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  • 2 lettres de l’intérieur – Rassemblements contre les violences pénitentiaires – Communiqué de prisonniers du CRA de Nîmes

    2 lettres de l’intérieur – Rassemblements contre les violences pénitentiaires – Communiqué de prisonniers du CRA de Nîmes

    Émission de L’Envolée du vendredi 5 Juin 2021
    • Lettre de l’Infâme et d’une prisonnière trans incarcérée dans le Nord
    • Retour sur les rassemblements contre les violences pénitentiaires du 30 mai a Lyon, Paris et Marseille, à l’appel du collectif Idir Espoir et Solidarité, de la famille de Jimony, etc.
    • Des prisonniers du centre de rétention de Nîmes écrivent un communiqué !
    • Agenda : Manif à Paris en hommage à Clément Méric, Manifestation contre la construction d’un nouveau centre de rétention au Mesnil-Amelot le 19 juin 2021 (appel ici)

    L’Envolée est une émission pour en finir avec toutes les prisons. Elle donne la parole aux prisonniers, prisonnières et leurs proches & entretient un dialogue entre l’intérieur et l’extérieur des prisons de toute sorte. L’Envolée est aussi un journal d’opinion de prisonniers, de prisonnières et de proches.

    Direct chaque vendredi de 19 à 20h30 sur FPP 106.3 en région parisienne et MNE 107.5 à Mulhouse, RKB 106.5 en centre-Bretagne lundi à 22h, PFM à Arras et alentours 99.9 mardi à 21h30, jeudi à 17h30 à Toulouse sur Canal Sud 92.2,et sur les webradios Pikez (dimanche à 11h) et Station Station (lundi à 13h). Podcasts disponibles sur toutes les plateformes !

    Pour nous joindre : 07.52.40.22.48 (WhatsApp, Telegram, Signal, appels et textos). Pour écrire : Radio FPP – L’Envolée, 1 rue de la solidarité, 75019 Paris, ou encore à contact@lenvolee.net et sur instagram, twitter, facebook & snapchat.

    L’abonnement au journal est gratuit pour les prisonniers et les prisonnières. Les abonnements du dehors permettent ça. La censure qui frappe le numéro 52 ne concerne « que » ce numéro en détention. Contactez-nous !


    PS : Règlement intérieur type, article 19, annexe de l’article R57-6-18 du Code de Procédure Pénale « Les décisions administratives refusant à une personne prisonnière de commander une revue ou de la détenir peuvent faire l’objet d’un recours administratif. »

  • Emission du 3 avril 2020

    Emission du 3 avril 2020

    L’envolée – émission du 03 avril 2020
    • Clin d’œil à notre ami Olivier. Interrogé par Laurent Jacqua en octobre 2011, il présente l’Envolée et le rôle des émissions de radio dans les luttes contre les prisons.
    • Laurent Jacqua pousse un coup de gueule à propos de la situation actuelle. Lui qui a connu alors qu’il était en prison plusieurs épidémie – celle du Sida à la fin des années 1980 et celle du H1N1 en 2009- ; « Le monde a pris 90 jours de mitard (…) Les prisonniers et les vieux on s’en bat les couilles. Nos vieux on les laisse crever comme en cellule« .
    • Communiqué « Nous détenus de France« , initialement écrit par les prisonniers de Rennes puis repris par nombre de prisonnier.e.s partout en France.
    • Discussion sur la réouverture de certains ateliers pour de la fabrication de masque par des prisonniers… pour le personnel de la pénitentiaire.
    • Lettre de la compagne d’un prisonnier du Havre : les matons n’appellent pas les médecins et cachent les malades.
    • Lettre d’Heisenberg de Meaux-Chauconin: « J’aimerai savoir comment la Garde des sceaux choisit les personnes qui doivent sortir ? » et discussion à propos des annonces de libération des prisonnier.e.s : les malades ne sortent pas !
    • Quelques pistes juridiques pour essayer de sortir : demande de suspensions de peine et demande d’aménagement.
    • Lettre de Slim de Varenne-le-grand : la répression et la peur dans les prisons.
    • Les matons ont peur, alors les gars et les filles dedans, « grattez tout ce que vous avez à prendre, mais n’oubliez pas : y’a pas d’arrangement!« 
    • Retour sur la grève de la faim entamée en début de semaine au Centre de rétention administratif du Mesnil Amelot.

    Lettre de la compagne d’un prisonnier de la MA du Havre, 01 avril 2020.

    « Mon mari est actuellement à la prison du Havre. A savoir qu’ils sont trois détenus dans la cellule ! Il n’y a qu’un lit superposé… Donc il y en a un qui dort sur un matelas par terre et le matin il range le matelas sous le lit du bas. Dans la nuit d’hier (le 29 mars 2020) son co-détenu n’arrivait plus à respirer. Ils ont appelé les surveillants qui ne voulaient rien faire, pas se déplacer, rien ! Ils ont juste dit de mettre le détenu malade sur le lit du bas ! Ça faisait plusieurs jours que le détenu se sentait mal, qu’il avait tous les symptômes du Covid-19 : fièvre, fatigue, essoufflement, maux de tête. A la base, c’est un boxeur, donc bonnes conditions physiques, il fait du sport tous les jours en prison de base ! Et là, trois jours qu’il ne pouvait plus en faire, dû à sa fatigue et à l’essoufflement. Et là, cette nuit, à 2 heures du matin, son état s’est aggravé, il a demandé à mon mari de joindre les surveillants afin de leur expliquer la situation, mais rien. Les surveillants n’ont pas voulu se déplacer ! Le gars qui est donc malade a donné son téléphone à mon mari – oui, on le sait, c’est interdit en prison ! – et il a demandé à mon mari d’appeler le SAMU car il était en très mauvais état… C’est dire à quel point il était dans un mauvais état ! Le SAMU a alors contacté la prison et les surveillants, et un chef est enfin monté dans la cellule voir ce qu’il se passait. Avant même de s’occuper du détenu malade, le chef a immédiatement pris le téléphone portable et l’a cassé. Ce n’est que ensuite qu’ils ont pris le co-détenu malade ! Ils l’ont obligé à marcher et l’ont isolé aux arrivants (ce qui représente une longue distance : changement de bâtiment !). Le détenu malade est sorti avec une simple couverture, en short et tee-shirt avec ses baskets. Ils ne lui ont rien donné d’autre. A savoir aussi que l’infirmerie de la prison du Havre est fermée ! Mon mari a eu son rappel de vaccin dans un couloir de la prison, devant la porte de sa cellule, et debout ! Je ne vais pas vous faire un détail sur l’hygiène en prison… Mais l’heure est grave ! Les détenus ne sont plus respectés. »

    Lettre de Slim, prisonnier à Varennes-Le-Grand, le 28 mars 2020.

    « Depuis le commencement du coronavirus, il n’y a aucune mesure de sécurité qui est prise, plusieurs cas avérés par un surveillant en scrèd. Ils les isolent, font comme si de rien n’était, ils les cachent. On ne nous dit rien. Les mecs, ils les isolent et après, on ne les voit plus. Ils ont été testés mais on ne nous a pas dit le résultat. Ils les changent d’étage.

    La moitié des surveillants n’utilise pas de gants, et les masques sont très peu utilisés, on dirait que c’est laissé au bon vouloir de chacun. Ils ne respectent pas le mètre de distance.

    La seule activité autorisée c’est le sport, par groupe de 20, uniquement dehors sur le terrain de foot. Ils ont envoyé un malade avec nous au sport et après ils l’ont confiné.

    Franchement, si on est malade, c’est mieux de ne pas le dire car ils ne veulent pas nous aider. Ils vont nous isoler c’est tout. De toute façon on n’a aucune info.

    Il y a eu un blocage il y a une semaine, ça a duré un moment. Ils ont fait venir l’ERIS. Ils sont passés en comparution immédiate, ils ont pris 6 et 9 mois de peine.

    Ils ne nettoient pas les coursives. Ils se protègent eux, on ne les voit pas trop. Il n’y a plus de fouilles au corps. On a un peu la trouille, on voit à la télé ce qui se passe dehors. On a du savon, mais on a un problème de cantine, là par exemple j’ai pas eu le pack de bouteilles d’eau que j’avais demandé en début de semaine. Si on n’a plus d’eau, qu’on peut plus avoir de savon, on fait comment?

    Aucune précaution n’est prise pour la nourriture, ceux qui servent la gamelle, ils n’ont pas de masque. Nous on ne mange plus la gamelle du coup. On a des réserves, mais ça va pas durer éternellement si y’a plus de cantine. Plus de parloir du tout depuis le début du confinement. Ça va pour l’instant y’a encore du cannabis, mais d’ici une semaine ça va être le bordel. Ils nous ont donné des petits cadeaux pour nous calmer. Vingt balles par ci, vingt balles par là, ils nous achètent comme des p’tits ados. »

    SLIM

    Face à la gravité de la situation, à partir du lundi 23 mars, L’Envolée diffuse à 19h un flash info quotidien d’un quart d’heure sur FPP (106.3 Mhz sur la bande FM à Paris) sur ce qui se passe dans les prisons françaises. Nous y lisons les messages qui nous sont envoyés au 07.52.40.22.48. Nous maintenons par ailleurs l’émission du vendredi, entre 19 heures et 20 heures 30.


    Podcast (clic droit –> « enregistrer la cible du lien sous »)


  • « Nous, détenus,         bloquons les prisons de France »

    « Nous, détenus, bloquons les prisons de France »

    Communiqué collectif de la prison de Rennes-Vezin, 23 mars 2020

    Ce communiqué a été publié par l’Observatoire international des prisons sur le blog de Mediapart le 23 mars 2020 alors que des mouvements ont lieu tous les jours dans des dizaines de prisons sur tout le territoire. Une semaine plus tard, force est de constater que la ministre des tribunaux et des prisons -qui annonce fièrement libérer 3500 prisonniers- n’a pas pris la mesure du message qui lui était adressé. Nous publions donc une nouvelle fois ce texte collectif dont nous saluons la combativité. Dans le contexte d’une crise sanitaire sans précédent, il rappelle les humiliations, l’arbitraire et la violence de personnels, les conditions misérables, les fouilles à nu, le surenfermement, l’absence d’aménagement, la rareté des rapprochements familiaux… qui font le quotidien de l’enfermement.

    À l’attention de
    M. le Président de la République,
    Mme Belloubet, ministre de la Justice,
    M. Bredin, directeur de l’Administration pénitentiaire,
    Mme Hanicot, directrice de la Direction interrégionale des services pénitentiaires de Rennes,
    M. Astruc, procureur de la République à Rennes,
    ainsi qu’à tous les directeurs de prison.

    Nous, détenus, bloquons les prisons de France.

    Nous, détenus, sommes inquiets concernant le Covid-19 pour nos familles, nos proches et nous-mêmes. Nous vivons une crise sanitaire sans précédent et le sentiment de peur est décuplé, comme tous les sentiments en prison.

    Nous détenus de France demandons que des règles d’hygiène strictes soient imposées à l’ensemble du personnel de l’établissement ; que la promiscuité entre nous et le personnel, comme partout ailleurs en France, soit interdite et que si cela n’est pas possible, que le personnel porte gants et masques. Nous détenus de France, demandons un plan d’action sanitaire en cas de contamination au sein de chaque centre pénitencier.

    Nous, détenus, accusons le système judiciaire et carcéral de nous mettre en danger de mort et demandons immédiatement le désengorgement de toutes les prisons en libérant les fins de peine et les détenus considérés comme non dangereux pour notre société afin de ne plus jamais dépasser la capacité d’accueil des prisons. Nous demandons à ce que vous soyez vigilants de telle sorte à ne plus jamais nous entasser au point de dormir par terre, et ce en vous assurant dorénavant de bien réguler les prisons pour incarcérer dans des conditions dignes d’un pays tel que la France.

    Nous, détenus, dénonçons les violences physiques et morales de la part de certains surveillants et Équipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS) couvertes par les directions ; les effacements trop rapides des preuves vidéos, et encore pire des plaintes classées sans suite par les procureurs trop proches des directeurs de prison, qui par la même occasion se rendent complices de ces agissements et donnent un sentiment d’impunité aux surveillants véreux.

    Nous, détenus, dénonçons la flexion lors de fouille à nu, cela porte atteinte à notre dignité et nous humilie. Pourtant, sur la circulaire relative aux moyens de contrôle des personnes détenues, jamais la flexion n’est indiquée ou ni aucune autre humiliation, c’est donc de l’abus de pouvoir.

    Nous, détenus, dénonçons le mépris, les moqueries et les inepties des syndicats de surveillants et gradés. Le pouvoir qu’ils ont obtenu, s’il sert à améliorer leurs conditions de travail, est honorable ; par contre quand il sert à faire reculer nos conditions de détention cela devient malsain et creuse un fossé inéluctable entre surveillant et détenu.

    Nous, détenus, dénonçons la Direction interrégionale de casser les liens familiaux en refusant les rapprochements familiaux ou en mettant trop de temps pour les plus chanceux de se rapprocher de chez eux (Corses, Basques, etc.). Nous détenus, dénonçons le refus quasi-systématique des parloirs prolongés pour les familles vivant à plus de 200km alors qu’en théorie cela est déjà inscrit dans le règlement. Arrêtez de nous dire qu’il n’y a plus de places, trouvez des solutions !

    Nous, détenus, dénonçons avec la plus grande véhémence le régime fermé des maisons d’arrêt et demandons immédiatement la reprise dans toutes les prisons de deux promenades par jour, sans vous cacher derrière l’excuse du travail ou activité, car nous savons tous que les places sont limitées. Nous ne pouvons plus rester entre 22h voire 23h enfermés sans pouvoir sortir de la cellule, ceci est inhumain. Nous souhaitons que le système carcéral en maison d’arrêt soit repensé, avec plus de bâtiments, de confiance.

    Nous, détenus, dénonçons le système des cantines à géométrie variable et voulons acheter de la viande selon nos croyances (juives, musulmanes ou chrétiennes) donc cantiner de la viande casher, halal ou neutre et si la chaîne du froid pose problème, il faut trouver des solutions, qui existent. Nous détenus, demandons la mise en place de trois délégués au minimum par prison afin de dialoguer avec la direction et apaiser les tensions.

    Nous, détenus, demandons plus de juges d’application des peines et conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation pour ne plus jamais dépasser le délai des quatre mois lors d’un aménagement de peine et demandons l’application stricte de la loi sur les aménagements de peine : maison d’arrêt mi-peine et centre de détention 1/3 de peine.

    Nous détenus, dénonçons le sort réservé aux détenus dans les quartiers d’isolement et le traitement inhumain et dégradant que vous leurs infligez.

    Nous détenus, dénonçons la dureté de la détention pour les femmes détenues, souvent rejetées par leurs proches et coupées du monde extérieur sans aucun lien social et demandons une réflexion sur la séparation d’une mère détenue et son enfant. Nous détenus, demandons un délai plus court entre chaque uvf.

    Nous, détenus, demandons aux juges de se remettre en question concernant les détentions provisoires car cela devient une antithèse avec la présomption d’innocence.

    Nous, détenus, sommes tout simplement au bord de la rupture qui s’est accentuée avec ce contexte anxiogène de la propagation du virus covid-19. Sachant qu’en prison aucune règle de base n’est respectée par les surveillants, ni les barrières de distance, ni les gants, ni les masques et pire on continue de nous palper au mépris des règles d’hygiène, ce qui augmente le risque de contamination. Nous détenus, lançons un cri du cœur pour que les surveillants humains prennent le dessus sur les surveillants qui se sont déshumanisés afin de renouer le dialogue. Nous détenus, demandons à être respectés par toute la corporation judiciaire, pénitentiaire et la société.

    Nous, détenus, apportons notre soutien aux infirmières, unités sanitaires, médecins, pompiers, virologues, Samu, Smur et tout le corps médical car nous sommes conscients et reconnaissants du travail accompli dans cette période si difficile. Merci à vous.

    Les détenu(e)s de France.

  • Communiqué des prisonniers d’Uzerche en révolte le 22 mars 2020

    Communiqué des prisonniers d’Uzerche en révolte le 22 mars 2020

    Le 22 mars 2020, quelques jours après le début du premier confinement, une mutinerie a éclaté au centre de détention d’Uzerche. Les détenus des bâtiments C et D se sont révoltés, ils sont sortis de leurs cellules et ont éclaté les portes et les grilles. Certains sont montés sur les toits, d’autres ont envahi des zones habituellement interdites aux prisonniers, incendié les bureaux administratifs et des postes de contrôle. Les matons se sont enfuis et les prisonniers ont tenu la taule pendant une dizaine d’heures avant que les Eris ne la reprennent violemment, appuyés par des forces de police des alentours, dont le PSIG. Les prisonniers ont clairement donné les raisons de cette mutinerie dans un communiqué de revendication

    Revendications des prisonniers d’Uzerche

    • Nous voulons un DÉPISTAGE pour chaque détenu ainsi que pour chaque membre de l’administration pénitentiaire.
    • Nous souhaitons que tous les agents pénitentiaires sans exception soient équipes de gants et de masques (ce sont eux les plus exposés au virus car ce sont eux qui rentrent et sortent de l’établissement).
    • Nous voulons être informés de l’évolution de cette situation :
         - Quand les parloirs seront-ils rétablis ?
         - Qu'en est-il des cantines?
        - Qu'en est-il des sacs de linge ?
        - Qu'en est-il des soins médicaux en cas de Coronavirus ?
        - Et enfin, pour nous protéger, nous aimerions que chaque détenu ait du gel désinfectant et un masque à sa disposition (le minimum en mesure d'hygiène actuellement).

    Le 22 mars 2020.

  • « Rien n’a changé à Seysses », un nouveau communiqué de prisonniers

    « Rien n’a changé à Seysses », un nouveau communiqué de prisonniers

    Le samedi 14 avril 2018, J. est mort au mitard de la prison de Seysses. Il aurait été retrouvé pendu par les surveillants au moment de la distribution du repas du soir. Le 20 avril, nous relayions un communiqué envoyé par des prisonniers de cette maison d’arrêt au Syndicat pour la Protection et le Respect des Prisonniers (Syndicat PRP) avec qui nous travaillons étroitement et en qui nous plaçons une totale confiance. Ce communiqué remettait en cause la version officielle et affirmait que J. est mort suite à un déferlement de violence des matons à son encontre. Il témoignait des terribles conditions de détention à Seysses, en particulier au quartier disciplinaire.
    Ce même samedi 14 avril, un prisonnier s’est suicidé à Seysses, il est mort deux jours plus tard. Depuis ces deux morts, la direction a transféré ceux qu’elle jugeait responsable du mouvement qu’ont mené des centaines de prisonniers pendant plusieurs jours et les témoins du tabassage de J. ont subi des pressions.
    Un mois plus tard, le syndicat PRP reçoit un nouveau communiqué de prisonniers de la maison d’arrêt qui dénonce le climat de peur qui règne à la maison d’arrêt et la gestion de la détention par des surveillants brutaux et une direction complice. Ils nous en disent plus sur les circonstances dans lesquelles le jeune homme s’est donné la mort le 14 avril et relatent une nouvelle tentative de suicide dans cette prison sous pression.
    Nous reproduisons ici ce nouveau communiqué et assurons les prisonniers de notre solidarité. Nous restons extrêmement vigilants quant au sort qui leur fait. Merci de le relayer le plus largement possible.

     


    Rien n’a changé à Seysses


    Maison d’Arrêt de Seysses, le 12 mai 2018.

    Dans notre précédent communiqué du 20 avril 2018, on dénonçait ce que tout le monde sait à la prison de Seysses : J., retrouvé mort au mitard le samedi 14 avril 2018, ne s’est pas pendu. Il a été battu à mort par l’équipe de surveillants responsables du quartier disciplinaire. Le même jour, un prisonnier a fait une tentative de suicide au SMPR (l’hôpital de la prison) et il est mort deux jours plus tard. Depuis, on en a appris plus sur lui en parlant entre nous. C’était un jeune marocain sans-papiers d’une vingtaine d’années qui ne posait pas de problèmes. Il avait acheté du cannabis à d’autres prisonniers et il leur devait de l’argent. C’est pour ça qu’il a été mis à l’amende dans la cour de promenade. Il a été emmené au SMPR pour être soigné. Il réclamait de voir un psychiatre, on lui a refusé, alors il s’est ouvert les veines. Des témoins l’ont très bien entendu crier qu’il venait de se couper. C’était un appel à l’aide, il était à bout, et on l’a laissé se vider de son sang. Il n’avait pas de famille en France donc tout le monde s’en foutait. Mais il ne voulait pas mourir, il était juste en détresse. C’est la prison qui est responsable, avec les surveillants et les infirmiers.

    Depuis la mort de ces deux prisonniers, rien n’a changé à la maison d’arrêt. La direction a transféré ceux d’entre nous qu’elle jugeait responsables du mouvement qui a duré plusieurs jours (on a été jusqu’à 200 à refuser de remonter de promenade pour protester, on a fait une banderole, on criait « matons assassins » aux fenêtres) et les témoins directs du tabassage de J. qui a provoqué son décès ont subi des pressions. Mais l’équipe de matons qu’on appelle entre nous « l’escadron de la mort » est toujours là et tourne encore au mitard.

    Ce matin, un autre prisonnier a tenté de se pendre à la maison d’arrêt côté condamnés. L’après-midi, il devait passer devant le prétoire. C’est le tribunal interne à la prison qui juge les prisonniers accusés d’avoir provoqué des incidents en détention. Le prétoire peut décider de mesures disciplinaires, et le plus souvent c’est un placement au mitard. Le prisonnier avait très peur d’y aller vu comment ça se passe là bas : des brimades, des insultes, des coups et parfois même la mort comme on le racontait dans notre premier communiqué. Alors il s’est passé la corde au cou au moment de la gamelle du matin. Heureusement, les infirmiers ont réussi à le réanimer, mais des témoins ont entendu le major qui disait devant le mec qui n’était même pas encore décroché : « il nous fait toujours le même cinéma, celui-là ». Pour eux, une tentative de suicide c’est du cinéma ! Le lendemain de la mort de J., on a entendu le même major qui menaçait un prisonnier qui tapait dans sa porte, en lui disant : « Le dernier qui a fait ça, il a fini dans un sac ! »

    On est emprisonné par des gens qui sont inhumains. Comment peut-on supporter que ceux qui dirigent la détention se moquent de nos appels à l’aide, des tentatives de suicide et des morts dont ils sont responsables ? On a parfois l’impression d’être dans un cauchemar. Il y a des prisonniers ici qui sont juste en attente d’un jugement, qui ne sont même pas encore jugés coupables. Et il y en a d’autres qui ont été condamnés et qui acceptent de faire leur peine, mais on ne peut pas accepter d’être traités comme du bétail ! On a l’impression d’être rejugés chaque jour par les surveillants et les chefs. On le voit dans les regards, les paroles, les gestes… Ils nous déshumanisent, on est juste des numéros pour eux. Ils veulent nous faire comprendre qu’ils ont tout le pouvoir, qu’ils sont comme une mafia à l’intérieur. Ils peuvent tout se permettre, ils n’ont rien à craindre parce qu’ils sont toujours couverts. Ils dirigent tout par la peur. Un major peut même nous menacer de mort parce qu’on tape dans une porte pour réclamer quelque chose !

    Tout ce qu’on demande, c’est d’être traités comme des êtres humains. De faire notre temps en prison sans craindre pour notre vie, sans subir en permanence les humiliations et les violences des surveillants. Ici, il n’y a aucun respect de la dignité, aucune déontologie, tout est fait contre les prisonniers. On dirait aussi qu’ils font tout pour que ça se passe mal entre nous, en mettant ensemble en cellule des gens qui n’ont rien à voir ou en enfermant des gens qui n’ont rien à faire en prison, qui devraient être soignés : des malades, des mecs qui ont des troubles psychiatriques parfois très graves. On craint pour notre santé, on craint même pour notre vie, alors qu’on devrait juste patienter avant notre sortie. L’État s’en fout, on est juste des numéros à gérer, et ça arrange bien les surveillants sadiques qui se passent les nerfs sur nous.

    La situation est explosive ici, et c’est aussi en grande partie à cause de la juge d’application des peines (JAP) et le Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) qui se charge des conditionnelles. Il y a très peu d’aménagements de peines, les remises de peine et les grâces sont trop peu accordées, on est de plus en plus à faire notre peine quasiment pleine. Il n’est pas rare que le procureur fasse tomber des vieux sursis peu de temps avant la sortie pour qu’on reste enfermés. A croire qu’ils veulent nous garder le plus longtemps possible, et rien n’est fait pour la réinsertion. La loi Taubira était censée « vider les prisons » en facilitant les conditionnelles et les peines alternatives, mais c’est comme si elle n’était pas arrivée jusque Seysses. On est tous sous pression, et rien ne nous encourage à montrer des signes de réinsertion, de travailler, de se tenir à carreaux, puisqu’on sait que rien n’est fait en échange pour nous laisser sortir.

    Il faudrait qu’on nous explique comment J. a pu se pendre alors qu’il était à poil au mitard. Il n’était pas suicidaire, on le sait tous ici. Et il n’avait ni drap, ni couverture dans sa cellule. Pour éviter qu’il s’accroche, soi-disant, on lui a seulement laissé un pyjama en papier…. Leur version officielle ne tient pas debout.

    Nous réclamons la vérité sur ce qui s’est passé pour J.

    Nous réclamons que l’équipe de surveillants responsable de sa mort soit suspendue.

    Nous dénonçons les transferts disciplinaires et les pressions exercés sur les témoins. Nous exigeons de ne pas être condamnés à des nouvelles peines chaque jour par ceux qui devraient juste nous surveiller et assurer notre intégrité physique et morale.

    Nous exigeons de ne pas être enfermés avec des gens qui n’ont rien à faire en prison et qui peuvent menacer notre sécurité.

    Nous exigeons d’être traités dignement, comme des êtres humains.

    Nous nous associons à la peine des familles et sommes prêts à témoigner si elles nous le demandent.

    Des prisonniers de la maison d’arrêt de Seysses.

  • Communiqué de L’Envolée : Les prisonniers de Seysses ont raison !

    Communiqué de L’Envolée : Les prisonniers de Seysses ont raison !

    Samedi 14 avril 2018, J. est mort au mitard de la prison de Seysses. Il aurait été retrouvé pendu par les surveillants au moment de la distribution du repas du soir. Le 20 avril, nous relayions un communiqué envoyé par des prisonniers de cette maison d’arrêt au Syndicat pour la Protection et le Respect des Prisonniers (Syndicat PRP) avec qui nous travaillons étroitement et en qui nous plaçons une totale confiance. Ce communiqué remet en cause la version officielle, affirme que J. est mort suite à un déferlement de violence des matons à son encontre et témoigne des terribles conditions de détention à Seysses, en particulier au quartier disciplinaire.

     

    LES PRISONNIERS DE SEYSSES
    ONT RAISON !

    Communiqué de L’Envolée, dimanche 22 avril 2018

    C’est avec une certaine surprise que nous avons pris connaissance des déclarations de la Garde des sceaux dans les médias et du communiqué de son ministère le jour même de la publication de cette lettre. Pendant une semaine elle avait pourtant brillé par son silence alors que, dès l’annonce du prétendu suicide de J., des centaines de prisonniers de la maison d’arrêt de Seysses conduisaient durant plusieurs jours un mouvement de protestation (refus de remontée de promenade malgré l’intervention des ERIS, « Matons, assassins ! » hurlé aux fenêtres, déploiement d’une banderole dans la cour de promenade…) et que des manifestations de colère éclataient dans des quartiers de Toulouse.

    Il y a un suicide tous les trois jours en prison. Il n’y a pas pour autant un mouvement de prisonniers tous les trois jours. Rappelons aussi que les prisonniers qui se soulèvent, qui témoignent, qui s’expriment prennent énormément de risques : sanctions disciplinaires, diminution des jours de remise de peine, suppression de parloir, pression du personnel pénitentiaire, fouilles administratives, transferts, etc. Cela aurait dû suffire à la ministre pour considérer avec le plus grand sérieux leur exigence de vérité. Mais il a fallu qu’un communiqué de prisonniers commence à circuler massivement sur les réseaux sociaux et soit repris par les médias pour qu’elle daigne enfin réagir. Et de quelle glorieuse manière !

    Qu’elle ait à cœur d’inquiéter les témoins de cette mort plus que suspecte ainsi que ceux et celles qui la relaient plutôt que d’établir la vérité sur ce qu’il s’est véritablement passé pour J. le 14 avril 2018, alors qu’il était placé sous sa responsabilité, pourrait prêter à rire si ce n’était pas si indécent dans d’aussi dramatiques circonstances.

     

     

    Il va de soi que nous nous sentons – avec d’autres – directement visés quand elle envisage des « poursuites » contre les relais de ce qu’elle nomme des « allégations ». Nous assumons bien évidemment notre position de relais puisque c’est précisément notre raison d’être depuis la création de l’Envolée en 2001 par des anciens prisonniers et proches de prisonniers. Chaque semaine dans notre émission de radio et chaque trimestre dans notre journal, nous tâchons de donner de l’écho à la parole des prisonniers et prisonnières, qui sont les seuls à qui nous reconnaissons la légitimité de dire ce qu’il se passe derrière les murs. Le site Internet poursuit ce travail au fil de l’actualité.

    Ce ne serait pas la première fois que le ministère des prisons et des tribunaux et l’administration pénitentiaire tentent de nous empêcher définitivement de jouer ce rôle de porte-voix en nous attaquant pour diffamation. Il leur faudrait donc démontrer que les « allégations » dont ils accusent les prisonniers sont fausses. Tout ce qui nous importe dans cette histoire tragique, c’est que lumière soit faite sur ce qu’il se passe quotidiennement au quartier disciplinaire de Seysses et particulièrement sur ce qui a conduit à la mort de J. le 14 avril. C’est aussi tout ce qu’exigent les prisonniers qui, eux, ont toutes les raisons de s’inquiéter pour leur propre sécurité.

    Nous savons les pressions et les sanctions qu’ont déjà subies plusieurs prisonniers, et la traque menée par l’administration pour tenter d’identifier par tous les moyens des « responsables ». Les manifestations de révolte à l’intérieur de la prison et dans plusieurs quartiers populaires de Toulouse démontrent pourtant suffisamment que les dites « allégations » ne sont pas le fait de quelques responsables, ni d’une quelconque « rumeur », mais bien la conviction largement partagée que J. ne s’est pas pendu.

    L’administration veut des « responsables » ? Qu’elle cherche donc plutôt du côté de ceux qui ont eu la responsabilité de J. au mitard ! Là devrait être le seul souci de la ministre des tribunaux et des prisons. Sinistre posture que de menacer les témoins quand on prétend défendre la Justice… Quant à nous, nous poursuivons avec la plus grande détermination la tâche que nous nous sommes fixée il y a plus de quinze ans : relayer le plus largement possible la parole des enfermés.

    Notre seule inquiétude va au traitement réservé aux prisonniers de Seysses, à ceux qui ont déjà subi des transferts disciplinaires, à tous ceux qui craignent pour leur intégrité dans cette maison d’arrêt et dans toutes les prisons de France.

    Nos pensées vont aussi à la famille et aux proches de J. et nous respectons leur choix de ne pas s’exprimer dans les médias pour le moment.

    Il faut que la vérité éclate. C’est pourquoi nous appelons tous ceux qui pourraient témoigner de ce qu’il s’est réellement passé ce jour-là, mais aussi des suites disciplinaires en cours, à se rapprocher du Syndicat PRP ou de l’Envolée.

     

     

    Aux journalistes et aux associations

    Contrairement à l’essentiel des médias, nous ne cherchons pas à présenter un « traitement équilibré » de la question carcérale. D’abord, et nous le répétons inlassablement, parce que nous estimons que les prisonniers sont les mieux placés pour décrire ce qu’ils vivent et énoncer quelques vérités sur la prison. En des temps pas si lointains, des intellectuels, une bonne partie de la gauche et du peuple voyaient là une évidence. C’était d’ailleurs ce qui avait présidé à la fondation du Groupe d’Information Prison dans les années 1970.

    Ensuite parce que le dit « traitement équilibré » accentue bien souvent un déséquilibre profond, un « rapport de classe » osait-on même dire à l’époque du GIP, qui écrase un peu plus encore la parole des muets sociaux. Le blocage légitime d’une cour de justice par des avocats en colère contre la mise en place de cages vitrées pour les accusés au tribunal est reconnu par tous et toutes comme un acte politique, une prise de parole collective. Il n’y a aucune raison pour que des refus de remonter de promenade ou des révoltes dans des quartiers toulousains n’apparaissent pas également au yeux de tous et toutes comme une prise de parole politique et collective. Pourtant personne n’a jugé bon d’aller questionner ces prisonniers ou leurs familles à la sortie de la prison.

    Rappelons au passage qu’une grande partie des prisonniers – dont J. avant sa mort – de la MA de Seysses sont des prévenus : d’une part, ils sont présumés innocents, ils serait bon que l’administration et les médias ne l’oublient pas ; d’autre part, alors qu’ils ne sont pas encore passés en jugement, ils ont énormément à perdre. Bloquer une promenade deux jours de suite est moins que jamais un acte anodin. Les prisonniers ont en plus eu le courage de sortir un communiqué. Cette prise de parole est un acte si fort qu’une ministre, pourtant empêtrée au même moment dans des réformes liberticides et impopulaires (Justice, droit d’asile, éducation…), a dû prendre enfin la peine de répondre – dans le seul but de la faire taire.

    Le jour même, le GENEPI dont les membres interviennent quotidiennement en prison pour pallier au vide existentiel imposé aux enfermés, a choisi d’entendre la voix des prisonniers et de la relayer. Il serait maintenant temps que d’autres organisations se manifestent et soutiennent elles aussi cette parole, d’autant plus dans une période où bon nombre d’entre elles prétendent vouloir sauver une « justice menacée » par cette même ministre des tribunaux et des prisons.

    Enfin, la moindre décence à l’égard du prisonnier qui est mort à Seysses voudrait que les journalistes, à peine rappelés à l’ordre par la ministre « montée au créneau », ne se précipitent pas pour tendre complaisamment leur micros aux surveillants syndicalistes histoire d’en faire, une fois de plus, les véritables victimes de l’enfermement.

    Les prisonniers ont raison de se révolter et ils ont raison de prendre la parole contre le sort qui leur est fait.

    L’Envolée, pour en finir avec toutes les prisons.

     

    Communiqué du syndicat PRP :