Le numéro 56 de L’Envolée journal est finalement dispo un peu partout ! Les points de distrib’ sont alimentés au fur et à mesure donc n’hésitez pas à nous contacter ou à contacter les lieux (dispos ici) avant de vous déplacer !

édito : C’est bon comme ça ?

Le mois d’août a été marqué par une triste nouvelle : nous avons appris la mort de Romain Leroy, un correspondant de longue date de L’Envolée. Pendant toute la durée de son enfermement, Romain n’a cessé de se battre contre l’administration pénitentiaire (AP). Il a surtout participé à des luttes collectives, dépassant chaque fois que c’était possible l’individualisation imposée par la prison. Chapeau à Adeline, sa compagne, qui l’a soutenu pendant toutes ces années, et a aussi trouvé la détermination d’étendre son soutien à d’autres prisonniers et à leurs proches.
Bravo l’ami, on oubliera pas tes combats et ta solidarité : bien des prisonniers qui t’ont croisé se souviennent de la force que tu leur as donnée. On se souviendra longtemps de ta prise de parole au procès d’une des révoltes du quartier maison centrale (QMC) de Valence en 2016… Tchao l’ami !
C’est que dans tous les lieux d’enfermement, la parole est contrôlée à tous les niveaux et, les prisonnièr·e·s le savent bien, la répression s’abat sur celles et ceux qui dénoncent – à des proches, à une association, à une institution… ou à un canard comme L’Envolée – la condition qui leur est imposée. La seule parole autorisée passe par le filtre de questionnaires ou de réunions sur le modèle « consultatif » des états généraux de la justice, où seuls les points de vue acceptables par l’administration sont tolérés.
Il est évidemment interdit de porter une expression collective dans une pétition ou de créer une association de prisonnier·e·s !
Alors, quand un journal se fait le porte-voix d’une autre parole, l’AP peut décider de le censurer. C’est arrivé au no 55 de L’Envolée – interdit dans toutes les détentions par une note de l’AP du 14 juin dernier –, comme au no 52 quelques mois auparavant. Cette censure s’est accompagnée d’une répression des prisonnier·e·s abonné·e·s : fouilles de cellule, coups de pression et, à l’occasion, menaces. Le motif, cette fois-ci, c’est qu’il est inacceptable de faire aux prisonnier·e·s le récit véridique du procès des matons qui ont tué Sambaly Diabaté en 2016 à Saint-Martin-de-Ré. Pourquoi ? Parce que ce drame met une fois de plus en évidence le caractère systémique de la violence exercée par des surveillants. Avec une nouveauté effarante : la proc a admis le caractère déshumanisant de la taule – mais à décharge, pour blanchir les geôliers.


Comment s’étonner de cette censure ? La répression de la parole se durcit dans les lieux d’enfermement, les accusations de « radicalisation » sont devenues monnaie courante, les marges de manœuvre des prisonnier·e·s se sont réduites au fil des années, et les confinements successifs sont encore venus accélérer cette tendance. La prison est un miroir grossissant de ce qui se passe dehors : dissolutions d’associations, banalisation de l’interdiction de manifester et quatorze lois sécuritaires en quatre ans ont mis à mal le peu de libertés collectives qui restent.
Aujourd’hui, publier le nom d’un fonctionnaire – même pour dénoncer les pires exactions – est passible de poursuites. La « liberté de la presse », c’est la liberté d’invisibiliser certain·e·s pour donner la parole aux dominants et à leurs milices armées. Facile ! La grande majorité des médias est aux mains de milliardaires. Le tournant sécuritaire pris dans les années 1980 permet d’accentuer la précarisation et l’exploitation des travailleurs et des travailleuses afin de préserver les bénéfices des actionnaires et autres patrons.
Le fascisme est une option de plus en plus prisée chez les possédants, c’est le vieux projet de fomenter une alliance entre les classes populaires blanches et la bourgeoisie contre un ennemi commun : « l’étranger », « l’assisté », « le délinquant »… et toutes celles et ceux qui ne rentrent pas dans leurs cases. Il s’agit de pousser les pauvres à s’entre-déchirer pendant que les riches se partagent le gâteau !
Bon, la fameuse rentrée sociale aurait pu nous rassurer un peu : raffineries bloquées, multiplication des grèves locales… elle se solde en fait par le passage d’une nouvelle loi pour détruire les droits des chômeurs, le recul annoncé de l’âge de la retraite, la réquisition de travailleuses et de travailleurs. Bref, tout à la sauce libérale-autoritaire du chef Macron. Mais ça n’a rien à voir avec une guerre sociale menée contre les pauvres !
Dans ce contexte, la énième interdiction de notre petit canard – après celles des numéros 2, puis 6, puis 7, puis
10, 11, 12, 13, 14, 15, puis 52 – traduit la volonté de liquider un des rares espaces de libre expression collective des prisonniers et des prisonnières… Mais ça n’a rien à voir avec de la censure !


Suite à un fait divers, on a vu des défilés aux cris d’« immigrés assassins », des appels à la prison à vie par le pantin vedette d’une des chaînes du milliardaire Bolloré. Sur fond de rafles de sans-papiers envoyé·e·s dans les CRA, les associations doivent désormais signer des « contrats d’engagement républicain » pour toucher la moindre subvention et les jeunes sont invité·e·s à s’inscrire au Service national universel pour chanter la Marseillaise en défilant au pas de l’oie en uniforme… Mais ça n’a rien à voir avec du fascisme !
Les policiers ont tué vingt personnes depuis le début de l’année. Dernier motif à la mode : le refus d’obtempérer.
Les matons continuent à se transmettre des techniques qui tuent. En cas de problème, même plus besoin de mentir, ils invoquent maintenant « l’effet tunnel ». Le recrutement de 30 000 « réservistes de la police » a déjà commencé, et ils reçoivent en ce moment leur formation de dix jours, initiation au maniement des armes à feu incluse. Le budget du ministère des tribunaux et des prisons décolle à la verticale : plein de thunes pour plus de taules et de matériel répressif…
Mais ça n’a rien à voir avec une militarisation de l’État sécuritaire ni avec un permis de tuer pour les uniformes !
D’ailleurs, la France n’est pas un pays de condés, les matons ne torturent pas, les prisonnier·e·s ne se révoltent pas, ils et elles n’écrivent pas non plus… Bref, les miradors, c’est la liberté ! C’est bon comme ça, on n’est plus censuré ?

Sommaire :


LETTRES DE LONGUES PEINES
« Je n’ai désormais plus aucune perspective d’avenir en liberté »
« Dire à son empoisonneur “je connais t
a recette” est inutile »


HOMMAGE A ROMAIN
« Je veux bien mettre un genou à terre mais pas les deux ! »
« C’était le seul moyen de faire entendre la parole des longues peines »

Procès de la mutinerie de Valence
« À l’intérieur, ils ont pas de liberté, ils ont rien » Entretien avec Adeline


TUNNEL LILLE-SÉQUEDIN – Procès de matons violents à Lille

BREVES – Les Baumettes toujours plus invisibilisées – Belles belles !

DOSSIER KEMI – Lettres sur le mitard et le QI, Communiqué des proches de Mickaël

KOH-LANTESS POUR CACHER LA HESS

MAISON D’ARRÊT DE CAEN – « Les bâtiments aux normes de 1945, la mentalité des matons visiblement aussi »
DESTRUCTION DE LA SANTE DANS LES CRA – Le juge, le flic et le médecin

CRI D’ALARME D’UNE FAMILLE – Le combat contre la leucémie en prison

LETTRE D’ITZIAR – « Ici, là ou ailleurs, la taule est une taule »

Le 56 est dispo en téléchargement ici (cliquez !)

Le journal coûte 2 euros dehors et il est gratuit pour les prisonniers et prisonnières.
Abonnez-vous en soutien pour recevoir les futurs numéros, ou pour commander les 55 autres numéros : L’Envolée journal – FPP, 1 rue de la Solidarité – 75019 Paris ou contact@lenvolee.net