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  • Dans l’angle mort des violences d’État : les violences pénitentiaires

    Dans l’angle mort des violences d’État : les violences pénitentiaires

    En plein confinement, nous avons largement manifesté contre les violences policières. La prison tue, elle aussi. Ce samedi 9 janvier aura lieu à Brignais (69) une marche en hommage à Idir, mort au mitard à Lyon Corbas. L’occasion pour l’Envolée de proposer un article contre les violences pénitentiaires, en solidarité avec les proches qui luttent pour faire la lumière sur les morts en détention.

    Malgré le confinement, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté contre la loi dite « de sécurité globale », et plus particulièrement contre l’article qui vise à limiter le droit de filmer les agissements de la police. Si les journalistes s’en mêlent et manifestent avec les autres contre les violences policières, c’est bien parce qu’ils se trouvent directement menacés dans l’exercice de leur profession. Un concours de circonstances qui a mis – pour une fois – quelques caméras officielles du côté des opprimés, et on les a mieux entendus : tant mieux !
    Nous n’oublions pas pour autant que ça fait des années que ces violences sont régulièrement dénoncées par des collectifs et des comités de familles et de victimes qui réclament inlassablement la vérité, le plus souvent sans jamais être entendus ni recevoir de réponse.

    En clair, pour prouver que la police est violente, il faut des images qui passent à la télé.
    Mais alors, comment « prouver » les violences là où il ne peut pas y avoir d’images : en garde-à-vue, dans les centres de rétention administratifs (CRA), et dans toutes les prisons de France ?
    Comment « prouver » qu’il y a des violences pénitentiaires tout comme il y a des violences policières ?


    La prison tue

    Le 9 septembre 2020, Idir est mort au mitard de Lyon Corbas, deux semaines avant sa sortie. L’AP affirme qu’il s’est pendu, mais sa famille et ses proches ne croient pas à la version officielle (voir ici leur pétition), qui est aussi mise en doute par des témoignages de prisonniers.

    Le 18 octobre 2020, Taoufik est mort à la maison d’arrêt de Perpignan. Selon l’AP, il se serait étouffé en mangeant. Sa famille n’a appris sa mort que plusieurs semaines plus tard, alertée par un prisonnier en permission.

    Le 14 avril 2018, Jaouad avait trouvé la mort dans le mitard (quartier disciplinaire) de la maison d’arrêt de Toulouse-Seysses. Ses voisins de cellule avaient immédiatement dénoncé un meurtre maquillé en suicide et désigné une équipe de matons violents, qu’ils appelaient « l’escadron de la mort » (Voir aussi ici et ). Depuis, les violences au mitard continuent, selon des témoignages de prisonniers, malheureusement trop nombreux.

    Tous les trois jours en moyenne, l’administration pénitentiaire signale un nouveau mort au sein de la population pénale – qui se trouve par définition sous son entière responsabilité. Ceux et celles qui connaissent la réalité carcérale pour l’avoir éprouvée dans leur chair parlent souvent de « morts suspectes » plutôt que de suicides.

    La liste de ces « suicides » qui sont contestés par les prisonniers et leurs proches est malheureusement interminable.

    Et même quand il s’agit vraiment d’un suicide, c’est encore la prison qui tue : conditions inhumaines et peines sans fin plongent certains condamnés dans le désespoir.

    En effet, la prison torture aussi. Combien de prisonniers sont tabassés, étouffés, privés de sommeil et de visites ? Un correspondant régulier du journal L’Envolée, « L’infâme », a par exemple subi des violences inouïes à la prison de Vendin-le-Vieil en novembre dernier. Qui s’en émeut ?

    Ceux qui voudraient dénoncer ces lynchages voient s’abattre sur eux une punition immédiate et implacable. Des transferts disciplinaires les éloignent de leurs familles et de leurs réseaux de solidarité au sein de la prison… quand ils ne sont pas passés à tabac à leur tour, comme Jean-Christophe Merlet, un prisonnier handicapé à vie après avoir subi la fureur d’une équipe de surveillants du centre de détention de Saint-Martin-de-Ré qu’il accuse d’avoir frappé à mort un de ses codétenus.


    À l’abri des regards

    Il semble qu’il y ait une prise de conscience du fait que le racisme et la brutalité policières sont bel et bien systémiques, et qu’il est indispensable de pouvoir prouver par l’image le harcèlement policier, les contrôles au faciès, les humiliations, les mutilations et les morts dans le cadre du « maintien de l’ordre ». Ces pratiques sont déjà dénoncées depuis des dizaines d’années par les habitants des quartiers populaires et les personnes racisées… La police tue en moyenne 25 personnes par an. La répression du mouvement des Gilets jaunes a contribué à cette prise de conscience car les images d’une brutalité policière que la sacro-sainte « légitime défense » ne saurait justifier se sont multipliées : yeux crevés, mains arrachées et violences gratuites.

    Il faudrait que cette période soit aussi l’occasion d’enfin entendre les récits sortis des lieux où la violence d’État s’exerce loin des regards.

    Comme les policiers, les surveillants pénitentiaires humilient ; certains tabassent, et tuent parfois derrière les hauts murs des prisons de France. Tout particulièrement dans les mitards et les quartiers d’isolement. Dans ces lieux, il n’y a que les caméras de surveillance qui filment, et les agents connaissent tous les angles morts ; si des images les incriminent tout de même, elles ont tendance à disparaître les rares fois où une enquête est ouverte. Les surveillants sont couverts par leur hiérarchie en toute circonstances. La prison, c’est la vraie « grande muette ». 


    Sort-on de l’humanité en entrant en prison ?

    Et puis les gardiens de prison savent que prisonniers et prisonnières sont au ban de l’humanité. Qu’ils portent un numéro, qu’ils n’ont pas le droit d’association, qu’ils n’ont pas le droit à la parole. La parole des prisonniers est une parole infâme, jamais crue car toujours suspecte d’être mensongère, exagérée, nourrie par « la haine de l’autorité». Lorsque des proches contestent la version officielle après un décès en détention, c’est comme pour les crimes policiers : l’administration pénitentiaire et la justice invoquent d’improbables problèmes de santé, la consommation de stupéfiants, des troubles psychiatriques, des violences à l’encontre des surveillants, des tendances suicidaires… Le défunt est systématiquement présenté comme seul responsable de sa mort. Tant pis si des contre-expertises d’autopsie donnent des preuves patentes que la version officielle est mensongère, si on constate des traces de coups ou de strangulation, tant pis si la corde avec laquelle un prisonnier est censé s’être pendu est trop longue.

    Quand on enferme quelqu’un, on enferme avec lui les gens qui l’aiment. Ils ne peuvent endurer, en plus de l’éloignement et de la séparation, la peur de le voir sortir mutilé, traumatisé, ou entre quatre planches. Mais comme la parole d’un prisonnier ou d’une prisonnière, celle de sa famille n’inspire le plus souvent que de la méfiance, voire le mépris. Des familles et des collectifs de proches de prisonniers et de prisonnières se font tout de même obstinément les porte-voix des prisonnier·e·s qui osent s’exposer aux sanctions disciplinaires en rendant public des faits de violences.

    Nous sommes évidemment opposés à la loi sur la sécurité globale, qui doit être complètement abrogée, mais nous appelons à l’extension du combat à tous les lieux d’enfermement.

    Il faudrait que ce soit l’occasion de croire enfin la parole des premiers concernés, et cette fois sans attendre des images : nous estimons que les prisonniers sont les mieux placés pour décrire ce qu’ils vivent et énoncer quelques vérités sur la prison.

    Les quartiers disciplinaires (QD) et les quartiers d’isolement (QI) sont des lieux de torture. Ils doivent être fermés.

    Toute la lumière doit être faite sur toutes les morts suspectes en prison ; la parole des prisonniers doit être crue et relayée.
    Leurs proches doivent être soutenus dans leur recherche de la vérité.

    L’Envolée

    https://twitter.com/l_envolee/status/1346588867399454728?s=19

  • Mouvement collectif à la prison de Bapaume · Le reconfinement dans les taules · Violences policières au CRA de Mesnil Amelot

    Mouvement collectif à la prison de Bapaume · Le reconfinement dans les taules · Violences policières au CRA de Mesnil Amelot

    Emission de l’Envolée du 30 Octobre 2020 ·

    Lecture d’une Lettre d’une personne enfermée en psychiatrie à Eau Vive

    Mouvement collectif de prisonniers à la prison de Bapaume : des prisonniers sur les toits demandent la fin des violences au mitard et la fin de l’isolement en détention… Déjà plusieurs transferts disciplinaires.

    Le reconfinement en prison : des parloirs jamais revenus et déjà refermés dans plein de taules, bien que le ministre ait dit qu’ils étaient maintenus. Quelles attestations pour aller en parlu ? Ecrivez nous si vous prenez des prunes sur la route!

    Prison pour sans papier : Retour sur la lutte au CRA du Mesnil Amelot depuis une semaine, et la répression depuis (agression pendant une fouille à nu et refus de médicaments). Voir aussi les communiqués et témoignages sortis sur abaslescra.noblogs.org

    Expulsions en masse au CRA de Vincennes

    Des nouvelles de la lutte en cours au centre de rétention de Marseille : communiqué des prisonniers:

    Nous sommes actuellement plusieurs personnes, dont des pères de familles dont les enfants résident en France, à être « retenus » au Centre de Rétention du Canet à Marseille. Nous souhaitons alerter la population sur nos conditions de rétention en cette période d’épidémie de Covid-19, ainsi que sur l’iniquité de cette rétention, alors même que les frontières internationales sont fermées et que toute expulsion sera donc impossible.

    La plupart d’entre nous sont des personnes qui ont effectué toute leur scolarité en France et ont obtenus des diplomes français, qu’il s’agisse du CAP, du BEP, ou même du BAC.

    Moi-même, M. Ayari Lotfi, suis arrivé en France en 1992, à l’âge de 2 ans. J’ai grandi auprès des services de l’aide sociale à l’enfance. Aujourd’hui, cela fait 30 ans que je réside en France.
    Etant arrivé avant mes 13 ans et étant depuis plus de 20 ans sur le territoire, je devrai être protégé par certains articles de lois. Pourtant, la justice française m’a délivré une ITF, une intrediction du territoire français, pendant 5 ans. Contre cette ITF, j’ai lancé un reccours au TGI de Nîmes il y a plus d’un an. Et je n’ai toujours pas d’audience. C’est inadmissible. Les autorités compétentes ont dit à mon avocate que je n’étais pas une priorité. Ce qui paradoxallement ne les empêche pas de vouloir m’expulser. C’est à n’y rien comprendre. Je suis donc retenu au Centre de Rétention du Canet depuis le 29 aôut, soit plus de 25 jours. Le temps est long et le climat anxiogène.

    Nous sommes nombreux à nous sentir en détresse à l’heure actuelle entre ces murs. Nous vivons avec la peur du virus en permanence. Certains retenus sont arrivés au centre de rétention porteur du virus. Certains surveillants ont également été testés positifs au Covid-19 tout en continuant à travailler. Par trois fois il y a eu des débuts de contaminations générale dans le centre de rétention. Pourtant aucune mesure n’est prise pour nous protéger.

    Deux personnes sont également actuellement extrêmement malades. L’un des deux, un père de famille de 5 enfants, a subi deux infarctus. A la suite de chacune de ces crises cardiaque, cette personne a été conduite à l’hopital, puis de nouveau rammenée au centre de rétention. Les faits sont graves et cela fait peur. L’autre personne est un jeune adulte de 20 ans qui est épileptique. Ces deux personnes sont installées depuis longtemps en France. Ils ont de la famille, un hébergement stable. Ces personnes n’ont selon nous rien a faire ici et devraient être libérées.

    Mais il y a plus grave encore. Le 28 octobre, à 20h, monsieur le président de la république a fait une allocution en relation avec l’épidémie de Covid-19. Dans cette allocution il précise que TOUTES les frontières seront fermées à l’international. Il affirme que tous les établissements qui ne sont pas indispensables seront également fermés. Puisqu’aucune expulsion ne peut être réalisée, et puisque les établissements non-indispensables doivent fermer, pourquoi garde t-on les Centre de Rétention ouverts ?

    Nous, les retenus, nous savons que nous coûtons beaucoup d’argent. Nous savons que cet argent est celui des contribuables. Des contribuables qui parfois sont nos parents. Les miens par exemple, qui payent leurs impôts depuis plus de 20 ans en France. Nous pensons que cet argent pourrait être utilisé plus intelligemment à l’heure actuelle, plutôt que de servir à enfermer des gens en attente d’une expusion qui n’aura vraissemblablement pas lieu, puisque les frontières seront fermées jusqu’au 1er Décembre.

    Nous sommes pour l’instant 42 détenus à avoir signé ce communiqué. Nous esperons être rapidement plus nombreux.

    Nous en appelons aux solidarités depuis l’exterieur pour diffuser ce communiqué et nous soutenir dans nos revendications et notre lutte.

    M. Ayari Lotfi et 41 autres détenus.

    Ecrivez nous pour nous raconter le reconfinement à l’intérieur et pour les proches


    L’Envolée, l’émission pour en finir avec toutes les prisons, donne la parole aux prisonniers, prisonnières et à leurs proches. Émission de radio chaque vendredi de 19 à 20h30 sur FPP 106.3 en région parisienne et MNE 107.5 à Mulhouse, sur RKB 106.5 en centre Bretagne les lundis à 22h, et sur les webradios Pikez (dimanche à 11h) et Station Station (lundi à 13h). Podcasts disponibles sur toutes les plateformes de podcast.

    Notre numéro de téléphone : 07.52.40.22.48 (whatsapp, telegram, signal, appels et textos). Pour écrire : Radio FPP – L’Envolée, 1 rue de la solidarité, 75019 Paris, ou encore à lenvolee.net et sur instagram, twitter, facebook & snapchat.