Une lettre et un poème qu’on a reçu de la maison d’arrêt de Caen qui décrivent les mêmes horreurs quotidiennes que doivent y subir les prisonniers. On les avait lues et discutées dans l’émission du 7 octobre 2022 (à réécouter ici). On peut lire ici le texte qu’avait fait sortir des prisonniers de cette taule il y a un an pour rendre hommage à Youssef, mort entre ces murs, et auquel il est fait référence dans la première de ces lettres. On y lit aussi un petit aperçu de la censure du dernier numéro du journal et du prétexte qu’elle a offert aux matons pour mettre la pression. On sait que c’est bien la merde dans toutes les maisons d’arrêt mais ça fout quand même bien les boules de lire les abus quotidiens de la matonnerie. Force et courage à eux !
3 juillet 2022, MA de Caen
Gros big up à l’Envolée !
J’écris depuis la maison d’arrêt de Caen (Duparge), l’omerta carcérale fait loi ici, comme dans la majorité des prisons en France. Mais ici on est un peu plus gâtés, laissez moi vous en raconter quelques-unes:
- Les suicides, les matons fachos-fachés qui y poussent. On oublie pas le poto Youssef mort au 3ème étage du bâtiment Grande Galerie qui a été poussé à bout!
- Des parloirs sans boxes ni séparation. Aucune intimité pour les familles, les tables sont espacées de 50cm entres elles, on doit gueuler pour s’entendre, surveillés par une matonne de des caméras.
- On a ni UVF ni parloirs familiaux pouvoir profiter de nos proches avec un minimum d’intimité.
- Les matons qui ouvrent les fenêtres des coursives pour fumer, les pigeons entrent. Les coursives et les escaliers sont couverts de merde de pigeon. Il y en a partout, pratiquement jusque dans la gamelle!
- Des cours de promenade dégueulasses, avec un robinet pour tout le monde avec un mini filet d’eau calcaireuse imbuvables quand elle n’est pas coupée.. Un pissoir par promenade surveillé par caméra, toujours bouché. Les auxiliaires font avec les moyens du bord et se retrouvent à devoir les vider avec une éponge et un seau, c’est inhumain.
- Pas de frigo parce que l’installation électrique est vétuste, on a droit de cantiner une glacière électrique (49.99 euros) pour ceux qui en ont les moyens!
- L’ouverture des cellules à des heures pas possible pour les fouilles. Parfois c’est à 23h et quand ça leur dit ils le font à 6h du matin.
- Les cabines téléphoniques sont tout le temps en panne et fonctionnent à moitié quand elles ne le sont pas.
- Les bâtiments aux normes de 1945, la mentalité des matons date visiblement de la même période. Il n’y a que l’uniforme qui change.
Et puis comme dans d’autres prisons, la censure du journal du mois de juin… Arrivée un peu tardivement ce qui nous a permis tout de même de lire l’article de Libre Flot. Mais voilà, mi-juin la censure est tombée et une fouille a été demandée pour chaque détenu abonné. Quelle belle surprise de rentrer de promenade et de voir la cellule retournée, comme s’ils cherchaient un portable ou des stups! Mais merde vous êtes si dangereux que ça les potos ? Lol.
J’ai su par ma femme que d’autres prisons ont suivi, que les censures étaient tombées. Ça vient de la CGT pénit’ ?
C’est dommage qu’ici on capte pas l’émission de radio. Alors on verra pour le prochain journal si on finit pas tous au mitard.. LOL
3 juillet 2022, MA de Caen
Je dis bonjour à l’Envolée
Je voudrais qu’vous m’épauliez
Je vais tout vous raconter
Ça m’fait pas rigoler
Oui ça nous sert la gamelle
Oui ça nous prend pour des chiens
Et t’as pas vu les matons
Ils font les fachos toute l’année
Moi j’ai bien analysé
Eux ils n’aiment pas les arabes
J’me rappelle j’ai cantiné
Et ils ont enlevé tout mon rabe
J’avais pris des Malboro
Et beaucoup de Philip Morris
Ils m’ont dit que c’était trop
Je ne m’appelle pas Boris
Et attends y’a la promenade
Où y’a vraiment rien à faire
Nous on fabrique des ballons
Pour le moment ça fera l’affaire
Si jamais tu veux pisser
Dans la promenade le pissoir
La vie d’ma mère c’est bouché
Et c’est vraiment dérisoire
Oh putain le robinet
Qui s’trouve à l’opposé
Moi j’ai connu des chaleurs
Où il nétait pas allumé
Moi j’avais ma bouteille d’eau
Je pouvais pas la descendre
Ils sont vraiment déterminés
Ils veulent nous réduire en cendre
Car ceci n’est pas le pire
Ils veulent nous faire peur
Et y’en a pour qui ça marche
Je remonte de promenade
Des pigeons dans l’batiment
Et ça nous sert la gamelle
Accompagnée de leurs excréments
(Texte non fini pour l’Envolée. Je vous l’envoie dans l’urgence des conditions de détention que nous subissons)
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