Par le procès qui commence lundi, la justice cherchera à désigner des boucs émissaires pour leur faire payer ces révoltes, comme lors des procès des gilets jaunes et de Villiers-le-Bel, ou ceux des émeutes qui ont suivi le viol de Théo… Et le climat particulièrement sécuritaire de la période risque d’aggraver encore la lourdeur des peines.
Depuis cinq ans, certains et certaines d’entre nous apportent un soutien concret à un des accusés en détention préventive et à sa famille. Ce qui suit est une modeste contribution pour tenter de faire en sorte que l’histoire ne se répète pas : les cinq accusés ne doivent pas subir une vengeance d’État. Seule une mobilisation conséquente pourrait gripper le fonctionnement normal de la machine à punir.

Bientôt cinq après les faits – et presque autant de détention préventive pour certains d’entre eux –, les accusés comparaîtront face à de très nombreux membres des forces de l’ordre : près d’une centaine se seraient en effet portés partie civile. Ils prétendent qu’on leur a tiré dessus avec la volonté de tuer : ils auraient essuyé des dizaines de tirs de chevrotine, de plombs, de fusil de chasse… et une dizaine d’entre eux auraient été légèrement blessés.
Au départ, comme elle ne disposait pas de suffisamment d’éléments à charge, la juge d’instruction n’avait retenu que des « violences volontaires » et renvoyé les accusés devant le tribunal correctionnel pour ce délit. Mais cette décision a été contestée par le parquet, et la chambre d’instruction de la cour d’appel de Versailles a finalement maintenu la qualification criminelle des faits. Non seulement les peines encourues sont sans commune mesure, mais cette qualification d’une extrême gravité pose d’emblée une image déformée des accusés : il ne s’agit plus de quelques jeunes soupçonnés d’avoir pris part à une révolte face à une situation insupportable qui a réuni des centaines de personnes pendant plusieurs nuits, mais d ‘une bande de tueurs de flics. Les accusés sont poursuivis pour « tentative de meurtre sur personnes dépositaires de l’autorité publique » avec la circonstance aggravante de « bande organisée », et pour délit de « dégradations ».

MORT ENTRE LES MAINS DES FORCES DE L’ORDRE
La police nationale avait été remplacée quelques années auparavant par des compagnies de gendarmerie. Des habitants de Beaumont-sur-Oise – petite ville du Val-d’Oise d’à peine 10 000 habitants – nous ont rapporté que dès leur arrivée , les rapports des gendarmes avec la population ont tout de suite été particulièrement tendus ; ils cherchaient à s’imposer par la force pour contrôler le secteur, exerçant de nombreuses violences sur les jeunes habitants des quartiers populaires de Beaumont et des villes voisines. Les contrôles d’identité viraient au harcèlement, et souvent, dégénéraient : insultes, coups de matraques, balayettes, bombes lacrymogènes, Tasers, Flash-Balls. Personne ne portait plainte, tout le monde sait bien que ça n’aboutit jamais…L’après-midi du 19 juillet 2016, Adama Traoré, habitant du quartier Boyenval à Beaumont-sur-Oise, s’enfuit en courant pour échapper à un contrôle d’identité. Interpellé, il est plaqué et maintenu au sol par trois gendarmes qui pèsent de tout leur poids sur son corps. Les militaires notent qu’il se plaint de ne pas pouvoir respirer ; ils l’embarquent cependant dans leur fourgon où il perd connaissance. Mais ils ne le transportent pas à l’hôpital, ils poursuivent leur route vers la gendarmerie. Les pompiers constatent son décès à 19 h 05 : ils le trouvent menotté dans la cour de la caserne, face contre terre. Mais rien n’est dit à la famille. Ayant entendu dire qu’il « a fait une crise », ses proches contactent les hôpitaux pour rechercher sa trace. En vain.
C’est par un appel aux pompiers qu’ils apprennent que le jeune homme est retenu à la gendarmerie. Quand la mère d’Adama s’y rend alors pour demander des nouvelles de son fils, elle se voit répondre qu’« il va très bien ». Elle attend donc sur place avec ses proches. Ce n’est qu’à 23 h 30 que les gendarmes annoncent la mort d’Adama Traoré à sa famille. Soit quatre heures et demie après le constat officiel du décès. Le choc est terrible. Le jeune homme est bien connu à Beaumont pour sa pratique intensive du sport avec des jeunes du coin, et tous ceux qui le connaissent savent bien qu’il était en excellente forme physique au moment de son interpellation. Personne ne peut croire à un prétendu « malaise ». Les forces de l’ordre sont déployées pour protéger la gendarmerie et la mairie, et les alentours du quartier Boyenval sont « bouclés ».

RÉVOLTE POPULAIRE ET MENSONGE D’ÉTAT
Dès l’annonce du décès du jeune homme qui fêtait ce jour-là ses 24 ans, des affrontements surviennent entre les gendarmes et de jeunes riverains. Selon les autorités, des dizaines de personnes mettent feu à des voitures. Des tirs sont entendus. Les gens scandent le nom d’Adama. 130 policiers, gendarmes et CRS sont déployés dans tous les quartiers populaires de la zone, ainsi qu’une soixantaine de pompiers. Plusieurs hélicoptères balayent la commune avec leurs projecteurs. Les forces de l’ordre utilisent leurs Flash-Balls tout près des habitations, lancent des lacrymogènes, des grenades de désencerclement. Une personne est interpellée. À l’issue de cette première nuit, cinq gendarmes auraient été légèrement blessés par des tirs à la carabine à plomb.
Le lendemain matin, mercredi 20 juillet, le procureur de Pontoise déclare publiquement qu’Adama Traoré serait mort « à la suite d’un malaise ». La maire refuse de rencontrer la famille, qui n’a toujours pas pu voir le corps. Le préfet, qui doit tenir une conférence de presse, annule sa venue au dernier moment. Mais les journalistes se sont déplacés. Des proches en profitent pour prendre la parole et donner leur version des faits, lançant à la presse que sans les émeutes de la veille, ils ne se seraient pas intéressés une seule seconde à la mort d’un jeune homme noir dans une gendarmerie. Le soir même, une vingtaine de personnes se rassemblent pacifiquement devant la caserne et font un sit-in pour réclamer que la famille puisse enfin voir le corps du défunt. Tout le monde se fait gazer à terre sans sommation, puis les coups de matraques pleuvent dans la plus grande confusion. Le « dispositif de sécurisation » est reconduit pour la nuit de mercredi à jeudi, avec toujours autant de forces de l’ordre. Plusieurs véhicules et du mobilier urbain sont incendiés dans la nuit. Neuf personnes sont interpellées.
Jeudi 21 juillet, une première autopsie prétend qu’Adama Traoré serait mort des suites d’une « infection très grave touchant plusieurs organes ». Ses proches n’y croient pas car il n’a aucun antécédent médical. La tension ne baisse pas. Le quartier est toujours encerclé de fourgons de gendarmes, de policiers et de CRS particulièrement virulents. C’est une véritable occupation militaire. Malgré la pression de la préfecture qui tente de convaincre les parents de rapatrier au plus vite le corps d’Adama Traoré au Mali, prétextant les rites musulmans à respecter, la famille tient bon et exige une seconde expertise ; elle ne lance pas d’appel au calme. Des centaines de personnes sont encore dehors pour exprimer leur colère. En trois nuits, elles ont essuyé les tirs de plus de 300 balles de défense et de 60 grenades de désencerclement.
Vendredi 22 juillet, une marche blanche est organisée à Beaumont par la famille. La tentative de la mairie et de la préfecture de l’en dissuader, prétextant les « tensions », échoue. Plusieurs milliers de personnes défilent sans incident en mémoire d’Adama Traoré. Dix personnes auraient été interpellées, cette nuit-là. Les autorités rapportent des « tirs de mortiers et de chevrotines », qui auraient « blessé très légèrement » quatre gendarmes.
Le lendemain soir, le « dispositif de sécurité » est encore renforcé : 265 membres des forces de l’ordre encerclent le quartier. Au moins une voiture serait incendiée, et des flics prétendent avoir été la cible de tirs d’armes à plomb. Les forces de l’ordre auraient « sécurisé la zone » ; c’est le dernier soir qualifié « d’émeute » par les médias. Plusieurs fourgons auraient été visés, et les plaintes des hommes en armes pleuvent déjà pour « tentative d’homicide » et « menaces de mort ».

OCCUPATION MILITAIRE : PUNITION COLLECTIVE
Tout au long de cette première semaine, la presse se focalise sur les « violences urbaines » de Persan-Beaumont. Les images de voitures calcinées et d’un fourgon criblé d’impacts de plomb tournent en boucle, tandis que seule la version officielle sur les circonstances de la mort d’Adama Traoré est relayée. La parole n’est presque jamais donnée aux habitants et aux proches du défunt. Aucun média ne rapporte qu’au quartier Boyenval, où vit la famille en deuil, les hélicoptères tournent toute la journée et une bonne partie de la nuit. Les nombreuses brigades qui l’encerclent donnent l’assaut fréquemment, harcèlent les jeunes, font régner une ambiance de guerre : la gestion coloniale des quartiers populaires fonctionne à plein.
Les voies sans issue sont ouvertes pour que les forces de l’ordre puissent faire le tour du quartier avec leurs véhicules. L’éclairage public est coupé chaque fois que des habitants se rassemblent. Tout le monde a peur, on n’ose plus laisser sortir ses enfants, chacun craint pour sa propre vie. Cette occupation policière dure près d’une semaine, elle est vécue par tous comme une punition collective.
Il s’agit de faire payer le mouvement de révolte en cours à tous les habitants – coupables d’habiter au mauvais endroit et d’appartenir à la mauvaise classe sociale. Réprimer un quartier entier, c’est aussi une stratégie cynique pour que les habitants se désolidarisent du combat de la famille pour la vérité, en la désignant implicitement comme responsable des désordres. Le message est clair : quand les flics tuent vos enfants, encaissez en silence.
La seule réponse au deuil et à la colère, c’est l’intimidation et le mépris : la maire ne daigne même pas présenter ses condoléances, et les gendarmes responsables de la mort d’Adama Traoré ne sont pas mis en examen – à l’heure actuelle, ils n’apparaissent encore dans l’enquête que comme simples « témoins assistés » et continuent leur sale besogne. De nombreux interpellés passent en comparution immédiate peu après les révoltes ; certains sont interdits de la zone. D’ailleurs, quatre mois plus tard, les émeutes reprennent à Beaumont lorsque deux frères de la famille Traoré sont mis en examen pour des accusations délirantes : cette fois, l’itinéraire du bus qui dessert le quartier Boyenval est carrément détourné. La justice inflige déjà une peine pour l’exemple en condamnant cinq proches d’Adama Traoré à des peines allant jusqu’à trois ans de prison.
On comprend pourquoi la révolte qui a débuté à Boyenval s’est vite étendue à tout une partie du Val-d’Oise, rappelant l’embrasement de 2007 qui avait suivi la mort de Lakhamy Samoura et Moushin Sehhouli, percutés par un véhicule de police à Villiers-le-Bel. Mais c’est surtout la vengeance d’État qui s’en est suivie qui nous fait redouter l’issue du procès qui va se tenir : après les révoltes de Villiers-le-Bel, la machine judiciaire s’était mise en branle pour désigner des responsables. Loin d’inquiéter les flics tueurs, elle avait renvoyé cinq habitants de Villiers devant les assises pour des tirs sur la police. Sans preuves, et essentiellement sur la base de témoignages anonymes rémunérés, deux d’entre eux avaient écopé de peines de douze et quinze ans de prison. Un troisième, accusé d’avoir fourni l’arme, avait été condamné à trois ans. Force est de constater que l’histoire se répète.

LA MACHINE IMPITOYABLE DES COURS D’ASSISES
Un procès de cour d’assises est une pièce de théâtre, la mise en scène d’une justice rendue par le peuple, incarné par six jurés de plus de 23 ans tirés au sort sur les listes électorales. Ils votent en délibéré à l’issue des audiences avec le président et ses deux assesseurs, d’abord sur la culpabilité, puis sur la peine. La mécanique est bien huilée, et rien ne doit venir perturber la bonne marche de cette machine à punir le plus lourdement possible. Les cours d’assises jugent les crimes. Celles et ceux qui y sont jugés sont donc d’emblée perçus, notamment par les jurés, comme de présumés criminels. Dans le box, face à la salle et aux parties civiles, parfois entravé, souvent entouré de gendarmes, l’accusé est livré en pâture. Chacune de ses réactions est scrutée, chaque attitude disséquée et analysée – à charge. Dans le procès de novembre, les cinq accusés vont comparaître ensemble sous la qualification de « bande organisée ». En plus, certains d’entre eux, depuis quatre ans en détention préventive, comparaîtront comme prisonniers extraits en vue du procès. C’est peu dire que leur appréciation risque d’être un poil orientée par la mise en scène quand on leur demandera en substance : « Pensez-vous que les cinq personnes que vous voyez rassemblées dans le même box, entourées de flics, constituent une bande organisée ? »
Mais l’influence ne s’arrête pas là. Dans leur noire tenue de carnaval macabre, le juge et ses deux assesseurs, auréolés de leur maîtrise du code pénal, surplombent l’ensemble, jurés compris. C’est le président qui dirige les audiences. Il distribue la parole, donne le rythme, impose le silence. Pas facile pour le juré de remettre en cause la manière dont le procès se déroule. Tout au plus peut-il, comme à l’école, demander la permission pour poser une question ou aller pisser. Alors, quand vient le moment du délibéré, il écoute généralement bien sagement le juge. Il faut du courage pour aller contre celui qui sait.Et puis les jurés sont pris par l’air du temps, qui est sacrément défavorable aux accusés : ils viennent d’un quartier populaire, une « cité sensible », un de ces « territoires perdus de la République », « criminogène », où les caïds sont censés régner en maître et où prospère « l’ensauvagement » – vieille thématique de l’extrême droite aux relents coloniaux reprise sans complexe par le ministre de l’intérieur. Sans oublier la promesse de Macron aux flics à la mi-octobre, quand il a demandé à ses ministres de travailler à la « fin des réductions de peine automatiques pour les agresseurs de policiers ». Voilà des mois que les politiques et les médias n’interrompent leur logorrhée anxiogène sur le covid que pour tourner en boucle sur une insécurité prétendument galopante et la « haine de la police » – cette police qui fout la pression à l’État à coups de grèves récurrentes pour avoir plus de fric et plus de flingues. La défiance envers l’autorité serait donc une violence qui se répand comme un virus sans qu’on parvienne à l’endiguer ? Accuser des jeunes de cité de s’être réunis pour tuer des flics, c’est avant tout l’occasion de faire un exemple, de faire « passer un message ».
La cour d’assises est le lieu de la vengeance d’État. S’y prononcent, dans la bienséance, des peines d’élimination sociale. En fait, ce qui est jugé en cour d’assises, ce n’est pas tant l’acte comme ils le prétendent que l’individu accusé de l’avoir commis. Pour mieux jouer la comédie de l’impartialité, les jurés voient défiler des experts grassement rétribués par la justice qui servent la soupe de l’accusation, chacun dans son domaine respectif, noyant l’auditoire sous un jargon technique qui veut se faire passer pour de la science. Il en va des experts psy comme des experts en balistique : ils inventent des trajectoires. Les experts psy voient les accusés quelques minutes, les enquêteurs de personnalité interrogent leur « entourage » ; ensemble, ils figent l’accusé dans un processus criminel, une ligne droite qui va de sa naissance à son « crime » supposé. C’est ainsi que des violences subies dans l’enfance ne seront pas présentées comme des circonstances atténuantes ou des clés de compréhension, mais plutôt comme autant de signes d’une personnalité irrémédiablement violente.
Le parcours judiciaire, notamment, est toujours scrupuleusement égrené pour mieux démontrer la dangerosité d’un profil. Car il ne s’agit pas pour une cour d’assises de considérer un être humain dans sa complexité, de comprendre comment et pourquoi il en vient à agir de telle ou telle manière. Il s’agit d’infliger une peine de prison à un individu, pris isolément. Le caractère collectif n’est pris en considération que comme circonstance aggravante : une association de malfaiteurs ou une bande organisée. Les circonstances d’un événement sont au mieux des éléments d’information qui appuient une accusation, mais elles ne rentrent que très peu en ligne de compte quand il s’agit de prononcer la peine. On va jusqu’à prétendre deviner une intention pour la juger – et cela risque d’être particulièrement le cas dans ce procès. Le contexte social, économique et politique, n’a rien à faire en cour d’assises. Car ici encore plus qu’ailleurs, expliquer, ce serait déjà excuser. On n’est pas là pour ça, il faut du sang et des larmes.
Il y a donc peu de doutes que dans le procès à venir, les portraits des accusés seront à charge, et que tout ce qui pourrait expliquer leur présence dans le box sera retenu contre eux. Ils viennent du même secteur ? Ce sera sans doute un indice probant de « bande organisée ». Certains ont été proches d’Adama Traoré ou de membres de sa famille ? Ça servira inévitablement à corroborer une prétendue haine naturelle de la police, sur le mode : « Ils voulaient tuer un flic pour se venger. » Et le fait que ce quartier ait été immédiatement placé sous occupation policière – en fait, une provocation indécente – deviendra la preuve de la dangerosité de la zone.
Sous les lambris de la justice de classe, ils risquent de devenir les leaders ensauvagés d’une insurrection armée déterminée à faire couler le sang des condés pour venger l’un des leurs… Devant une salle remplie de forces de l’ordre de tout poil, parties civiles de circonstance venues se faire un peu d’argent de poche et asseoir un peu plus leur pouvoir de chefaillons. La fiction risque hélas de convaincre des jurés abreuvés ad nauseam de discours sécuritaires. Et comme toujours aux assises, les zones d’ombres et les doutes ne profiteront pas aux accusés. Plus les caricatures sont grossières, plus le jury peut condamner lourdement, en toute bonne conscience, persuadé de contribuer à protéger une société en déroute ; alors que le véritable objet de ce procès, c’est la légitimation d’une occupation militaire d’État qui a suivi une exécution, même si elle ne sera jamais évoquée en ces termes.

LES ÉMEUTIERS DE BOYENVAL ONT EU RAISON DE SE RÉVOLTER
De notre côté, peu nous importe de savoir si tel ou tel accusé a tiré à la carabine à plomb en direction des forces d’occupation. Les rares flics « blessés » ont eu au pire quelques égratignures, voire paraît-il une perte d’audition. Ce qui est sûr, c’est que la justice veut faire payer aux accusés une révolte populaire de grande ampleur. Qu’ils y aient participé ou non, qu’ils aient tiré ou non, l’enjeu reste le même : en punir quelques-uns pour terroriser les autres. Inutile de préciser que les gendarmes qui ont tué Adama Traoré, eux, ne sont toujours pas poursuivis. C’est tout un quartier qui s’est soulevé quand on a appris que ce jeune homme noir était mort dans la gendarmerie. Un de plus sur la trop longue liste des victimes de la police, qui présentent presque invariablement un profil similaire : un jeune non-blanc d’un quartier populaire… La révolte s’est répandue face aux mensonges éhontés de l’État et à une occupation policière brutale et humiliante. C’est ce soulèvement et le combat médiatique et politique des proches d’Adama Traoré qui ont permis que cette mort ne soit pas oubliée comme tant d’autres.
La colère enfle aujourd’hui dans tous les quartiers du pays, déjà salement frappés ces derniers mois par les mesures de confinement qui ont laissé les coudées franches à la police pour y jouir violemment de son arbitraire et de son racisme. Rappelons-nous de la manif monstre qui a encerclé le nouveau TGI de Paris une semaine après la fin du confinement : des dizaines de milliers de personnes venues crier leur ras-le-bol du traitement colonial, de la brutalité policière, du racisme d’État. On le sait : la police est violente par essence, et de la gifle au meurtre, les violences policières ne sont jamais le fait de brebis galeuses. Comme le racisme, ça fait partie de l’exercice normal du maintien de l’ordre. En France, si la guillotine a été officiellement abolie il y a bientôt quarante ans, la peine de mort prospère dans la rue, les fourgons, les casernes, les mitards. Chaque fois que la police tue, chaque fois que la matonnerie tue, c’est toujours pareil : mensonges sur les circonstances, sempiternelle mise en avant de la « légitime défense », portrait à charge de la victime – comme si un profil pouvait justifier qu’un chien de garde décide de la peine de mort… Quand les proches ont la force et le courage de mener un combat pour la vérité arrive parfois un procès, au bout d’harassantes années de lutte, et c’est la justice qui vient plier l’histoire… en relaxant presque systématiquement les flics tueurs ou en les condamnant à des peines symboliques.
La violence de l’État est systémique et sans commune mesure avec l’autodéfense qui y répond parfois. Les quartiers populaires ont évidemment raison de se révolter. Et nous sommes du côté de ceux que l’État veut sacrifier en boucs émissaires.
C’est pourquoi nous appelons toutes les personnes solidaires à se rendre à la cour d’assises du Val-d’Oise* du 21 juin au 10 juillet pour soutenir les accusés. Il ne faut pas les laisser seuls dans une salle pleine d’uniformes – histoire que la justice ne puisse pas faire son sale boulot en catimini.

*(Depuis la gare du Nord : Ligne H, arrêt Pontoise / Depuis gare Saint-Lazare : Ligne J, arrêt Pontoise / RER C : arrêt Pontoise)

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