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  • Passer les fêtes au QI : lettres de Kémi

    Passer les fêtes au QI : lettres de Kémi

    Auteur du texte « Santa Muerte » sur la prison de Saint-Maur et le QI (quartier d’isolement), Kémi dit dans ces six lettres comment la dureté de l’isolement déteint sur son moral. Après un Noël 2021 solitaire, Kémi est enfin sorti du QI en janvier comme on peut le lire dans les deux dernières lettres. Cependant, à l’heure où nous publions ces lettres sur le site, l’AP (administration pénitentiaire) a déjà remis Kémi à l’isolement pendant l’été 2022.


    « Je m’en suis pris à l’AP et maintenant j’en paie le prix fort »

    Lettre lue pendant l’émission du 10 décembre 2021.

    Maison centrale de Saint-Maur, quartier d’isolement,

    Novembre 2021

    Bonsoir chers auditeurs,

    Là il est 23 h et je tourne en rond dans ma cellule, donc je prends ma plume pour vous donner de mes nouvelles. La semaine dernière, j’ai enfin vu la directrice de Santa Muerte, elle a fait une demande de sortie d’isolement, mais je crois que c’était pour m’endormir car pour l’instant, j’y suis encore. En plus, j’ai appris par un pote qui a vu la cheffe et qui lui a dit que ce n’était pas pour tout de suite. Ils sont même pas capables de me le dire en face. Je vois rouge ! Pour les autres détenus, ça prend trois jours, et pour moi ça prend des plombes. J’avoue que mon moral baisse, car les fêtes arrivent, et j’me sens pas capable de les passer à l’isolement. Des envies de suicide me traversent l’esprit, j’essaie de rester combatif, mais imaginez deux ans de quartier d’isolement gratuit, et encore un Noël seul sans parloir, sans rien ni personne avec qui discuter. J’ai beaucoup de lettres qui me donnent leur soutien et je les en remercie, mais je supporte de moins en moins l’isolement social. 23H/24 dans 9 m² pendant deux ans, ça laisse des traces indélébiles. Mes enfants me manquent, le contact humain me manquent. Je regarde autour de moi et tout ce que je vois c’est le néant, le vide. Ce soir je regardais un film qui se passait en prison. Dans ce film, il y avait une scène qui m’a rappelé de mauvais souvenirs. C’est un type qui venait d’apprendre le décès de son papa, il avait l’autorisation d’aller aux obsèques, mais à la dernière minute l’administration pénitentiaire (AP) l’en a empêché. Ce qui m’est arrivé, et pour ça faire une prise d’otage en 2016 à la centrale d’Ensisheim en Alsace, ce qui m’a valu huit ans ferme en plus.

    Je regarde autour de moi et tout ce que je vois c’est le néant, le vide

    Depuis tout à l’heure, je suis partagé entre la douleur et la rage – la raison pour laquelle j’écris ce soir en espérant que ça me calme, mais je sais que je suis parti pour une nuit blanche. J’aimerais parler de choses joyeuses, mais j’ai le cœur et les pensées si sombres que cela m’est impossible. Je m’accroche et me dis que peut-être je sortirais de quartier d’isolement dans quelques jours, mais sans grande conviction.

    Je sais que j’ai commis des actes condamnables, mais ça fait dix ans que je suis en prison, et j’en ai encore onze ans sur le papier alors que je n’ai tué personne. Un violeur n’aurait même pas fait la moitié de ma peine. Alors que je n’ai que 32 ans. Je m’en suis pris à l’AP et maintenant j’en paie le prix fort. Ma vie est foutue, je n’ai plus d’avenir. Que vais-je faire à ma sortie après tant d’années passées derrière les barreaux. Dans quel état je vais être, avec toute cette haine et rage qu’ils ont placé en moi ? J’ai fait l’idiot, je l’assume, mais jamais je n’avais eu le cœur aussi noir. J’ai toute une vie à reconstruire car depuis mes 15 ans, je n’ai connu la liberté que pendant une année. Vous vous rendez compte ? J’ai passé plus de la moitié de ma vie en prison, mais on ne veut pas me donner une chance de me racheter. Je suis conditionnable en 2022, mais comment préparer ça dans de telles conditions d’incarcération ? C’est la prison et ses codes qui m’ont éduqué, j’ai appris la vie à l’école du crime. Pour la Justice française, je suis un cas perdu, mais c’est normal si l’AP ne fait rien pour m’aider à devenir autre chose qu’un numéro d’écrou. On me colle des avocats commis d’office, qui ne servent à rien car ils débutent ou que l’on ne peut pas leur donner 3000€ pour défendre nos droits. On nous parle de réinsertion, mais où est-elle ? Je vous pose la question, en prison il n’y a que la répression. Deux ans que je galère comme un chien à l’isolement gratuitement, tout ça parce que l’AP considère que je suis un danger. Mais un danger pour qui ? Je ne suis qu’un simple cambrioleur entouré de meurtriers et de violeurs, alors je suis un danger pour qui ? En bref je suis un danger car toutes les peines internes (23 ans que j’ai pris en plus), je les ai prises car je m’en suis pris à l’AP. Voilà ce qu’est l’administration française : violer nos enfants, on s’en fout, mais ne touchez pas à l’administration.

    Force et courage à toutes et tous, celles et ceux qui sont enfermé·e·s et leurs familles !

    Kémi


    « Je vais encore passer Noël au QI et ça me met un coup au moral »

    Maison centrale de Saint-Maur,

    Le 18 novembre 2021

    Salut L’Envolée,

    Merci pour votre carte, je vous mets un petit dessin avec cette lettre, un truc vite fait… En juin prochain ça fera dix ans que je suis en prison et libérable en 2032, avant ça j’étais en prison de mes 15 ans à mes 22 ans. Ces dix-sept dernières années, j’ai été libre un an avant de retomber en 2012, j’ai littéralement passé la moitié de ma vie en prison et pourtant j’ai que 32 ans ! C’est triste à dire mais c’est la prison qui m’a formé. Je fais partie de la communauté des gens du voyage donc la prison je connais depuis bébé, je suis venu au monde au parloir sérieux. Là le QI a été prolongé jusqu’au 4 février 2022, je vais encore passer Noël au QI et ça me met un coup au moral. Vous inquiétiez pas prenez votre temps pour répondre, je risque pas de bouger de là où je suis lol. Bon je vous laisse car faut que je nettoie la cellule car c’est le bordel.

    En attendant de vos nouvelles, prenez soin de vous les potos.

    Kémi

    Dessin de Kémi, le 18 novembre 2021.


    « Le père Noël est passé, l’AP m’a offert une X-box »

    Lettre lue pendant l’émission du 7 janvier 2022.

    Maison centrale de Saint-Maur, quartier d’isolement,

    Le 15 décembre 2021

    Bonjour l’équipe, bonjour à tous,

    Ce soir je prends la plume pour vous montrer toute la gratitude de ce que vous faites pour moi, mais surtout pour vous souhaitez de bonnes fêtes pour cette fin d’année 2021. Moi ça peut aller malgré le refus de ma sortie du QI. C’est bientôt les fêtes, alors j’essaie de me motiver pour essayer de rester positif, car mi-janvier la direction va faire une nouvelle demande. Je reste optimiste… qui sait ? Peut-être que la magie de Noël va frapper ? Quoiqu’il en soit, passez de bonnes fêtes avec vos proches car c’est important. Moi le père Noël est déjà passé, l’AP m’a offert une X-box et va m’apporter un colis de Noël ! Un vrai miracle de Noël MDR.

    Joyeux Noël, et bonnes fêtes à tous,

    Kémi


    « Comme vous devez vous en douter, j’ai passé des fêtes de merde »

    Lettre lue pendant l’émission du 7 janvier 2022.

    Maison centrale de Saint-Maur, quartier d’isolement,

    Le 28 décembre 2021

    Salut L’Envolée,

    Comme je le pensais, la demande de sortie du QI a été refusée, je suis dégoûté. Merci pour votre lettre avec le timbre et l’enveloppe que je viens de recevoir. Comme vous devez vous en douter, j’ai passé des fêtes de merde, seul dans mon 9 m² lol. Mi-janvier une nouvelle demande de sortie du QI va être faite mais bien sûr ça sera refusé 🙁 Sérieusement j’en ai marre d’être isolé, mon mental ne suit plus, je me bats pour ne pas baisser les bras mais c’est dur, surtout quand j’entends les autres détenus parler par la fenêtre de leur parloir ce qu’ils ont eu pour Noël, je t’avoue que ça m’a fait un truc en les entendant ! J’espère que 2022 sera une meilleure année pour moi.

    Bref je vous souhaite à tous une bonne année 2022 et tout ce qui va avec. Hâte d’avoir le nouveau numéro de L’Envolée, bon, il est 3h30 du matin, je vais en rester là car je vais aller faire dodo.

    En attendant de vos nouvelles,

    Prenez soin de vous les potos,

    Kémi

    Dessin de Kémi, le 8 décembre 2021.


    « Enfin la victoire ! »

    Maison centrale de Saint-Maur, en transit au quartier arrivants,

    Janvier 2022

    Enfin la victoire !

    Après deux ans d’isolement gratuit, mon avocate et moi avons gagné au tribunal administratif contre l’AP. Ça fait un mois que je suis sorti du QI, je vais faire la  »formation menuiserie ».

    Ça fait bizarre, après deux ans, de retrouver une détention  »ordinaire »… J’ai encore du mal à me repérer mais tout va bien.

    Aux détenus de France au QI et à leurs familles : ne lâchez rien. Avec un avocat et du calme on peut les faire plier. La preuve : je suis un preneur d’otage, un DPS (détenu particulièrement signalé), un détenu  »difficile », et pourtant mon avocate a gagné un recours, elle les a eus à leur propre jeu ! 

    Je circule en détention normale, je vais où je veux… 

    Gardez la force et le courage !

    Voilà, Kémi est enfin sorti du QI !

    Merci à tout le monde, on reste en contact régulier pour se donner des news ! 

    Kémi


    « Les deux ans de QI que j’ai fait gratuit m’ont rendu plus fort, en vrai »

    Lettre lue pendant l’émission du 4 février 2022.

    Maison centrale de Saint-Maur, quartier arrivants,

    Janvier 2022

    Bonjour à tous,

    Bonne nouvelle : ça fait une semaine que je suis enfin sorti du QI ! Pour l’instant je suis en observation au quartier arrivants depuis une semaine. Encore une, et après ils me disent si je reste à cet étage et bosser comme « auxi peintre » (ça veut dire repeindre les cellules) ou s’ils me jettent dans le bâtiment B dans la jungle. Moi, je veux rester à mon étage, y a pas vingt détenus et c’est que des anciens. Après deux ans de QI gratuit, j’ai besoin de calme, car je sais qu’au bâtiment B je vais m’embrouiller, et obligé quelqu’un va me tester. Et je veux pas retourner au QI. On verra bien, si je vais au B, je vais me mélanger avec personne, parce que sinon je vais en corriger un. Ici au A, je suis posé, je joue au rami avec les anciens, c’est calme, c’est tranquille, c’est ça qu’il me faut. Mais bon, avec mon dossier, ils vont me mettre au B, ils me donneront pas une chance de réinsertion, l’AP on connaît, ça fait dix piges que je les côtoie tous les jours. Je me tiens à carreaux, mais l’AP regarde que mon passé, sans compter sur les histoires que l’ancienne directrice de Saint-Maur m’a faites. Là je profite à fond, c’est pas grave, les deux ans de QI. Les deux ans de QI que j’ai fait gratuit m’ont rendu plus fort en vrai.

    Là j’écoute un peu de son, et je me sens bien. Je suis plus au QI, ça fait trop chelou. Surtout la promenade. Bon là ça caille, donc je sors pas trop, mais j’hallucine quand j’y vais. Je peux marcher dans une vraie grande promenade. Bon je vous laisse, je vous tiens au jus et encore merci à vous, vous êtes des vrais, on lâche rien, y a pas d’arrangement !

    Kémi


  • Expérimentations sécuritaires et violences pénitentiaires : lettres sur le QI et le mitard

    Expérimentations sécuritaires et violences pénitentiaires : lettres sur le QI et le mitard

    Le QI (quartier d’isolement) et le mitard sont les parties de la prison les plus propices aux violences pénitentiaires. Francis Dorffer explique comment les QI deviennent de plus en plus invivables, au rythme de la diffusion progressive des nouvelles logiques sécuritaires. Beaucoup de morts en prison ont lieu à l’isolement ou au mitard, comme le dit Kémi dans une lettre écrite le 29 mai 2022 à l’occasion de la journée nationale contre les violences pénitentiaires. Anonyme, une quatrième lettre revient sur le caractère systémique des violences contre les prisonnier·e·s, spécialement au QI.


    « À chaque transfert, je recommence le circuit de la mort à zéro »

    Lettre de Francis Dorffer

    Nous avons publié au début de l’année une lettre ouverte de Francis écrite en décembre 2021 depuis Saint-Maur. Transféré à Arles, il continue à y subir la gestion toujours plus sécuritaire des QI. Cette première lettre a été lue à l’antenne le 18 mars 2022.

    Maison centrale d’Arles, quartier d’isolement,

    Le 15 février 2022

    Aujourd’hui en prison, on n’y fait plus attention, mais la sécurité prend une place de plus en plus énorme et déshumanise tout. Depuis un certain temps, au nom de la sécurité, on a laissé tomber toute forme de sympathie ou même d’humanité. Depuis bientôt trois ans, je vis à l’isolement enfermé 24 heures par jour. C’est par une trappe dans la porte que je dois passer mes mains pour être menotté dans le dos, par des casqués équipés de boucliers, pour sortir de cellule. Comment me sentir bien ? Comment résister et ne pas tomber dans la haine, dans la violence ? Je résiste sans dire un mot. Malgré les années qui sont passées, à chaque transfert, je recommence le circuit de la mort à zéro.

    Exemple : ici, on m’a mis dans une cellule dite « de force », où la fenêtre ne s’ouvre presque pas, les toilettes et le lavabo sont dans du béton, il n’y a aucun meuble à part une table en ferraille attachée au sol. Et le pire, je suis menotté à chaque sortie de cellule par des surveillants qui me tiennent par chaque bras. Imaginez un rendez-vous ! La personne vous voit arriver avec cinq surveillants équipés comme des robots ! Super, les entretiens menottés dans le dos. Au dentiste les menottes me rongent la peau car je suis assis dessus, et je me casse les poignets. Je pense que les directions qui prennent ce genre de mesures contre moi ne se rendent même plus compte qu’ils participent à un acharnement et cela commence à me ronger.

    Je vis en détention depuis vingt-deux ans. J’ai passé plus de temps en prison qu’à l’extérieur, j’ai été condamné à une peine qui est la plus longue infligée en France. En tout, quatre-vingt-six années de détention ont été prononcées contre moi et j’ai encore un jugement en attente. Pour ceux qui ont du mal à y croire, qu’ils contactent mes avocats ou qu’ils regardent sur le net.

    Quand j’entends que la France est un pays fondateur des droits de l’homme, ça me dégoûte. Et mes droits, ils sont où ? Ah, je suis un taulard, donc je peux m’asseoir dessus ? Les gens pensent : « il est en prison, il l’a bien mérité », mais non ! J’ai pas mérité d’être condamné à autant. J’ai pas versé une seule goutte de sang. Dans mes prises d’otages, je n’ai pas frappé une seule fois un otage ! Pourtant on m’a condamné comme si j’avais tué cent fois, et c’est ma quinzième année de détention au QI, et actuellement j’en suis à la troisième d’un trait. Menotté et baluchonné chaque année, car à chaque fois on me dit : « reste tranquille et on va enlever les menottes », arrivé quelques mois on me met les menottes devant, puis paf on me transfère ailleurs et arrivé dans une nouvelle prison on me dit :

    "On te connaît pas, donc on repart sur le menottage dans le dos, si tu reste tranquille on verra pour te les mettre devant !"

    Que la France arrête de faire semblant d’être un pays humain et surtout qui respecte les droits de l’homme. Ça fait 22 ans que je suis en prison et chaque jour on m’attache comme un chien ! C’est ça, se réinsérer, les gens ! En les attachant dans le dos ! En les éloignant de leurs familles, en les laissant des années au QI, en les laissant sans rien. Bref, ce que je sais, c’est que c’est pas comme ça qu’ils vont me casser !

    Force et courage à tous, soyez forts, et si besoin écrivez-moi, je répondrai.

    Francis Dorffer


    En direct des abattoirs français

    Lettre de Francis Dorffer

    Nous avons publié au début de l’année une lettre ouverte de Francis écrite en décembre 2021 depuis Saint-Maur. Transféré à Arles, il continue à y subir la gestion toujours plus sécuritaire des QI. Cette seconde lettre a été lue à l’antenne le 18 mars 2022.

    Maison centrale d’Arles, quartier d’isolement,

    Le 20 février 2022

    Aujourd’hui, la prison a pris un tournant ultra-sécuritaire. C’est de plus en plus inquiétant : en 2022 le budget pénitentiaire a voté 145 millions d’euros rien que pour le volet sécuritaire ! Quand le budget pour les alternatives à la prison s’élèvent à 300000 euros ! Ou la prévention de la récidive : 90 millions ! C’est hallucinant. À ces deux catégories, on n’arrive même pas au budget alloué pour la sécurité. Alors que les deux sont essentiels. Sur le terrain, la hausse de l’hyper-sécuritaire se fait ressentir chaque jour un peu plus.

    Quand on se penche un peu sur les quartiers d’isolement… Pour être concret : il y a quinze ans, j’étais en QI dans des maisons d’arrêt. Il n’y avait pas de système de trappes aux portes. Aujourd’hui, 90% des QI sont munis au moins partiellement de ces trappes ! Et ce qu’il se passe, c’est que dans beaucoup de QI, vu qu’il y a ces trappes aux portes, les agents n’ouvrent quasiment plus les portes. La facilité de venir seul et de distribuer le courrier, les cantines ! Voire dans certains cas, les repas. Et l’humain disparaît petit à petit. Même des audiences sont faites par les trappes ! Et je ne suis pas une exception. Des détenus traités comme moi, il y en a de plus en plus… Il faut que ça cesse ! On a pas le droit de laisser des êtres humains comme ça ! Le contact avec les surveillants ne fait plus que le bruit de la ferraille des menottes et le claquement des boucliers, chaque jour depuis trois ans. Et je vous le dit, il y a des centaines de détenus qui vivent ça. Mais les pauvres ont tellement laissé le temps passer que pour eux, c’est normal ! C’est devenu banal de laisser les gens mourir à petit feu comme ça.

    Et quand il y a des incidents, on relance les vieux débats, les manques de moyens, etc. Non ! Stop ! Aujourd’hui le directeur d’une prison peut placer un prisonnier au QI, le faire menotter, lui imposer des agents équipés casqués avec boucliers, lui imposer des heures de sortie (1 heure du matin !), le mettre en position animale ! Et après ils vont dire : « regardez, le mec est violent ». On fabrique des bombes humaines et quand elles explosent on se demande comment c’est arrivé. Non, vraiment, stop ! Il est temps de traiter les détenus comme des humains et de leur laisser l’espoir, la vie est déjà assez compliqué pour nous. Il faut que ça cesse ! Venez voir !

    Merci à tous,

    Francis Dorffer


    Le mitard et l’isolement

    Lettre de Kémi

    Kémi écrit dans cette lettre, lue à l’émission du 20 mai 2022, qu’il est sorti d’isolement peu de temps avant, en janvier 2022. Cependant, l’AP a depuis décidé de l’y remettre au courant de l’été 2022...

    Maison centrale de Saint-Maur,

    Mai 2022

    Bonjour à tous,

    Je vous écris de la centrale de Saint-Maur, je m’appelle Mickaël, j’ai 33 ans et ça fait dix ans que je suis en cellule, et il me reste encore dix ans sur le papier, tout ça pour vous dire que je connais bien le mitard et l’isolement. D’ailleurs, récemment je suis sorti de l’isolement après un bref séjour de deux ans, le mitard je connais que trop bien aussi malheureusement, j’ai même connu les fameux 45 jours fermes de cachot ! Un mois et demi enfermé dans 3 m² avec rien, même la radio ils font galérer pour nous la donner !

    La France devrait fermer ces lieux sombres, sérieux

    L’isolement en France c’est quoi ? C’est ni plus ni moi que les QHS (quartiers de haute sécurité) des temps modernes ! On est 23H/24 enfermés en cellule, impossible de voir à quoi ressemble ton voisin de cellule, et si tu parles à la fenêtre faut faire très attention à tes propos et avec qui tu les tiens pour éviter que l’AP te colle une étiquette chelou sur ton dos ! Si tu t’énerves faut être préparé car ils entrent dans ta cellule avec le bouclier et les tenues pare-coups, et te sautent dessus, donc quitte à faire du mitard, autant y aller pour une raison valable…

    Ça peut paraître brutal, mais en vrai vous êtes loin de la vérité, c’est encore plus brutal. Je m’exprime pas très bien, mais c’est des abattoirs à détenus. Regardons la vérité des choses, la plupart du temps, quand un détenu perd la vie, c’est soit au mitard, soit à l’isolement, ou alors par un incendie dans la cellule…

    L’isolement et le mitard en France, ce sont des lieux où l’on se sert des détenus comme des cobayes, ils essayent de vous shooter avec des médocs, ou alors ils te piquent, c’est la camisole de force par injection, c’est des oufs ! La France devrait fermer ces lieux sombres, sérieux, vous ne pouvez pas imaginer ce qui s’y passe !

    Oui c’est vrai, à l’isolement, on a le droit à la télé et aux cantines mais si tu bosses pas et que t’as pas de soutiens à l’extérieur tu fais comment ? Rares sont les quartiers d’isolement où tu peux bosser, la télé n’est pas gratuite, c’est 20€ par mois, et même si t’as la télé tu peux passer plusieurs années à l’isolement coupé de tout, si tu commences à parler à ta télé et que tu attends une réponse, ben, pose-toi les bonnes questions !

    J’ai vécu une nuit au mitard en 2014 où je me suis battu pour ma vie, merci à mes voisins qui ont fait le bordel

    J’ai personnellement côtoyé l’isolement, j’ai passé plusieurs années dans ces mouroirs. Le mitard c’est pareil, on doit rester sur nos gardes 24H/24. Pour tout vous dire, j’ai vécu une nuit au mitard en 2014 où je me suis battu pour ma vie, et merci à mes voisins qui ont fait le bordel quand ils ont entendu la bagarre dans ma cellule, à cette époque j’étais le détenu à briser voir plus après une prise d’otage dont j’ai été l’auteur, quand on joue avec l’AP, on joue sa vie !

    Bref, j’espère que ces quelques mots permettront de voir un peu ce qu’est l’isolement et le mitard… Force, courage et honneur pour tout·e·s les détenu·e·s de France et leurs familles !

    Mickaël, AKA Kémi


    « S’adapter, ne pas s’habituer »

    Lettre d’un lecteur anonyme de L’Envolée

    Cette lettre a été lue à l’émission du 17 juin 2022.

    Dans une prison de France, quartier d’isolement,

    Juin 2022

    Salam, peace à toute la populace,

    Je suis un lecteur assidu de L’Envolée, un révolté de nature, qui au fur et à mesure vire entre haine et dégoût. Innocent ? Nan, sûrement pas, et alors ? Non coupable ? Ça dépend des points de vue. Plus de sept ans de détention, six ans d’isolement ininterrompu, réclusion criminelle à perpétuité, la trentaine, nice to meet you.

    Je suis en ce moment dans une cellule d’isolement. Force à tous ceux qui sont dans ce cas. La fenêtre s’ouvre à peine suffisamment pour passer la main, ni un oiseau ni un singe et, malgré tout le respect que j’ai pour eux, j’ai l’impression d’être un animal dans un zoo. Drôle de situation quand un directeur vient vous accueillir à votre arrivée en disant : « alors, c’est vous ? », avec le regard que l’on pourrait porter sur un lion domestiqué ou non domestiqué dans une cage.

    Ces bleus, ces humains qui ne le sont que très peu au quotidien, agents et acteurs d’un racisme structuré

    S’adapter, ne pas s’habituer. J’ai vu au cours des années des détenus flancher psychologiquement, répondre à la violence institutionnelle (quand elle n’est qu’institutionnelle, ce qui est extrêmement rare), par la violence physique, souvent contre eux-mêmes, trop souvent contre eux-mêmes d’ailleurs. À l’égard des bleus, parfois ces bleus, ces humains qui ne le sont que très peu au quotidien, agents et acteurs d’un racisme structuré, nous les noirs ris de leurs blagues racistes de leurs collègues. Ces gens, ces bleus, très souvent instables, qui laissent libre cours à leur base instable à l’ombre de ce système panoptique, où force n’est pas à la loi, puisque ces lois ils les bafouent en permanence et que le détenu qui aurait l’outrecuidance de s’emparer de ces lois pour tenter de se défendre (je dis bien tenter) est immédiatement estampillé procédurier et les vexations ne font que se multiplier.

    Que dire des piqûres ? De la camisole chimique ? Que dire des décès ? Des meurtres maquillés en suicides ? De l’instrumentalisation de la bassesse humaine ? De l’utilisation des détenus contre d’autres détenus ?

    Et lorsque l’on a dit tout cela, que dire des QI ? J’y suis depuis six ans. On m’accuse d’être un roc, de ne pas faiblir, de ne pas craquer, d’être trop peu impacté après toutes ces années. Qu’on se le dise, je n’ai pas l’intention d’abdiquer : routine exigeante émaillée d’effractions de la part de soldats, plus exactement de marionnettes de l’injustice.

    L’instrumentalisation d’événements au profit du tout sécuritaire… Des débats contradictoires pour donner à tout cela un semblant de cadre légal. Pour ma part, je dis une chose simple quant à ces débats. Dire à son empoisonneur : « je connais ta recette » est inutile, puisqu’il ajoutera toujours un nouvel ingrédient à son poison. Lorsqu’on nous empoisonne, la meilleure façon de ne pas mourir, c’est d’arrêter de manger. Il faut donc ne plus accepter de subir. Stimulez votre intellect, maintenez votre physique en bon état, résistez de la manière la plus adaptée à votre situation… peu importe la manière et peu importe cette situation.

    Un grand salam à L’Envolée que je lis depuis longtemps, à qui je n’ai jamais écrit. C’était une présentation, peut-être que d’autres courriers suivront. Dans tous les cas, je ne souhaite pas que mon identité soit donnée si ce courrier devait être publié. Un grand big up de l’ombre pour les gens à la lumière, prenez soin de vous, je vous souhaite de sortir dans le meilleur état possible.

  • ÉMISSION DE L’ENVOLÉE DU 23 JUIN 2017

     

        • Lettres : Aurore, Damien, Jean-Paul, Alexia et Nassira
        • Appel : Floréal, pour Fabrice
        • Brève : Prise de parole à la maison centrale d’Ensisheim
        • Présentation du dernier numéro du journal l’Envolée

    Zics : Soklak – Inadapté / Thirstin Howl III – The Polorican / Trust – Instinct de mort / Monsieur Socrate – Le placard


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  • « Tout ça commence à aller trop loin » Fabrice Boromée en grève de la faim au quartier d’isolement de Lannemezan

    Solidarité avec Fabrice Boromée
    Solidarité avec Fabrice Boromée

    Comme plus de cinq cent prisonniers ultra-marins, Fabrice Boromée purge une peine en métropole, loin de ses proches. Depuis 2011, il réclame son transfert en Guadeloupe. L’administration pénitentiaire (AP) fait la sourde oreille et ne lui permet pas de se rendre à l’enterrement de son père en septembre 2012.

    Il tente alors de se faire entendre d’une autre manière : avec Rachide Boubala -un co-prisonnier qui exige un rapprochement lui aussi- ils prennent en otage un maton de Condé-sur Sarthe. Il réitère cette tentative de prise de parole à la centrale de Arles en 2014 – qualifiée de nouveau en « agression » et «  tentative de prise d’otage ». Alors qu’il fait le tour des QI des prisons françaises depuis trois ans et demi, en septembre 2015 le directeur de Vendin-le-Vieil lui fait miroiter une sortie de l’isolement. En revenant de vacances, ce dernier change d‘avis et envoie un subalterne lui annoncer la nouvelle. Fabrice retient le sous directeur pendant deux heures. Nous avions alors publié une lettre de Fabrice qui expliquait son geste quelques jours avant son procès.

    A ces tentatives pour se faire entendre, la justice réponds systématiquement par des peines supplémentaires. Entré en prison pour une peine de 8 ans, il a maintenant plus de 30 ans à faire. L’administration pénitentiaire lui fait payer sa détermination en refusant de lui faire rejoindre la détention dite normale. Maintenu à l’isolement, transféré sans cesse (Fleury-Merogis, Clairvaux, Lannemezan pour la seule année 2016) , entravé dans tous ces déplacements en prison (y compris lors de la distribution des repas), objet d’insultes racistes voire de passage à tabac de la part des matons, Fabrice Boromée et continue de réclamer son transfert en Guadeloupe. Comme il le faisait déjà il y a des années, en témoigne cette interview à France 1.

    Le premier courrier que nous publions nous est parvenu il y a une semaine. Il annonce qu’il a entamé une grève de la faim au mitard de la centrale de Lannemezan où il est actuellement . Dans la seconde lettre -écrite au QI de Fleury Mérogis en mars 2016-, il revient sur «sa vie de taulard ».

    Mitard de Lannemezan

    Le 17 Janvier 2017

    Là, je suis au cachot parce que j’ai agressé un surveillant. Je passe au prétoire mardi pour cela et je sais que je prendrai 30 jours de cachot. Tout ça parce que je demande le papier du ministère de la justice où est écrit que je suis transféré de Lannemezan à Paris pour être plus près d’un ami qui vient me voir au parloir. Il habite à Lille et Lannemezan est trop loin pour lui. Je vois que le ministère n’en a rien à foutre et tout ça m’a énervé.

    Je fais la grève de la faim, je ne mange pas au cachot. J’en ai marre de tous ces injustices. Maintenant, on est en 2017. Et toujours avec les matons casqués et les menottes au cachot pour tous mes mouvements. Tout ça commence à aller trop loin, je me demande jusqu’à quand cette souffrance va continuer. (…)

    J’espère que, un jour, je rentrerai chez moi en Guadeloupe et voir mes proches. J’attends toujours le jugement de la centrale de Arles, cela fait deux ans et un mois maintenant et je trouve ça long. Mais que veux tu, c’est la vie qui veut ça. Je ne baisse pas les bras et je fais face à tous ces humiliations loin de chez moi.

    Christine est libre, ça me fait très plaisir pour elle après tant d’année d’humiliation et souffrance qu’elle a subie et là elle est bien et s’occupe de ses brebis.

    971 Guadeloupe à vie 100%

    L ‘ami Fabrice

    Vous pouvez écrire ou téléphoner au centre pénitentiaire de Lannemezan, ainsi qu’à la direction de l’administration pénitentiaire pour demander que cesse l’acharnement sur Fabrice Boromée, et appuyer ses demandes :

    Fin de l’isolement, retour en détention normale, transfert en région parisienne de manière à pouvoir être visité, en attendant un transfert en Guadeloupe pour être rapproché de sa famille.

    Centre Pénitentiaire de Lannemezan, rue des Saligues, 65300 Lannemezan,  Standard : 05.62.50.13.20.

    Direction de l’administration pénitentiaire, 13 place Vendôme 75042 Paris Cedex 01

     

    Maison d’arrêt de Fleury-Mérogis,

    le 14 mars 2016

    Ma vie de taulard

    J’avais 16 ans la première fois que je suis tombé pour violence avec arme et vol à main armée, et vu que j’étais mineur j’ai pris huit mois de prison. En prison, j’ai été obligé de me battre pour ne pas me laisser marcher dessus et me faire racketter. Quand je suis sorti, je suis resté quatre mois dehors et j’ai repris trois ans pour vol à main armée et violence. J’en ai fait cinq parce que j’ai pris des peines intérieures pour des bagarres : ils m’ont envoyé avec les majeurs, et là c’était la jungle, la violence a été de plus en plus forte, et je me suis retrouvé au quartier d’isolement (QI).

    Quand j’ai été libéré, au bout de deux mois dehors, mon frère Eddy a eu un problème avec un gars et la police l’a arrêté. Ils ont commencé à le frapper à coups de pied alors qu’il était à terre avec les menottes, et ça je ne l’ai pas accepté. J’avais un couteau, j’ai foncé sur la police, dans le fourgon, et j’ai blessé un policier. Là, j’ai pris une balle à l’épaule gauche et ils nous ont mis en prison pour tentative de meurtre sur la police et violence en réunion. Moi, ils m’ont mis en isolement direct, alors que j’étais blessé par balle, et ils ont mis mon frère au quartier normal. Pour cela, au total, j’ai pris onze ans et mon frère a fait six mois tout seul. Je suis sorti en 2010 et j’ai fait dix jours dehors avant de tomber pour vol à main armée et violence avec arme parce que j’ai tiré sur un docteur psychiatre du CHU de Pointe-à-Pitre. J’ai pris huit ans pour cela, et après un mois, suite à une bagarre avec un détenu, le directeur m’a placé à l’isolement.

    En 2011, le 8 août, ils m’ont transféré de force en France, à Fresnes, loin de ma famille, et par la suite à la centrale de Saint-Maur. Là, mon calvaire a commencé, avec le racisme… Alors que j’étais aux arrivants, j’ai demandé à un surveillant de regarder sur l’ordinateur si un mandat que mon père m’avait envoyé était arrivé. Ils m’ont envoyé balader en me disant qu’ils n’avaient pas le temps : c’est parti en bagarre, ils m’ont roué de coups de poing et de pied, puis jeté au mitard comme un chien en me traitant de sale nègre, de sale macaque, et en me disant qu’ils allaient me tuer. Pour cela, j’ai pris deux ans de prison, et j’ai été jeté au QI dans une cellule sans armoire et sans chaise. Dans la cellule, il y a une trappe par laquelle on me donnait à manger sur le sol comme à un chien, et pour tous mes déplacements, ils étaient casqués et avaient des boucliers.

    J’ai commencé le tour des QI et j’ai atterri à la centrale de Clairvaux où le directeur m’a mis au QI et au mitard sans raison. Le 17 septembre 2012, alors que j’étais au mitard, ils sont venus me dire avec un grand sourire que mon père était mort. Je leur ai demandé si je pouvais aller à l’enterrement, et comme ils m’ont dit non, j’ai frappé avec une grande rage, et j’ai pris quinze mois. Et j’ai recommencé les tours de QI pour atterrir au QMC (quartier maison centrale) de Réau. Quand j’ai eu un contact avec une détenue, on a demandé un parloir interne que le directeur a refusé, alors qu’il l’avait accepté pour un autre détenu : j’ai pété les plombs sur un surveillant avec qui j’avais déjà eu un problème et j’ai pris un an de prison. Et j’ai recommencé les tours des QI…

    J’ai atterri à Lannemezan : il y avait une trappe à la porte de ma cellule, les matons étaient casqués et avaient des boucliers, et pendant quatre mois, j’ai été menotté pendant tous mes déplacements et traité comme un chien. Après, ils m’ont transféré à Condé-sur-Sarthe dans un QHS (quartier haute sécurité) où j’ai rencontré Rachide Boubala. Nos conditions de détention ne nous plaisaient pas : pas d’activité, pas de travail, les matons qui parlaient mal aux détenus… On a donc décidé le 30 décembre 2013 de faire une prise d’otage dans la salle d’école qui se trouvait au socio. On a pris le surveillant en otage pendant près de cinq heures, et à 1h30 du matin, les cagoulés nous ont transférés, moi à Rennes et Rachide à Rouen, au QI.

    Quand je suis arrivé, il n’y avait rien dans la cellule, pas de matelas, pas de produits d’hygiène, pas de télé; rien, quoi. A 8 heures du matin, les matons ouvrent la porte, je leur demande de quoi me brosser les dents, et ils me répondent : « Tu vas payer pour la prise d’otage du collègue à Condé » ; c’est parti en bagarre; ils m’ont roué de coups de poing et de pied, et, avec les casques et les boucliers ils m’ont jeté au mitard pendant trois mois, menotté. Je ne pouvais même pas aller au téléphone pour appeler mon frère en Guadeloupe, et j’étais traité comme un chien lors des repas qui étaient jetés à terre par la trappe. Par la suite, j’ai recommencé les tours des QI pour atterrir à la centrale d’Arles où j’ai encore subi le racisme, et où tout ce que je demandais était refusé par la directrice : le sport, les activités comme le cheval, le travail. J’avais un régime spécial pour mon repas: à chaque fois, il manquait ma barquette. Ca a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase : le matin du 2 décembre 2014, j’ai tenté une prise d’otage…

    J’attends mon procès pour tentative de prise d’otage et agression avec arme. Le tour des QI a recommencé, et j’ai atterri au QI de Vendin-le-Vieil. Au bout de quatre mois, le directeur me dit : « Comme vous êtes arrivé au mois de mars 2015, vous sortirez le 15 septembre 2015. » Le 8 septembre au soir, le sous-directeur me dit que je ne sors plus le 15 septembre mais le 15 novembre, vu ma dangerosité. Je n’ai pas dormi de la nuit et j’ai décidé que le 9 septembre au matin, je prendrais le directeur en otage pendant quatre heures dans la salle d’audience, parce ce qu’on m’a pris pour un con et un rigolo; j’ai donc pris six ans de prison.

    Je ne crois plus à aucune parole d’aucun directeur de l’administration pénitentiaire.

    Je suis rentré pour une peine de huit ans et je me retrouve à devoir faire trente-quatre ans de prison parce que je veux rentrer chez moi en Guadeloupe, voir ma famille et surtout mon frère Eddy, pour ne plus subir le racisme, la méchanceté et la persécution des matons… La preuve, c’est que cela fait cinq mois que je suis au QI de Fleury-Mérogis en MAH (maison d’arrêt des hommes), alors que j’ai une peine de centrale.

    Je tiens à remercier l’Envolée pour le travail qu’ils font pour les détenus. Courage et force,

    Boromée Fabrice

     

    Solidarité

    avec Fabrice Boromée

     

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  • Emission du 12 février 2016

    • Infos : pétition pour Stéphane Tomasini ; une avocate subit une fouille abusive à la prison de Villefranche
    • Téléphone : Benoît David, avocat de Fabrice Boromée – retour sur le procès en appel à Douai
    • Article sur Jamel Leulmi
    • Lettre de soutien à Kamel Bouabdallah
    • Téléphone : Rosa du collectif Kamelibre + Radio Passe Muraille – Marseille
    • Brèves : Tire de Flash-Ball sur un gamin à Ivry-sur-Seine ; Bilal et Zahra Kraiker tabassés par les flics à Pantin

    Musiques : Billie Brelok – Bâtarde ; R.E.P. et Kd’conscience – Resistance ;  3ème Relève et Movez Lang – On oublie pas ; MF Doom – That’s that


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  • Prise de parole de Fabrice Boromée, quelques jours avant son procès au tribunal de Béthune le 16 octobre

    Procès de Fabrice Boromée

    vendredi 16 octobre 2015 14H au TGI de Béthune (62)pb

    Courrier envoyé à L’Envolée le 21 septembre 2015 :

    « Je suis arrivé en métropole le 8 août 2011. J’ai été transféré de force loin de ma famille.

    Je n’ai pas de parloir parce que toute ma famille est en Guadeloupe. A la base, j’étais condamné à huit ans de prison, et là je me retrouve avec vingt-huit ans de prison à cause des agressions et des prises d’otage, tout ça parce que je veux rentrer chez moi.

    J’ai pris en otage le sous-directeur de la prison de Vendin-le-Vieil parce que le 8 septembre 2015 il m’apprend que je ne sortirai pas de l’isolement au mois de septembre comme convenu, mais au mois de novembre. Cela faisait neuf mois que j’étais à l’isolement, à souffrir des méchancetés des surveillants : lors des rondes de nuit, ils frappent à la porte afin de me réveiller et laissent la lumière allumée, et ils rigolent devant la porte.

    C’est pour cela que j’ai fait la prise d’otage le 9 septembre 2015. Mon avocat Me David peut vous le confirmer, il a fait de son mieux pour que ça s’arrête, et tout ce que je veux, c’est rentrer chez moi en Guadeloupe pour voir mes proches. Je suis en attente du procès pour la prise d’otage de Vendin-le-Vieil.

    J’ai fait plusieurs demandes de transfert au ministre de la justice pour rapprochement familial. Tout a été refusé et je ne sais plus quoi faire pour me faire entendre […]

    Mes salutations, Fabrice Boromée. »

     

    Le 9 septembre, Fabrice Boromée a retenu le sous-directeur de la prison de Vendin-le-Vieil. Celui-ci ne s’est pas constitué partie civile contre Fabrice Boromée parce qu’il dit n’avoir subi aucune violence. Tout comme Cyrille Canetti, psychiatre qui avait été retenu par Eric Dorffer à la prison de la Santé et qui était venu témoigner en sa faveur lors du jugement en juin 2013.

    Le 30 décembre 2013, Fabrice Boromée avait déjà « pris en otage » un surveillant de la prison de Condé-sur-Sarthe et il avait été condamné à huit ans de prison. Comme il l’écrit dans sa lettre, Fabrice Boromée, cumule vingt années de prison pour des faits survenus en détention, comme ces « prises d’otages » qu’il fait pour exiger son rapprochement familial. Il ne comprend pas pourquoi l’administration pénitentiaire lui refuse le droit de garder des liens familiaux.

    Fabrice est classifié par l’administration pénitentiaire comme un détenu particulièrement signalé (DPS), c’est-à-dire « dangereux ». La prison de Vendin-le-Vieil, comme celle de Condé-sur-Sarthe, sert à enfermer les prisonniers condamnés à des peines qui sont quasiment des perpétuités. Qui pourrait se résoudre à rester en prison à vie ?

    Cette situation est celle de beaucoup de prisonniers : d’un côté les peines prononcées par les cours correctionnelles ou d’assises sont toujours plus longues, de l’autre les juges d’application des peines veillent à ce qu’elles soient exécutées. Les demandes de transfert, permissions de sortir, libérations conditionnelles, etc. sont à la baisse depuis quelques années : loin de permettre de sortir, la politique d’aménagement des peines prolongent le plus longtemps possible la durée de la détention Les prisonniers doivent attendre des mois pour obtenir ne serait-ce qu’une entrevue qui se conclut très souvent par un refus. Il ne leur reste pas grand-chose d’autre que la force pour se faire entendre, et ce sont des gestes difficiles, qui leur valent de nombreuses années de prison supplémentaire. Un cercle vicieux duquel il est très compliqué de s’échapper.

    Récemment, un journaliste a écrit que, avec son geste, Fabrice Boromée aurait « obtenu son transfert  ». Faux : il a juste obtenu de quitter provisoirement une des prisons les plus sécuritaires pour atterrir au fond du quartier disciplinaire de la prison d’Annœullin. Rien à voir avec le rapprochement familial qu’il revendique depuis 2008.

    L’Envolée, le 13 octobre 2015

    Contact presse : L’envolée, 43 rue de Stalingrad, 93100 Montreuil/ www.lenvolee.net / contact@lenvolee.net / Twitter : @anticarcéral

  • Emission du 11 septembre 2015

     

    • Texte de Catherine
    • Prise de parole – Fabrice Boromée
    • Téléphone – l’avocat Benoît David
    • Texte – coup de gueule – famille de détenu
    • Téléphone – femme de détenu
    • Surveillant pervers
  • Emission du 27 mars 2015

    • Prise d’otage
    • Lettre de prisonniers corses
    • Lettre d’Hafed
    • Isolement pour les prisonniers « musulmans radicalisés »
    • l’ARPPI, Sylvie, etc…
    • Infos en vrac (Vendin-le-Vieil, Jessica Girault, feu de cellule…)
  • A propos de Rachide Boubala : « preneur d’otage » à Condé-sur-Sarthe « pour que ça change pour les longues peines »

    Rachide Boubala est un prisonnier longue peine âgé de 37 ans. Sa date de libération est 2038. Pas de peine d’assises mais une série de condamnations en correctionnelle non compressibles, accumulées du fait même de son incarcération et qui lui valent « un CDI avec l’administration pénitentiaire et la moitié de l’année passée au cachot » explique Catherine sa compagne. En effet, il n’a cessé de se révolter contre la routine carcérale, l’arbitraire des matons et les régimes de détentions inhumains supportés. En réponse, les tribunaux condamnent Rachide à des peines supplémentaires sur la base des déclarations de surveillants souvent soufflées ou amplifiées par leurs amis des Syndicats. Quant à l’AP, elle balade Rachide de prison en prison depuis 1997, pour une tournée de 86 établissements à ce jour. La seule dans laquelle l’AP évite de le remettre depuis deux ans, c’est précisément celle que Rachide souhaiterait intégrer pour être proche de sa compagne. (suite…)