Voici quelques nouvelles de Christine, transférée de Rennes à Fleury, régulièrement en conflit avec l’AP et son personnel, ce qui rallonge sa peine (voir aussi ici). Elle se bouge contre ce qu’elle ne supporte pas : par exemple le fichage à l’entrée en détention, et les fouilles et palpations corporelles répétées. Dans ses lettres, Christine décrit la détention et certains de ses combats, voici quelques extraits de courriers postés ces derniers mois.

 » J’ai des oppositions basiques, instinctives, au flicage, que ça soit pour moi, mes potes ou mes brebis. J’aime aussi, tout simplement, dire « non » à ceux qui me disent « tu n’as pas le choix ». »

« Vendredi 6 juin, Centre pénitentiaire pour femmes (CPF) de Rennes

Salut !

(…) Pour moi ça va couci couça. Je sais bien que la vie est plus supportable à Rennes que dans les prisons modernes, que ça soit Condé (cf L’Envolée n°39) ou Réau, Séquedin, etc. Pour autant il y a toujours de quoi s’énerver. D’abord être enfermée, ensuite de voir le comportement de l’AP. Donc depuis le 29 janvier, j’avais régulièrement des petites altercations avec les bleus ou leurs valets (UCSA, service scolaire, SPIP…) et ça débouchait sur de petites peines de mitard qui me permettaient de faire mon courrier en retard. Effectivement comme il n’y a pas le système « portes fermées »(1) ici, j’arrive à m’occuper assez dans la journée (sport, promenade, activités…) pour m’endormir assez tôt devant la télé. Mais ce comportement « atypique » perturbe les habitudes de la direction qui aimerait bien me transférer pour n’avoir plus à gérer que les conflits traditionnels entre toxicos. Comme depuis 4 mois je n’ai répondu à aucune provocation physique (d’ailleurs bien moindres que dans les prisons Bouygues) ils espèrent que c’est moi qui vais craquer et demander à partir. Ils multiplient alors les interdictions diverses, le pistage dans les couloirs, les demandes autoritaires injustifiées. Tout est bon pour me stigmatiser auprès des autres filles, leur faire croire que me fréquenter risque de leur attirer des problèmes, m’isoler. (…)

Je n’arrive pas à pondre le texte que tu me réclames sur le fichage. J’ai des oppositions basiques, instinctives, au flicage, que ça soit pour moi, mes potes ou mes brebis. J’aime aussi, tout simplement, dire « non » à ceux qui me disent « tu n’as pas le choix ». J’ai du céder au CPF de Rennes car ils m’ont sorti une note liant la présentation de la carte biométrique à l’obtention d’un parloir. Je ne pouvais pas imposer ça à ma famille. J’ai vu avec David pour faire annuler cette note au tribunal administratif, j’ai aussi alerté le défenseur des droits. Ça sera super long (2 ans au moins) et j’espère bien être sortie d’ici là… Je sais donc que ça ne servira pas à grand chose car aucune fille n’a tenté cette résistance, soit parce qu’elles n’imaginent même pas qu’on peut dire « non », soit parce qu’elles estiment ça inutile. (…)

Je n’ai aucune idée d’une date à laquelle je pourrai demander une condi ou sortir en fin de peine (quoique ce ne sera pas une vraie fin de peine vu qu’il y a au moins six mois de sursis récupérés à Arras pour me tenir sous pression même quand je pourrai pisser dans l’herbe). J’ai appris que Kaoutar était sortie, cool ! Je lui souhaite « bon vent » (…).

Au CPF, il y a le quartier maison d’arrêt (environ 50 filles, souvent 2 -voire 3- en cellule), la nursery (5 filles, condamnées ou prévenues), le centre de détention (200 filles, réparties en 11 divisions) et le quartier semi-liberté pour les hommes qu’on ne voit jamais. Chaque quartier est bien cloisonné. (…) Je suis toujours convaincue, pour l’avoir testé, que la taule c’est plus difficile pour les proches que pour les enfermé(e)s…

A plus.

Christine »

notes :

1) les portes de cellule sont ouvertes en journée, ce qui permet de circuler un peu en détention, d’avoir quelques activités…

« Mercredi 23 juillet, Maison d’arrêt pour femmes (MAF) de Fleury Merogis,

Salut !

J’ai à nouveau changé d’adresse. La tradition du baluchonnage a repris, ils ne sont pas originaux. Et Fleury n’est qu’un transit, puisque je suis officiellement affectée au CD de Poitiers Vivonne. Le QF (quartier femmes) y est minuscule (18 nanas) et c’est tellement branché sécuritaire que les matons l’appellent « centrale ». Alors tu vois, je m’en fous bien d’être au QD (quartier disciplinaire) ici ou là-bas…

Car bien sûr je suis au mitard. C’est même la première cellule que j’ai découvert à Fleury. Ça a commencé au greffe où, comme à chaque fois, j’ai refusé de donner empreintes, photo et biométrie. Ils me sont tombés dessus à 10 contre un, puis j’ai revu les casqués, que j’avais presque oubliés à Rennes. Et oui, le transfert disciplinaire de Rennes n’était motivé que par la volonté de confort de l’AP, mais durant cinq mois il n’y a pas eu de violence avec les matons. J’ai donc fait une semaine de mitard à mon arrivée, avec une petite pause de deux jours au QA (quartier arrivants) car le premier prétoire (1) était vraiment trop mal ficelé pour pouvoir avoir lieu.

Donc le samedi 6 je me suis retrouvée affectée dans une cellule, seule (c’est l’avantage d’être une emmerdeuse !) mais avec la promenade collective dans l’aile condamnées. Je n’en ai pas profité longtemps (j’avais pourtant retrouvé une fille avec qui je m’entendais bien à Réau et c’était plutôt cool) car, comme à Séquedin, il y a des palpations systématiques à chaque sortie de cellule, alors même qu’il y a un portique détecteur de métaux à l’entrée en promenade, c’est donc totalement illégal et je m’y suis opposée. En plus, au QD, il n’y avait pas le transistor auquel on a droit depuis 2009, et j’ai du faire plusieurs blocages de promenade pour l’obtenir le dernier soir. Bref, la même situation qu’à Séquedin où ils jouaient à avoir peur de moi sur la simple foi du dossier. Là aussi ils étaient en surnombre (parfois jusqu’à 6) à chacun de mes mouvements, ce qui les limite, les ralentit et les met sous pression. Comme ici, à la différence de Séquedin ou Joux, il n’y a pas de QI (quartier d’isolement) ils m’ont collée au mitard pour 30 jours depuis le 8 juillet (j’ai fait un recours avec David, l’avocat parisien, car il n’y a pas eu contact avec la matonne qui hurle à la « violence »). Depuis, l’ambiance dépend beaucoup du bricard de service. Ils sont toujours en surnombre (3 pour que je franchisse le 1m50 entre la porte du mitard et celle de la promenade, bien plus pour que j’aille à l’UCSA(2) ou au téléphone), mais ils ont arrêté les tripottages continuels. Ce que je ne sais pas, c’est si ils continuent en détention. (…)

J’ai appris un peu par hasard que je suis conditionnable(3) depuis le 6 juillet. J’ai donc lancé les démarches. L’avocat m’a bien expliqué qu’il ne fallait pas que je rêve trop, d’abord parce qu’il y a deux peines (6 mois + 4 mois) qui n’ont toujours pas été mises à exécution. Et puis surtout que la JAP tient beaucoup compte du « bon comportement » et que mes transferts à répétition ne plaident pas en ma faveur. (…)

Bonne niak à tous et toutes !

Christine »

notes :

  1. Prétoire = commission de discipline interne

  2. UCSA = service médical

  3. être conditionnable = avoir le droit de demander une libération conditionnelle

1 réponse sur “« Il y a toujours de quoi s’énerver. D’abord être enfermée, ensuite de voir le comportement de l’AP »

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