Deux lettres de Kémi et l’Infâme, désormais enfermés dans deux cellules qui se font face au quartier progressif d’intégration (QPI, quartier d’isolement moins strict qui fait sas entre le QI et la détention). Ils nous parlent des remises de peine et notamment du dernier tour de vis donné par Dupont Moretti. On en profite pour décortiquer cette réforme qui transforme les crédits de remise de peines (soi-disant automatique) et les remises de peines supplémentaire en remises de peines supplémentaires conditionnées toujours plus au bon comportement des prisonniers et des prisonnières, et au bon vouloir de l’administration pénitentiaire et de ses agents. Avec de grosses conséquences sur la durée des peines, qui s’allongent toujours plus, et éloigner les possibilités d’aménagement en fin de peine.
On revient sur les révoltes actuelles au centre de rétention (CRA) de Vincennes où des dizaines de prisonniers sont en grève de la faim pour protester contre les violences policières et la grosse pression qu’ils subissent depuis les évasions de fin décembre. Des personnes de l’assemblée contre les CRA d’Île de France sont là pour en discuter. Des prisonniers du CRA de Vincennes appellent en direct pour raconter leur situation et dénoncer les insultes, mauvais traitements, provocations et mises à l’isolement. Ils dénoncent aussi l’ASFAM, l’asso présente dans le CRA qui ne fait rien pour les aider, et les juges qui distribuent des 28 jours supplémentaires à la chaîne. D’autres prisonniers qui devaient aussi appeler mais ils ont été placés au mitard par les flics pour les empêcher de prendre la parole à l’antenne. On peut retrouver leurs communiqués et des infos sur les révoltes en cours et la répression sur le blog abaslescra.
L’Envolée est une émission radio pour en finir avec toutes les prisons. Elle donne la parole aux prisonniers, prisonnières et leurs proches & entretient un dialogue entre l’intérieur et l’extérieur des prisons. C’est aussi un journal d’opinion de prisonniers, de prisonnières et de proches.
L’abonnement au journal est gratuit pour les prisonniers et les prisonnières.
Direct chaque vendredi de 19h à 20h30 sur FPP 106.3 en région parisienne ! Rediffusions sur MNE 107.5 à Mulhouse, RKB 106.5 en centre-Bretagne lundi à 22h, Radio Galère 88.4 à Marseille le jeudi soir à 20h30, PFM à Arras et alentours 99.9 mardi à 21h30, Canal Sud 92.2 jeudi à 17h30 à Toulouse, L’Eko des Garrigues 88.5 à 12h le dimanche à Montpellier, Radio U 101.1 le dimanche à 16h30 à Brest, Radio d’Ici 106.6 à Annonay mardi à 21h30 et 105.7 FM & 97.0, à Saint-Julien-Molin-Molette dimanche à 20h, Radio FM 43 dimanche à 12h en Haute-Loire, 105.7 FM au Chambon-sur-Lignon, 102 FM à Yssingeaux et 100.3 FM au Puy-en-Velay, sur Radios libres en Périgord,en Dordogne,102.3 FM à Coulounieix-Chamiers jeudi à 20h, sur Radio Alto 94.8 FM sur le massif des Bauges jeudi à 21h et sur les webradios Pikez (dimanche à 11h) et Station Station (lundi à 13h) !Dispo sur toutes les plateformes de podcast.
Pour nous joindre : 07.53.10.31.95(appels et textos). Pour écrire : Radio FPP – L’Envolée, 1 rue de la solidarité, 75019 Paris
Lettre de Kémi qui revient sur ses passages dans des unités psychiatriques. Il décrit les conditions carcérales de ces lieux d’enfermement et la façon dont l’administration pénitentiaire (AP) utilise la psychiatrisation pour mater les rebellions des prisonniers et des prisonnières. Il parle aussi des piqûres que peut t’imposer l’AP ou le médecin.
Une lettre reçue en 2020 écrite par une personne enfermée aux Eaux Vives un hôpital psychiatrique d’Île de France. Elle décrit son quotidien -notamment la bouffe dégueulasse voire avariée – et les différentes formes de tortures qu’on y subit : de la fouille à nu à l’arrivée aux camisoles physiques et chimiques, en passant par les cellules d’isolement. Elle explique également l’absence de date de sortie, les méandres judiciaires pour essayer de sortir : « en France, la psychiatrie et la prison c’est la même chose ».
Communiqué de prisonniers enfermés au centre de semi-liberté de Rennes. On avait déjà relayé deux communiqués il y a quelques mois que ces prisonniers avaient fait sortir pour protester contre l’état de l’eau qui est impropre à la consommation et remplacée par trois bouteilles d’eau par personnes enfermées. 8 mois plus tard, la situation ne s’est toujours pas arrangée et concerne également plusieurs quartiers du centre de détention pour femmes attenant.
Retour sur la répression judiciaire du mouvement social qui a suivi la mort de Nahel à Nanterre. On a déjà parlé dans les deux émissions précédentes de la répression policière et judiciaires des révoltes et on a publié un texte appelant à soutenir les inculpés du mouvement et la réaction d’une habitante de quartier populaire.On revient cette fois un peu plus en détails sur les comparutions immédiates en Ile de France où les juges ont allègrement distribué du ferme.
Des nouvelles de résistance dans les prisons pour sans papier, aux centre de rétention de Marseille et de Vincennes. Au CRA du Canet à Marseille, dans la nuit du 30 juin, une révolte a éclaté et entraîné un incendie et une personne est morte après avoir été hospitalisée. On peut retrouver des paroles de prisonniers qui racontent ces moments ici et là. On peut avoir des infos sur ces CRA sur les blogs d’Abaslescra et de Marseilleanticra.
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On manque parfois de forces pour faire tourner l'émission comme on le voudrait en ce moment : que vous soyez prisonnier·e·s, proches, ou révolté·e·s contre l'enfermement et l'AP, n'hésitez pas à nous contacter & à passer le mot !
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On continue de parler du mouvement social qui a éclaté suite au meurtre de Nahel, tué par un policier à Nanterre. Les émeutes ont largement ciblé les commissariats et les mairies, mais il y a aussi eu des attaques contre des centres d’insertion et de probation, contre des taules et des tribunaux. Les révoltés s’en sont pris très consciemment à la chaîne police-justice-prison qui permet au système de tenir et les réprime au quotidien.
On discute aussi de la façon dont l’État et ses porteurs d’uniforme se défendent, dans la rue et dans les médias, pour cacher la réalité de la violence policière et de son rôle dans le fonctionnement quotidien des institutions, mais aussi le caractère massif des révoltes qui ont eu lieu et les réduire à quelques images spectaculaires. Et aussi justifier un déchaînement de nouvelles violences des forces de l’ordre tuant une nouvelle personne à Marseille et normalisant le déploiement des blindés et des armes de guerre dans les rues pour mater les révoltes.
Retour sur la répression judiciaire du mouvement sur laquelle le ministre des prisons et des tribunaux a largement communiqué. Il a notamment demandé des peines de prison ferme pour tous les émeutiers et de punir sévèrement les mineurs et leurs parents. Près de 4000 arrestations en une semaine, des centaines de déferrement dont un tiers concernent des mineurs, et à l’arrivée, déjà 400 personnes incarcérées. On revient sur les comparutions immédiates massives et les quelques formes de solidarité qui s’y sont manifestées. Et les perquisitions ont déjà commencé sur la base des vidéos et des balances.
Dans un texte publié cette semaine, on appelait à se rendre massivement dans les salles des tribunaux pour ne pas laisser les révoltés et leurs proches seuls face à la répression judiciaire, et pour demander l’amnistie de tou.tes les révolté.es.
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Émission de L’Envolée du 29 juin 2023 – aussi dispo sur les plateformes de podcasts !
Cinq lettres de Mika : le silence glauque du cachot d’Arles, l’évasion par la pensée, un été au QI, comment l’AP sème le zbeul entre détenus, racisme en prison !
Appel d’Assia, la compagne de Brice qui avait rejoint Mohamed en grève de la faim à la Maison d’Arrêt de Bourg en Bresse début juin 2023 pour protester contre leur mise à l’isolement et les mauvais traitements qu’ils ont dû y subir. Ils ont tous les deux été transférés, l’un à Perpignan, l’autre à Moulins, et aucun d’entre eux n’a de parloirs pour le moment. Mise à jour sur la situation et les combats invisible que les proches mènent avec les enfermés.
Montage audio de 26 minutes autour de la mobilisation à l’antenne de nombreuses prisonnières du quartier femmes des Baumettes pendant en 2020 sur Radio Galère à Marseille, dans l’émission Parloirs Libres, pour faire entendre leur combat contre les « fenêtres antibruit » qui leur ont été imposées et leur font , jusqu’à aujourd’hui, vivre un enfer. Contre l’isolement, la radio fait le taf !
Retour sur l’exécution de Nahel Merzouki par un policier à Nanterre ce mardi et les révoltes qui s’en suivent : retour sur le « code de sécurité intérieure » qui justifie le L-435 (permis de tuer) depuis 2017 pour les « forces de l’ordre », appel à être présents dans les tribunaux car les comparutions immédiates pleuvent et que la solidarité y est précieuse… N’en déplaise à certains, ces révoltes sont le début d’un mouvement social ! Notamment contre les violences d’état.
Agenda :
Ce vendredi 30 juin, plus d’une vingtaine de rassemblements dans des villes de France à 20h, contre le racisme et les violences policières !
Repas et journée d’animations organisées par la famille d’Alassane Sangaré mort à Fleury de manière suspecte : le 1er juillet, à partir de 13h au parc de la Brèche à Créteil
Rassemblement pour Safyatou, Salif et Ilan, « pour rompre l’isolement et que cela ne se reproduise plus »mercredi 5 juillet à 19h place de la Réunion, Paris 20ème. Ces trois jeunes circulaient à scooter quand une voiture de police les a percutés gravement en avril dernier.
Zique : « Police » – Iron Dubz feat Ranking Joe, « P.O.R.C » – Le Monde A l’Envers, « Intro » – Insa Sané (compil C7H16), « Délinquante musique » – Lino, « F le 17 » – Casual Gabberz.
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Lettre de l’Infâme, correspondant de longue date et régulier de l’Envolée, qui parle de la mobilisation pour les retraites. ça fait plaisir unprisonnier longue peine qui parle du mouvement social et discute des luttes en cours à l’extérieur ! Et c’est l’occasion de discuter du travail en taule et des réformes de Ducon-Moretti pour encore plus exploiter les prisonniers et les prisonnières.
On reçoit Valérie, la belle soeur de Romain, assassiné par la police la nuit du 14 août 2018 à l’âge de 26 ans. Romain a été tué suite à un « refus d’obtempérer » et une course poursuite avec les flics. Et encore une fois, sous couvert de la légitime défense, la justice a prononcé un non lieu à l’encontre du policier qui lui a tiré dessus et l’a tué. On revient avec elle sur les méthodes de la police et de la justice pour se couvrir et la lutte qu’elle mène depuis. ça permet de discuter aussi de ce qu’on peut attendre de ces institutions dans ces histoires.
Appel de copaines d’Italie pour parler des grosses révoltes menées par les prisonniers du CPR (centre de rétention italien) de Turin début février. Des infos disponibles sur ce site en italien, et ici en français.
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Émission de l’Envolée du vendredi 30 septembre 2022
Suite de l’hommage à Romain Leroy, prisonnier longue peine et correspondant de L’Envolée, mort le 9 août dernier du fait de l’acharnement de l’administration pénitentiaire contre lui. Lecture d’une lettre qu’il avait écrite depuis Condé sur Sarthe en 2017 et qu’on peut retrouver ici.
Discussion de Vincenzo Vecchi et son comité de soutien. Il est menacé d’extradition en Italie par le gouvernement français suite aux manifestations du contre-sommet de Gènes en 2001. Cet enregistrement a été réalisé par Plum FM, radio associative bretonne. Ils reviennent au cours de cette discussion sur toute son histoire et ces vingt dernières années. Plus d’infos sur sa lutte et son comité de soutien ici.
Retour sur les révoltes et la répression au centre de rétention du Mesnil-Amelot, à côté de l’aéroport Charles de Gaulle, à partir d’un texte diffusé sur abaslescra.noblogs.org qu’ on peut retrouver ici.
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Notre bouquin pour troubler la fête du quarantième anniversaire de la prétendue abolition de la peine de mort est sorti ! Une manière parmi d’autres, que nous espérons nombreuses, de faire entendre quelques voix dissonantes dans l’écœurante auto-célébration du pouvoir.
Ce livre réunit des paroles de prisonniers, de prisonnières et de proches publiées dans le journal depuis sa création en 2001 qui nous rappellent avec force qu’en réalité c’est seulement la guillotine qui a été supprimée en octobre 1981.
Il est disponible dans toutes les bonnes librairies et sur la boutique de nos ami.e.s des éditions du bout de la ville.
Il est gratuit pour toutes les personnes enfermées : écrivez-nous à contact@lenvolee.net pour que nous puissions le faire parvenir à vos proches emprisonné.e.s !
Lettres de E. et Dédé qui reviennent sur les parloirs, les permissions, les semi-liberté et le Covid en taule. E. raconte comment la prison détruit les liens familiaux, l’importance des parloirs, mais aussi leur dureté : les proches y sont réprimés. On avait déjà lu des petits textes de Dédé dans cette émission. Elle revient cette fois sur le chantage aux permissions utilisé par les matons, mais aussi les CPIP, l’AP et les juges, qui cherchent à tout contrôler même quand tu n’a qu’une journée de permission.
Lecture d’une lettre d’Oneel toujours incarcéré suite à la vague de répression des révoltes en Guadeloupe. Suite de l’interview de Gladys Democrite, avocate d’un des sept mis en cause dans l’affaire des « Grands frères ». Trois d’entre eux – dont Oneel – ont été transféré en métropole, loin de leurs proches. Vous pouvez écouter ici une précédente interview de la sœur d’un des sept grands frères incarcérés, transférés injustement en métropole les uns après les autres.
Lecture de lettres de Libre Flot et discussion sur sa situation après plus d’un mois de grève de la faim. Libre Flot a été hospitalisé, au 25ème de sa grève de la faim. Il expliquait les raisons de son action dans un texte qu’on peut lire ici. Contactez-nous si vous souhaitez lui écrire. Le 29 mars, l’AP a enfin levé son régime d’isolement mais il reste incarcéré et dans un état de grande faiblesse. Toutes les infos sur les 7 mis en cause, tous en liberté surveillée sauf Libre Flot là.
Agenda : – Les comités de soutien aux inculpé.es du 8 décembre appellent à une journée internationale de démonstration lundi 4 avril 2022. A Paris, nous nous rejoindrons à 18h à Ménilmontant. A Toulouse, le rassemblement aura lieu à 18h devant le Palais de Justice. Plus d’infos ici. – Rencontre avec l’Envolée le samedi 9 avril a Grenoble a 15h ! Plus d’info ici.
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Retour sur le procès d’un ancien prisonnier du centre de rétention administrative d’Hendaye, accusé d’avoir mis le feu à sa cellule, et qui a été récemment condamné à trois années de prison ferme.
Retour sur les révoltes à la prison pour sans-papiers du Mesnil-Amelot en janvier 2020. Dans une période où les préfectures ont doublé – voire triplé – le délai de rétention, des prisonniers se révoltent plusieurs jours d’affilée. Un ancien prisonnier du centre, condamné par la suite pour avoir participé a l’incendie, vient en discuter avec nous.
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Communiqué du collectif clandestin de la centrale d’Arles, octobre 2001
« Comme toujours, la parole n’a pas été accordée aux principaux intéressés, à ceux et celles pour qui le quotidien est l’infamie carcérale, c’est à dire les détenus eux-mêmes ! La parole ne nous est pas donnée. Jamais . C’est pourquoi nous avons décidé de la prendre, ici et maintenant. C’est particulièrement au nom des détenus « longues peines » que nous nous exprimons, nous, les laissés pour compte, ceux pour qui l’horizon n’est que désespoir et haine. Nous sommes là, face à vous, pour exiger que nous soient appliquées des mesures justes, équitables, qui nous permettent de croire que nous n’avons pas été condamnés à la mort lente, à des peines qui ne sont qu’un substitut à la peine de mort. »
Pièce de théâtre en un acte sur l’UCSA (le médical en détention) envoyée par Libre Flot depuis le quartier d’isolement de Bois d’Arcy pour parler notamment de l’absence de secret médical en prison, et aussi plus largement du rôle des médecins dans la détention.
Lettre écrite à la radio par Mickaël, maintenu à l’isolement depuis deux ans et qui nous écrit depuis de longs mois du QI de Saint Maur dont l’administration pénitentiaire refuse toujours de le faire sortir. On avait notamment publié son texte Santa Muerte dans le numéro 52 du journal et sur le site.
Appel de G. depuis Marseille pour parler des différents rassemblements et actions en hommage à Zineb Redouane tué par une grenade jetée chez elle par un CRS, il y a trois ans. Retour aussi sur le mois organisé contre les violences policières et pénitentiaires dans la ville.
Suite et fin du retour sur le procès des matons qui ont causé la mortde Sambaly Diabaté à Saint Martin de Ré qui s’est déroulé du 29 novembre au 1er décembre à la Rochelle. Discussion sur les réquisitions de la proc’ qui s’est employée à défendre son institution et les personnels à qui elle confie régulièrement des prisonniers. Elle transforme la déshumanisation de Sambaly par ses meurtriers en des « œillères professionnelles » qui les disculpent de toute « volonté manifeste de lui nuire » (sic). Force à Oumou et la famille de Sambaly, dont vous pouvez écouter l’appel à cette antenne dans l’émission de la semaine dernière.
Des podcasts ont été fait à chaud chaque soir du procès par des membres de l’Envolée qui y assistaient en soutien à la famille Diabaté. Pour celles et ceux qui voudraient entendre plus de détails sur le déroulé des audiences, les enregistrements sont disponibles sur le site : récap’ à chaud du premier jour d’audience, du deuxième jour et du dernier jour, qui a été décidé à la dernière minute. Délibéré le 27 janvier 2022.
Retour sur les révoltes dans différents centres de rétention (des infos plus précises et des paroles de l’intérieur sont régulièrement publiées sur abaslescra.noblogs.org et crametoncra.noblogs.org) : au Mesnil-Amelot, des prisonniers ont accroché une banderole demandant leur libération et d’autres sont montés sur les toits. A Vincennes, un bâtiment a été quasiment détruit lors d’une révolte collective pour essayer d’empêcher une expulsion groupée. D’autres prisonniers ont refusé d’intégrer le réfectoire pour protester contre la mise à l’isolement de l’un des leurs. A Lyon, des nouveaux cas de Covid ont été avérés mais le centre de désemplit pas et aucune mesure sanitaire n’est prise. La grève de la faim a été réprimé très violemment, à coup de matraque et de lacrymo.
L’Envolée est une émission pour en finir avec toutes les prisons. Elle donne la parole aux prisonniers, prisonnières et leurs proches & entretient un dialogue entre l’intérieur et l’extérieur des prisons. L’Envolée est aussi un journal d’opinion de prisonniers, de prisonnières et de proches.
Direct chaque vendredi de 19h à 20h30 sur FPP 106.3 en région parisienne et MNE 107.5 à Mulhouse, RKB 106.5 en centre-Bretagne lundi à 22h, Radio Galère 88.4 à Marseille le lundi soir à 23h, PFM à Arras et alentours 99.9 mardi à 21h30, Canal Sud 92.2 jeudi à 17h30 à Toulouse, L’Eko des Garrigues 88.5 à 12h le dimanche à Montpellier, Radio U 101.1 le dimanche à 16h30 à Brest, Radio d’Ici 106.6 à Annonay mardi à 21h30 et 105.7 FM & 97.0, à Saint-Julien-Molin-Molette dimanche à 20h et sur les webradios Pikez (dimanche à 11h) et Station Station (lundi à 13h). Podcasts disponibles sur toutes les plateformes !
Pour nous joindre : 07.53.10.31.95(whatsApp, telegram, signal, appels et textos). Pour écrire : Radio FPP – L’Envolée, 1 rue de la solidarité, 75019 Paris, ou encore àcontact@lenvolee.net et surinstagram, twitter, facebook & snapchat.
L’abonnement au journal est gratuit pour les prisonniers et les prisonnières. Les abonnements du dehors permettent ça. La censure qui frappe le numéro 52 ne concerne « que » ce numéro en détention. Contactez-nous !
Notre bouquin pour troubler la fête du quarantième anniversaire de la prétendue abolition de la peine de mort est sorti ! Une manière parmi d’autres, que nous espérons nombreuses, de faire entendre quelques voix dissonantes dans l’écœurante auto-célébration du pouvoir.
Ce livre réunit des paroles de prisonniers, de prisonnières et de proches publiées dans le journal depuis sa création en 2001 qui nous rappellent avec force qu’en réalité c’est seulement la guillotine qui a été supprimée en octobre 1981.
Il est disponible dans toutes les bonnes librairies et sur la boutique de nos ami.e.s des éditions du bout de la ville.
Il est gratuit pour toutes les personnes enfermées : écrivez-nous à contact@lenvolee.net pour que nous puissions le faire parvenir à vos proches emprisonné.e.s !
Communiqué du collectif clandestin de la centrale d’Arles, octobre 2001
« Comme toujours, la parole n’a pas été accordée aux principaux intéressés, à ceux et celles pour qui le quotidien est l’infamie carcérale, c’est à dire les détenus eux-mêmes ! La parole ne nous est pas donnée. Jamais . C’est pourquoi nous avons décidé de la prendre, ici et maintenant. C’est particulièrement au nom des détenus « longues peines » que nous nous exprimons, nous, les laissés pour compte, ceux pour qui l’horizon n’est que désespoir et haine. Nous sommes là, face à vous, pour exiger que nous soient appliquées des mesures justes, équitables, qui nous permettent de croire que nous n’avons pas été condamnés à la mort lente, à des peines qui ne sont qu’un substitut à la peine de mort. »
Par le procès qui commence lundi, la justice cherchera à désigner des boucs émissaires pour leur faire payer ces révoltes, comme lors des procès des gilets jaunes et de Villiers-le-Bel, ou ceux des émeutes qui ont suivi le viol de Théo… Et le climat particulièrement sécuritaire de la période risque d’aggraver encore la lourdeur des peines. Depuis cinq ans, certains et certaines d’entre nous apportent un soutien concret à un des accusés en détention préventive et à sa famille. Ce qui suit est une modeste contribution pour tenter de faire en sorte que l’histoire ne se répète pas : les cinq accusés ne doivent pas subir une vengeance d’État. Seule une mobilisation conséquente pourrait gripper le fonctionnement normal de la machine à punir.
Bientôt cinq après les faits – et presque autant de détention préventive pour certains d’entre eux –, les accusés comparaîtront face à de très nombreux membres des forces de l’ordre : près d’une centaine se seraient en effet portés partie civile. Ils prétendent qu’on leur a tiré dessus avec la volonté de tuer : ils auraient essuyé des dizaines de tirs de chevrotine, de plombs, de fusil de chasse… et une dizaine d’entre eux auraient été légèrement blessés. Au départ, comme elle ne disposait pas de suffisamment d’éléments à charge, la juge d’instruction n’avait retenu que des « violences volontaires » et renvoyé les accusés devant le tribunal correctionnel pour ce délit. Mais cette décision a été contestée par le parquet, et la chambre d’instruction de la cour d’appel de Versailles a finalement maintenu la qualification criminelle des faits. Non seulement les peines encourues sont sans commune mesure, mais cette qualification d’une extrême gravité pose d’emblée une image déformée des accusés : il ne s’agit plus de quelques jeunes soupçonnés d’avoir pris part à une révolte face à une situation insupportable qui a réuni des centaines de personnes pendant plusieurs nuits, mais d ‘une bande de tueurs de flics. Les accusés sont poursuivis pour « tentative de meurtre sur personnes dépositaires de l’autorité publique » avec la circonstance aggravante de « bande organisée », et pour délit de « dégradations ».
MORT ENTRE LES MAINS DES FORCES DE L’ORDRE La police nationale avait été remplacée quelques années auparavant par des compagnies de gendarmerie. Des habitants de Beaumont-sur-Oise – petite ville du Val-d’Oise d’à peine 10 000 habitants – nous ont rapporté que dès leur arrivée , les rapports des gendarmes avec la population ont tout de suite été particulièrement tendus ; ils cherchaient à s’imposer par la force pour contrôler le secteur, exerçant de nombreuses violences sur les jeunes habitants des quartiers populaires de Beaumont et des villes voisines. Les contrôles d’identité viraient au harcèlement, et souvent, dégénéraient : insultes, coups de matraques, balayettes, bombes lacrymogènes, Tasers, Flash-Balls. Personne ne portait plainte, tout le monde sait bien que ça n’aboutit jamais…L’après-midi du 19 juillet 2016, Adama Traoré, habitant du quartier Boyenval à Beaumont-sur-Oise, s’enfuit en courant pour échapper à un contrôle d’identité. Interpellé, il est plaqué et maintenu au sol par trois gendarmes qui pèsent de tout leur poids sur son corps. Les militaires notent qu’il se plaint de ne pas pouvoir respirer ; ils l’embarquent cependant dans leur fourgon où il perd connaissance. Mais ils ne le transportent pas à l’hôpital, ils poursuivent leur route vers la gendarmerie. Les pompiers constatent son décès à 19 h 05 : ils le trouvent menotté dans la cour de la caserne, face contre terre. Mais rien n’est dit à la famille. Ayant entendu dire qu’il « a fait une crise », ses proches contactent les hôpitaux pour rechercher sa trace. En vain. C’est par un appel aux pompiers qu’ils apprennent que le jeune homme est retenu à la gendarmerie. Quand la mère d’Adama s’y rend alors pour demander des nouvelles de son fils, elle se voit répondre qu’« il va très bien ». Elle attend donc sur place avec ses proches. Ce n’est qu’à 23 h 30 que les gendarmes annoncent la mort d’Adama Traoré à sa famille. Soit quatre heures et demie après le constat officiel du décès. Le choc est terrible. Le jeune homme est bien connu à Beaumont pour sa pratique intensive du sport avec des jeunes du coin, et tous ceux qui le connaissent savent bien qu’il était en excellente forme physique au moment de son interpellation. Personne ne peut croire à un prétendu « malaise ». Les forces de l’ordre sont déployées pour protéger la gendarmerie et la mairie, et les alentours du quartier Boyenval sont « bouclés ».
RÉVOLTE POPULAIRE ET MENSONGE D’ÉTAT Dès l’annonce du décès du jeune homme qui fêtait ce jour-là ses 24 ans, des affrontements surviennent entre les gendarmes et de jeunes riverains. Selon les autorités, des dizaines de personnes mettent feu à des voitures. Des tirs sont entendus. Les gens scandent le nom d’Adama. 130 policiers, gendarmes et CRS sont déployés dans tous les quartiers populaires de la zone, ainsi qu’une soixantaine de pompiers. Plusieurs hélicoptères balayent la commune avec leurs projecteurs. Les forces de l’ordre utilisent leurs Flash-Balls tout près des habitations, lancent des lacrymogènes, des grenades de désencerclement. Une personne est interpellée. À l’issue de cette première nuit, cinq gendarmes auraient été légèrement blessés par des tirs à la carabine à plomb. Le lendemain matin, mercredi 20 juillet, le procureur de Pontoise déclare publiquement qu’Adama Traoré serait mort « à la suite d’un malaise ». La maire refuse de rencontrer la famille, qui n’a toujours pas pu voir le corps. Le préfet, qui doit tenir une conférence de presse, annule sa venue au dernier moment. Mais les journalistes se sont déplacés. Des proches en profitent pour prendre la parole et donner leur version des faits, lançant à la presse que sans les émeutes de la veille, ils ne se seraient pas intéressés une seule seconde à la mort d’un jeune homme noir dans une gendarmerie. Le soir même, une vingtaine de personnes se rassemblent pacifiquement devant la caserne et font un sit-in pour réclamer que la famille puisse enfin voir le corps du défunt. Tout le monde se fait gazer à terre sans sommation, puis les coups de matraques pleuvent dans la plus grande confusion. Le « dispositif de sécurisation » est reconduit pour la nuit de mercredi à jeudi, avec toujours autant de forces de l’ordre. Plusieurs véhicules et du mobilier urbain sont incendiés dans la nuit. Neuf personnes sont interpellées. Jeudi 21 juillet, une première autopsie prétend qu’Adama Traoré serait mort des suites d’une « infection très grave touchant plusieurs organes ». Ses proches n’y croient pas car il n’a aucun antécédent médical. La tension ne baisse pas. Le quartier est toujours encerclé de fourgons de gendarmes, de policiers et de CRS particulièrement virulents. C’est une véritable occupation militaire. Malgré la pression de la préfecture qui tente de convaincre les parents de rapatrier au plus vite le corps d’Adama Traoré au Mali, prétextant les rites musulmans à respecter, la famille tient bon et exige une seconde expertise ; elle ne lance pas d’appel au calme. Des centaines de personnes sont encore dehors pour exprimer leur colère. En trois nuits, elles ont essuyé les tirs de plus de 300 balles de défense et de 60 grenades de désencerclement. Vendredi 22 juillet, une marche blanche est organisée à Beaumont par la famille. La tentative de la mairie et de la préfecture de l’en dissuader, prétextant les « tensions », échoue. Plusieurs milliers de personnes défilent sans incident en mémoire d’Adama Traoré. Dix personnes auraient été interpellées, cette nuit-là. Les autorités rapportent des « tirs de mortiers et de chevrotines », qui auraient « blessé très légèrement » quatre gendarmes. Le lendemain soir, le « dispositif de sécurité » est encore renforcé : 265 membres des forces de l’ordre encerclent le quartier. Au moins une voiture serait incendiée, et des flics prétendent avoir été la cible de tirs d’armes à plomb. Les forces de l’ordre auraient « sécurisé la zone » ; c’est le dernier soir qualifié « d’émeute » par les médias. Plusieurs fourgons auraient été visés, et les plaintes des hommes en armes pleuvent déjà pour « tentative d’homicide » et « menaces de mort ».
OCCUPATION MILITAIRE : PUNITION COLLECTIVE Tout au long de cette première semaine, la presse se focalise sur les « violences urbaines » de Persan-Beaumont. Les images de voitures calcinées et d’un fourgon criblé d’impacts de plomb tournent en boucle, tandis que seule la version officielle sur les circonstances de la mort d’Adama Traoré est relayée. La parole n’est presque jamais donnée aux habitants et aux proches du défunt. Aucun média ne rapporte qu’au quartier Boyenval, où vit la famille en deuil, les hélicoptères tournent toute la journée et une bonne partie de la nuit. Les nombreuses brigades qui l’encerclent donnent l’assaut fréquemment, harcèlent les jeunes, font régner une ambiance de guerre : la gestion coloniale des quartiers populaires fonctionne à plein. Les voies sans issue sont ouvertes pour que les forces de l’ordre puissent faire le tour du quartier avec leurs véhicules. L’éclairage public est coupé chaque fois que des habitants se rassemblent. Tout le monde a peur, on n’ose plus laisser sortir ses enfants, chacun craint pour sa propre vie. Cette occupation policière dure près d’une semaine, elle est vécue par tous comme une punition collective. Il s’agit de faire payer le mouvement de révolte en cours à tous les habitants – coupables d’habiter au mauvais endroit et d’appartenir à la mauvaise classe sociale. Réprimer un quartier entier, c’est aussi une stratégie cynique pour que les habitants se désolidarisent du combat de la famille pour la vérité, en la désignant implicitement comme responsable des désordres. Le message est clair : quand les flics tuent vos enfants, encaissez en silence. La seule réponse au deuil et à la colère, c’est l’intimidation et le mépris : la maire ne daigne même pas présenter ses condoléances, et les gendarmes responsables de la mort d’Adama Traoré ne sont pas mis en examen – à l’heure actuelle, ils n’apparaissent encore dans l’enquête que comme simples « témoins assistés » et continuent leur sale besogne. De nombreux interpellés passent en comparution immédiate peu après les révoltes ; certains sont interdits de la zone. D’ailleurs, quatre mois plus tard, les émeutes reprennent à Beaumont lorsque deux frères de la famille Traoré sont mis en examen pour des accusations délirantes : cette fois, l’itinéraire du bus qui dessert le quartier Boyenval est carrément détourné. La justice inflige déjà une peine pour l’exemple en condamnant cinq proches d’Adama Traoré à des peines allant jusqu’à trois ans de prison. On comprend pourquoi la révolte qui a débuté à Boyenval s’est vite étendue à tout une partie du Val-d’Oise, rappelant l’embrasement de 2007 qui avait suivi la mort de Lakhamy Samoura et Moushin Sehhouli, percutés par un véhicule de police à Villiers-le-Bel. Mais c’est surtout la vengeance d’État qui s’en est suivie qui nous fait redouter l’issue du procès qui va se tenir : après les révoltes de Villiers-le-Bel, la machine judiciaire s’était mise en branle pour désigner des responsables. Loin d’inquiéter les flics tueurs, elle avait renvoyé cinq habitants de Villiers devant les assises pour des tirs sur la police. Sans preuves, et essentiellement sur la base de témoignages anonymes rémunérés, deux d’entre eux avaient écopé de peines de douze et quinze ans de prison. Un troisième, accusé d’avoir fourni l’arme, avait été condamné à trois ans. Force est de constater que l’histoire se répète.
LA MACHINE IMPITOYABLE DES COURS D’ASSISES Un procès de cour d’assises est une pièce de théâtre, la mise en scène d’une justice rendue par le peuple, incarné par six jurés de plus de 23 ans tirés au sort sur les listes électorales. Ils votent en délibéré à l’issue des audiences avec le président et ses deux assesseurs, d’abord sur la culpabilité, puis sur la peine. La mécanique est bien huilée, et rien ne doit venir perturber la bonne marche de cette machine à punir le plus lourdement possible. Les cours d’assises jugent les crimes. Celles et ceux qui y sont jugés sont donc d’emblée perçus, notamment par les jurés, comme de présumés criminels. Dans le box, face à la salle et aux parties civiles, parfois entravé, souvent entouré de gendarmes, l’accusé est livré en pâture. Chacune de ses réactions est scrutée, chaque attitude disséquée et analysée – à charge. Dans le procès de novembre, les cinq accusés vont comparaître ensemble sous la qualification de « bande organisée ». En plus, certains d’entre eux, depuis quatre ans en détention préventive, comparaîtront comme prisonniers extraits en vue du procès. C’est peu dire que leur appréciation risque d’être un poil orientée par la mise en scène quand on leur demandera en substance : « Pensez-vous que les cinq personnes que vous voyez rassemblées dans le même box, entourées de flics, constituent une bande organisée ? » Mais l’influence ne s’arrête pas là. Dans leur noire tenue de carnaval macabre, le juge et ses deux assesseurs, auréolés de leur maîtrise du code pénal, surplombent l’ensemble, jurés compris. C’est le président qui dirige les audiences. Il distribue la parole, donne le rythme, impose le silence. Pas facile pour le juré de remettre en cause la manière dont le procès se déroule. Tout au plus peut-il, comme à l’école, demander la permission pour poser une question ou aller pisser. Alors, quand vient le moment du délibéré, il écoute généralement bien sagement le juge. Il faut du courage pour aller contre celui qui sait.Et puis les jurés sont pris par l’air du temps, qui est sacrément défavorable aux accusés : ils viennent d’un quartier populaire, une « cité sensible », un de ces « territoires perdus de la République », « criminogène », où les caïds sont censés régner en maître et où prospère « l’ensauvagement » – vieille thématique de l’extrême droite aux relents coloniaux reprise sans complexe par le ministre de l’intérieur. Sans oublier la promesse de Macron aux flics à la mi-octobre, quand il a demandé à ses ministres de travailler à la « fin des réductions de peine automatiques pour les agresseurs de policiers ». Voilà des mois que les politiques et les médias n’interrompent leur logorrhée anxiogène sur le covid que pour tourner en boucle sur une insécurité prétendument galopante et la « haine de la police » – cette police qui fout la pression à l’État à coups de grèves récurrentes pour avoir plus de fric et plus de flingues. La défiance envers l’autorité serait donc une violence qui se répand comme un virus sans qu’on parvienne à l’endiguer ? Accuser des jeunes de cité de s’être réunis pour tuer des flics, c’est avant tout l’occasion de faire un exemple, de faire « passer un message ». La cour d’assises est le lieu de la vengeance d’État. S’y prononcent, dans la bienséance, des peines d’élimination sociale. En fait, ce qui est jugé en cour d’assises, ce n’est pas tant l’acte comme ils le prétendent que l’individu accusé de l’avoir commis. Pour mieux jouer la comédie de l’impartialité, les jurés voient défiler des experts grassement rétribués par la justice qui servent la soupe de l’accusation, chacun dans son domaine respectif, noyant l’auditoire sous un jargon technique qui veut se faire passer pour de la science. Il en va des experts psy comme des experts en balistique : ils inventent des trajectoires. Les experts psy voient les accusés quelques minutes, les enquêteurs de personnalité interrogent leur « entourage » ; ensemble, ils figent l’accusé dans un processus criminel, une ligne droite qui va de sa naissance à son « crime » supposé. C’est ainsi que des violences subies dans l’enfance ne seront pas présentées comme des circonstances atténuantes ou des clés de compréhension, mais plutôt comme autant de signes d’une personnalité irrémédiablement violente. Le parcours judiciaire, notamment, est toujours scrupuleusement égrené pour mieux démontrer la dangerosité d’un profil. Car il ne s’agit pas pour une cour d’assises de considérer un être humain dans sa complexité, de comprendre comment et pourquoi il en vient à agir de telle ou telle manière. Il s’agit d’infliger une peine de prison à un individu, pris isolément. Le caractère collectif n’est pris en considération que comme circonstance aggravante : une association de malfaiteurs ou une bande organisée. Les circonstances d’un événement sont au mieux des éléments d’information qui appuient une accusation, mais elles ne rentrent que très peu en ligne de compte quand il s’agit de prononcer la peine. On va jusqu’à prétendre deviner une intention pour la juger – et cela risque d’être particulièrement le cas dans ce procès. Le contexte social, économique et politique, n’a rien à faire en cour d’assises. Car ici encore plus qu’ailleurs, expliquer, ce serait déjà excuser. On n’est pas là pour ça, il faut du sang et des larmes. Il y a donc peu de doutes que dans le procès à venir, les portraits des accusés seront à charge, et que tout ce qui pourrait expliquer leur présence dans le box sera retenu contre eux. Ils viennent du même secteur ? Ce sera sans doute un indice probant de « bande organisée ». Certains ont été proches d’Adama Traoré ou de membres de sa famille ? Ça servira inévitablement à corroborer une prétendue haine naturelle de la police, sur le mode : « Ils voulaient tuer un flic pour se venger. » Et le fait que ce quartier ait été immédiatement placé sous occupation policière – en fait, une provocation indécente – deviendra la preuve de la dangerosité de la zone. Sous les lambris de la justice de classe, ils risquent de devenir les leaders ensauvagés d’une insurrection armée déterminée à faire couler le sang des condés pour venger l’un des leurs… Devant une salle remplie de forces de l’ordre de tout poil, parties civiles de circonstance venues se faire un peu d’argent de poche et asseoir un peu plus leur pouvoir de chefaillons. La fiction risque hélas de convaincre des jurés abreuvés ad nauseam de discours sécuritaires. Et comme toujours aux assises, les zones d’ombres et les doutes ne profiteront pas aux accusés. Plus les caricatures sont grossières, plus le jury peut condamner lourdement, en toute bonne conscience, persuadé de contribuer à protéger une société en déroute ; alors que le véritable objet de ce procès, c’est la légitimation d’une occupation militaire d’État qui a suivi une exécution, même si elle ne sera jamais évoquée en ces termes.
LES ÉMEUTIERS DE BOYENVAL ONT EU RAISON DE SE RÉVOLTER De notre côté, peu nous importe de savoir si tel ou tel accusé a tiré à la carabine à plomb en direction des forces d’occupation. Les rares flics « blessés » ont eu au pire quelques égratignures, voire paraît-il une perte d’audition. Ce qui est sûr, c’est que la justice veut faire payer aux accusés une révolte populaire de grande ampleur. Qu’ils y aient participé ou non, qu’ils aient tiré ou non, l’enjeu reste le même : en punir quelques-uns pour terroriser les autres. Inutile de préciser que les gendarmes qui ont tué Adama Traoré, eux, ne sont toujours pas poursuivis. C’est tout un quartier qui s’est soulevé quand on a appris que ce jeune homme noir était mort dans la gendarmerie. Un de plus sur la trop longue liste des victimes de la police, qui présentent presque invariablement un profil similaire : un jeune non-blanc d’un quartier populaire… La révolte s’est répandue face aux mensonges éhontés de l’État et à une occupation policière brutale et humiliante. C’est ce soulèvement et le combat médiatique et politique des proches d’Adama Traoré qui ont permis que cette mort ne soit pas oubliée comme tant d’autres. La colère enfle aujourd’hui dans tous les quartiers du pays, déjà salement frappés ces derniers mois par les mesures de confinement qui ont laissé les coudées franches à la police pour y jouir violemment de son arbitraire et de son racisme. Rappelons-nous de la manif monstre qui a encerclé le nouveau TGI de Paris une semaine après la fin du confinement : des dizaines de milliers de personnes venues crier leur ras-le-bol du traitement colonial, de la brutalité policière, du racisme d’État. On le sait : la police est violente par essence, et de la gifle au meurtre, les violences policières ne sont jamais le fait de brebis galeuses. Comme le racisme, ça fait partie de l’exercice normal du maintien de l’ordre. En France, si la guillotine a été officiellement abolie il y a bientôt quarante ans, la peine de mort prospère dans la rue, les fourgons, les casernes, les mitards. Chaque fois que la police tue, chaque fois que la matonnerie tue, c’est toujours pareil : mensonges sur les circonstances, sempiternelle mise en avant de la « légitime défense », portrait à charge de la victime – comme si un profil pouvait justifier qu’un chien de garde décide de la peine de mort… Quand les proches ont la force et le courage de mener un combat pour la vérité arrive parfois un procès, au bout d’harassantes années de lutte, et c’est la justice qui vient plier l’histoire… en relaxant presque systématiquement les flics tueurs ou en les condamnant à des peines symboliques. La violence de l’État est systémique et sans commune mesure avec l’autodéfense qui y répond parfois. Les quartiers populaires ont évidemment raison de se révolter. Et nous sommes du côté de ceux que l’État veut sacrifier en boucs émissaires. C’est pourquoi nous appelons toutes les personnes solidaires à se rendre à la cour d’assises du Val-d’Oise* du 21 juin au 10 juillet pour soutenir les accusés. Il ne faut pas les laisser seuls dans une salle pleine d’uniformes – histoire que la justice ne puisse pas faire son sale boulot en catimini.
*(Depuis la gare du Nord : Ligne H, arrêt Pontoise / Depuis gare Saint-Lazare : Ligne J, arrêt Pontoise / RER C : arrêt Pontoise)