Il est disponible pour 2 euros dans de nombreux points de distribution (voir ici), en abonnement de soutien pour 15 euros par an, et gratuit pour les prisonniers et prisonnières.
Sommaire :
- Dur D’entendre les Prisonniers Fâchés : à propos de la vague d’actions d’avril 2025
- « La guerre, Darmanin, c’est vous qui l’avez déclenchée » : appel de DDPF
- Narcotrafic, narcoprison, narcobullshit mais vraie torture
- « On ne leur cèdera pas un seul millimètre de notre dignité » : lettre de Rédoine depuis le QI contre les QLCO
- Lettres de l’intérieur :
« Les nouvelles de dehors font pas rêver » – Julien à Seysses
« Selon leur humeur, soit ils te défoncent, soit ils te défoncent » – Kémi à Moulins
« Les frigos en priorité, Madame ! » – Vivi aux Baumettes
« Je veux rentrer chez moi en Guadeloupe » – Fabrice à Valence
« Oui, la surpopulation est une réalité » – BN à Poitiers
« Cessez de nous disséquer, de nous autopsier, nous sommes encore vivants ! » – Pascal à Réau - Mort d’Aubin au mitard de Fleury : la famille ne croit pas à la version de la pénitentiaire

Édito : Le principe du serflex
Lorsque des policiers masqués et armés clamaient le slogan du syndicat d’extrême droite Alliance « Le problème de la police, c’est la Justice » devant l’Assemblée nationale en mai 2021, leur ministre de tutelle était à leurs côtés. Problème réglé : maintenant qu’il est garde des sceaux, il continue à avancer à marche forcée vers toujours plus de brutalisation de la Justice. Après avoir bien dragué les syndicats de keufs, Darmanin a remis le couvert direct avec les syndicats de matons en lançant une grande croisade antitaulards.
Dans cette séquence boostée par l’instrumentalisation de l’évasion sanglante de Mohamed Amra en mai 2024, il ne se passe pas de jour sans que tombe une nouvelle annonce de mauvais augure pour les enfermé·es… Suppression des activités, commande de 3 000 nouvelles places de prison dans des préfabriqués, menace de faire payer des « frais d’incarcération » aux prisonnier·es… Et surtout, création de super « narcoprisons » à Vendin-le-Vieil, à Condé-sur-Sarthe et pourquoi pas jusqu’en Guyane – en attendant de « remettre du bon sens partout » avec une réforme de la Justice. Bref, il fait scrupuleusement tous les fonds de tiroir de l’arsenal répressif. Ça passe ou ça casse, mais c’est toujours tout bénéf pour la campagne présidentielle qu’il a déjà commencé à mener sur le dos des prisonniers et des prisonnières.
La création des quartiers de lutte contre la criminalité organisée (QLCO) est une aubaine qui permet à Gérald d’occuper le devant de la scène dans la guerre contre les « narcotrafiquants », dont il a largement contribué à consolider la figure menaçante. Un écran de fumée pratique pour légitimer une offensive bien plus large. Le narcotrafic n’a aucune existence juridique : dans la loi, il est seulement question de « criminalité organisée ». Et pour tomber dans cette catégorie, il suffit de se faire coller une association de malfaiteurs, ou même d’en être simplement suspecté. C’est dire si cette formule recouvre un vaste éventail de crimes et de délits. Les QLCO viennent s’ajouter à toute une gamme d’établissements et de régimes de détention. C’est le dernier maillon de la chaîne de la pénalisation – pour le moment… Entre placement préventif à l’isolement et opacité des critères de sélection, ça permet de faire peur à tout le monde. C’est un niveau de déshumanisation inédit, et sur lequel il sera difficile de revenir, selon le principe du Serflex : même si les concurrents de Darmanin réussissent à lui balancer une peau de banane dans la dernière ligne droite, le mal sera fait. D’autant que, selon les dires d’un conseiller du ministère, « on a l’opinion publique avec nous ».
De mémoire d’Envolée, on avait jamais vu un tel engouement médiatique pour la com d’un ministre des tribunaux et des prisons. Le thème du remplissage de Vendin donne lieu à un véritable festival. Darmanin communique à chaque transfert, et la presse régionale jacasse chaque fois qu’un gars de chez eux est transféré. Chacun se passionne pour le « mercato des narcos » et le JDD se félicite que « sept profils à très haut risque [aient] été transférés […] pour isoler les têtes pensantes du narcobanditisme français ». De son côté, Le Figaro explique que « le pari est de mettre totalement sous cloche ces détenus pour les empêcher de poursuivre leurs juteuses affaires hors les murs et de commanditer crimes et exactions. » La prétendue « fuite » sur CNews et dans le JDD des fiches pénales des « détenus parmi les plus dangereux du pays » ne choque personne, elle donne lieu à une « plongée inédite dans les arcanes du crime organisé ». Et pour qu’on comprenne bien que c’est à tous·tes les prisonnier·es qu’il veut du mal, le ministre a même choisi de reporter d’une semaine l’inauguration de l’extension d’un établissement nîmois après avoir appris « l’existence d’une table de massage », et exigé qu’elle « soit retirée de la zone de détention et mise à disposition des personnels pénitentiaires ». La vraie nouveauté, c’est que Darmanin assume clairement qu’il faut plus de places en prison, mais pas pour que les taulard·es soient moins serré·es ; et que l’échelle des peines devenue échelle des tortures en vient carrément à constituer un argument électoral.
Une offensive de cette ampleur contre 85 000 prisonnier·es ne pouvait évidemment pas rester sans réponse : il y a eu la vague d’actions de DDPF (défense des droits des prisonniers français). La déclaration d’intention décrit une situation bien réelle, à savoir que c’est à tous·tes les prisonnier·es que la guerre est déclarée. Derrière les opérations spectaculaires et leur exploitation médiatique, il y a le quotidien et les résistances de tous les jours – comme le blocage du QI de Fresnes en mai dernier – qui continuent à éclater sporadiquement ici et là tandis que l’étau se resserre. Et puis, dès leur transfert, une trentaine de personnes ont déposé des recours auprès du tribunal administratif contre leur placement au QLCO de Vendin et contre les conditions de détention. À l’heure où nous bouclons ce numéro, soit à peine un mois après leur arrivée à Vendin, des prisonniers se sont coordonnés pour inonder leur cellule dans trois coursives en même temps. Le lendemain, ils ont recommencé et tambouriné sur les portes ; certains ont aussi annoncé leur intention de se mettre en grève de la faim illimitée à partir du 1er septembre… On dirait bien que c’est pas fini.
NB : Effectivement, quelques jours après le bouclage du n°63, nous recevions le communiqué des prisonniers de Vendin-le-Vieil en grève de la faim…
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Ce numéro a été illustré par Antoine Bouraly. Vous pouvez retrouver son boulot sur instagram.com/antoine_bouraly
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