Catégorie : Lettres

  • Hospitalisé et en grève de la faim : lettres de Libre Flot

    Hospitalisé et en grève de la faim : lettres de Libre Flot

    Le 27 février 2022, Libre Flot a entamé une grève de la faim contre son incarcération et sa mise en isolement. Il a exposé ses raisons dans un texte que l’on peut relire ici, puis dans un message publié au 17e jour de sa grève de la faim. Le 24 mars, il a été hospitalisé à l’Établissement public de santé national de Fresnes (EPSNF), autrement dit une prison-hôpital. Le 29 mars, l’AP (administration pénitentiaire) a enfin levé son régime d’isolement, mais il restait incarcéré et dans un état de grande faiblesse.

    Peu avant et pendant son hospitalisation à l’EPSNF, Libre Flot a envoyé plusieurs textes pour donner de ses nouvelles, réagir à certaines émissions qu’il avait écoutées et revenir sur les raisons qui poussent l’État à s’acharner contre lui. Nous reproduisons ces textes ci-dessous.

    Libre Flot a interrompu sa grève de la faim au bout de trente-six jours, et il a obtenu une libération pour « raison médicale » deux jours après. Il est donc dehors, mais toujours en attente de son jugement. Toutes les infos sur les sept personnes mises en cause en même temps que lui, aujourd’hui en liberté surveillée, sont à lire .


    « Merci pour le bordel qui, vous l’avez prouvé, peut être joyeux »

    Lettre lue à l’émission du 1er avril 2022.

    Maison d’arrêt de Bois-d’Arcy, quartier d’isolement,

    Le 19 mars 2022

    Salut l’équipe,

    Juste un rapide coucou en passant, qui ne reflète pas la gratitude à l’égard du soutien que vous m’apportez. Merci pour cette émission que vous m’avez en grande partie dédiée et pour le bordel qui, vous l’avez prouvé, peut être joyeux. Une petite rectification : hier, je n’ai pas eu d’entretien avec le directeur des détentions. Nous nous sommes juste croisés et avons échangé quelques mots dans le couloir à mon retour de l’UCSA (Unité de consultations et de soins ambulatoires).

    Je voudrais remercier Pierrot pour son introduction et pour son analyse fine. Le rapprochement avec la situation en Ukraine, les volontaires, est quelque chose que je ressens depuis un bout de temps mais que je n’avais pas encore mis par écrit. Ça m’a fait plaisir d’entendre son constat, judicieux.

    Bien qu’en toute franchise, j’ai été ravi de toute cette attention qui me touche réellement, je suis un peu désolé d’avoir tant empiété sur le temps initialement prévu pour les « Grands frères » de Guadeloupe. Mais je n’ai aucun doute que vous transmettrez sous peu leur parole. Je les salue et leur envoie toute ma détermination, ainsi qu’à tou·te·s les enfermé·e·s.

    Salutations & respects,

    Libre Flot


    « À vous, volontaires internationalistes qui partez combattre en faveur de l’autodéfense de l’Ukraine »

    Lettre lue à l’émission du 25 mars 2022.

    Maison d’arrêt de Bois-d’Arcy, quartier d’isolement,

    Le 21 mars 2022

    À vous, volontaires internationalistes qui partez combattre en faveur de l’autodéfense de l’Ukraine,

    L’actualité en Ukraine et les engagements individuels de certain·e·s résonnent étrangement avec les engagements des volontaires contre Daesh. Je ne m’adresse pas aux militant·e·s d’extrême droite, aux idéologies basées sur la haine de l’autre, mais à vous, volontaires internationalistes qui partez combattre en faveur de l’autodéfense de l’Ukraine par amour de la vie. À vous qui aujourd’hui êtes encensé·e·s par les médias et les politiques, sachez ceci : si vous êtes des militant·e·s politiques, vous êtes les potentiel·le·s terroristes de demain car, à votre retour, tout comme moi qui ai rejoint les Unités de protection du peuple (YPG) et combattu les barbares daeshiens, cette expérience sera une épée de Damoclès que la DGSI et le gouvernement feront planer au-dessus de vos têtes. Vous serez sûrement épié·e·s et surveillé·e·s, toute votre vie pourra être redessinée, réécrite, réinterprétée et de simples blagues pourront devenir des éléments à charge lorsque ces institutions auront décidé de vous instrumentaliser pour répondre aux besoins de leur agenda politique.

    Depuis le 27 février, je suis en grève de la faim pour que l’on cesse de me traiter comme les terroristes contre lesquels j’ai combattu et ce, dans l’indifférence des médias et des politiques, sous une chape de plomb semblable à une pierre tombale. Je finirai par ces mots d’anarchistes ukrainien·ne·s :

    "Liberté aux peuples, mort aux empires !"

    Libre Flot


    « J’espère que la violence absurde, bornée et illégitime que je subis se sache et puisse prendre fin »

    Lettre lue à l’émission du 1er avril 2022.

    EPSNF,

    Le 26 mars 2022

    Salut à vous,

    Je me suis aperçu qu’à l’émission d’hier, vous n’avez pas été informé de mon transfert en hospitalisation à l’EPSNF en date du 24 mars. Je suis toujours dans un statut d’isolement, et reste 24H/24 dans ma cellule car mon cœur n’est pas fiable pour sortir. Je suis toujours en grève de la faim, sous perfusion de sérum physiologique et branché en permanence à un électrocardiogramme pour sonner l’alarme en cas de crise cardiaque. On me donne aussi quelques vitamines.

    En tous cas, le personnel est sympa et bienveillant, même s’iels ne sont pas là et n’ont pas le temps de papoter. C’est agréable en plus de voir des gen·te·s souriant·e·s, être considéré comme autre chose qu’un détenu.

    Le personnel de la pénitentiaire d’ici a réussi a faire ramener mon poste de radio, et cc’est vraiment pas du luxe. Je peux continuer à écouter mes émissions héhé, dont la vôtre. Car même si là, il y a la télé gratos, je n’arrive toujours pas à trouver quoi que ce soit à regarder. Toujours la même chose en boucle, des pubs, et la même chose encore et encore, du superficiel, de l’abrutissement.

    Du coup, ça va, bouquins, radio, méditasiestes en grandes quantités.

    Voilà pour mes nouvelles, j’espère que la censure ou tout du moins le silence médiatique va cesser, et que la violence absurde, bornée et illégitime que je subis se sache et puisse prendre fin.

    Libre Flot


    « Hier c’était rude, aucune énergie »

    Lettre lue à l’émission du 1er avril 2022.

    EPSNF,

    Le 27 mars 2022

    Salut,

    Pfff ! Hier c’était rude. Aucune énergie. Même lire était au-delà de mes forces. J’ai pu recevoir une visite : une seule personne avec pass sanitaire. Trop bien, mais je n’ai pas pu en profiter pleinement vu mon état. J’espère qu’aujourd’hui je serai au moins apte à bouquiner. J’ai cru comprendre que j’allais enfin, après tant de temps, pouvoir écrire, téléphoner, voir une personne, aimer. Quelle hâte !

    Salutations & respects,

    Libre Flot

  • Semi-liberté et fin de peine : lettres de DD

    Semi-liberté et fin de peine : lettres de DD

    DD est en fin de peine depuis des mois, mais l’administration pénitentiaire (AP) et les surveillant·e·s continuent à la faire poireauter en repoussant sans cesse sa libération en conditionnelle, par toutes sortes de contraintes juridiques, financières et de déplacements (pour le logement et le travail). Elle a donc peur de retomber dans le piège du traitement lourd qui lui est prescrit. Comme souvent, sa fin de peine est un combat harassant contre l’AP, notamment contre les CAP (commissions d’applications des peines) et des Spip (services pénitentiaires d’insertion et de probation) qui ont un pouvoir discrétionnaire sur la date de sortie des prisonnier·e·s, au « comportement » ou à la tête du client. Les surveillant·e·s mettent des bâtons dans les roues en collant des CRI (comptes-rendus d’incident) aux fin de peine. Aucune des promesses de sortie de l’AP n’a été tenue – pas même celle de mi-juillet mentionnée dans la dernière lettre, ce qui prolonge encore son enfermement de quelques semaines. Ces lettres ont été respectivement lues lors des émissions du 6 mai, du 20 mai et du 8 juillet 2022.

    DD est enfin sortie de prison, au mois d’août 2022.


    « J’ai eu l’impression de passer à l’abattoir »

    Centre pénitentiaire de Marseille-Les Baumettes,

    Le 19 avril 2022

    Chère Envolée,

    J’ai bien reçu votre retour sur ma lettre du covid. En ce moment j’ai le moral à zéro à cause de ma CPIP (Conseillère pénitentiaire d’insertion et de probation) qui a fait n’importe quoi et à cause d’elle ma permission des 18, 19 et 20 avril ne m’a pas été accordée. Et en plus elle m’a fait passer en débat contradictoire avec un dossier en carton ! Elle a fait n’importe quoi et je suis grave vénère contre elle ! Je suis passée en débat contradictoire devant l’officier de la prison (c’est lui qui te connaît le mieux), la JAP (juge d’application des peines), le procureur et d’autres personnes qui ne servent à rien à part « apprendre le métier de JAP ». Bref, j’ai eu l’impression de passer à l’abattoir… Je m’explique : la juge te déballe à la figure toutes les conneries que tu as fait dans ta vie, donc déjà je m’attendais pas à ça, j’ai déjà été jugée, j’estime qu’il n’était pas nécessaire de me rappeler tout ça. […]

    Je ne suis pas sûre mais je crois que c’est la première fois que je vous écris une lettre où je suis autant en colère. La vérité je n’en peux plus et je suis à la limite de demander à mon psy-addictolo qu’il me represcrive du xanax, ce qui serait vraiment dommage puisque cela fait environ quatre mois que j’ai arrêté. En plus, je trouve, que ce soit l’éducatrice ou la CPIP, qu’ils m’ont trop fait croire que j’allais aller en semi et j’y ai tellement cru que ça fait drôle. En ce moment même je devrais être avec la mère et mes fils et ma perm a été refusée parce que j’ai bu un pastis, un verre de vin et un digestif, ça me met la haine car au lieu de t’encourager parce que tu fais de gros progrès, ces connards font tout le contraire et là j’ai tellement la haine que cette juge (JAP) je te jure qui si je la revois, je vais pas hésiter à lui jeter tout mon venin à la figure. Il n’y a que l’officier de la détention qui a dit que je ne pouvais pas mieux faire et que j’avais fait de très beaux progrès. Voilà, j’en ai ras le bol !

    DD


    « C’est à chaque fois à cause de la prison que j’ai envie de prendre des médocs »

    Centre pénitentiaire de Marseille-Les Baumettes,

    Le 4 mai 2022

    Salut L’Envolée,

    Là, il est 10h30 et j’ai le moral à zéro… donc évidemment j’ai envie de prendre plein de benzo pour dormir et donc oublier, mais je n’ai pas ce qu’il faut, peut-être cet aprem incha allah car je suis au bout du rouleau. Je me rends compte que c’est à chaque fois à cause de la prison que j’ai envie de prendre des médocs, mais c’est aussi grâce à cette détention que désormais la drogue est derrière moi. C’est malheureux mais il m’aura fallu ça pour que je comprenne plein de choses importantes de la vraie vie. Car je serai peut-être morte aujourd’hui si j’étais restée dehors à faire que des conneries, donc quelque part ça aura été positif.

    […] J’attends la réponse de la JAP le 9 mai prochain pour savoir si je vais en semi puis ensuite max fin juin j’aurai mon appartement thérapeutique, mais je vous jure que si elle me refuse la semi je demande à mon médecin qu’il me represcrive du xanax.

    Le 5 mai 2022

    J’ai lu les parties de mes lettres que vous avez lues à la radio et je les trouve bien choisies, elles représentent exactement ce que je vis ! Vous me direz, c’est normal c’est moi qui les ai écrites, lol ! Sinon les perm j’ai fait une croix dessus car là ma mère est à l’hosto jusqu’au 9 juin […]. J’espère que si j’ai ma semi, les week-end je pourrai aller la voir, j’ai demandé à avoir un week-end sur deux chez ma mère. Par contre, les cellules de la semi sont aux anciennes Baumettes, donc douches communes et cellules à l’ancienne, mais bon ça c’est pas grave tant que je goûte à la liberté !

    Encore aujourd’hui je n’ai pas trop le moral, mais je pense que ce sera comme ça tant que je n’aurai pas le délibéré de la JAP… Je suis complètement éteinte, je n’ai envie de rien sinon bien sûr de la liberté. […]

    Sinon, ma CPIP s’est plantée je ne serai pas payée si je vais travailler [dans une association]. Vu que je serai en semi je ne toucherai toujours pas mon AAH (allocation adulte handicapée) à taux plein, donc ça risque d’être difficile… mais j’ai un tout petit peu d’argent de côté. Mais vu que je suis sous curatelle, vous avez compris, ça va être la galère ! Enfin celle-ci se termine en 2023 donc j’espère que je vais pouvoir l’arrêter car ça aussi c’est infantilisant, mais j’avais été obligée pour que mon père se porte garant pour me prendre un appart.

    Je vous laisse, prenez soin de vous.

    DD


    « Il faut que je sorte au plus vite de cet enfer qu’est la prison »

    Centre pénitentiaire de Marseille-Les Baumettes,

    Le 24 juin 2022,

    Salut L’Envolée,

    Je n’en peux plus, il faut que je sorte au plus vite de cet enfer qu’est la prison, c’est pourquoi je vais prendre une avocate avec l’aide juridictionnelle pour qu’elle contacte la CPIP et la JAP pour convenir d’un aménagement de peine, qui a déjà été accordé lors de mon débat contradictoire le 12 avril dernier où je demandais la semi qui m’a été refusée, mais la libération dans un appartement thérapeutique que j’ai presque trouvé m’a été accordée donc je vais me faire aider par une avocate afin d’être libre, disons mi-juillet 2022. Amen.

    Le 25 juin 2022,

    Salut L’Envolée.

    Comme vous le voyez j’écris pas très souvent en ce moment. J’ai eu deux CRI (comptes-rendus d’incident), un dans la « salle d’attente » du SMPR où il y a aussi les mecs et il y en a un qui m’a descendu un yoyo avec du tabac car j’étais en chien de tabac et une surveillante sortie de nulle part est venue me prendre le tabac alors je l’ai insultée. Et une autre à cause de ma cellule dont je suis censée avoir la clef mais celle-ci ne fonctionne plus donc je suis obligée de demander à la matonne de me fermer la porte et celle-ci ne l’a pas fait tout de suite alors que j’avais des cigarettes dans la cellule et en prison les clopes c’est le nerf de la guerre donc j’ai flippé parce qu’elle ne me l’a pas fermée de suite, et je l’ai insultée. Voilà quoi, je vais de nouveau passer au prétoire, à moins que je sois libérée avant ce qui serait le top.

    Bon, je vous laisse, je vous donnerai des nouvelles après mes deux RDV et si comme je l’espère grâce à ma nouvelle avocate je sors vite, je vous contacterai sur le numéro que vous m’avez laissé. Biz et mille mercis !

    DD

  • Refus de perm par l’AP : lettres de DD

    Refus de perm par l’AP : lettres de DD

    Cette année, DD a écrit régulièrement à L’Envolée, retraçant le parcours de la combattante qu’elle a dû se taper pour obtenir une première permission. Elle a raconté comment l’AP (Administration pénitentiaire) a tenté de saboter ce moment et comment elle a dû se battre pendant des mois pour en obtenir d’autres, à cause d’une altercation avec un surveillant décidé à lui pourrir son retour de permission en lui collant un CRI (compte rendu d’incident). En plus d’être pénibles, les provocations des surveillant·e·s sont pour l’AP un moyen d’arrêter de donner des perm, et même d’empêcher l’obtention d’une libération conditionnelle. DD explique en détail le labyrinthe des CAP (Commissions d’applications des peines), entre CRI, passages au prétoire (le tribunal interne de la prison) et injonctions des CPIP (Conseiller·e·s d’insertion et de probation). La première lettre a été lue lors de l’émission du 11 février 2022, la suivante pendant l’émission du 18 mars 2022, et la troisième le 1er avril 2022.


    « La CPIP a dit à ma mère que j’aurai droit à un test d’alcoolémie en rentrant de perm »

    Centre pénitentiaire de Marseille-Les Baumettes,

    Le 12 janvier 2022

    Salut L’Envolée,

    J’ai bien reçu votre lettre qui m’a fait grave plaisir. Je veux bien que vous m’envoyiez votre journal et si, comme vous me le dites, il y a d’autres personnes ok pour m’écrire, ce sera avec plaisir !

    Sinon, demain je passe à la CAP pour une permission. J’ai demandé trois jours, mais ma CPIP m’a fait passer un mot où elle me dit qu’elle ne sera d’accord que pour une journée car à ma dernière perm où j’ai revu mon fils (le grand) que je n’avais pas vu depuis onze ans, je me suis un peu « lâchée ». J’étais tellement heureuse et je l’avoue, j’avais aussi un peu bu. Donc, j’ai pris sur moi et j’ai écrit à ma CPIP, en lui demandant qu’elle m’accorde au moins deux jours car une seule journée c’est carrément trop court ! J’espère vraiment que c’est ce qu’elle va faire. Challa, au moins deux journées que j’ai le temps de profiter. En plus, après une perm on est confinées dix jours, avec une seule heure de promenade par jour, j’vous dis pas comment c’est dur !

    Sinon, à cause du covid, on n’a plus aucune activité.

    Par contre, j’ai une bonne nouvelle, j’ai complètement arrêté le xanax, je n’en prends plus du tout et je me sens beaucoup mieux dans mes baskets et je dors aussi beaucoup mieux.

    Bon, je vais mettre la radio à 88.4 [pour la rediffusion de L’Envolée sur Radio Galère] en espérant que je capte… Au fait, dans l’enveloppe il n’y avait que votre lettre, ils m’ont levé l’enveloppe avec le timbre ces chiens !

    Ici c’est toujours pareil, brouilleurs à fond, pas d’activités et toujours les fenêtres pour le deuxième, troisième et quatrième

    Le 13 janvier 2022

    Salut L’Envolée, je reviens de mon rdv avec la psychologue, ça m’a un peu fait « bouger » car cela fait longtemps que je ne sors plus en promenade. D’ailleurs ce week-end je vais me forcer à y aller histoire de marcher car en presque trois ans j’ai pris trente kilo, ce qui est énorme ! Mais bon, ici on ne fait rien, on mange mal, bref tout ce qu’il faut pour grossir. Faut dire que je compense mon manque d’affection (la famille, les amis, etc.) par la bouffe.

    Plus vite je sors de ce trou à rats, mieux ce sera ! Ici c’est toujours pareil, brouilleurs à fond, pas d’activités et toujours les fenêtres pour le deuxième, troisième et quatrième. Heureusement moi ça ne me concerne plus car je suis au CD1 [Centre de détention, 1er étage], mais je sais qu’il y a beaucoup de filles qui ont cassé les fenêtres et vous savez pas quoi, la détention les leur fait payer ! Un truc de ouf !

    Partir le matin pour revenir le soir même puis être enfermée pendant dix jours à cause du covid : fait chier, merde !

    Le 14 janvier 2022

    J’ai signé une perm de seulement une journée. La vérité j’suis dégoûtée. Enfin, c’est bizarre comme sentiment, car je suis à la fois contente de sortir une journée mais je suis écœurée que ce soit si court. Partir le matin pour revenir le soir même puis être enfermée pendant dix jours à cause du covid : fait chier, merde !

    Je viens d’appeler ma mère et la CPIP lui a dit que j’aurai droit à un test d’alcoolémie en rentrant. Putain, j’ai trop la haine ! Et lundi jour de ma perm, en fait, au lieu d’être trop heureuse de sortir, je vais avoir la haine et je ne vais même pas apprécier cette putain de journée. Ras l’bol !

    Par contre, je sais que je vais boire un peu et c’est normal mais quand je retourne à la prison il faut que mon taux d’alcoolémie soit à 0,00. De toutes façons je ne compte pas être ivre ! Je vais boire un petit apéro, 1 ou 2 verres de vin à table puis un digestif comme un colonel ou un Irish coffee sur la Corniche. Tout ça pour dire que je vais pas me torcher à la bière ! Lol.

    Vaut mieux que ça se passe bien sinon je peux dire adieu à mes perm… Mais, enfin, savoir que je vais les voir et être obligée de les quitter si tôt, c’est un véritable crève cœur !

    Je me suis bien sûr énervée, du coup j’ai encore eu un CRI. Bref, arrivée en cellule j’ai bouché l’œilleton pour être tranquille.

    Le 17 janvier 2022

    Ça fait deux heures que je suis revenue de ma perm qui s’est très bien passée. Par contre, l’AP a été dégueulasse, je m’explique. Ma mère m’avait acheté des produits pour les cheveux et donné une écharpe et je suis tombée sur un vrai connard qui m’a tout levé même mes cigarettes mais c’est pas le pire. Je me suis bien sûr énervée (je sais, ça ne sert à rien mais c’est plus fort que moi !) du coup j’ai encore eu un CRI. Bref, arrivée en cellule j’ai bouché l’œilleton pour être tranquille et à la ronde entre 19h00 et 19h30 quand la surveillante est passée, elle a allumé plusieurs fois la lumière et tapé à la porte et j’ai fait exprès de ne pas répondre alors que je pensais qu’ils allaient revenir, vérifier si j’étais morte ou vivante. Mais non, ils n’en ont rien à foutre, ils ne sont pas revenus et ça me choque grave ! Il y a des filles et des mecs qui se suicident et ils ne reviennent même pas voir comment je vais, j’hallucine carrément !

    Si demain le chef me fait redescendre au CD0 où les portes sont fermées (en gros, c’est comme la MAF, maison d’arrêt pour femmes), je vais très très mal le vivre donc challa que non, sinon je vais péter un plomb ! Putain, quand je suis dégoûtée comme ça, j’ai qu’une envie c’est me défoncer mais t’inquiètes ce n’est pas ce que je vais faire. Ça aurait été avant j’aurais même fait une TS [tentative de suicide] ! J’ai la rage, j’en peux plus de cette prison de merde !

    Étant donné mon confinement, je risque d’être tentée de reprendre du xanax ou du valium

    Le 18 janvier 2022

    Salut, je suis confinée et comme je vous l’ai dit je n’ai qu’une heure de promenade par jour et vous allez être choqués : la surveillante m’a oublié. Du coup, pas de promenade… c’était trop tard. J’ai donc demandé d’aller à l’UCSA (Unité de consultations et de soins ambulatoires) histoire de me sortir de ma cellule et de voir du monde mais je n’sais pas si ça va être accepté. Je risque de passer toute la journée dans ma cellule, super ! De toute façon, ici les détenues n’ont jamais raison : ou tu fermes ta gueule ou tu prends un CRI comme ça m’est arrivé hier.

    Sinon, hier soir j’ai un peu écouté Radio Galère et ça avait l’air cool mais j’étais crevée et je me suis endormie, dommage.

    Étant donné mon confinement, je risque d’être tentée de reprendre du xanax ou valium (c’est la même merde), et je ne veux pas. Ça a été tellement long avant que je n’en prenne plus.

    P.-S. : demain après-midi je sors en promenade, je me suis faite collègue avec une gitane qui ne sait ni lire, ni écrire, donc je lui ai fait plusieurs courriers qu’il faut qu’elle signe. Comme je vous l’ai dit, si je peux, j’aide. Et puis nous sommes toutes dans le même bateau, c’est très important, je pense, de s’entraider.

    Sinon, je ne me souviens plus si je vous en ai parlé mais un médecin m’a dit que j’avais un problème au cœur, mais je ne sais pas encore ce que j’ai, tout ce que j’espère ce qu’on va pouvoir me soigner. Je suis très vite essoufflée. Alors, depuis que j’ai arrêté le xanax, ça va un tout petit peu mieux mais ce n’est pas ça. J’ai été deux fois à l’hosto [pour des examens médicaux].

    DD


    « Et la CPIP ose me dire que ce n’est pas une punition »

    Centre pénitentiaire de Marseille-Les Baumettes,

    Le 15 février 2022

    Salut L’Envolée,

    J’ai bien reçu votre lettre et ce n’est pas grave si elle a mis un peu de temps. Ma dernière permission était carrément trop courte ! Mais finalement je n’ai été confinée qu’une journée car tant que ça dépasse pas 24 heures on est pas confinée dix jours. Mais ma perm du mois de mars a été annulée. Alors ma CPIP a dit à ma mère que c’était à cause du CRI, sauf que quand j’ai été signé la cause était que j’avais bu de l’alcool à mes deux dernières perm. Ça me met la haine car même si j’ai bu je ne suis pas rentrée ivre, c’est tout ce qui compte non ?! À la limite ils ont qu’à nous faire souffler dans un éthylotest !

    Sinon, quand t’es confinée, tu restes dans cellule et tu peux cantiner. Pour les clopes et même le reste, vous avez raison car il y a des surveillants cools qui te laissent rentrer avec et d’autres non, donc tu ne sais pas quoi faire et tu essayes… Pour le CRI je vais passer au prétoire, alors déjà que j’ai été punie de perm, j’espère qu’ils ne vont pas en rajouter !

    Le 24 février 2022

    Salut, il est 7 heures, il y a deux jours le chef m’a appelée pour me faire signer le CRI. Je passe au prétoire le 1er mars 2022 et j’espère que je ne vais pas aller au cachot. Déjà qu’ils m’ont puni en me retirant ma perm famille, ils vont pas en rajouter ! J’avais fait un mot à ma CPIP en lui disant qu’il n’y avait pas de loi interdisant l’alcool et écoute bien ce qu’elle m’a répondu :

    « Le juge a refusé votre perm en raison du CRI au retour de votre dernière perm, ainsi que pour la consommation d’alcool pendant votre perm. Il a estimé qu’au regard de votre fragilité en terme d’addictions que les perm se déroulent sans prise de produits ou d’alcool. Avant votre dernière perm cet élément vous avait été communiqué par la CPIP et aussi à votre mère. L’objectif madame DD n’est pas de vous punir mais de préparer au mieux votre sortie et limiter tout risque de récidive. Comme évoqué ensemble, les faits commis l’ont été alors que vous étiez alcoolisée ainsi le but est d’éviter ces alcoolisations pendant vos perm pour ne pas vous mettre en situation de risque et que vous restiez maître de votre comportement. »

    Ça me met trop la haine car j’ai bu un pastis, un verre de vin et un digestif donc à ma rentrée de perm et même avant j’étais loin d’être ivre. Et elle ose me dire que le but n’est pas de me punir, mais moi je n’y vois qu’une punition de merde qui me met encore plus les nerfs ! Bref AP de merde ! Bon, j’ai la haine là, je vais écrire de nouveau à ma CPIP pour lui dire que je n’étais pas alcoolisée à ma rentrée de perm. À+

    Hier j’ai pas assuré j’ai pris mes douze valium

    Le 25 février 2022

    Salut, il est 5h27 je me lève et j’ai hâte qu’il soit 8h00 pour que les portes s’ouvrent et que j’aille chercher mon traitement. Depuis lundi je n’ai pas pris le valium, mais là comme j’ai mon traitement pour tout le week-end, je vais me retrouver avec douze valium donc il faut que j’assure et que je n’en prenne pas du tout, mais j’ai confiance je vais y arriver.

    Le 26 février 2022

    Coucou il est 12h56, hier j’ai pas assuré j’ai pris mes douze valium donc aujourd’hui j’ai la tête dans l’cul, ça m’apprendra. Ce que je vais faire maintenant c’est d’aller chercher mon traitement même le week-end, de cette façon je suis sûre de ne plus en prendre car quand j’y vais tous les jours, je dis à l’infirmière qu’elle ne me donne pas les valium et ça me facilite la tâche.

    Donc, comme je vous l’ai dit, pas de perm au mois de mars, donc j’attends de voir ma connasse de CPIP pour lui demander si au mois d’avril ce sera possible, car si elle s’y oppose, la juge va automatiquement refuser. Challa que j’ai ma perm au mois d’avril de trois jours j’espère. Bon, je vous laisse car il faut que je me prépare pour aller en promenade. À+

    Le 28 février 2022

    Il est 12h47 et je pense que cet aprem je vais descendre en promenade prendre un peu le soleil. Demain je passe au prétoire, pourvu que je n’ai qu’un avertissement car le cachot non merci ! De toute façon j’en a parlé à ma psychologue et elle m’a dit ce qu’il fallait que je dise ou que je ne dise pas. En tous cas, sachez-le, maintenant je vais faire le canard car je tiens trop à mes perm ! Dire qu’au mois de mars je devais y aller, je suis dégoûtée ! Maintenant il n’y a plus qu’à espérer qu’elle me laisse celle du mois d’avril ; mais bon je pense que si elle me laisse sortir en avril ce ne sera qu’une journée… Ils ont vraiment rien compris !

    Je reviens du prétoire et je suis confinée pendant huit jours

    Le 1er mars 2022

    Salut, j’ai la trouille de me retrouver au cachot et j’ai pas non plus envie d’être confinée sans TV, je flippe et c’est normal, challah que j’aie que du sursis. J’ai un avocat commis d’office, j’espère qu’il me servira à quelque chose. Bon je dois aller me préparer, à+

    Coucou, il est 10h55, je reviens du prétoire et je suis confinée pendant huit jours sans TV et je crois sans téléphone. J’ai une heure de promenade le matin de 7h45 à 8h45, une misère quoi. Enfin, j’espère que ça va vite passer. À+

    Il est 14h29, à 13h30 je devais aller à un ciné-débat, mais comme je suis confinée je n’y ai pas le droit, dégoûtée car ça m’aurait intéressée. Enfin à 15h30 j’ai RDV avec mon éducatrice spécialisée et j’y vais ; je vais leur demander un maximum de RDV pour être le moins possible dans ma putain de cellule. Heureusement que j’ai la chaîne hi-fi ! C’est toujours ça, je me sens moins seule. À+

    Il est 19h18 et je m’emmerde grave ! En fait, je crois que le plus difficile ça va être le soir car il n’y a rien à faire sans la TV, une fois que tu as dîné, tu te fais chier et le temps est long. Bref, du coup je suis confinée, donc depuis aujourd’hui je reprends le valium, au moins ça me fait dormir un peu. À+

    Le 2 mars 2022

    Salut, il est 6h24, ça va j’ai bien dormi. J’écoute la radio, mais je sens que ça va être long jusqu’à 8h30, heure à laquelle je vais au SMPR (Service médico-psychologique régional). Bref, vivement mardi prochain que je sois déconfinée. À+

    Bon je vous envoie la lettre. Ciao. Biz.

    DD

    P.-S. : Putain ils m’ont mis la promenade de 7h45 à 8h45 et à 8h30 je dois aller au SMPR et vous savez pas quoi ? La surveillante me demande de choisir entre les deux ! Mais je veux aller aux deux. Bon ben finalement je me suis arrangée j’irais à l’UCSA à 9h30, ouf !


    « Comme à chaque fois, les surveillants exagèrent grave ce qu’ils nous reprochent »

    Centre pénitentiaire de Marseille-Les Baumettes,

    Le 11 mars 2022

    Alors déjà, à mon retour de perm d’une seule journée, je n’ai pas été confinée car ma perm n’a pas dépassé la journée, sinon tu es confinée dix jours. Et pour mon CRI, il n’a pas été annulé, et en plus quand la cheffe m’a appelé pour me le lire, comme à chaque fois, les surveillants exagèrent grave ce qu’ils nous reprochent. Du coup ma perm du mois de mars a été annulée, trop dégoûtée ! Ma mère se fait opérer début mai et sera en rééducation jusqu’en juillet, donc si je ne vais pas en perm au mois d’avril, je ne pourrai pas y aller avant longtemps. Ma CPIP m’a dit que je demande tout de même une perm au mois d’avril mais que ce serait la juge qui déciderait. Sauf que si ma CPIP s’y oppose, la juge va la suivre et là, ça serait l’horreur car ma famille me manque trop ! Je suis donc passée au prétoire le mois dernier et en plus de l’annulation de ma perm j’ai eu huit jours de confinement sans TV. Heureusement que j’ai la chaîne hi-fi ! Mais c’était grave difficile !

    Et pour le valium je l’ai pris pendant le confinement comme ça, ça me permettait d’être plus détendue et de faire des siestes, mais là, j’ai tout arrêté et définitivement ! Le médecin voulait me les descendre petit à petit mais je lui ai dit : « non, j’arrête tout d’un coup », et ça se passe très très bien.

    Le 16 mars 2022

    Salut L’Envolée,

    Je me remets à vous écrire car déjà, j’en ai envie et ensuite parce que j’ai de bonnes nouvelles qui je l’espère vont se concrétiser. Alors, j’ai vu ma CPIP qui m’a parlé de semi-liberté, ils ont fait huit cellules de semi pour les femmes car avant il n’y en avait qu’une. Alors, je passe en CAP le 13 avril pour une perm, puis je passe aussi pour ma semi. Donc je sortirai de 8h à 17h et j’irai dans une association où j’aurais des activités matin et après-midi et le midi on déjeune tous ensemble. […] Par contre, il va falloir que je sois forte [à propos des drogues], mais mes fils me la donnent cette force. […] J’ai 48 ans, j’ai fait le tour de la question [des drogues], maintenant il est temps que je passe à autre chose comme à ma famille. Je les aime trop pour les décevoir de nouveau. A+

    DD

  • « Le médical » en prison : lettres sur l’UCSA, par Libre Flot

    « Le médical » en prison : lettres sur l’UCSA, par Libre Flot

    Dans cette suite de courriers de l’hiver 2021-2022 lus lors des émissions du 10 décembre 2021 (pour la pièce de théâtre) et du 24 janvier 2022 (pour les autres textes), Libre Flot dit l’impossibilité de recevoir des soins décents au QI (Quartier d’isolement) et décrit le mépris du secret médical qui y règne. La santé mentale et psychologique des isolé·e·s ne peut que se dégrader. Non seulement l’AP (Administration pénitentiaire) et les surveillant·e·s connaissent cet état de fait, mais le personnel médical est complice. Avec le soutien de l’UCSA (Unité de consultation et de soins ambulatoire), c’est-à-dire du « médical », L’AP soutient que les souffrances provoquées par le QI sont « normales ».


    Pièce de théâtre en un acte sur l’UCSA

    Maison d’arrêt de Bois-d’Arcy, quartier d’isolement,

    Décembre 2021

    Salut salut,

    Ceci n’est pas une vraie lettre, juste une envie de partager un événement banal du petit théâtre du quotidien en un unique acte. C’est une visite de l’UCSA.

    Scène 1

    [Le rideau se lève sur une cellule. Une personne est penchée sur son bureau, étudiant des documents. Un bruit de clés actionnant une serrure retentit fortement. La personne se lève, saisit un masque, l'enfile pendant que la porte s'ouvre.]

    Scène 2

    [Derrière la porte, dans le couloir, se trouvent deux personnes en blouse blanche (une doctoresse, jamais vue par le détenu, et une infirmière) et deux autres en uniforme bleu foncé (surveillant et gradé). Chacun·e reste de son côté de la porte durant toute la scène.]
    [La doctoresse.] Bonjour c'est l'UCSA, vous allez bien ?
    [Le détenu.] Mouais, c'est comme d'habitude.
    [La doctoresse.] Ah. Ça veut dire que ça va alors.
    [Le détenu.] Non, ce que je veux dire c'est que j'ai toujours de fortes douleurs aux articulations, tout particulièrement aux genoux et aux poignets.
    [La doctoresse fait style d'écrire sur un document, mais c'est trop rapide pour être plus qu'une croix ou deux. Elle reprend.] Ah, c'est parce que vous ne faites pas assez de sport.
    [Le surveillant.] Ça, non. Il en fait bien du sport !
    [La doctoresse.] Alors c'est parce que vous en faites trop. Passez une bonne journée.
    [La porte se referme, le rideau tombe sur le détenu.]
    

    Voici une scène 100% véridique, et rien n’a été omis ou rajouté de ce que j’ai perçu. Cette visite n’a rien d’extraordinaire, elle est d’une banale réalité. Et qu’est-ce qu’on peut en retirer ?

    • Pour l’UCSA ces visites sont des visites de routine, et c’est le cas. Tout va toujours bien selon eux, tant que l’on ne dit pas de manière appuyée que ça ne va pas. Ces visites doivent aller le plus vite possible, il faut un réel effort au détenu pour avoir une oreille attentive. Effort d’autant plus difficile quand ça ne va pas.
    • L’intention du surveillant, même si elle partait d’un bon sentiment, démontre le non-respect du secret médical.
    • Et au final, la visite n’a servi à rien. J’ai mal ? Bah, c’est de ta faute, on s’en fout.

    Voilà, je voulais juste vous partager ça, tant que je l’avais en tête. Je vous écrirai une vraie lettre pour répondre à celle que vous m’avez envoyée et que je n’ai pas encore reçue. Au plaisir de vous lire et de vous écouter,

    Salutations & respects,

    Libre Flot


    « Ce n’est hélas pas étrange que des personnes, pour en faire le moins possible, annulent les soins des personnes isolées »

    Maison d’arrêt de Bois-d’Arcy, quartier d’isolement,

    Le 31 décembre 2021

    Salut, salut,

    Un petit coucou pour vous donner quelques nouvelles :

    • Après des mois de plaintes répétées à propos de douleurs articulaires, on m’a filé un rendez-vous avec un·e kiné, puis un·e autre puisque le premier n’a pas eu lieu et j’espère en avoir un autre bientôt puisque le second n’a pas eu lieu non plus. La cause ? Je suis au QI !
    • Et le dentiste ? Merci au sentiment de culpabilité… Je m’explique : comme d’hab’, j’ai rendez-vous, les surveillant·e·s et le/la gradé·e sont au courant et je ne vois rien venir… Le matin, je vais à l’opprimenade du QI (c’est dans le même couloir) en précisant : « Si le dentiste appelle, vous me sortez et m’y amenez. – Oui, oui ». Début d’après-midi, on m’amène à la salle de sport, je précise : « Si le dentiste appelle, vous me sortez et m’y amenez ». À ce moment, le/la gradé·e me dit que le rendez-vous n’aura pas lieu, que le/la dentiste ne peut pas me recevoir. Dépité, ça se voit un peu sur ma tronche, je lui dis que c’est comme d’habitude, que mes rendez-vous sont toujours repoussés, celui-ci depuis quatre mois, qu’hier encore celui du kiné aussi… Et là je découvre sur son visage comme un malaise (mal à l’aise), un air un peu gêné, comme une once d’empathie mêlée à de la culpabilité. Je fini le sport, iel me dit qu’il a rappelé le/la dentiste, qu’iel a fait pression pour que mon rendez-vous soit honoré… Oui oui, c’est un peu gros, iel en fait trop c’est pas crédible. Quelques minutes après j’apprends par le personnel médical que mon rendez-vous était ce matin et que le personnel de l’AP (c’était le/la même gradé·e le matin) avait déclaré que je n’irai pas à mon rendez-vous. Bon évidemment, comme mon rendez-vous (qui devait être le dernier) ne s’est pas déroulé au moment prévu, ça foutait la « merde » à l’UCSA et suite à un cognage de porte et à un échange non-verbal que je n’ai pas pu voir à cause de ma posture, ma consultation s’est finie plus vite que prévu (selon ma perception) et un autre rendez-vous m’a été redonné. Bon en tous cas, là où j’avais le plus mal a été rebouché !
    • Donc oui je remercie le sentiment de culpabilité car ce n’est hélas pas étrange que des personnes, pour en faire le moins possible, annulent les soins des personnes isolées. Encore moins étrange quand on sait que ce·tte même gradé·e, peut-être pour éviter le surmenage, a tendance à « oublier » d’emmener les personnes en opprimenade ou en les « oubliant » dedans, ou en les « oubliant » dans la salle de sport, ou en les « oubliant » dans la douche… Comme si l’enfermement, ou régime d’isolement n’était pas suffisant, il faudrait encore nous faire galérer toute la journée à poireauter… C’est vrai qu’on est chiant à vouloir profiter de tous ces fantastiques bienfaits et ces nombreuses activités auxquelles on a droit, on veut sortir, rentrer, se dépenser, se laver et même retourner s’instruire en cellule… Mince cela l’oblige à faire son travail ! Peut-être espère-t-iel qu’en nous faisant subir toutes ses attentes abusives, on se lasse reste enfermés en cellule 24H/24 et lui permette de se tourner les pouces ? Raté !
    • Sinon, lundi dernier, j’ai pu constater le retour des Plexiglas au parloir. (Au moins, y a plus cette table qui prenait toute la place). D’ailleurs, en lisant certains témoignages d’autres détenu·e·s dans L’Envolée, il est question « d’intimité » lors des parloirs. Ici à Bois l’Arsouille, d’intimité, il n’y en a point ! Les parloirs d’architecture panoptique sont vitrés des deux côtés où circulent en permanence surveillant·e·s qui épient sans cesse.

    Je termine cette lettre-là pour qu’elle parte ce matin, je vous écoute ce soir (sûrement une émission enregistrée). Merci à vous pour votre soutien. Courage à tou·te·s les enfermé·e·s et leurs proches.

    Salutations & respects,

    Libre Flot


    « Rien ne s’est amélioré. Cela ne se peut sans l’élimination des causes provoquant les maux. »

    Maison d’arrêt de Bois-d’Arcy, quartier d’isolement,

    Le 13 janvier 2022

    Salut à vous tout·e·s !

    Juste un petit coucou pour vous partager une réflexion sur le langage utilisé par l’UCSA pour dédouaner l’Admin’ Pen’ des conditions inacceptables de la détention en QI. N’ayant pas envie de passer quinze ans dessus (et d’ailleurs l’écriture devenant de plus en plus difficile), la forme de ce bref texte peut être un peu lourd et redondant, tout en simplifiant et réduisant des processus de réflexion, toujours est-il, et c’est le principal, que l’on comprendra aisément je l’espère le fond et le sens des propos.

    En ce qui concerne ma situation, je ne m’étalerai pas sur mes différents « soucis » (moi aussi j’utilise les euphémismes) médicaux, vous comprendrez que rien ne s’est amélioré. Cela ne se peut sans l’élimination des causes provoquant les maux… J’ai juste ajouté à ma routine les exercices conseillés par le kiné.

    Quant à ma détention provisoire, cela fait plus de trois mois que je n’ai pas de nouvelles du juge d’instruction (JI), que rien ne se passe… Récemment lors du renouvellement de mon mandat de dépôt, le juge des libertés et de la détention avait ordonné une enquête de faisabilité pour une « liberté conditionnelle » (je suis pas sûr du terme mais en gros prison à la maison avec bracelet). Cela fait désormais plus d’une semaine que nous savons que le JI a la réponse, que mes avocat·e·s ont demandé qu’on le leur transmette… mais rien. Encore une fois, le JI fait durer le « plaisir ». Cela ne pourra pas, dommage pour lui, durer éternellement. Pendant ce temps, je ne peux que constater ses pratiques humanistes.

    Voilà pour aujourd’hui, au plaisir de vous écouter et de vous lire ! Merci encore pour votre soutien à tou·te·s les enfermé·e·s et à leurs proches. Force et courage à elleux et spécialement aux isolé·e·s.

    Salutations & respects,

    Libre Flot

    Souffrances acceptées et voulues par l’Admin’ Pen’ ou ses commanditaires. C’est ce qu’on appelle la torture.

    Après quatre mois de plaintes répétées à propos de douleurs généralisées aux articulations, j’ai enfin (après 3 rendez-vous repoussés) vu le kiné. Verdict ? « C’est normal dans ces conditions ». Étrangement, c’est toujours la même rengaine quels que soient mes maux… Mes maux de tête semi-permanents ? « C’est normal dans ces conditions qu’est l’isolement ». Mes pertes de mémoire, mon incapacité de concentration, la perte de repère spatio-temporels, mes douleurs cardiaques, mon oppression thoracique, mes troubles visuels, mes vertiges, mon hébétude, etc. ? Pareil ! « C’est normal au vu de mes conditions de détention. »

    Dans un environnement normal (et même en détention classique), pourtant, subir l’ensemble de ces maux n’est pas considéré comme chose normale. Y introduire le facteur « Quartier d’Isolement » ne la rend pas plus normale. Tout comme ce que l’on dit avant un « mais » n’a pas vraiment de sens (je ne sais pas…, mais…), définir quelque chose de « normal » mais uniquement sous des conditions spécifiques ôte automatiquement toute notion de normalité. On ne peut dès lors plus parler que de conséquences logiques ou de réactions systématiques. Si le fait d’obtenir les mêmes résultats en prenant n’importe quelle personne et en la plaçant dans une cellule 22 ou 23 heures par jour, sans interaction sociale, est considéré par les médecins de l’UCSA comme « normal au vu des conditions de détention en isolement », cela veut, en fait, dire que ces conséquences, subies par la majorité des personnes en QI, sont donc bien des réactions systémiques et sont aussi très bien connues.

    L’utilisation mensongère du terme « normal » (associé au « dans ces conditions ») est en fait un euphémisme ayant pour but de masquer la vérité toute simple qui est que la détention au QI provoque de graves souffrances aux individu·e·s. Souffrances tant physiques, cérébrales et psychologiques, qui, étant connues et systémiques, sont donc acceptées et voulues par l’Admin’ Pen’ (ou ses commanditaires). C’est ce que l’on appelle de la torture.

    Le personnel médical, lorsqu’il (ab)use volontairement de cet euphémisme falacieux pour éviter d’énoncer la vérité qu’il connaît, n’œuvre plus à la santé de ses patient·e·s mais leur ment, les trompe, couvrant ainsi les méfaits de l’Admin’ Pen’ et lui permettent ainsi le maintien en isolement, ce qui dégrade profondément les individu·e·s. L’UCSA se rend donc complice de cette torture. Mais bon, on ne mord pas la main qui (même indirectement) nous nourrit…

    « utilisation normale d’un euphémisme médical pour une torture carcérale »

    P.-S. : et oui ! Je vous ai encore glissé quelques phrases à rallonge que vous allez « kiffer » pour une lecture à voix haute… hihihi 😉 (non, non, c’est promis, c’est pas du sadisme !)


  • Covid en prison : quatre lettres de mars 2022

    Covid en prison : quatre lettres de mars 2022

    Le gouvernement a orchestré le mirage d’un prétendu « retour à la normale » avec la fin du passe sanitaire et du port du masque obligatoire en mars 2022 ; mais à l’intérieur, les mesures foireuses que l’AP (Administration pénitentiaire) impose aux prisonnier·e·s depuis deux ans – jamais les mêmes d’une semaine à l’autre ou d’une taule à l’autre – ne tombent pas vite. Prisonnier·e·s et proches n’en peuvent plus de ces mesures arbitraires et vexatoires – notamment au parloir, en salons et en UVF (Unité de vie familiale), seuls moyens de maintenir des liens avec l’extérieur.


    « Souriez, vous êtes matés ! »

    Lettre de l’Infâme

    Cette lettre écrite du QI (Quartier d’isolement) de Valence a été lue à l’émission du 15 avril 2022. On y voit comment l’AP (Administration pénitentiaire) se sert du prétexte du covid pour multiplier les restrictions au parloir et faire subir une surveillance accrue aux prisonniers et à leurs proches tandis que les matons qui vont et viennent librement peuvent faire rentrer le virus. L’Infâme revient sur l’argent promis aux prisonnier·e·s pour appeler leurs proches par téléphone pendant le premier confinement de mars-avril 2020, ce « cadeau» destiné à calmer les révoltes collectives contre l’interdiction pure et simple de tous les parloirs…

    Centre pénitentiaire de Valence, quartier d’isolement,

    Le 14 mars 2022

    Coucou les ami(e)s,

    L’Infâme est de retour, histoire de vous parler un peu du covid et de comment tout se joue autour de ça en ce lieu oppressant déjà, de base, qu’est le quartier d’isolement. De mon point de vue, le sujet covid est un peu spécial, je l’avoue, car je suis encore et toujours « isolé ministériel ». Mais ça n’en reste pas moins violent, révoltant, et parfois même un non-sens ! Mais bon, j’vais – comme à mon habitude –, vous parler sans langue de bois, même si ça pourrait déplaire à l’AP. Mais ce détail-là, je m’en tape comme de ma première chemise, car la libre expression est un droit – et un devoir, même – de l’être humain. Revenons à nos moutons… ou plutôt, à notre covid – toute une histoire, cette merde de covid, hein !

    Vous n’êtes pas sans savoir, vous, à l’Envo (pour celles et ceux qui me sont le plus proches) que, depuis quelques mois, j’ai enfin des parloirs. Et là, le choc ! Mon parloir s’est super bien passé ! Mais côté covid, le parloir, un désastre ! On a fait avec, moi et mes frérots.

    L’ordre qui nous a été donné, c’est zéro contact. Pas même un check du poing, ou même du pied ou alors du coude.

    L’ordre qui nous a été donné, c’est zéro contact. Pas même un check du poing, ou même du pied ou alors du coude. Rien, nada ! Et croyez-moi qu’après presque quinze ans sans parloir, de renouer avec le parloir, j’en étais ému… Mais ne pas pouvoir dans mes bras mes frérots, leur faire la bise, une accolade, etc., c’est d’une violence terrible ! J’aurais voulu passer outre, sauf qu’on était surveillés de près. Et v’là que ça fait des aller-retours, sans cesse, pour noter si on fait un écart ou pas… Alors qu’eux, bien évidemment, se faisaient des checks du poing ! Mais nous, on nous refusait même ça. Moi, j’étais dos à la porte de la cuisine du parloir, et je voyais les frérots lever les yeux, à chaque passage de Big Brother… Souriez, vous êtes matés ! Au sens propre comme au figuré. Une mise à l’amende inacceptable ! Et bien que pas contents de cette flagrante inhumanité qu’on subissait, on s’est pliés malgré tout à ça. Une mise à l’amende inacceptable ! Et bien que pas contents de cette flagrante inhumanité qu’on subissait, on s’est pliés malgré tout à ça.

    Le pire de cette mise à l’amende, c’est qu’on nous a bien signifié que, si on avait le moindre contact, que ce soit à l’initiative de mes visiteurs ou à la mienne, non seulement il serait mis fin à la visite, mais le permis de visite serait non pas suspendu, mais tout simplement supprimé. Et le pire dans tout ça, c’est qu’on ne pouvait rien y faire. Alors la mort dans l’âme, on n’a pas joué aux cons ! Mais c’était d’une violence psychologique extrême tout ça ! Mais, le principal, c’est que ça ne nous a pas empêché de profiter pleinement des trois heures de parloir qu’on a eu ce jour-là.

    Alors, vu les mesures de covid, pour les parloirs ici, à Valence, tenez-vous bien, car l’annonce est aussi rude que révoltante : de base, sans prolongation de durée, la durée d’un parloir, c’est 1h30 ! 3 heures avec une prolongation ! Et le parloir, c’est juste le dimanche. Et quand je dis « le dimanche », c’est pas tout le dimanche, mais une seule session de 1h30 si y a pas de prolongation. Soit le matin, soit l’après-midi.

    Même dans une prison aussi reloue que Condé-sur-Sarthe par exemple, les parloirs, c’est tout le week-end, et les jours fériés. Et toutes les sessions. C’est-à-dire, si la famille, les amis, etc., viennent, ils peuvent faire 3 heures le matin, 3 heures l’après-midi, tout le week-end. Et si le jour qui précède ou succède un week-end est férié, c’est possible de faire la session du matin et de l’après-midi, de faire 3 heures à chaque fois, sur les trois jours entiers.

    Ici, non ! C’est juste le dimanche, soit le matin, soit l’après-midi pour une seule session. Ici, Valence, c’est un CP (Centre pénitentiaire), donc y a une maison d’arrêt. Eux par contre, ils ont droit à plusieurs jours de parloir. Pourquoi pas nous, détenus QMC (Quartier maison centrale) ? Là encore, mystère et boule de gomme, au goût de révolte ! Et pourtant, y a personne côté centrale qui se bouge son cul pour s’insurger contre ça. Pas de bloquage, pas de mouvement de contestation, pacifique ou non. Rien, zéro ! Suis-je le seul à ne pas trouver ça ni acceptable, ni normal ? J’en ai bien l’impression ! Pfff, des moutons qui se sont laissés abrutir par le système ! Et par les miettes qu’on nous a données, par de prétendues « volontés » de maintenir des liens familiaux – par exemple avec le téléphone, où on nous donnait des clopinettes, du genre : « Estime-toi heureux, on te file 30 balles de téléphone gratis ! Appelle chez toi et ferme ta gueule ! » Ben non, désolé, moi, j’ferme pas ma gueule !

    Je pense qu’il y en a qui se sont gavés sur nous !

    Je sais pas si vous vous rappelez, les mesures prises par les politiques, c’était à la base 40€ par mois pour la téléphonie. Et d’un coup d’un seul, 40€ pour nous, les enfermés, les invisibles, les anonymes parmis les anonymes, 40€ c’était c’était bien trop, et sans que personne, de nous, détenus, ne sache vraiment comment, ni par qui tout cela s’est décidé, c’est redescendu à 30€ ! Vu que l’État, à la base, envoyait « une enveloppe-budget » pour les opérateurs de l’époque Sagi et Telio et que ces opérateurs ensuite répartissaient automatiquement, pour chaque prison et pour chaque prisonnier déterminé, la somme liée à la téléphonie, je pense qu’y en a qui se sont gavés sur nous ! Car on est combien de détenus en France ? 74, 75, 76.000 ? Mais à 10€ par tête, chaque mois, y a un champion bien avisé qui se foutait alors 10€ multiplié par le nombre de détenus en France dans la poche, ça veut dire ? Quel détenu en a été informé du pourquoi, du comment ? Pas moi en tout cas ! On s’est bien fait enfler, par des escrocs en col blanc, qui, pendant une X période, se sont mis 10€ multiplié par le nombre de détenus dans la poche ! Et ce sont vous, mesdames messieurs du dehors, qui payez avec vos impôts, avec toutes les taxes que vous donnez à l’État au quotidien. C’est votre argent, pas le nôtre, étant donné que nous, en prison, sommes rarement imposables.

    J’ai jamais entendu que ces clampins avaient été inquiétés par la Justice. Et pourquoi ? Tout simplement parce que, hormis certains détenus et certaines personnes qui luttent pour nous au dehors, personne n’en a rien à foutre que ces gens se gavent tant sur votre dos que sur le nôtre ! Libre à chacun de faire comme ces trois singes : j’ai rien vu, j’ai rien entendu, et je parle pas. Mais moi, je suis pas un singe ! Ni je ferme ma gueule, ni je deviens sourd quand ça se complique, ni je ferme les yeux sur ce qu’on nous fait. Car, ce qu’on nous fait à tous, détenus, on vous le fait à vous aussi au dehors, vous qui n’avez aucun lien quel qu’il soit avec le milieu pénitentiaire, car c’est aussi et surtout à vous que je m’adresse car nos proches ou ceux qui luttent à nos côtés, eux, savent. Ils font ce qu’ils peuvent pour aider, que ce soit par exemple en faisant entendre nos voix à nous les oppressés du système carcéral qui broie de l’humain et leur famille ! Mais, que vous le vouliez ou non, vous qui n’avez aucun lien direct ou indirect avec un détenu ou le milieu carcéral, vous êtes vous aussi tout autant impactés que nous ! Bien qu’il y ait des gens formidables, comme ceux et celles qui forment l’Envolée, bien qu’il y ait aussi d’autres assoces qui luttent tout comme l’Envo pour nous détenu(e)s, retenu(e)s que ce soit en prison ou dans tous les lieux où on enferme (à ceux-là, force et courage, aux femmes et hommes enfermé(e)s entre autres dans ces maudits centres de rétention administrative), ou que ce soit aussi nos proches… Certes tout ce monde, ça en fait des gens qui luttent pour nous, mais on est encore trop peu nombreux ! À vous toutes et tous, sentez-vous concernés et vous aussi, prenez position, car on a tous et toutes besoin de vous aussi ! Vous comme moi, on est tous des êtres humains avant tout ! Vous, mesdames, messieurs, si c’était vous qui subissiez ce genre de choses, l’accepteriez-vous ? Et, si vous ne l’acceptiez pas si vous étiez à ma place, pourquoi pas d’ores et déjà, en l’état actuel des choses ? Dites non et insurgez-vous, selon ce que vous pouvez, soutenez les personnes qui subissent ce broyage psychologique et physique !

    Pourquoi acceptez-vous ou même, pourquoi préférez-vous fermer les yeux, les oreilles et la bouche, alors que ça se passe ici en France ? Et à celles et ceux qui liront ceci, vous y penserez peut-être le jour où vous vous ferez agresser par un délinquant qui récidive : à mon niveau, ai-je fait ma part citoyenne en soutenant comme je le peux pour faire avancer les conditions des détenus ? Car si j’avais été là pour aider du mieux possible, peut-être que celui qui cambriole ou qui vend de la came à mon gamin aurait trouvé son chemin dans la droiture ! Au lieu de ça, il a subi, s’est endurci de la plus mauvaise des façons, et j’ai, en un sens, contribué à cela en ne faisant rien, en me complaisant dans mon petit train de vie, parce que je ne me sentais pas concerné. Ce que je vous dis là, ce sont de vraies réalités, c’est pas juste des élucubrations d’un mec qui aurait perdu la tête !

    Tout simplement, ces mesures, en ce qui concerne les parloirs, c’est juste pour nous oppresser sans que rien ne le justifie !

    Autre sujet les amis, par exemple, les salons ou UVF… Par exemple, entre le jour où j’ai eu mon premier parloir et mon premier salon, il ne s’est passé qu’un mois. Cool ! Ça dure 6 heures toute la session « du matin jusqu’au soir », 10h30-16h30, dans un genre d’appart aménagé ! Là, j’ai pu embrasser mes frérots, leur faire de grosses accolades, etc. Mais question : pourquoi alors nous menacer, pour les parloirs, de nous faire sauter le permis vu qu’au salon, on pouvait faire ce qu’on nous interdit au parloir ? Ben tout simplement parce que ces mesures, en ce qui concerne les parloirs, c’est juste pour nous oppresser sans que rien ne le justifie ! Normalement, à l’issue d’un UVF, ou d’un salon, il devrait y avoir une période de pfff… je sais même pas combien, car même ici, ils savent pas tellement ça change tout le temps de confinement obligatoire ! Moi, je savais que les frérots n’avaient pas le covid, donc je pouvais pas l’avoir à l’issue du salon. J’ai demandé, juste pour voir ce qu’on répondrait, si je pouvais (comme je le fais souvent) aller en salle de bibliothèque pour écrire mes courriers. « Prépare-toi, on arrive dans cinq minutes », m’a t-on dit, alors que tous savaient que je rentrais du salon. Au bout de trois minutes je les appelle et je les bluffe en leur disant : tout compte fait je dois appeler chez moi, j’reste en cellule. En fait, je me suis auto-confiné moi même dix jours pour être sûr.

    Les surveillants nous rappellent sans cesse qu’il faut respecter les gestes barrière alors que ça contamine sans vergogne, ni souci de conscience les détenus, parce que, eux, n’ont pas respecté les gestes barrière !

    Un détenu a eu le covid ici, au QI, et pourtant il n’a pas eu le covid lors s’un salon ou d’un UVF ou d’un parloir ! Au QI, nos contacts se limitent la plupart du temps aux surveillants. Il a des mesures de gestion équipée, donc ils ouvrent peu sa cellule. Il a eu des contacts qu’avec les surveillants et personne d’autre, donc c’est un surveillant qui lui a refilé le covid. Et, aucun détenu n’a été informé que l’un d’entre nous l’avait chopé à cause d’un surveillant, quelle honte ! Ils nous mettent en danger, mais par contre ils nous rappellent sans cesse qu’il faut respecter les gestes barrières alors que ça contamine sans vergogne, ni souci de conscience les détenus, parce qu’eux n’ont pas respecté les gestes barrières ! On sait même pas si c’est un surveillant QI qui lui a donné cette merde de covid, ou un Elac (Équipe locale d’appui et de contrôle) ! Car c’est les Elac qui font les mouvements infirmerie par exemple, quand on va à l’infirmerie ou dès qu’on sort du bâtiment du QI, donc non seulement ça a infecté un détenu, mais que dire de cet inconscient d’agent qui, de ce fait, a mis aussi ses collègues à lui en danger, peut-être même aussi ses proches. À cette période, ce détenu n’avait pas de parloir, de salon, ou d’UVF prévu : imaginez si ça avait été le cas, et qu’il ait eu une visite, avant même d’avoir été depisté positif ! Ce mec a des gamins, et s’il avait infecté ses gamins sans le savoir s’il avait eu parloir ? C’est-à-dire que de l’inconscience d’un seul surveillant, vous imaginez un peu comment tout ça aurait pu mal tourner.

    Et là, depuis 24 heures, plus personne ne met de masques. Est-ce général et/ou généralisé ? Mystère et boule de gomme ! Au QI, personne ne nous a informés de quoi que ce soit à ce sujet ! Alors, les Castex, Vérand, Macron et compagnie, au lieu de filer des chèques carburants et qu’ça foute la pagaille, au lieu de faire profil bas Olivier, et de pas remplir ton rôle de ministre, et toi Manu, au lieu de t’la raconter comme un Superman que t’es pas en voulant donner des leçons à ce fou de Poutine, commencez, messieurs, par vous occuper des vrais problèmes qu’il y a dans votre pays. Regardez d’un peu plus près tout ce qui se passe dans les prisons ! On tombe malade, on crève, que ce soit brutalement ou à petit feu, ce qui n’en n’est pas moins tout aussi brutal que de mourir d’une dizaine de coups de couteau dans une cour de promenade. Parce que, quand il y a des détenus « médiatiques et médiatisés » là vous commencez à bouger, et même à faire les canards, en transférant les gens là ou ils voulaient être pour être proches des leurs, chose que jusque là vous leurs avez refusé et tout ça, à quel titre, de quel droit ? Celui de l’apaisement des esprits échauffés à blanc ? Et nous alors, nous, les invisibles sauf quand on fait une prise d’otage ou qu’on agresse un surveillant, vous en avez rien à foutre de nous ? Et vous croyez que je vais voter pour des gens comme vous ? Commencez par voir les réalités de ce qui ce passe dans les geôles françaises, les CRA, et tous ces lieux où on enferme et tue de multiples façons, où l’on broie des gens, des familles entières, et faites changer les choses, alors là… peut-être, je dis bien peut-être, voterai-je un jour si un de vous tient de tels engagements !

    À toutes celles et ceux que je nomme pas et qui me soutiennent, activement et/ou, dans l’ombre, ainsi qu’à ma tante et mon oncle qui sont là pour moi, merci à vous pour votre soutien, votre cœur, et votre détermination ! Courage aussi, tout spécialement, à N. « la lionne » incarcérée actuellement aux Baumettes ! À toutes les femmes, hommes, minots, et tous ceux et celles, enfermé(e)s ailleurs qu’en prison, gardez le moral et l’espoir de jours meilleurs ! Force courage et détermination ! Restez unis et solidaires ! Car le combat « c’est nous contre eux, pas nous contre nous ».

    Y a pas d’arrangement, et y en aura jamais là-dessus ! Force à tous.

    L’Infâme


    « Voilà deux ans que le covid a posé ses bagages en prison »

    Lettre de Francis Dorffer

    Chaque fois que des mesures répressives sont mises en place au détriment des prisonnières et des prisonniers, ou de leurs proches, le risque, c’est qu’elles s’inscrivent dans le droit et dans les pratiques de l’AP et de ses matons longtemps après la disparition du prétexte qui les a initialement justifiées. Francis souligne dans cette lettre lue à l’émission du 15 avril 2022 que le covid ne fait pas exception à la règle.

    Maison centrale d’Arles, quartier d’isolement,

    Le 13 mars 2022,

    Salut à tous,

    Aujourd’hui, voilà deux ans que le covid a posé ses bagages en prison. Mars 2020, premier confinement : pendant des semaines, les visites au parloir ont été interrompues, les UVF annulés… Et dans certaines prisons, cela a mis plusieurs mois à reprendre !

    Beaucoup de mesures sanitaires se sont transformées en nouvelles règles inscrites dans le marbre en détention, et sont appliquées de façon permanente : parloirs vitrés, heures de réservation réduites ‒ parfois plusieurs heures réduites à une seule par jour. Dans beaucoup de prisons, les mesures liées au covid sont devenues un moyen de restreindre les droits : nombre de personnes au parloir réduit à deux ou trois, et en UVF, idem ! Activités en détention annulées, voire complètement supprimées, demande de vaccin ou test pour accéder aux UVF, isolement de personnes ayant eu des contacts au parloir ou au retour d’UVF…

    Bref, sans parler du réel manque d’information, on a pu voir nos droits réduits avec comme seule réponse : « C’est le covid ! »

    Pour info, le 14 mars, le masque n’est plus obligatoire à porter. Donc à toutes et tous ! N’oubliez pas de vous informer et demandez des informations. Dans la majorité des cas, cela n’a été que le moyen de faire régresser les droits et de remettre des vitres dans les parloirs !

    Courage à tous ! Force à tous !

    Francis Dorffer


    « Depuis deux ans qu’il y a ce foutu virus, la détention a beaucoup changé »

    Lettre de DD

    Dans cette lettre lue à l’émission du 1er avril 2022, DD rappelle rapidement les principales restrictions imposées aux Baumettes depuis l’arrivée du covid et la détérioration des relations des prisonnières avec leurs proches qu’elles entraînent, tout en soulignant que même quand on n’a pas de parloirs, on est tout de même affecté par des mesures comme la limitation des activités, et donc des mouvements et des rencontres au sein de la détention.

    Centre pénitentiaire de Marseille-Les Baumettes,

    Le 11 mars 2022,

    Depuis deux ans qu’il y a ce foutu virus, le corona, la détention a beaucoup changé. Personnellement je n’ai pas de parloir, mais je sais que pendant une période ils ont mis les plexiglas aux parloirs, il n’y avait plus d’UVF et le relais mère-enfants était fermé. Sans parler de toutes les activités qui ont cessé et ne sont toujours pas revenu à la normale. Ensuite, il y a plein de postes de travail qui ont été annulés, comme la formation bâtiment, tertiaire, la formation magasinier. Il y avait aussi le linge que la famille amenait à la détention et qui n’était pas donné avant une semaine, voire plus. Depuis, quelques activités ont repris mais très peu. Voilà tout ce que j’avais à dire sur les changements de l’AP.

    DD


    « Si le détenu n’est pas vacciné minimum deux doses, c’est parlu hygiaphone et confiné sept jours »

    Lettre de Kémi

    Kémi nous avait déjà écrit à propos du covid en automne 2021, quand un cluster avait été déclaré à la maison centrale de Saint-Maur ; il dénonçait des conditions sanitaires catastrophiques et la responsabilité des matons dans la propagation de la maladie. En mars 2022, récemment sorti du QI, Kémi constate le maintien de certaines restrictions, comme celles liées à la vaccination ou à la durée des parloirs, alors qu’officiellement, l’AP prétend lever toutes les mesures restrictives liées au covid. Cette lettre a été lue à l’émission du 8 avril 2022.

    Maison centrale de Saint-Maur,

    Le 14 mars 2022

    Salut L’Envolée,

    Ici ils sont pas emmerdants avec le covid, faut juste qu’on porte un masque c’est tout. Moi je suis toujours à la formation « menuiserie » mais je vais voir pour un autre job car celui-là paie pas et je m’ennuie grave. Le formateur c’est un fatigué ce gars ! Bref, je prends mes marques petit à petit, j’ai dû remettre les poings sur les « I » et les barres sur les « T » mais maintenant ça va. Ils ont vu qu’après le QI je suis resté un lion et pas devenu un fatigué !

    Bref, là il est 22 heures et j’écoute le son de NAPS « Les mains faites pour l’or », j’ai fait mes exercices et me suis lavé au lavabo, à l’ancienne les potos MDR.

    En tous cas merci de m’écrire, ça fait grave plaisir, ça me montre que je ne suis pas seul et ça me permet de traverser cette épreuve qu’est la prison. Sérieux, surtout depuis que je suis sorti du QI, quand je reviens du taf et vois que j’ai une lettre, je la lis avant même de manger et ensuite je prends le temps le soir pour y répondre. D’ailleurs merci pour l’enveloppe timbrée, ça me permet de vous rép et ça fait plaisir.

    Pour le covid en prison, ici ils sont tranquilles. Parloirs, UVF, salons : tout est disponible sans restriction. Juste, si le détenu n’est pas vacciné min deux doses, c’est parlu hygiaphone et confiné sept jours, mais si t’es vacciné c’est tout normal et pas confiné. Après ça reste 1h30 à la place de toute la journée et deux visiteurs max mais tu peux négocier pour un mineur en plus de deux majeurs. En détention tout est normal, juste on doit porter le masque sinon rien n’a changé. En plus le masque on le met que quand on a un entretien ou parloir, sinon ils cassent pas les couilles.

    En attendant de vos nouvelles, prenez soin de vous les potos, à+

    Kémi


    « Tout le reste découle de cette inertie de l’ARS »

    Extrait de lettre de Ion Kepa Parot

    Ion Kepa Parot souligne la responsabilité de l’État et en particulier de l’ARS dans la gestion du covid dans cet extrait de lettre lu à l’émission du 8 avril 2022. Au bout de plus de trente-deux ans de prison, à plus de 71 ans, Ion est une personne à risque car il est gravement malade ; de plus, il a eu le covid en prison l’été 2021. Il vient enfin d’obtenir une libération conditionnelle (le 13 octobre 2022), après une énième demande. L’État français persistait jusque-là dans la logique de vengeance qui est la sienne depuis des décennies en rejetant systématiquement ces demandes, alors que Ion avait dépassé sa période de sûreté depuis 2005. Des manifestations avaient eu lieu régulièrement au pays Basque pour exiger sa libération ainsi que celle de Jakes Esnal, lui aussi gravement malade après plus de trente-deux années passées en prison, et celle de tou·te·s les Basques enfermé·e·s du fait de l’acharnement sans fin des États français et espagnol contre ETA (Euskadi ta Askatasuna) même après sa dissolution.

    Centre de détention de Muret,

    Le 16 mars 2022

    […] Pourrais-tu dire aussi, de ma part, à Madame L’Envolée que début décembre 2020, j’avais dit au médecin-chef du centre de détention de Muret qu’il était urgent de vacciner contre la covid-19 sinon nous risquions un cluster important. Et, le cluster s’est installé en mars 2021 (40 détenus confinés durant plus de 20 jours) à cause des retards de l’ARS (Agence régionale de santé). Nous sommes toujours en retard d’une guerre, comme en 1918 et 1940, même pour la santé par manque de vision, de réflexion et de matériel. De plus, l’Institut Pasteur était en retard, il a fallu acheter des vaccins à l’étranger et vacciner, ici au CD de Muret, en juin 2021. Tout le reste découle de cette inertie de l’ARS. Le plus important ce ne sont pas les conséquences mais la cause.

    Ion Kepa Parot

  • « J’ai largement dépassé la limite de cumul des peines » – Claudio Lavazza

    « J’ai largement dépassé la limite de cumul des peines » – Claudio Lavazza

    Après avoir participé aux luttes armées révolutionnaires des années 1970 en Italie, Claudio Lavazza a organisé l’évasion de camarades emprisonnés et financé sa lutte en expropriant des banques. Arrêté en 1996 en Espagne après un braquage, il y a passé pas moins de vingt-cinq ans en prison, dont huit en module Fies (similaire au quartier d’isolement). Au terme de cette peine, il a été extradé en France en mai 2021 et emprisonné pour le braquage de la Banque de France de Saint-Nazaire en 1986. Au mépris de la limite légale du cumul des peines selon le droit européen, qui stipule que Claudio devrait être sorti en décembre 2021, l’État français mobilise tous les méandres du code pour le garder en prison.

    Centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan

    Le 9 septembre 2022

    Salut L’Envolée,

    Concernant l’appel, on n’a pas encore la date ; peut-être en octobre au tribunal de Pau. Je vais vous tenir informés de la décision.

    [Je compte prendre la parole pendant l’audience,] vu le refus par le tribunal correctionnel de Mont-de-Marsan de ma requête de réduction des peines au maximum légal – à vingt, vingt-cinq ans – et de confusion des peines, et vu que dans le délibéré du 21 juin 2022 le tribunal a motivé le refus [en disant] « que je n’apporte pas d’éléments de personnalité permettant de faire droit à ma demande, eu égard notamment à la multiplicité des condamnations prononcées et à la gravité des faits pour lesquels j’ai été condamné à plusieurs reprises ».

    Dans tous les cas, s’ils me donnent la parole, eh bien je répondrai qu’un tribunal respectueux du droit ne doit pas donner d’opinions personnelles à mon égard mais appliquer les articles de loi, en considération aussi du fait que j’ai déjà payé intégralement ma dette envers l’Espagne (vingt-cinq ans) sans obtenir aucun bénéfice pénitentiaire.

    Aussi, je rappellerai au tribunal que l’analyse erronée de la confusion de peines à trente ans au lieu de vingt est une absurdité juridique à double titre :

    – L’article 132-23-1 du Code pénal impose la « prise en compte des condamnations prononcées par la juridiction pénale d’un État membre de l’Union européenne ». C’est évidemment à la condition de ne pas les aggraver, tout autant dans leur quantum que dans leur exécution. On ne peut pas ajouter des années de prison à celles déjà décidées et appliquées par un tribunal d’un État membre de la communauté européenne.

    – La France ne doit se prononcer que sur des faits commis sur son territoire. Mais à supposer même que la loi française fût applicable, la limite du cumul dans mon cas aurait été de vingt ans puisque, la peine encourue de trente ans n’ayant pas été retenue par les tribunaux d’Espagne, c’est nécessairement la peine de vingt ans qui est retenue comme seuil maximal en application du Code de procédure pénale français.

    Mon avocat a même adressé à Madame la Substitute et à la Cour correctionnelle un arrêt de principe de la chambre criminelle de la Cour de cassation qui rappelle que, « en matière de limite du cumul, si la peine encourue pour l’infraction la plus grave est de trente ans, mais que cette peine de trente ans n’a pas été prononcée, la limite de cumul doit être fixée à vingt ans de réclusion ».

    Dans les deux cas de figure, j’ai largement dépassé la limite de cumul telle que prévue par la loi espagnole et telle que prévue également par la loi française – à supposer qu’elle soit applicable pour des faits commis en Espagne.

    Je souhaite faire circuler cette lettre, vous pouvez le faire à ma place ? Merci.

    J’espère avoir de vos nouvelles bientôt, en attendant je vous souhaite la santé. Je vous embrasse.

    Claudio

  • « Un système fait pour broyer des êtres humains » – Lettre de l’Infâme pour le 29 mai

    « Un système fait pour broyer des êtres humains » – Lettre de l’Infâme pour le 29 mai

    Le 29 mai 2022, à l’appel du collectif Idir Espoir et Solidarité, des rassemblements auront lieu à Lyon, Nantes, Rennes et ailleurs contre les violences pénitentiaires, les mitards et les morts en détention (plus d’info sur cette mobilisation ici). L’infâme, prisonnier longue peine dont nous relayons régulièrement la parole dans les émissions et le journal, a écrit une lettre destinée à être lue et diffusée à cette occasion. Pour faire entendre dehors des personnes qui subissent encore et depuis des années les violences pénitentiaires et la violence de l’enfermement. Il y revient très en détail sur son parcours, son expérience carcérale et l’acharnement de l’administration pénitentiaire (AP) contre lui.

    Le vendredi 29 avril 2022

    Bonjour à tous et à toutes, je souhaite commencer ce courrier en vous remerciant toutes et tous de rendre le temps de cet écrit, le temps de m’écouter. j’attire votre attention sur le fait que ce que vous allez entendre là n’est pas le fruit d’une pensée débordante. Je vais vous parler d’une réalité qui est la mienne celle d’un détenu longue peine, rentré en prison en l’an 2000 et qui n’est à ce jour pas encore sorti de cet enfer que l’on nomme « prison » ou « établissement pénitentiaire » ! la taule quoi ! Et en 2000 j’avais que 17 ans 1/2 ! j’en ai 39 à ce jour !

    Sur un sujet bien réel malheureusement que sont les violences carcérales et de l’utilité de lutter afin que ce que l’on nomme communément « le cachot » (le quartier disciplinaire pour les moins avisé(e)s d’entre vous) cesse d’exister !

    Ce combat ne peut se faire sans vous ! Sachez le bien ! Moi, pour vous je ne suis qu’un inconnu ! Un anonyme parmi les anonymes qu’on enferme , brime, maltraite violemment, et parfois même que l’on tente de tuer ! Oui… tuer, mesdames messieurs ! Cette réalité pour certains certaines d’entre vous pourrait vous paraître invraisemblable. Je vous comprends vous les personnes qui pourraient croire cela ! Je ne vous en blâme nullement ! En aucun cas je me permettrais cela ! Car, votre réalité, au dehors en toute liberté, vous éloigne, pour beaucoup de cette réalité qui est la mienne. Mais peut être que parmi vous, vous qui aujourd’hui prenez le temps d’entendre ma voix, à moi, détenu anonyme parmi les anonymes il en est qui ont peut être un proche, un frère, une sœur un cousin, une cousine, un oncle, une tante, un père ou une mère, un ami ou une amie enfermée ! Et même dans ce cas là, bon nombre d’entre vous ne connaissent pas cette réalité, car très souvent, nous essayons d’être forts, et de taire tout cela pour ne pas vous inquiéter sur le sale sort qui nous est fait ! Et peut être même parmi vous il en ait qui ont perdu quelqu’un de cher, de proche, ou de moins proche ! Vous vous savez que cette réalité que je vais vous conter ici ne peut se voire opposer le moindre doute sur le caractère violent de ce qu’on subit, à raison de plus quand ça se passe au cachot !

    Les assassinats, maquillés en suicide, les morts dites « suspectes » qui ne sont en vérité, que les fruits de certains de nos geôliers et de leurs comparses, à tout stade et grade de la hiérarchie pénitentiaire et/ou pénale ! Car ne nous voilons pas la face, dans le pays des droits de l’homme et du citoyen, en 2022 on crève sous les coups !

    On est parfois même assassiné ! Et pour les plus chanceux d’entre nous, on est salement tabassé, très souvent au titre de cette putain de phrase fourre tout qui leur donne ce pouvoir de vie et de mort sur nous qui est : « le recours à la force strictement nécessaire » ! et quand je dis « les plus chanceux d’entre nous j’ai une pensée triste et émue qui va vers toutes les personnes qui ont perdu un proche en prison, mort, assassiné, comme la famille de Idir, ce jeune plein de vie, que je ne connais pas mais dont j’ai été ému par sa maman, en lisant le témoignage poignant qu’elle a fait concernant son fils dans l’envolée. Ou comme la famille de Sambaly, que j’ai peu connu ! Un vrai bonhomme ! Mais dont la pénitentiaire a tout fait et mis en œuvre pour lui faire perdre la tête ! Là aussi j’ai lu dans l’envolée ce qu’ils lui ont fait ! Moi le dur à cuire, j’ai chialé comme un gamin en voyant le calvaire qu’il a subi et qui a conduit à sa mort ! Mes pensées là aussi vont tout droit à sa famille ! Et mes pensées vont à toutes celles et ceux d’entre vous qui avez perdu quelqu’un en prison, ou qui ont quelqu’un actuellement incarcéré.e ! courage à vous tout.e.s !

    Donc, quand mon amie m’a dit qu’un rassemblement allait avoir lieu, où les sujets débattus allaient être la violence carcérale et l’abolition, du moins la lutte pour l’abolition des quartiers disciplinaires, que si je le souhaitais je pouvais écrire à ce sujet afin d’apporter mon témoignage sur cette réalité qui est la mienne, c’est sans hésiter que j’ai répondu à l’appel ! Et si parfois mes mots pourraient vous sembler crus, ou même grossiers, je m’en excuse auprès des «  âmes sensibles ». faire dans la « langue de bois » ou « être une langue de p… » désolé mais ça… je sais pas faire ! Ça fait ni partie de ma personnalité, ni partie de ma mentalité, ni même de ma façon d’être et de faire ! Je dis les choses telles quelles sont, telles que je les ressens ! Et sans filtre, ni mensonge !

    Voici ma réalité qui est je le sais la réalité vécue aussi par des dizaines de milliers d’hommes, de femmes, de mineurs incarcéré.e.s en France ou ayant été incarcéré dans les geôles de notre si beau pays… donc comme je vous le disais j’ai été incarcéré sur cette peine à l’age de 17 ans 1/2 ! À l’époque mon rapport avec l’autorité et l’injustice qui se fait appeler justice était un rapport conflictuel permanent ! Bien qu’avec les années je me suis quelque peu assagi, je garde et j’ai toujours gardé mon esprit combatif ! Car je refuse et refuserai toujours d’être l’instrument d’un système fait pour broyer des êtres humains. J’ai toujours pris le parti des plus faibles lorsque quelqu’un de l’AP s’en prenait à quelqu’un de faible pour son amusement personnel ! Et refusant de céder comme beaucoup peuvent céder, à la délation, au mensonge ou à manger dans la même assiette que ceux qui depuis 22 ans maintenant me privent de liberté. Et en revendiquant mon droit à être traité comme un être humain, et non pas comme une merde, un animal, ou de la chaire à canon qui pourrait satisfaire aux besoins du tout sécuritaire en prison, je suis considéré comme un ingérable ! Ce qui m’a valu bien des violences ! Ces violences ne sont pas forcément physiques ! Elles sont aussi psychologiques, somatiques, etc… car la violence carcérale peut se traduire de différentes manières. Je vais vous en dire quelques unes, histoire que vous voyez par vous même et que vous preniez conscience des affres de la lâcheté et de la connerie humaine lorsque nous avons à faire à des gens malsains et à un système, dont la mécanique est bien huilée et dont la technique de broyage des êtres humains reste ancestralement prévisible, mais dont malheureusement nous ne pouvons lutter seuls contre cela ! Nous avons nous, détenu.e.s besoin de vous tout.e.s pour lutter contre tout cela ! Nous devons être unis, et non divisés, solidaires les uns avec les autres et non pas individualistes ! Et autant que se peut, les forts doivent aider les lus faibles afin que l’on ne meurt plus dans les cachots, sous les coups de nos geôliers, ou parce que par péché d’orgueil, frustration, racisme, haines des autres, ces agresseurs-assassins se disent « on va sen tuer un aujourd’hui, vous inquiétez pas les copains, on risque pas grand-chose ! »

    Levez le poing et dire non c’est le pouvoir que vous avez pour sauver des vies ! Vous qui m’écoutez aujourd’hui ! Seuls nous n’avons aucun poids, aucune force ! Unis nous sommes invincibles ! C’est pareil pour eux, seul moi perso je les dérouille sec et je leur fait appeler dieu et leur maman de tous leurs vœux les plus chers ! Mais eux, en groupe c’est eux qui me font m’en remettre à dieu et prier pour ne pas succomber sous leur haine et leurs tentatives d’élimination ! C’est moi qui pense à mes proches, sans savoir si après ça je pourrais vivre pour les voire ! Au moins une dernière fois ! Voyez ceci :

    En 2015, je me trouve en centrale, et bien qu’il n’y ait rien pour la réinsertion, c’est à la seule force de ma détermination que j’arrive à me trouver une structure pouvant m’accueillir pour un aménagement de peine. Je travaille, je paye mes parties civiles volontairement, gage de ma volonté véritable de faire les choses conformément à ce qu’attend les JAP de la part des détenus à ce sujet. Je participe à des formations, même si les organismes qui sont en charge de notre rémunération refusent dans un 1er temps de nous payer ! Je participe à la vie collective ! Je fais pas de vague ! Bon… j’ai quelques remontrances et quelques montées au cachot mais pour des broutilles ! Pas de quoi fouetter un chat ! Dans l’ensemble tout se profile très bien pour mon avenir ! j’étais un détenu modèle ! Ce qui n’avait jusque là pas été le cas ! Donc javais rien qu’on puisse me reprocher ! Et du jour au lendemain, je suis passé du mode pépère tranquille à subir l’enfer sur terre ! Sans raison ! Suite à cela, on me refuse mes perms qui valaient presque liberté, car c’était le premier pas vers ma sortie qui devait se faire quelques mois plus tard ! Refusant qu’une nouvelle fois l’AP mette un frein à ma sortie je menace ! Mais pas de violence. Mais des plaintes et recours légaux devant les tribunaux correctionnels et administratifs ! Car la réponse à leurs coups tordus ça doit passer par là si on veut vraiment, nous, détenus, leur faire plus de mal qu’avec des coups ! Car les coups certes ça soulage et ça démontre qu’on se laissera jamais marcher dessus mais ça doit être l’ultime réponse pour préserver sa vie et/ou son intégrité physique ! Parce qu’au final c’est nous détenus qui en payons mille fois plus qu’eux, de leur avoir mis la main dessus, même si c’était justifié! Car un détenu combatif et qui connaît ses droits, qui dépose plaintes et recours contre eux , quand eux ils se loupent sévère ça rend ce détenu à leur yeux, encore plus dangereux qu’un détenu potentiellement agressif ! Et très souvent, leur parade à cela est plutôt simple : créer un ou des incidents pour amener le détenu à déconner ! Ce qui arrive dans 85 % des cas ! Ce qui engendre très souvent, un passage au tribunal assez rapidement, du cachot, un transfert disciplinaire pour les effets immédiats. Ces effets immédiats s’accompagnent très souvent d’autres effets plus néfastes encore ! Tels l’éloignement familial, la cassure des liens familiaux ou encore noircir le dossier du détenu en cas de possible démarche faites et/ou envisagée par le détenu pour freiner et/ou rendre impossible toute réinsertion ou sortie rapide de prison ! dans les cas les plus extrêmes des agressions sévères de la part de ces agents là sur les détenus, qui vont parfois jusqu’à l’assassinat sous couvert comme je vous le disais, de l’utilisation de la force strictement nécessaire ! ce qui en cas de mort de détenu, les couvre devant toute enquête et/ou poursuites éventuelles contre eux pouvant être engagées par les amis, proches… de ce détenu ayant succombé de leurs mains et par leur mains !

     » Le Message est clair : je vais mourir ! « 

    Moi en l’occurrence ils ont tenté 2 fois en 2015 de me tuer ! La 2ème fois, liée à ces menaces de plaintes contre eux, eux ils savaient que si mes plaintes sortaient ils étaient foutus, qu’ils allaient devoir rendre des comptes et peut être même pour certains perdre leur place ! Car le tribunal administratif, ça leur fait bien plus de mal qu’un tribunal correctionnel, car le principe est simple en gros je vous explique: un juge administratif va voire les choses ainsi : la loi ( ou les lois) sont prévues de telle ou telle manière, elles doivent donc lorsqu’elles sont appliquées, être appliquées conformément aux textes en vigueur ! Si ils appliquent pas ou mal et que ça porte atteinte aux droits du détenu, dans 99 % des cas l’état est condamné ! l’état c’est l’AP ! C’est quasi systématique devant un tribunal administratif. Devant un correctionnel, leurs tenues les protège de tout manquement ! Même quand ils assassinent ! Et ça ils le savent !

    Et c’est pour ça que sans motif on m’a conduit au cachot. Je refusais cela ! Alors un surveillant ma mis un cou de poing ! Malheureusement pour lui et ses 5 collègues je ne suis pas du genre à tendre l’autre joue ! Et ce qui devait arriver arriva ! Le 1er que je frappe tombe au sol ! Je viens de lui mettre une patate dans la mâchoire ce qui a pour effet qu’il aille rejoindre Morphée ! Il a fait dodo direct ! Et là j’entends : «  bah tu vois qu’on avait raison quand on te disait que t’allais finir au cachot ». La rage au corps comprenant alors le coup monté je me dis que je les punisse ou pas y’en a déjà un qui dort, je vais morfler sale ! Donc quitte à morfler autant morfler pour quelque chose ! Pour eux, ça s’est passé trop vite, en moins de 0 seconde, à 4 contre 1, croyant qu’ils auraient peut être le dessus, ils ont eu ce sursaut d’orgueil de se dire il a couché un des nôtres, on le plie direct ! On est 4 il est tout seul ! Sauf que je fais 1m92 je faisais à l’époque 135 kg de muscu ! Je crois bien qu ils s’en rappelleront toute leur vie de cette punition … en 40 secondes à peine tout comme le 1er que j’ai fait dormir bah eux aussi ils ont dormi ! Sauf que je me retrouve tout seul comme un con avec ces 5 zigotos qui font dodo ! Certains avec des os, des dents et des arcades pétées ! D’autres un peu plus gravement ! Car comme on dit y’a pas que les bonbons haribo qui font tomber les dents » enfin bref… et là c’est une vague de tenues bleues qui me tombe dessus ! Il sont plus de 20 ! peut être 30, 35 ou 40 je sais pas exactement ! Mais ce que je sais par contre c’est que du bâtiment jusqu’au cachot j’en prend plein la gueule ! Je me protège comme je peux mais menotté dans le dos je peux pas trop me protéger ! Arrivé au cachot ils me lâchent je tombe au sol et là les coups pleuvent de partout. Ils se relayent car ils veulent tous taper un peu. Puis y’en a un qui dit : « ce soir c’est effectif moins 1 », le message est clair j’vais mourir ! Je les insulte, je leur dis qu’ils ont pas de couille et que tout le monde se souviendra qu’un homme seul, les a tous fait chialer et avoir peur d’un homme seul au point où tellement ce ne sont pas des hommes, pour me tuer ils avaient ni la force ni les couilles pour le faire comme des hommes ! Vous voulez me tuer… faites le détachez moi et vous allez voir qui va tuer qui ! Dans ma tête je prie dieu je dis : allah je veux pas mourir, pas comme ça, pas de leurs mains, pas pendu comme un moins que rien, car un surveillant était entrain de déchirer le drap pour me faire une corde pour me pendre ! j’insiste ! Je leur dit moi je sais que je suis mort que vous allez me tuer, mais je meurs comme un homme, car je vois que c’est vous qui avez peur ! Vous êtes au moins 30, je suis tout seul !détachez moi et on se la donne homme contre homme, bandes de fils à personne ! Là ils se regardent entre eux y’en a un qui dit : on le détache ?

    Ultime provocation…je leur dis tout compte fait tuez moi comme les lâches que vous êtes, en étant menotté ! Moi j’me bats pas avec des sans couilles des chie culotte ! Et là y’en a un qui me dit on va te détacher on va te montrer c’est quoi un homme et qui fait la loi ici !

    Moi ma seule pensée faire un maximum de dégâts physiques, car si ils me tuent ils devront justifier de leurs blessures, y’ aura une enquête et mort là ils pourront pas échapper à la justice si je fais des gros dégâts !!! allez y, faites cette erreur bandes d’idiots que je pensais silencieusement ! On me retire une menotte puis la 2eme ! A ce moment là yen a un en face de moi qui veut dire un truc la 1ere syllabe qui sort de sa bouche boom c’est moi qui ouvre les hostilités ! Il tombe ko direct je rend des coups je saigne partout ! Ma bouche ce n’est plus 2 lèvres mais 4 ! la lèvre du haut est pétée en 2 pareil pour celle du bas ! J’ai des œufs de pigeon à un œil et au front… au bout de 20 minutes je prend plus de coups que je n’en donne ! Mais j’en ai laissé au moins 12 sur le carreau ! Mais n’étant pas robocop, je suis pas une machine au bout de 20 min de bagarre mes muscles sont tellement tétanisés car à bout de force je peux même plus lever le bras ne serait ce qu’à hauteur de torse ! Y’ en a un qui dit c’est bon on le termine ce fils de pute ! Et là je prends des coups pendant au moins 5 minutes, je me mets en fœtus au sol, mais rien n’y fait je ramasse salement. Y’ en a un qui me relève et qui me dit alors c’est quoi les hommes ? Je lui dis embrasse mon cul salope, vous venez de me prouver que le seul homme dans cette pièce t’es entrain de le tuer ! C’est moi l’homme ici ! Je sais que je vais mourir ! Donc je dis a Achadou-Ana-La-illaha-illa-Allah-Muhamadan-Rassulou-Allah.. Je suis musulman même si je suis un très mauvais pratiquant mais au moins je meurs comme un homme et en homme musulman ! Je pense à mon passé à mon présent à ce qu’aurait pu être mon futur ! Mes larmes coulent dans ma tête, je redemande à dieu sil te plaît… non pas comme ça ! Cet enfoiré qui a fait cette corde, a fait une corde tresse qu’il a ensuite mouillée ! Là pour moi je me dis tout ça renforce la solidité de la corde y’ a plus d’espoir je vais mourir ! On me refout les menottes dans le dos ! Et juste avant qu’on me pende y’ en a un qui stop…retire lui ,l’autre il dit mais pourquoi ? Alors il répond t’es con ou quoi ça se verra à l’autopsie qu’il était menotté derrière et avec des menottes c’est les assisses pour nous tous et l’autre il dit putain j’savais pas ! t’inquiète copain on n’en est pas à notre coup d’essai j’25 ai ans de boite on sait y faire ! Puis d’un coup mon corps décolle du sol ils s’y mettent à 5, arrivent à fermer la grille et y’en a un qui dit pour finir adieu salope ! Mes forces lâchent le voile noir puis plus rien ! Je ressens comme un choc sourd, puis plus rien, je suis mort j’ai pensé ! Je resterais comme ça pendant plus de 8h ! c’est à dire au sol gisant dans mon sang ! Je me réveille, le corde a cassé ! Je suis en vie mais bizarre je peux plus bouger je suis paralysé des pieds à la tête. En effet faute d’avoir pu me tuer, les coups, le manque d’oxygène, les blessures occasionnées à mon cerveau lors du piétinage au sol …je viens de faire un avc ! Alors que je suis sportif, que mon hygiène de vie est normale, et que je n’ai en 2015 que 32 ans ! pas un âge à faire un avc ! Je vois un surveillant qui s’approche de moi me met dans mon lit ! Il a capté que je peux ni bouger, ni crier ni parler ! Puis le calvaire recommence ! Il m’étrangle sévèrement je commence à voire le voile noir mais j’entends arrête il arrive ! Un autre agent lui a dit d’arrêter car il arrive  «  mais qui arrive ? Et là je vois le médecin il se tourne vers un des surveillants, le voit faire une grimace bizarre, le médecin pète un câble il lui dit espèce de con, tu vois pas qu’il fait un avc ! Appelle tout de suite ta direction et le centre 15 il lui faut des soins de suite !

    Je sens de la chaleur dans ma gorge ! j’essaye de parler, le médecin me dit économisez vous, vous venez de faire un avc. Mais je lâche pas l’affaire ! Il comprend que je veux lui dire un truc mais il comprend pas quoi. Je réussi au bout de 20 minutes à dire au secours ils ont essayé de me tuer, me laissez pas seul avec eux ! Il me croit pas tout de suite ! Je dis mon corps regardez mon corps ! Et il voit pourtant mes lèvres ouvertes mes œufs de pigeon, etc… mais eux lui ont dit que j’ai essayé de me pendre cette nuit ! Puis que je me suis fait agresser en détention par des détenus, je pleure et je dis eux…menteurs, assassins » ! puis je tombe dans les pommes ! Je me réveillerai 3 jours plus tard dans cette même cellule, sans avoir eu de soins ! Et du jour au lendemain on me fait sortir du cachot alors que je viens presque de mourir, que je leur en ai mis 12 d’entre eux sur le carreau mais ils ont étouffé tout cela car il aurait fallu justifier tout ça ! Ces 3 jours de KO ( un coma je pense) ma redonné l’usage de mes membres mais j’étais affaibli ! A ce jour j’ai des séquelles que je garderai à vie ! Et aucun tribunal n’a voulu enquêter ! Ces apprentis meurtriers n’ont jamais eu à être inquiétés même de loin par la justice car la seule façon de les mettre dedans vu qu’ils ont tout étouffé aurait été d’enquêter au niveau des pompiers et des hôpitaux, car les 12 que j’ai mis sur le carreau, obligé qu’ils ont eu affaire aux pompiers et à être hospitalisés ! Et les pompiers consignent tout ! Appels d’urgence au téléphone, date et heure, ainsi que leur intervention, nom des blessés etc… mais personne n’a voulu enquêter ! Sachant cela je savais que ce n’ était qu’une question de jour, de semaine ou de mois avant qu’ils récidivent ! Alors j’ai parlé à 2 autres mecs à qui ils faisaient la misère et à nous 3 on a pris le contrôle de l’étage, de deux de leurs agents, c’était la prise d’otage à Réau du 30 avril 2016 ! c’était vital pour ma survie ! Résultat 45 jours de cachot, transfert disciplinaire et 5 ans de plus à faire ! Et isolé à titre ministériel qui a duré, duré, duré ! Je venais de faire déjà presque 7 ans d’isolement stricte ! De ce fait, hormis quelques rares mois fait en détention ordinaire, à ce jour je viens de faire depuis 2008 un peu plus de 12 ans 1/2 d’isolement quasi d’affilé sur les 14 ans qui me séparent de 2008 ! dans des conditions plus qu’extrêmes sachez le mais je suis encore là bel et bien debout !

    Toutes ces années au QI n’ont été que violence par l’AP contre moi car je refuse d’être leur instrument de torture, leur punching ball, de me faire broyer injustement, en toute impunité !

    Tout cela a brisé petit à petit mes liens familiaux, jusqu’à m’en priver totalement ! On m’a coupé aussi de toute interaction avec le monde extérieur ! Car mes liens familiaux brisés, tout comme mes liens amicaux, amoureux je me suis retrouvé seul ! Imaginez ce que cela doit être de ne pas avoir de visite, de courrier pendant plus de 15 ans ! Pas de courrier pendant plus de 15 ans ! pas d’argent pendant plus de 15 ans ! Vivant qu’avec l’indigence quand toutefois on voulait bien me la donner ! Comment ne pas perdre pied ? Comment croire et avoir confiance en la justice, comment ne pas devenir soi même un animal lorsqu’on est traité comme tel pendant tant d’années ? Comment ne pas sombrer dans les cachets ? Ou même dans la folie ? Comment continuer à croire en les êtres humains quand on voit ce dont ils sont capables de faire ? Comment croire et vouloir continuer à vivre …en se disant ça va aller…et comment ne pas devenir haineux, au point de se dire si je sors de prison j’vais devenir un assassin froid et sans cœur car je veux tous les tuer du premier au dernier, eux, leurs familles, leurs femmes, leurs enfants, leur vieux …comment ? dites moi, comment tout ceci peut être humainement supportable ? Mais surtout, la question suprême… comment faire pour ne pas devenir comme eux, et se reconstruire sainement quand on vit tout cela ? Car sils nous font pas à tous ce genre de chose, l’autre truc qu’ils nous font aussi c’est de nous anéantir chimiquement ! Bien que tout montre et démontre ( en ce qui me concerne) que moi je n’ai malgré tout cela aucune maladie psychiatrique combien de fois, sous de faux prétextes et motifs ils m’ont envoyé en HP ? Ils ont même été jusqu’à m’envoyer en UMD ( unité pour malade difficile que ni la prison ni l’hôpital psy ne peut prendre en charge) ! Alors que j’avais strictement rien à y faire ! On m’a injecté des produits pour soigner la psychopathie, la schizophrénie, ainsi que des maladies psychiatriques lourdes, avec des produits chimiques qui m’ont fait devenir toxicomane, qui m’ont fait devenir l’ombre de moi même ! A un point que même mes proches, à l’époque où j’en avais encore qui me soutenaient et me suivaient lorsque j’avais parloir je ne les reconnaissais même pas ! À un point où je me pissais dessus comme si c’était une chose normale ! Gardant mes habits pleins de merde et de pisse sur moi des jours entiers genre 3,4 jours d’affilée !

    Je mangeais les mégots de cigarettes que je trouvais parterre !

    Comment tout cela a t il pu se produire sans qu’ aucun d’eux n’aient eu à être inquiétés par la justice ! Comment ? Pourquoi ?… pourquoi la justice ne m’a pas protégé de ces gens là ?

    Vous êtes toute.s potentiellement susceptibles un jour de vous retrouver en prison

    Et sachez bien une chose même si vous n’êtes pas des criminels, ne commettez pas de délits et que bien des gens ne se sentent pas concernés par la prison, en vrai… vous êtes tout.e.s concerné.e.s ! imaginez quelqu’un rentre chez vous, tente de vous voler, de vous tuer ou d’agresser sexuellement vos enfants ou vous même, vous allez faire quoi logiquement ? Vous défendre ! On est bien d’accord là dessus ! Il suffit juste que vous tombiez sur un juge trop con pour accréditer cette thèse, car il a juste envie de se faire un nom, d’être médiatisé…car en manque de reconnaissance..ou frustré à vie et hop vous partez pour 15-20 piges ! Et vous êtes super susceptible soit, de devenir l’instrument de l’AP, soit de devenir leur cible ! Quoi qu’il en soit, ils vous plieront ! Reste à savoir de quelle façon, et à quelle sauce ! Ou encore vous qui êtes en couple, vous êtes dans le bus dans la rue ou autre, un connard met une main aux fesses à madame. Pour les plus « actifs » d’entre nous la réaction sera d’en venir aux mains ! Et tout peut basculer très vite un coup de poing le mec tombe au sol, se tape la tête sur le trottoir, vous le tuez sur le cou, sans même l’avoir voulu ! Résultat : coups et blessures ayant entraîné la mort, sans intention de la donner! Avec un bon avocat 6/8 ans! Avec un incompétent 15/20 ans!

    Vous êtes toute.s potentiellement susceptibles un jour de vous retrouver en prison, personne n’est à l’abri, sauf si vous vous appelez Sarkozy ou ce genre de voyou au col blanc! Et c’est pas une fois derrière les barreaux qu’il faudra se dire mais en fait ce mec avait raison, des trucs comme ça ça existe vraiment je le vois, je le subis même! c’est maintenant qu’il faut ouvrir les yeux et agir! Je n’incite personne à la violence! Ou au soulèvement ! Bien que j’en serais tenté vu ce qu’ils nous ont fait subir! Mais la violence face à de tels abrutis ça n’a jamais été et ne sera jamais la solution! Les combattre pacifiquement, en étant solidaires, unis, sans préjugés ni peurs, sans non plus aucune considération d’âge, de sexe, de statut social, de religion, d’opinions politiques etc… je suis un être humain, et vous êtes des êtres humains, peu importe votre couleur de peau, votre religion votre orientation sexuelle ou autre… tout ça on n’en a rien à foutre ! Moi même si je suis un mauvais pratiquant je suis et resterais musulman! Je suis hétérosexuel convaincu et confirmé mais si je rencontre un homme par exemple noir, ou homo ou bourge … qu’est ce qui m’empercherait d’être ami avec cet homme là? d’être solidaire avec cet homme là? …absolument rien ! Hormis si c’est un raciste, un connard qui manque de respect, une merde, un violeur, un indic de la police ! Mais si il a bon cœur, qu’il est respectueux… rien ne m’empêche d’être solidaire avec cet homme là ! De partager mon repas avec cet homme la ! Car en tant qu’humain on est tous égaux les uns aux autres, même si ces différences sont là ! Ces différences sont que des atouts pour partager l’humanité en chacun de nous ! La peur de l’autre divise plus qu’elle ne rassemble ! y-a t il que dans les coupes du monde, comme en 98, que les gens qui peuplent ce si beau pays qui est le mien, sont capables d’être unis ? Tous ensemble comme un seul homme ! Ou lors de ces années sombres, où la France a été touchée par les attentats du genre Charlie hebdo où vous êtes capables de cette unité, de cette fraternité envers votre prochain ? Moi je sais que non ! Car si bien des gens ici, en ce jour ne me connaissent pas sachez que je ne vous connais pas non plus c’est un fait ! Mais bien que je ne vous connaisse pas, que vous soyez français, arabe, juif ,noir blanc, musulman,catho, bouddhiste, pédé, hétéro, de droite, de gauche, d’un niveau social élevé ou à la rue et sans le sou ! Peu importe qui vous êtes je vous respecte tous et toutes alors que je sais rien de vous ! Tout simplement car vous savez quoi moi je crois en l’être humain ! l’être humain est capable des pires atrocités, l’histoire nous l’a démontré avec le nazisme, et actuellement avec la guerre en Ukraine. Mais l’être humain est aussi capable du mieux ! De se surpasser au-delà de nos diversités individuelles ! Vous n’avez qu’à vous remémorer les événements de Charlie j’ai vu des noirs, hommes, femmes enlacés avec des arabes, des blancs, des riches pleurer dans les bras des pauvres, et bien plus encore. La France ce jour là n’était qu’une avec elle même. Et vous tous ici présent aujourd’hui vous n’êtes pas ici par hasard ! Vous ne continuez pas à m’écouter par hasard ! Vous savez très bien que vous êtes tous capable de vous mobiliser, de lutter et de faire entendre vos voix, haut fort et clair pour dire stop, ça suffit ! On ne veut plus de violences carcérales, on veut que nos proches, nos amis, nos parents ou que tout simplement les êtres humains emprisonnés, meurent au cachot, et soient battus, brisés !

    Vos voix à l’unisson c’est ça qui nous aide et nous aidera à vaincre tout cela ! Vous ne me croyez pas ? Alors c’est simple je vous le prouve : qu’un seul parmi vous si il ose aille dans la rue et crie « stop a la violence carcérale stop aux détenus violentés et tués dans les prisons et les cachots de France ! » qu’il scande ça d’une voix forte et claire en pleine rue pendant allez disons une minute… puis sortez en plus grand nombre dans la rue tenez vous par la main et scandez ça de tous vos poumons pendant juste 30 secondes ! On verra alors qui aura le plus attiré l’attention… cette personne seule ou vous tous ? Moi j’ai déjà la réponse…

    je pense avoir assez monopolisé la parole ! Donc je vous remercie tous du fond du cœur, d’avoir pris ces quelques minutes de votre temps pour m’écouter ! j’espère que tout cela aura au moins pour effet de vous faire réfléchir sur cette triste réalité qu’est la mienne mais aussi celle de dizaines, de milliers de personnes enfermées dans les prisons françaises et tous les endroits où on enferme punitivement les gens ! A toutes les personnes ici présentes concernées par l’incarcération d’un proche, d’une connaissance, d’un ami ou autre courage à vous ! n’oubliez pas que votre présence, que ce soit lors d’un parloir, d’une lettre, d’un coup de téléphone, d’un parloir sauvage… tout cela contribue à un point dont vous ne mesurez pas l’importance, de la survie entre 4 murs de la personne incarcérée que vous soutenez ! Courage à vous aussi dans tout ce que vous faites pour ce proche ! Car sachez aussi que nous, on a conscience qu’on est punis, en étant privé de liberté mais que vous en subissez aussi les effets ! Courage à vous !

    Courage aussi aux familles de détenus morts sous les coups ou les assassinats de vos proches, de vos amis et/ou personnes que vous souteniez entre ces murs ! Mes mots ne vous ramèneront pas vos proches disparus, moi, même si je les connais pas ça me laissera jamais insensible ! Ce sont des martyrs et des héros partis trop tôt ! Honte à leur assassins ! Gloire et souvenir ainsi que devoir de mémoire pour vos disparus ! Courage à vous !

    Merci aussi à tous mes ami.e.s et soutiens sans qui, si je ne les avais pas rencontrés à un moment critique et crucial de ma vie, sans eux, sans leur amitié et leur soutien je serais peut être mort à l’heure qu’il est !

    Donc merci à sofi, léa, alex, arthur, sylvia, krysh, joel, nani, pilou, sandrine, elsa, serge le taulier, merci à l’envolée ainsi qu’à tous ceux et celles que j’oublie de mentionner qui dans la lumière ou dans l’ombre me soutiennent de prés comme de loin ! Merci de votre écoute, moi qui ne suis rien d’autre qu’un anonyme parmi d’autre, enfermé entre 4 murs !

    Enfin étant toujours en perpétuelle recherche de soutien moral si il en est d’entre vous qui aurez envie de prendre contact avec moi afin d’entretenir une correspondance basée sur l’amitié et le respect je suis ouvert à toute personne qui voudrait me contacter, demandez l’adresse à l’orga !

    Merci à tous prenez soin de vous et des vôtres ! Soyez solidaires et unis, et restez combatifs car c’est nous contre eux et non pas nous contre nous même !

    Et au faite moi c’est l’infâme un anonyme parmi les anonymes !

  • « Stress, angoisse, indécision, bug cérébral »

    « Stress, angoisse, indécision, bug cérébral »

    Lettre sur l’isolement depuis le quartier d’isolement (QI). Libre Flot nous écrit régulièrement depuis le QI de Bois d’Arcy où il est enfermé depuis le 8 décembre 2020 et dont vous pouvez retrouver des lettres sur notre site. Il nous a envoyé un nouveau texte où il parle de ces mouroirs que sont les QI, lue à l’antenne dans l’émission du 11 mars. Depuis le 27 février, il a entamé une grève de la faim pour protester contre son maintien en détention provisoire et à l’isolement et contre ses conditions d’enfermement. Il explique les raisons de cette grève dans un texte. Vous pouvez retrouver les publications des comités de soutien aux inculpé.es du 8 décembre ici.

    Le 18 février 2022, QI de Bois d’Arcy

    S’il est vrai que je n’ai cessé de donner des nouvelles régulières par courrier puisqu’il était tout bonnement plus simple de poser le stylo et de le laisser glisser au fil aléatoire de pensées éparses, cela fait 8 mois que je n’ai pas posé de texte spécifiquement sur l’isolement. Non pas parce que la situation n’ait pas évoluée mais bien au contraire qu’il m’est devenu tellement plus ardu de m’y mettre. Plusieurs fois, j’ai voulu écrire (sur différents sujets) mais c’était devenu comme impossible, la concentration douloureuse et au final, toujours l’abandon, la remise à plus tard.. la déception ! Ce texte sera donc très certainement plus bref que les précédents. Mais vu qu’hier on m’a bien fait comprendre qu’il ne fallait pas que je m’attende à sortir d’isolement, que c’était joué d’avance… et suivant la décision du juge des libertés et de la détention (JLD) vis à vis de ma demande de mise en liberté (DML), je me dis que c’est le moment d’écrire car si je sors, je ne le ferait peut être pas et si je reste… au moins ça sera un constat de la situation à ce moment là.

     » La mascarade trimestrielle « 

    Hier donc a eu lieu mon débat contradictoire pour le maintien à l’isolement, la mascarade trimestrielle. Il est surprenant de constater qu’après plus d’un mois à demander, en vain, un rendez vous avec ma docteure attitrée, il soit mis au dossier, ce que je qualifierai de « foutaise », un avis favorable griffonné sur la lettre de la direction, le demandant, se résumant en deux mots : « Avis favorable » signé par un médecin inconnu accolée à cette lettre, où mon nom est inscrit avec un numéro d’écrou n’ayant rien à voir avec le mien… BRAVO !

    Mais attention ce n’est pas tout, la Pénitentiaire ne m’a pas oublié pour la St Valentin, car depuis le 14 février, je suis affublé de l’étiquette de « meneur ». Tout ça en ayant toujours et seulement été en isolement, sans aucune communication avec d’autres détenus, sans participation à une quelconque contestation, sans aucun compte -rendu d’incident (CRI), sans raison ! Félicitation ! (J’aurai préféré des fleurs…)

     » Mais pire que tout, c’est mon cerveau qui déraille « 

    Sur le plan physique, malgré que je passe un temps quotidien conséquent au maintien de mon état corporel, être enfermé en permanence dans des boites trop petites, sans accès à une vraie promenade, ne permet pas la marche. 14 mois « sans marcher » ont affaibli considérablement mes genoux, tout comme l’inaccès à des activités affecte mes poignets… Ces articulations me sont, depuis un certain temps déjà, douloureuses. Mais bonne nouvelle : mes dents sont soignées ! Mais pire que tout, c’est mon cerveau qui déraille, la situation est catastrophique. Déjà en octobre, lors de l’entretien avec le juge d’instruction, j’avais pu constater que je perdais le fil. Avant d’arriver à la fin de certaines questions, j’avais oublié le début, de même pour les réponses… Désormais c’est pire. (Heureusement, en février il a accepté de m’imprimer les questions pour que je puisse avoir un support pour pallier au déficit de mes capacités).

    Le constat le plus brutal est apparu via les cours d’anglais. L’anglais en tant que langue n’est pas le problème (même si mon vocabulaire est pauvre, et mes conjugaisons hasardeuses). Je comprends sans souci les énoncés et les textes servant de supports car cela est, selon moi « passif », je n’ai pas à réfléchir, à créer une idée pour cela. Mais lorsque l’exercice demande d’analyser, d’apposer un avis en toute chose exigeant une réflexion « active », le drame survient. Ce qui me demanderait qu’une demi heure en temps normal et qui au printemps dernier me prenait deux ou trois heures, m’est désormais hors de portée. Je sais que c’est facile mais je ne peux pas, mon cerveau se bloque, comme s’il se transformait en gelée anglaise (en glaise?), comme si les synapses se rétractaient, déconnectant les neurones les uns des autres et que la matière grise se figeait en se dilatant et subissant alors une forte compression contre la boite crânienne me provoquait des maux de têtes terrible. Savoir que quelque chose est normalement facile et constater ne plus pouvoir le faire est d’une violence inouïe. Comme si je n’arrivais plus à faire mes lacets ou à me servir d’un interrupteur… J’ai l’impression d’être paralysé de la pensée.

     » J’ai l’impression d’être paralysé de la pensée « 

    Il m’est aussi devenu impossible d’assimiler une quelconque information sans un temps relativement long consacré spécifiquement à cet effet. Prendre en direct une décision ou faire un choix, même anodin, me rend perplexe voire paniqué. Par exemple un matin, un surveillant m’a gentiment laissé choisir, chose inhabituelle, si je souhaitais aller en promenade le matin ou l’après midi. Résultat : stress, angoisse, indécision, bug cérébral… je ne sais même plus si j’ai réussi à choisir…

    Mon cerveau fonctionne au ralenti, les pensées ne se renouvellent pas, elles sont lentes et tournent en boucles sans vraiment évoluer. Je répète plus ou moins les mêmes choses dans mes courriers, il doit être rare que j’envoie des messages à caractère exclusif.

    J’ai l’impression que durant toute une semaine, il passe, dans mon cerveau, autant de pensées différentes qu’il en passait en une heure autrefois.

    Cette léthargie cérébrale rend toute tentative de réflexion lente et infructueuse que je me renvoie l’image d’un zombie qui, refusant de quitter le monde des vivants, s’acharne mordicus à mimer pathétiquement l’activité de sa vie passée…

    Libre Flot

  • « IL N’A PAS PRIS PERPÈTE, IL A ÉTÉ CONDAMNÉ À MORT ! »

    « IL N’A PAS PRIS PERPÈTE, IL A ÉTÉ CONDAMNÉ À MORT ! »

    Adil, mort par refus de soins à Séquedin : on oublie pas !

    Adil est mort le 12 février 2016 à la maison d’arrêt de Lille-Séquedin suite à un refus de soins délibéré. En décembre 2021, le médecin de la prison est passé au tribunal pour « homicide involontaire ». C’est le seul de tous les coresponsables de ce drame à avoir été inquiété. Anne était la compagne d’Adil ; sans son combat et sa parole, ce énième décès causé par la prison aurait été passé sous silence comme tant d’autres. Après le procès, elle a écrit un texte qui a été lu à l’antenne de L’Envolée. Nous le publions ici. Ce courageux combat des proches pour connaître la vérité – et pour la faire connaître ! – est capital.

    Lettre de Anne :

    Il aura fallu attendre presque six ans pour arriver au procès de ce médecin. Ça a été une journée compliquée. Mélange de sentiments : colère, haine et tristesse.

    Colère, parce que je me suis pris en pleine tête le mépris et l’indifférence de ce « médecin ». Il n’a cessé de se défendre en insistant qu’[Adil] était un détenu particulièrement surveillé (DPS), qu’il fallait le GIPN pour l’escorte. Mais peu importe le poids de ses erreurs passées, quand Adil le suppliait de l’aider, de le soigner, en bref, de faire son métier, il ne pesait plus que 53 kg pour 1m80. Il était à bout de force, et sûrement pas dangereux. La procureure a insisté sur le fait que ce drame était dû à l’égo démesuré de ce monstre !Précision : le mardi avant son décès, Adil a fait un malaise. En discutant avec un surveillant, le régulateur du Samu avait suspecté ce qui allait être la cause du décès d’Adil trois jours plus tard ! Malheureusement, le médecin de Séquedin a pris la communication et il a réaffirmé au médecin régulateur qu’Adil était un simulateur…

    Haine, parce qu’au travers des différents témoignages, j’ai pu une nouvelle fois imaginer la douleur, le désespoir qu’Adil a dû subir des jours, des semaines entières. J’aurais voulu lui crier ma haine, lui dire tout ce que j’ai perdu. Ma vie s’est arrêtée ce 12 février, nos projets envolés. Il me prive d’un homme aimant, protecteur, respectueux. Voilà ce qu’était Adil pour moi.

    Tristesse, parce que rien ne pansera cette plaie au cœur que j’ai depuis le 12 février 2016. Je suis triste, écœurée ; parce que oui, il aurait pu être sauvé. Et l’ensemble des avocats ont souligné ma présence sans faille à chaque parloir. Je n’en tire aucune fierté : à l’ombre du pénitencier, Adil était mon soleil, et nos projets nous faisaient croire en des jours meilleurs ! Même s’il avait pris perpète je serais restée. C’était comme ça, on était unis. Il n’a pas pris perpète, il a été condamné à mort ! Chaque soir, quand je ferme les yeux, je revois Adil allongé sans vie sur le sol de cette cellule. Il a fermé les yeux à tout jamais dans cet endroit.

    J’aurais voulu lui dire plein de choses. Mais quand je suis arrivée a la barre, j’ai été incapable de dire quoi que soit. Je n’ai fait que pleurer.

    Douze mois de prison avec sursis ont été requis contre lui, douze mois… douze mois pour la vie d’un homme. Il n’a pas fait exprès ? Mais il n’a rien fait pour l’éviter. Ma victoire sera d’avoir réussi à l’amener devant ce tribunal. Lors de ma dernière visite a la morgue, j’ai promis à Adil d’aller jusqu’au bout, de lui rendre justice. Et même si j’ai fait cette promesse à un corps froid, immobile, je me devais de la tenir.

    Délibéré le 9 février 2022.

    Anne, compagne d’Adil Taychi

    Des réactions à l’antenne de l’Envolée suite à la lecture du texte d’Anne :

    Comme pour Gordana, morte à Fleury Merogis en 2012, comme pour Yassin mort à Villefranche en janvier 2022, l’administration pénitentiaire (AP) a laissé mourir quelqu’un à l’intérieur alors que tout le monde voyait que son état de santé se dégradait. Ces histoires, trop nombreuses, on n’en entend parler que quand des codétenus lancent l’alerte, que des proches se battent pour la vérité, que des avocats se bougent…

    Rappelons ce qu’Anne disait en septembre 2017*. En février 2016, à son arrivée au parloir, elle est convoquée par un gradé qui lui explique qu’Adil est en très mauvaise santé ; des codétenus doivent aider Adil à descendre jusqu’au parloir ; les matons lui disent : « Si t’es pas en état, t’auras pas de parloir. » lls essaient de faire croire à Anne que c’est un parloir fantôme**, elle insiste pour voir Adil. Lors du parloir, il crache du sang, s’évanouit devant elle… elle appuie sur la sonnette d’urgence, les matons lui mettent des coups à terre et le traînent en disant : « Tu simules pour t’évader. » Ils font évacuer les parloirs, et disent à Anne : « Si tu veux qu’on soigne Adil, il faut que tu t’en ailles. » Il meurt deux jours plus tard, sans avoir été soigné, après avoir vomi du sang toute la journée. C’est parce qu’Anne a insisté pour le voir au parloir et parce qu’ils avaient communiqué avant par téléphone (même si c’est interdit) qu’elle a pu connaître son état de santé et le défaut de soin. C’est seulement pour ça qu’elle a une autre version que celle des matons et qu’elle sait la vérité.

    C’est immonde de laisser quelqu’un mourir d’un ulcère à l’estomac, dans une souffrance aussi intense. Un ulcère, ça se soigne. Comment on peut dire à quelqu’un qui crache du sang qu’il simule ? Ça révèle à quel point ils sont en guerre contre les prisonniers. Ça nous rappelle amèrement comment les matons qui ont tué Sambaly Diabaté pensaient qu’il s’était déféqué dessus pour les emmerder… alors qu’il était mort ! Les matons s’improvisent médecins pour décréter qu’un prisonnier simule, alors qu’évidemment ils n’ont aucune formation médicale. Et le médecin, lui, n’a pas l’air très compétent.

    La compagne d’Adil et la sœur de Sambaly ont fait preuve d’une force incroyable. Le fait qu’il y ait procès est une victoire. Pour ramener un médecin ou un maton devant un tribunal, c’est pas comme quand un flic porte plainte ! Pour faire éclater la vérité, pour que ça ne soit pas classé sans suite comme tant d’autres autres histoires, c’est un vrai combat. Anne se sera battue six ans pour qu’un procès ait lieu ! Comme après la mort de Gordana ou de Sambaly : les procès viennent de se tenir ! Pour les proches c’est des années de galère. Pour ces matons et médecins, quand la justice daigne les inculper, pas de comparution immédiate ! La plupart d’entre nous attendons nos procès en taule, alors qu’eux comparaissent libres et continuent d’exercer en attente du jugement dans la plus totale indifférence des faits qui leur sont reprochés.

    Et puis seul le médecin comparaissait ; il manquait beaucoup de gens à ce procès : des surveillants, une direction et des témoins. Ce moment aurait dû exister pour la famille, pour qu’elle entende la vérité. Dans ses dépositions, la directrice de la prison a chargé le médecin en disant qu’elle prenait des nouvelles d’Adil et que le docteur lui répondait : « Il simule, des examens sont en cours ». Certains surveillants auraient même voulu extraire Adil pour le faire soigner. Le médecin, lui, s’est défendu en rejetant la faute sur l’AP. Même si les médecins ne sont plus payés par l’AP depuis les années 90, ils restent des collabos des matons. Il s’est aussi défendu en parlant d’« erreur de diagnostic », mais il pensait qu’Adil simulait et était dangereux. Quel est le rapport entre la supposée dangerosité et une erreur de diagnostic ? En quoi la supposée dangerosité d’un prisonnier excuse-t-elle le refus de le soigner alors qu’il est à l’agonie ? Si un médecin pense systématiquement que son patient ment, il doit changer de métier. S’il se range systématiquement à l’opinion des surveillants, alors il est un maton, pas un médecin. Le scandale, c’est aussi qu’ambulanciers et urgences ne peuvent pas intervenir d’eux mêmes en prison : à chaque fois il faut que le service médical ou l’AP valide. Ça leur donne un contrôle total sur ce qui se passe, y compris quand il y a violence des matons, quand ils sont en train de pousser quelqu’un à bout.

    Suite à la plaidoirie de l’avocat de la famille, celui du médecin est tombé dans les pommes, du coup il a eu trois semaines de délai pour peaufiner sa plaidoirie -un luxe, alors que des étrangers en CRA sont jugés pour les révoltes au Mesnil Amelot sans êtres présents, sans visio, sans contact avec leur avocat ! Le droit est toujours utilisé contre notre gueule. Les droits de la défense, c’est pour les policiers et les matons accusés de violence, pour les bourgeois qui passent au tribunal. Pour les autres, on en entend jamais parler.

    La procureur a demandé douze mois avec sursis : c’est ridicule. Nous ne souhaitons la prison à personne, mais ce médecin devrait au moins être interdit d’exercice. Début février, le médecin a carrément été relaxé, donc la justice confirme aux matons et aux médecins qu’ils peuvent laisser mourir des gens, leur refuser des soins, qu’il ne va rien leur arriver. Si la justice ne reconnaît pas les responsabilités, nous connaissons la vérité. Racontons-la partout et intéressons-nous aux suites : appel, tentative de saisir l’ordre des médecins…

    Notes :

    * Vous pouvez réécouter ici un entretien de septembre 2017 où Anne revient longuement sur l’histoire, ou le lire dans le journal l’envolée n°47.

    ** On parle de « parloir fantôme » lorsque le prisonnier ne souhaite pas s’y rendre, ou lorsque le visiteur n’est pas venu.

  • « POURQUOI JE FAIS LA GRÈVE DE LA FAIM » – Libre Flot

    « POURQUOI JE FAIS LA GRÈVE DE LA FAIM » – Libre Flot

    Libre Flot nous écrit régulièrement depuis un an et le début de son incarcération au quartier d’isolement de Bois-d’Arcy (vous pouvez retrouvez plusieurs de ses lettres sur notre site). Le 8 décembre 2020, il a été arrếté avec sept autres membres de la « mouvance d’ultragauche » pour « association de malfaiteur en lien avec une entreprise terroriste ». Encore une construction des services de police et de la justice pour fabriquer des ennemis et terroriser les potentiel.les opposant.es.

    Sept personnes ont finalement été mis.es en examen et placé.es en détention provisoire. Au fil des mois, six d’entre elles finiront par être libérées sous contrôle judiciaire. Alors qu’il vient d’essuyer un nouveau refus de remise en liberté en attendant son procès, Libre Flot, dernier inculpé encore incarcéré, entame une grève de la faim. Il a demandé à faire publier cette lettre aujourd’hui le plus largement possible, pour faire connaître ses raisons et sa situation.

    Mise à jour du 7 avril 2022 : Libre Flot a arrêté sa grève de la faim et il été libéré pour raisons médicales. Toutes les infos sur le site des soutiens aux inculpé.es du 8 décembre.

    Cela fait plus de 14 mois que je réfute cette infâmante et diffamatoire accusation d’association de malfaiteurs terroriste.

    Cela fait plus de 14 mois que la DGSI m’a expliqué que je n’étais pas arrêté pour ce qu’elle voulait me faire croire, à savoir mon engagement auprès des forces kurdes contre Daech au Rojava.

    Cela fait plus de 14 mois que rien ne valide la thèse élaborée de toutes pièces par la DGSI alors même que pendant au moins 10 mois j’ai été suivi, tracé, sous écoute 24 heures sur 24 dans mon véhicule, mon lieu de vie, espionné jusque dans mon lit.

    Cela fait plus de 14 mois que je comprends que ce sont mes opinions politiques et ma participation aux forces kurdes des YPG dans la lutte contre Daech qu’on essaie de criminaliser.

    Cela fait plus de 14 mois qu’on reproche une association de malfaiteurs à 7 personnes qui ne se connaissent pas toutes les unes les autres.

    Cela fait plus de 14 mois à répondre aux questions d’un juge d’instruction utilisant les mêmes techniques tortueuses que la DGSI : la manipulation, la décontextualisation, l’omission et l’invention de propos et de faits afin de tenter d’influencer les réponses.

    Cela fait plus de 14 mois que je subis les provocations de ce même juge d’instruction qui, alors que je croupis dans les geôles de la République, se permet de me dire que cette affaire lui fait perdre son temps dans la lutte contre le terrorisme. Pire encore, il se permet la plus inacceptable des insultes en se référant aux barbares de l’État islamique comme étant mes« amis de chez Daech ». Bien que verbal, cela reste un acte inouï de violence. C’est inadmissible que ce juge s’octroie le droit de m’injurier au plus haut point, tente de me salir, et crache ainsi sur la mémoire de mes amis et camarades kurdes, arabes, assyrien.ne.s, turkmènes, arménien.ne.s, turc.que.s et internationaux.les tombé.es dans la lutte contre cette organisation. J’en reste encore aujourd’hui scandalisé.

    Cela fait plus de 14 mois d’une instruction partiale où contrairement à son rôle le juge d’instruction instruit uniquement à charge et jamais à décharge. Il ne prend pas en considération ce qui sort du scénario préétabli et ne sert qu’à valider une personnalité factice façonnée de A à Z par la DGSI, qui loin de me représenter ne reflète que les fantasmes paranoïaques de cette police politique. Ainsi, je suis sans cesse présenté comme « leader charismatique » alors même que tout mode de fonctionnement non horizontal est contraire à mes valeurs égalitaires.

    Cela fait plus de 14 mois que sans jugement on m’impose la détention dite provisoire que je subis dans les plus terribles conditions possibles : le régime d’isolement (voir les lettres de mars 2021 et juin 2021) considéré comme de la « torture blanche » et un traitement inhumain ou dégradant par plusieurs instances des droits humains.

    Cela fait plus de 14 mois que je suis enterré vivant dans une solitude infernale

    Cela fait plus de 14 mois que je suis enterré vivant dans une solitude infernale et permanente sans avoir personne à qui parler, à juste pouvoir contempler le délabrement de mes capacités intellectuelles et la dégradation de mon état physique et ce, sans avoir accès à un suivi psychologique.

    *

    Après avoir sous des airs faussement neutres fourni à l’administration pénitentiaire des arguments fallacieux pour s’assurer de mon maintien à l’isolement, le juge d’instruction demande le rejet de ma demande de mise en liberté, tout comme le parquet national antiterroriste. Pour ce faire, ils reprennent presque en copier / coller le rapport de la DGSI du 7 février 2020, base de toute cette affaire dont nous ne savons pas d’où viennent les informations et dont la véracité n’a pas été démontrée. On est en droit de se demander à quoi ont servi les écoutes, les surveillances, les sonorisations et ces deux ans d’enquête judiciaire et d’instruction puisque sont occultés les faits qui démontrent la construction mensongère de la DGSI.

    Le parquet national antiterroriste et le juge d’instruction n’ont de cesse d’essayer d’instiller la confusion et de créer l’amalgame avec des terroristes islamistes alors même qu’ils savent pertinemment que j’ai combattu contre l’État islamique, notamment lors de la libération de Raqqa, où avaient été planifiés les attentats du 13 novembre.

    Le juge d’instruction prétend craindre que j’informerais des personnes imaginaires de ma situation alors que celle-ci est publique notamment parce que la DGSI ou le PNAT eux-mêmes ont fait fuiter l’information dès le premier jour. Il prétend ainsi empêcher toute pression sur les témoins, les victimes et leurs familles alors même qu’il n’y a ni témoin, ni victime puisqu’il n’y a aucun acte. C’est ubuesque. Est aussi évoquée sa crainte d’une concertation entre coinculpé.es et complices même si toutes et tous les coinculpé.es ont été mis.es en liberté, qu’il n’a plus interrogé personne d’autre que moi depuis octobre 2021, et que j’ai attendu patiemment qu’il ait fini de m’interroger pour déposer cette demande de mise en liberté.

    Il aurait pu être comique dans d’autres circonstances de constater l’utilisation à charge de faits anodins comme : jouir de mon droit à circuler librement en France et en Europe, de mon mode de vie, de mes opinions politiques, de mes pratiques sportives, de mes goûts pour le rap engagé ou les musiques kurdes.

    Le juge d’instruction s’en prend à ma mère en la désignant comme n’étant pas une garantie valable pour la simple raison qu’elle n’a pas empêché son fils âgé de 33 ans à l’époque de rejoindre les forces kurdes des YPG dans la lutte contre Daech. Encore une fois, c’est ma participation dans ce conflit qu’on criminalise. Il lui reproche également l’utilisation d’applications cryptées (WhatsApp, Signal, Télégram…) comme le font des millions de personnes en France. Enfin, il dénigre tout d’un bloc toutes les autres options de garanties (travail, hébergement…) sans rien avoir à leur reprocher alors même que les personnels du SPIP dont c’est le métier ont rendu un avis favorable.

    *

    Comment alors comprendre qu’après avoir ordonné ces enquêtes de faisabilité signifiant la possibilité de me remettre en liberté avec bracelet électronique, le juge des libertés et de la détention malgré le rendu refuse ensuite de la mettre en place ? Nous sommes nombreux et nombreuses à constater que dans toute cette affaire la « justice » viole ses propres lois et est soumise à l’agenda politique de la DGSI.

    J’ai récemment appris de la bouche même du directeur des détentions de la maison d’arrêt des Yvelines (Bois d’Arcy), que je remercie pour sa franchise, que mon placement et mon maintien à l’isolement étaient décidés depuis le premier jour par des personnes très haut placées et que quoi je dise ou que lui-même dise ou fasse, rien n’y ferait, que cela le dépasse, le dossier ne sera même pas lu et je resterai au quartier d’isolement et que de toute façon rien ne pourrait changer avant les élections présidentielles.

    *

    Puisque l’on cherche à criminaliser les militants et militantes ayant lutté avec les Kurdes contre Daech,

    Puisque l’on utilise la détention soi-disant provisoire dans le but de punir des opinions politiques,

    Puisque cette histoire n’existe qu’à des fins de manipulation politique,

    Puisqu’aujourd’hui on ne me laisse comme perspective que la lente destruction de mon être,

    Je me déclare en grève de la faim depuis le dimanche 27 février 2022 à 18 heures, je ne réclame à l’heure actuelle que ma mise en liberté en attendant de démontrer le côté calomnieux de cette honteuse accusation.

    Libre Flot.