Catégorie : Entretiens

  • Interview de Thierry, prisonnier du mouvement social suite à la mort de Nahel

    Interview de Thierry, prisonnier du mouvement social suite à la mort de Nahel

    Thierry a été arrêté le 28 juin 2023 à Saint-Étienne pendant la première nuit de révolte qui a suivi la mort de Nahel, tué par la police. Amené tout droit au trou, Thierry en est sorti trois mois plus tard. Il a alors raconté dans une interview son arrestation, son procès et sa détention. Son récit est malheureusement exemplaire de la répression judiciaire qui s’est abattue massivement sur ce mouvement social il y a un an. Voici certains extraits condensés, dans lesquels il raconte la violence des policiers, les dangereux conseils des avocats commis d’office et la roublardise des juges.

    « Ils ont tiré au Flash-Ball au petit bonheur la chance. »

    « On était à une manifestation contre les violences policières suite à la mort de Nahel qui avait eu lieu la veille, et on nous a proposé de rejoindre des émeutes le soir. On y est allés avec un groupe de copains. Quand ça a commencé à allumer des feux, tout de suite, deux hélicos et 60 policiers sont arrivés, et ça a commencé à courir de tous les côtés. La BAC (brigade anticriminalité) était planquée dans un buisson. Les éclairages publics étaient éteints, il faisait tout noir, on n’y voyait rien… les flics non plus. Ils ont tiré au Flash-Ball au petit bonheur la chance. Ils ont eu mon cousin, qui est tombé ; je l’ai aidé à se relever et je me suis retrouvé avec trois Flash-Ball pointés vers ma tête. Ils m’ont dit : « Mets-toi au sol. » J’ai fait remarquer que j’avais déjà les mains levées. Ça leur a pas plu : ils m’ont plaqué violemment au sol – en se permettant de me retirer mon cache-cou et ma casquette – et m’ont dit : « On t’a eu, de toute façon. » Ça faisait un moment qu’ils voulaient m’avoir, suite aux nombreuses manifestations que j’ai faites dans la Loire depuis 2018. J’ai fait les Gilets jaunes, plein de mouvements sociaux… Ils me l’avaient dit : « On va te faire tomber. »

    Quand ils nous ont arrêtés, moi et mon cousin, ils nous ont insultés – ça m’a pas étonné… Un mec de la BAC m’a mis un coup de genou au moment d’entrer dans la voiture. Tout le long du trajet, l’un d’eux s’est amusé à me mettre sa lampe torche dans les yeux jusqu’au commissariat en me disant : « J’espère que ça te fait du bien ! » Là, ils me sortent un mortier et me disent qu’ils vont retrouver mes empreintes dessus. « – Faites tous les tests que vous voulez, y aura pas mes empreintes dessus. J’ai jamais touché de mortier de ma vie ! » […] Ils voulaient me coller un jet de bouteille aussi. J’ai passé quarante-huit heures en garde à vue. […] J’ai demandé à voir un médecin et un avocat : je les ai vus au bout de neuf heures. J’avais un bleu causé par le coup de genou d’un agent de la BAC lors de l’arrestation : je ne sais même pas si c’est stipulé dans le rapport du médecin qui m’a vu en garde à vue.

    « Mon avocat a servi à rien, je conseille de pas écouter les avocats commis d’office »

    On va pas se mentir : mon avocat a un peu servi à rien. Il a même pas demandé le report de la comparution immédiate ; sa défense était basée sur le fait de reconnaître les faits : selon lui, la juge serait plus indulgente… C’est totalement faux ! Au contraire, ils peuvent dire : « Lui-même l’a reconnu, donc on peut lui coller ça sur le dos ! » […] Je conseille de pas écouter les avocats commis d’office ; mieux vaut essayer de se défendre tout seul – ou alors choisir son avocat. J’ai dit : « Je vais pas avouer le tir, le jet de bouteille… des trucs que j’ai pas faits ! – Non, mais au moins, tu avoues que tu étais sur place. » Je suis pas un pro des procès, donc j’ai écouté ce que me disait cet avocat commis d’office… mais pendant mon audition, l’OPJ [officier de police judiciaire] avait parlé d’embuscade en réunion1. Le vendredi, il nous a envoyés devant le procureur en disant qu’après, on rentrait chez nous… On a été transférés au tribunal en fourgon cellulaire. […] On a vu le juge [des libertés et de la détention] qui a décidé de me placer en détention provisoire au vu de mon passé. Mon cousin a tout de suite été remis en liberté, vu que c’est sa première histoire. Je suis resté en prison jusqu’au lundi, où on est passés en comparution immédiate. […]

    Au procès, la juge nous a pas fait de cadeaux : je m’attendais vraiment pas à ce qu’ils racontent notre passé – que mes enfants étaient placés, que moi j’avais été placé en foyer et famille d’accueil… On est pas là pour juger le passé des gens ! Elle a parlé de notre consommation de stupéfiants, elle a tenté de nous mettre plus bas que terre, et ça s’est vu dans l’article du journal local – et avec la circulaire de Moretti qui disait qu’il fallait faire des exemples… J’ai essayé de parler du pourquoi des émeutes, mais la juge m’a rétorqué, en mode je la saoule : « Faut pas croire qu’il est en liberté [le flic tueur]. Faut laisser faire la justice… »
    L’avocat des policiers a dit qu’ils voulaient nous coller les tirs de mortier, mais qu’ils ne pouvaient pas parce que c’était tout éteint : il n’y avait pas de lumière dans la rue… Alors ils ont ressorti une histoire pour laquelle je devais être jugé plus tard […] : le procès aurait dû avoir lieu le 26 septembre, ils l’ont finalement inclus dans l’audience du 3 juillet.

    « Remets ton casque et retourne avec tes collègues, j’ai pas envie de te parler. »

    Quand je suis arrivé au tribunal le lundi, je pensais pas qu’il y aurait autant de monde ; en fait, je pensais qu’il allait y avoir personne ! Et quand je suis sorti début octobre, j’ai vu sur des lives Facebook qu’il y avait même du monde dehors ! Quand je suis rentré dans la salle d’audience, que j’ai vu ma copine, que j’ai vu des amis, ça m’a fait du bien. Le tribunal a condamné mon cousin à dix-huit mois avec sursis, avec obligation de soin par rapport aux stupéfiants, obligation de formation ou travail ; et ils m’ont collé six mois ferme et douze avec sursis. Et 500 € chacun pour trois policiers, donc 1 500 € chacun à payer solidairement : s’il y en a un qui a pas la possibilité de payer, c’est l’autre qui payera 3 000 balles. Ça, c’est pour… comment ils ont appelé ça ? Soutien psychologique, je crois.

    Après la fin du procès, quand j’ai été redescendu dans les cellules du tribunal, le commissaire de police est gentiment venu me voir et m’a dit : « J’espère que ça te servira de leçon. » J’ai gentiment répondu : « Remets ton casque et retourne avec tes collègues, j’ai pas envie de te parler. » »

    L’intégralité de cette interview a été diffusée dans les émissions radio L’Envolée du 29 décembre 2023 et du 19 janvier 2024 et sur le blog Infos prisons Saint-Etienne (cliquer ici).

    1. L’avocat commis d’office a fait le jeu du tribunal : si Thierry n’avait pas reconnu sa présence dans une « embuscade », le dossier était vide. ↩︎
  • SOUTIEN AUX PRISONNIERS EN GRÈVE DE LA FAIM AU QI DE BOURG EN BRESSE !

    SOUTIEN AUX PRISONNIERS EN GRÈVE DE LA FAIM AU QI DE BOURG EN BRESSE !

    Mise à jour le 6 juin 2023 : Mohamed a enfin obtenu d’être transféré. Brice, un autre prisonnier du QI de Bourg-en-Bresse s’était mis en grève de la faim et de la soif depuis une semaine, il a été placé au mitard. Un rassemblement a eu lieu le 3 juin devant la prison, et un autre aura lieu le samedi 10 juin 2023 à 16h pour le soutenir et réclamer son transfert. Il est aussi toujours utile de contacter l’administration pour affirmer votre soutien.
    Des news dans la dernière émission de l’envolée à écouter ici et un résumé plus récent à lire .
    Suivez les news sur les réseaux, par exemple sur la page FB  » Infosprisonsursaintetienne « .

    « MOHAMED DEMANDE LA LEVÉE DE SON ISOLEMENT
    ET LA FIN DE SA DÉTENTION PROVISOIRE
    Sa compagne appelle à faire connaître cette histoire et à faire du bruit autour. Soyons nombreux et nombreuses à contacter la direction du centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse à l’adresse ci-dessous pour manifester notre soutien à Mohamed et notre vigilance face à cette situation alarmante !
    Centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse
    20, chemin de la Providence, BP 90321
    01011 Bourg-en-Bresse
    (Téléphone : 04.26.16.10.00)

    En détention provisoire, Mohamed est enfermé au quartier d’isolement (QI) de Bourg-en-Bresse depuis quinze mois. Il subit l’acharnement de l’administration pénitentiaire (AP) : disparition d’affaires, « gestion équipée-menottée », refus de soins médicaux… Accusé sans aucun fondement d’être le meneur d’un récent mouvement collectif contre les brouilleurs de téléphones portables, il est en grève de la faim depuis plus d’un mois pour demander sa sortie du QI et la fin de sa détention provisoire. Après s’être heurtée au silence assourdissant des institutions – jusqu’à la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté –, la compagne de Mohamed a décrit les faits à l’antenne de L’Envolée le 5 mai 2023 ; elle a aussi parlé des violences et du mépris subis par les proches de prisonniers. On peut écouter l’entretien complet ici, et lire la retranscription intégrale de cette prise de parole sur Expansive info  ; en voici des extraits condensés.

    « Mon mari est incarcéré – injustement – et, depuis plus de quinze mois, il a été placé au QI. Il y a maintenant trente jours, il a entamé une grève de la faim, et je suis la compagne qui l’épaule dans sa descente aux enfers. Ils l’ont mis à l’isolement parce que dans son dossier, il était qualifié de meneur – c’était en 2010 ! Là on est en 2023, il y a eu des mouvements d’émeutes dans la prison contre les brouilleurs qui ont été installés pour couper les réseaux de téléphones [portables]. La mutinerie a duré plusieurs jours. [L’administration a] dû faire intervenir les Eris [équipes régionales d’intervention et de sécurité] : c’est comme des gendarmes casqués avec des boucliers. Quasiment toute la promenade a participé à cette mutinerie. Mon mari est resté en retrait du début à la fin, mais le directeur du bâtiment a décidé que c’était lui le meneur, qu’il devait donc être placé à l’isolement pour la sécurité de l’établissement. Comme il n’a pas participé, ils disent que ce serait lui qui aurait dit à tout le monde d’aller casser des brouilleurs, de frapper les surveillants… et que tous les détenus l’auraient écouté ! Il a déjà été placé au QI, puis au bout de six mois, il a réintégré le bâtiment, où il y a des bagarres, comme dans toutes les prisons, parce que les détenus sont tous sur les nerfs. Et par exemple il y avait une bagarre dans le couloir ou en salle de muscu – comme tous les jours -, même si mon mari était en promenade à ce moment-là, ils lui ont dit : « on va vous remettre à l’isolement parce que depuis que vous avez intégré le bâtiment, il y a trop de bagarres, donc c’est vous qui envoyez les gens se battre. » C’est incroyable, mais c’est vraiment ce qu’ils ont dit.

    Les conditions d’isolement, c’est simple : ils sont isolés de tout le monde. Les seules personnes qu’ils voient, c’est les surveillants du QI et du parloir – quand ils en ont – ou l’infirmier. Sinon ils ne croisent personne, ils sont coupés de tout. Même en promenade, ils ont les grilles – comme des animaux en cage, quoi ! Aucun brin de liberté. Normalement, les promenades en prison, il y a des murs et des barrières, mais c’est ouvert en haut. A l’isolement, c’est tout fermé, quadrillé. Quand [les surveillants] voient que des voisins se parlent à la fenêtre, ils les changent [de cellule] pour qu’il n’y ait aucun lien, qu’ils soient vraiment tout seuls. Quand ils vont au parloir, les surveillants bloquent toute la prison. Tous les détenus qui ont parloir sont bloqués, et ceux du QI viennent tout seuls, un par un ; ils ne croisent personne à part nous et les surveillants.

    Le lynchage judiciaire a commencé dès son placement en détention, et là c’est une horreur. Ils le harcèlent, clairement. Mon mari, quand il a été transféré, ils lui ont volé ses affaires, les surveillants. A Noël, on a le droit de leur faire entrer des kilos de choses qu’il n’y a pas en prison. Je lui avais mis des gourmandises, et des sachets de tilleul, parce que depuis qu’il est à l’isolement, mon mari a des insomnies. Comme ça l’aidait un peu dehors, je lui avais acheté et fait rentrer au moins 200 paquets de tilleul, le sac était énorme. Je reçois un appel de mon mari : « Tu n’as pas mis les sachets de tilleul, comment je vais faire, t’abuse ! – Mohamed, je sais très bien que je te les ai mis, j’ai tout noté ! » On était en train de se prendre la tête ; son voisin à l’isolement l’a entendu et lui a dit : « Tout à l’heure au parloir, j’ai vu des sachets de thé bleus dans la poubelle. » Le brigadier de l’étage a fini par dire aux surveillants de rendre les sachets de thé. Ça peut paraître rien, un sachet de tilleul, mais c’est énorme pour quelqu’un qui est en train de serrer dans sa tête, qui est à l’isolement, et moi ça me fait plaisir de pouvoir lui apporter cette sérénité… et même ça, les surveillants arrivent à nous le casser. Ils créent des tensions avec les seules personnes qui sont là pour eux. Ils lui font subir un acharnement, c’est du harcèlement, en fait. Et moi, parce que je suis la femme de Mohamed, c’est pareil.

    Une fois, on a été bloqués pendant une heure dans l’entrée de la prison pour une alarme. J’étais enceinte, et sur la fin, en plus ; j’avais nulle part où m’asseoir : à part un tapis roulant et des portiques, il y a rien du tout. Je me suis assise sur le tapis ; à aucun moment ils m’ont demandé si ça allait. Il y avait des personne âgées, un gars en béquilles, le pauvre, des enfants… mais ils s’en foutaient, comme si c’était bien fait pour nous, parce qu’on venait voir des détenus ; comme si on était des moins que rien. Le chef venait de temps en temps demander aux surveillants si tout allait bien, mais à aucun moment il nous a calculé.

    Je vis à 1 h 40 de Bourg-en-Bresse, c’est pas rien quand t’es enceinte. Je suis allée au parloir jusqu’au huitième mois de grossesse, parce qu’il était au QI et qu’il avait besoin de me voir, sinon c’est encore plus dur. C’est les compagnes, les mères et les femmes qui lâchent rien, en fait. On est là, et on se bat même si c’est dur aussi pour nous.

    Quand il a commencé sa grève de la faim, il a fait un malaise ; l’infirmière est venue et a constaté qu’il n’avait plus de force. Il a refait un malaise, il a appelé, personne n’est venu. Ils sont venus au bout de trois heures. Le chef lui a dit : « De toute façon, on a reçu des directives strictes ; même si tu fais un malaise et que t’as besoin d’aller à l’hôpital, le week-end ou les jours fériés, on pourra pas te transférer à l’hôpital parce qu’il y a pas d’escorte disponible. » Il avait la gestion menottée et l’escorte : depuis qu’il a écrit à l’avocat, il ne les a plus pour tous les mouvements, mais toujours pour sortir de la prison : une voiture devant, une voiture derrière et une voiture de gendarmes. Il peut donc ne pas du tout avoir de soins. Samedi dernier, il a encore fait un malaise, il est resté par terre. Il a appelé les surveillants. Personne n’est venu. Il s’est relevé tout seul. Il a rampé jusqu’à son lit et il s’est allongé dessus.

    [Sa revendication, c’est] la sortie du quartier d’isolement – et la sortie de prison, parce qu’il est en détention provisoire, et l’instruction est terminée ; donc il n’ont plus aucun argument. On sait très bien comment la détention provisoire est utilisée pour punir les gens. Dans cette histoire, il y a la responsabilité du directeur de l’AP, et aussi celle des juges. Si demain il arrive quelque chose à mon mari, ce sera de leur faute à eux. Il faut rendre cela public, faire du bruit… Mohamed a vu le docteur mardi dernier, il a perdu 12 kilos ! Il lui a fait un certificat de contre-indication de placement à l’isolement par rapport à son état de santé. Il a le certificat, il l’a donné, le docteur l’a donné au directeur. Quand il a eu le certificat, il a eu une petite once d’espoir : la sortie d’isolement, c’est rapide, parce que c’est une décision de la prison… Quand il a vu que c’était pas le cas, il a dit : « En fait, ils veulent pas me sortir de là ! »

    J’en parle autour de moi, n’hésitez pas à relayer l’info, parce que s’ils se disent : « De toute façon il n’y a que nous qui savons », dans le pire des cas, s’il arrive quelque chose, c’est lui, quoi… Alors que si on fait du bruit pour dire : « Non, c’est votre faute ! Il est sous votre responsabilité ! Il fait la grève de la faim, c’est vous qui l’avez mis au QI, c’est vous qui ne voulez pas le sortir du QI, alors que vous savez son état de santé »

  • « IL Y A LA LOI DU SILENCE »

    « IL Y A LA LOI DU SILENCE »

    Témoignage d’un ancien surveillant de la prison de Saint-Martin-de-Ré.

    L’Envolée a enquêté sur la prison centrale de Martin-de-Ré à la demande de Jean-Christophe Merlet, prisonnier qui a subi là-bas des violences de la part de surveillants pénitentiaires, et de la famille de Sambaly Diabaté, prisonnier mort entre les mains des surveillants de cette même prison.

    Nous avons interrogé un surveillant pénitentiaire démissionnaire. Une fois n’est pas coutume. Ce n’est en effet pas dans nos habitudes, mais l’utilité de ce témoignage pour les personnes concernées nous a convaincu qu’il était opportun de le publier. Pierrick Legendre répond ici à nos questions sur les violences commises par des personnels de Saint-Martin-de-Ré sur un prisonnier malade, Jean-Christophe Merlet, ainsi que sur les faits qui ont conduit à la mort de Sambaly Diabaté le 9 août 2016. Cet entretien dont nous publions ici quelques extraits met en lumière certains mécanismes qui régissent l’administration pénitentiaire et confirme, sans surprise, que les violences pénitentiaires sont systémiques. Le corporatisme et le silence y sont érigés en lois.


    Vous vous appelez Pierrick Legendre ; vous étiez surveillant pénitentiaire ?

    Oui, tout à fait : pendant vingt-trois ans, j’ai exercé dans la fonction publique auprès de l’administration pénitentiaire.

    Saint-Martin-de-Ré est une centrale que vous connaissez bien ?

    Oui, j’y étais de début 2000 à courant 2015, 2016. Puis suite à une sanction disciplinaire, j’ai été déplacé d’office sur la maison d’arrêt (MA) de Niort pendant deux années ; et je suis revenu à Saint-Martin en juillet 2017 avec déjà le projet de démissionner, ce que j’ai fait en novembre 2017. […]

    C’est aussi une prison qui a fait parler d’elle dans les années 2010 à cause d’une équipe de surveillants particulièrement redoutés – de la direction comme des prisonniers : l’équipe 4. Vous étiez surveillant là-bas à ce moment-là ?

    Oui. Effectivement, sous un premier directeur, on a eu pas mal de soucis avec une équipe de surveillants trop zélés qui avaient été nommés « droits dans leur bottes » par les syndicalistes qui ont pris parti pour eux à l’époque, et qui se trouvaient comme par hasard en permanence sur les interventions avec force et violence. On appellera ça comme on veut, mais c’était systématique. Mais ça ne fait pas partie des missions de provoquer les personnels féminins, et aussi  et particulièrement  la population pénale. […] Les piliers de l’équipe, sont partis tranquillement à la retraite. Mais il y en a qui ont été forgés à leur esprit. Ils ont fait tache d’huile, disons.

    Vous avez travaillé sous la direction de Mme Manaud-Bénazéraf ; c’était comment, de travailler sous cette direction ?

    Décevant, parce que tout le monde personnels et détenus était content de voir partir l’ancienne équipe de direction. Elle a repris la suite de M. Cheminée, mais ça n’a pas été un renouveau positif. Elle était pas beaucoup sur le dialogue non plus. Elle a pérennisé ce qui était en place sous l’ancienne hiérarchie.

    Vous connaissez Jean-Christophe Merlet ; vous étiez surveillant quand il était prisonnier à Saint-Martin. M. Merlet a été roué de coups par des surveillants en 2016 ; il a porté plainte, et vous avez accepté de témoigner.

    Oui, j’ai croisé M. Merlet sur les coursives quand j’exerçais du côté caserne. Concernant les violences sur M. Merlet, je n’étais pas présent ; par contre, j’ai pu constater des attitudes à son égard qui n’étaient pas particulièrement… on va dire que c’est quelqu’un qui n’était pas aimé de la direction ni des surveillants. On va dire qu’on a pas été très aidant avec ce détenu qui, du fait de son handicap, avait des problèmes pour se déplacer : il avait été placé au deuxième étage, sachant qu’il n’y a pas d’ascenseur. Rien que les déplacement quotidiens vers une infirmerie, une cour de promenade ou une cabine téléphonique lui posaient des soucis. Y avait sûrement plus judicieux.

    Ça, c’est de la responsabilité de la direction ?

    Oui, tout à fait. Et par le biais des infirmières, qui auraient pu en justifier la nécessité…

    A l’époque, la direction de l’établissement vous avait demandé des renseignements sur ce prisonnier ?

    Oui, ce personnage étant issu du milieu des motards, dont je suis moi-même assez proche, la hiérarchie a essayé de tirer le fil dans ce sens-là ; mais j’ai refusé, et ça c’est vite retourné contre moi, et contre lui après ma démission.

    Ça arrive souvent qu’une direction demande des renseignements à ses personnels en plus de tous les dispositifs d’écoute et de lecture des courriers ?

    Oui, ça se demande souvent ; officiellement, mais pas de manière écrite.

    M. Merlet a aussi porté plainte contre Mme Manaud-Bénazeraf pour des faits d’acharnement à son encontre, comme ceux que nous venons d’évoquer, et pour avoir couvert son personnel concernant les violences commises à l’encontre de M. Merlet.

    C’est sûr qu’elle est quand même actrice par le fait de diriger son personnel à l’époque. Mais en tant que directrice, le problème, c’est que c’est pas elle qui est sur le terrain : c’est des directives qui étaient données par la sous-directrice du quartier caserne, Mme D., c’est plutôt elle qui aurait la responsabilité, qui avait des courriers directement ; parce que Mme Manaud était numéro 1, et je sais pas si elle avait beaucoup de notions sur Merlet à l’époque.

    Y avait eu le passage à tabac, qui faisait tache.

    Pour elle, c’est un parmi d’autres ; c’est dramatique mais c’est comme ça. […]

    Pour Jean-Christophe Merlet, son tabassage est prémédité.

    Sans certitude aucune, mais il y a eu un incident ce jour-là entre le personnel et Merlet sur un litige d’ailleurs un peu sombre, ou trouble. En revanche, la proximité entre M. Merlet et M. Diabaté, et certaines prises de positon qu’il a pu avoir, ont pu irriter ; et peut-être qu’il y a eu un surdosage d’agressivité de la part de certains personnels.

    Selon Jean-Christophe Merlet, si les surveillants leur en ont voulu, à lui et à Sambaly Diabaté, c’est en rapport avec des histoires de trafic…

    C’est probable. Quand il y a trafic entre un personnel et des détenus, le problème, c’est pourquoi on commence à balancer l’autre, et qui a balancé qui… parce que normalement, ça arrange bien tout le monde : le détenu est content d’avoir ce qui rentre, et le personnel est content d’avoir le retour du trafic. Mais certainement qu’il y en a eu. […] Moi, j’étais dans le collimateur aussi, parce que mes connaissances communes avec M. Merlet gênaient, et mes prises de position par rapport à l’inconfort dans lequel il était mis gênaient aussi. Ils auraient bien aimé que ce soit moi, sur le trafic ; je sais que j’ai eu le téléphone sur écoute un moment, mais ça a rien donné.

    Comment ça s’est passé quand vous avez été interrogé pour M. Merlet ?

    J’ai été convoqué à la gendarmerie. Ils sont très conscients de la problématique pour M. Merlet, ils ont pris note qu’il y avait eu des manquements et que certaines personnes avaient essayé de mettre des zones d’ombres et qu’on a positionné des lampistes à certaines places pour essayer d’adoucir la responsabilité de certaines personnes qui sont relativement intouchables ; et il y a la loi du silence…

    [Ndlr : Lampiste = subalterne au poste le plus modeste, à qui on fait souvent endosser injustement les responsabilités]

    Quand vous dites : « Il y a la loi du silence »… le corporatisme est très fort, les personnels se couvrent et il est impossible d’avoir des preuves ou de les récupérer quand il y a ce genre d’altercation. C’est parole contre parole, et on sait que la parole d’un prisonnier ou de sa famille ne vaut pas lourd face à la parole de surveillants…

    Il faut savoir que les personnels ont un code de déontologie concernant le secret professionnel. On n’a pas le droit de communiquer des informations concernant ce qui se passe à l’intérieur des prisons. Fondamentalement, quand on fait un peu opposition aux pratiques de l’administration et qu’on remet en cause ces choses-là, on s’expose à des sanctions en interne ; on essaie de faire pression sur les personnels pour acheter la tranquillité du système.

    Les directions couvrent leurs personnels ?

    Si on ne couvre pas, on en assume aussi les conséquences, donc en fait c’est pas qu’elles couvrent leur personnel, c’est que les manquements de ces personnels, on va forcément leur en imputer une part de responsabilité, alors…

    Prisonnier à Saint-Martin, Sambaly Diabaté est mort le 9 août 2016 d’une asphyxie, suite à l’intervention de surveillants. Vous en avez entendu parler en interne ?

    Oui. Même n’ayant plus de carte ni de mandat syndical sur la fin de mon exercice, j’avais encore beaucoup d’informations qui me remontaient parce que j’essayais encore de défendre un peu les personnels. L’affaire Diabaté, j’en ai donc entendu parler en interne par des collègues qui se sont confiés. J’étais pas là, mais je sais qui était à quel endroit, et les choses qui auraient pu être cachées, et les tentatives pour se défausser des gestes qui ont été faits, et qui n’auraient pas dû. Je sais par des conversations qui ont été tenues dans des bureaux par du personnel que le début de l’intervention part d’une altercation dans le bureau de G., premier surveillant. Ce personnel est un gradé de service, il est premier surveillant, il est pas juste surveillant, donc il gère l’équipe ce jour-là en détention. Ce que je sais, c’est que le problème part d’un entretien entre le détenu Diabaté et ce premier surveillant, où le détenu Diabaté a mordu la main de ce personnel gradé. S’ensuit tout ce qu’on sait derrière, ou pas. En tout cas, l’intervention en question sur le détenu, les personnels qui étaient là ce jour et qui ont vécu la situation se demandaient pourquoi G. en a pas parlé… Après tout, quand on se fait mordre, y a rien de mal à avoir mis un coup en retour. Ça reste de la légitime défense. Si on se fait mordre une main, qu’on pousse la personne ou qu’on mette une gifle, qu’importe ; ça reste un droit.

    Le surveillant G. n’a donc rien dit, et ne figure même pas dans la procédure.

    Oui, alors qu’il devrait y figurer, mais il y a eu un flou artistique sur le pourquoi du décès. Ils savaient pas de quel manière le décès avait eu lieu ; on sait maintenant que c’est par asphyxie.… mais à ce moment-là, la question était : « Est-ce que c’était suite à une commotion due à ce coup-là ou à un autre ? »… Parce qu’apparemment, y en a pas eu qu’un… Il y a un collègue à qui on reproche d’avoir porté un coup au sol alors qu’il est arrivé dans les derniers et qu’a priori, il a même pas touché au détenu. Actuellement révoqué, il est en demande de réhabilitation puisque les langues se sont un peu déliées en garde à vue ; les gens sont revenus sur leurs propos.

    Pendant les gardes à vue qui ont lieu bien plus tard, c’est ça ?

    Oui, parce que la police est pas idiote non plus ; y a un moment, quand les gens sont un peu trop précis, à la virgule près, ils se disent : « Bon… »

    « Un détenu qui a été menotté dans le dos avec un bâillon dans la bouche, positionné au sol dans un camion, à plat ventre avec une, voire plusieurs personnes sur le dos pour l’immobiliser. Voilà exactement ce qui c’est passé. »

    Les dépositions étaient identiques, vous voulez dire ?

    Oui c’était du copié-collé, manipulé, téléphoné, ce qu’on veut, et dans ces cas-là, on se doute bien qu’il y a quelque chose à cacher ; et en plus, malheureusement il y a eu deux suicides. Bizarrement, ces deux personnes qui se sont donné la mort se trouvaient sur cette intervention-là, et ils étaient tous les deux mis en examen. Il y a fort à parier qu’il y a un effet de cause à conséquence. Pour ceux qui étaient là ce jour-là… ils ont peu de choix : soit aller dans le sens des collègues et prendre les mêmes risques, soit dire la vérité et se mettre tous les collègues à dos, et même une partie de la hiérarchie.

    Pendant cette intervention, Sambaly Diabaté était bâillonné.

    Oui, ça c’est sûr ; ce qui a été clairement défini, c’est qu’il y a eu un bâillon de positionné et que le détenu est mort asphyxié. C’est M. R. qui l’a bâillonné, il l’a déclaré aux forces de l’ordre ; mais bizarrement, il est toujours en activité. Donc on a transporté du bâtiment caserne au quartier disciplinaire (QD), à la citadelle, un détenu qui a été menotté dans le dos avec un bâillon dans la bouche, positionné au sol dans un camion, à plat ventre avec une, voire plusieurs personnes sur le dos pour l’immobiliser. Voilà exactement ce qui c’est passé. Ce qui est marrant, c’est que des personnes présentes sur l’intervention occupaient des postes qui ne justifiaient pas leur présence sur les lieux, mais ils n’ont pourtant jamais été inquiétés. Il y un personnel connu de tout le monde qui a encore défrayé la chronique dernièrement, […] et qui connaît beaucoup de monde au niveau de la direction régionale. Lui, il était au poste de surveillance des promenades, poste qu’il ne devait pas quitter, car il y a au bas mot entre 80 et 130 détenus sur la cour de promenade ; pourtant, il a participé à l’intervention, ce qui a été relevé par tout le monde, et ça n’a inquiété aucune personne de l’administration de savoir qu’une personne qui ne devait logiquement pas avoir accès à l’intervention puisqu’elle était en poste et qu’on ne peut quitter ce poste sans relève… il n’a pas été inquiété. […] Pour avoir tenu le poste de surveillant de promenade, je sais que sur les horaires où il y a des détenus sur la promenade, il faut savoir que rien que pour des commodités d’ordre personnel il faut demander à un collègue de venir prendre le poste.

    Quand on vous apprend les techniques d’immobilisation, vous le savez, que le bâillon c’est interdit ?

    Oui, ça ne doit pas être pratiqué. C’est officiellement stipulé. Même les strangulations sont proscrites. Il y a une formation technique « intervention et menottage » une fois par an. C’est un peu sommaire et redondant, mais tout le monde y passe – au même titre qu’au stand de tir, où on répète aux agents le droit d’usage d’ouverture du feu, les circonstances, sur quel commandement, etc. D’ailleurs, dans l’affaire Diabaté, les reproches qui sont aussi faits à la première surveillante, c’est de ne pas avoir géré son intervention et d’avoir laissé faire des gestes interdits. Elle aussi, elle a fait deux tentatives de suicide.

    A quel moment et au bout de combien de temps vous considérez qu’une personne est immobilisée ?

    Tout dépend de la personne. L’objectif, c’est de neutraliser le détenu avec l’usage strictement nécessaire de la force. En Allemagne et aux Etats-Unis, je crois que le placage au sol avec menottage dans le dos et pression est proscrit justement parce qu’il y a des risques d’étouffement et de malaise cardio-vasculaire. […]

  • «  Viens vite avant qu’ils me tuent  »

    «  Viens vite avant qu’ils me tuent  »

    Entretien avec Oumou Diabaté, sœur de Sambaly, mort en 2016 à la centrale de Saint-Martin-de-Ré.

    Le 9 août 2016, Sambaly Diabaté meurt étouffé dans un fourgon cellulaire, bâillonné, menotté dans le dos, avec un voire plusieurs matons sur lui. L’Envolée avait été informé de la mort de Samba en août 2016 par Gaëtan, correspondant du journal et lui-même prisonnier à la prison centrale de Saint-Martin-de-Ré. En mars 2020, un autre prisonnier, Jean-Christophe Merlet nous a contacté. Il était présent au début des événements qui ont conduit à la mort de Samba ; et l’acharnement qu’il subit de la part de la pénitentiaire est lié à sa volonté de témoigner. En effet, depuis des années il a tenté de retrouver la famille Diabaté pour lui livrer son témoignage sur cette terrible journée du 9 août 2016. C’est aujourd’hui chose faite et c’est grâce à lui si nous sommes à présent en contact avec Oumou, la soeur de Samba. Elle souhaite sortir de l’isolement dans lequel plonge toute lutte contre l’administration pénitentiaire, ce monstre tout puissant de silence et de mensonges. Voici l’entretien qu’elle nous a accordé et que vous pouvez aussi écouter dans l’émission de L’Envolée radio du 19 mars 2021. Ce témoignage est particulièrement important dans une période où, familles et proches de prisonnier.e.s se mobilisent partout en France, pour faire émerger les violences pénitentiaires ; des violences qui sont au cœur de la gestion sécuritaire de toutes les prisons.


    Audio de l’entretien avec Oumou, la soeur de Samba

    Bonjour Oumou merci de nous répondre. Vous êtes la sœur de Sambaly Diabaté, prisonnier à Saint-Martin-de-Ré en 2016, qui est mort lors d’une altercation avec les surveillants en août 2016.

    Oui, le 9 août 2016. Mon frère a été emprisonné en 2010. Au début, il était à Rochefort, puis à Nantes et à Saint-Martin, puis il a été transféré a Fresnes. Il a demandé à retourner à Saint-Martin pour que je puisse le voir souvent, comme d’habitude, pour m’éviter de faire un long trajet. Nous sommes une fratrie de huit, dont Samba était le dernier. Il a pris dix ans de prison. Sur Saint-Martin, il a eu pas mal de soucis avec les gardiens. Je pense que Samba connaissait pas mal de choses sur les gardiens ; c’est devenu un problème pour lui. Pour l’empêcher de parler, c’était toujours des bagarres, toujours des problèmes ; il été toujours contrôlé, toujours sous pression. Je suis intervenue plusieurs fois à ce sujet. La dernière fois, c’était très grave : j’étais partie en vacances, et à mon retour j’ai retrouvé sur mon répondeur plus de 20 messages de mon frère.

    Il vous avait appelé de la cabine de la prison ?

    Oui, de la cabine, en me disant : «  Viens vite avant qu’ils me tuent ». Je suis arrivée le 3, et j’ai appelé dès que j’ai vu les messages : je n’arrivais pas à les joindre pour prendre un parloir. Il m’a rappelé le soir et il m’a dit qu’il venait d’avoir ma maman, et que maman lui avait dit que j’étais de retour de vacances. Il m’a rappelé, et ce jour-là il m’a dit : « Les gardiens, ils sont en face et ils se moquent de moi, je suis gravement malade. Viens vite. » Je lui ai dit : « Mais t’as quoi ? » Il m’a dit : « Viens, j’ai été empoisonné. » Je suis allée le voir le 5 août, et quand je suis arrivée il était en punition à la Citadelle. Ils m’ont fait attendre quinze, vingt minutes. La directrice est venue me voir en me disant qu’il fallait pas que je m’inquiète, mais que mon frère allait être accompagné de gardiens habillés avec des casques et des tenues militaires, parce qu’il était agité.

    C’était les Eris (Equipes régionales d’intervention et de sécurité) ?

    Oui, c’est ça. J’ai demandé : « Pourquoi il est accompagné par ces gens-là ? » Ils m’ont dit que c’était parce qu’il était un peu agité, et la dame m’a pris plus de trente minutes en me racontant qu’il était agité, qu’il s’était converti… J’ai dit : « Mais il est né musulman et pratiquant ! » Ils m’ont accompagnée, j’ai encore attendu dix minutes, et là je vois mon frère qui arrive, qui a perdu plus de 20 kilos… Je l’ai pas reconnu.

    Vous ne l’aviez pas vu depuis combien de temps ?

    Trois semaines. Il a perdu 20 kilos en trois semaines !
    Quand j’ai vu ces messieurs qui l’accompagnaient, aussitôt j’ai hurlé et je suis tombée. Les gardiens qui me disent : « Qu’est-ce qui se passe ? »… mon frère s’est jeté sur moi, on s’est pris dans les bras. Je lui ai demandé : « Qu’est ce qui t’arrive ? » Il m’a dit : « Heureusement que t’es venue, parce que je vais pas tarder à mourir. », j’ai dit : « Pourquoi ? Et pourquoi t’as maigri comme ça ? » Il a soulevé son haut : il n’avait plus de ventre. Il avait attaché son pantalon avec ses deux chaussettes.

    Tellement il était devenu trop grand ?

    Oui, il tenait plus, donc il a pris ses deux chaussettes et il les a nouées pour ne pas perdre son pantalon. C’est là que j’ai vu que c’était grave, quelqu’un qui pesait plus de 100 kilos qui perd du poids comme ça, brusquement. Il m’a dit : « La dernière fois, j’ai mangé la gamelle, et depuis je suis pas bien : je fais tout sur moi. » J’ai hurlé, j’ai demandé aussitôt que la directrice vienne le voir.

    C’était Manaud-Bénazeraf, la directrice ?

    Oui, c’était elle ; je lui ai demandé de venir avec une feuille et un stylo, que mon frère lui explique ce qui se passait, et j’ai dit que je voulais qu’il soit tout de suite hospitalisé, le plus rapidement possible. Elle m’a dit que c’était vendredi, et que c’était pas possible ; j’ai répondu que si c’était pas possible, moi je resterais dans la cellule avec mon frère, que je ne bougerais pas d’ici. Mon frère était couché sur ma jambe et il expliquait tout ce qu’il s’était passé avec les gardiens : qu’avant qu’il soit empoisonné, il a été assommé dans la salle de sport. De dos, quelqu’un l’a assommé, il est tombé dans les pommes un moment, et quand il s’est relevé il y avait plus personne autour de lui. Ça l’a inquiété. Il a dit aux gardiens d’arrêter, ou sinon il allait tout dire ce qu’il savait… mais quoi ? Moi, je lui ai conseillé de tout expliquer. Il a dit à la directrice qu’il avait été empoisonné parce qu’il savait trop de choses. Madame Manaud a tout écrit, tout ce qu’il a dit, et elle m’a promis que le lundi il serait hospitalisé. Elle m’a dit que je n’avais pas le droit de dormir ici. Le lundi j’ai essayé de les joindre en vain, et mardi je les ai eus au téléphone. J’avais parloir l’après-midi, sauf que la dame m’a dit au téléphone qu’il allait mieux aujourd’hui ; mais au moment où elle m’a dit ça, mon frère était mort.

    Ça, vous l’avez su par le rapport d’autopsie ?

    Voilà. Et moi, quand j’ai fini mon travail, au moment où je me changeais, j’ai reçu un coup de téléphone de la citadelle qui m’appelait pour me dire que mon frère venait de mourir. J’ai dit : « Mourir comment ? Il n’a pas été hospitalisé… Il était un peu malade, mais comment ? ». Aussitôt, je suis allée là-bas. Mme Aras a téléphoné, elle a discuté un peu avec moi.

    C’est la procureur de la Rochelle?

    Oui, elle m’a téléphoné au bureau du directeur de la Cidatelle. Il y avait aussi Mme Arbonneieux, qui pleurait.

    Qui est-ce ?

    C’était pas une surveillante, elle était… je sais pas bien, c’était quelqu’un qui recevait souvent mon frère, comme une assistante sociale qui s’occupe des détenus. De temps en temps, les détenus avaient des entretiens avec elle ; donc cette dame m’a dit qu’elle avait vu mon frère plusieurs fois et qu’il était très respectueux. Elle dit qu’elle avait [jamais] vu un détenu aussi respectueux. Elle est vivante, on peut la contacter, elle répétera la même chose devant tout le monde.

    Elle n’a pas témoigné?

    Dans le dossier, je vous dis, il y a plein de gens qui n’y sont pas et qui devraient y être. Pourquoi ? Je ne sais pas.

    Pour bien comprendre : vous allez à la prison le mardi, vous êtes reçue par la directrice… et ensuite ?

    Le corps était parti en hélicoptère quand je suis arrivée ; il n’était plus sur place. L’autopsie a montré qu’il était mort par étouffement. Il y a eu deux autopsies qui précisent qu’il a été étouffé. Comment et pourquoi, je sais pas. Avec un de mes frères, on a été convoqués par Mme Aras, mais le dossier est en cours. Aujourd’hui nous en sommes là.

    Vous avez des avocats?

    Oui, on a un avocat et une avocate : Me Castaing et Me Gouache.

    Il vient d’y avoir une qualification en « homicide involontaire », et avez fait un pourvoi en cassation pour obtenir la qualification de « violences volontaires ayant entraîné la mort ?

    Oui. Nous, on veut prouver que ça a été prémédité. Si deux gardiens se sont suicidés, c’est qu’il y a beaucoup de choses que nous ne savons pas.

    Pour résumer, il y a une dizaine de mis en cause et deux des surveillants mis cause se sont donné la mort. Il y a aussi des personnels de direction mis en cause ?

    La direction, pour le moment, ils n’ont pas été convoqués, je ne sais pas pourquoi. Il y en a même certains qui ont changé de service, qui travaillent sur Paris maintenant… il y a eu beaucoup de bouleversements après le décès.

    Ils se protègent entre eux. IIs sont mutés pour pas rester sous les feux des projecteurs… Il y a donc des personnes qui devraient être dans le dossier mais qui n’y sont pas.

    Oui, il y en a. Je sais pas bien, mais il manque des gens, et ils sont protégés par leur syndicat… mais protégés jusqu’à quand ?

    La loi du silence fonctionne bien. Donc là, vous êtes en attente ?

    Oui, on attend de savoir comment ça va se passer. Depuis son décès, notre famille est perdue : notre maman a perdu plus de trente kilos. Elle ne mange plus. C’était son petit dernier, qu’elle voyait pas souvent. Elle était venue le voir en prison en 2015 ; elle s’apprêtait à revenir, et là on l’appelle pour lui dire… Il a pas pu lui dire adieu. Le lundi, il l’a appelé pour lui dire : « Maman, je sais qu’on va plus se revoir. Je vais mourir, il vont pas tarder à me tuer. Je te demande pardon, Maman. » Et le lendemain il a été tué.

    A l’époque, il y a des prisonniers qui ont témoigné ?

    Oui, beaucoup. On a eu des témoignages, il y a même des prisonniers qui ont subi des agressions après avoir témoigné ; y en a aussi qui ont refusé de témoigner, et qui ont été libérés. Je suis au courant de pas mal de choses… mais bon, on verra.

    En 2016, Gaetan, qui était prisonnier à Saint-Martin, nous avait écrit pour dire qu’il y avait eu un mort et que c’était la faute de l’AP, de l’administration de cette prison sordide gouvernée par les syndicats. Après s’être pris un compte rendu d’incident (CRI), il avait été placé à l’UHSA (unité hospitalière spécialement aménagée) où il avait été cachetonné ; après, il avait du mal à écrire. A l’époque, on avait pas réussi à trouver votre contact pour vous faire passer ce témoignage et vous mettre en lien avec les autres familles qui se battent dans des histoires similaires…
    Il était pourtant pas fou…

    Samba est mort d’une clé d’étranglement dans le fourgon cellulaire, c’est ça ?

    Oui, dans le fourgon du transfert au quartier disciplinaire, ils se sont assis sur son thorax ; il était bâillonné.

    C’est portant complètement interdit, les bâillons… Vous savez pourquoi il a été placé au QD ?

    Non, mais il y était déjà quand je l’ai vu le vendredi. Ils l’ont fait revenir de l’autre côté pour en finir avec lui, je pense. Ce n’est pas du hasard ; pour moi, c’était prémédité. Je l’ai vu le vendredi et il me l’a dit ! Il me l’a dit plus de dix fois. Il savait que sa vie était menacée. Il était torturé psychologiquement, ils lui disaient : « Ah, il s’est converti, il a le Coran, il dit Allah Akbar », et tout ça… mais on va où ? Tous les jours, il y a l’appel du muezzin dans les mosquées, qui dit « Allah Akbar » ! On va où ? Dire Allah Akbar, c’est pas la fin du monde !

    Oui, ils sont vraiment fous avec ça.

    Dans la bible on parle de la grandeur de Dieu, de Jésus… Ils ont leur façon de faire, les musulmans ont leur façon de faire, dans ce monde, si on s’accepte pas entre nous, que chacun ne peut pas vivre librement, que chacun ne peut pas pratiquer sa religion librement, on va où ? Tout ce que tu fais, c’est mal vu. On finira par se regarder et se tuer pour ça. Ce sera la guerre civile dans le monde ou quoi.

    On est en contact avec vous grâce à un prisonnier qui s’appelle J.-C. Merlet. il était prisonnier en même temps que Samba ; ils se connaissaient très bien. Christophe a assisté au début de l’altercation entre Samba et les surveillants. Il a été lui-même passé à tabac trois semaines après la mort de Samba, et il estime que c’est lié à la mort de Samba. Depuis toutes ces années, il a essayé de vous retrouver pour témoigner, pour vous parler de votre frère… c’est aujourd’hui chose faite grâce à un courrier qui vous a été envoyé. C’est important d’avoir des témoignages, d’avoir la version des prisonniers, parce que celle des surveillants sera toujours bien huilée… Quoique là, ils ne se protègent pas ; pas tous, en tout cas.

    Non, ils se sont déchirés, aujourd’hui.

    Le samedi 20 mars, il y a une manifestation contre les violences d’état : les violences policières et pénitentiaires. Il y aura beaucoup de familles et de collectifs de morts de la police et de la prison.

    C’est bien. Il faut ; à un moment, ça va péter, ça m’intéresse d’entrer en contact avec ces familles, parce qu’on est tous dans le même combat. Il est important qu’on soit tous en contact, ensemble, pour faire un soutien général. Nous, on lâchera pas. Merci beaucoup pour ce que vous faites.

    On le fait pour nous, pour vous, pour tous ceux qui sont enfermés ; parce qu’on sait que ça n’arrive pas qu’aux autres.

    Oui, parce qu’il y a pas mal de monde dans cette situation. Ceux qu’on sait, et aussi ceux qu’on ne connaît pas.

  • « Tu chantes pas, tu manges pas » : une Prisonnière au CRA de Mesnil-Amelot raconte les humiliations sexistes et racistes par les keufs (extrait de l’émission du 9 Octobre)

    « Tu chantes pas, tu manges pas » : une Prisonnière au CRA de Mesnil-Amelot raconte les humiliations sexistes et racistes par les keufs (extrait de l’émission du 9 Octobre)

    Au centre de rétention administrative (CRA, prison pour sans papier) de Mesnil Amelot, alors qu’une prisonnière est tombée malade suite à une infection (dû au rationnement de serviettes hygiéniques), les prisonnières ont dû lutter pour faire intervenir les pompiers. Elles dénoncent les multiples insultes et harcèlements – traitées notamment de « putes » par les flics- et aussi l’humiliation lorsqu’ils les forcent à chanter « joyeux anniversaire » au chef du centre sous peine de ne pas manger. Elles dénoncent aussi la nourriture périmée qui leur est donnée, qui s’ajoute au froid dans lequel elles vivent. Voici une retranscription de l’émission de l’Envolée du 9 octobre dans lequel une prisonnière raconte tout ça (d’abord publié sur abaslescra.noblogs.org https://abaslescra.noblogs.org/tu-chantes-pas-tu-manges-pas-temoignage-des-prisonnieres-du-cra-du-mesnil-amelot/).

    « – Bonjour madame

    Bonjour, déjà merci de ton appel, est ce que tu vas bien ?

    – Oui ça va un peu malgré le stress et tout .

    Tu voulais nous parler de choses précises aujourd’hui ?

    – Ouais ouais ce que je vis depuis 2 jours là, ça a commencé avant hier et ça m’a un peu bouleversée, ça m’a rendue triste et donc c’est pourquoi je voulais le partager avec certaines personnes aussi.

    N’hésite pas vas y on t’écoute.

    – En fait ici sur le CRA des filles, parce que nous sommes aussi avec des filles qui parlent pas français – il y a les albanaises et tout- nous vivons avec elles. Alors il y a de cela 2 jours, il y a une albanaise qui est venue me voir, comme elle parle pas français, elle, elle parle anglais… bah bien que je parle pas trop français je me débrouille quand même. Elle est venue me dire qu’elle avait ses règles et elle voulait avoir des bandes hygiéniques. Elle me dit si je peux l’accompagner à la police pour aller demander des bandes hygiéniques. Là je l’ai accompagnée, arrivées là bas on a trouvé une dame, je lui ai dit voilà, la demoiselle elle a ses règles elle voulait avoir les bandes hygiéniques et la police lui a remis juste 2 bandes. Elle a négocié elle a dit avec 2 bandes qu’est-ce que je vais faire avec ? Et la police l’a grondé. La fille elle a eu peur, on est rentrées. Après dans la journée elle a utilisé les 2 serviettes, ça n’a pas suffi. Donc elle est venue me voir elle a demandé si j’en avais aussi. Moi non plus j’en avais pas. Du coup elle a pris son habit, elle a pris sa blouse, elle l’a déchiré, elle a utilisé ça comme serviette. Sans se rendre compte qu’il y avait des problèmes avec ça. Et comme la femme, elle est trop fragile elle a attrapé des infections. Elle a commencé à avoir trop mal au niveau du bas ventre et au niveau de la hanche. Elle pleurait tellement fort, elle est venue me dire « je me sens pas bien, j’ai trop trop trop mal », du coup elle est tombée par terre elle a commencé à crier très fort et comme dans notre bâtiment, il y a un bouton là quand vous appuyez directement ça sonne chez la police. Moi j’ai sonné et on a essayé d’appeler la police. La police nous a répondu « nous ne sommes pas là pour vos conneries, donc démerdez vous là bas ». C’est la réponse qu’ils nous ont donnés. Et du coup la fille elle a commencé à pleurer. Au départ on croyait que non ça va passer, c’est juste une douleur, comme on avait pas aussi les antidouleurs rien du tout. Elle pleurait, elle pleurait et plus le temps avançait, la fille elle devenait pale et elle avait une forte fièvre je voyais aussi ses yeux commencer déjà à changer et tout le monde était paniqué. On savait plus quoi faire. Elle pleurait tellement, elle était par terre, elle a commencé à faire… comment appeler ça…

    Des convulsions ?

    – Oui. Et elle pleurait tellement fort j’ai eu peur. Après il y a une des amies ici, on l’avait rapatriée il y a pas longtemps, elle m’a appelé, j’étais tellement paniquée, je lui ai expliqué la situation, elle m’a dit « attends d’abord je t’envoie le numéro des pompiers ». C’est elle qui nous a envoyé le numéro des pompiers. On a essayé de contacter les pompiers, mais on leur a dit, dès que vous êtes là, il faut pas dire aux flics que c’est nous qui vous avons fait un signe parce que ça risque de nous créer des problèmes. Effectivement les pompiers sont arrivés, à la porte d’abord, il y a eu un peu de discussion, apparemment la police ne voulait pas que les pompiers rentrent à l’intérieur pour prendre la retenue. Et à la fin les pompiers ils ont réussi à les convaincre parce que les pompiers ils sont entrés à l’intérieur ils ont pris la fille ils ont vérifié l’état de sa tension, elle était déjà en baisse, ils ont remarqué aussi qu’elle avait une forte fièvre, la fille était vraiment KO. Ils ont pris la fille et ils sont partis avec. Et puis la police est venue. Déjà les portes de ma chambre sont déjà cassées donc ça fait déjà 3 jours que je dors… on dirai que… je suis congelée en fait. Premièrement on mange pas bien et aussi tu dors dans le froid, j’imagine la suite de ma santé avec la crise sanitaire, comment je vais m’en sortir ? Donc j’ai l’impression que je vais aussi tomber malade. Et du coup les flics ils sont venus nous voir « Ouais les filles c’est vous qui avez appelé les pompiers? On va voir. » Directement ils se sont approchés de moi, ils ont commencé à m’agresser en me disant « toi tu parles français mieux que les autres c’est à dire c’est toi qui est allé appeler les pompiers » j’ai dit « mais comment ? C’est pas moi qui ai appelé les pompiers c’est la fille elle-même, c’est elle-même qui avait mal et savait ce qu’elle sentait dans son corps. Moi je suis pas dans son corps pour sentir ce qu’elle elle sent, c’est elle qui a appelé les pompiers. » Et directement une policière s’est approchée de moi, elle a voulu me gifler, j’ai esquivé, je suis rentrée dans ma chambre.

    « ok vous serez poursuivie : 3 ans de prison si vous faites pas le test. »

    Vers 4h, ils sont venus dans ma chambre comme la porte est déjà cassée, comme toutes les portes sont déjà cassées, donc il y a même pas moyen qu’elle frappe à la porte, elle rentre, elle m’a réveillé à 4h et j’ai sursauté sur le lit il y avait déjà l’un des… [problème de téléphone] je ne comprenais rien de ce qu’il voulaient me faire en fait… Le policier il était dehors et la dame elle est rentée, elle m’a réveillé elle dit « demain tu dois te présenter au greffe » j’ai dit «  bah pour quelle raison ? » « Tu n’as aucun droit de me poser des questions, demain tu te présentes au greffe. » Je lui demande « mais pourquoi ? » elle me dit « Tu dois faire le test parce qu’il y a un vol prévu pour toi » je lui ai dit « non je vais pas faire le test » « si tu oses refuser tu vas voir, de toute façon tu verras ce qu’on va te faire. » Le matin effectivement vers 10h comme ça, les gens de l’hôpital m’appellent : « mademoiselle il faut passer à l’infirmerie. » Je suis pas partie, j’ai essayé d’appeler les garçons, les amis qui sont dans l’autre CRA, ils me disent « non il faut pas y aller ». Je suis pas allé non plus. Après quelques minutes comme ça je vois qu’ils ont envoyé 4 policiers qui sont venus. Ils me disent « madame vous êtes appelée à l’infirmerie. » Comme j’ai refusé de partir du coup je vois l’un d’eux dit : « ok vous serez poursuivie : 3 ans de prison si vous faites pas le test. » J’ai pas répondu à ça et dans la nuit encore ils sont venus là ou j’étais et ils ont commencé à me traumatiser. Il y en a un là qui m’a bousculé. Elle me dit « comme tu veux pas y aller, que ca fait 2 fois que tu as refusé le vol, tu seras escortée parce que tu dois faire le test. » J’ai dit « non c’est ma santé si je ne veux pas faire le test, je ne vais pas, je ne vais pas, de toute façon je suis pas en train de présenter les symptômes du Covid ». Ils ont commencé à parler n’importe quoi, comme ils voulaient parler et c’était fini.

    Aujourd’hui quand on est allé manger, vers 18h (aujourd’hui on a fini à 19h), nous sommes rentrées à l’intérieur du réfectoire comme on fait souvent, des lignes : vous montrez les cartes et puis vous vous asseyez. Du coup on voit la policière elle se lève et elle nous dit « Avant de manger vous devez d’abord chanter. » Chanter ? Chanter quoi encore ? Elle nous dit comme quoi ouais aujourd’hui c’est l’anniversaire de leur chef et nous sommes obligées de chanter. J’ai dit « est-ce que chanter pour votre chef c’est obligatoire? »

    Elle me dit « si tu chantes pas tu manges pas ».

    C’est à dire on a commencé à prendre une personne par personne. C’est à dire vous rentrez à l’intérieur vous chantez 3 fois joyeux anniversaire, 3 fois, et puis vous partez manger. Si vous refusez on ne vous donne pas à manger. Il y a le même fille là qui était malade, celle qui avait été emmenée à l’hôpital elle ne se sentais pas bien, elle n’a pas la force de chanter et la policière lui a exiger de chanter, la fille elle dit : « j’ai très mal, je ne peux pas chanter ». Directement on a refusé de la nourrir. Jusqu’à présent la fille est est dans la maison [la chambre] et comme on a l’habitude de prendre le pain pour rentrer avec dans la chambre, ils ont remarqué que quand on prenait le pain on va donner à la fille. Ils ont refusé de nous donner même le pain … [problème de téléphone] quand la nuit elle est trop longue. Parfois la nourriture qu’on nous donne on arrive pas à manger, c’est pas du tout bon alors quand on te donne le pain ca va t’aider durant la nuit tu peux avoir faim. Ça peut t’aider, tu peux manger, tu bois de l’eau, tu dors et la nuit passe. Mais comme notre amie elle est malade, le pain là on allait amener avec nous, comme ça on peut partager avec l’autre. Mais eux ils disent non il faut pas prendre de pain parce que ils savent que au cas ou on prenait le pain on va le donner à la fille. Ça fait depuis le matin que la fille n’a pas mangé vous exigez aux gens de chanter pour votre anniversaire, vous vous êtes bien alors que nous nous sommes stressées la nuit on dots pas on ne sait pas comment on va s’en sortir. Oui on a fait des erreurs chaque personnes fait des erreurs dans la vie et toute personne à le droit à un deuxième chance…

    […]

    Je suis avec deux autres ici.

    Et ça va ? Elles ont le moral ?

    Bah on essaie un peu d’être fortes, on essaie. On a pas le choix, seulement la fille elle m’inquiète beaucoup parce que on a donné des médicaments qu’elle doit prendre ce soir mais elle n’a rien mangé, comment elle va s’en sortir ? Elle n’a rien mangé elle est devenue pale. Déjà ici je n’ai pas de pull, déjà je porte que seuls deux habits que je suis venue avec depuis que je suis venue en France. Je suis venue avec que deux habits parce que je fuyais chez moi avec la guerre qui était là bas je fuyais, je n’avais que deux habits et toutes les portes sont cassées ce qui fait qu’il fait très très très froid. Ça fait deux mois et quinze jours que j’utilise les même draps non lavés et c’est déjà troué. Donc j’arrive même pas à me couvrir comment je vais continuer à vivre comme Ça ?

    Elles nous ont racontées ce matin que la femme malade a été libérée hier soir, suite à l’intervention des pompiers. C’est grâce à leur lutte collective que cela a pu arriver !

    Lien vers l’émission du vendredi 9 Octobre en entier:

    Vous pouvez appeler et soutenir les personnes enfermées dans les taules pour sans papier.

    Rassemblement vendredi 16 Octobre 2020 à 16h30 au RER A Joinville le Pont pour manifester devant le centre de rétention de Vincennes en solidarité avec les personnes enfermées en CRA.

  • Interview d’un prisonnier d’Ile de France

    Interview d’un prisonnier d’Ile de France

    Transcription condensée de l’interview d’un prisonnier d’une maison d’arrêt d’Île-de-France à l’émission du 8 avril 2020.

    lue à l’antenne le 8 Avril 2020

    Peux tu nous raconter comment ça se passe depuis le début du confinement ?

    Quinze jours avant le confinement, la direction de l’administration pénitentiaire est venue nous voir pour nous dire qu’on avait plus accès au parloir familial ; qu’on verrait plus nos familles. Il y a eu des gens qui ont mal pris la chose, parce que les surveillants, eux, ont accès quotidiennement à la prison ; ils rentrent sans masques, sans gants, et ils sortent tous les jours. On s’est dit : « pourquoi interdire les familles alors que les surveillants font la même chose ? » Après, on a pris sur nous : on a compris que c’était pour éviter la contamination au sein de la détention. Y a eu quelques mouvements de protestation, on nous a dit qu’on allait nous donner une promenade le matin, une promenade l’après-midi ; et c’est tout ce qu’on a eu, quoi. On a rien eu d’autre.

    Les crédits de téléphone promis par la ministre de la justice Madame Belloubet, on les a jamais vus. Ils sont toujours pas arrivés. Et même avec ces crédits, au final y a une cabine pour cent détenus. Donc vous voyez bien : si tout le monde se met à aller à la cabine, ben la cabine, ça devient… une zone de contamination, quoi ! Donc on évite… on essaie de trouver des petits téléphones pour continuer à parler à nos familles ; moi, depuis le confinement, j’ai pas été une seule fois à la cabine téléphonique. C’est vraiment le truc à pas faire. Vous prenez tous le même appareil ; vous parlez, vous postillonnez sur l’appareil téléphonique et derrière, y en a un autre qui le prend et qui fait la même chose… Y a aucune désinfection juste après ; donc c’est pas une mesure utile. Ceux qui ont la chance d’avoir un téléphone, y sont bien lotis, en attendant d’avoir des parloirs ; et ceux qui en ont pas, ben ils ont pas de nouvelles de leur famille, à l’extérieur ils s’inquiètent… Nous, on essaie quand même d’aider certaines personnes, de passer des messages à leur familles, de les prévenir qu’ils vont bien… mais si y avait pas un peu de solidarité entre les détenus, franchement, ce serait la catastrophe.

    Les mesures de la ministre, c’est une grande blague générale. Quarante euros pour le téléphone : personne l’utilise, et y faut éviter, au contraire… Ensuite vous avez quarante euros pour les personnes qui n’ont pas d’argent, donc nous ça nous change rien du tout… Voilà, quoi ! A part ça, des réductions de peine : ils enlèvent deux mois en fin de peine, mais nous ça nous concerne pas parce qu’on est en détention provisoire, donc pas jugés ; avec la présomption d’innocence, logiquement on aurait plus de chances d’être auprès de notre famille en attendant notre jugement… moi, dans mon cas, mon dossier est fermé, j’ai ma femme et mes enfants dehors qui sont seuls ; s’ils ont un problème, je peux même pas être là, je peux même pas les aider ni faire des courses pour eux, ni rien du tout. Ma famille, si quelqu’un est contaminé… en gros, on peut laisser nos proches mourir à l’extérieur sans avoir eu l’occasion de les voir une dernière fois.

    Et sur les libérations, concrètement, vous voyez venir quelque chose ?

    Non ; j’ai des contacts avec le bâtiment d’en face, y a toujours autant de monde. Ils relâchent les gens auxquels il reste moins de deux mois, mais sa mesure, elle a rien changé parce que dans la loi, quand il vous reste moins d’un an, vous pouvez avoir le bracelet électronique, ou être sous contrôle judiciaire à l’extérieur, où il faut aller signer au commissariat en attendant votre fin de peine. Donc là, des gens à qui y reste moins de deux mois, y a déjà plus personne, en fait ; Cette mesure et les autres, c’est un effet d’annonce pour la presse et l’opinion publique, mais  sans plus. Au sein de la détention, personne ne voit le changement.

    Entre ce qu’ils disent à la télé sur la détention et ce qu’on vit à l’intérieur, c’est le jour et la nuit. Sincèrement, c’est pas du tout ça ! Ce qu’ils disent qu’ils ont donné, c’est jamais arrivé ; des masques, on en a pas, du gel hydroalcoolique on en a pas, on a pas de gants ; et on est plus nombreux en promenade maintenant qu’avant le confinement, en fait. Ça, on a pas compris. En cellule, on est plusieurs sans aucune protection, donc il suffit qu’y en ait un qui a le virus et tout le monde l’attrape. On a aucune aide, aucun soin. Vous pouvez appeler l’infirmerie : faut écrire un mot, ils vous appellent peut-être le mois d’après… mais entretemps, on sait pas si vous êtes encore là.

    Donc à l’intérieur tout le monde est angoissé : les gens qui voient plus leurs familles sont stressés, tout le monde a peur, donc la tension monte. Des jeunes ont déjà bloqué, il y a déjà eu une mutinerie, et je pense que si ça continue ça va aller crescendo.

    Tu me disais que les entrants sont très vite mis en cellule avec tout le monde ?

    Exactement ; un ami à moi était sorti sous contrôle judiciaire, et en fait, les entrants passent pas une quatorzaine isolés pour éviter de ramener le virus. Ils les font monter directement. Vous êtes déjà en détention, quelqu’un vient de l’extérieur, on vous le met directement avec vous, sachant que vous êtes déjà deux, vous vous retrouvez à trois avec un contaminé potentiel. Ici on est tous les uns sur les autres, donc si y a une personne contaminée, en une semaine vous avez tout le bâtiment qui risque de l’être. J’ai l’impression qu’ils font l’inverse de ce qui devrait être fait.

    Les libérations, c’est un mensonge total. Ceux qui devaient être libérés passaient en commission d’aménagement de peine, quand il leur restait moins d’un an… ben maintenant les commissions sont annulées !  Les Spip, ceux qui s’occupent des dossiers, ne travaillent plus à cause du confinement ; automatiquement, ça fait qu’il y a plus de gens qui restent en prison. En fait, y a rien qui a été fait ; y a des surveillants qui se sont acheté leurs propres masques eux-mêmes à la pharmacie ; y a zéro masques, pas de gel hydroalcoolique, pas de gants. L’administration a vraiment rien fait, elle laisse les gens à l’intérieur et laisse pourrir la situation.

    Vous êtes informés par l’administration s’il y a des gens malades, des gens mis en quarantaine ?

    Ah, non, non, ici vous avez aucune information ; vous allez voir passer des blouses blanches avec un détenu ; vous savez qu’il est contaminé, mais ils le disent surtout pas. On sait pas où ils partent ; on les voit plus, après. Il y a deux personnes contaminées dans le bâtiment dans lequel je suis ; on sait pas leur état, on sait même pas s’ils sont bien pris en charge ou pas. Ici y a pas de lits, y a pas de réanimation, y a pas de traitement, y a rien du tout. Si vous êtes contaminé, c’est vous et votre chance, quoi. Ils veulent pas nous le dire, mais on sait qu’il y a des contaminés, et le problème, c’est que surveillants et détenus, personne n’a fait le test ; ce qu’il aurait fallu, c’est faire des tests ; ceux qui sont contaminés, les mettre d’un côté en isolement total, ainsi que les personnels de l’administration ; et ceux qui sont pas contaminés, on peut les laisser dans un régime plus souple : promenade, toujours pas de parloirs, mais bon… quand même, on met à l’écart les gens contaminés – comme ils devraient faire à l’extérieur aussi… mais y a pas de tests. Du coup tout le monde est suspicieux, tout le monde est en stress, en panique, et tout le monde a peur pour sa vie ; parce que là, en fait, ils mettent la vie des gens en danger. On peut avoir commis des choses, on reste des êtres humains, mais les droits de l’homme sont pas appliqués dans la maison d’arrêt ; c’est malheureux à voir. Il y a des détenus qui ont commencé à porter plainte pour non-assistance à personne en danger. On est en danger, on a même pas de masques, on a rien du tout. Je comprends que c’est pour le personnel médical en priorité ; c’est normal. Ici, à 20 heures, tous les détenus applaudissent par la fenêtre pour soutenir le personnel médical ; mais on aimerait bien au moins… peut-être rester seul en cellule, pour éviter d’être avec quelqu’un de contaminé. On demande pas plus que les gens dehors. On a peur pour nos vies. On attend, en espérant qu’ils trouvent des solutions concrètes pour les détenus ; qu’ils essaient au moins de faire quelque chose, peut-être six mois pour les petits délits : délits routiers, gilets jaunes… les personnes pas dangereuses en fin de peine. Dans tous les cas elles vont sortir, alors qu’elles sortent dans six mois ou dans huit mois, vu l’état actuel des choses…

    On a pas à risquer votre vie. On reste des citoyens français. On est des pères de famille ; D’autres ont leurs grands-parents qui ont le virus, dehors ; ils sont ici et ils peuvent vraiment rien faire. Faut comprendre la réaction des détenus quand ils manifestent. C’est notre droit. On a le droit de manifester qu’on ne respecte pas notre protection.

  • « LES GENS VOULAIENT PASSER PAR-DESSUS LA POLICE »

    Entretien réalisé le 5 juin 2019 avec Jean, Gilet jaune de Saint-Etienne, à sa sortie de Fresnes où il a été incarcéré un mois. Initialement publié dans le numéro 50 du journal l’Envolée.

    Comment tu t’es retrouvé embarqué dans ces histoires de Gilets jaunes ?

    J’étais un esclave du système et je voyais qu’il y avait de plus en plus de gens qui souffraient de ce système et qui étaient détruits par lui ; quand j’ai vu que les Gilets jaunes prenaient une dérive un peu plus contre le système capitaliste, plutôt que sur la taxation de l’essence, ça devenait intéressant pour moi. J’ai eu l’impression de l’émergence de quelque chose : un mouvement hors syndicats, hors partis politiques… ça émergeait naturellement du plus profond des entrailles du peuple, et ça m’a attiré.

    Tu avais déjà milité avant ?

    Jamais. Après, j’ai des convictions politiques ; mais je me suis jamais mis dans un parti ou autre.

    T’es allé sur les ronds-points, aux manifs…

    En fait, j’ai fait les deux ! Au début, j’ai fait les ronds-points ; ce que je trouvais intéressant, c’est qu’il y avait un échange social et culturel : tout le monde se parlait à cœur ouvert, on retrouvait le dialogue entre citoyens… alors que maintenant la société fait que dans le bus, tout le monde a son casque, on se parle pas, on se regarde pas, on se connaît pas… Là, sur ces ronds-points, j’avais l’impression qu’on se redécouvrait… tout le monde était sans étiquette ! j’aimais beaucoup discuter avec les gens, parce que t’arrivais à faire prendre conscience de certaines choses, le pourquoi du comment, pourquoi on supprime l’ISF au moment où on augmente l’essence, que ça représente à peu près la même somme d’argent… tout ça, c’est des prises de conscience qui se sont passées sur les ronds-points. En général, quand t’es de gauche, tu discutes avec des gens de gauche. C’est très appauvrissant, parce que forcément, t’es cloisonné dans une idéologie existante. Pareil pour les milieux d’extrême-droite. Là, y avait tout le monde ! De droite, de gauche, des gens qui vivaient la misère ; y avait de tout, et c’était ça qui était vachement intéressant. La manif du 17 novembre, je m’y suis pas intéressé ; j’ai fait la suivante, et après j’ai fait celle de début décembre à Paris, et ainsi de suite.

    Tu as donc fait la fameuse manif du 1er décembre, qui a fait un peu peur au pouvoir…

    Pour moi, c’était pas vraiment une manif… ça avait vraiment un air révolutionnaire ! Après novembre, dès la première manif, y a eu une répression vraiment énorme de la police, avec beaucoup de violence ; même dans ma ville de Saint-Etienne, j’ai pu le voir : pour disperser, y avait pas de dialogue, rien, ça tirait dans le tas et ça balançait des lacrymos à tout-va, ça attrapait les gens par les cheveux, enfin j’avais jamais vu ça, ni à la télé ni rien. Je m’imaginais même pas que c’était possible que nos très chers policiers puissent être violents comme ça. Je pense que c’est ça qui a déclenché l’énervement du 1er décembre : il y avait des consignes de répression dans toute la France, les gens l’ont mal vécu et ils se sont énervés, quoi. Après, ça a été la politique de la peur, les policiers te tiraient dessus, ils te disaient : « Rentrez chez vous, vous avez rien à faire dans la rue ! » T’avais l’impression qu’on gênait vraiment… Moi, à ce moment-là, je continue à y aller, je prends l’exemple de mai 68 et je me dis que les gens ont pas eu peur, ont essayé de contrôler leur peur ; ils ont rien lâché, et c’est comme ça qu’ils ont obtenu des miettes… du système, quoi ! Et je pensais qu’en continuant à rien lâcher, on aurait fini par avoir des miettes !

    Des miettes, ou un petit bout du gâteau ?

    Faut pas rêver ! Les parts du gâteau, elles sont réservées aux actionnaires du CAC 40 ; nous, les ouvriers, les gens d’en bas, on peut espérer que des miettes, mais ce serait déjà bien qu’on en ait quelques-unes ! On a juste bloqué la machine un moment. On l’a empêché d’avancer, mais c’est pas ça qui va sauver l’avenir de nos enfants, sauver l’avenir des ouvriers. Maintenant que les gens ont peur et qu’ils sont tous rentrés chez eux – parce que c’est ça, hein, c’est pas que les gens sont satisfaits ! … Eh ben la machine, elle continue.

    Tu peux nous raconter ta montée à Paris ?

    En allant sur Paris le 8 décembre, je me suis fait arrêter parce que je transportais des fumigènes. On était pas partis depuis vingt minutes qu’on se prenait une fouille intégrale du bus de deux heures, véhicule et passagers. Moi, j’avais ramené un sac de fumigènes, parce que j’en ai toujours vu dans les manifs de la CGT, des cheminots, dans les stades de foot… on en voit partout. Ils m’ont saisi le matériel, et je suis encore en attente de ce procès pour possession et transport d’engins pyrotechniques. Mais ça ne les a pas empêchés de s’appuyer dessus pour le procès qui m’a amené en prison ! Y avait pas de jugement, rien du tout, juste une note où ça disait : « Il a été contrôlé à telle date, il est en attente de décision du procureur », et ça les a pas empêchés d’en parler à mon jugement, et de s’appuyer sur le fait que j’étais en pseudo-récidive.

    Vous étiez en groupe ?

    J’étais avec des potes, mais c’était cosmopolite : on est montés avec des roannais qui avaient organisé un bus parce que la voiture ça coûte trop cher. Là, 25 balles aller-retour c’était presque donné. Ce départ de province pour Paris, c’était du jamais vu. On a dû passer 7 ou 8 check-points ! A tous les péages, tous les carrefours, ils te fouillaient et te refouillaient. Les premiers te laissaient casque, masque et matériel défensif, tu vois, et plus tu te rapprochais de Paris, plus ils t’en enlevaient !

    Ça, c’était le 8 décembre ?

    Oui, c’est là où j’ai vraiment vu la machine répressive à 100% ! Ils avaient sorti les chiens, les chevaux qui faisaient office de voltigeurs parce qu’ils avaient pas encore remis les voltigeurs d’actualité ; les chevaux galopaient et paf, ils te mettaient des coups de matraque ; y avait aussi les blindés de la gendarmerie… Ils avaient presque doublé les effectifs de police par rapport aux premières manifs, et là on a vraiment senti qu’il y avait quelque chose qui basculait.

    Castaner voulait montrer qu’il reprenait la main ; vis-à-vis des médias et des gouvernements étrangers, aussi, parce que que la semaine d’avant, c’était pas passé loin !

    C’est vraiment pas passé loin, parce que début décembre, j’ai vu des policiers partir en courant en laissant casque et bouclier… de peur, quoi ! On voyait la peur sur leur visage, parce que… y avait des mères et pères de famille… tout le monde avait envie d’aller chercher Macron avec les fourches et les piques ! Les gens voulaient passer par-dessus la police pour aller le chercher. Ça puait la révolution ! C’était vraiment impressionnant. Les deux dates : la première pour la ferveur populaire, la deuxième pour la répression. Et encore plus dans la province, peut-être. Même les syndicats ont été complètement dépassés… Je connais beaucoup de gens qui sont impliqués dans les organisations syndicales ; fin décembre, je suis allé les voir, je leur ai dit : « Mais les gars, c’est quand que vous allez vous réveiller ? Vous voyez pas qu’il se passe quelque chose ? Les gens comme vous, faut qu’y soient dans la rue aussi ! » Ah, ben non… » au début, dans leur tête, manipulés par les médias, ils croyaient que c’étaient des extrémistes de droite qui étaient dans ces mouvements… Moi je disais : « Y a plus d’extrême-droite, y a plus d’extrême-gauche, c’est le peuple, point barre ! On s’en fout ! » Diviser pour mieux régner, c’est vraiment le b. a. -b.a de la domination, et arrêtez de vous faire avoir au premier croche-patte, quoi ! On s’en fout que le gars va voter à droite, à gauche, s’il est musulman… On s’en bat les couilles, de ça ! On est tous pareils, en fait ! Y a pas d’autre clivage que celui qui nous sépare de la classe dominante !

    Des clivages, il y en a, mais à ce moment-là, ils commencent à bouger, parce que les gens sont eux-mêmes dépassés. Tout le monde fait du chemin dans sa tête. C’est d’ailleurs pour ça que le gouvernement durcit encore sa réponse. En janvier, ça commence à être dur, des milliers de gens ont déjà été blessés, trois mille ont été gardés à vue. Toi, tu continues à sortir dans la rue ?

    Ouais, ouais, je continue à monter à Paris, comme pour l’appel national, c’était au mois de mars, le 16, le jour du Fouquet’s ! Au fur et à mesure des manifs, plus t’en prends plein la gueule gratuitement, -ou même pas gratuitement : des fois, t’as envie d’aller au contact-, mais plus t’en prends plein la gueule, plus tu t’extrémises ! Tu finis par vouloir presque la mort du fonctionnaire qui est en face de toi ! Quand j’ai vu les images de femmes qui se faisaient traîner par les cheveux, d’enfants qui se faisaient gazer dans un parc de ma ville, quand tu vois qu’une femme se prend une grenade par sa fenêtre et qu’elle en meurt, quand tu vois des handicapés jetés de leur fauteuil roulant, ça te met la haine, la hargne, et c’est ce cheminement qui s’est passé pour moi.

    Le fait que les policiers aient toute latitude pour blesser et éborgner les manifestants, d’un côté ça énerve et ça renforce la détermination, mais de l’autre ça terrifie des gens – et c’est normal !

    Personne n’a envie de finir en prison pour de la merde ! Moi, j’ai vu, dans mon voisinage : on est beaucoup dans mon bâtiment ; au début, sur le parking, y avait énormément de gilets jaunes sur les pare-brise, mais au fur et à mesure que le mouvement se faisait réprimer, y en a eu de moins en moins… j’ai commencé à discuter avec mes voisins pour demander comment ça se faisait, s’ils étaient contents des réponses de Macron, et la réponse de tous, ça a été la même : « Non, on a juste peur ! On est père de famille, mère de famille, on voudrait que les choses changent, mais on a pas envie de perdre un oeil ou une main, on a pas en vie de finir en prison, on a pas envie de se faire tabasser ! »

     Tu peux nous raconter ton arrestation ?

    C’était le 1er mai, et pour moi c’était une date clé, historique, où on aurait peut-être pu faire quelque chose – et c’est vrai que j’y suis monté avec un peu de matériel ! Dès le début du rassemblement, vers une heure et demie ça commençait déjà à partir en cacahuète, et dans le bain de foule, j’ai fini par me faire arrêter. Au faciès, parce que j’étais habillé en noir et que j’avais un masque à gaz. Ils m’ont attrapé par le sac à dos, par derrière, ils m’ont jeté par terre, et après ils m’ont traîné sur 20 mètres jusque derrière leurs lignes, j’ai eu le dos tout éraflé, et après j’ai eu droit au pied sur la tête, etc. Mais bon, je savais bien qu’une fois que tu t’es fait attraper, ça sert à rien de faire le gangster ou de te rebeller, parce que tu ramasses plus ! Tu vas prendre outrage, ou autre, autant de pierres pour la justice, pour t’écraser ! Une fois attrapé, je savais que c’était cuit ! Fallait juste que je serre les fesses et les dents et que je sois très poli et très gentil, et c’est ce que j’ai fait.

    Ils t’ont mis quoi comme chef d’accusation ?

    Ils m’ont collé « groupement en vue de commettre des violences » contre les policiers et des dégradations matérielles… en l’occurrence, par la possession d’un masque à gaz qu’ils appellent « de guerre » parce qu’il y a deux cartouches, d’un casque militaire, de gants coqués.

    Et ton avocat ?

    Mon avocat, c’était un peu un charlot, même s’il a réussi à me faire sortir… Il devait venir me voir le matin de mon procès, il est pas venu, du coup j’ai pu l’apercevoir dans la salle d’audience trois minutes où il m’a glissé quelques mots à l’oreille, mais on a pas pu préparer de défense.

    Tu te fais arrêter, mettre en garde à vue au 36 quai des Orfèvres, et tu es déferré devant le juge qui te propose la comparution immédiate ?

    Avant ça, y a eu quelques magouilles aussi. Au moment du renouvellement de ma garde à vue, l’OPJ me dit : « écoute, j’ai encore deux ou trois questions à te poser avant de te laisser sortir, mais par contre, si tu prends un avocat, je suis obligé de te prolonger de 24 heures ; sinon, dans deux heures je te libère. » Naïf que je suis, j’ai accepté, j’ai répondu à ses questions, pour ensuite être prolongé et déferré. Ils m’ont mis une carotte devant le nez, et j’ai voulu la croquer, mais je suis passé à côté.

     Tu refuses la comparution immédiate…

    Je demande un report pour préparer ma défense, voir avec un avocat et le collectif anti-répression comment je pouvais me défendre ; le juge a estimé que j’étais trop dangereux et qu’il fallait que j’aille en prison. Ils m’ont incarcéré à Fresnes.

    Tu avais des garanties de représentation ?

    J’ai deux boulots dont un CDI et un où je suis chef d’entreprise ; je suis marié, père de famille. Niveau garanties, j’étais au max, quoi ! Ça a surpris même mon avocat qu’ils me mettent en prison !

    Dans le dossier, y avait déjà l’histoire de décembre ; pour le juge, tu faisais partie des gens qui remontent inlassablement sur Paname, genre « tant qu’il sera en préventive, y nous fera pas chier dehors. »

    C’est ça ; comme ça, le week-end prochain, il sera pas dans nos rues, et le suivant non plus. Sauf qu’en prison, je peux rencontrer des gens à qui je peux faire passer le message ! Et il est bien passé, en prison, justement !

    Raconte-nous ton arrivée là-bas…

    Ils nous ont amenés à 2 heures du matin à Fresnes, au quartier Arrivants… On rentre tout de suite dans le bain, ils commencent par te faire des prises d’empreintes, ta photo, ils te donnent ta carte, ils te prennent ta fouille qu’ils mettent sous clé, et après, première fouille intégrale, tout nu, lever les pieds, etc. Et ça y est, t’es parti dans la machine carcérale, quoi.

    Et ce que tu découvres en prison, c’est conforme à ce à quoi tu t’étais préparé ?

    Non, c’est pire ! Comment t’es traité, les conditions d’hygiène, les conditions de détention, elles sont bien pires que ce qu’on imagine… Aux Arrivants, y te donnent une brochure : sur les photos les cellules sont propres, y a une douche dans la cellule… quand t’arrives à Fresnes, tu te rends vite compte que c’est juste une brochure publicitaire ! Photo non contractuelle ! Mon premier codétenu, aux Arrivants, il était là pour la même chose que moi ; il avait pris une interdiction d’aller à Paris suite à une manif, il a bravé l’interdiction en disant : « Moi, je suis un citoyen, j’ai le droit d’aller manifester ! » Il s’est fait arrêter et il a pris quatre mois de prison ferme… J’ai eu de la chance : je suis tombé sur un codétenu qui avait les mêmes valeurs, les mêmes idéaux que moi.

    Tu y restes trois semaines et demie ; tu vas en promenade, tu descends, tu croises des gens, tu discutes… Comment c’est reçu, cette histoire de Gilets jaunes, à Fresnes ?

    Ben, eux, y nous voyaient comme des révolutionnaires, des résistants… ils ont montré beaucoup de respect pour nous, ceux qui sont là pour d’autres raisons ! Y comprennent pas que nous, on fasse pas de l’argent ! Pour eux, si tu vas en prison, c’est parce que t’as fait de l’argent. Faut que ça vaille le coup, financièrement. Moi, je leur disais qu’ils étaient complètement broyés par le système ; que l’argent, c’est futile, que c’est pas ce qui compte ; ce qui compte, c’est de nourrir sa famille. Mais on est dans un système où l’argent est roi. Y en avait, si, qui étaient là pour des gros deals et qui ont réussi à gagner des millions. Mais c’est pas la majorité. Moi je leur disais : « C’est vous qui êtes les premiers Gilets jaunes, les gens des quartiers – la plupart des gens en prison, c’est des gens des quartiers – parce que c’est vous qui avez subi en premier la répression policière, c’est vous qui subissez de plein fouet la misère sociale, économique… Vous êtes les premiers gilets jaunes ! » Mais franchement ! Mon codétenu au quartier, quand j’ai quitté les arrivants et qu’ils m’ont mis en division… eh ben il m’a tout donné ! Il partageait sa bouffe avec moi, il partageait sa fume avec moi, il partageait tout avec moi… Bon état d’esprit !

    Tu te disais quoi de la prison et de ceux qui y sont, avant d’y aller?

    Pour moi, c’était des gens qui méritaient d’y être ; s’ils y étaient, c’était sûrement pour une bonne raison. Je vais pas mentir. Quand tu connais pas… Le fait d’être allé en prison, ça a vraiment changé mon point de vue. Je vois plus les détenus comme avant. Je me rends compte que c’est pas du tout ce que je m’imaginais. Y a une solidarité énorme entre les détenus –enfin pas tous, parce qu’il y a des fous, aussi, en prison- mais y a une solidarité… Avec les yoyos, un gars qui manque de bouffe, ça lui envoie de la bouffe, un qui manque de clopes ça lui envoie des clopes… vraiment un esprit de solidarité.

    Et en tant que Gilet jaune, l’administration te traitait comment ?

    Aucune différence, sauf au cas par cas : certains matons te disaient : « Moi je suis Gilet jaune, je vous soutiens à 100% », et arrivaient à te passer des cigarettes en cellule d’attente, ou à être plus sympas avec toi. Mais c’est une minorité. Et puis c’est comme des policiers qui se disent Gilets jaunes, mais ça les empêchera pas de te mettre des coups de matraque tous les samedis. Le devoir avant tout, c’est les ordres… Au bout d’un moment, les gars, faut avoir une conscience ! Moi je travaille en maison de retraite ; les ordres, c’est de rationner la bouffe, la viande, mais je suis humain : j’en mets toujours un peu plus ; je me mets à leur place… j’essaie d’améliorer les recettes qu’on nous impose pour respecter les coûts, aussi ; pour donner un peu plus de plaisir aux personnes âgées quand elles mangent. Et pourtant j’ai des ordres, je pourrais perdre mon boulot. Après c’est pas le même boulot. Les matons, quand y signent, c’est pas une vocation sociale, c’est pas pour aider les détenus mais pour mater les détenus.

    Au bout de trois semaines et demie de détention, tu passes devant le juge…

    En gros, c’était plus un procès d’intentions qu’autre chose. On m’a reproché d’être habillé en noir : ils voulaient absolument m’assimiler au black bloc. En fait, ils voulaient m’entendre dire : « Je suis un black bloc. » Au final, le procureur a réclamé neuf mois de prison ferme et le juge m’a donné neuf mois de prison avec sursis. Mon avocat était complètement perché. Il a plaidé dix-huit minutes sur vingt à propos de Trump, du capitalisme… Moi j’étais complètement dépité. Il m’a même rappelé le lendemain pour me dire qu’il était désolé, qu’il était dépressif en ce moment, qu’il avait perdu sa grandmère… Non, je te jure ! Mais, j’ai jamais aucun regret, et je prends la prison comme une expérience sociale et une élévation intellectuelle ; ça m’a permis de voir des choses que j’aurais peut-être pas connues dans ma petite vie de bon travailleur. J’ai pu voir l’envers du décor et me rendre compte de qui étaient ces gens en prison, qui étaient les matons… C’est la vie, j’ai payé ma dette à la société, et j’ai vu ce que c’était, j’ai vu l’enfer de la prison. C’est pas les détenus, c’est la surpopulation, l’hygiène… L’enfermement, à côté de ça, c’est rien, tu le vis bien, mais tous ces traitements un peu inhumains… même si on est pas torturés, on est quand même traités comme des chiens. Je l’ai vu, et je dis respect, force et honneur à tous les détenus de France qui subissent tout ça.

    Tu as gardé des liens avec l’intérieur ?

    Y a des camarades de prison qui sont ni des black blocs ni rien, qui étaient là pour des stups ou autres, avec qui j’ai gardé des contacts, et on aimerait bien se revoir à l’extérieur, histoire de pouvoir se parler en dehors d’une prison, tu vois ? Et même si on se revoit pas, ça restera une expérience et un enrichissement.

     La prison ne semble pas t’avoir traumatisé…

    Ils m’ont pas non plus démotivé ! Je suis père de famille, et j’ai toujours envie de changer les choses pour créer un monde plus libertaire, plus social… Le cancer de notre monde, c’est le capitalisme. Je me suis même retrouvé une famille politique, du coup ! Avant je savais pas m’étiqueter, et là je sais clairement que je suis anarchiste. Maintenant que je m’y suis intéressé, je vois que ça me correspond tout à fait, et c’est les idéaux pour lesquels je me bats depuis des années sans jamais mettre de mot dessus. Bon, je reste quand même assez croyant et catholique, mais l’un n’empêche pas l’autre, hein !

  • Témoignages des prisonniers en lutte du CRA de Lyon-Saint-Exupéry

    Témoignages des prisonniers en lutte du CRA de Lyon-Saint-Exupéry

    Depuis le 2 juillet, les prisonniers du CRA de Lyon Saint Exupéry sont en lutte. Ils ont écrit une lettre collective aux autorités, entamé une grève de la faim, rendu leur carte de retenus (qui servent aux keufs à les identifier) et subi les coups et la répression.

    Dans l’émission de l’Envolée du 5 juillet, Nizar revenait sur cette semaine de lutte. Il a été déporté violemment le lendemain. Deux jours plus tard, Omar revient sur ce qui se passe au CRA de Lyon dans une conversation téléphonique.

    Voici des extraits de ces deux discussions. Force et courage à tou.te.s les enfermé.e.s !

    Extraits de l’émission l’Envolée du 5 juillet 2019

    Envolée : Du coup toi t’appels du centre de rétention de Lyon ?
     
    Oui, exactement, alors je me présente je m’appelle Nizar. Je suis en centre de rétention de Lyon Saint-Exupéry depuis deux semaines. Et en fait ici pour vous dire très simplement c’est la jungle.
    C’est la jungle où les policiers de la PAF sont les fauves et où on est l’appât, où on est euh voilà… On est des animaux en fait !
    On a pas de droits ici. Ils sont en train de faire n’importe quoi avec nous. Ils refusent des soins pour des gens, ils enlèvent du matériel médical pour certains. Ils refusent de simple choses.
     
    Et aujourd’hui il y a eu un incident qui est très très grave. En fait parmi nous ya une personne qui est malade d’accord ?
    Elle s’appelle euh, elle m’a autorisée à donner son nom, elle s’appelle Mohamed Ali né le 1.06.1987. C’est une personne qui est venue ici juste après avoir fait une chute de 6 mètres sur un rocher, ou il a eu plusieurs fractures et c’est une personne qui est épileptique donc elle est là avec ses béquilles, détruite et qui fait beaucoup de crises d’épilepsie et en fait on le laisse pas accéder au soin.
    Aujourd’hui ce qui s’est passé c’est que il voudrait accéder à son bagage qui est dans la consigne en fait, et c’est tout à fait son droit puisqu’il le fesait à 17h alors qu’on a plus le droit à partir de 18h30. Donc ce monsieur demande à accéder à son bagage et on lui refuse ça !
    On lui refuse ça parce que, je ne sais pas pourquoi, parce qu’ils prennent des décisions arbitraires.
     
    – Envolée : Attends excuse-moi. C’est juste pour expliquer ce bagage en fait. En fait, juste pour euh dire quand vous vous êtes en cellule vous avez pas le droit de ramener toutes les affaires c’est ça ?
     
    Exactement. On a pas le droit. Ouais on a comme une bagagerie à l’intérieur du poste de police
     
    – Envolée : Une salle de coffre quoi.
     
    Voilà. Donc on leur donne notre carte. On va là-bas sous la surveillance prendre ce qui est à nous et revenir.
    Donc monsieur on lui a refusé d’accéder à son bagage et l’autre, le policier qui lui a refusé ça, ben il lui a mis un coup dans l’épaule, un bon coup dans l’épaule. Sachant qu’il est épileptique et qu’il a ses béquilles sur lui au moment des faits et il lui dit « écoute moi jsuis un boxeur ».
    Et là qu’est-ce qu’il se passe ? Et bien il fait une crise d’épilepsie et c’était vraiment très très grave et c’est la troisième de la journée qu’il fait.
    Et comment vous dire en fait ils s’en foutent, ils s’en foutent de tout ça, passez moi le terme mais pour eux on existe pas, on est pas là et depuis quelques jours en fait parce qu’on a fait une grève de faim.
     
    On a envoyé la lettre, ce qu’on a fait, tout le monde a signé, a mis son nom et prénom pour indiquer que allo ?
     
    – Envolée : Ouais excuse moi, la lettre dont tu parles c’est la lettre qu’on a lu juste avant ton coup de file ?
     
    Exactement
     
    – Envolée : Et est-ce que tu crois que avant de partir la dessus, est-ce que tu peux expliquer de comment vous avez décidez ensemble de vous mettre en grève de la faim parce qu’en gros là ya nous ya des copains dans d’autres centres de rétention en Île-de-France qui écoutent et c’est important aussi tu vois que les infos elles s’échangent un peu.
     
    Alors en fait ce qu’il s’est passé c’est qu’un monsieur est partit pour voir, enfin pour récupérer quelque chose dans son bagage. Quand il a ouvert son bagage il a trouvé que les meilleures choses, les meilleurs objets qu’il possédait ont disparus !
    Et ces bagages là, personne n’a accès à ces bagages sauf les policiers et la personne concernée puisque chaque personne doit présenter sa carte et on prend son bagage ou il y a son nom et prénom devant la surveillance d’un policier et on nous donne ça et on remet ça devant nous.
    Si quelque chose manque c’est les policiers qui les ont prisent, je sais que c’est très très grave ce que je viens de dire, et je pèse mes mots et j’en porte la responsabilité. Donc les policiers en fait ils sont en train de nous délester dans la bagagerie des meilleurs objets qu’ont possède, à savoir des montres, de beaux parfum, de belles pièces de… Enfin soit des gourmettes en or, des gourmettes en argent…
     
    – Envolée : Ouais ils volent quoi !
     
    Ils volent exactement ! LES POLICIERS DE LA PAF DE SAINT-EXUPERY VOLENT DANS NOS BAGAGES voilà.
     
    – Envolée : Là on parlait juste avant dans l’émission en fait de la, d’une des prisons les plus sécuritaire de france qui s’appelle Condé-Sur-Sarthe et ou en fait comme dans toutes les prisons les matons il vont aussi pas mal de…
     
    Voilà il se sucrent sur euh exactement ! Voilà ! Ça a commencé comme ça. Le monsieur comme forcément il va pas être content, il a réclamé qu’il revisionne avec eux les caméras, ils ont refusé et donc ça a commencé à se chauffer parce que la même journée ya eu une personne a qui on a volé quatre cartouches de cigarettes, une autre personne un parfum Armani qui coûte 200€ et quelque. Euh… D’autres personnes ont perdues des montres, beaucoup de choses en fait le même jour ! Donc c’était un petit peu la goutte d’eau qui fait débordé le vase.
    Toute fois on a pas fait de bordel ! Pardon excusez moi le terme
     
    – Envolée : T’as droit de dire « bordel » t’inquiète !
     
    C’était pas une contestation très très vive.
     
    – Envolée : Ouais vous avez juste demandé vos droits, de voir la vidéo euh de savoir ce qui se passe quoi parce que ça devient chelou quand même
     
    Et bien quand ils ont vu que tout le monde avait les mêmes revendications parce que presque tout le monde avait perdu des affaires ce qu’ils ont fait c’est que maladroitement ils ont essayé de rattraper le truc. Et ils ont dit « ah bah écoutez ce qu’il s’est passé c’est qu’on a retouvé vos affaires dans un autre bagage ».
     
    – Envolée : Mais non ! Et toutes les affaires de plein de gens différents ?
     
    Enfin non juste les bagage du monsieur de ce jour là. Et ce qui est impossible parce à chaque, comment dire, casier il y a un numéro et ça commerspond au numero du retenu et donc c’est IMPOSSIBLE qu’on lui ai donné deux casiers. Et d’ailleurs lui-même la dernière fois qu’il avait pris son bagage avait toutes ses affaires dans le même bagage. Et les poliiers n’ont pas le droit de remettre ça dans un autre bagage, de remettre ça dans un autre casier. Donc soit ils ont pris son bagage, il l’ont mis dans un autre casier, une partie de son bagage et ils l’ont mis dans un autre casier. Ce qui est interdit !
    Soit ils les ont volés ! Et c’est ce qui est le plus probable et d’ailleurs ce qui s’est passé. Ils ont volé ça et à un moment donné ils se sont dit « oh c’est partit trop loin, là ils sont pas bête quand même et donc on va remettre ça ». Et maladroitement ils ont fait ça et nous on avait compris, en fait c’est juste la goutte d’eau qui fait débordé le vase ! On a décidé de faire une grève de faim pour que les policiers soient plus, comment dire, attentifs à ce qu’on veut, à nos droits quoi ! Et donc on a demandé à voir un responsable, ça n’a pas été fait donc on a fait une grève de faim pendant…
     
    – Envolée : Ah ouais, on vous refusé euh… Là vous avez toujours pas vu votre responsable ?
     
    Non, toujours pas vu de responsables.
     
    – Envolée : Le responsable tu veux dire c’est le, le chef, le chef du CRA ?
     
    Le chef du CRA exactement ou au moins un sous-chef du CRA enfin pas un
     
    – Envolée : Ouais pas les flics lambda qui…
     
    Exactement pas un policier qui exécute seulement les ordres qu’on lui donne donc euh…
     
    – Envolée : Parce que c’est dans vos droits en plus !
     
    Exactement, donc voilà, il ont pas donné euh, ils n’ontt pas accédé à ce droit. Euh donc la grève a durée 4 jours quasiment , le quatrième jour on a quand même mangé, c’était aujourd’hui euh…
    Et aujourd’hui ce qu’il s’est passé c’est que .suite à la crise d’épilepsie de … Qu’a fait monsieur Mohamed Ali et ben on a demandé à ce qu’il soit pris en charge.
    D’ailleurs c’est pas sa place en centre de rétention. Une personne comme ça sa place, c’est une prise en charge soit dans un hopital soit…
     
    – Envolée : D’ailleurs c’est la place pour personne mais particulièrement pour lui on est d’accord.
     
    Exactement mais voilà.
     
    – Envolée : Mais toi et tous les autres potos ils ont rien à faire en centre de rétention. Vous devez rester vivre à ou vus avez envie de vivre et c’est tout.
     
    Exactement mais voilà je dirai à plus forte raison pour une personne voilà. Et bien écoutez donc on m’a… Les policiers sont venus en bon nombre, ils ont créés des bagarres entre nous parce que en fait ils sont très au fait et très euh.. il connaissent très très bien les affinités qui peuvent exister entre certaines ethnies, et ils jouent sur ça vous voyez.
     
    Donc ils créént un peu de bagarres, et à ce moment là, moi personnellement j’étais en train de parler au téléphone pendant 1h30 donc j’ai même pas vu la crise devant ma vue, j’ai même pas vu la bagarre.
    En sortant ya le policier qui vient et qui me choppe qui me dit « toi tu viens avec moi ». Voilà pour je ne sais pas quoi, faire de moi une leçon ou… Il voulait m’emmener dans le poste certainement pour me tabasser. c’est une chose qui a été déjà faite et il y a d’autres personnes qui ont déjà été tabasser par les policiers qui peuvent témoigner.
    Et donc dans ce même jour ya mr Mehdi Galkaoui qui était en train de donner les premiers secours à monsieur Mohamed Ali qui a fait la crise.
     
    Et à ce moment là ya les policiers qui sont venus et ils lui ont dit de dégager, en fait il pouvait pas dégager parce que le monsieur qui a fait une crise a avalé sa langue vous voyez ce que je veux dire ?
     
    Il était en train d’être asphyxié, et il pouvait pas, c’était un truc d’urgence !
     
    Ce qui s’est passé c’est que le monsieur qui était en train de la sauver, un retenu, et bien on l’a, on lui a fait une euh … Je sais pas comment on dit ça, une clef de bras.
     
    – Envolée : Une clef de bras oui
     
    Exactement, une clef de bras. C’est vraiment, il a serré il a asphyxié, étouffé et ils l’ont tiré euh sur la terre pour l’emmener voilà enfin ils ont tirés comme un animal euh… ils l’ont emmené chez eux. Je sais pas ce qu’ils en ont fait, ils l’ont maltraités sûrement.
     
    – Envolée : Parceque là t’as pas de nouvelles du poto qui a aidé le…
     
    Si si si il est sortit plus tard mais voilà il est dans un état psychologique pas très très bien, il veut pas parler aux autres.
    Et en fait moi ils m’ont dit, enfin je sais que c’est quelque chose de grave ce que je dis quand même si il y a des gens qui entendent mais voilà on m’a dit clairement, très très clairement « tu vas le payer cher ». Parce qu’ils pensent que je suis le meneur ou je sais pas quoi de ce mouvement alors que en fait c’est juste que je suis.. Enfin je suis la personne qui parle mieux français. Donc je suis quelqe part leur porte parole des choses qu’ils disent en arabe ou en d’autres langues moi je suis l’interprète et en même temps je suis avec eux dans le mouvement.
    Et donc ils me prennent pour le meneur, ou c’est le rôle qu’ils vont me donner ils me l’ont dit texto « on va t’accuser d’incitation à l’émeute » et je vais vous dire mon nom et prénom comme ça se suis quelque part un peu protégé, je m’appelle Nizar Hamriti, je suis né le 25.10.1994 à Casablanca.
    Donc ils m’ont « dit toi tu vas le payer cher.
    Tu es le meneur tu vas le payer cher ».
     
    – Envolée : ouais parce qu’en fait tout ce que tu racontes c’est des trucs quon a entendu là récemment dans les, enfin au CRA de Mesnil-Amelot, ou a CRA de rennes ou en fait les flic parviennent à dresser les gens les uns contre les autres, à organiser des bagarres et après en profiter pour foutre des gens à l’isolement, les tapper, les transférer, désigner des meneurs et compagnie. En fait c’est le fonctionnement normal des CRA que tu décris quoi.
     
    Exactement, en fait ce qu’ils font aussi les policiers c’est que en fait à un moment donné de la journée entre 10h et 14h faut qu’on évacue les cellules et le couloir ou on habite. Qund on les évacue, et bien généralement l’après-midi il y a des bagarres qui se créent, pourquoi ?
    Parce que comme je vous ai dit en faite comme ils osnt très au fait des affinités entre éthnies et bien ils prennent des affaires d’une chambre et ils le mettent dans une autre chambre bien dissimulée avec laquelle peut-etre il y a quelque…
     
    – Envolée : Comme ils ont fait avec les affaires au coffre du coup ?
     
    Voilà exactement, enfin sauf que pour le coffre c’était pour eux, ils se le mettaient dans les poches mais quand ils sont dans les couloirs pendant l’évacuation ils planquent ça pour que les autres découvrent ce qui a été volé dans la chambre d’autres ethnies enfin ça peut etre des blacks, des arabes, des tunisien, des marocains, des algériens, des albanais, pour que la bagarre se créé. Vous voyez ce que je veux dire ?
    Donc maintenant nous on est au courant de ce qui se passe, de leur manipulation et tout et voilà..
    On ne se fait plus avoir et ils nous ont dit clairement « yavait toujours des tensions ici mais c’est la première fois que ça arrive comme ça vous allez voir, on va vous punir ».
     
    – Envolée : Ouais ils sont pas content de ne pas réussir à vous diviser quoi !
     
    Exactement. On connaît bien le dicton « pour régner il faut diviser », ce qu’ils faisaient depuis longtemps euh maintenant ils ont plus ce pouvoir quelque part donc euh… Ca les emmerde au plus haut point et ils commencent à devenir très très agressifs envers nous, très très malpolis.
     
    Moi je fumais une cigarette tout à l’heure en venant au réfectoire, il me dit le policier il me dit « tu approches avec ta cigarette moi je t’écrase ». Alors que dans cet endroit on a le droit de fumer. c’est pas dans le réfectoire c’est dans une allée pour aller au réfectoire qui est à l’air libre et nous on fume.
    Il me dit « toi tu t’approche avec ta cigarette, je te l’écrase ».
     
    Ya autre chose qui a été fait et j’ai remarqué c’est que au fait ils ont tous un numéro de matricule, les policiers de la PAF, comme tout autre policier.
    Là euh, cette après-midi ils ont enlevés tous les matricules de manière ce qu’on enregistre pas le matricule de chacun pour pas pouvoir se plaindre de telle ou telle personne en particulier quoi.
     
    – Envolée : C’est ce que font les flics quand ils se mettent à tapper les gens.
     
    Ya beaucoup d’autres choses parce que voilà j’ai beaucoup d’idée hein, moi ça fait que deux semaines que je suis ici, mais j’ai été témoin de tellement de choses dégueulasses, inhumaines que voilà j’arrive même pas à canaliser tout ça et vous le dire. Ya des idées qui me viennent au fur et à mesure euh par exemple des provocations psychologiques de la police et de la PAF ils n’hésitent pas à te dire « nique ta mère, trace ta route », pardon pour le mot. Euh ils n’hésitent ps à te dire devant les autres policiers, et moi ça m’est arrivé aujourd’hui, « toi tu verras on va te mettre un raclée », « tu aura ton compte », « tu le payera cher », mais il n’hésitent pas en fait à le faire !
    Parce que je pense que du moment qu’on est sans papiers dans ce centre de rétention on a pas le droit ! C’est comme si le droit français ne s’exerçait plus sur nous ! c’est comme si on était pas des sujets à ce.. Enfin voilà à ce droit là ! Comme si ça ne nous concernait plus et c’est la jungle.
    C’est comme ça que j’ai commencé ma discussion, c’est vraiment la jungle ! Les policiers contre nous euh voilà
     
    – Envolée : Oui et puis ils vous traitent comme des animaux quoi…
     
    C’est vraiment des animaux et là je parle même pas du lieu en lui même ! En fait là ce qu’ils sont en train de faire sur un coté des cellules, à un mètre des cellules ils sont en train de bâtir enfin, ils sont pas en train de bâtir, ils l’ont déjà bâtit, un mur de fer euh massif…
    Vous voyez le mur en béton ben sauf que c’est vraiment en fer.
     
    – Envolée : Genre ya plus de lumière ya plus de soleil ya plus rien ?
     
    Au fait ce qu’il y a c’est qu’il y a plus de lumière naturelle qui rentre. Ya un effet lentille euh convergente qui est fait.
     
    – Envolée : Oh vous devez avoir trop chaud…
     
    Exactement, ça tappe sur le, sur le mur de fer et ça le réfléchit sur une seul zone dans le, dans la chambre, ça fait un effet micro-onde.
    Et après la nuit ce qu’il se passe, c’est comme le fer il est chaud avec l’échange thermique, la nuit il fait un peu plus froid, et bien ça chauffe ! Ça chauffe, ça chauffe énormément !
    Et ça, ça dur toute la journée, alors à part les cellules et le couloir ou on subit ça, ya la cour. Sauf que la cour, ya aucune cour ombragée ! Ya pas d’ombre dans les cours ! Ça veut dire que grosso-modo dans le centre de rétention de Lyon c’est soit une cour qui n’est pas ombragée dans le contexte de la canicule ou tu es dans un habitat qui fait office de four quoi !
     
    – Envolée : Mais toi t’es arrivé dans le contexte de a canicule pile en plus.
     
    Exactement, et pas que pour moi. Ya des gens qui sont vraiment malades ! A qui on refuse le soin ! On leur refuse le soin ! On est tous en train de se gratter euh, de se gratter la peau monsieur. Vous voyez c’est euh, c’est grave !
    Le monsieur qui est cassé, qu’on a cassé la main, un monsieur a été cassé de la main par les policier de la PAF ! c’est très grave tout ça !
     
    – Envolée : Et qu’est-ce qui s’est passé ouais ? Comment ça s’est passé ?
     
    Alors bah attendez il est devant moi. Ah en fait ce qu’il s’est passé c’est que il s’appelle Miled Qualifa, né le 9.9.1999, en fait il était sous médicaments, il était souffrant, il était sous médicament. Il dormait.
    Et comme je vous ai dit tout à l’heure à 10h on fait l’évacuation donc il dormait, euh on lui a dit sans ménagement « bon tu te réveil ! », lui il dormait, il était dans un état de somnolence, il les a même pas entendu et bah là directement, deuxième, troisième fois on lui demande et la quatrième fois c’est coup de matraque à la main et il a été cassé emmené à l’hôpital avec platre et puis et puis tout…
     
    – Envolée : Tu euh… C’est une manière de réveiller les gens quoi !
     
    Oui exactement c’est une des manières de réveiller les gens oui !
     
    – Envolée : Mais ils sont fou ! Ouais pardon je fais des blagues qui sont peut-être pas bonnes mais des fois c’est notre manière de, parce qu’on en entend tellement des histoires que on a envie de de casser des murs. C’est pas du tout pour minimiser en tout cas.
     
    Ouais non mais je vous comprends, même nous on essaye de faire un petit peu des blague pour euh détendre un p’tit peu l’atmosphère parce que autrement euh, autrement c’est très très grave, c’est insupportable !
     
    Là en ce moment on est tous en train de se gratter la peau ! Ya des sauterelles qui rentre monsieur dans nos chambres, ya des puces ! Ya des insectes que j’avais jamais vu de toute ma vie.
     
    – Envolée : bah ouvrez un zoo, jsuis désolé je continue sur les blagues.
     
    Ouais c’est a en fait, on se disait entre nous que dans quelque temps yaura des créatures qui vont apparaître. L’évolution des espèces et bien au CRA de Lyon les biologistes vont [passage inaudible].
    Euh voilà euh, je sais pas franchement je sais pas.
     
    On a écrit, au fit, la lettre qu’on a envoyée, tout le monde l’a signée ça veut dire que forcément ya un problème si tout un dépôt fait une grève de faim et que tout le monde signe sur un papier ou on atteste de ce qu’on a attesté ça veut dire que c’est très grave et je peux vous dire aussi qu’on l’a envoyé à beaucoup d’institutions et beaucoup de groupe officiel :
    On l’a envoyé au ministère de l’intérieur, on l’a envoyé au ministère de la justice, on l’a également envoyé à matignon – parce que c’est de leur ressort aussi quelque part – on l’a également envoyé au bâtonnier de la cour de là ou on voit le juge des liberté et des détention histoire que le juge quand il décide de remettre 30 jours à quelqu’un ben qu’il sache un peu où il l’envoi.
     
    Euh voilà on a envoyé à beaucoup de personnes, à la ligue des droits de l’Homme, à la cour européenne des droits de l’Homme également parce que ben ya pas de respect des droits de l’Homme.
     
    – Envolée : Vous avez fait aussi la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté ? Le défenseur des droits ?
     
    Ouais exactement, on a même pris en photo les lettres recommandées qui contenaient les documents voilà comme quoi ça prouve qu’on a bien fait les lettres et …
     
    – Envolée : Et après juste pour reprendre là dessus, nous quand même enfin ce qu’on disait c’est que ce que vous vivez c’est ce que vivent les gens dans tous les CRA de France et que du coup cette lettre elle devrit partir de tous les CRA enfin dans le sens. En fait c’est pas la rénovation du CRA de Lyon qu’il faut, on est d’accord, enfin c’est bien la fermeture de tous les CRA. Ya pas de bonne manière d’enfermer les gens.
     
    Exactement, mais pour arriver à un résultat global à un moment donné faut partir du spécifique euh…
     
    – Envolée : non c’est sur, c’est sur…
     
    Et comment dire aussi, ce qu’ils ont fait parce que ça c’est très très important.
    En fait ce qu’on a fait nous c’est qu’on a fait grève de faim, on a également pris toutes nos cartes parce qu’il y a deux cotés, coté bleu et coté jaune, on a donné de son propre plein gré ces cartes et on les a remis au policiers histoires de dire que voilà, on est pas des noms et des prénoms et des dossiers que vus traités pour envoyer rapidement au pays d’origine pour exécuter les mesures d’éloignement ON EST D’ABORD DES ÊTRES HUMAINS ! Qui même en attendant cette mesure d’éloignement, devraient être soit libres – c’est ce que l’on veut dans l’idéal – soit au moins traité comme des être humains. Euh comment vous dire…
     
    – Envolée : C’est cool hein franchement refuser les cartes…
     
    On a refusé les cartes et ce qu’il s’est passé c’est que on a voulu récupérer les carte après parce que avec les cartes on récupère certaines choses dans nos bagages et pour les visites. Mais ce qu’ils ont fait c’est que en fait en demandant les cartes ils nous ont dit « vous mangez, on vous donne les cartes ; vous mangez pas, on vous donne pas les cartes ».
     
    – Envolée : Ils ont voulu vous interdire de visite ?
     
    Ouais en fait, ils ont fait un chantage. Ils ont fait un chantage. Si vous mangez on vous donne les cartes, et donc vous aurez, vous pourrez avoir des visites, si vous mangez pas, vous aurez pas de visites ! Et vous n’aurez pas accès à votre bagage, et même ce qui est très très grave, on vous donne pas de linge, de nouveau linge en fait, linge propre.
    Et quand j’ai parlé aux policiers un petit peu le chef qui sort un petit peu dans la cour, et ben il m’a dit «  c’est les consignes du dircteur du CRA ».
     
    – Envolée : Qui refuse de vous voir ?
     
    Voilà cette même personne qui refuse de nous voir donne des consignes comme quoi pour donner les cartes qui nous confèrent d’autres droits et ben faut faire.
     
    – Envolée : Faut arrêté de protester euh…
     
    Exactement, donc moi qu’est-ce que je dis à la dame ? Je lui dit madame, ma carte qui me confère d’autres droit, je dois décider de ne pas jouir d’un droit. C’est à dire le fait de manger ou pas.
    Et c’est exactement ça, je lui dit « est-ce que c’est logique ? », elle me dit « Nan, c’est les directives, c’est le directeur du centre de rétention de Lyon qui fait ça ».
     
    Autre chose, la lettre que vous avez vu hein que vous avez lu, ils me l’ont volé. Donc moi je ne sais pas depuis quand la France confisque enfin le système euh administratif ou pénitencier confisque un papier quoi
     
    – Envolée : Depuis assez longtemps je crois.. Ouais c’est pas un truc qui arrive cette année quoi, enfin malheureusement comme dans les prisons, dans les centres de rétention, la volonté de l’état c’est qu’il n’y ai rien qui sorte. Que les seuls trucs qui sorte c’est des communiqués mais après les communiqués bon [passage inaudible]. Du coup c’et hyper fort ce que ous avez fait et c’est hyper cool là que tu ai pris le temps de témoigner comme ça à la radio.
    Nous l’émission elle va bientôt touchée à sa fin, on voulait savoir si yavait quelque chose que tu souhaitais rajouter ?
     
    Euh oui bah ya en fait euh jsais pas, ya monsieur Taibi Omar, et surtout monsieur Mohamed Ali, monsieur Mohamed Ali surtout, surtout qui a besoin de soin. Et il peut pas rester dans cet état là parce qu’il fait trois, quatre crises par jour et c’est franchement euh, c’est invivable. C’est plus possible, on est des poules, on est pas des êtres humains et cette personne là je redis son nom, Mohamed Ali il est dans un grave état de santé qui nécessite d’être hospitalisé !
     
    – Envolée : Et on rappel que quand l’état enferme en fait il est responsable de la santé des gens qu’il enferme et que déjà il n’avait qu’à pas enfermer les gens quoi ! Et qu’à un moment faut arrêter de se foutre de la gueule du monde. Et du coup c’est hyper grave et c’est hyper important d’avoir dit son nom à l’antenne. On rappel qu’en ce moment il est en vie et que c’est de la faute de l’état que son état de santé se dégrade.
     
    Je voulais juste préciser que cette personne là, quand même, tenez vous bien, il a été dé-choqué trois fois, il était mort trois fois, avant d’arriver dans le centre de rétention suite à sa chute qu’il a fait son cœur s’est arrêté de battre pendant trois fois et il y a des papiers qui prouvent ça. On l’a amené en déchoquage trois fois, enfin, c’est à dire que son cœur s’est arrêté trois fois à cette personnes avant qu’on l’amène en centre de rétention.
    Et il commence à manifester des symptômes qui sont quand même grave. Très très grave ! Surtout avec les antécédents qui a. Et ils font toujours rien, ya même le médecin du CRA qui l’interdit de donner ce certificat là pour pouvoir le présenter dans le tribunal alors que il a d’autres papiers, avant durant sa liberté qui prouvent qu’il est épileptique. Et le comble, le comble dans tout ça c’est qu’il lui donne le traitement d’épilepsie mais il veut pas lui donner l’attestation prouvant qu’il est épileptique.
     
    – Envolée : Comme quoi ils se foutent bien ouvertement de la gueule des gens, ils jouent avec la vie des gens. Du coup c’est très important de relayer, ya le site de l’envolee.net ou on va relayer votre lettre et continuer de relayer les informations.
    Et aussi pour préciser que à cette date c’est vraiment la taule qui est en train de faire le truc et que toi par exemple tu as donné ton nom tout à l’heure, euh vu toute les menaces qu’il ont fait on rappel que tu es en parfaite intégrité morale et physique et que voilà ils on pas intérêt à te toucher en tout cas on sait exactement
     
    Exactement parce que tout à l’heure je voudrais juste le redire, tout à l’heure ils voulaient m’emmener, ils allaient me tabasser hein. D’ailleurs tout le monde a protester, ils ont criés et tout parce qu’ils savaient vraiment ce qu’il allait se passer. Ils savaient ce qu’il allait se passer, il y a surtout une personne qui m’a soutenue c’est Taibi Omar, il a crié, protesté, « vous l’emmenez pas, vous l’emmenez pas ! ». Et on l’a tappé lui aussi.
     
    – Envolée :Bon en tout cas toutes ces personnes sont en parfaite intégrité morale et physique et si ya des trucs qui se passent on saura que ça viendra de la part des keufs.
    Extraits d’une conversation téléphonique avec Omar deux jours plus tard

     » Moi je m’appelle TAIBI Omar, je suis né le 13 mars 87. En fait j’ai envie de témoigner sur un homme qui s’appelle Mouhamed Ali je crois que vous avez entendu parler de lui.
    Il vient de tomber encore dans une crise d’épilepsie. Et maintenant il l’ont pris avec.
    Ils ont pris déjà beaucoup de temps pour venir interpréter mais ils l’ont pris avec et après quelques temps l’ambulance elle est venue ici alors ça veut dire c’est grave.

    Ils l’ont pris avec alors j’ai pas pour l’instant mais s’il y a plus d’infos je vais vous nformer. Merci beaucoup. Voilà.

    – Est-ce que tu veux raconter un peu comment ça se passe, comment ça s’est passé pour lui, ou même pour d’autres personnes le soin à l’intérieur du CRA ?

    Le soin ici c’est vraiment grave parce que le médecin il lui donne un traitement mais il refuse de lui donner l’ordonnance qui dit que ce monsieur là il est malade parce qu’ils veulent garder les gens ici comme ça . Parce que lui c’est pas quelqu’un qui peut rester ici quoi. Il est malade ! Il peut pas rester ici ! Ils ont pas le droit de le mettre ici ! On sait jamais quand il va tomber et où il va tomber. C’est ça le plus pire !

    Et… Le médecin ici il refuse de donner le certificat, ils veulent lui donner quand même le traitement quoi ! Alors lui il a refusé le traitement depuis trois jours pour contester  ; il joue même avec sa santé et sa vie mais ya rien qui change quoi !

    C’est toujours la même chose, ya rien qu’à changé ! Toujours la même chose ! Voilà !

    – Et du coup ils ont réagit comment les keufs quand il a encore fait sa crise d’épilepsie ?

    En fait la quatrième fois aujourd’hui, là il y a quelques minutes. C’est un peu grave quoi ! Ils ont au moins, au moins cinq minutes, j’étais là en train de tenir sa tête et ils ont pris le temps quoi ! Ils prennent du temps.
    On dirait qu’ils s’en foutent  !
    En plus ils sont venus et ils ont fait sortir tout le monde et ils ont fermé toutes les portes comme ça ils sont tout seul avec lui. Mais j’étais là moi j’ai regardé ! J’ai regardé tout ce qu’il s’est passé là !

    - Et ils faisaient quoi ?

    Yavait un seul pompier et ils étaient là en train de regarder. Ils ont même pas tenu ses pieds. C’est moi qui ai dit « tiens » [passage inaudible].
    Et le pompier il tient sa tête et voilà ya rien quoi, il s’est passé rien d’autre.

    – D’accord

    Voilà

    – Je sais pa si t’as envie d’en parler mais pour les autres personnes qui sont à l’interieur du CRA comment ça se passe pour les soins ?

    Le soin c’est la même chose ! Yen a un ici ça fait combien de temps, hey combien de temps ? Ya un mec ici son bras il est cassé ça fait 42 jours. Il le bouge même pas ! Il a 18 ans, ils le bougent même pas l’hôpital !
    Ils l’ont envoyé une fois à l’hôpital, après ils l’ont ramenés, la même chose, il a un truc comme ça là. Vous voyez jveux dire on le met sur le le cou pour tenir la main.
    Le mec ça fait 42 jours qu’il est comme ça !

    Ça c’est pas normal !

    – Il a une écharpe ?

    Ouais ouais voilà, celui qu’on met sur l’épaule pour tenir là main là. Comment on appel ça ? Jsais pas !
    Et ils refusent même de le soigner !

    Chaque jour lui il parle avec eux ! Même moi j’étais là parce que lui il parle pas français. Rien. Même moi j’ai fait ça pour lui. Pour parler avec eux.
    Ils m’ont dit « ouais le monsieur il est un peu agressif.. ». Il y est mais mais c’et pas le.. C’est comme ça !
    Voilà. C’est pas normal. C’est vraiment pas normal !

    Le médecin je lui ai parlé moi même. Je lui ai dit « le monsieur je le connaît depuis plus que 10 ans. Je sais comment il tombe ! Je sais [passage inaudible]. Je sais c’est un mec malade. Donnes lui l’ordonnance ». Il m’a dit « C’est moi le médecin, c’est pas toi ! »
    Et voilà !

    Ils refuse même de parler avec moi.
    Même la femme qui travaille ici au poste de forum réfugiés là ! Elle a été dans son bureau de de médecin. Elle a parlé avec lui pour lui donner l’ordonnance, il refuse toujours.
    Les policiers ils ont témoignés devant le juge ! Dans le tribunal. Ils ont témoignés que ce monsieur là, il est malade ! Le médecin il refuse toujours de lui donner l’ordonnance là, le certificat.

    Mais il lui donne le traitement ! Ça j’ai pas compris.

    Tu veux dire que les keufs même dans le tribunal ils ont dit qu’il est malade ?

    Ouais ils ont témoignés, ils ont dit devant le juge « ce monsieur là il est tombé déjà trois fois ». C’est pas quelque chose pour rigoler ça ! Ya quelqu’un qui tombe devant toi trois fois alors ça veut dire qu’il est malade.
    Et aujourd’hui la quatrième fois, jusqu’à aujourd’hui qu’ils l’ont pris… Jsais pas qu’est-ce qu’il l’ont pris à l’hôpital ou on…
    Et alors l’ambulance elle est venue !
    Vous voyez, et voilà quoi…
    C’est tellement grave..
    Le médecin ils s’en foute ! Les keufs ils s’en foutent ! La bouffe il y reste un jour  ! C’est périmé, qu’il lui reste un jour quoi !

    C’est grave franchement moi j’ai le sentiment d’être un animal ici ! Pas un être humain.
    C’est trop trop, franchement c’est trop !

    Moi j’ai peur que l’un ou l’autre il va se suicider ici, c’est pas normal !

    Jsais pas quoi dire parce qu’il y a trop là t’as vu…

    – Ouais ok. Estce que tu veux rajouter un truc ?

    J’appelle tout le monde qui fait quelque chose ! Qu’il vienne ici, qu’il regarde comment il est ce centre là !
    J’appelle tout le monde qu’il nous aide. On est quand même de êtres humains ! On est pas des des des animaux !

    Venez ! Venez ici avec vos caméras et regardez vous même ! C’est pas normal !

    [passage inaudible] je sors et il a dit « moi je suis pas gardien de portes ». regardez la réponse qu’il m’a donné !

    – Qui est-ce qui a dit ça ? Parce que on a pas entendu ?

    Un policier ! Un policier !
    J’avais les mains pleins parce que le monsieur Ali Mouhamed il a deux béquilles, il peut pas marcher tout seul. Moi je prends un pied, deux pieds, ça veut dire les deux mains ils sont plein.
    J’ai dit au policier « s’il vous plaît vous pouvez nous ouvrir la porte parce que le monsieur là il a [passage inaudible] ».
    Il dit « Oui moi jsuis pas portier »
    Quelle réponse il nous donne ? Comment ils nous parlent !

    – Est-ce qu’ils ont remis leur matricule aujourd’hui ?

    Non ils l’ont enlevé ! J’ai regardé même maintenant j’ai regardé exprès ils l’ont enlevé. Ils l’ont pas toujours.

    - Donc ça fait… 4 jours qu’ils ont plus leur matricule ?

    Non ça fait depuis le deuxième jours de grève de faim ils ont enlevés les numéros comme ça on peut pas matriculer chacun.
    Je ne sais pas euh.. Il n’y a pas de numéro.
    Ça veut dire qu’ils préparent quelque chose ou j’sais pas. Pourquoi ils enlèvent leur numéro de matricule ? Ils ont pas le droit. C’est interdit.

    – Tout à fait !

    Mais ils le font quand même. Et si vous rentrez de l’intérieur, vous venez ici vous voyez les policiers qui travaillent là bas, vous voyez les policiers avec le numéro.

    Mais c’est eux… Quand tu rentres ici, personne a le numéro. J’ai regardé exprès maintenant. Yen a une femme quelle a pas, regardé l’autre il a pas. Ils ont des des des t-shirt bleu qu’ont peu pas mettre le truc des numéros dessus. Vous voyez ?

    Ça ils le font exprès. Ça c’est pas normal !

    – Et comment ça se passe là en ce moment entre vous ?

    Entre nous maintenant il y a de temps en temps une bagarre, ya de temps en temps là… Toujours toujours, ya toujours ici des histoires. Ici il y a toujours quelqu’un qui fait quelque chose. Ya toujours quelqu’un qui est énervé. Ya toujours quelqu’un qui crie.
    On passe notre temps à se bagarrer on va dire ici.
    Ya rien à faire ! Ya rien du tout ! Même pas ping-pong ya rien à faire !
    On est comme des animaux dans un cage et voilà ! On nous a enfermé dans un cage et voilà ! Voilà votre chambre, voilà la cage et débrouillez vous ente vous !
    Si quelqu’un il tombe malade ou jsais pas moi il se passe une bagarre ils regardent d’abord biiiien dans les caméras et après tout calmement.
    Après le bagarre c’est fini on va dire.

    Ça c’est pas normal, normalement eux leur travail c’est d’intervenir tout de suite s’il se passe quelque chose mais moi je vois pas ça ! En fait moi jvais vous dire la vérité : ils s’en foutent de nous !

    [passage inaudible] Tant que ils peuvent nous envoyer dans nos pays et voilà quoi.
    On peut rien dire. On a pas le droit de rien dire.

    C’est tout jsais pas quoi dire.

    Franchement moi j’ai jamais vu ça. »

    Pas de prises en compte des urgences médicales, pas de soin, pas de matricules des keufs.

    A bas les CRA ! Soutien aux résistances dans tous les lieux d’enfermements ! Force à tou-te-s les enfermées !

  • Interview de deux copains en semi à la Santé

      • LA SEMI-LIBERTÉ, UNE PRISON COMME UNE AUTRE

         

        Lorsqu’elle annonce la réouverture de la prison de la Santé avec une fierté funeste, l’Administration pénitentiaire oublie de dire qu’elle a continué d’y enfermer des prisonniers au quartier semi-liberté pendant les travaux. Or la semi-liberté est un emprisonnement : le matin et le soir, ce sont les règles de l’administration pénitentiaire qui s’appliquent, avec tout leur arbitraire, et puis on cantine -et on se fait gratter un maximum. Les « peines alternatives » diverses et variées servent toutes à enfermer plus, et à moindre coût. Depuis longtemps déjà, l’Etat s’est donné les moyens de faire évoluer les prisonniers d’un statut d’enfermement à l’autre -avec la prison comme fil rouge. Il y a le continuum prison/semi-liberté/bracelet, les allers et retours prison-CRA (centre de rétention administrative)… tout un catalogue de parcours d’enfermement dans lequel les juges n’ont plus qu’à piocher à leur fantaisie. L’entrée en application d’une énième loi pénitentiaire va encore multiplier ces dispositifs avec la création des SAS (Structures d’accompagnement vers la sortie » : encore une nouvelle gamme de régimes semi-ouverts pour enfermer toujours plus. A l’intérieur, la même logique s’applique avec les régimes différenciés, qui s’étendent progressivement depuis des années. Dans les maisons d’arrêt, c’est le module Respecto qui remplit cette fonction : on y est noté par un système de points. Selon sa note, on peut se faire virer du module, ou au contraire avoir droit à un colis de viande supplémentaire apporté par les proches, comme ça se passe à Villepinte.

      • Pour l’émission L’Envolée, on a discuté avec deux copains qui sont justement en semi-liberté à la Santé ; deux gars dont les parcours différents -l’un était en prison, l’autre sous bracelet- débouchent tous deux sur cette forme d’enfermement-là. On trouvera ci-dessus l’enregistrement de leur témoignage, qui en dit long sur ce qu’on dénonce souvent ici : l’individualisation des peines et l’extension de l’enfermement.
  • « L’engrenage carcéral » : entretien avec Aurélie Garand

    « L’engrenage carcéral » : entretien avec Aurélie Garand

    Le 30 mars 2017, Angelo Garand mange chez ses parents dans les environs de Blois ; quelques mois auparavant, il n’était pas rentré de la maigre permission d’une journée que la prison de Vivonne lui avait accordée pour visiter sa famille. Une équipe du GIGN débarque, Angelo se cache dans une grange. Il y est abattu sans sommation et sans avoir opposé la moindre résistance. Depuis, la famille et les proches se battent pour que la vérité soit dite : Angelo a été exécuté. Nous avions publié une interview d’Aurélie dans le dernier numéro.
    Le 23 février dernier, leur collectif Vérité et Justice Pour Angelo organisait une journée de conférences intitulée « L’engrenage carcéral : peut-on en sortir ? », avec des intervenants de l’Observatoire International des Prisons et de la Ligue des Droits de l’Homme, ainsi que Nadia, auteure de « A ceux qui se croient libres » et cofondatrice de l’Envolée.
    Nous avons de nouveau discuté avec Aurélie, pour qu’elle nous explique pourquoi il lui semble si important de lier son combat contre la violence policière à la question de l’enfermement.

    A lire dans le dernier numéro de L’Envolée. Rendez-vous à Blois le 31 mars pour une marche commémorative. Pour télécharger l’interview en pdf : Aurélie Garand

     

    Définir l’image mise en avant

    Interview Aurélie Envolée 48