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  • Tribune pour dénoncer l’impact des mesures d’assignation à résidence en France

    Tribune pour dénoncer l’impact des mesures d’assignation à résidence en France

    Nous relayons ce communiqué diffusé à l’occasion du 10 décembre, la « journée internationale des droits de l’homme ». Le livre de Kamel Daoudi, « je suis libre, dans le périmètre que l’on m’assigne », est dispo par ici. (gratuit pour les enfermé·e·s, contactez-nous !)


    En cette journée internationale des droits humains, cette tribune souhaite dénoncer l’impact sur sur tout un chacun, des mesures d’assignation à résidence prises par les autorités françaises au travers de la situation individuelle paroxystique de Kamel Daoudi, assigné à résidence et obligé de pointer plusieurs fois par jour au commissariat depuis maintenant plus de 14 ans.
    Ces privations lui interdisent la possibilité de travailler et de vivre normalement avec sa famille, le plongeant ainsi dans une situation de précarité économique et sociale évidente. Nous dénonçons ce qui apparaît très clairement comme un régime de privation de liberté constitutif d’une atteinte à l’état de droit.


    Cet état de privation de liberté a été soumis à la discrétion de l’autorité publique, sans limite dans le temps, ni intervention du juge de la liberté et de la détention (JLD). En somme, Kamel Daoudi pourrait rester sous ce régime de privation de liberté jusqu’à la fin de sa vie.
    Condamné pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste en France pour un projet qui lui a été imputé qu’il a toujours contesté, il a purgé sa peine de prison, et reste pourtant sous le coup d’une interdiction définitive de territoire français inapplicable. Une privation de liberté contrôlée par l’administration sans limite de temps.
    Ce genre de cas permet à l’administration de priver ou restreindre la liberté de personnes de manière illimitée dans le temps.


    Kamel Daoudi déchu de sa nationalité française en 2002 est considéré par la France comme un étranger mais ne peut pas expulsé du territoire, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) ayant donné suite à la requête de M. Daoudi en prononçant l’impossibilité pour la France de l’éloigner vers l’Algérie (son pays de naissance qu’il a quitté à l’âge de 5 ans).


    En effet, M. Daoudi y risque des traitements dégradants et inhumains au sens de la convention européenne des droits humains. Par ailleurs, toute sa famille réside en France et il n’a plus aucune attache avec son pays de naissance depuis plus de 42 ans. Kamel Daoudi est donc assigné à résidence administrative depuis le 25 avril 2008, subissant l’application d’un régime d’exception permettant à l’administration, sans aucune intervention du JLD, « jusqu’à ce qu’existe une perspective raisonnable d’exécution de [son] éloignement. » (L.561-1 du CESEDA).
    Cette « perspective raisonnable d’exécution de son éloignement » n’étant pas possible au vu de la décision de la CEDH, cela confère à ce régime d’assignation à résidence un caractère perpétuel.
    Kamel Daoudi pourrait donc rester jusqu’à la fin de sa vie dans ce régime de privation de liberté. Une décision prise sur des motifs flous à interprétation large.

    Cette décision d’assignation à résidence repose sur le CESEDA (Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile) et s’appuie sur la notion de « trouble à l’ordre public », une notion à très large spectre d’interprétation et potentiellement arbitraire.


    Amnesty international dénonce depuis des années l’assignation à résidence de Kamel Daoudi, alors que la justice n’a plus rien à lui reprocher. Cette situation porte atteinte à ses droits fondamentaux, y compris son droit à travailler ou son droit à la vie privée et familiale.Cette situation est en outre maintenue par le ministère de l’intérieur maintenant Kamel au milieu d’enjeux politiques dépassant largement sa personne.
    Plus largement, cette notion de « trouble à l’ordre public » peut tout à fait, selon les interprétations s’appliquer à des militant.e.s œuvrant contre les intérêts du gouvernement en place. La frontière est fine pour que les motifs fondant l’application de ces régimes de privation de libertés soient applicables à d’autres situations pouvant être jugées par l’autorité publique comme risquant de troubler l’ordre public.


    L’assignation à résidence n’est pas le seul dispositif de contrôle et de surveillance, elle fait partie d’un arsenal juridique répressif qui va de la perquisition administrative, jusqu’à l’interdiction de paraître dans certains lieux.
    Des exemples récents nous l’ont encore montré, des décisions de ce type ont été prises contre des militants écologistes lors de la COP 21, des syndicalistes ou encore des supporters de football.
    Une décision qui s’inscrit dans un mouvement d’intégration des régimes d’exception dans le droit commun.


    Plusieurs régimes d’exception ont été mis en place ces dernières années et ceux-ci ont donné lieu à une transposition de cette législation d’urgence dans le droit commun. L’état d’urgence en réaction aux attentats de 2015 et prorogé plusieurs fois jusqu’en 2017 a permis l’entrée en vigueur de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme reprenant de façon substantielle, ce régime d’exception.


    La situation exceptionnelle et excessive à laquelle sont confrontés Kamel Daoudi et sa famille est devenue la règle pour un ensemble de décisions de privations ou de restrictions de libertés potentiellement applicables à toute personne vivant sur le territoire français, étrangère ou française.


    * * *


    Nous dénonçons donc à travers cette situation l’ensemble des atteintes à l’état de droit produit par la délégation de l’exécution des peines à l’autorité publique. Par son lien étroit avec les enjeux politiques, l’autorité publique ne peut être en aucun cas garante d’une justice équitable.
    Nous considérons que l’assignation à résidence est une privation de liberté et qu’une personne sous le joug d’une telle décision doit être en mesure de voir les conditions de cette privation, contrôlées par le Juge des Libertés et des Détentions.
    Nous dénonçons l’ensemble des dérives juridiques de la lutte contre le terrorisme, imprégnant les personnes d’une tache indélébile de nature à justifier toute forme d’atteinte à leurs libertés fondamentales.


    Nous dénonçons l’entrée dans le droit commun et la massification de ces décisions privatives de libertés souvent basées sur le principe flou de « trouble à l’ordre public » de plus en plus appliquées à n’importe quelle personne française ou étrangère exerçant des droits fondamentaux comme celui de manifester et bien d’autres.


    Collectif de Défense des Libertés Publiques
    France, le 10 décembre 2022

  • Deuxième communiqué des détenus de semi-liberté de Rennes

    Deuxième communiqué des détenus de semi-liberté de Rennes

    Vendredi, nous avons reçu ce deuxième communiqué des prisonniers du quartier semi-liberté de Jacques Quartier à Rennes: ils ne peuvent toujours pas avoir accès aux douches, faire la vaisselle ou boire. Le directeur de Rennes-Vezin a toujours une bonne excuse pour ne pas venir donner des explications, notamment au sujet de leur exposition à des bactéries.

    Depuis le 23 Novembre, il n’y a plus d’accès à l’eau dans les quartiers semi-liberté de Rennes. 
    Il n’y a plus de douche. On nous demande de prendre des douches aux bains douches de Rennes pendant les permissions mais ça ne correspond pas forcément avec les horaires de permission. Sinon, les surveillants nous propose d’aller prendre des douches sous la pluie. Tous les détenus n’ont pas la possibilité de se doucher. La majorité des détenus n’ont pas de sortie le week-end, 2jours sans se laver. On nous donne deux bouteilles d’eau par jour : une pour boire et une pour la toilette. A nous de gérer notre consommation ensuite. 
    On ne peut pas non plus tirer la chasse d’eau, ni faire notre vaisselle. 
    
    Par rapport à cette coupure, on ne nous dit pas grand-chose. La spip n’en sait rien, les surveillants ne disent rien. On nous a quand même parlé d’une bactérie. Il devait y avoir une intervention sur les conduits, visiblement ça a été reporté au 6 décembre. Lundi, un détenu est allé à l’hôpital, il avait utilisé l’eau. Il est revenu depuis. Nous aimerions bien savoir quelle bactérie il y a dans cette eau. 
    
    Le directeur de Vezin devait nous rencontrer individuellement mercredi. Nous l’avons attendu mais il n’est pas venu. On nous a dit qu’il y avait une urgence à Vezin. Nous sommes toujours dans l’attente.
    
    Aux vues de la situation, avec des conditions de détention qui ne sont pas optimales, le mieux serait de libérer les détenues en fin de peines de donner des réductions de peine exceptionnelles et des libérations anticipées pour des raisons sanitaire, comme ça a pu être fait pendant la pandémie de Covid-19. On demande aussi que des aménagements soient donnés a ceux qui ont des adresses. 
    
    Les colis de noël ont finalement été acceptés, mais seulement du 22 au 26.
  • Émission spéciale avec Aurélie Garand, pour son livre « Depuis qu’ils nous ont fait ça… »

    Émission spéciale avec Aurélie Garand, pour son livre « Depuis qu’ils nous ont fait ça… »

    Émission de l’Envolée du vendredi 25 novembre 2022
    • Rencontre avec Aurélie Garand, autrice de « Depuis qu’ils nous ont fait ça » qui est sorti en librairie le jour de l’émission ! Son frère Angelo a été abattu par le GIGN pour ne pas avoir réintégré la prison après une permission de sortie d’une journée au titre du « maintien des liens familiaux », le combat judiciaire a été vite balayé, mais Aurélie continue à se battre « pour les vivants » ! Dans son livre, elle décrit l’engrenage carcéral dans lequel était piégé son frère, tombé dès l’enfance dans les mains de la justice, qui a multiplié les petites peines de prison et n’était plus, aux yeux de l’État, qu’un délinquant, un problème à régler.
    https://www.comite-soutien-vincenzo.org/

    L’Envolée est une émission pour en finir avec toutes les prisons. Elle donne la parole aux prisonniers, prisonnières et leurs proches & entretient un dialogue entre l’intérieur et l’extérieur des prisons. C’est aussi un journal d’opinion de prisonniers, de prisonnières et de proches.

    On manque de forces pour faire tourner l'émission radio comme on le souhaiterait en ce moment : que vous soyez prisonnier·e·s, proches, ou révolté·e·s contre l'enfermement et l'AP n'hésitez pas à nous contacter et à passer le mot !

    Direct chaque vendredi de 19h à 20h30 sur FPP 106.3 en région parisienne et MNE 107.5 à Mulhouse, RKB 106.5 en centre-Bretagne lundi à 22h, Radio Galère 88.4 à Marseille le jeudi soir à 20h30, PFM à Arras et alentours 99.9 mardi à 21h30, Canal Sud 92.2 jeudi à 17h30 à Toulouse, L’Eko des Garrigues 88.5 à 12h le dimanche à Montpellier, Radio U 101.1 le dimanche à 16h30 à Brest, Radio d’Ici 106.6 à Annonay mardi à 21h30 et 105.7 FM & 97.0, à Saint-Julien-Molin-Molette dimanche à 20h et sur les webradios Pikez (dimanche à 11h) et Station Station (lundi à 13h). Podcasts disponibles sur toutes les plateformes !

    Pour nous joindre : 07.53.10.31.95 (appels et textos). Pour écrire : Radio FPP – L’Envolée, 1 rue de la solidarité, 75019 Paris, ou encore à contact@lenvolee.net et sur instagram, twitter, facebook.

    L’abonnement au journal est gratuit pour les prisonniers et les prisonnières. Le numéro 55 est dispo et déjà censuré par l’Administration pénitentiaire ! Raison de plus pour le faire tourner !

    Notre bouquin pour troubler la fête du quarantième anniversaire de la prétendue abolition de la peine de mort est sorti ! Une manière parmi d’autres, que nous espérons nombreuses, de faire entendre quelques voix dissonantes dans l’écœurante auto-célébration du pouvoir.

    Ce livre réunit des paroles de prisonniers, de prisonnières et de proches publiées dans le journal depuis sa création en 2001 qui nous rappellent avec force qu’en réalité c’est seulement la guillotine qui a été supprimée en octobre 1981.

    Il est disponible dans toutes les bonnes librairies et sur la boutique de nos ami·e·s des éditions du bout de la ville.

    Il est gratuit pour toutes les personnes enfermées : écrivez-nous à contact@lenvolee.net pour que nous puissions le faire parvenir à vos proches emprisonné·e·s !

  • Communiqué des détenus de semi-liberté de Rennes

    Communiqué des détenus de semi-liberté de Rennes

    Nous avons reçu ce communiqué des prisonniers du quartier semi-liberté de Jacques Quartier à Rennes: ils subissent une coupure d’eau générale. Aucune explication ne leur est donné sur l’origine de cette coupure et ils s’inquiètent d’avoir été exposé à des bactéries. Ils expriment aussi leur solidarité avec les femmes enfermées aussi à Jacques Cartier.

    Communiqué des détenus de semi-liberté de Jacques Cartier à Rennes, le 24 Novembre 2022.

    Nous avons plus accès à l’eau. Nous n’avons que deux bouteilles d’eau par jour et pas de machine à laver, et les surveillants refusent de nous donner des bouteilles supplémentaires alors qu’on a plus d’eau. La majorité des détenus n’ont pas de sortie le week-end donc aucune possibilité de se doucher. On n’a pas de de chasse d’eau.

    Il y a trois jours, ils nous ont dit qu’on pouvait utiliser l’eau pour les douches et laver les habits, mais pas la boire. Maintenant, ils ont tout bloqué et on a plus le droit d’utiliser l’eau. Ils nous ont filer des adresses des bains-douches publics mais ça convient pas avec nos horaires, surtout qu’on sort pas le week-end. Donc, clairement y’a un problème avec les bactéries.

    Par ailleurs, nous sommes infestés de moustiques et de fourmis, d’humidité, d’insalubrité dans les douches.
    Les femmes de Jacques Cartier n’ont pas non plus d’eau ni de douche. Elles, elles ne sont pas en semi. C’est encore plus grave !

    A ce jour, nous n’avons aucune idée sur la durée de cette galère pour elle comme pour nous.

    Ils nous interdisent aussi les colis de noël avec des raisons bidons.

    Nous demandons le retour des colis de noel, des mesures de réduction de peines exceptionnelles comme pour les mesures covid, un traitement contre les insectes. Nous souhaiterions savoir à quelles bactéries nous sommes en contact.

  • Deux lettres de la Maison d’Arrêt de Caen pour y dénoncer les conditions infâmes d’enfermement

    Deux lettres de la Maison d’Arrêt de Caen pour y dénoncer les conditions infâmes d’enfermement

    Une lettre et un poème qu’on a reçu de la maison d’arrêt de Caen qui décrivent les mêmes horreurs quotidiennes que doivent y subir les prisonniers. On les avait lues et discutées dans l’émission du 7 octobre 2022 (à réécouter ici). On peut lire ici le texte qu’avait fait sortir des prisonniers de cette taule il y a un an pour rendre hommage à Youssef, mort entre ces murs, et auquel il est fait référence dans la première de ces lettres. On y lit aussi un petit aperçu de la censure du dernier numéro du journal et du prétexte qu’elle a offert aux matons pour mettre la pression. On sait que c’est bien la merde dans toutes les maisons d’arrêt mais ça fout quand même bien les boules de lire les abus quotidiens de la matonnerie. Force et courage à eux !

    3 juillet 2022, MA de Caen

    Gros big up à l’Envolée !

    J’écris depuis la maison d’arrêt de Caen (Duparge), l’omerta carcérale fait loi ici, comme dans la majorité des prisons en France. Mais ici on est un peu plus gâtés, laissez moi vous en raconter quelques-unes:

    • Les suicides, les matons fachos-fachés qui y poussent. On oublie pas le poto Youssef mort au 3ème étage du bâtiment Grande Galerie qui a été poussé à bout!
    • Des parloirs sans boxes ni séparation. Aucune intimité pour les familles, les tables sont espacées de 50cm entres elles, on doit gueuler pour s’entendre, surveillés par une matonne de des caméras.
    • On a ni UVF ni parloirs familiaux pouvoir profiter de nos proches avec un minimum d’intimité.
    • Les matons qui ouvrent les fenêtres des coursives pour fumer, les pigeons entrent. Les coursives et les escaliers sont couverts de merde de pigeon. Il y en a partout, pratiquement jusque dans la gamelle!
    • Des cours de promenade dégueulasses, avec un robinet pour tout le monde avec un mini filet d’eau calcaireuse imbuvables quand elle n’est pas coupée.. Un pissoir par promenade surveillé par caméra, toujours bouché. Les auxiliaires font avec les moyens du bord et se retrouvent à devoir les vider avec une éponge et un seau, c’est inhumain.
    • Pas de frigo parce que l’installation électrique est vétuste, on a droit de cantiner une glacière électrique (49.99 euros) pour ceux qui en ont les moyens!
    • L’ouverture des cellules à des heures pas possible pour les fouilles. Parfois c’est à 23h et quand ça leur dit ils le font à 6h du matin.
    • Les cabines téléphoniques sont tout le temps en panne et fonctionnent à moitié quand elles ne le sont pas.
    • Les bâtiments aux normes de 1945, la mentalité des matons date visiblement de la même période. Il n’y a que l’uniforme qui change.

    Et puis comme dans d’autres prisons, la censure du journal du mois de juin… Arrivée un peu tardivement ce qui nous a permis tout de même de lire l’article de Libre Flot. Mais voilà, mi-juin la censure est tombée et une fouille a été demandée pour chaque détenu abonné. Quelle belle surprise de rentrer de promenade et de voir la cellule retournée, comme s’ils cherchaient un portable ou des stups! Mais merde vous êtes si dangereux que ça les potos ? Lol.

    J’ai su par ma femme que d’autres prisons ont suivi, que les censures étaient tombées. Ça vient de la CGT pénit’ ?

    C’est dommage qu’ici on capte pas l’émission de radio. Alors on verra pour le prochain journal si on finit pas tous au mitard.. LOL

    3 juillet 2022, MA de Caen

    Je dis bonjour à l’Envolée

    Je voudrais qu’vous m’épauliez

    Je vais tout vous raconter

    Ça m’fait pas rigoler

    Oui ça nous sert la gamelle

    Oui ça nous prend pour des chiens

    Et t’as pas vu les matons

    Ils font les fachos toute l’année

    Moi j’ai bien analysé

    Eux ils n’aiment pas les arabes

    J’me rappelle j’ai cantiné

    Et ils ont enlevé tout mon rabe

    J’avais pris des Malboro

    Et beaucoup de Philip Morris

    Ils m’ont dit que c’était trop

    Je ne m’appelle pas Boris

    Et attends y’a la promenade

    Où y’a vraiment rien à faire

    Nous on fabrique des ballons

    Pour le moment ça fera l’affaire

    Si jamais tu veux pisser

    Dans la promenade le pissoir

    La vie d’ma mère c’est bouché

    Et c’est vraiment dérisoire

    Oh putain le robinet

    Qui s’trouve à l’opposé

    Moi j’ai connu des chaleurs

    Où il nétait pas allumé

    Moi j’avais ma bouteille d’eau

    Je pouvais pas la descendre

    Ils sont vraiment déterminés

    Ils veulent nous réduire en cendre

    Car ceci n’est pas le pire

    Ils veulent nous faire peur

    Et y’en a pour qui ça marche

    Je remonte de promenade

    Des pigeons dans l’batiment

    Et ça nous sert la gamelle

    Accompagnée de leurs excréments

    (Texte non fini pour l’Envolée. Je vous l’envoie dans l’urgence des conditions de détention que nous subissons)

  • Cantine de soutien au Réseau d’Entraide Vérité et Justice autour de « Depuis qu’ils nous ont fait ça », le livre d’Aurélie Garand !

    Cantine de soutien au Réseau d’Entraide Vérité et Justice autour de « Depuis qu’ils nous ont fait ça », le livre d’Aurélie Garand !

    Le livre d’Aurélie Garand est bientôt partout en librairies ! On en profite pour vous inviter aux prochaines présentations de son livre, mais aussi à la Cantine de soutien au Réseau d’Entraide Vérité et Justice à Paris ! Important : le livre est gratuit pour les enfermé⸱e⸱s, contactez-nous !

    Pour + d’infos, cliquez sur l’image !

    « Quand quelqu’un essaye de s’évader de prison, les matons ont le droit de lui tirer dessus. Pour Angelo, il faut croire qu’ils ont laissé le GIGN prendre le relais. Après l’avoir laissé sortir, ils ont raconté partout que c’était un évadé, mais moi j’appelle ça un déserteur. Il ne voulait pas crever dans leur prison de morts.Toute sa vie d’adulte, il aura été un condamné. Depuis qu’ils nous ont fait ça, ils n’ont plus le contrôle sur lui. Il n’est plus un numéro d’écrou. Bientôt, il ne sera même plus un numéro de dossier en cours. Il restera pour toujours Angelo Garand, mon frère. »

    Le 30 mars 2017, Angelo Garand, qui appartient à la communauté des Voyageurs, est abattu de cinq balles par une équipe du GIGN sur le terrain de ses parents, dans le Loir-et-Cher. L’équipe intervenait pour le ramener à la prison de Poitiers-Vivonne où il purgeait une peine pour vol : quelques semaines plus tôt, il n’était pas rentré de la permission de sortie d’une journée qui lui avait été accordée. Il n’était pas armé.

    La famille Garand sait que les membres du GIGN mentent quand ils invoquent la légitime défense. Aurélie prend publiquement la parole, quelques heures plus tard, pour le hurler à la face du monde. Commence alors pour elle et les siens un combat âpre et désespéré pour que la vérité soit reconnue par la justice. Cinq ans plus tard, tous les recours sont épuisés : les tueurs ne seront jamais inquiétés, leur version des faits pour toujours reconnue.

    Aurélie Garand, quant à elle, habite toujours sur le terrain de ses parents, à une dizaine de mètres à peine de la remise où Angelo « a été exécuté ». Elle est convaincue que la mort de son frère n’est que l’aboutissement d’une trajectoire tracée depuis bien longtemps : tombé dès l’enfance dans les mains de la justice, pris dans « l’engrenage carcéral », il a multiplié depuis les petites peines de prison et n’était plus, aux yeux de l’État, qu’un délinquant, un problème à régler. Mais son destin tragique remonte peut-être à plus loin encore, dans la construction ancestrale de la figure du Voyageur, coupable et perdu d’avance.

    Elle signe un texte sec, fiévreux, d’une pudeur bouleversante, qui mêle récit de lutte et souvenirs de sa « vie d’avant », qui rend un hommage exigeant à son frère et à sa communauté,qui affirme un point de vue acéré sur la justice, la prison, les violences d’État, et qui prône avec force l’indispensable solidarité entre « tous ceux qui sont pris dans la cible ».

    Aurélie Garand,  « Depuis qu’ils nous ont fait ça… », Les éditions du bout de la ville, 112 pages, 10 euros.

    RENDEZ-VOUS :

  • Lettres du QI : Kémi et l’Infâme dénoncent l’acharnement de l’AP – La guerre aux pauvres du gouvernement

    Lettres du QI : Kémi et l’Infâme dénoncent l’acharnement de l’AP – La guerre aux pauvres du gouvernement

    Émission de l’Envolée du vendredi 18 novembre 2022
    • Une longue lettre de l’Infâme qui dénonce les pièges des matons et de l’AP pour te pousser à bout et te punir derrière. Il sort tout juste de huit ans au quartier d’isolement (QI) et raconte les conséquences de l’isolement prolongé, les agressions et les violences psychologiques qu’il a subi et les séquelles qu’il en a conservé.
    • Une lettre de Kémi qui donne des nouvelles après son transfert à Arles il y a quelques semaines. Il est toujours au QI et en gestion menottée car l’administration pénitentiaire continue de lui faire payer sa révolte de 2016. Et il a attend toujours son paquetage suite à son transfert!
    • Discussion sur l’actu politique et l’ambiance bien crade du moment : le soi-disant « accueil » des réfugié.es de l’Ocean Viking par Darmanin qui annonce des expulsions à tour de bras et une nouvelle loi anti-migrant.es pour le printemps avec un renforcement du contrôle et de la répression des personnes étrangères. Dans le même temps, le gouvernement fait voter la Lopmi qui donne toujours plus de fric pour les policiers, qui généralise les amendes et prépare les offensives sécuritaires pour la coupe du monde de rugby et les jeux olympiques. La guerre aux pauvres continue !

    L’Envolée est une émission pour en finir avec toutes les prisons. Elle donne la parole aux prisonniers, prisonnières et leurs proches & entretient un dialogue entre l’intérieur et l’extérieur des prisons. C’est aussi un journal d’opinion de prisonniers, de prisonnières et de proches.

    On manque de forces pour faire tourner l'émission radio comme on le souhaiterait en ce moment : que vous soyez prisonnier·e·s, proches, ou révolté·e·s contre l'enfermement et l'AP n'hésitez pas à nous contacter et à passer le mot !

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    Pour nous joindre : 07.53.10.31.95 (appels et textos). Pour écrire : Radio FPP – L’Envolée, 1 rue de la solidarité, 75019 Paris, ou encore à contact@lenvolee.net et sur instagram, twitter, facebook.

    L’abonnement au journal est gratuit pour les prisonniers et les prisonnières. Le numéro 55 est dispo et déjà censuré par l’Administration pénitentiaire ! Raison de plus pour le faire tourner !

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    Ce livre réunit des paroles de prisonniers, de prisonnières et de proches publiées dans le journal depuis sa création en 2001 qui nous rappellent avec force qu’en réalité c’est seulement la guillotine qui a été supprimée en octobre 1981.

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  • Verdict pour les matons violents de Lille – Procès des matons corrompus de Fresnes – Appel de prisonnières au CRA du Mesnil

    Verdict pour les matons violents de Lille – Procès des matons corrompus de Fresnes – Appel de prisonnières au CRA du Mesnil

    Émission de l’Envolée du vendredi 11 novembre 2022
    • Retour sur le délibéré du procès de six matons qui ont tabassé un prisonnier à Lille – Sequedin en janvier 2022. On était longuement revenu sur les audiences pendant les émissions du 28 et du 21 octobre. Des suspensions de la pénitentiaire pour quelques uns seulement et très limitées dans le temps.

    • Encore des matons au tribunal, avec le procès des matons corrompus de Fresnes où comparaissaient cette semaine des prisonniers et des surveillants accusés d’avoir échangé avantages en détention contre thunes. Une occasion d’entendre quelques réalités sur le quotidien horrible des personnes enfermées à Fresnes, la « pire taule de France », même si les juges en profitent surtout pour s’indigner des faveurs obtenues : « vous aviez le droit à une douche par jour ? »

    • Et un appel de prisonnières de la prison pour sans papier du Mesnil Amelot près de l’aéroport Charles de Gaulle. Le secteur des femmes est surpeuplé en ce moment et les vols cachés et violents continuent. Elles racontent la solidarité très forte qui s’est construite entre elles mais aussi la séparation d’avec les enfants qu’impose l’enfermement.

    Ziks : Colonial Mentality – Fela Kuti / Science Class – Westside Gunn & co / 80 Bills – El Camino x Benny the Butcher / That’s that – MF Doom

    L’Envolée est une émission pour en finir avec toutes les prisons. Elle donne la parole aux prisonniers, prisonnières et leurs proches & entretient un dialogue entre l’intérieur et l’extérieur des prisons. C’est aussi un journal d’opinion de prisonniers, de prisonnières et de proches.

    On manque de forces pour faire tourner l'émission radio comme on le souhaiterait en ce moment : que vous soyez prisonnier·e·s, proches, ou révolté·e·s contre l'enfermement et l'AP n'hésitez pas à nous contacter et à passer le mot !

    Direct chaque vendredi de 19h à 20h30 sur FPP 106.3 en région parisienne et MNE 107.5 à Mulhouse, RKB 106.5 en centre-Bretagne lundi à 22h, Radio Galère 88.4 à Marseille le jeudi soir à 20h30, PFM à Arras et alentours 99.9 mardi à 21h30, Canal Sud 92.2 jeudi à 17h30 à Toulouse, L’Eko des Garrigues 88.5 à 12h le dimanche à Montpellier, Radio U 101.1 le dimanche à 16h30 à Brest, Radio d’Ici 106.6 à Annonay mardi à 21h30 et 105.7 FM & 97.0, à Saint-Julien-Molin-Molette dimanche à 20h et sur les webradios Pikez (dimanche à 11h) et Station Station (lundi à 13h). Podcasts disponibles sur toutes les plateformes !

    Pour nous joindre : 07.53.10.31.95 (appels et textos). Pour écrire : Radio FPP – L’Envolée, 1 rue de la solidarité, 75019 Paris, ou encore à contact@lenvolee.net et sur instagram, twitter, facebook.

    L’abonnement au journal est gratuit pour les prisonniers et les prisonnières. Le numéro 55 est dispo et déjà censuré par l’Administration pénitentiaire ! Raison de plus pour le faire tourner !

    Notre bouquin pour troubler la fête du quarantième anniversaire de la prétendue abolition de la peine de mort est sorti ! Une manière parmi d’autres, que nous espérons nombreuses, de faire entendre quelques voix dissonantes dans l’écœurante auto-célébration du pouvoir.

    Ce livre réunit des paroles de prisonniers, de prisonnières et de proches publiées dans le journal depuis sa création en 2001 qui nous rappellent avec force qu’en réalité c’est seulement la guillotine qui a été supprimée en octobre 1981.

    Il est disponible dans toutes les bonnes librairies et sur la boutique de nos ami·e·s des éditions du bout de la ville.

    Il est gratuit pour toutes les personnes enfermées : écrivez-nous à contact@lenvolee.net pour que nous puissions le faire parvenir à vos proches emprisonné·e·s !

  • La séparation des « proches » au quotidien : lettres d’Emma.V

    La séparation des « proches » au quotidien : lettres d’Emma.V

    L’administration pénitentiaire appelle « proches » les personnes qui soutiennent les enfermés jour après jour… mais elle les en éloigne systématiquement, parfois pour des années. Incarcérée aux Baumettes, Emma.V raconte la souffrance continue de cette séparation ; les quelques bouffées d’oxygène apportées par les parloirs, les UVF (Unités de vie familiale), les relais parents-enfants ou les perm n’enlèvent rien à la violence du retour en cellule.


    « Deux ans que je serai loin de mes princesses, jamais je ne vais me remettre d’une telle souffrance »

    Lettre lue à l’émission du 7 janvier 2022.

    Centre pénitentiaire de Marseille-Les Baumettes,

    Le 10 décembre 2021

    Bonjour L’Envolée,

    Je reçois avec plaisir votre petite carte, le petit rayon de soleil de la journée. À chaque fois que je reçois l’un de vos courriers je vous réponds aussitôt. [Du courrier s’est mystérieusement égaré.] Je me souviens que la dernière fois que j’avais reçu votre lettre, elle est partie dès le lendemain… Imaginez ici, on n’est même pas libre d’écrire librement !

    Pour répondre à votre carte, bien sûr que le mois de décembre est très dur… Ici tu dois supporter l’insupportable. En ce moment mon moral est à la baisse. Mes filles me manquent terriblement. Elles sont venues me voir le 1er décembre au relai parents-enfants, la seule chose qu’ils ont fait de bien ici, c’est une salle adaptée avec des jeux… J’étais heureuse de les voir bien sûr, mais quel sentiment de haine envers moi-même. Elles ont tellement grandi, j’ai tout loupé, j’ai mal, tellement mal à l’intérieur.

    Et ici aucun travail, très peu de formation même aucune ! Peu d’activités. J’en peux plus vraiment, après ici ils te parlent de réinsertion.

    Ça, plus tout ce que tu vis et vois au quotidien, je sais que ça me laissera d’énormes blessures intérieures. Je vous remercie du fond du cœur pour votre force et votre soutien. Comment voulez-vous, avec tout ça, ne pas lâcher l’affaire ?

    Le 18 décembre, deux ans que je serai loin de mes princesses. Jamais je ne vais me remettre d’une telle souffrance.

    Voilà.

    À très vite de vous relire, et surtout passez de bonnes fêtes de Noël et de fin d’année si je ne vous relis pas avant.

    Emma.V



    « Ce qui me détruit c’est à chaque fois que je vois mes filles, voir à quel point elles ont grandi »

    Lettre lue à l’émission du 1er avril 2022.

    Centre pénitentiaire de Marseille-Les Baumettes,

    Le 13 mars 2022

    Coucou L’Envolée !

    La détention détruit, l’enfermement te rend fragile, nerveuse. Des fois tu exploses pour un rien. C’est dur très dur. Ce qui me détruit en particulier c’est à chaque fois que je vois mes filles. Voir à quel point elles ont grandi. J’ai laissé un bébé de quatre mois et elle va avoir trois ans en mai. Imaginez. J’ai tout loupé… et ça, ça fait mal.

    J’ai bien eu mon UVF le 26 février, tout s’est bien passé. C’est là que je m’aperçois que mon mari est vraiment courageux. Les trois petites sont assez dures. Avec leur papa c’est des princesses donc elles n’écoutent pas grand-chose. Elles me manquent tellement.

    J’ai écrit à ma fille une carte d’anniversaire, elle ne l’a jamais reçue ! C’est dégueulasse !

    Voilà je vous remercie beaucoup à chaque fois de me mettre un timbre. Je galère tout le temps à en trouver. C’est horrible d’être démunie !

    À très vite,

    Emma.V


    « Ma place, ma vie n’est vraiment pas d’être dans cette prison de merde »

    Lettre lue à l’émission du 10 juin 2022.

    Centre pénitentiaire de Marseille-Les Baumettes

    Ma première permission

    Avril 2022

    Après deux ans et quatre mois d’enfermement, j’ai pu bénéficier d’une journée de permission. La première. 9h-19h une vraie bouffée d’oxygène. Une grande remise en question également. Quand on passe une journée dehors et que l’on doit revenir, le soir, on se rend compte que la liberté n’a pas de prix. Ma place, ma vie n’est vraiment pas d’être dans cette prison de merde.

    La dérention nous fait prendre conscience de nos erreurs certes, mais on est H24 en stress, le bruit des clefs, toute cette souffrance à l’intérieur de ces murs, cette violence verbale et psychique c’est horrible.

    J’ai l’impression d’avoir tout perdu et pourtant mon mari est toujours là, seul avec nos trois petites princesses. Elles me manquent tellement.

    Mai 2022

    Chaque matin, dès 7h, on est dans le stress. Les bruits des clefs arrivent. Ce bruit de clefs restera gravé dans notre tête, un bruit pour lequel on restera marquées.

    À peine réveillées il faut sortir notre poubelle. Parfois, un peu d’humanité un « bonjour », parfois rien.

    Supporter l’insupportable

    Certaines surveillantes respectent notre sommeil, d’autres nous allument la lumière en plein sommeil lors de leurs rondes : 23h, 3h, 6h. Pire que de la torture.

    Je suis épuisée d’ici, ça crie tout le temps le soir jusqu’à pas d’heure. Les filles s’insultent pour une cigarette ou du tabac. Une fatigue intérieure tellement profonde…

    Emma.V

    Dessin d’Emma.V, le15 février 2022.
  • Mourir à petit feu : trois lettres de prisonnier·e·s longues peines

    Mourir à petit feu : trois lettres de prisonnier·e·s longues peines

    Trois prisonnier·e·s condamné·e·s à de longues peines disent le temps qui détruit leur vie et celle des autres prisonnier·e·s, ces peines interminables qui dissipent tout idée de « réinsertion », mais surtout, qui tuent à petit feu, anéantissent les facultés physiques et intellectuelles. Cesario en arrive même à interpeller les institutions de l’État pour revendiquer le droit à mourir – comme les dix prisonniers de la centrale de Clairvaux qui écrivaient le 16 janvier 2006 :

    "À ceux de l'extérieur osant affirmer que la peine de mort est abolie. Silence ! On achève bien les chevaux ! Nous, les emmurés vivants à perpétuité du centre pénitentiaire le plus sécuritaire de France (dont aucun de nous ne vaut un Papon), nous en appelons au rétablissement effectif de la peine de mort pour nous."

    La guillotine certes n’existe plus ; mais la peine de prison à vie, c’est-à-dire de prison jusqu’à la mort, l’a remplacée à coups « de mois qui paraissent être un an » comme l’écrit Céline ci-dessous, avec un tranchant tout aussi morbide. Ces courriers font hélas écho aux dits et écrits de prisonnier·e·s rassemblés dans le livre La peine de mort n’a jamais été abolie.


    « La vie continue, mais nous, on stagne au jour de notre incarcération »

    Lettre de Céline

    Publiée dans le numéro 55 de L’Envolée, et lue à l’antenne le 4 février 2022.

    Centre de détention de Rennes,

    Le 19 mars 2022

    Salut l’équipe,

    J’ai encore dix longues années à tenir dans ces lieux. J’en ai effectué que deux et demi sur les seize ans de départ. Je ne serai aménageable qu’en 2026. Le temps est long. Dans ces lieux, un mois paraît être un an, alors je mets à profit ce temps pour comprendre ce qui m’a conduit ici et pour « préparer » tant bien que mal ma sortie.

    Cela fait un an que je suis à Rennes (avant j’étais à la maison d’arrêt pour femmes de Limoges), le plus grand centre de détention pour femmes de France et apparemment d’Europe. Laissez-moi rire. L’administration pénitentiaire est pire que ce que j’ai connu en maison d’arrêt. Voilà deux semaines que j’attends pour enregistrer un numéro de téléphone, cinq mois d’attente et certainement plus pour un droit de visite. Des demandes sans réponses. On m’avait dit, avant mon transfert : « les numéros de téléphone suivent ». Et bien ici, non. Alors qu’à Fresnes, à Jullouville, à Poitiers, et j’en passe, ça suit. Quand je parle aux filles qui ont connu d’autres maisons d’arrêt, d’autres centres de détention, dès lors qu’on est condamné, on n’a plus besoin de fournir de factures pour enregistrer les numéros. Mais ici il le faut. C’est incompréhensible.

    En ce qui concerne le taf, il n’y a pas de travail pour toutes. Il y a une vingtaine de places au façonnage où l’on fait du travail à la pièce, coller des blocs sur des pochettes, plier des documents pour faire des pochettes à rabats ou des dossiers, faire des disques stationnement, enrouler des affiches pour des magasins, mettre des documents sous film. Il y a environ quarante places à la confection : draps, serviettes pour les prisons, uniformes pour les matons, matelas, et quelques commandes pour des entreprises privées. Ensuite, il y a les auxi pour le repas, le ménage, la désinfection. Ensuite, il y a la cuisine et deux ou trois filles pour les cantines. Il y a deux ou trois formations rémunérées. Pour les autres, ce sera soit l’indigence, soit des personnes à l’extérieur s’il nous en reste, quand elles peuvent et qu’elles nous font des virements.

    Comment s’intégrer dans notre famille quand on est au téléphone ?

    Il faut un projet pour la sortie, mais comment mettre un projet en route quand on n’a pas les formations nécessaires ? Comment se renseigner quand on n’a pas accès aux informations ? Quand je vois des filles qui sont là depuis dix, quinze, vingt ans, comment les réinsérer dans un monde qui a totalement changé ? Ces filles qui n’ont pas connu internet et les téléphones portables, comment vont elles être autonomes et se servir de ces technologies qui sont tellement importantes aujourd’hui et pour lesquelles elles ne connaissent rien ? Ça me fait peur pour elles, mais aussi pour moi : dans dix ans, tout aura changé. C’est la vie ! Comment s’intégrer dans notre famille quand on est au téléphone ?

    Dehors la vie continue, mais nous on stagne au jour de notre incarcération. Oui, la sortie me fait plus peur que de rester ici, mais pourtant j’ai un désir beaucoup plus grand d’être libre. C’est paradoxal et difficile à vivre.

    En ce qui concerne le CGLPL (Contrôleur général des lieux de privation de liberté), on se tourne vers eux mais si on sait que ça sert à rien, mais surtout parce qu’on ne sait pas vers qui se tourner pour revendiquer ce qui nous semble injuste, ignoble. Alors on écrit au CGLPL ou à l’OIP (Observatoire international des prisons). Si les gens savaient vraiment ce que l’on vit, ce que l’on paie, et le prix, ce que l’on touche… Même ça, est ce que ça aurait un impact ?

    Céline


    « Des vieux que l’on a laissés crever »

    Lettre lue à l’antenne le 10 juin 2022.

    Centre de détention de Bédenac,

    Mai 2022

    Bonjour,

    Je suis dans la prison où il y a eu pas mal de problèmes, avec des vieux que l’on a laissé crever. J’ai vu ce qu’il y a de pire. Et aujourd’hui encore, exemples :

    • un codétenu cardiaque, avec les poumons foutus, et un demi-cœur qui fonctionne, qui n’a aucun suivi depuis un an qu’il est ici
    • un autre, polytraumatisé, avec le cerveau d’un enfant enfermé sans suivi

    Et le pire, c’est que le SPIP (Service pénitentiaire d’insertion et de probation) ne sert à rien, le médical c’est du n’importe quoi depuis que le médecin que l’on avait est parti. Pour savoir ce qu’il s’est passé, vous n’avez qu’à regarder sur le net : Bédenac, CGLPL, « maltraitrance sur les personnes âgées ». Je fais partie de principaux donneurs d’alerte au CGLPL, avec aussi l’ancien médecin du site. J’appelais tous les jours le CGLPL, et avec des courriers de suivi. Du coup, après cette visite de contrôle, du CGLPL, je vous explique pas, je suis très mal vu de la direction. Heureusement que les surveillants me comprennent, sauf deux ou trois qui n’ont rien compris. Mais si je devais recommencer, je le ferai car c’est inhumain ce qu’il se passe. On a été condamnés à la prison, pas à la peine de mort ! C’est que, ici, on peut se poser la question.

    Dans ce pays, il y a un sacré nombre de fachos !

    Vous savez, un autre exemple : un détenu qui me traite de « sale juif », qui fait des saluts nazis, des propos insultants sur les juifs. Et là, personne ne fait rien ! On le laisse faire. Pas besoin de se demander pour qui vote la direction de cette taule. Il ne fait pas bon être juif et étranger ici.

    En gros, c’est la merde totale, sauf les cellules et les bâtiments. En fait, c’est comme les bonbons à l’orange sanguine : l’emballage est beau, mais sans l’emballage c’est amer. C’est pour cela que je n’en peux plus. Je suis triste de cette vie et de ce monde qu’on laisse à nos enfants. On nous abreuve d’informations de guerre, de haine. Dans ce pays, il y a un sacré nombre de fachos ! Et tous ces gens qui crèvent dans le monde de faim, de la guerre, quelle honte !

    Je vous remercie pour votre réponse, à bientôt.


    « La peine de mort ayant été abolie en 1981, une peine de détention jusqu’à la mort a remplacé celle-ci dans les faits »

    Lettre de Cesario

    Lettre lue à l’antenne le 17 juin 2022.

    Dans une prison du sud de la France, quartier d’isolement,

    Mai 2022

    À mesdames et messieurs les représentants de la nation française, élu·e·s aux élections législatives de juin 2022,

    Je rédige ce courrier depuis la cellule d’un quartier d’isolement d’un centre pénitentiaire du sud de la France. J’ai écrit précédemment plusieurs courriers aux différents ministres de la Justice successifs. Au dernier en poste aussi, après la visite qu’il a effectué dans cet établissement quelques semaines en arrière, sans un regard sur ce quartier d’isolement situé à 50 mètres à peine de son parcours balisé ! J’écris donc ce jour à ceux qui véritablement s’intéressent et s’investissent réellement dans la défense des droits et conditions de vie en détention, comme l’OIP-SF et le trimestriel Dedans-dehors, que je lis depuis de nombreuses années. Si ma lettre paraît, vous en prendrez connaissance. La CGLPL recevra une copie de ce courrier. Nous sommes actuellement 501 détenus condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité en France. Pour certains, les plus anciens, la fin de vie est proche mais leur état physique ne leur permet pas une libération, ils attendent la mort dans les « EPHAD » pénitentiaires.

    Tous savent, et moi le premier, que je n’ai désormais plus aucune perspective d’avenir en liberté

    Pour d’autres, dont je fais partie, nous sommes encore en bonne santé apparente. Mon cas personnel est tout de même atypique. Condamné en 1988 à la réclusion criminelle à perpétuité pour des faits datant de 1986. Je fus libéré deux fois en libération conditionnelle, en 2007 puis une seconde fois en mars 2019. En novembre 2019 j’étais à nouveau réincarcéré et je viens de voir ma conditionnelle révoquée en totalité. Sans rentrer dans les détails, tous savent, et moi le premier, que je n’ai désormais plus aucune perspective d’avenir en liberté. À 62 ans et trente-huit années de détention effectives, je souhaite comme certains autres détenus ayant mon profil de peine, que nous soient accordé le droit de partir en bon état, en utilisant un procédé létal et légal de fin de vie. Je suis encore en capacité de faire ce choix, et vous élus du peuple, êtes en capacité de faire adopter une loi le permettant. La peine de mort ayant été abolie en 1981, une peine de détention jusqu’à la mort a remplacé celle-ci dans les faits.

    Vous pouvez l’ignorer, mais c’est un fait établi dont personne ne parle. N’attendez pas comme d’habitude qu’un très grave fait divers intramuros vous oblige, sous la pression médiatique, à vous pencher sur ce dossier de la fin de vie des très, très longues peines. J’en terminerai en citant Cioran :

    "Je ne vis que parce qu'il est en mon pouvoir de mourir quand bon me semblera : sans l'idée de suicide, je me serais tué depuis toujours."

    Salutations à toutes et tous,

    Cesario