Catégorie : Journal

  • Les culottes d’Éliane

    Les culottes d’Éliane

    Lettre ouverte à Éliane, présidente du collectif des riverains des Baumettes 2.
    Publié dans L’Envolée 52, dispo un peu partout mais aussi en ligne (ici).

    Eliane, les plaintes de ton collectif ont été entendues.
    Il a été mis un terme au calvaire que tu vis depuis mai 2017, à savoir que tu te fais interpeller par les prisonnières des Baumettes lorsque tu es dans ton jardin, qu’elles peuvent te voir et, par-dessus le marché, que tu subis jour et nuit « des nuisances sonores et visuelles »… Au point que tu ne vas même plus sur une partie de ta terrasse (sauf pour étendre le linge) parce qu’une fois des prisonnières t’ont lancé à la cantonade : « elles sont propres, tes culottes ? »

    Mais Éliane, c’est pas grave si tu chies dans tes culottes, puisque grâce à toi et tes amis du collectif, les filles, elles, ne pourront plus les étendre, les leurs, de culottes : tu viens de leur boucher la seule fenêtre qu’elles avaient.

    C’est d’autant plus dommage pour celles qui n’ont personne pour leur ramener du linge propre régulièrement. Ça fout les boules, surtout quand on sait que les femmes ne rechignent pas à maintenir les liens avec un proche incarcéré, mais qu’elles se retrouvent en revanche le plus souvent abandonnées lorsque ce sont elles qui vont en prison.

    Heureusement qu’elles peuvent compter sur un sympathique collectif de voisins pour leur rendre la vie plus dure encore.
    Oui, Éliane : grâce aux fenêtres antibruit, tu peux désormais étendre tes culottes sales sans risquer d’essuyer la moindre remarque des filles. Problème réglé au moyen d’un châssis fixe, avec une petite partie qui s’ouvre – mais qui est équipée d’un piège à son ! Fantastique.

    Finies les discussions d’une cellule à l’autre, les parloirs sauvages…
    Bon, l’atmosphère de la cellule est devenue irrespirable – surtout qu’elles sont exposées plein sud, les 137 filles, dont des mineures, enfermées en cellule vingt-deux heures sur vingt-quatre. Les cellules des arrivants aussi sont concernées – déjà que le choc carcéral en pousse pas mal au suicide, avec tes nouvelles fenêtres, ça devrait pas s’arranger !

    Tu sais quoi, Éliane ?
    Vu d’ici, on a comme l’impression que tu n’as pas remarqué que la prison en face de ta terrasse, en réalité, elle est aussi au-dessus de ta tête.

    Allez, Éliane, va nous laver cette vilaine mentalité que tu as !


    L’Envolée

  • Le numéro 52 est sorti !

    Le numéro 52 est sorti !

    Portez-vous bien, tenez-vous mal ! Il fait 68 pages, et il a été envoyé à tou.te.s les abonné.e.s en cette fin de semaine.
    Pour les autres : L’Envolée n°52 est en vente à Paris (Quilombo) et à Toulouse (Terra Nova).
    Et peut-être en Bretagne, à Saint-É, Marseille, Lyon, Nice, Cherbourg, Lons le Saunier, Montréal…
    Contactez-nous : contact@lenvolee.net ou en nous écrivant au 1, rue de la solidarité 75019 Paris.

    Actualisation janvier 2021 : le journal 52 a été interdit par la direction de l’administration pénitentiaire.
    Faites-nous signe si un·e de vos proches a du vivre des ‘bricoles’ parce que le journal faisait partie de ses affaires…
    Même si il ou elle a forcément reçu le canard des mains de l’AP.


    Télécharger le numéro

    Au sommaire :

    * Suerte, l’ami !
    * « Fais passer le yoyo », par No Name


    LES PRISONS CONFINÉES... / 6-28
    *
    Miradors d’une société toujours plus carcérale

    * Mutinerie d’Uzerche : l’Etat veut effacer l’historique
    * Carton écarlate à la MA de Seysses
    * Toujours privé·es de parloir
    * « A force d’être trop tôt pour eux… »,
    par Philippe
    * « Je veux vous rendre hommage », par Cathy
    * Les prisons pour sans-papiers n’ont jamais fermé

    * Brèves / 29
    *
    Les culottes d’Éliane / 30
    *
    Un nouveau code pénal pour enfermer les enfants / 31

    ISOLEMENT CARCÉRAL, TORTURE BLANCHE / 32-39
    * « Guide de survie contre l’isolement », par Mounir
    * Courriers de Bilal et Kémi
    * « Ici c’est le terminus »,
    par L’Infâme
    * « Je veux juste voir le ciel », par Sam
    * Trans et prisonnières : double peine !
    * « Arrivé au QD, ils m’ont mis à genou…»,
    par Abderazzak

    SUPERDUPOND-MORETTI / 40-44
    * De qui le ministre des prisons est-il vraiment l’ami ?
    * Demande de mise en liberté pour les prévenu.es : mode d’emploi et lettre type


    RÉVOLTES CONTRE LES PRISONS POUR SANS-PAPIERS / 45-47
    * Février 2020 : incendie ravage au CRA de Vincennes
    * « On n’est pas libre quand on est privé de sa vie »,
    par Carla
    * « Si tu chantes pas, tu manges pas », par une prisonnière du CRA du Mesnil-Amelot

    PEINE DE MORT EN PRISON / 48-56
    * Idir au mitard de Lyon-Corbas
    * Jaouad au mitard de Seysses
    * Khaled au QI de Villepinte
    * Mohammed au CRA de Vincennes
    * Sambaly à la centrale de Saint-Martin-de-Ré
    * L’AP s’acharne sur Jean-Christophe Merlet


    * Brèves
    / 57

    CONTRE UNE VENGEANCE D’ETAT AU PROCÈS DES RÉVOLTES DE BEAUMONT-SUR-OISE / 58-64

    * À lire, à voir / 65

    L’Envolée journal · FPP, 1 rue de la Solidarité 75019 Paris.
    Numéro 52 : 2euros + frais de ports
    Abonnements : 15. > les abonné·e·s de dehors paient les abonnements dedans !
    contact@lenvolee.net

    L’Envolée publie des lettres de prisonniers et de prisonnières, des récits de procès et des analyses sur la société et ses lois.
    Depuis 20 ans, le journal prolonge le travail mené par des émissions de radio qui maintiennent un lien entre l’intérieur et l’extérieur des prisons, hors du contrôle de l’administration pénitentiaire (AP).
    Le journal est réalisé par des ex-prisonnier.es ou des proches qui pensent qu’il est primordial de faire vivre une discussion entre intérieur et extérieur des murs.
    Les prisonniers décrivent leur quotidien, dénoncent leur conditions de détention, se battent contre l’enfermement sans que d’autres aient à parler à leur place.
    Une parole de prisonnier.e qui dénonce l’AP ou la justice, – qui plus est quand cette parole est collective – , n’a pas le droit de franchir les murs !

    L’existence-même de cette parole dérange l’ordre des choses.
    L’Envolée se veut un porte-voix des prisonniers et prisonnières qui luttent contre le sort qui leur est fait ; nous ne sommes ni des portes-paroles, ni même un syndicat de prisonniers.
    Nous faisons le pari que les mots nourrissent les luttes contre la justice et l’enfermement.
    Le journal s’inscrit dans l’histoire de la critique sociale abordée sous l’angle du droit et de la justice.

    La prison est le ciment nécessaire à l’État pour permettre au capitalisme de se développer.
    Prisons et justice servent principalement à enfermer la misère.
    L’enfermement carcéral joue un rôle social de repoussoir : il produit une peur nécessaire au maintien de cette société. Ainsi la prison sert aussi à enfermer dehors.


    Ce journal existe depuis 2001 malgré les censures et poursuites de l’AP, malgré nos faibles moyens. Nous ne comptons que sur l’argent des abonnements et des événements que nous organisons pour financer la sortie du journal.
    N’hésitez pas à écrire, à vous abonner et à abonner vos proches prisonnier.es en nous envoyant leur numéro d’écrou :
    L’abonnement est gratuit pour les enfermé.es.

  • Le numéro 51, spécial abonné·e·s, est dehors !

    Le numéro 51, spécial abonné·e·s, est dehors !

    Un 12 pages destiné essentiellement à nos abonné.e.s, imprimé à peu d’exemplaires, qui sera donc très peu distribué à l’extérieur. Si toutefois vous voulez le lire (et il y a plein de choses intéressantes dedans), vous pouvez le télécharger là : Envolée 51 (SLIM)

  • Le n°50 du journal est sorti !

    Le n°50 du journal est sorti !

    4

    Comme vous le savez, le numéro précédent date de l’année dernière, c’est pourquoi celui-ci est deux fois plus gros. Les parutions vont dorénavant se poursuivre à un autre rythme. Nous réfléchissons à la meilleure manière de faire sortir la parole de l’intérieur. L’Envolée est déjà présent sur différents supports : la radio (sur Fréquences Paris Plurielles, 106.3 en région parisienne), le site Internet, les réseaux sociaux (Facebook et Twitter ).

    Cinquante numéros nous ont appris que la publication d’un journal papier reste une des meilleures façons d’inscrire dans la durée des paroles, peu importe comment elles nous parviennent : courriers, conversations téléphoniques, Internet… Les luttes, les histoires, les idées peuvent ainsi circuler de la main à la main. L’Envolée fait exister le point de vue de prisonnières et de prisonniers dans la société. Si nous arrivons à le faire depuis dix-huit ans, c’est grâce à des correspondances, des solidarités concrètes et des amitiés avec des personnes écrouées. Ce sont ces échanges qui construisent un point de vue singulier sur la justice, la prison et la société. Du coup, la réflexion sur l’orientation du journal, c’est en dialoguant avec l’intérieur qu’on voudrait la mener ! Nous appelons donc les prisonniers et les prisonnières à réfléchir avec nous aux outils de lutte les plus efficaces pour partager leurs réalités quotidiennes, leurs galères et leurs bagarres dans les taules et dans les tribunaux.

    Nous rappelons que l’argent récolté continuera à servir comme toujours à diffuser gratuitement ce journal aux prisonniers.

    Force, courage et détermination à toutes et tous !

    Vous pouvez vous abonner ou abonner des prisonniers en nous écrivant à l’Envolée, 43 rue de Stalingrad, 93100, Montreuil. L’abonnement de soutien est à 15 euros par an (ou plus en fonction des bourses ; chèque à l’ordre de l’Envolée). En vous abonnant dehors, vous nous permettez d’abonner plus de prisonniers et de prisonnières à l’intérieur puisque l’abonnement est gratuit pour toutes les personnes enfermées.

    Le journal est par ailleurs disponible au prix de 4 euros dans de nombreuses librairies en France et en Belgique. Nous remercions d’avance ceux et celles qui nous communiqueront d’autres lieux (librairies, infoshops, bars, magasins, accueils familles) pour déposer le journal.

    N’hésitez pas à nous demander le journal en plusieurs exemplaires si vous voulez, vous aussi, le distribuer dans votre région  : contact@lenvolee.net

    Liste des points de vente :  Où nous trouver ?

  • Édito et sommaire du nouveau numéro 49

    Édito et sommaire du nouveau numéro 49

    Suite au traditionnel défilé du 1er mai, Macron a déclaré, depuis l’Australie : « Tout sera fait pour que les auteurs [des « violences »] soient identifiés et tenus responsables de leurs actes », tandis que Wauquiez, fraîchement intronisé chef de la droite, brâmait son « soutien total à nos forces de l’ordre qui font face à ces voyous ».
    En pleine commémoration du cinquantenaire de Mai 68, ils se sont placés dans le droit-fil d’un Peyrefitte – alors ministre de l’éducation – qui désignait les manifestants de l’époque comme « des agitateurs organisés, qui connaissent parfaitement les techniques de la guérilla urbaine ».
    Un vrai saccage, ce 1er Mai, à ce qu’il paraît ! … en tout cas, quelques images d’un McDonald’s en flamme ont tourné en boucle, tous les politiques se sont étranglés d’horreur devant « la violence des manifestants » et leurs petits potes présentateurs les ont aidés à faire monter la sauce. Avec cette condamnation unanime, on a bien vu que les discours des commémorateurs de 68 sonnaient creux… mais le bourrage de crâne continue sur le thème : « le public qui aurait échappé au déferlement des hordes de casseurs sans traumatisme majeur a finalement été pris en otage par ces nantis de grévistes de la SNCF ! »

    Pendant qu’on brandit ces épouvantails, une autre violence est partout : la violence économique. Quotidienne, subie ou acceptée car vue comme indépassable. Au moment même où on veut faire passer les salariés qui défendent leur outil de travail pour des privilégiés, Bernard Arnault – le champion du capitalisme français – devient la quatrième fortune mondiale ; en un an, sa fortune personnelle est passée de 50 à 80 milliards d’euros. La crise, on la vit pas tous de la même façon…
    Comme promis, la violente répression policière du conflit social a alimenté la machine judiciaire ; en comparution immédiate ou pas, celle-ci a fait pleuvoir des peines pour la simple participation à un attroupement « en vue de commettre des violences ». Inexorablement, la prison joue son rôle de punition et d’exclusion, et remplit sa fonction de repoussoir : punition pour des délits qui étaient hier encore tout juste passibles d’amendes, exclusion pour celles et ceux qu’on condamne d’un coup de manche bordée d’hermine à des peines d’élimination sociale, et repoussoir pour tous ceux qui se soumettent à l’ordre établi de peur de se retrouver enfermés.

    A chaque publication des chiffres officiels du nombre des prisonniers, l’Administration pénitentiaire bat son propre record. Le 1ermai 2018, il y avait 70 633 personnes écrouées et enfermées, et 12 030 enfermées à la maison ou en foyer (statistique mensuelle des personnes écrouées et détenues en France, direction de l’AP, Justice.gouv.fr). Quelque part entre le nombre d’exilés morts en Méditerranée et le nombre de français survivant sous le seuil de pauvreté dans la Start-up Nation, la « surpopulation carcérale » finit par ne plus être qu’un chiffre de plus, qui ne dit plus rien à personne. Alors comme le demandait Michel Foucault, mais aussi Hafed Benotman et des dizaines d’autres prisonniers dans nos colonnes, ne parlons plus de « surpopulation carcérale », mais bien de surenfermement de la population, car on le sait bien, à l’intérieur : la prison, c’est le mitard de la société !
    Eh oui : derrière les barreaux, on retrouve exactement la même menace permanente d’un enfermement – mais un enfermement DANS l’enfermement, cette fois-ci. La prison isole de la société, puis le mitard isole des autres prisonniers. Le quartier disciplinaire (QD), bien nommé mitard, cachot, frigidaire, joue le même rôle que la prison dans le monde « libre »… Quand on tente de s’évader, on commence par aller au mitard ; quand on est pris avec un joint, on va au mitard ; quand on s’oppose à l’arbitraire quotidien des matons, on va au mitard ; quand on refuse de se soumettre à des règles absurdes, on va au mitard… En clair, quand on essaie de rester vivant et debout en prison, on est certain de connaître le mitard. Combien sont-ils, combien sont-elles à cet instant, enterré.e.s vivant.e.s en cellule disciplinaire ?
    Enfermé.e.s dans un monde hors du monde, un espace sans espace, une vie sans vie, sans lumière et sans ombre ? Impossible de répondre à cette question.

    https://www.youtube.com/watch?v=T3cE3E2x6u8

    Une chose est sûre : les mitards sont indispensables à l’administration pénitentiaire. Ce foutu système carcéral ne tiendrait pas sans la menace constante du cachot ! C’est à cause d’elle que des centaines de prisonnières et de prisonniers acceptent d’obéir. Comme les quartiers d’isolement, le mitard est le lieu où l’on casse par la violence sadique la moindre contestation des règlements – toujours arbitraires – des prisons, au risque de rendre fou et folles ceux qu’on jette dans ces tombeaux de béton.
    Récemment encore, quand un prisonnier était envoyé au mitard, d’autres s’y faisaient envoyer volontairement pour briser sa solitude, et aussi pour désamorcer la menace : quand les mitards sont pleins, ils ne servent plus à rien pour la pénitentiaire… mais ça demande une solidarité qui n’est pas toujours au rendez-vous.

    Comment supporter de se retrouver dans une cellule de 2 mètres sur 3 en moyenne, avec un lit en béton, une table en béton et des toilettes à la turque ? La surface de déambulation y est de 4,15 m2 en moyenne – inférieure aux normes réglementaires pour les chenils (5 m2, arrêté du 25 octobre 1982). La luminosité y est de 7 à 30 lux, alors qu’il en faut 300 pour lire un livre ou une lettre. La cellule est sale et puante car les outils de ménage y sont interdits. Le prisonnier y reste enfermé 23 heures sur 24. Il a droit à une heure de « promenade » dans une toute petite cour grillagée. Le prisonnier ou la prisonnière conserve la même tenue vestimentaire pendant tout son séjour au mitard. Une à deux douches par semaine. La nourriture est servie dans un récipient qui ressemble plutôt à un pot de chambre ou à la gamelle d’un chien. Une ou deux couvertures, selon la saison, un rouleau de papier, une brosse à dents, du dentifrice, un morceau de savon et un verre en plastique. L’hiver, le froid est glacial ; l’été, la chaleur est étouffante ; les cachots, souvent sans fenêtre. Quand il y en a, elles sont tellement sales qu’entrevoir le bleu du ciel tient du miracle. Comme l’écrivait déjà Me Eolas il y a quelques années, « un particulier qui logerait quelqu’un dans ces conditions encourrait [cinq années] d’emprisonnement [les peines initiales de deux ans ont été portées à cinq par la loi sur la sécurité intérieure du précédent ministre de l’Intérieur]. Mais l’Etat est pénalement irresponsable, alors il peut se le permettre. »

    Le mitard est conçu pour détruire physiquement et mentalement, et il est bien difficile de résister à cette « torture blanche ». Lorsque la solitude est intenable, le suicide devient parfois une obsession, comme un ultime pied de nez à l’administration pénitentiaire. On appelle cela « des suicides » ; pourtant c’est la prison qui les tue. Un prisonnier, une prisonnière placée vivante dans un cachot par l’administration pénitentiaire se trouve sous sa responsabilité ; elle doit en ressortir vivante. Et puis, il y a toutes les fois où ce n’est pas le prisonnier qui se passe le noeud coulant autour du cou, mais bien des fonctionnaires qui portent le badge de l’AP. Le mitard est par excellence la partie de la détention où les matons peuvent agir à leur guise… On ne sait jamais ce qui s’est réellement passé, même quand les familles et les proches sont certaines que leur enfant, leur conjoint, leur ami n’a pas pu se suicider, même quand on retrouve des traces de coups inexpliqués. L’opacité qui entoure l’horreur de ce qui se passe dans les quartiers disciplinaires est entretenue par tous ceux qui y interviennent : médecins comme gardiens.

    Parfois, ces « suicides douteux », ces « morts suspectes » mettent le feu aux poudres parce que les prisonniers savent la vérité et veulent la faire entendre ; ils font plus que soupçonner, ils accusent.

    Il n’y a pas de mort volontaire au mitard.

    Nous avons choisi de consacrer ce numéro aux événements qui se sont déroulés à la maison d’arrêt de Seysses à partir du mois d’avril 2018, suite à la mort d’un prisonnier au mitard. S’il n’est vraiment pas rare d’apprendre la mort d’une prisonnière ou d’un prisonnier dans ces cachots, ce n’est pas très fréquent qu’il y ait une réaction collective de prisonniers qui refusent d’accepter que l’on ait tué l’un des leurs. Depuis le mois d’avril dernier, des prisonniers de Seysses prennent la parole collectivement, malgré les périls auxquels ils s’exposent, malgré les jours de mitard, les suppressions de remise de peine, les transferts. Ce n’est pas à prendre à la légère ! Parce qu’ils savent combien l’existence même des prisons repose sur celle du mitard, sa suppression est une exigence historique des mouvements de prisonniers :

    A BAS TOUS LES MITARDS

    Vous pouvez vous abonnez ou abonner des prisonniers en nous écrivant à l’Envolée, 43 rue de Stalingrad, 93100, Montreuil. L’abonnement de soutien est à 15 euros par an (ou plus en fonction des bourses ; chèque à l’ordre de l’Envolée). En vous abonnant dehors, vous nous permettez d’abonner plus de prisonniers et de prisonnières à l’intérieur puisque l’abonnement est gratuit pour toutes les personnes enfermées.

    Le journal est par ailleurs disponible au prix de 2 euros dans de nombreuses librairies en France et en Belgique. Nous remercions d’avance ceux et celles qui nous communiqueront d’autres lieux (librairies, infoshops, bars, magasins, accueils familles) pour déposer le journal.

    N’hésitez pas à nous demander le journal en plusieurs exemplaires si vous voulez, vous aussi, le distribuer dans votre région  : contact@lenvolee.net

    Liste des points de vente :  Où nous trouver ?

  • Le journal 48 est bientôt dehors ! Sommaire et édito.

    Le journal 48 est bientôt dehors ! Sommaire et édito.

    Chaud l’hiver du côté pénitentiaire !

    Ça reniflait fort l’odeur du pneu brûlé devant les grilles et les portes des prisons. Quinze jours d’agitation chez les matons, quinze jours à rendre la vie impossible aux prisonnières et prisonniers ; il faut dire que c’est pas trop dur pour tous ces porte-clés d’empêcher complètement le peu de vie, de sociabilité, d’activités autorisées par les règlements pénitentiaires : il leur suffit de systématiser ce qu’ils ont l’habitude de faire. Par contre, à aucun moment ces gardiens à la profession inqualifiable, n’ont osé s’en prendre directement à leur hiérarchie, aucun blocage de ministères ou même de tribunaux. Ils sont restés bien tranquilles en bons serviteurs de l’ordre établi, eux dont la fonction est de tenir enfermés violemment d’autres pauvres. Ils n’ont même pas le droit syndical de faire grève, ils l’ont échangé il y a longtemps contre des avantages salariaux. Et côté reconnaissance sociale, il va falloir qu’ils admettent qu’ils ne sont que les derniers maillons honteux d’une chaîne d’emplois dans le marché de la répression. Macron s’est permis de les remettre à leur place, un peu à l’ancienne, en les assimilant à un sous prolétariat séduit par le FN : « Les syndicats ne tiennent rien! FO-pénitentiaire est noyauté par le FN, ce qui explique sa position jusqu’au-boutiste. » Et Jean-Claude Mailly, le grand chef de FO de renchérir en précisant : « Moi, je ne les connais pas bien, ceux de la pénitentiaire ». Qu’ils continuent à en bouffer des nouilles et rien de plus…

    Du côté du pouvoir, ça continue à communiquer. Bien sûr, quelques avantages concédés aux matons. Le gouvernement a surtout réaffirmé qu’il développerait le système de la prison à l’extérieur pour les plus courtes peines : on devrait connaître l’ouverture d’une agence des travaux d’intérêt général. Une nouvelle boîte d’intérim quoi, mais encore plus pratique pour les employeurs : une main d’œuvre corvéable à la merci d’une décision de justice qui a tout pouvoir de renvoyer directement en prison les récalcitrants aux sales boulots. Et tout ça conjugué au plan prévu de construction de quinze mille nouvelles places de prison : toujours et encore cette même logique exponentielle du nombre de prisonnières et de prisonniers et de personnes placées sous contrôle judiciaire. L’enfermement de masse passe autant par la construction de prisons que par la multiplication des « peines alternatives ». Tous les adorateurs de la loi Taubira vont pouvoir se mettre à table dans la joie et la bonne humeur avec les instances du pouvoir pour penser et fabriquer la prison « moderne ». Un grand consensus de toutes ces associations qui font toujours semblant de s’interroger sur le sens de la peine, quand la réponse est dans la question: punir pour asseoir la domination de quelques uns sur le plus grand nombre.

    Évidemment tout le monde ne tombe pas dans le piège, surtout pas les premiers concernés par l’enfermement : les prisonnières et prisonniers, les proches et familles qui connaissent bien la réalité de la justice et de la prison. Il y a eu des rassemblements en solidarité avec les prisonniers devant les taules pendant toute cette période : à Châteauroux, à Dijon, à Fleury, à Marseille pour ceux dont nous avons entendu parler.
    Quelques familles viennent de fonder un syndicat, le PRP (pour la Protection et Respect des Prisonniers), pour créer un rapport de force face à l’administration pénitentiaire. Les proches et la famille d’Angelo Garand abattu par le GIGN, en mars 2017 ont organisé à Blois, à la fin du mois de février, une conférence-débat sur ce thème : «L’engrenage carcéral : peut-on en sortir?» pour «questionner l’ensemble d’une chaîne pénale ciblant et réprimant toujours plus durement, par des peines de prisons, les plus pauvres, les plus précaires, les plus discriminés. »
    Et puis, le Genepi Paris vient d’organiser une journée d’action et d’information sur la prison et la justice au titre sans équivoque de « L’État enferme, la prison assassine » : « La prison n’est pas une évidence, mais elle est le miroir grossissant d’une réalité sociale, économique et politique révoltante. Aujourd’hui nous étions sur le Ponts des Arts, au jardin du Luxembourg, au jardin des Plantes et sur la place de la Bastille (…) Demain, nous continuerons à parler, à débattre, à s’époumoner parfois ; nous continuerons à lutter »

    Et contrairement aux matons, toutes ces actions ne sont pas relayées par les médias… N’en déplaise aux enfermeurs, leur société carcérale ne séduit pas tout le monde, loin s’en faut.

     

    Vous pouvez vous abonnez ou abonner des prisonniers en nous écrivant à l’Envolée, 43 rue de Stalingrad, 93100, Montreuil. L’abonnement de soutien est à 15 euros par an (ou plus en fonction des bourses ; chèque à l’ordre de l’Envolée). En vous abonnant dehors, vous nous permettez d’abonner plus de prisonniers et de prisonnières à l’intérieur puisque l’abonnement est gratuit pour toutes les personnes enfermées.

    Le journal est par ailleurs disponible au prix de 2 euros dans de nombreuses librairies en France et en Belgique. Nous remercions d’avance ceux et celles qui nous communiqueront d’autres lieux (librairies, infoshops, bars, magasins, accueils familles) pour déposer le journal.

    N’hésitez pas à nous demander le journal en plusieurs exemplaires si vous voulez, vous aussi, le distribuer dans votre région  : contact@lenvolee.net

    Liste des points de vente :  Où nous trouver ?

     

    (photo : © NnoMan – Collectif OEIL)

  • L’Envolée N°47 est sorti !

    L’Envolée N°47 est sorti !

     

    Le journal est gratuit sur abonnement pour les prisonnier.e.s qui en font la demande. Abonnez vos proches, abonnez-vous pour nous permettre d’envoyer toujours plus de journaux par delà les murs.

    N’hésitez pas à nous écrire par email, par voie postale, ou par formulaire de contact (ci-dessous) pour nous faire parvenir lettres de l’intérieur, récits ou autres informations : contact@lenvolee.net

    L’Envolée, 43 rue de Stalingrad, 93100 Montreuil

     

     

    Edito :

    « J’ai tellement réfléchi et ressenti toutes les douleurs qu’il a pu vivre à l’intérieur » ; c’est avec ces mots simples que Sylvia décrit le moment où elle a compris la violence que la taule avait pu faire subir à son père. Des années ont passé, et sous couvert d’humanisme, la prison s’est durcie ; elle tend à rendre toute relation impossible, à empêcher toute rencontre entre prisonniers, comme le dit Philippe dans son courrier de Lannemezan. Difficile de dire s’il y a moins de « braves gars » capables d’être là « soixante ans après » ; ce qui est sûr c’est qu’il y a toujours de belles histoires de solidarité : comme les poteaux de Bébert venus le saluer et lui donner un « coup de main » à sa sortie de prison, de nombreuses personnes ont participé à une caisse de soutien pour permettre au frère de Fabrice de venir le voir au parloir.

    C’est la même solidarité qui pousse les personnes ayant assisté au tabassage d’Adil à venir témoigner en soutien à Anne, sa compagne ; la même qu’exprime un prisonnier, depuis harcelé par l’administration pénitentiaire, lorsqu’il dit : « Vous pouvez faire ce que vous voulez, j’irai jusqu’au bout pour mon pote. » Solidarité entre prisonniers aussi à Marseille suite au décès de Bilal. Et l’émotion de Romain devant une salle d’audience qui se lève pour l’applaudir en signe de solidarité, et de soutien aux prisonniers longues peines. Mais comme il l’a demandé au tribunal, quels risques faut-il prendre pour que la parole d’un prisonnier puisse être audible ? Quels risques, et quelle solidarité il lui faut rencontrer pour révéler la réalité de la prison que l’AP et la justice s’évertuent à ensevelir au fond des cachots de la république !

    Heureusement, cette solidarité est encore bien vivante malgré la pression et la violence permanentes de l’État. Comme le dit Romain, prisonnier des mouroirs modernes que sont les QMC : « C’est plus dur de se battre quand on est seul » ; il vaut donc mieux pour l’AP que « chacun reste dans sa communauté ». C’est pareil que dehors. Face à une logique de désagrégation sociale et d’isolement généralisé, on ne peut que se réjouir de la naissance d’une nouvelle association de familles et de proches de prisonniers. La prison enferme aussi les proches et les familles, comme on a souvent pu le lire dans ce journal. Un exemple : l’AP a mis en place une nouvelle équipe de matons, les Elac, dont la fonction principale est de limiter au maximum d’éventuels contacts entre des familles au parloir.

    L’État a puni les porteurs d’une colère légitime pendant la répression du mouvement contre la loi travail, rappelant cette évidence : les forces de l’ordre ne sont là que pour une seule chose, protéger l’ordre. Vu que les 100 premières fortunes de France ont multiplié leur richesse par 7 en vingt ans, il y en aura toujours moins pour les autres : la grande majorité. Par choix ou par nécessité, beaucoup s’affranchiront de plus en plus de la légalité. Il y aura donc toujours plus de boulot pour ceux qui ont choisi de tuer et d’enfermer ; le cumul est possible, comme vient nous le rappeler la douloureuse histoire d’Adil. Face à tout ça, la solidarité, la résistance à cette logique d’isolement sont de plus en plus vitales.

     

  • Le nouveau numéro 46 est sorti !

    Le nouveau numéro 46 est sorti !

    EDITO :  « 5 par cellules, il reste une place pour ton fils »
    (Trust, « Instinct De Mort »)

    Enfin, la campagne présidentielle est terminée. On avoue : avec beaucoup d’autres, on a un peu plus suivi la téléréalité que d’habitude. Le spectacle était meilleur, avec deux candidats mis en examen qui font mine de s’en prendre à une justice qui serait partiale, et tous les autres qui disent que c’est pas bien. Pourtant, on se tue à vous le dire qu’elle est partiale, la dame. Au quotidien, elle a plus tendance à s’en prendre aux pauvres, aux prolos, aux gamins des cités, etc., qu’à une héritière raciste et à un châtelain catholique… Mais parfois, ça fait aussi partie de son job de mettre en scène quelques affaires impliquant tel ou tel politicard. Elles font partie intégrante du système représentatif, et le « tous pourris » qu’elles induisent n’a jamais conduit à autre chose qu’à un pauvre antiparlementarisme très souvent réactionnaire. Au passage, elle se fait un peu de pub et met en scène sa puissance mais rappelle qu’elle est toujours menacée – et toujours à défendre. Et toutes les bonnes âmes de pétitionner aussi sec, courageusement et bruyamment, pour lui témoigner leur affection. Elle en est sortie toute ragaillardie, la vieille institution, plus que jamais garante de notre République. Ben voyons.

    Plus sérieusement, du côté des prisons, zéro surprise: ils sont tous d’accord, il faut en construire. Encore plus que jamais, le débat s’est limité à « combien ? ». Pas combien de thunes, non : combien de places supplémentaires à construire au plus vite. Le 30 mars, la directrice de la MA de Villepinte en remet une couche. Cette fois, il n’y a pas que le petit personnel radicalisé façon SPS (syndicat pénitentiaire des surveillants) qui brûle des pneus devant un accueil famille pour rouspéter contre son employeur l’Etat. Machinette le dit : trop c’est trop, elle ne peut plus gérer sa prison avec 1 132 enfermés et un taux d’occupation qui dépasse les 200 % ; provocatrice, elle déclare qu’elle « n’est plus en capacité physiquement d’accueillir des détenus ». Panique à bord ? Remise en cause radicale de ses petits copains juges qui condamnent trop ? Pas le moins du monde ! Il s’agit bel et bien « d’accélérer le processus judiciaire pour ceux qui le méritent et évidemment pas d’ouvrir grand les portes de Villepinte. » Nous voilà rassurés. Elle rappelle simplement à son tour – depuis sa place de gestionnaire du stock au bout de la chaîne pénale – qu’il y a urgence : la surpopulation est le fléau des prisons. Pour les gestionnaires de tous bords, la « surpopulation », ça se fait pas, c’est indigne. OK, premier point – qui fait toujours bien : c’est par respect pour les détenus qu’on va les enfermer mieux.

    Mais surtout, la « surpopulation », c’est le carburant idéologique de la construction de prisons. Pour plus de clarté, définissons le terme : la surpopulation, c’est le résultat du décalage entre le rythme d’augmentation de l’incarcération de « détenus » et le rythme de la construction de places supplémentaires. La « surpopulation » est donc un rapport entre deux courbes qui ne font que croître – et il y en a une qui grimpe toujours plus vite que l’autre. Le terme dit donc autre chose qu’« il y a de plus en plus de prisonniers ». Le terme porte en lui-même une forme de résolution obligatoire du hiatus : la construction de places supplémentaires. Et d’ailleurs, le jour même de l’envoi du courrier de Machinette, le ministère répond « qu’il n’a pas attendu pour prendre des décisions importantes. Dès cet automne a été lancé un programme de construction pénitentiaire budgété ».

    Si on entre plus dans le détail des positions au cours de cette campagne, à l’extrême-droite, la surpopulation, ça veut dire en gros : « Y aura toujours de plus en plus de délinquants, y en aura toujours plus dans ce monde menaçant, ils coûtent cher, en plus ils récidivent toujours, et en plus ils sont de couleur, souvent… Conclusion : déchéance de nationalité, expulsion, perpète, voire rétablissement de la guillotine. » Bref, la « surpopulation » porte dans ce cas l’idée qu’une dépopulation est nécessaire. Et en attendant d’avoir vidé le pays de ses prétendus envahisseurs, on fixe le nombre de places à construire à 40 000. A l’autre bout du – tout petit – spectre politique, pour mettre un terme à la « surpopulation », « il ne faut pas négliger les alternatives », bêlent ceux qui feignent d’ignorer que les peines alternatives n’ont jamais inversé, ni même freiné la courbe des incarcérations. Les peines alternatives – on ne cesse de le répéter dans ce journal – ne font que s’ajouter aux incarcérations qui augmentent de façon exponentielle depuis trente ans.

    Entre ces deux pôles, pas vraiment éloignés, la base d’accord, le pot commun, c’est 15 000 places minimum sur le quinquennat à venir. C’est donc ce que s’engage logiquement à construire Macron. En fait, ce chiffre a été retenu, parce qu’il correspond au programme de construction déjà voté depuis longtemps et finalement lancé par Urvoas avant la fin de son mandat : 21 prisons d’à peu près 500 places chacune. C’est le fameux « programme de construction pénitentiaire budgété ». Voilà pour l’hypocrisie ambiante, qui prétend ne pas savoir que l’Etat est avant tout affaire de continuité – notamment dans sa politique répressive. D’ailleurs, dans une lettre à son successeur publiée le 18 avril, Urvoas expliquait avoir demandé au secrétaire général du ministère de « coordonner la préparation d’un texte » de loi et de préparer « dès le mois de mai les éléments pour les budgets 2018, 2019 et 2020 ». Plus fondamentalement – et ce n’est pas pour nous réjouir –, ce consensus sur la nécessité de construire des prisons pour résoudre le « problème de la surpopulation » montre bien que tout ce petit monde est d’accord pour penser qu’il y a trop de délinquance (sans jamais interroger ce mot) ; que les délinquants c’est forcément les autres ; qu’une fois enfermés, ils se transforment magiquement en « détenus », qui constituent un stock d’objets à gérer. Ce terme de « détenu », personne ne l’employait il y a quarante ans à peine ; aujourd’hui, il a remplacé celui de « prisonnier ».

    « Voilà dix ans que je suis incarcéré. Le système pénitentiaire français se préoccupe plus de la modernité des nouvelles prisons que de la vie à l’intérieur », a dit Romain L. en février au tribunal correctionnel lors de son jugement pour un mouvement au QMC (quartier maison centrale) de la prison de Valence. Les prisonniers ne parlent pas de « surpopulation carcérale », ils ne se conçoivent pas comme un stock excédentaire. Ils parlent de leurs vies enfermées, de leurs existences gommées par des années d’incarcération. Ils savent que les prisons sont toujours plus remplies d’hommes et de femmes condamnés pour de plus en plus d’années, et que l’augmentation inexorable du nombre des emmurés est la conséquence directe d’une justice qui prononce des peines à la pelle pour servir un système économique et social qui élimine purement et simplement ceux qui enfreignent les lois de ses maîtres.

    Quand les gouvernants évoquent la « surpopulation carcérale », ils quantifient un « stock » en cours d’emprisonnement, parlent même de « flux », comme pour des marchandises. Pour les prisonnières et prisonniers, la prison ne s’arrête pas au temps de l’incarcération. Il y a plus de prisonniers que de places prévues, et même plus que les 70 000 comptabilisés par l’AP. La prison, c’est pendant et après la peine – ne serait-ce que parce que la grande majorité des libérations sont désormais soumises à un contrôle judiciaire strict. Un ami récemment sorti après vingt-huit ans se retrouve assigné à résidence dans un foyer sordide d’une petite ville, cloué par un bracelet dans sa nouvelle cellule pendant la majeure partie de la journée, sans travail, sans autres ressources qu’une maigre allocation, sans autre perpective que l’attente d’un assouplissement de ses obligations fixées par un JAP. Toujours sous la menace d’un retour à la case prison. Ne serait-ce que parce qu’il est toujours difficile pour un sortant de prison, y compris après une peine plus courte, de parvenir à trouver emploi et logement. Même si on ne l’a pas vraiment choisi, la vie pousse à ne pas respecter les lois et à courir souvent des risques inconsidérés. Aussi parce que la prison enferme non seulement les prisonniers et prisonnières, mais aussi leurs familles et leurs proches : ce sont des années de séparation, de parloirs glauques, d’humiliations pour les visiteurs en butte à l’arbitraire de matons savourant leur petit pouvoir. Sans oublier l’argent qu’il faut dépenser en voyages souvent longs pour quelques heures passées avec un fils, un époux, une sœur…Nous n’avons jamais reçu de lettre de prisonnier déplorant une « surpopulation carcérale », et cette fois encore, tous les courriers de ce numéro racontent des parcours, des tranches de vie. Les prisonnières et prisonniers dénoncent une politique qui enferme de plus en plus, une logique sécuritaire qui conçoit des centres pénitentiaires pour isoler toujours plus, une volonté d’enfermer les condamnés plus longtemps. Nombre de courriers montrent que les dernières prisons sécuritaires sont méthodiquement pensées pour empêcher autant que possible que des longues peines se révoltent contre des conditions de détention pourtant invivables pour des hommes et des femmes qui ont des dizaines d’années à faire. Idem pour les QMC qui se propagent à l’intérieur des centres pénitentiaires proportionnellement à l’allongement des peines.

    Que nous reste-t-il à faire à l’extérieur, sinon nous opposer par tous les moyens à la construction de nouvelles prisons ? Il y a trente ans, en 1986, même les organisations chrétiennes s’opposaient au plan des 13 000 places de Chalandon, alors ministre de la justice. Aujourd’hui, par un tour de passe-passe pourtant grossier, la construction des 15 000 places annoncées apparaît comme une mesure « humanitaire » : à la fois comme une aide à des prisonniers enfermés dans de mauvaises conditions et comme une réponse à des matons qui revendiquent toujours plus de moyens… Elle est bonne, celle-là ! On le sait, la solution ne viendra pas des enfermeurs.


    Le journal est gratuit sur abonnement pour les prisonnier.e.s qui en font la demande. Abonnez vos proches, abonnez-vous pour nous permettre d’envoyer toujours plus de journaux par delà les murs.

  • « Les prisonniers ont raison de se révolter! » Novembre 2016 Sortie de l’Envolée N°45

    « Les prisonniers ont raison de se révolter! » Novembre 2016 Sortie de l’Envolée N°45

    envolee-45-couv

    PDF du Numéro 45, Novembre 2016

    L’article qui suit est extrait du N°45 du journal qui vient de paraître. Il revient sur les nombreux mouvements qui ont secoué les prisons durant les quatre derniers mois… dans l’indifférence quasi générale. Dehors, ça bouge ; dedans ça bouge… mais rien entre les deux, ou si peu.

    Nous en profitons pour vous rappeler que nous organisons un apéro de sortie du journal ce samedi 19 novembre à partir de 18heures au Bar des 3 gares, 27 boulevard Poniatowski 75012, arrêt porte de Charenton, métro ligne 8 ou tram 3a. Acheter le journal dans sa version papier, s’abonner, venir en causer lors de cette soirée publique, c’est nous permettre de continuer cette aventure et d’abonner gratuitement les prisonniers et prisonnières qui en font la demande.

    Cet été, les prisonniers se sont révoltés dans plusieurs taules, déclenchant une vague de mouvements comme on n’en avait pas vu depuis longtemps. Malgré leur importance, ces mouvements sont restés cantonnés aux colonnes « faits divers » de la presse. Quasiment sans aucun relais ou écho en dehors des canaux officiels : pas de proches de prisonniers qui s’expriment, pas de comités de soutien, aucun rassemblement. Rien. La consigne du pouvoir à la presse semble avoir été claire : pas une parole de prisonniers – même pas de ceux qui ont contacté par téléphone le torchon local. Les seules voix que l’on a pu entendre sont comme d’habitude celles des procureurs locaux et des matons syndiqués. Le syndicat de surveillants SPS résume ainsi la situation : « Les détenus ne sont pas dupes et ont bien conscience que le manque d’effectifs leur est favorable pour imposer leur loi. » Face à ce bruit de fond qui couvre les mouvements, reprenons les choses au début en commençant par dire : « Nous sommes d’accord avec les prisonniers. »

    Le 17 juillet, à la maison d’ arrêt d’Osny, une centaine de prisonniers ont refusé de remonter de cellule et ont caillassé les matons. « Pas de revendications » d’après la presse.

    Le 24 juillet, 81 d’entre eux ont refusé de remonter en cellule et ont brûlé des draps en hommage à Adama Traoré tué par des gendarmes le 19 juillet. Ils ont exprimé de manière exemplaire leur conscience de la continuité qu’il y a entre la gestion policière des quartiers populaires et la violence quotidienne exercée par la justice à l’intérieur des prisons.

    Le 28 août – faisant suite à un précédent blocage fin juillet – cent prisonniers de la maison d’arrêt de Villepinte ont bloqué la promenade, vraisemblablement pour dénoncer la gestion des cantines par la Gepsa.

    Le 4 septembre, à la maison d’arrêt d’Angers, une soixante de prisonniers ne sont pas remontés de promenade. Ils ont appelé Ouest-France : « On bloque la prison. Les conditions de détention sont devenues inhumaines. Même un chien ne vivrait pas ici. »

    Le 7 septembre, au centre de détention d’Aiton près de Grenoble, huit prisonniers cassent les toilettes et le téléphone public dans la cour.

    Le 16 octobre, 50 cellules de cette prison ont été saccagées et une trentaine de prisonniers ont mis le feu à leur matelas. Une partie de la prison a été évacuée. « Pas de revendication » d’après la presse.

    Le 12 septembre, au centre pénitentiaire de Vivonne, une soixantaine de prisonniers ont mis le feu à leur cellule ; un bâtiment a brûlé entièrement, le système électrique a cramé et celui de vidéosurveillance a été mis hors circuit. Les prisonniers ont été transférés dans les taules des départements voisins. Une prisonnière de Vivonne nous a écrit à propos de cette mutinerie :

    « Par rapport à la mutinerie qui a eu lieu la semaine dernière au CDH, presque tout ce que nous avons su c’est par les médias, que le mec qui a déclenché la mutinerie avait vu sa perm’ refusée par le directeur alors que le juge lui avait accordée. Qu’ils ont pris les clés à un surveillant, qu’ils ont ouvert les portes des autres prisonniers, qu’ils ont fait sortir les choses et ils ont mis le feu. Que les flics sont rentrés et qu’ils ont « fait le nécessaire » pour stopper la mutinerie. Peut-être deux infos que personne n’a entendu dans les médias : il y a des doutes sur le pourquoi de l’hospitalisation du mec. C’est à cause de la fumée ou à cause des nombreux coups qu’il a pris quand les super flics ont « fait le nécessaire » ? Apparemment on a vu des prisonniers couverts de sang sortir du bâtiment. C’est intéressant de remarquer également que les prisonniers-ères qui étaient témoins dans les cellules étaient contents de voir cet acte de rébellion. Ça a crié, beaucoup et fort, des insultes contre l’AP et la police et des cris de solidarité envers les mutinés. C’était vraiment beau à voir et entendre. Nous sommes convaincu(e)s qu’il y aura des représailles avec le temps. Et pour ceux qui ont fait la mutinerie, la punition va être lourde, ça tout le monde le sait, force et courage les mecs ! Ils utiliseront le prétexte de la mutinerie pour mettre en place d’autres mesures répressives, ou nous enlever des droits, mais nous aurons toujours en nous le plaisir de savoir que Monsieur le directeur a été humilié (leur super prison de haute sécurité célèbre pendant quelques jours parce qu’il y a eu un gros bordel) et peut-être il se souviendra toujours que l’animal humain n’est pas si facile à dresser.»

    Le 25 septembre, au centre pénitentiaire de Valence, trois prisonniers ont volé les clefs de surveillants et ouvert des portes de cellules. Quelques matelas ont brûlé, déclenchant un incendie.

    Le 18 octobre, une trentaine de prisonniers ont refusé de remonter en cellule suite à une fouille au centre pénitentiaire de Liancourt. Ils ont rendu « inopérant le système de vidéosurveillance et ont allumé plusieurs incendies sur la coursive. Ils ont également bloqué les grilles d’accès à l’étage dans le but de retarder l’intervention des personnels.» Les syndicats réclament des poursuites pénales contre « les meneurs de ce mouvement collectif ».

    Le gouvernement s’est servi de ces mouvements pour légitimer sa politique de surpénalisation. Au-delà de la traditionnelle logique sécuritaire des périodes électorales. D’après lui, la surpopulation serait à l’origine de tous les problèmes ; ce serait même le bouillon de culture de la radicalisation en prison, qui met en danger non seulement le personnel pénitentiaire mais la société toute entière. Et ils projettent évidemment la construction de 24 000 nouvelles places… Quelle blague ! Les prisonniers, eux, ne veulent pas plus de prison : ils en veulent moins. Ils veulent pouvoir sortir. Leurs mouvements sont l’expression de leur refus de la politique de (non) aménagement des peines. Déjà à l’été 2015, les prisonniers de Réau, Toulon, Tarascon et Nantes, entre autres, avaient fait circuler des pétitions et des plates-formes : ils dénonçaient une politique qui vise à ce que « plus personne ne sorte ». Nous en avons été les relais dans les précédents numéros. La colère face à ces refus systématiques de transferts, de sorties en permission ou en conditionnelle n’a pas été entendu, et s’est logiquement traduit en mouvements. Le ton s’est durci. Ces mouvements affirment tous une évidence : quand il y a un refus systématique de toute demande par l’administration pénitentiaire, la seule arme qui reste c’est la violence, entre autres brûler sa prison. Si les prisonniers prennent de tels risques – tabassages, transferts, peines supplémentaires… – ce n’est pas par désespoir mais bien pour se faire entendre hors des murs de leur prison. Ces mouvements sont des appels qui cherchent des destinataires. Mais personne ne répond. Pourtant, quand quatre dockers du Havre sont placés en garde à vue pour violences contre flics pendant une manifestation contre la loi travail, le port est immédiatement bloqué, des centaines de personnes protestent devant les commissariats des grandes villes françaises. Quand huit ouvriers de chez Goodyear prennent en otage leur patron et passent en correctionnelle, la CGT pénitentiaire demande la relaxe des huit militants qui ont pris vingt-quatre mois en première instance et déclare : « Les patrons peuvent jeter les travailleurs vers la misère. Mais quand des travailleurs relèvent la tête et ne se laissent pas faire, c’est la prison. » On pense à Fabrice Boromée ou Rachide Boubala qui prennent des peines infinies pour avoir séquestré leur « patron » – en l’occurrence le sous directeur de Condé-sur-Sarthe : quand ce sont les prisonniers qui relèvent la tête, qui ne se laissent pas faire, ils sont certains de prendre des années de prison supplémentaires.

    On se souvient aussi du déménagement de la prison du centre-ville de Poitiers à Vivonne en 2009 : une manifestation avait cassé et tagué les vitrines. « Coucou, c’est nous », disaient des manifestants. Aujourd’hui, c’est au tour des prisonniers de Vivonne de dire à toute une société : « Coucou, on est là ! »

    À quand une conscience commune que nos existences sont liées à la prison ?… Comment ne pas comprendre que la prison n’est pas une institution à part, mais qu’elle est au contraire la réponse de l’État à toutes les luttes, à tous les refus qui prennent un peu d’envergure. Le durcissement des mouvements répond au durcissement des conditions faites aux prisonniers, ils sont le reflet grossi du durcissement actuel des rapports sociaux en général. Il y a une quinzaine d’années, trois prisonniers de la centrale d’Arles s’adressaient à l’ensemble de la société dans un communiqué clandestin à l’occasion de la commémoration de la prétendue abolition de la peine de mort. Ils concluaient leur texte ainsi :

    « Enfin, nous souhaitons adresser un message à tous les jeunes des cités, à tous les enfants du prolétariat et du sous-prolétariat, à tous ceux et celles appartenant à la classe des sacrifiés du système. Hier, vos parents et grands-parents, nos parents et grands-parents, étaient transformés en « chair à canon », envoyés au front pour y crever en défendant des intérêts qui n’étaient pas les leurs. Aujourd’hui, c’est le destin de « chair à prison » qui nous est offert, qui vous est offert. Refusez cette tragédie, refusez cette logique. Prenez conscience de tout cela avant qu’il ne soit trop tard. Car les portes de prison se referment de plus en plus sur vous et de plus en plus longtemps, alors que les véritables délinquants, ceux qui vivent sur le dos de la misère, de notre misère, de toute leur arrogance, se goinfrent en rigolant de nos malheurs, de nos vies sacrifiées. »

    Suite à ces mouvements, il y aura des procès. Nous publierons les dates sur ce site. La moindre des choses est de ne pas laisser ces prisonniers seuls face à des tribunaux qui les condamneront encore et encore… Dans une interview récente, Xavier Mathieu, figure médiatique des Conti, fait le premier pas vers la reconnaissance d’une condition commune entre tous ceux qui se battent contre ce système, libres ou enfermés :

    « J’ai été un pacifiste toute ma vie, un non-violent toute ma vie, mais je ne crois plus au pacifisme. Je crois en la violence ; vous voyez, par exemple, on a pété la sous-préfecture de Compiègne ; ça faisait six semaines qu’on réclamait des négociations. Aucune n’était acceptée, on a pété la sous-préfecture et trois heures après on nous accordait ce qu’on demandait. En face, ils n’ont peur que de ça, que de la violence. Et ça ne dessert rien du tout ; quand j’étais convoqué par la police et mis en garde à vue, les Conti sont descendus dans la rue, ils ont attendu deux heures devant le commissariat, on a signé un papier et on est sortis aussitôt. Y a que ça qui leur fait peur. »

    « Délinquant », c’est le mot dont se sert l’État pour désigner toutes celles et ceux qui contreviennent à son autorité. Le reprendre communément et stupidement à son compte ne fait que créer des divisions entre femmes et hommes de même condition…

    L’Envolée

     

  • L’Envolée N°44 est dans les boîtes, une pensée aux familles des vitrines

    L’Envolée N°44 est dans les boîtes, une pensée aux familles des vitrines

    couverture N44

    Le numéro 44 du journal l’Envolée est dans les boîtes aux lettres ; dans les librairies et autres lieux de diffusion ; parfois bloqué à la fouille, pour certain-e-s abonné-e-s en prison… Abonnez-vous, on n’a pas de sous : le papier c’est mieux que le net mais c’est plus cher à fabriquer (chèque de 15 euros ou plus à envoyer au 43 rue de Stalingrad 93100, Montreuil ; et bien sur c’est toujours gratuit pour les prisonniers en envoyant adresse et numéro d’écrou). En attendant de feuilleter -ou de télécharger sur ce site d’ici quelques jours- ce concentré de joie et de bonne humeur (si, si, la lutte ça vous change -presque- un journal) vous pouvez lire l’éditorial qui suit…

    Edito accompagné d’une pensée aux familles des vitrines

    Trois mois de mouvements dans tout l’Hexagone. Trois mois de discussions, de rassemblements, de manifs, d’occupations, de grèves… Une belle respiration, salutaire ; cela faisait longtemps, bien longtemps que nos vies ne s’étaient pas offert de joyeuses tranches de désordre, de rupture avec un quotidien fâcheusement morose de solitudes mortifères. L’avenir paraissait bien bouché, entre précarité et sécurité, entre médicaments et places de prison. Oui, ça fait du bien de crier à plusieurs milliers « À bas, l’État, les flics et les patrons », de recouvrir les murs de belles maximes comme « Ni loi ni travail », « La retraite à 13 ans », « Les policiers ne sont pas nos fils, signé Des putes », de retrouver le bon sens de dire aux flics « Tout le monde déteste la police » alors que l’année dernière, on célébrait partout l’union sacrée en embrassant les policiers…

    Le pouvoir et tous ses auxiliaires tentent comme toujours d’isoler, de séparer, de dresser les uns contre les autres : casseurs contre bons manifestants, bloqueurs contre tranquilles travailleurs, militants contre délinquants… mais la tendance est plutôt à la rencontre de celles et ceux qui n’en peuvent plus de se plier aux règles, aux diktats d’une économie capitaliste qui n’assure pas le minimum tellement elle se montre pour ce qu’elle est fondamentalement : une association de gros voleurs qui nous dépouillent à leur profit de ce qui appartient à tous. Dans la rue, devant les usines, aux piquets de grève, sur les lieux de blocage se retrouvent des personnes venues de divers horizons, des précaires, des smicards, des lycéens, des travailleurs avec ou sans emploi… et c’est la condition sine qua non de la pérennité de ce mouvement.

    Mais il y a un tas de gens qui ne peuvent pas participer à cet élan : ce sont les prisonnières et les prisonniers, tous ceux que le couple sanguinaire police-justice a enfermés  pour les punir d’être pauvres et inutiles, rebelles à l’ordre établi. Ceux qui n’ont pas d’autres moyens pour survivre que d’aller chercher leur part au risque de leur liberté. Ceux qui ne peuvent pas s’adapter à un monde qui se resserre de plus en plus.

    Une grande partie de ce numéro est consacrée au récit d’une lutte de prisonnières à Fleury-Mérogis qu’elles ont menée pendant plusieurs semaines, en même temps que le mouvement en cours. Avec l’aide et la solidarité de proches, elles ont tenu à en être partie prenante – dans la mesure du possible –, à établir une relation avec l’extérieur pour partager une bagarre en tous points comparable à celle qui se joue dehors. Il est aussi question de la résistance de prisonnières et de prisonniers de Fresnes. Plusieurs rassemblements ont eu lieu devant ces prisons pour leur dire qu’elles n’étaient pas seules et que le message avait été entendu.

    Dehors, la multiplication des arrestations, inculpations, comparutions immédiates et mises en détention provisoire de manifestants a commencé à mettre en évidence l’entente parfaite qui unit la police et la justice. Peut-être finirons-nous par ne plus séparer ces deux corps d’Etat ; alors nous cesserons de scander le slogan mensonger de « police partout, justice nulle part ». Partout où il y a police, il y a justice, et vice-versa – et ni l’un ni l’autre ne sont là pour nous protéger. S’il est impensable qu’un mouvement oublie ceux qui se font arrêter et juger, comment ne comprendrait-il pas qu’il devrait en être de même pour toutes celles et ceux qui sont entrés en prison avant le printemps 2016 – et il y en a beaucoup… Autrement dit, il est urgent que le mouvement actuel porte la revendication de l’arrêt des poursuites contre les manifestants et de la libération immédiate des emprisonnés. Tout comme l’exigence de la disparition des tribunaux et des prisons… et du monde qui les génère.

    On trouvera aussi dans ce numéro des témoignages de l’intérieur, le récit d’une manœuvre visant à radier un avocat qui affirme « que tous les capitalistes sont des ordures, des saloperies », un appel à se rendre à un procès d’assises pour tenter de s’opposer à une « mise à mort sociale » et la description de la dernière loi sur le code de procédure pénale.

    Tous ces textes visent à faire circuler entre l’intérieur et l’extérieur le fait qu’il n’y aucune raison de ne pas se mettre à dire que :

    « Tout le monde déteste la justice »

    L’Envoléeflashball et balance 2