en compagnie d’AC/DC, prisonnier longue peine en attente d’une libération conditionnelle…

Le descriptif très détaillé et très informatif qui suit est paru dans le numéro d’hiver du journal ; le courrier datant d’octobre 2013. Ecrit par AC/DC, « prisonnier longue peine en attente de libération conditionnelle », ce texte constitue un rapport précieux sur la très moderne prison de Réau. Les amis et correspondants du journal qui y sont passés ou qui y passent ne se comptent plus : Christine Ribailly, y a séjourné récemment avant d’être transférée à Rennes (où sa détention est, semble-t’il, un peu moins dure) ; Kaoutar Chtourou n’en peut plus d’y attendre la réponse pour sa demande de conditionnelle (elle ne quitte plus le régime fermé depuis des mois et enchaîne les période de « confinement » en cellule ; on peut d’ailleurs lire Solidaires de notre amie Kaoutar, une combattante dont l’AP se venge) ; quand à Philippe Lalouel, il est actuellemnt dans les mains des experts en blouse blanche du CNO (Centre national d’observation) situé à Réau aussi, pour qu’ils statuent sur sa « dangerosité » afin de l’orienter vers une affectation..(il espère sanstrop y croire un rapprochement familial). Avant de publier des courriers plus récents de tout le monde (sur le site et dans le numéro 39 du journal qui paraîtra en juin), nous pouvons lire ou relire, cette visite guidée par AC/DC, de cette « prison moderne de merde », pour reprendre la classification établie par Philippe.

Octobre 2013
Prenons un sujet au hasard pour commencer: l’UCSA
L’UCSA (unité de consultation et de soins ambulatoires) est une unité de soins dépendante du ministère de la santé. Cette unité a énormément de mal à se mettre en place. Pour souffler sa première bougie, Réau s’est mise en grève par l’intermédiaire de l’UCSA.
Cette grève qui a duré plus d’un mois (le Parisien du 20/10/2012) a débouché sur le départ de l’infirmière en chef, une femme très dynamique, du seul infirmier en poste à cette période, de trois infirmières et d’un excellent médecin. Pour l’heure, une partie du personnel soignant a été remplacé; il reste un seul médecin généraliste à temps complet, un poste fixe de médecin est toujours vacant, remplacé au coup par coup par des médecins du CHU de Melun. Ils sont certainement compétents et pleins de bonne volonté, mais ils ne connaissent ni leurs patients ni leurs dossiers. Tous les trois mois les ordonnances doivent être réactualisées. Le médecin en place n’a pas de problème avec ça, quant aux médecins de substitution, n’ayant ni le temps ni les moyens de recevoir en consultation la moitié de la population pénale, soit ils reconduisent les traitements, soit les coupent sans avoir ni vu ni entendu les personnes intéressées. De toute façon, lorsque l’on rencontre ces gens-là, c’est pour les entendre gémir sur leur sort, d’être là contre leur gré, etc. Les soins dentaires, la kiné et les soins ophtalmologiques sont pratiquement inexistants. Les salles d’attente (pour les personnes malades) n’ont ni eau, ni toilette, et pire encore, ni fenêtre, ni système d’aération, ce qui est totalement illégal. Là, on peut y séjourner de quelques instants à quelques heures…

Les relations avec la direction
Les relations avec la direction sont pratiquement inexistantes. Des cloisonnements sont mis en place, les seules relations possibles sont celles avec les gradés ou le chef du bâtiment… Ne reste que le forcing collectif, blocage des coursives pour se faire entendre…

Le chef de la détention
Une partie importante des problèmes est due à l’incompétence avérée du chef de la détention. Jamais on ne le voit au contact de la population pénale dont il se fout du reste du quart comme du tiers. Au dire de ses collègues, il serait à l’origine du départ de certains personnels, dont un médecin de l’UCSA. Il jouerait le matamore auprès du personnel féminin. Il porte une double casquette, puisqu’il possèderait une boîte de sécurité non loin de l’établissement pénitentiaire. C’est un parasite qui n’a rien à foutre ici… Oust!

Le personnel
Le personnel est pour une grande partie de passage. Ce sont en majorité des stagiaires qui attendent leur titularisation pour demander leur changement d’établissements. Les premières équipes de gradés ont très vite fait d’abandonner le navire. Il y a un surveillant pour deux ailes, pendant la pause (pipi, cigarette, café…), le briefing, le débriefing, pas de surveillant à l’étage. En cas de problème, qui sera responsable?

Les Spip (service pénitentiaire d’insertion et de probation)
Ce service fonctionne au ralenti; il faut dire qu’ils sont peu nombreux et que les dossiers à traiter s’amoncellent. Cette réalité recule l’espoir de voir nos situations examinées et nos possibilités de sortie, même sous contrainte, de se réaliser. Pour des prisonniers qui attendent, attendent depuis de longues, très longues années, cela ne peut qu’envenimer les relations. Le greffe est tributaire du Spip pour le montage des dossiers, cela entraine des retards considérables, sans compter d’inexplicables disparitions de documents. De plus, ils jouent sur le côté «assistante sociale aidante» alors qu’ils sont les assistants zélés des juges d’application des peines, des procureurs, des moralistes. Ils ne sont que des délégués intérieurs de l’institution répressive!

La structure de Réau
Réau est composée d’un bâtiment arrivants, de trois bâtiments CD (centre de détention) pour les longues peines, dont un pour les femmes, d’une centrale de haute sécurité, d’un centre scolaire, d’un gymnase très polyvalent, d’un quartier disciplinaire et d’un quartier d’isolement, et d’un bâtiment CNE (centre national d’évaluation). Il y a également des parloirs familles et avocats, d’une UAT («Unité accueil et transfert»), d’une unité de vie familiale (UVF) comportant cinq appartements, un vestiaire où sont entassés les vêtements et les objets que l’on ne peut emmener en cellule (objets interdits à Réau, mais souvent vendus dans les autres établissements pénitentiaires).

Le sport
Le terrain de sport et les cours de promenade n’ont pas d’abris en cas d’intempéries. Réau est une prison à gestion mixte (public/privé) où la maintenance est assurée par Thémis, qui en fait le minimum pour gagner un maximum: les tuyauteries des toilettes et des lavabos, qui ont gelé cet hiver, ne sont toujours pas remises en état. Les salles de musculations sont trop étroites. Les séances se font par groupe de dix personnes, elles sont encadrées et durent une heure, mais le manque de matériel nuit à leur bon déroulement. Il faut s’inscrire à la séance, et tout inscrit a l’obligation d’y assister. Après trois absences la radiation est automatique. Là aussi l’administration ignore le facteur humain.

La détention en régime CD
Elle comporte, pour ce que nous en connaissons, trois régimes différenciés: au rez-de-chaussée le régime est dit «encadré». Aux premier et deuxième étages il est « intermédiaire », et au troisième il est «à responsabilité». Les conditions de détention changent en fonction de notre comportement, nous pouvons être sans cesse déclassés. Le fait d’avoir différentes conditions de détention dans un même bâtiment crée forcement des inégalités, des conflits.
Le régime «encadré» est prévu pour les personnes repérées par l’administration comme récalcitrantes au système, ayant des problèmes en détention ou venant d’arriver dans l’établissement. Les portes des cellules sont fermées toute la journée. Les repas sont pris en cellule. Les promenades ont lieu deux fois par jour; le matin et l’après-midi. Possibilité de faire du sport une heure deux fois par semaine. Les activités sont très limitées. C’est un régime de maison d’arrêt, absolument pas adapté pour des longues peines, une véritable régression, un scandale. Dans le régime «intermédiaire» les portes des cellules sont fermées le matin jusqu’à 13h15. De 13h15 à 19heures, les prisonniers peuvent circuler dans l’aile, avoir accès à la «salle convivialité» (jeux d’échecs, cartes, scrabbles…) et aux «activités encadrées» (sportives, scolaires, stages non rémunérés, travail pour ceux qui peuvent en avoir un). Dans le régime «à responsabilité» les portes sont ouvertes à partir de 7h30. Sport, promenade certes, mais ennui assuré. On reste confiné dans une aile, on ne peut même plus aller dans l’aile d’en face. De 12h30 à 13h15 fermeture des portes, donc repas pris seul(e)s, et rebelote pour l’après-midi, y compris l’ennui. Comme il n’y a que des monte-charges, pas prévus pour les personnes, les invalides sont forcément en régime encadré.

Travail et stages
Le travail est placé sous la tutelle de Thémis, mal payé ou pas du tout. De toute manière rarement payé en temps et en heure. Le taux horaire avoisine les 2,5 euros, ce qui suffit à peine à subvenir aux besoins d’une personne. Quand un prisonnier ne reçoit aucune aide de l’extérieur, il ne peut pas payer les parties civiles ou les amendes, ce qui est une condition sine qua non pour pouvoir prétendre aux remises de peine supplémentaires et aux libérations conditionnelles. Preface, l’organisme qui a en charge la gestion des stages de formation sur toute la France, est un autre escroc patenté. Ils ne respectent pas leurs engagements auprès des détenus inscrits à leurs formations. Sous des prétextes fallacieux, les stages sont non-rémunérés alors qu’à la signature du contrat il était stipulé que les personnes devaient être payées. Thémis et Preface sont une association de malfaiteurs –paradoxalement en charge de préparer notre réinsertion.

Les Unités de vie familiale
Elles sont attribuées de façon arbitraire. Il n’y a que cinq appartements pour 700personnes (femmes comprises). L’état des appartements est déplorable; meubles cassés, toilettes et lavabos sales. La gestion des UVF est laissée à l’abandon.

Thémis et la cantine
Au début, les cantines disparaissaient lors de la distribution, les cantines de l’un étaient livrées à un autre, une véritable chienlit. Cela c’est un peu calmé après un an de fonctionnement. Maintenant, ce que nous pouvons reprocher à ce service, ce sont ses prix prohibitifs: les produits frais sont inabordables, les pommes sont à 4,60euros le kilo, les poivrons à plus de 5euros le kilo… Où sont les fameux produits à prix coûtant? Il paraît, à ce qu’ils disent, qu’il y aurait 200 à 250produits vendus dans les cantines des prisons à prix coûtant… Où sont-ils donc? Les produits proposés sont de qualité médiocre et leur goût insipide. Leurschangements de marque vont vers des produits toujours plus bas de gamme, toujours plus bas dans la qualité. Leur prix augmente au hasard, sans raison. Le profit étant leur seul motivation, on se demande jusqu’où ils sont capables d’aller. Sommes-nous des sous-hommes ou des sous-femmes pour nous servir une telle merde?

Cuisine
Qu’est devenue la cuisine qui nous était servie à l’ouverture de Réau? Les plats étaient corrects et variés. Nous avions même la possibilité de choisir des pains différents; son, complet, seigle… Tout cela a vite disparu au profit d’une gamelle de bas étage que l’on ne donnerait pas à un chien de peur qu’il ne nous morde. Certains parlent de nourriture décongelée puis recongelée. Qu’un particulier agisse de la sorte, cela ne regarde que lui, mais en collectivité cette façon de faire est irresponsable et peut déboucher sur des intoxications. Nous invitons Thémis et la direction de Réau à venir partager notre gamelle…

AC/DC

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