Lettre d’Emma, lue à l’antenne le 18 Septembre 2020
Je m’appelle Emma, je suis transgenre, J’ai été détenue au centre pénitentiaire des femmes de Rennes, entre décembre 2018 et août 2020 où j’ai subi des violences répétées par le personnel pénitentiaire, la direction et les détenues.
En décembre 2018 j’arrive au centre de détention des femmes de Rennes, où je suis intégrée à la maison d’arrêt de Rennes ; mon entrée a débuté par une fouille au corps avec palpation, Quand je suis arrivée je ne me sentais pas bien, on ne m’a pas donné mes hormones comme il se doit, car le docteur S a refusé pour des raisons qui la concernent. Elle m’a appelé Monsieur en plein rendez-vous.
En janvier 2019 et février 2019, Monsieur B, directeur de la prison des femmes de Rennes s’est permis, de m’insulter en donnant son avis sur mes organes génitaux, à la suite de quoi j’ai été mise au quartier disciplinaire, ainsi qu’au quartier d’isolement pour une période totale de 8 mois, car Monsieur le directeur m’a dit très frontalement qu’il pensait que j’avais un sexe masculin.
Sans mes hormones, ma transformation était compliquée psychologiquement et physiquement, d’autant qu’en isolement on est maltraitée : violences et brimades par les surveillantes, pas le droit de sortir, pas le droit aux activités, c’était ce qu’ils appelaient le « régime de contrôle ».
La seule activité à peu près autorisée était le sport, pour toute autre activité il fallait demander l’accord du chef de détention. Les femmes qui se retrouvent en isolement perdent leur travail ou ne peuvent pas travailler, je suis restée un an et demi sans travail à cause des refus répétés du Directeur de la prison. J’ai passé ma détention entre quartier disciplinaire et isolement et de temps à autre au centre de détention quand le personnel ne trouvait plus de motif à me mettre à l’isolement Je tiens à vous préciser que j’ai vu plusieurs filles aller en isolement à la demande du directeur du centre pénitentiaire des femmes de Rennes ou sur simple décision du chef de détention, et cela m’est arrivé à la fin de ma détention au sein du CPF, sans motif valable. En ce qui concerne les violences, après une tentative de suicide, j’ai été mise à l’isolement ce qui a généré chez moi une incompréhension mêlée à un sentiment d’injustice devant cet abus d’autorité. En tant que personne fragile cela était compliqué pour moi de rester enfermée 24 heures sur 24, dans une cellule de 7,35 m².
Au régime régime d’isolement, les douches sont très peu nettoyées ; quand on me donnait à manger c’était dans de l’aluminium.
En mai 2020, je me suis énervée contre les surveillantes qui avaient eu des remarques déplacées sur ma transidentité. Je leur ai dit qu’elles avaient un délire de persécution, elles m’ont alors plaquée au sol à plusieurs, deux hommes étaient présents, l’un des deux m’a tiré par les cheveux en me disant « tu aimes bien le quartier disciplinaire ». Il m’a fait très mal, ils ont utilisé une prise d’étranglement, je ne pouvais plus bouger, j’étais paralysée et je ne pouvais plus respirer. J’avais la main en sang car les plaies de ma tentative de suicide s’étaient rouvertes dans la bagarre. La surveillante m’a donné un coup de poubelle métallique sur la figure. J’ai encore à ce jour deux crans à la tête, qui témoignent de la force qu’elle a mise à ce geste ; à ce jour j’ai encore des pertes d’équilibre dues à cette bagarre.
J’ai été obligée de passer une I.R.M. cérébrale pour suspicion de traumatisme et j’ai été jugée par le tribunal correctionnel de Rouen, qui n’a pas reconnu la violence que j’ai subie. J’ai été condamnée à sept mois d’emprisonnement avec sursis, dont trois ferme, avec un suivi de deux ans, obligation de soins et obligation de travail.
Je souhaite à ce jour déposer plainte contre les 8 surveillant.e.s, dont la surveillante qui m’a frappée avec la poubelle métallique pour tentative d’homicide sur personne vulnérable.
Au CPF de Rennes il est monnaie courante pour les détenues de subir des agressions de la part des surveillantes lorsqu’elles sont dans des lieux à l’abri du regard des autres. J’ai été visée par 38 compte rendus d’incident : de la part des surveillantes qui se sont senties insultées si je leur répondais ou bien par des détenues qui me calomniaient, l’une d’elles a même déposé plainte contre moi pour des faits qui ne se sont jamais produits.
Juste après sa prise de fonctions la nouvelle directrice s’est permise de m’insulter en pleine commission de discipline devant l’avocat, et les assesseurs avant de me mettre au quartier disciplinaire pendant 20 jours. Je connais une détenue qui est à l’isolement, à répétition depuis au moins janvier 2019. La prison est vétuste, l’eau est calcaire, les douches ne sont pas nettoyées, les sols non plus, surtout dans les couloirs, et cela ne change pas même en temps de Covid 19. Les détenues ne portent pas de masque et n’ont pas accès à du gel hydroalcoolique, les activités sont réduites.
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