certains des comptes rendus des procès auxquels nous avons assisté ainsi que des compte rendus publiés sur différents sites collaboratifs d’informations

    A Toulouse :

    Retour sur les comparutions immédiates du lundi 10 décembre suite à l’acte IV

    Retour sur les comparutions immédiates suite à la journée de samedi 1er

    A Tours :

    Manifestation du 1er décembre : deux personnes condamnées à de la prison ferme et incarcérées

    A Marseille :

    Point sur répression depuis le 1er décembre

    Boucherie au tribunal : communiqué de la Legal Team sur les audiences du 10/12

    A Lyon :

    Comparutions immédiates du lundi 10 décembre 2018

    A Saint-Etienne :

    Rassemblement de soutien aux récent.e.s inculpé.e.s devant le palais de justice

    3 mois fermes pour vol : bilan des premiers procès de samedi

    A Avignon :

    A Paris :

    Appel à aller au TGI de Paris ces lundi 17 et mardi 18 décembre à partir de 13h30

    « A ce rythme-là, vous allez pouvoir mettre toute la France en comparution immédiate » – Récit de deux après-midi au TGI de Paris

    Réveillon au TGI des Batignolles, compte-rendu de compa le 24 décembre

    Témoignage d’une mère d’un Gilet jeune condamné à Paris

    Comptes-rendus d’audiences de comparutions immédiates consécutives à la manifestation des gilets jaunes du 1er décembre.

    Lundi 3 décembre, salle 6.04, de 14 à 20 heures, par M.

    Il y a pas mal de journalistes, comme on pouvait s’y attendre. La juge offre un beau numéro de condescendance de classe, enchaînant blagues et petites vannes aux prévenus qu’elle ne considère visiblement pas comme de mauvais bougres ; ça ne l’empêchera pas de les laminer au moment du verdict. Une heure après le début des audiences, la mairie de Paris fait parvenir à la cour une note dans laquelle elle dit qu’elle se constitue partie civile dans toutes les affaires ; demande finalement rejetée au motif que les parties civiles doivent se constituer nommément pour chaque affaire.

    Presque aucun prévenu ne l’est pour des faits caractérisés. La plupart comparaissent pour « participation à un groupuscule en vue de commettre des violences contre des biens ou des personnes », ou parce que les flics ont trouvé sur eux du matériel de défense : des gants, un plastron de moto, des genouillères, du sérum phy, des masques à peinture Casto, des lunettes de piscine, etc. Plusieurs ont été arrêtés avant d’arriver sur les lieux ; leur « participation » devient donc une « intention de participer » -ce qui ne changera rien aux peines distribuées.

    Parmi les inculpés de cette après-midi beaucoup ont déjà un casier judiciaire : conduite sans permis, accident de voiture, détention de shit. Tous les prévenus viennent de banlieue ou ailleurs en France mais aucun de Paris : Toulon, la Nièvre, l’Essonne, les Ardennes, St-Germain-en-Laye, le Blanc-Mesnil. Ils sont ouvriers ou artisans : deux maçons, deux tourneurs-fraiseurs, un soudeur, un inspecteur qualité, un cariste, un forgeron, un mécanicien, un technicien élec et un préparateur de commandes. L’un d’entre eux a fait la guerre du Kosovo, un autre est un ancien militaire condamné pour désertion. Il y a aussi un fils de flic. La plupart insistent sur le fait qu’ils n’ont rien contre la police, qu’ils ne sont ni d’extrême gauche, ni d’extrême droite, qu’ils n’avaient jamais fait de manif jusque-là, qu’ils condamnent les « casseurs ». Ils disent qu’ils ont bien retenu la leçon et n’iront plus jamais en manif.

    R. est accusé d’avoir participé à un « groupement » alors qu’il a été arrêté à 10h50 -avant de rejoindre la manif-, ainsi que d’avoir apporté un plastron, des gants et un casque de moto. Déjà condamné pour violences et conduite sans permis, il prend quatre mois de sursis et une interdiction de séjour à Paris de huit mois.

    S. : Les flics ont trouvé sur lui un casque de vélo qui viendrait du Décathlon pillé. Déjà condamné quand il était mineur pour incendie et vol de voiture, il prend trois mois avec sursis.

    J., D., G., M. et F. sont eux aussi accusés d’avoir participé à un « groupement » -alors qu’ils ont été arrêtés à 10h30, en descendant de leur voiture-, d’avoir été équipés de sérum physiologique, de lunettes, de masques à peinture, de gants et de petits pétards tout à fait légaux. L’un d’eux, qui a déjà un casier (suite à un accident de voiture), n’est pas éligible au sursis. Il prend trois mois ferme sans mandat de dépôt. C’est la plus grosse condamnation de l’après-midi ; il va faire appel. Les deux qui avaient des pétards sur eux prennent huit mois avec sursis, les deux qui n’en avaient pas en prennent quatre. Tous sont interdits de séjour à Paris pour un an. 

    J. est accusé d’avoir lancé un morceau de macadam sur les flics. Heureusement, lui n’accepte pas la comparution immédiate (c’est le seul). Il passera le 10 janvier à la 23e chambre correctionnelle, salle 3. D’ici là, il est placé sous contrôle judiciaire avec obligation de maintien à domicile (sauf pour se rendre au travail ou à un rendez-vous médical) ; interdit de séjour à Paris, il doit aller pointer toutes les deux semaines.

    F. est accusé d’avoir  participé à un « groupement« , d’avoir un sweat à capuche et des gants. Il est relaxé.

    A. a été arrêté à Bastille. Les flics l’ont fouillé alors qu’il descendait prendre le métro, et il avait un masque à gaz NRBC. Il est accusé de port d’arme de 1e catégorie, parce que c’est du matos militaire. Il est condamné à huit mois de sursis, avec interdiction de porter une arme -toutes catégories confondues- et de venir à Paris pendant un an.

    F. est accusé d’avoir participé à un groupement, d’avoir déplacé une barrière mobile et fait des pochoirs sur les murs. Il s’est pris des coups de matraque : cinq jours d’ITT, il a le visage complètement contusionné. Dans le PV d’interpellation, le flic précise qu’il ne fait pas partie des individus qui s’en sont pris à eux. Il est condamné à six mois de sursis et 500 euros d’amende pour les pochoirs « Marche ou crève », et huit mois d’interdiction de Paris.

    Mardi 4 décembre, salle 6.04, de 14 à 20 heures, par S.

    Aucun des prévenus âgés de 22 à 40 ans ne viennent de Paris : Jura, Alsace ou grande banlieue (Seine-et-Marne). Tous intérimaires ou chômeurs alors qu’ils ont un bac pro ou technique, ou le niveau BTS. Des déclassés des classes moyennes tombés dans la galère alors qu’ils ont fait tout ce qu’il fallait pour trouver un taf. Aucun n’est poursuivi pour violences. Juste parce qu’ils étaient présents avec du matériel (principalement défensif : lunettes, sérum physiologique, masques, gants), ils sont accusés d’avoir « participé sciemment à un groupement formé même de façon temporaire en vue de commettre des dégradations » et tout le blabla… un fourre-tout sorti de la dernière loi sécuritaire. Plus besoin d’actes de dégradation ou autres pour poursuivre : on juge une intention comme aux beaux jours de la loi anticasseurs. Petite modernization toutefois : les portables ont été analysés, et les textos ont valeur de preuve -à charge !

    Arrêté à 19h50 avec du matos défensif et une fronde, le premier prévenu ne connaît personne à Paris. Il a acheté un blouson 30 balles après l’attaque d’un magasin, alors on lui colle une poursuite pour recel. Relaxé pour le port d’arme, il prend douze mois dont six avec sursis sans mandat de dépôt et une interdiction de se rendre à Paris pendant un an.

    Le deuxième a été arrêté près de la Concorde à 17h25 alors qu’il traversait la place en courant ; les flics l’ont bloqué, ont fouillé son sac et trouvé le matos classique. Dix mois dont six avec sursis sans mandat de dépôt. Même s’ils sont aménageables, c’est 4 mois ferme quand même !

    Un troisième prévenu a été arrêté à 19 heures alors qu’il était arrivé sur Paris à 16 heures. Comme il ne connaissait personne, il a suivi un groupe et s’est retrouvé près du Palais des congrès –dont le directeur a porté plainte. Accusé d’avoir conduit un Fenwick, il est poursuivi pour le vol d’un engin de chantier avec lequel il aurait tenté de forcer les portes du bâtiment. Des vidéos le montrent bien à côté de l’engin, mais lui déclare qu’il a au contraire actionné le frein à main pour arrêter l’engin. Il avait 3 cailloux dans sa poche. Six mois avec sursis, et six mois d’interdiction de séjour à Paris.

    C’est ensuite au tour d’un gars venu d’Alsace avec un pote pour “voir de ses yeux”. Impressionnés par le speed de ce qui se passe autour, ils sont entrés dans un rade pour suivre le reste à la télé et se sont un peu bourré la gueule… sorti du rade, le mec passe un coup de bigo à sa copine, adossé à une vitrine. Enervé, il fout un coup de semelle dans la vitrine qui était déjà fêlée. À l’intérieur, le gérant appelle les condés qui le suivent, lui et son pote ; ils sont arrêtés quand ils sont en train de chercher un hôtel. Le gérant n’est pas présent à l’audience et ne s’est pas porté partie civile. Soixante jours amendes à 5 euros.

    Venu du Jura avec des potes, le cinquième à comparaître a dormi la veille chez sa mère avant de se retrouver à la manif. Il se mange une accusation de recel parce qu’on a trouvé sur lui des bouteilles d’alcool à son arrestation près d’un magasin Nicolas pillé. Sa GAV ne lui a été notifiée qu’à 23h25 alors qu’il a été arrêté à 20 heures. Le proc soutient qu’il a été arrêté à 23h25, parce qu’à cette heure-là, ça pétait dans le coin. Il prend trois mois avec sursis pour le recel des bouteilles. Il n’a pas participé à la manif mais exprime le désir de rencontrer les gens: il a acheté les bouteilles pour les partager, car “il aime les gens”. Visiblement ce n’est pas le cas du proc !

    Dans l’ensemble, le proc a eu la main lourde: il a plusieurs fois demandé de la prison ferme avec mandat de dépôt.

    Et si, la plupart du temps, il n’y a pas eu de mandat de dépôt et que ça semblait soulager les prévenus, il ne faut pas se faire d’illusion : c’est un peine ferme. D’une part ce n’est pas sure qu’elle soit aménagées et donc les accusés la feront peut être en prison ; et même si elle est aménagée, ils la feront, d’une autre manière mais ils la feront et cela pèsera dans leur vie.

    D’autre part, à l’échelle collective le fait de multiplier le ferme sans mandat de dépôt, ajoute un barreau intermédiaire à l’échelle des peines entre le sursis et le ferme ; ce qui veut dire que souvent, là où un proc aurait requis du sursis, il requiert du ferme.

    Les prévenus semblaient aussi accusés de soutenir le mouvement : plusieurs fois, un assesseur a demandé : « Et maintenant, quelle est votre position par rapport au mouvement ? ». Tous ont dit regretter, ne plus être solidaires, et qu’ils allaient suivre la suite à la télé. On peut constater que la zone « sécurisée » des Champs a eu une double fonction : contenir les manifestants tout en maintenant l’illusion du « droit fondamental de manifester », mais aussi servir d’indicateur de la volonté d’en découdre. Le proc a dit plusieurs fois: « Mais autour de vous, vous les voyiez, les violences… Vous auriez dû partir ! Si vous étiez un manifestant pacifique, vous auriez dû vous trouver dans la zone sécurisée. » Deux journalistes, dont une qui bosse à Radio France : « Non, mais c’est la récré : des frondes, des masques à gaz… -Le procureur à raison : c’est pas une manif, c’est l’émeute ! -La police a raison de mettre de l’ordre. »

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  • Communiqué de prisonniers de Fleury en réponse aux blocages des matons

    Nous, prisonniers, condamnés  ou prévenus, enfermés à la maison d’arrêt de Fleury Mérogis, lançons un appel contre la conquête sécuritaire qui se joue en ce moment à travers les mobilisations des surveillants de prison dans toute la France.

    Cet appel vise également à construire une force collective entre les détenus en lutte et à l’extérieur. Depuis plusieurs jours, des surveillants de prisons bloquent les entrées des maisons darrêt, centrales et centres de détention du territoire français. Ici, à Fleury Mérogis, l’établissement est régulièrement paralysé depuis le début de semaine par plusieurs dizaines de surveillants, empêchant les parloirs avec nos familles, parfois venus de loin, empêchant les extractions dans le cadre des procédures judiciaires (bloquant les anagements de peine), l’entrée des avocats, les cantines, les cuisines, le nettoyage et toutes les activités dédiées à la prétendue « réinsertion ». Leurs revendications sont simples, ils réclament plus de moyens et plus de sécurité pour le personnel pénitencier, ce qui se traduit concrètement par un armement généralisé des surveillants, l’imposition de menottes aux détenus lors de leurs déplacements hors des cellules, et des restrictions conséquentes de nos libertés et de nos droits, pour le peu qu’il en resteLeur mouvement fait suite à diverses manifestations supposées de violence depuis quelques temps, qui, si elles existent, ne sont que des actes isolés, bien souvent en réponse à une violence bien plus importante de l’institution carcérale et de l’État en général. Depuis une semaine, nous assistons à une surmédiatisation d’événements sporadiques et minimes sur toutes les chaînes de télévision, sur fonds d’antiterrorisme. Une insulte devient une agression, une bousculade un passage à tabac et un retard en cellule une mutinerie. Et nous voyons ainsi défiler ces mensonges sur BFM depuis le week-end dernier. Les surveillants et leur syndicat, interviewés par les médias, ont psenté la prison comme un« sanctuaire de criminels » où les détenus avaient« pris le pouvoir » dans des zones totalement abandonnées par les pouvoirs publics. Mais cette stratégie de désinformation ne s’arrête pas là et se couple à des actions bien réelles à l’encontre des détenus.
     
    Ce jeudi 18 janvier au matin, alors que tous les parloirs avaient été annulés, que les activités n’avaient pas lieu et que nous étions séquestrés en cellule, sans information et sans même avoir été nourris, l’administration a finalement décidé, en réponse aux mobilisations de leur personnel, de lancer une nouvelle entreprise de terreur comme on n’en voit qu’en prison à l’encontre des détenus, et alors que rien ne s’était encore passé. Vers 11h, plusieurs dizaines de surveillants et d’Eris, armés, cagoulés et près à intervenir  étaient déployés dans toute la prison. Alors que les départs en promenade se faisaient sous pression, ponctués de coups de matraque et de bouclier, de fouille à nu arbitraires et d’insultes diverses, nous avons décidé de nous organiser contre ces violences gratuites, exercées pour satisfaire des surveillants en mal de reconnaissance. Sur le bâtiment D2, nous étions plus d’une centaine à refuser de réintégrer nos cellules à l’appel de fin de promenade, qui avait été réduite à 45 minutes au lieu des deux heures quotidiennes. Sur le bâtiment D1, c’est cette fois l’administration qui nous enfermait plus de 4h en promenade, pour prévenir un risque de blocage et en profiter pour fouiller une bonne partie des cellules. Dans les autres bâtiments, nous tentions plusieurs blocages, la plupart mis en échec par l’intervention violente des Eris.  À travers ces blocages, nous voulons exprimer notre droit à manifester, qui nous a été arraché lors de notre incarcération et nous voulons lancer un message vers l’extérieur, contre ce qui se joue en ce moment devant les prisons françaises : l’invisibilisation des violences quotidiennes à l’encontre des détenus, insultes régulières, coups, pressions administratives, les suicides réguliers, les piqûres forcées, les cellules enflammés comme à Fresnes il y a quelques jours, et même les viols, comme à la MAF ou à Meaux il y a quelques mois. Mais également, la stratégie des surveillants qui rappelle celle des policiers qui manifestaient illégalement, masqués et armés, en direction des lieux de pouvoir à l’automne 2016 au cri de « la racaille en prison ! », pour réclamer et finalement obtenir un nouveau permis de tuer.
     

     À travers ces actes de résistance collective, nous nous mobilisons contre cette répression grandissante et contre l’entreprise sécuritaire de l’État pénal. Mais pour ce faire, nous avons besoin de construire une force collective, et que nos luttes soient entendues et relayées à l’extérieur. La violence, la vraie, elle est du côté de la prison, de la justice et de la police, qui frappent, séquestrent et légitiment ces exactions. La violence, c’est l’État.

     
    Nous ne sommes pas des bêtes, nous sommes des êtres humains, et nous refusons d’être enfermés et renvoyés à des faits qui feraient de nous des parias, sans droits et sans dignité. Nous en appelons aujourd’hui à toutes celles et tous ceux qui, à l’extérieur, luttent contre les violences d’État. Nos mobilisations sont vaines si nous ne sommes pas soutenus et si les acteurs des luttes actuelles ne se font pas écho de nos combats. En effet, nous payons le prix fort de ces blocages, la vengeance de l’administration est terrible, plusieurs personnes ont d’ores et déjà été envoyées au mitard, le quartier  disciplinaire, et nous savons tous que nos conditions de détention seront rendues encore plus difficile, du seul fait d’avoir refusé ces injustices. Par ailleurs, nous avons besoin que des mobilisations fortes appuient nos mouvements, car l’administration sait qu’elle a les moyens de nous faire taire, en chargeant nos dossiers en vue de nos procès à venir ou en refusant nos aménagements de peine.
     

    Ce texte ne s’adresse ni aux institutions, ni aux défenseurs des soi disant droits de l’homme et des politiques traditionnelles car à nos yeux, il n’existe pas de prisons « plus  justes ». C’est un appel à toutes celles et tous ceux qui, au printemps 2016, se sont soulevés contre la loi travail ; car nous aussi, nous sommes les premières victimes d’une pcarisation massive qui nous a contraint à choisir entre la misère et la prison. C’est un appel à celles et ceux qui luttent contre le racisme, car nous aussi sommes les premières cibles d’un racisme d’État qui enferme toujours les mêmes personnes, des jeunes non blancs, parqués dans les prisons françaises. C’est un appel à celles et ceux qui luttent contre les violences policières, car nous sommes ceux qui subissent depuis toujours les violences des forces de police et nous sommes ceux qui se lèvent toujours lorsqu’un de nos frères tombe sous les coups ou sous les balles des forces de l’ordre.

     
    Mobilisons nous, à l’intérieur comme à l’extérieur des prisons. Construisons une vraie force contre la répression en bloquant et en perturbant les institutions répressives et les politiques sécuritaires. Brisons le silence de la prison, et brisons les chaînes qu’elle nous impose.

    Liberté pour toutes et tous.

    Un collectif de détenus incarcérés à la maison d’arrêt des hommes de Fleury Mérogis.

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  • ÉMISSION DE L’ENVOLÉE DU 05 JANVIER 2018

     

        • Lettres : Gaetan A. (Lannemezan) ; message de Dan à un proche à Fresnes
        • Appel : Julian parle de la mort récente d’un homme Albanais au centre de rétention de Cannais (Marseille)
        • Brèves : Bonne année, bonnes nouvelles ! Feux d’artifices, manifestations, révoltes et évasions…
        • Point juridique : Procès d’A. ; arrestation d’étrangers en CHU ; téléphones en prison et écoute généralisée ; peines planchers …

    Zics : Sinik – D.332 / Salif – Pour les potes incarcérés / Ministère Amer – Cours plus vite que les balles / Casey – Une lame dans ma veste


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  • ÉMISSION DE L’ENVOLÉE DU 01 DECEMBRE 2017

     

        • Lettres : Serge, rendu handicapé par la prison ; Gaetan depuis l’HP de Cadillac (Bordeaux) ; Najy de Saint-Maur ; Alain de Vercruyssen
        • Appel : Une membre du collectif Justice et Vérité pour Babacar Gueye, assassiné par la police le 3 decembre 2015, revient sur les circonstances de sa mort et sur l’histoire du collectif vérité et justice. Marche commémorative le 02/12 à Rennes, départ 14H de République.

     


    Zics : Kofs – Paradis / Shtar Academy – Wesh les Taulards / Sianna – Bellek / Stupeflip – A bas la hiérarchie


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  • « L’OPPRESSION EST CONSTANTE » Lettre de Romain depuis la centrale de Condé sur Sarthe. Juin 2017

    « Avec cette lettre motivée, je viens à vous qui êtes à l’extérieur afin de faire entendre nos voix. Je suis un des détenus longues peines de France actuellement incarcérés dans une des maisons centrales ou quartiers maison centrale (QMC) telles que Valence, Réau, Condé-sur-Sarthe et Vendin-le-Vieil. Ces nouvelles structures sont en fait des QHS (quartiers de haute sécurité) ou des QSR (quartier de sécurité renforcée). Les nouvelles prisons françaises sont copiées sur le format canadien, et se dirigent vers l’américanisation. Ces systèmes pénitentiaires ultra durs sont basés sur des fonctionnements répressifs et pervers. Nous sommes passés de personnes détenues à bétail. Certains diront aussi : cobayes. Nous ne sommes pas considérés comme des humains, ni des citoyens. Torture psychologique, psychique, voire même physique lors des fouilles à nu qui sont pourtant interdites et abusives. Je ne détaillerai pas concrètement car je ne suis pas un écrivain et pour ne pas vous fatiguer par une trop longue lecture, ni me perdre dans mes propos. Je souhaite, et nous souhaitons, attirer votre attention, à vous qui êtes dehors, car nous, à l’intérieur, nous sommes muselés, bâillonnés : la liberté d’expression en prison n’existe plus, alors que dehors des gens se battent et meurent pour cette dernière. Dans ces prisons dites modernes, chaque déplacement d’un détenu est accompagné par plusieurs surveillants. Minimum trois, voire cinq surveillants et plus, pour aller en promenade, au sport, à l’infirmerie, au parloir, etc. Toutes les portes nous sont fermées manuellement et électroniquement. Les escortes sont permanentes, l’oppression est constante. Nous sommes aussi des personnes, des humains : l’oppression, la frustration, la stigmatisation mises en place par la pénitentiaire, la sursécurité font que certains craquent parfois, et les rares fois où des violences sont commises sur le personnel, elles sont surmédiatisées par les syndicats FO et CGT pénitentiaire, nous faisant passer pour des gens dangereux, violents et mauvais aux yeux de la société. Mais nous, détenus, nous ne pouvons pas répondre face à ces accusations honteuses, voire certaines fois calomnieuses. J’affirme, et nous affirmons, que le peu de violence qu’il y a vient de ce système et de certains surveillants qui se bornent à l’appliquer outrageusement. Le mal-être est constant, grandissant, et les prisons sont au bord de l’implosion. Il est plus que temps de changer ce système archaïque. Les bâtiments sont neufs, et modernes, mais le fonctionnement et les règlementations internes sont indignes. Les années 1970-1980 sont finies, révolues, on est en 2017 ! La stigmatisation des communautés est systématique, le rassemblement des communautés ne leur convient pas. Par exemple, si je marche avec un détenu venant des DOM-TOM, c’est systématiquement parce que je cherche une lame ou un pic ; si je marche avec un détenu musulman, alors c’est que je suis sur la voie de la conversion. Si je marche avec un détenu venant du banditisme, alors c’est pour m’évader ou préparer un sale coup. Pour la pénitentiaire, chacun doit rester dans sa communauté. Cette montée vers le format carcéral américain va donner lieu à des gangs interracials. Moi par exemple, je ne suis pas sectaire, et j’aime partager avec les détenus qui n’appartiennent pas à la même communauté que moi – ce qui reste hors de question pour la pénitentiaire qui ne cherche qu’à nous parquer, et dans le même temps bafouer tous nos droits de citoyens français. Il y a tant à dire sur ces nouvelles prisons longues peines françaises, mais rien n’est aussi fou que de le vivre. J’ai commis des délits, parfois graves, j’ai des responsabilités, j’en paie la dette à la société. Étant privé de liberté, certes, je n’en reste pas moins un citoyen français avec ses droits. Madame, Monsieur, vous qui avez lu cette lettre, nous avons tout essayé pour nous faire entendre : recours administratifs, courriers au ministère, au Contrôleur des lieux de privation de liberté, à l’OIP, aux autorités responsables, des sit-in pacifiques, des mutineries, afin de dénoncer nos conditions de détention ; cela n’a rien changé, et parfois ça nous retombe dessus. Nous voudrions, si des personnes se sentent de nous aider, continuer à dénoncer les conditions de détention et les fonctionnements archaïques type QHS/QSR des établissements cités dans cette lettre. Alors multipliez les manifestations devant ces lieux et devant les ministères concernés. Avec médias à l’appui, comme eux le font systématiquement contre nous. Que les détenus se réveillent aussi, car cela ne va faire qu’empirer pour nos proches et nous-mêmes. Pour ma part, et ceux qui m’auront reconnu, je tiens à remercier L’Envolée, toutes les radios qui se préoccupent des détenus, ainsi que toutes les personnes qui se sont déplacées lors de mon jugement en appel à la mi-juin 2017. Je compte sur vous tous pour que cette lettre soit diffusée sur les radios, les réseaux sociaux, la télé même, les journaux ; qu’elle soit entendue et comprise de tous afin que la vérité éclate. Merci. »

    Romain L.

  • ÉMISSION DE L’ENVOLÉE DU 14 AVRIL 2017

     

    • Lettres Antonin après sa sortie de Fleury-Mérogis / Georg de la MAH de Mulhouse / Yannick du CP Le Craquelin à Châteauroux
    • Appels : Lydia, sur ses problèmes au CP de Châteauroux et lecture d’une lettre de son fils / Nab, sur son passage au CP de Châteauroux
    • Retour : Sur le rassemblement devant Fleury-Mérogis le 8 avril

    Zics : Aretha Franklin- Think / Kery James – Je ne suis pas un héros / Julio Iglesias – Vous les femmes


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  • « Ici nous vivons sous la contrainte permanente, torturées quotidiennement, oui, torturées, parce que cela n’a pas d’autre nom. » Marina, Fleury-Mérogis, mai 2016

    Fleury-Mérogis, en bas à gauche la maison d’arrêt des femmes

    Il y a un an, au début du mois d’avril 2016, des prisonnières de la maison d’arrêt des femmes (MAF) de Fleury-Mérogis entamaient une lutte contre le durcissement de leurs conditions de détention. Au prétexte d’uniformiser les régimes des hommes et des femmes, l’administration pénitentiaire mettait en place le logiciel Genesis (Gestion nationale des personnes écrouées pour le suivi individualisé et la sécurité). Sa mise en place a eu pour effet immédiat de supprimer une promenade par jour, de réduire l’accès aux parloirs, aux activités et de limiter les contacts que les prisonnières pouvaient avoir entre elles (lire ici).

    En plein mouvement contre la « loi travail », la publication des lettres des prisonnières en lutte à Fleury avaient incité des personnes de l’extérieur à inonder de courriers le directeur de la MAF, à se rassembler devant la prison et à témoigner de leur solidarité. Dans la foulée, des prisonnières de Fresnes avaient collectivement dénoncé l’autoritarisme des surveillantes.

    Dans un long dossier publié dans le numéro 44 du journal nous avions rendu compte de cette lutte de prisonnières ainsi que des allers-retours entre l’intérieur et l’extérieur qui ont donné du souffle et de l’écho à ces mobilisations (lire ici et ici). Le logiciel de gestion de la détention a finalement été mis en place, certaines prisonnières ont subi de longues semaines d’isolement en représailles (lire ici) et le mouvement s’est essouflé… mais il reste exceptionnel par sa durée et sa vitalité. Alors que le groupe anticarcéral « les Trois passants » vient d’organiser à Toulouse une très belle journée de rencontres sur le thème « des femmes face à la prison », nous avons décidé de republier une longue lettre de Marina, qui revenait sur la vie à Fleury avant le début du mouvement. Vous pouvez par ailleurs écouter la dernière émission de l’Envolée pour avoir des nouvelles de Marina actuellement enfermée à la prison de Rennes.

     

    Maison d’arrêt des femmes de Fleury– Mérogis, le 10 mai 2016

    Je suis arrivée a la MAF(maison d’arrêt des femmes) de Fleury-Mérogis en 2006, et en 2016, après un petit tour par d’autres prisons, je suis encore là. J’ai donc vu l’évolution (ou plutôt l’involution) de cette maison d’arrêt, qui tombe en lambeaux depuis des années déjà : douches pourries, murs pleins de moisissure, morceaux du mur extérieur qui tombent sur la cour de promenade… dégradation matérielle qui vient s’ajouter à la dégradation psychique d’une administration malade de sécurité et de contrôle. Pendant des années, l’AP a laissé pourrir cette prison parce que, soi– disant, de grands travaux de renouvellement étaient prévus pour… 2012. Après, ça a été reporté jusqu’en 2014. Nous sommes en 2016, et après avoir fait des travaux à la maison d’arrêt des hommes et au centre des jeunes détenus, il semblerait qu’il ne reste plus de budget pour rénover la MAF. Cela ne les a pas empêchés de dépenser de l’argent pour renforcer les mesures sécuritaires : barbelés, caméras, portiques, construction d’une nouvelle cage (impossible d’appeler ça une promenade) pour isoler les mineures… pour cela, oui, il y a de l’argent.

    La MAF de Fleury a été construite en 1968, c’est donc une prison ancienne. Elle fait partie d’un programme pilote qui prétendait tenir compte des caractéristiques spécifiques des femmes, – dans l’optique hétéropatriarcale, en nous considérant comme des êtres faibles à protéger. Juste pour donner quelques exemples : dans les quartiers des hommes il y a des matons et des matonnes, mais chez les femmes il y a seulement des matonnes ; les vêtements trop courts, un peu transparents, les décolletés, ou même le fait de ne pas porter de soutien– gorge font l’objet de remarques et de prohibition ; les activités proposées sont orientées vers des occupations dites « féminines » : patchwork, tricot, couture, soins corporels, etc. ; enfin les parloirs avec des proches masculins sont doublement surveillés. Autre particularité ; les fenêtres des cellules n’ont pas de barreaux – peut-être nous croit-on incapables de tenter une évasion. Elles sont grandes, dégagées, ce qui permet de voir un grand morceau de ciel, mais en revanche, ce système ne permet pas d’aérer la cellule parce que la fenêtre ne s’ouvre que de dix centimètres en bas et en haut – à peine la place pour sortir l’étendoir.

    Cette maison d’arrêt est donc construite à l’ancienne : une promenade avec de l’herbe, deux ou trois arbres… il y a des grilles pour séparer la promenade des fenêtres des cellules, mais elles ne sont pas assez hautes pour empêcher de s’envoyer un peu de tabac ou du café ; il y a encore des douches collectives et aussi des espaces où objets et histoires se sont accumulés au fil des années. Je dis cela parce que j’ai connu des prisons récentes et qu’elles sont toutes en béton, grises, sans vie ni histoire, aseptisées, cloisonnées, froides, compactes, grillagées… et ça fait une grande différence.

    Le fait est que la structure de la prison ne permet pas encore de nous isoler autant que l’AP le voudrait – alors comment empêcher le contact et la communication ? Comment mettre en place de nouvelles mesures sécuritaires ? En limitant nos mouvements au maximum, en nous isolant de plus en plus en cellule.

    A mon avis, c’est dans cette logique que le système de promenade unique et les changements qui vont avec ont été conçus.

    A l’intérieur, nous sommes à peu près 260 femmes. Il y a une aile arrivantes, 3 ailes pour les prévenues, 3 ailes pour les condamnées, une pour les mineures – elles sont entre 15 et 20 à galérer dans un espace exigu, persécutées et fouillées sans cesse par les matonnes à la recherche de tabac, avec un seul jour de sport par semaine et des conditions vraiment pénibles… Ça mériterait tout un texte a part ! Et il y a la nursery dans un espace complètement différencié. Dans chaque aile il y a 20 ou 30 cellules de 9m2, avec un lit superposé pour 2 personnes, mais aussi des cellules collectives de 6 lits. Être seule en cellule, pour celles qui le veulent, c’est considéré comme un cadeau que l’AP te fait. Les cellules sont en très mauvais état : la peinture tombe, il y a de la moisissure sur les murs, il manque des carreaux au sol. Il y a quelques cellules dans lesquelles le soleil ne rentre jamais, ce qui les rend très froides et humides en hiver. ll y a un chauffage au sol, mais il ne marche pas dans toutes les cellules. D’autres, au contraire, sont orientées est – ouest, et en été elles sont en plein soleil pendant des heures et des heures.

    Dans les cellules, le mobilier est composé de deux ou trois armoires, une ou deux tables, des WC séparés par un rideau, un bidet et un lavabo. II y a une seule prise de courant tout en haut, au plafond, ce qui nous oblige à mettre des rallonges bout à bout pour brancher la bouilloire, la plaque électrique, le poste de radio, la télé, etc. L’installation étant ancienne, ça pète souvent, à la moindre surcharge. C’est l’excuse de l’AP pour ne pas installer de frigos et limiter l’accès aux appareils électriques (sèche-cheveux, lecteur DVD, etc.). Dans la cellule, il n’y a pas de système d’alarme ni d’interphone, ce qui veut dire que si quelqu’une a une urgence ou fait un malaise, nous sommes obligées d’alerter nos voisines et de taper sur les portes toutes ensemble jusqu’à être entendues par les matonnes, qui peuvent prendre tout leur temps pour venir. Les repas sont distribués en cellule ; ici, ça marche encore à la louche. Composés de produits en boîte ou surgelés, ils sont répétitifs, ni variés ni équilibrés et toujours en quantité insuffisante ; parfois il y a de la salade ou un fruit, Ici chacune mange seule en cellule, impossible de partager un repas, ni même un café. Pour faire passer de la nourriture d’une cellule à l’autre, ça dépend toujours de la matonne, et il n’y en a pas beaucoup qui acceptent de le faire. Nous pouvons faire la cuisine en cellule avec des produits que nous achetons à la cantine – pour celles qui ont de l’argent, bien sûr. Il n’y a pas beaucoup de variété, mais il y a pas mal de fruits et légumes, et de ce côté-là, ça passe ; j’ai vu pire, surtout dans les prisons semi– privées, où les prix explosent. Comme nous n’avons pas de frigo, en été nous devons consommer tous les produits périssables en vitesse ou de bien regarder s’ils ne sont pas pourris. Pas de boisons fraiches non plus.

    En ce qui concerne l’hygiène, nous avons droit à trois douches par semaine, mais celles qui vont à la salle de sport peuvent se doucher là-bas aussi. Dans mon bâtiment, les deux ailes – à peu près 60 femmes – doivent se partager 6 douches. Les murs sont sales et le nettoyage inexistant, le seul changement des dernières années a été de passer une couche de peinture sur les murs pourris, mais maintenant la peinture tombe, et cela augmente encore la sensation de saleté ; il n’y a pas assez d’aération ; les dalles en plastique disposées au sol ont disparu : nous les avons sorties dans le couloir il y a quelques mois pour protester parce qu’elles étaient noires de moisissure et pleines de petites bêtes qui couraient en dessous ; nous ne pouvons pas régler la température de l’eau, et comme il n’y a pas assez de pression, il n’y a qu’un petit filet d’eau qui sort.

    Avant, il y avait un salon de coiffure géré par une surveillante et deux auxiliaires, mais il y a deux ans, le salon a été fermé, et depuis lors il n’y a plus de service ; alors chacune se débrouille comme elle peut pour se faire couper ou tresser les cheveux… Suite à nos protestations des derniers jours pour dénoncer la dégradation de nos conditions de vie en général, il semblerait que la direction envisage de rouvrir le salon, mais pour l’instant il n’y a rien de fait.

    Tous les produits d’hygiène corporelle doivent être achetés, car ce qu’on appelle partout la « trousse mensuelle »(deux rouleaux de papier toilette, un gel de douche, un paquet de mouchoirs, un peigne, une savonnette, des serviettes hygiéniques, une brosse à dents et un tube de dentifrice) n’est maintenant distribuée que deux ou trois fois par an. Pour le nettoyage des cellules, nous recevons chaque mois (sauf quand il y a la trousse) un flacon de liquide vaisselle, un autre pour faire la lessive, une éponge à récurer et une dosette d’eau de javel. Avant, il y avait un service payant de lingerie, mais il a été supprimé il y a des années déjà, donc nous lavons tout notre linge dans de petites cuvettes.

    Le plus gros de la journée, nous le passons enfermées en cellule. Quand il n’y a ni sport ni activités pour cause de vacances, week-end, annulations, etc., le seul moment que nous avons pour nous rencontrer, c’est la promenade.

    Les condamnées et les prévenues sortent dans des promenades différentes. Avant la séparation prévenues – condamnées en 2009, nous sortions ensemble, une heure le matin, et deux heures l’après-midi en horaire d’hiver – trois heures en horaire d’été. Après, l’horaire d’été a été supprimé et elles ont mis deux tours de chaque côté. Le temps de promenade est compté dès que les matonnes démarrent les mouvements, alors la dernière à sortir peut perdre 15 à 20 minutes de promenade. Et pour rentrer, c’est pareil : si la promenade doit finir par exemple, à 11 heures, la surveillante va appeler à 10 h 50, afin qu’à 11 heures tout soit fini. Avec le système de promenade unique, il y a des jours où nous passons vingt-deux heures consécutives enfermées en cellule, et cela a des conséquences à tous les niveaux.

    La promenade est l’espace des échanges, où on peut se dépanner les unes les autres d’un peu de tabac, discuter avec les copines, passer un appel, marcher ou faire un peu de sport, s’allonger dans l’herbe, partager de bonnes ou mauvaises nouvelles, évacuer l’angoisse, respirer de l’air frais… Et les heures sont longues en cellule, surtout quand il fait beau a l’extérieur.

    La chaleur est insupportable et te laisse dans un état de fatigue physique permanente aggravée par le manque de mouvement. En cellule, tu passes de la chaise au lit, du lit à la chaise, et le corps en subit les conséquences. Il faut être très motivée pour faire du sport sur même pas 2 mètres carrés (le seul espace qui reste dégagé). Psychologiquement, c’est très dur, car tu ne peux jamais « déconnecter » : toute l’activité se passe dans la tête, et même si tu es une personne qui aime lire, écrire ou étudier, il arrive toujours un moment où il faut que tu bouges, que tu communiques, que tu changes d’activité. Et en cellule, il n’y a pas beaucoup d’options pour cela. En plus, dans le couloir, il y a constamment des mouvements et des bruits qui t’empêchent de te concentrer. Dès le premier contrôle à 7 heures du matin, la prison te tombe dessus, le bruit des serrures, le claquement des portes, les matonnes qui se parlent entre elles en criant d’un bout à l’autre du couloir, la sortie de la poubelle, la distribution des bons de cantine, du pain, du courrier. En une matinée, on peut t’ouvrir la porte au moins dix fois. En plus, il y a des matonnes qui t’obligent à te déplacer jusqu’à la porte pour récupérer ce qu’elles ont à distribuer. Si tu ne te lèves pas pour prendre le pain, tu restes sans pain toute la journée ; c’est comme ça, à Fleury.

    Sur les matonnes et le personnel pénitentiaire en général… que dire ? Qu’elles ont une apparence humaine et que cela nous confond parfois. On croirait qu’en tant que personnes, elles peuvent raisonner, argumenter, être sensibles, comprendre des situations graves et agir en conséquence, avoir de l’empathie… Mais non, il semblerait qu’en signant le contrat avec l’Etat, elles échangent leur cerveau contre un règlement et lui jurent obéissance absolue. Les effets sont dévastateurs. Nous avons vu mille fois le processus de dégradation d’une jeune stagiaire parfois arrivée toute fraîche et souriante, croyant venir faire du « social », ou l’autre extrême, la version apeurée et raide, venue protéger la société de toute cette racaille. Toutes découvrent très vite la parcelle de pouvoir qu’elles acquièrent avec l’uniforme, c’est-à-dire le pouvoir de décider si tu sors ou pas, si tu appelles, si ton attitude est suspecte et si tu dois être fouillée, si ton attitude est indécente et doit faire l’objet d’un rapport, si tu passes trop de temps sous la douche, en bref le pouvoir d’imposer quelque chose à quelqu’un, et elles y prennent goût rapidement. Maintenant, elles sont l’AUTORITé ! Et qu’importe si la matonne sort de sa poche une nouvelle règle sortie de son interprétation personnelle du règlement, ou même de sa vision du monde personnelle : tous les bleus se couvrent systématiquement entre eux et c’est sa décision qui va finir par s’imposer.

    Pour nous, les DPS (détenues particulièrement signalées), le contrôle est total jour et nuit : tous nos mouvements sont notés dans des cahiers aux ronds-points intérieurs, où nos photos sont affichées. Il y est noté aussi avec qui nous parlons en promenade, avec qui nous nous promenons, ce que nous faisons… La nuit, nous subissons des contrôles toutes les deux heures, les surveillantes allument la lumière, certaines d’entre elles font claquer l’œilleton, frappent parfois à la porte pour nous faire bouger – cela pendant des années et des années. Nous sommes fouillées par palpation et nous devons passer sous les portiques détecteurs de métaux pour sortir en promenade, pour nous rendre aux parloirs famille et avocats, et même pour faire des photos. Nous subissons encore la fouille à nu à la sortie des parloirs, ainsi qu’à chaque extraction au palais ou à l’hôpital, et à chaque fouille de cellule.

    Nous avons imposé des limites, et nous n’acceptons pas certaines choses, comme les demandes de montrer l’intérieur de la bouche, retirer le tampon ou montrer ses fesses, mais ceci suppose toujours un moment de tension qui peut bien te gâcher ton parloir ou ta journée. Les matonnes contrôlent aussi le sac que nous emportons au sport, et parfois même la bassine pour aller à la douche. A tout cela il faut ajouter le contrôle de toutes nos communications écrites ou téléphoniques.

    Ici nous vivons sous la contrainte permanente, torturées quotidiennement, oui, torturées, parce que cela n’a pas d’autre nom.

    Il y aurait plein d’autres choses à dire, mais j’espère qu’avec ça vous pourrez vous faire une idée de comment nous survivons ici. Je ne vous ai pas parlé du mitard parce qu’ils ont fermé l’ancien et que nous ne connaissons pas encore le nouveau, mais ne vous inquiétez pas, peut-être que nous pourrons bientôt vous en dire quelque chose…

    Demain, les 4 d’entre nous qui avons été choisies comme bouc-émissaires, allons passer en commission disciplinaire à cause des blocages, et nous ferons sûrement l’objet d’une lourde punition. Rien de nouveau, cela nous le savions déjà. L’AP ne tolère pas l’insoumission, et encore moins quand elle est collective. Elle nous impose des mesures de sécurité toujours plus strictes et veut que nous avalions tout sans protester ; quand nous ne le faisons pas, toute la machinerie répressive se met en route pour nous écraser. C’est le modèle régnant : obéir et se taire.

    Contre cela, il nous reste toujours l’immense plaisir de désobéir et de crier bien haut que « non ! », on ne va pas tout avaler, et qu’il n’y a pas de grillage ni de mur assez hauts pour enfermer notre détermination !

    Salutations à toutes les rebelles.

    A bas les murs des prisons !

    Marina

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  • Lourdes peines et répression des soutiens au procès de la deuxième mutinerie au QMC de Valence

    Vendredi 10 mars 2017 se tenait le procès de deux prisonniers, Romain Leroy et José Torres, accusés d’être les auteurs de la mutinerie du 27 novembre 2016, au sein du Quartier Maison Centrale du nouveau centre pénitencier de Valence. En l’espace de deux mois, fin 2016,  deux mutineries éclataient et révélaient les conditions de détention drastiques et inacceptables, que subissent les prisonniers longues peines stockés par l’AP dans ces nouveaux QMC. Comme au premier procès, le tribunal est bouclé et les soutiens empêchés de rentrer. Pire qu’au premier procès, les deux accusés mangent de lourdes peines. Eléments de non compte-rendu… encore un.

    Appel à solidarité avec les mutins et rendez-vous devant le tribunal

    Adeline, la compagne de R. Leroy avait appelé à un large soutien notamment lors d’entretiens téléphoniques avec les radios de l’Envolée et Papillon (vous pouvez écouter l’émission de l’Envolée du 20 janvier et celle de Papillon du 2 février ). On y entendait sa détermination, son envie de lutter  : elle refusait que son compagnon et son co-accusé ne se fassent massacrer. Le jour du procès, elle a les yeux qui brillent, elle a même la pêche car c’est « son jour à elle aussi », son jour de lutte partagée contre la pénitentiaire. Elle s’est bougée pour réunir ce monde en soutien. Devant le tribunal, nous rencontrons la famille de José . Dès l’arrivée du fourgon où se trouvent les prisonniers, toute une équipe de cousins, sœur, père montent au portail qui sépare la rue de la cour du tribunal pour se faire entendre de José. Ils arrivent même a prendre une photo.

    Un procès public transformé officieusement en huis-clos

    Comme au procès de la première mutinerie, c’est une armada de flics sur-armés qui bloquent l’entrée du tribunal. Il nous est impossible de passer la porte, encore moins d’accéder à la salle d’audience.  A moins d’avoir la carte de presse des médias à la botte de l’Etat, un écusson de l’administration pénitentiaire, ou un bête uniforme bleu. Seuls quelques proches des prisonniers pourront rentrer en prouvant leur lien familial avec une carte d’identité. Les flics laissent planer le doute sur le fait de laisser entrer à l’audience Adeline, la compagne de Romain Leroy pour affirmer leur autorité et faire monter la pression sur elle, sur lui et enfin sur nous … Le procès commence, elle ne peut toujours pas entrer dans la salle d’audience. Les flics ont bien vu qu’elle était accompagnée d’un soutien anticarcéral ! On imagine très bien Romain Leroy cherchant inquiet, stressé, énervé de ne pas trouver sa femme à l’audience. Pour J.Torrés, les flics de l’escorte appliquent un autre stratagème pour le faire monter en pression. Ils prétextent que la sœur filme le procès avec son téléphone et vont le rapporter au juge, qui la fait sortir définitivement de la salle. Une manière bien sale de punir les mots de soutien clamés par la famille lors de l’arrivée au tribunal des deux inculpés .

    Les autres personnes qui sont là pour apporter leur soutien, entendre et relayer la parole des prisonniers, ne peuvent pas rentrer. Sans explication, ou plutôt avec des prétextes différents : un coup le tribunal est plein, un autre coup c’est un simple « non, vous vous ne rentrerez pas », une autre fois c’est ordre du procureur général… bref l’accès au tribunal est interdit. Ce procès comme le précédent est censé être public, mais une fois de plus, la justice fait ce qu’elle veut, la police travaille pour elle et pour que la parole des prisonniers en lutte ne sorte pas…

    Mise en scène caricaturale de la « dangerosité » des prisonniers et du soutien extérieur.

    Contrairement au procès de la première mutinerie, ni R. Leroy, ni J. Torres ne sont considérés comme des prisonniers particulièrement dangereux pourtant le dispositif de sécurité est une nouvelle fois impressionnant et démesuré. Il manque juste les tireurs d’élite ! L’accès au tribunal est sous surveillance. D’ailleurs deux caméras globes filment la place en continu… A l’entrée, les flics caparaçonnés sont armés de tasers, de gazeuses, de matraques télescopiques. Ce serait risible s’ils ne s’en étaient pas servis. Une fois la compagne de R. Leroy entrée, les personnes interdites d’accès à l’audience se rassemblent devant l’entrée du tribunal pour montrer leur mécontentement. Une personne se met à chanter une chanson anti-flic dans une autre langue. Et puis, un dialogue s’installe entre le chanteur et une personne passante bien énervée de pas arriver à déposer plainte contre les flics. C’est ça qui les décide à une violente attaque à coups de matraques, de gazeuses, d’étranglements. Ils embarquent deux personnes au comissariat pour une garde à vue d’environ 24 heures. On pouvait lire dans le torchon local (le dauphiné libéré), que suite à une manifestation anticarcérale et des contrôles d’identités se passant mal, les flics ont arrêté deux personnes. Elles sont accusées, comme toujours dans ces cas là, de violences et outrages sur personnes dépositaires de l’ordre public. L’attaque des flics à coups de matraques et gaz au poivre était donc un simple contrôle d’identité ! C’est vrai que par les temps qui courent, les gens devraient savoir que ce sont les pratiques courantes de la police.

     Une mutinerie, le seul moyen de se faire entendre pour dénoncer les conditions impossibles de détention dans ce QMC

    Les prisonniers protestaient contre le régime de détention trop strict de la nouvelle prison de Valence.

    « Ça fait 10 ans que je suis en prison, et je n’ai jamais vu ça » raconte Romain.

    Il parle d’un régime carcéral trop strict, inadapté aux détenus lourdement condamnés, et d’une administration sourde à toute revendication. 

    « On demandait simplement à ce que ça fonctionne comme une vraie maison centrale » enchaîne José, l’autre « meneur » de la mutinerie.

    Les prisonniers avaient fait part de leurs revendications de manière pacifique à plusieurs reprises auprès de la direction de l’établissement (courriers, refus de réintégration des cellules ou blocages de cour de promenade). Ils avaient alerté l’OIP et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté :

    « Y a un peu tout qui ne va pas dans cette prison. Le problème est le mauvais fonctionnement de cette maison centrale gérée comme une maison d’arrêt disciplinaire (un seul mouvement à la fois, pas de cuisine), les parloirs se passent mal car ils (les surveillants, NDLR) sont tout le temps sur notre dos. Ils ne sont pas capables de livrer les cantines. On veut fonctionner comme une vraie centrale, avec d’avantage de liberté […] On vous parle de longues peines, de plus de convivialité, du mode de vie […] On a demandé à parler au directeur, on les a saoulés avec ça […] Des surveillants sont même venus nous dire de faire quelque chose », a déclaré José Torres. Et Romain Leroy d’ajouter : « Voilà dix ans que je suis incarcéré. Le système pénitentiaire français se préoccupe plus de la modernité des nouvelles prisons que de la vie à l’intérieur. Je n’ai pas fait cette mutinerie que pour parler de Valence. Ce n’est pas la seule prison de niveau 4 en France. Il y a un gros problème de communication dans ces prisons ».

    Quand des prisonniers se révoltent et se mutinent … ils prennent des risques énormes. L’un des inculpés, José Torres terminait sa peine de 7 ans et demi de prison ( + 18 mois pris à l’intérieur pour un chargeur de téléphone rentré illégalement, ça fait cher payé le chargeur !). Il devait bénéficier d’un aménagement de peine courant 2017. Romain Leroy remarque :

    « Si je casse juste une caméra dans le couloir, on m’enferme au mitard et personne dehors ne saura ce qui se passe ici, alors j’ai tout cassé et voilà, il y a des gens devant le tribunal, voilà la presse qui est venue au procès…» et il conclut que « quand les écrits ne font rien que reste-il à part les actes ? »

    Lui, a été transféré à Moulins.

    Une proche dira, hors de l’audience :

    « c’est pas vrai que les QHS sont fermés depuis les années 80, ou alors ils ont juste changé de nom et s’appelle maintenant les QMC. »

     Un verdict sévère et des magistrats obnubilés par les dégâts

    Le tribunal n’entend que l’avocat du centre pénitentiaire qui chiffre les dégâts à 1 696 000 euros. Une somme pareille pour 4 cellules cramées ! Une des proches ajoutera :

    «  Vous vous rendez compte a ce prix là, tout ce qu’on pourrait construire ! »

    Les dégâts proviennent très majoritairement de l’intervention des pompiers, alors ça aurait été moins coûteux de tout laisser disparaître ! Le procureur N. Julia, après avoir rappeler que les prisonniers encourent une peine de 20 ans, réclame  8 ans de prison ferme… A l’audience, les deux prisonniers ont reconnu s’être emparés des clefs du surveillant mais ont nié les violences. Ils ont reconnu avoir « cassé quelques caméras et ouvert les portes des cellules de 40 détenus », mais ils ont nié avoir incendié les quatre cellules et dégradé du matériel mobilier.

    Néanmoins, après 6 heures d’audience, malgré une défense et des prisonniers relatant les conditions de détentions insupportables le verdict est salé : 5 ans de prison ferme pour les deux mutins. Immédiatement, R. Leroy et J. Torres ont fait appel de cette décision.

    Le procureur est satisfait, lui qui voulait faire un exemple.

    Suite à ce procès et cet appel que demandent les deux mutins, soyons au rendez-vous et restons en contact avec eux. Ne laissons pas l’administration pénitentiaire les isoler, les faire oublier ou tenter de les faire taire.

    Solidarité avec les mutins de Valence et leurs proches !

    Pour un compte rendu plus détaillé de ce qu’il s’est joué dans la salle, on peut écouter l’émission de l’Envolée du vendredi 17 mars avec Adeline et Michèle.

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  • Insupportables, le tribunal de Valence et le Quartier maison centrale de sa prison. Le 10 mars devant le TGI à Valence et le 11 devant Fleury-Mérogis, solidarité avec les prisonniers-inculpés!

    Le 10 mars 2017, tous et toutes au TGI de Valence pour soutenir les prisonniers de la deuxième mutinerie du quartier maison centrale (QMC) de la prison de Valence.

    Le 27 novembre 2016, des prisonniers longues peines se sont révoltés au QMC du centre pénitentiaire de Valence,  contre un enfermement toujours plus strict et sécuritaire. Le vendredi 10 mars 2017 à 14h, deux d’entre eux, accusés de dégradation et vol avec violence seront jugés par le tribunal de grande instance de Valence.

    Le 6 janvier dernier, les magistrats de ce même tribunal ont déjà distribué un cumul de neuf années de prison supplémentaires à trois autres prisonniers -longues peines aussi- pour une première mutinerie qui avait eu lieu en septembre dans ce même QMC. déjà des prisonniers avaient dérobé les clefs de matons, ouvert les cellules du QMC, détruit des caméras de vidéosurveillance et mis le feu à des matelas.

    Ces peines sont supérieures aux peines que les mutins de Châteaudun se sont pris dans la bouche en 2013 (elles n’excédaient alors pas 18 mois pour ceux qui avaient été désignés comme meneurs). Bien supérieures encore aux peines de huit mois qui avaient été distribuées pour la destruction totale de la prison de Nancy en 1972, peines que les mutins d’alors qualifiaient déjà « d’insupportables ». En quarante cinq ans, la pénalisation des révoltes sociales de prisonniers s’est considérablement accentuée et le TGI de Valence en donne une illustration de plus.

    Insupportables, les magistrats de ce tribunal, qui pour mieux tirer à peines réelles, interdisent l’accès à une audience civile -donc publique-, aux personnes contrôlées, puis identifiées comme soutien potentiel aux prisonniers-inculpés. Le 6 janvier deux personnes avaient en effet été « retenues » à l’unité de garde à vue du commissariat de la Comédie pendant la durée du procès.

    Insupportable, que les prisonniers soient jugés dans une salle toute entière acquise au point de vue des matons. L’AP avait, lors de cette audience de janvier, dépêché rien moins que son directeur régional.

    Insupportables, ces avocats du barreau de Valence qui dans cette petite ville où tout le monde se connaît s’accommodent fort bien des pratiques d’intimidation des magistrats et vivent de défenses couchées qu’ils facturent aux prisonniers, transformés en « clients ».

    Insupportable, le TGI de Valence.

    Insupportable, le QMC de Valence.

    Face à la justice, face aux syndicats de la pénitentiaire, l’Envolée appelle à soutenir publiquement les deux prisonniers de la deuxième mutinerie. Rendez-vous le vendredi 10 mars à 13h30, place du tribunal de grande instance de Valence pour témoigner de notre solidarité et ne pas laisser la justice poursuivre son méticuleux travail d’élimination sociale.

    L’Envolée

    En attendant, vous pouvez écouter l’interview de l’épouse de l’un des deux inculpés. Elle permet de comprendre le sort qui est fait aux prisonniers longues peines dans les QMC et les causes de ces révoltes dans celui de Valence.

    tagValence

    Si vous êtes en région parisienne, rassemblement devant la maison d’arrêt pour hommes de Fleury-Mérogis, samedi 11 mars 2017 à 13h, en solidarité avec les prisonnier-e-s :

    « De nouveau apparaît la figure du casseur et de la racaille. Médias, police et Justice travaillent ensemble pour taire la révolte, pour séparer les bon.ne.s des méchant.e.s. La réponse est immédiate : des centaines d’arrestations et de nombreuses condamnations. (…) Quand éclate une révolte, l’Etat tente de nous diviser, et peut ensuite réprimer plus facilement dans l’isolement et l’indifférence. Que ce soit contre une nouvelle loi, contre nos conditions de vie de merde, contre des violences policières, ou contre la prison, on a raison de se révolter. Pour être plus fort.e.s, il nous faut rester solidaires, ne pas laisser nos compagnon.ne.s de lutte seul.e.s avec les juges et les matons. »

    Extraits de l’appel paru sur Paris-luttes.info., Solidaires dans les luttes, solidaires face à la répression.

     

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  • Emission du 17 février 2017

     

    • Courriers : Gaëtan (CP de Lannemezan) / Georg Huß, toujours en grève de la faim à la MA de Mulhouse.
    • Infos : Rachide Boubala (UHSA du Vinatier), sur ses procès contre les syndicats / Théo, sur le procès du flic, sur le témoignage de son ami Mohamed et celui du commissaire d’Aulnay / Les comparutions des inculpés des manifestations au TGI de Bobigny. #TMDJ
    • Chronique de Steph : Projet de loi sur la Sécurité : le flic peut tuer.
    • Invitée : Ines, pour sa pièce de théâtre : Mise en boîte, au théâtre de Ménilmontant le 23 et 24 mars.

    Zics : Piloophaz – Le sommet du Rap Francophone / Archibald – Stack-a-Lee / Blu – Kiss The Sky


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