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  • A force d’être trop tôt pour eux, ça finira par être trop tard pour moi ! par Philippe Lalouel prisonnier longue-peine

    A force d’être trop tôt pour eux, ça finira par être trop tard pour moi ! par Philippe Lalouel prisonnier longue-peine

    Bonjour à tous et toutes,

    Nous venons vous dire, avec ma femme, que nous sommes solidaires des détenu.es qui sont emprisonné.es et en particulier ceux et celles qui ont des problèmes de santé. Tout comme moi.

    Aujourd’hui, ce Covid19 nous met nous les prisonnier.es malades particulièrement en danger. Face à cet attentat gouvernemental, nous demandons des suspensions de peine qui sont toujours refusées. A croire que cette loi de suspension de peine pour raison médicale n’existe pas ! En 34 ans, j’en ai vu des prisonniers partir à l’hosto la veille de crever ! Et j’en ai vu des épidémies ravager les prisons !

    A cause du Covi19, je suis, comme d’autres, dans l’impossibilité aujourd’hui de faire mes contrôles et bilans à l’hôpital car après chaque sortie, chaque examen, je devrais passer 14 jours en isolement dans une cellule du quartier arrivant. Autant dire que j’y passerais ma vie.

    Avec cette logique absurde, il faudrait mettre tout le monde au quartier arrivant en permanence puisque nous sommes tous les jours en contact avec les surveillant.es qui rentrent et sortent tous les jours de la centrale !

    Pour ma part, je suis contaminé par le VIH depuis 34 ans suite à une transfusion de sang contaminé après avoir été blessé par balle par la police dans les années 1980. Mon parcours carcéral a été catastrophique à cause du VIH : apprenant ma contamination en prison je me suis évadé deux fois pour ne pas crever en prison ; et j’ai repris des années. Cela m’a couté 34 ans de vie !

    Je me suis évadé pour ne pas crever en taule. Ca ne plait pas aux juges et aux juges d’application des peines que je dise cela. Ils disent que je me « comporte en victime ». J’assume mes responsabilité bien sûr : depuis 34 ans je n’ai connu la liberté que quelques mois pour cela. Mais on ne peut pas balayer la maladie d’un revers de main. Ni balayer les raisons de cette maladie : un scandale sanitaire d’Etat qu’on a oublié aujourd’hui mais qui a fait des milliers de victimes. Personne ne peut l’affirmer mais ma vie aurait sans doute pris un autre chemin si l’on ne m’avait pas mis dans les veines un virus. A ce titre, oui, je suis une victime de l’Etat.

    Jusqu’à maintenant, ils n’ont pas voulu l’entendre : tant que je me tiens debout, tant que je répète que j’ai été contaminé et que mon parcours carcéral est lié à ça, c’est que je ne suis pas prêt à sortir ; que c’est « trop tôt ».

    Mais à force d’être trop tôt pour eux, cela finira par être trop tard pour moi !

    Victime enfermée du VIH je ne veux pas être une victime enfermée du Covid19 !

    Je dois passer en commission d’application des peines le 17 juin 2020. Je vais répéter ce que j’écris ici. J’ai passé ma vie en prison en partie à cause d’un virus ; je me suis évadé pour ne pas qu’il me tue en prison. Aujourd’hui, je ne veux pas qu’un autre virus me tue en prison. Pas question que je parte comme ça après 34 ans ! Si c’était le cas, la justice et l’AP en porteront la responsabilité et devront en assumer les conséquences. Je suis conditionnable, ma compagne m’attend, mes ami.es m’attendent pour que nous vivions quelques années communes de liberté. Alors qu’on me laisse sortir et vivre… un peu !

    Sur ces quelques lignes nous vous souhaitons force courage et détermination.

    La loi c’est eux, Lalouel c’est moi !

    Philippe Lalouel, Centrale de Lannemezan, 30 mai 2020.

    Faites sortir l’accusé, est un film documentaire sorti en 2017 et écrit avec Philippe Lalouel depuis sa cellule de prison centrale ; ce film retrace sa vie et le combat mené aux assises entre 2012 et 2014 pour réduire sa peine infinie. Il est disponible ici. Le DVD comprend un lien de téléchargement et un livret des mémoires écrites par Philippe. Le film est envoyé gratuitement aux prisonniers et proches qui en font la demande.

  • « Solidarité avec Fabrice Boromée contre l’isolement carcéral ! »

    « Solidarité avec Fabrice Boromée contre l’isolement carcéral ! »

    Mardi 18 juin 2019, Fabrice Boromée doit passer en procès à Tarascon pour avoir tenté une résistance à la prison d’Arlesil était enfermé -et donc torturé- il y a 5 ans. Depuis, tout va de mal en pis, tant au niveau pénitentiaire et juridique que médical.

    Jeudi 20 juin 2019, Christine passera quant à elle en procès à Digne pour avoir « harcelé téléphoniquement » un médecin qui refusait de faire des visites décentes au quartier d’isolement de la prison de Moulins où Fabrice était alors enfermé.

    Depuis 2012, Fabrice Boromée subit l’enfermement dans les quartiers d’isolement des prisons en métropole. Depuis sept ans, ses conditions de détention doivent être qualifiées de torture. Ce traitement inhumain a été mis en place par l’administration pénitentiaire après que Fabrice a refusé de se soumettre à l’arbitraire carcéral qui lui interdisait d’assister à l’enterrement de son père en Guadeloupe. Depuis, Fabrice ne demande qu’une chose : être transféré en Guadeloupe auprès de ses proches. Face au silence de l’administration, il s’est révolté de nombreuses fois pour se faire entendre, notamment avec des prises d’otage. Alors qu’il était entré en prison pour une peine de huit ans, il a pris des rallonges de peine à la pelle : il a aujourd’hui encore trente ans à faire.

    Enfermé et exilé de force en métropole Fabrice subit une double peine, comme de nombreux autres détenu.e.s originaires des territoires qu’il est convenu d’appeler les « DOM-TOM ». Outre la répression carcérale, leur situation révèle un des aspects de la domination coloniale que l’État français continue d’imposer aux populations de ces territoires. À l’isolement et très éloigné de ses proches, Fabrice n’a de contacts quasiment qu’avec les surveillants casqués…

    Depuis, plusieurs articles de presse ont été écrits sur sa situation mais celle-ci n’a pas changé et la mesure d’isolement n’est toujours pas levée. Au contraire, il a subi des conditions extrêmement difficiles, dignes des anciens QHS (Quartiers de haute-sécurité) soit-disant abolis : menottage systématique, escortes suréquipées et violentes, refus de le laisser voir le médecin ou le cpip dans des conditions décentes, repas jetés par la trappe… Il y a 18 mois Fabrice refusait de sortir de la douche, demandant à la direction de respecter ses engagements pour son transfert. La seule réponse a été de lui envoyer les ERIS (Equipe régionale d’intervention et de sécurité) qui ont balancé une grenade assourdissante dans une douche de quelques mètres carrés. Ces violences de l’administration lui ont fait perdre l’ouïe d’une oreille.

    L’isolement carcéral, véritable torture, a des conséquences très graves sur sa santé et son moral. Il a eu des attaques cardiaques, il se plaint de migraines permanentes, sa vue baisse, il s’exprime moins bien, il perd le goût de vivre… Un ulcère de l’estomac a été diagnostiqué il y a six mois et empire à cause du stress continuel. Ces agissements ignobles sont validés par le ministère de la justice et des médecins complices.

    Nous ne les laisserons pas tuer Fabrice Boromée !

    Pour lui écrire :

    Fabrice Boromée, écrou N°638, MC QI- 5 rue Droux, 62880 Vendin-le-vieil

    Des opposant.e.s à la prison et ami.e.s de Fabrice

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  • « On comprend pourquoi certains prisonniers ont préféré demander à leurs proches de ne pas venir pour leur épargner cette humiliation »Communiqué des femmes de prisonniers de Condé sur Sarthe et du Syndicat PRP

    « On comprend pourquoi certains prisonniers ont préféré demander à leurs proches de ne pas venir pour leur épargner cette humiliation »Communiqué des femmes de prisonniers de Condé sur Sarthe et du Syndicat PRP

    Communiqué des femmes de prisonniers de Condé sur Sarthe et du Syndicat PRP

    Suite au premier parloir à Condé-sur-Sarthe depuis le blocage

    Ce mercredi 27 mars 2019, nous avons enfin pu voir nos proches, nos frères, nos maris. Cela faisait trois semaines ; trois semaines d’inquiétude. Depuis trois semaines, nous n’avions de leurs nouvelles que par des coups de fil de quelques minutes. Et ces nouvelles  étaient angoissantes. Depuis trois semaines, nos proches ont subi la violence sourde de la grève des matons.

    En bloquant la prison de Condé-sur-Sarthe, les matons ont rajouté de l’isolement à l’isolement. Construite pour enfermer des hommes condamnés à des « peines infaisables » durant une vie entière, cette prison est déjà ultrasecurisée. L’enfer vécu par nos proches, que nous avons déjà dénoncé, nous a été confirmé, durant nos parloirs. Pendant trois semaines, ils ont été enfermés dans leur cellule toute la journée : pas de promenade, pas d’accès au travail -donc moins de moyens pour cantiner le mois prochain. Ils ne recevaient de la nourriture qu’une fois par jour (une baguette et une boîte de thon, et pour certain une portion de riz pour trois jours). Il n’y avait pas non plus de cantine (le magasin interne de la prison où les prisonniers peuvent acheter de la nourriture ou des cigarettes… à des tarifs plus élevés qu’à l’extérieur). Certains ont eu droit à leurs cigarettes, mais pas tous. Pour certains, les télés, plaques de cuisson ou encore table et fer à repasser ont été confisqués. Il y a aussi eu des coupures d’électricité, d’eau et de chauffage. Enfin, les poubelles se sont entassées dans les cellules, car les déchets n’étaient pas récupérés… Ils ont été enfermés par les Eris (le GIGN de la prison) qui ont appliqué leur pratique (encore plus) brutale durant ces trois semaines : comment supporter de se faire livrer sa seule gamelle de la journée par une personne cagoulée, qui d’habitude nous frappe et nous envoie au mitard lorsqu’on exprime nos désaccords face à l’administration ? Les Eris ont passé à tabac ceux qui dénonçaient la situation.

    Lorsqu’enfin le blocage devait cesser, ils ont subi l’humiliation supplémentaire d’une fouille intégrale de la prison. Après leur avoir fait vivre l’enfer, les matons osent s’étonner d’une « certaine froideur et de l’incompréhension de la part des détenus, car ils se considèrent eux aussi comme victimes ».

    On doit le dire, on est arrivées pour ce parloir un peu inquiètes. L’administration pénitentiaire a accepté l’ensemble des mesures sécuritaires demandées par les syndicats de matons fascisants. La presse relayait que les moments collectifs vont être encore plus limités et vont renforcer l’isolement de nos proches (fermeture des espaces communs, locaux réaménagés pour limiter les regroupements, les Eris vont rester dans l’établissement encore longtemps). Des grilles vont être installées à la place des barreaux actuels limitant les possibilités de yoyo (grâce aux yoyos, les prisonniers peuvent se filer des objets de cellule en cellule – durant le blocage ce fut essentiel : nos proches ont été solidaires entre eux en s’échangeant cigarettes ou bouffe grâce aux yoyos car ils étaient bloqués en cellule 24h sur 24).

    Les mesures sécuritaires sont déjà mises en place avec des conséquences désastreuses. Alors que la situation était déjà intolérable avant le blocage, elle empire… Les Eris continuent à tourner dans l’établissement en soutien aux matons. Les espaces collectifs sont fermés : pas d’accès aux cuisines collectives et aucune possibilité d’y récupérer la nourriture stockée qui a été jetée, pas d’accès aux machines à laver… Le matériel confisqué n’a toujours pas été rendu entrainant pour certains l’impossibilité de se faire à manger.

    On était inquiètes, car on se demandait comment nos proches seraient : dans quel état de stress ? Ne seront-ils pas trop marqués par ces trois semaines d’isolement ?

    On était inquiète pour nous-mêmes  aussi ; nous qui vivons les peines de nos proches par procuration, sans être passés devant un juge. La semaine dernière, les matons ont cherché à faire monter la pression sur les réseaux quand on revendiquait notre droit à voir nos proches. Mais ils avaient disparu vendredi dernier, lorsqu’on est venues devant Condé-sur-Sarthe. Ils ne nous avaient pas laissées entrer, mais au moins, ils n’étaient pas venus à la confrontation. Reste qu’ils avaient annoncé des fouilles des familles pour la reprise des parloirs ce mercredi.

    Qu’allaient-ils encore nous réserver ? Juste des palpations ? Qu’allaient-ils faire avec les enfants et les nourrissons ? Par précaution, pour ne pas traumatiser les petits, certaines d’entre nous ont préféré y aller seules pour ce premier parloir.

    En arrivant, on constate rapidement que les matons ont la haine contre nous : ils ont  saccagé l’abri famille. Dès l’arrivée dans le sas, on comprend qu’ils feront tout pour nous humilier. Il y a des flics en renfort. Avec les matons, ils sont une vingtaine, et le directeur adjoint de la prison est là, alors que nous sommes moins de quinze… Ils nous font aligner contre le mur. Les enfants sont tous palpés, et pour les nourrissons, il faut leur enlever la couche devant un flic. Les adultes finissent tous en sous-vêtements ; on nous demande même de secouer nos culottes et soutiens-gorge. Le directeur adjoint force les flics à fouiller un vieux monsieur qui avait été initialement dispensé de l’humiliation. On comprend pourquoi certains prisonniers ont préféré demander à leurs proches de ne pas venir pour leur épargner cette humiliation. Le directeur adjoint se charge de mettre la pression sur certaines familles, leur demandant de gérer leur mari « agressif » (qui ne le serait pas après  trois semaines dans ces conditions ?) sous peine de se voir supprimer leur parloir.

    De nouveau, nous dénonçons les conditions d’incarcération de nos proches. Nous dénonçons l’existence même de la prison de Condé-sur-Sarthe, qui applique des peines de mise à mort sociale. Nous dénonçons l’isolement qu’ils subissent et les humiliations qui se cachent derrière les mesures « sécuritaires ». Nous ne pouvons accepter que nous, famille et proches, qui n’avons jamais condamnées, nous subissions aussi l’enfermement, et que nous soyons fouillées par des matons.

    Toujours aussi déterminés, nous resterons toujours solidaires avec nos proches ! Et avec les autres prisonniers qui ont subi des blocages, comme à Seysse, où ils ont refusé de remonter de promenade !

    Le syndicat PRP et des femmes de prisonniers de Condé-sur-Sarthe

    Sur un mur de la ville de Seysses (31)

  • LE VRAI « DRAME DE CONDE-SUR-SARTHE », C’EST SON EXISTENCE MÊME

    LE VRAI « DRAME DE CONDE-SUR-SARTHE », C’EST SON EXISTENCE MÊME

    LE VRAI « DRAME DE CONDE-SUR-SARTHE », C’EST SON EXISTENCE MÊME

    Communiqué de l’Envolée suite au mouvement de blocage des #MatonsQuiPleurent

    Les prisonniers et leurs familles pris en otages

    « Avec cette lettre motivée, je viens à vous qui êtes à l’extérieur afin de faire entendre nos voix. Je suis un des détenus longues peines de France actuellement incarcérés dans une des maisons centrales (MC) ou quartiers maison centrale (QMC) telles que Valence, Réau, Condé-sur-Sarthe et Vendin-le-Vieil. Ces nouvelles structures sont en fait des QHS (quartiers de haute sécurité) ou des QSR (quartiers de sécurité renforcée). Les nouvelles prisons françaises sont copiées sur le format canadien, et se dirigent vers l’américanisation. Ces systèmes pénitentiaires ultradurs sont basés sur des fonctionnements répressifs et pervers. Nous sommes passés de personnes détenues à bétail. Certains diront aussi : cobayes. Nous ne sommes pas considérés comme des humains, ni des citoyens. Torture psychologique, psychique, voire même physique lors des fouilles à nu qui sont pourtant interdites et abusives. (…) L’oppression, la frustration, la stigmatisation mises en place par la pénitentiaire, la sursécurité font que certains craquent parfois, et les rares fois où des violences sont commises sur le personnel, elles sont surmédiatisées par les syndicats FO et CGT Pénitentiaire, nous faisant passer pour des gens dangereux, violents et mauvais aux yeux de la société. (…) Les bâtiments sont neufs, et modernes, mais le fonctionnement et les règlementations internes sont indignes. Nous voudrions, si des personnes se sentent de nous aider, continuer à dénoncer les conditions de détention et les fonctionnements archaïques type QHS/QSR des établissements cités dans cette lettre. Alors multipliez les manifestations devant ces lieux et devant les ministères concernés. Avec médias à l’appui, comme eux le font systématiquement contre nous. Que les détenus se réveillent aussi, car cela ne va faire qu’empirer pour nos proches et nous-mêmes. »

    Romain L.

    Cette lettre a été écrite en juin 2017 du centre pénitentiaire de Condé-Sur-Sarthe, prison dont  la presse ne se ressouvient que depuis quelques jours. Un prisonnier y répétait ce que les premiers prisonniers enfermés dans ce QHS moderne disaient déjà en 2013, quelques mois après son ouverture ; le N°39 était entièrement consacré à la publication de leurs témoignages. Comme sa petite sœur de Vendin-le-Vieil, ouverte deux ans plus tard, Condé a été placée dans une région dévastée par l’industrie puis par la désindustrialisation. Ces prisons sont destinées à l’enfermement ad vitam des prisonniers qui ont à faire des « peines infaisables ». Des prisonniers à qui les cours d’assises n’ont même pas eu la « politesse des bourreaux » de laisser l’espoir d’une possible sortie. Des prisonniers considérés comme les plus rétifs, dont la plus grande faute est bien souvent de ne pouvoir se résoudre à être enfermés ; ce qui leur vaut de prendre des peines supplémentaires à l’intérieur.

    Le 5 mars, un prisonnier et sa femme auraient attaqué deux matons dans l’unité de vie familiale (UVF) de Condé-sur-Sarthe et s’y seraient retranchés jusqu’à l’intervention des policiers du Raid. Ceux-ci ont blessé le prisonnier et abattu sa compagne. L’usage du conditionnel s’impose car la seule version dont nous disposons est celle des matons et des policiers cagoulés eux-mêmes, celle que les médias se sont empressés de reprendre en chœur : le prisonnier condamné à une peine de vingt-huit ans d’enfermement se serait radicalisé en prison, et il aurait attaqué les surveillants pour des motifs religieux. La ministre des tribunaux et des prisons, Nicole Belloubet, a parlé d’une « attaque terroriste », et la section antiterroriste du parquet de Paris s’est saisie de l’enquête.

    Une version au mieux simpliste et partielle, puisqu’elle fait abstraction des conditions dans lesquelles l’attaque –supposée !- se serait produite, c’est-à-dire les conditions d’enfermement insupportables dénoncées par tous les prisonniers de Condé… Et peut-être fausse : la « radicalisation » du prisonnier pourrait aussi bien avoir servi à maquiller une simple embrouille de fin de parloir qui a dégénéré, comme c’est fréquemment le cas à Condé. Il y a quelques semaines encore, nous relayions à l’antenne de L’Envolée (sur FPP, 106.3, tous les vendredis de 19 heures à 20 h 30) le récit des provocations et des brimades subies par la compagne d’un prisonnier qui s’est vu refuser l’accès au parloir et suspendre son permis parce qu’elle a répliqué. Une seule chose est certaine : c’est que l’unité d’intervention a abattu la compagne du prisonnier en entrant dans l’UVF. Là-dessus, la presse préfère glisser rapidement.

    Ce qui est sûr, aussi, c’est ce que les matons veulent faire de cette tragédie le fait divers qui fera aboutir leurs sempiternelles revendications. En décembre 2017 et janvier 2018 déjà, ils avaient pris prétexte d’une « agression terroriste » pour lancer le mouvement de blocage des prisons le plus dur depuis des années. N’ayant pu obtenir la revalorisation de leur statut -en gros, ils veulent autant d’argent et le même équipement répressif que leurs grands frères policiers-, ils essayent de remettre le couvert depuis décembre 2018. Au moment où les flics peuvent se vanter de réprimer sans aucune retenue les mobilisations des gilets jaunes, et ont obtenu une prime à la matraque sur la simple menace d’un mouvement de grève, les matons se sont saisis du prétexte terroriste pour booster une mobilisation qui piétinait depuis des semaines.

    En dépit des airs qu’ils se donnent, des feux de palettes qu’ils allument, des gilets jaunes qu’ils enfilent parfois devant les caméras, les surveillants ne sont pas des travailleurs précaires comme les autres ; et leur mouvement « social » est surtout corporatiste et franchement réactionnaire. Toutes leurs revendications sans exception visent au durcissement de la répression. D’ailleurs les gendarmes qui viennent quotidiennement disperser leurs blocages pour qu’un peu de nourriture puisse tout de même rentrer ne s’y trompent pas : ils les gazent au-dessus de la tête, les manipulent avec une sollicitude inhabituelle… On les a même vus, après, se faire des checks comme des footballeurs d’équipes adverses à la fin du match.

    Cette pantomime a déjà permis de remettre en avant les revendications phares des #MatonsQuiPleurent : rétablissement des fouilles à nu systématiques –rappelons au passage que si elles sont limitées par le droit en théorie, elles n’ont en fait jamais disparu d’aucune détention- , autorisation de la palpation des proches lors des visites même si les détecteurs n’ont rien décelé d’illégal, multiplication des unités cynophiles, Statut d’OPJ, obtention de Tasers… La revalorisation d’un métier qui a du mal à trouver des candidats au concours -et on comprend pourquoi-, passe exclusivement  par l’obtention de moyens légaux et techniques de réprimer plus et mieux. Les négociations sont en cours : le patron de l’AP propose, la ministre discute, les matons sont déçus… mais quoi qu’ils obtiennent cette fois-ci, ce sera toujours aux dépens des prisonniers et de leurs proches.

    En attendant, le blocage de Condé continue, et aggrave encore tragiquement les conditions d’une privation de liberté déjà insupportable. On aimerait bien que les journalistes, si prompts à parler de prise d’otage dés que des cheminots font une demi-journée de grève, osent titrer :  « LES PRISONNIERS ET LEURS FAMILLES PRIS EN OTAGE ! » Car c’est bien de ça qu’il s’agit : confinement en cellule, fin des activités, absence de travail, suppression des cantines, des parloirs, de la distribution du courrier, la coupure des lignes téléphoniques, et des réseaux… Ça fait maintenant plus de dix jours que les enfermés de Condé-Sur-Sarthe sont coupés du monde.

    Comme le dénonce le syndicat PRP, des familles qui avaient fait des centaines de kilomètre pour voir leur proche se sont vues refouler et railler sur le parking par les matons qui ne les laissent même pas accéder à l’abri familles. Certains continuent cependant à se rendre au parloir tous les jours. Ils ne veulent rien lâcher, et demandent aux matons pourquoi ils ne prennent pas plutôt leur courage à deux mains pour aller bloquer le ministère de la justice, leur employeur. Pour certains proches, les matons cherchent vraiment à ce que ça pète à l’intérieur.

    A part un petit nombre de familles qui ont pu échanger quelques mots au téléphone avec leur proche au début de cette semaine, aucun témoignage n’est sorti pour l’instant. Par le biais de leur avocat Me Benoit David, deux prisonniers ont tout de même réussi à porter plainte au tribunal administratif contre les traitements inhumains que le blocage de la prison leur fait subir : Jeudi 14 mars, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a considéré que la « dégradation des conditions de détention au centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe n’était pas d’une gravité suffisante pour constituer une atteinte grave et illégale. »

    Une fois de plus, l’institution judiciaire et pénitentiaire, celle-là même qui marque les prisonniers du sceau infamant de la « dangerosité », se rend directement responsable de la dite dangerosité ; c’est elle qui la fait naître. La prison remplit ainsi pleinement sa fonction d’élimination sociale. Ces taules de Condé et de Vendin visent à permettre au système pénal de tenir ses promesses ; même au risque de se prendre les pieds dans le tapis des peines infinies qu’il a lui-même prononcé. Même si ces peines sont infaisables. On est loin des doctes péroraisons des experts en radicalisation qui permettent d’occulter totalement cette réalité pénitentiaire !

    A l’heure où nous publions ce texte, nous apprenons que la police, appuyée par le Raid, a fait une descente dans la prison de Condé et que cinq prisonniers ont été placé en garde à vue. Nous continuerons à faire connaître ce qu’il se passe à Condé dès que nous disposerons de plus d’informations sur ces nouvelles représailles.

    SOLIDARITE AVEC LES PRISONNIERS DE CONDE-SUR-SARTHE ET LEURS PROCHES !


    Le Syndicat Pour la protection et le respect des prisonnier.e.s, des proches de prisonniers enfermée à Condé appellent à  un rassemblement devant la prison de Condé-Sur-Sarthe à partir de vendredi  22 mars à  13 heures (début des parloirs en temps normal) pour soutenir les familles et les prisonniers pris en otage par le blocage des surveillants.

    VENEZ nombreux et nombreuses !!!

    L’Envolée :  @anticarceral / contact@lenvolee.net

    Syndicat PRP : @SyndicatPRP /  0665118145

  • « Faites sortir l’accusé » dans les salles en février 2018

    « Faites sortir l’accusé » dans les salles en février 2018

    Les Films du bout de la ville  et les Ami.e.s de Philippe Lalouel présentent, 

    Faites sortir l’accusé, histoire d’une longue peine 

    un film documentaire de PeG écrit avec Philippe Lalouel 70 mn

    – Séances FEVRIER 2018 –

    En présence du réalisateur et de protagonistes du film

    Le jeudi 08 FEVRIER – 18H – PARIS – Université TOLBIAC

    à l’invitation de la Bibliothèque autogérée de Tolbiacdans le cadre du « mois contre l’enfermement » Université Tolbiac, Amphi L, 90 rue de Tolbiac, 75013 Paris

    Le samedi 10 FEVRIER –15H30 – PARIS – La Bellevilloise

    dans le cadre du festival Bobines Sociales et en présence de l’EnvoléeLa bellevilloise, 19-21 Rue Boyer, 75020 Paris (Le programme du festival sur bobines-sociales.org/)

    Le jeudi 22 FEVRIER – 20H30 – TOULOUSE – American Cosmograph

    En présence de Corinne Lakdhari (Act-up) et Monique Erbée, protagonistes du film, 24 Rue Montardy, Toulouse, american-cosmograph.fr/les-fanzines/

    Le mercredi 28 FEVRIER – 20H – BAYONNE – ZIZPA GAZTETXEA

    à l’invitation du GENEPI, ZIZPA GAZTETXEA, 7 Quai de Lesseps, 64100 BAYONNE, Ouverture du lieu 19h30, Projection à 20h30

    Le mardi 06 MARS – 20H – BAGNOLET – Cin’HOCHE

    En présence de Delphine Boesel, présidente de l’OIP et protagoniste du film, Cin’Hoche, 6 rue Hoche, 93170, Bagnolet

    https://fr-fr.facebook.com/faitessortirlaccuse/

    http://leseditionsduboutdelaville.com

    Faites sortir l’accusé, un film de PeG, écrit avec Philippe Lalouel, 70 mn, produit par Les films du bout de la ville et les ami.e.s de Philippe Lalouel. Montage : ZED, PeG / Musique : Kindred / Images : N.Potin, C6C7, Gago, F. Lathuillière, PeG / Moyens techniques : radio la Locale, L’Envolée.

    Synopsis : Pour des vols et des évasions à la fin des années 1980, Philippe Lalouel est en prison depuis 30 ans. Contaminé par le VIH lors d’une transfusion sanguine, il se bat pour ne pas mourir entre les murs. Au fil d’une longue correspondance avec le réalisateur, il prend la parole depuis une prison de haute sécurité et refuse sa destinée de fantôme social. Autour d’un énième procès aux assises, sa compagne Monique, et un groupe d’amis se battent à ses côtés pour le faire sortir. Une histoire d’amour et d’amitiés qui dévoile une partie de l’implacable machine judiciaire. Une plongée anti-spectaculaire dans le temps infini des longues peines.

    Philippe Lalouel is one of France’s many long-serving prisoners, having spent more than thirty years of his life behind bars, initially for robbery and more recently for attempting escape. He is HIV positive and had long fought not to die inside. In this film, he speaks of his refusal to be eliminated, his refusal to

  • FABRICE BOROMEE : « Depuis le 13 juillet, je bloque le cachot »

     

    Depuis le mitard de la centrale de St Maur, le 17 juillet 2017

    Depuis le 13 juillet 2017, je bloque le cachot – mitard – parce que je ne veux pas aller dans l’autre cachot, celui de la cellule 248 du quartier d’isolement (QI). ( Ndrl : L’Administration Pénitentiaire a construit une cellule spécialement pour lui sur le modèle du mitard avec grille et trappe sur la porte, voir courriers précédents publiés sur le site.)

    Je sais que, chaque jour,  la directrice et mes bourreaux veulent m’abattre ;

    – que je n’aurai rien, ni sport, ni douche, ni promenade, ni possibilité de voir l’aumônier ou le psychologue ;

    – que je serai menotté à la cabine téléphonique comme un esclave, comme un chien ;

    – que le délégué du défenseur des droits a beau dire que c’est illégal en 2017, la directrice m’a clairement fait comprendre que c’est elle la patronne de la centrale de St-Maur, pas le délégué des droits et encore moins L’Envolée, Ban Public et l’OIP, et ça tant que je serai à St Maur ;

    – qu’elle commence à en avoir marre des soutiens.

    C’est le message qu’elle m’a envoyé au cachot, par l’intermédiaire de mes bourreaux. Sachez-le !

    Je constate que, là, vraiment, le ministère ne fait rien pour me transférer de St Maur. Il attend qu’ils me tuent à St Maur. L’avocat David se bat pour moi, ainsi que L’Envolée et les autres mais c’est dur. Je pense qu’il faut faire remonter au conseil de l’Etat pour trancher tout ça. Je garde espoir qu’un jour je pourrai sortir de toute cette discrimination, de ce racisme, de cet isolement et de ce cachot. Je souhaite de tout cœur voir mon frère Eddy et tout le reste de ma famille. Sachez qu’au mois de septembre 2017, ils déterrent mon père parce qu’ on n’a plus d’argent pour payer le caveau encore cinq ans. Tout ça fait mal.

    Je vous dis merci pour tout et gardez le courage et la force. Et toujours les poings levés, comme le grand homme, Monsieur Papillon.

    Allez… Courage à tous.

    L’ami Fabrice

    Papillon 2017 !

    971 Guadeloupe

     

    PS de L’Envolée : Fabrice Boromée a été transféré à la centrale de Moulins, le 21 juillet 2017. Il nous décrira rapidement les conditions qui lui seront faites dans cet autre établissement. Rachide Boubala, un prisonnier dont nous avons souvent parlé vient, lui, d’arriver à la centrale de Saint Maur…  placé immédiatement dans la même cellule d’isolement-mitard qu’occupait jusque là Fabrice.

  • « L’OPPRESSION EST CONSTANTE » Lettre de Romain depuis la centrale de Condé sur Sarthe. Juin 2017

    « Avec cette lettre motivée, je viens à vous qui êtes à l’extérieur afin de faire entendre nos voix. Je suis un des détenus longues peines de France actuellement incarcérés dans une des maisons centrales ou quartiers maison centrale (QMC) telles que Valence, Réau, Condé-sur-Sarthe et Vendin-le-Vieil. Ces nouvelles structures sont en fait des QHS (quartiers de haute sécurité) ou des QSR (quartier de sécurité renforcée). Les nouvelles prisons françaises sont copiées sur le format canadien, et se dirigent vers l’américanisation. Ces systèmes pénitentiaires ultra durs sont basés sur des fonctionnements répressifs et pervers. Nous sommes passés de personnes détenues à bétail. Certains diront aussi : cobayes. Nous ne sommes pas considérés comme des humains, ni des citoyens. Torture psychologique, psychique, voire même physique lors des fouilles à nu qui sont pourtant interdites et abusives. Je ne détaillerai pas concrètement car je ne suis pas un écrivain et pour ne pas vous fatiguer par une trop longue lecture, ni me perdre dans mes propos. Je souhaite, et nous souhaitons, attirer votre attention, à vous qui êtes dehors, car nous, à l’intérieur, nous sommes muselés, bâillonnés : la liberté d’expression en prison n’existe plus, alors que dehors des gens se battent et meurent pour cette dernière. Dans ces prisons dites modernes, chaque déplacement d’un détenu est accompagné par plusieurs surveillants. Minimum trois, voire cinq surveillants et plus, pour aller en promenade, au sport, à l’infirmerie, au parloir, etc. Toutes les portes nous sont fermées manuellement et électroniquement. Les escortes sont permanentes, l’oppression est constante. Nous sommes aussi des personnes, des humains : l’oppression, la frustration, la stigmatisation mises en place par la pénitentiaire, la sursécurité font que certains craquent parfois, et les rares fois où des violences sont commises sur le personnel, elles sont surmédiatisées par les syndicats FO et CGT pénitentiaire, nous faisant passer pour des gens dangereux, violents et mauvais aux yeux de la société. Mais nous, détenus, nous ne pouvons pas répondre face à ces accusations honteuses, voire certaines fois calomnieuses. J’affirme, et nous affirmons, que le peu de violence qu’il y a vient de ce système et de certains surveillants qui se bornent à l’appliquer outrageusement. Le mal-être est constant, grandissant, et les prisons sont au bord de l’implosion. Il est plus que temps de changer ce système archaïque. Les bâtiments sont neufs, et modernes, mais le fonctionnement et les règlementations internes sont indignes. Les années 1970-1980 sont finies, révolues, on est en 2017 ! La stigmatisation des communautés est systématique, le rassemblement des communautés ne leur convient pas. Par exemple, si je marche avec un détenu venant des DOM-TOM, c’est systématiquement parce que je cherche une lame ou un pic ; si je marche avec un détenu musulman, alors c’est que je suis sur la voie de la conversion. Si je marche avec un détenu venant du banditisme, alors c’est pour m’évader ou préparer un sale coup. Pour la pénitentiaire, chacun doit rester dans sa communauté. Cette montée vers le format carcéral américain va donner lieu à des gangs interracials. Moi par exemple, je ne suis pas sectaire, et j’aime partager avec les détenus qui n’appartiennent pas à la même communauté que moi – ce qui reste hors de question pour la pénitentiaire qui ne cherche qu’à nous parquer, et dans le même temps bafouer tous nos droits de citoyens français. Il y a tant à dire sur ces nouvelles prisons longues peines françaises, mais rien n’est aussi fou que de le vivre. J’ai commis des délits, parfois graves, j’ai des responsabilités, j’en paie la dette à la société. Étant privé de liberté, certes, je n’en reste pas moins un citoyen français avec ses droits. Madame, Monsieur, vous qui avez lu cette lettre, nous avons tout essayé pour nous faire entendre : recours administratifs, courriers au ministère, au Contrôleur des lieux de privation de liberté, à l’OIP, aux autorités responsables, des sit-in pacifiques, des mutineries, afin de dénoncer nos conditions de détention ; cela n’a rien changé, et parfois ça nous retombe dessus. Nous voudrions, si des personnes se sentent de nous aider, continuer à dénoncer les conditions de détention et les fonctionnements archaïques type QHS/QSR des établissements cités dans cette lettre. Alors multipliez les manifestations devant ces lieux et devant les ministères concernés. Avec médias à l’appui, comme eux le font systématiquement contre nous. Que les détenus se réveillent aussi, car cela ne va faire qu’empirer pour nos proches et nous-mêmes. Pour ma part, et ceux qui m’auront reconnu, je tiens à remercier L’Envolée, toutes les radios qui se préoccupent des détenus, ainsi que toutes les personnes qui se sont déplacées lors de mon jugement en appel à la mi-juin 2017. Je compte sur vous tous pour que cette lettre soit diffusée sur les radios, les réseaux sociaux, la télé même, les journaux ; qu’elle soit entendue et comprise de tous afin que la vérité éclate. Merci. »

    Romain L.

  • « JE GARDE MA FIERTE ET MA DIGNITE » Une nouvelle lettre de Fabrice Boromée depuis le QI de Saint-Maur

    Le 22 juin 2017

    Je vous fais part de mes nouvelles.

    En ce moment, sachez que je suis au cachot depuis 30 jours parce que j’ai encore bloqué la douche le 16 juin à 16h10 pour mon transfert. Les matons ont envoyé des grenades et là je n’entends pas bien de l’oreille gauche. Ils m’ont jeté au cachot du 16 au 19 juin, ils m’ont laissé sans draps, sans brosse à dent, sans produit d’hygiène et sans pouvoir appeler… même pas mon avocat ! Tout ça comme en 2011 ( NDLR quand il a été transféré pour la première fois à la prison de St Maur), comme un chien. Et même l’avocat n’a pas eu le fax de la convocation pour le prétoire à temps parce que la directrice ne veut pas qu’il voit tout ce que je subis depuis mon arrivée le 21 mars 2017, ce qui est illégal.

    Mais je garde ma fierté et ma dignité, tout comme Papillon qui a subi le bagne à Cayenne dans les cachots et le mauvais traitement par les matons. J’ai vu le film. De l’eau a coulé de longues heures de mes yeux pour Papillon qui s’est évadé comme un soldat. Alors moi je ferai face à tout ce mépris, les poings levés ,même s’ils veulent m’abattre à St Maur dans le cachot ou à l’isolement (…)

    L’ami Fabrice

    ps : je suis né pour souffrir comme mes ancêtres, hahaha !

  • ILS SONT EN TRAIN DE TUER FABRICE BOROMÉE / CONFÉRENCE DE PRESSE JEUDI 6 JUILLET 2017, PARIS 12eme

    JEUDI 6 JUILLET / 11HEURES

    Café Chez Sylvia, 27 boulevard Poniatowsky, 75012 PARIS
    (métro : Porte de Charenton)

    organisée par
    L’Envolée
    -journal et émission de radio sur FPP tous les vendredi 19h-20h30 –
    L’association Ban Public
    Maître Benoit David

    Cette conférence de presse reviendra sur la situation du prisonnier Fabrice Boromée actuellement incarcéré à la prison de St-Maur. L’administration pénitentiaire veut l’éliminer alors qu’il ne fait que demander un transfert en Guadeloupe pour être rapproché des siens.

    Comme plus de 500 prisonniers originaires des DOM-TOM, Fabrice Boromée purge une peine en métropole, loin de ses proches. Il réclame son transfert en Guadeloupe depuis 2011. L’administration pénitentiaire (AP) fait la sourde oreille, et le juge d’application des peines l’empêche même de se rendre à l’enterrement de son père en septembre 2012. Il tente alors de se faire entendre en « prenant en otage » un maton de Condé-sur-Sarthe avec Rachide Boubala. En 2013, Il écope d’une peine de huit ans pour cette tentative de prise de parole. En septembre 2015, alors qu’il fait le tour des quartiers d’isolement (QI) des prisons françaises depuis trois ans et demi, le directeur de Vendin-le-Vieil lui fait miroiter sa sortie de l’isolement, mais il change d’avis à son retour de vacances et envoie son sous-directeur lui annoncer qu’il va y être maintenu: Fabrice le retient pendant deux heures. La justice répond systématiquement à toutes ses tentatives pour se faire entendre par des peines supplémentaires. Entré en prison pour une peine de huit ans, il en a maintenant plus de trente à faire. L’AP lui fait payer sa détermination en refusant de lui faire rejoindre la détention dite normale. Maintenu à l’isolement, sans cesse transféré (Fleury-Mérogis, Clairvaux, Lannemezan pour la seule année 2016, et maintenant St-Maur), entravé dans tous ses déplacements en prison (y compris lors de la distribution des repas), il fait l’objet d’insultes racistes et de passages à tabac de la part des matons.

    Fabrice Boromée vient d’être transféré à la centrale de Saint-Maur, il est toujours à l’isolement, sauf que là l’administration pénitentiaire a transformé sa cellule en mitard en ajoutant une grille devant la porte. Il n’a pas de parloirs, les matons ont dissuadé l’aumônier de venir le voir en lui faisant croire qu’il était dangereux et qu’il s’en prendrait à lui en lui jetant de l’urine à travers la grille. La psychologue refuse d’intervenir au prétexte de conditions indignes et incompatibles avec l’exercice de ses fonctions. Le docteur, obligé de passer vérifier s’il est toujours vivant, se contente d’un « ça va » et repart. Il est privé de toute activité- depuis peu il peut refaire du sport mais sans que l’entraineur n’entre dans la cellule avec lui. Il est interdit de promenade le week-end sous prétexte que le chef de détention n’est pas là. Il est menotté et entravé, encadré par plusieurs surveillants armés de boucliers pour les rares mouvements qu’il fait en dehors de sa cellule, comme pour aller à la douche ; douche qui lui est aussi refusée le week-end. Les matons lui jettent sa gamelle à travers la grille comme à un chien.

    Pour protester contre ces mesures, le 21 mai Fabrice a refusé de se laisser menotter et de remonter en cellule. Il a bloqué la douche de 9 heures à 15 heures pour demander son transfert immédiat en Ile-de-France. Sa situation n’ayant pas changé, il a bloqué de nouveau la douche le vendredi 16 juin. Cette fois-ci, la directrice a utilisé les gros moyens pour le dégager : les Eris, avec casques, boucliers et autres armes de toutes sortes, sont arrivés et ont lancé une grenade assourdissante dans la douche ! Fabrice est au mitard pour 30 jours supplémentaires. Il n’entend plus d’une oreille, il est très inquiet. Il est écrasé de chaleur toute la journée avec des maux de tête violents et permanents. Le médecin refuse de l’examiner, passant juste la tête à travers les barreaux du mitard.

    L’administration pénitentiaire l’a averti : rien ne changera d’ici son probable transfert pour Réau en novembre. Associations, contrôleur des lieux de privation de liberté, etc., tous sont informés, mais aucune réponse de leur part à ce jour.

    L’administration pénitentiaire de Saint-Maur cherche méthodiquement à éliminer Fabrice Boromée, dont elle ne sait que faire : cette torture a pour but de le pousser à bout jusqu’à ce qu’advienne l’irréparable.

    Face a cette situation, nous demandons:
    Que Fabrice Boromée sorte immédiatement de l’isolement et que cesse l’acharnement de l’administration pénitentiaire contre lui.
    Qu’il soit transféré en Guadeloupe près de sa famille et ses proches ;
    Qu’il soit, d’ici là, immédiatement transféré en région parisienne, de manière à ce qu’il puisse avoir un parloir régulier avec son ami en métropole.

    Contact presse :

    L’Envolée :

    contact@lenvolee.net/twitter : @anticarcéral/ 0612443960
    Maitre Benoit David : 06 63 08 17 39
    Fabrice Boromée, Maison centrale Bel Air, 36 255 Saint-Maur cedex

    Et dans Politis l’article de Selim Derkaoui à lire ici.

    Conférence de presse

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  • « Je veux bien mettre un genou à terre, mais pas les deux! » Romain L. Retour sur le procès en appel du 14 juin 2017 à propos de la mutinerie au QMC de Valence. Interview de l’Envolée et vidéo de Bernard Ripert

    En mars dernier s’est tenu le procès de deux prisonniers, Romain Leroy et José T., accusés d’avoir organisé une mutinerie le 27 novembre 2016, au sein du Quartier Maison Centrale du nouveau centre pénitencier de Valence. En l’espace de deux mois, fin 2016,  deux mutineries éclataient et révélaient les conditions de détention drastiques et inacceptables, que subissent les prisonniers longues peines stockés par l’AP dans ces nouveaux QMC.
    Lors du premier procès, interdit d’accès au public et aux soutiens, et sur la base d’un dossier parfaitement vide, le procureur réclame 8 ans contre les deux accusés. Ils prennent 5 ans, une peine énorme qui vise à faire un exemple comme l’avoue alors le tribunal. Romain, soutenu par sa compagne, décide de faire appel de cette condamnation pour continuer à porter le plus largement possible le message de cette mutinerie : la justice donne des peines infaisables à des prisonniers tenus de vivre ensuite dans des conditions toujours plus suffocantes et sécuritaires. Romain revendique cette révolte au nom des prisonniers longue peines de France que l’on condamne à vivre dans ces nouveaux QMC, qui cumulent les désagréments et les horreurs des anciens QHS (Quartiers de haute sécurité) et des nouvelles maison d’arrêt (pour courte peine).
    Le 14 juin dernier avec plus d’une quarantaine de personnes, nous avons pu cette fois-ci entrer dans la salle du tribunal de Grenoble pour le procès en appel de Romain. Nous vous proposons ici une petite analyse de ce procès ainsi qu’un entretien filmé avec l’avocat Bernard Ripert qui faisait son retour devant les juges de Grenoble -ceux -là même qui avaient obtenu sa suspension il y a plus de 18 mois.

     

    Transcription de l’émission de l’Envolée du 16 juin 2017 que vous pouvez écouter ici.

    O : Le 27 novembre 2016, il y a eu un mouvement au QMC de la nouvelle prison de Valence ; un deuxième, puisqu’il y avait déjà eu quelques semaines auparavant un mouvement durant lequel trois prisonniers avaient pris un maton en otage pour demander leur transfert. Jugés un tout petit peu avant les inculpés de la seconde mutinerie, ils avaient pris trois ans de prison. Le deuxième mouvement s’est fait sans prise d’otage ; il y a eu destruction de matériel – collective : les cellules de tout le quartier ont été ouvertes par des prisonniers qui avaient réussi à prendre les clés aux matons et il y a eu des cellules détruites, quelques caméras cassées – enfin rien de bien terrible. L’AP, évidemment, en fait toujours un truc énorme – tout comme elle oublie toujours de dire pourquoi les prisonniers en sont venus là.

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    « Depuis 2016, j’ai ressassé les problèmes par lettre, à l’OIP, au Contrôleur des lieux de privation de liberté, mais rien. Il y a eu des sit-in pacifiques pour voir la directrice. Des pétitions, mais faut savoir que c’est interdit les pétitions. Des demandes des familles. Et à la télé  on voit des gens qui cassent tout : à la fin il n’y a que ça pour se faire entendre. Même les gens qui travaillent sont obligés de prendre leur entreprise en otage. Nous on a des murs de 20 mètres donc personne ne sait rien et pour les longues peines de France rien ne bouge (…) Pour moi quand on a pris les clefs et ouvert les cellules, c’était pas un vol, mais le seul moyen de faire entendre la parole de nous, les longues peines de France.  Le seul moyen d’avoir une tribune »
    Romain L. -lors de son procès en appel

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    En tout cas, les inculpés de ce deuxième mouvement ont été jugés une première fois au tribunal de Valence. À Valence, justice, police, presse… tout marche main dans la main ; et quand je dis justice, c’est avocats compris. Ils avaient donc pu se permettre de faire un procès quasiment à huis clos en interdisant manu militari l’accès de la salle à tous les gens venus en soutien à José et Romain, les deux prisonniers qui passaient en jugement. Le procès a duré un bon moment, six ou sept heures. Au bout de ce temps-là, le procureur a requis huit ans ferme contre eux et le verdict a été rendu immédiatement : cinq ans pour chacun. Cinq ans, c’est une peine « abusive », comme l’a dit Romain pour expliquer son pourvoi en appel. C’est vraiment une peine pour l’exemple : ils ont mis plus d’années de prison à des gens qui ont détruit collectivement des cellules pour dénoncer leurs conditions de détention qu’aux trois prisonniers qui avaient pris des matons en otage. Parce que c’est plus dur de prendre des gens en otage ! Tout le monde n’est pas capable de le faire, tout le monde ne choisit pas de le faire. Tandis que la destruction collective, c’est quelque chose de plus sympathique, dans le vrai sens du terme : quand y en a marre, c’est finalement plus logique de se rassembler, de se réunir et de se faire entendre de cette façon. Il fallait donc faire un exemple, pour dire : « Vous amusez pas à ça, parce qu’on vous ratera pas. On hésitera pas à vous mettre des années de prison supplémentaires. »

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    «  Quand on a une grosse peine, pour éviter un état colérique, la frustration, c’est normal d’avoir des espaces de promenade et pas que de la sécurité. Dans ces nouvelles prisons c’est cinq surveillants à chaque ouverture de porte. Quand on nous fouille et nous écarte l’anus, la dignité l’emporte (…) C’est géré comme une prison de haute sécurité, on se croirait encore au QHS, dans ce système des années 1970-80 »  Romain L.

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    S : Ils doivent impérativement briser cet élan parce que c’est un outil dont tout le monde peut se saisir…

    O : Exactement ! Surtout qu’ils ont intérêt à mettre le paquet, parce qu’il y a des problèmes dans tous les QMC. Les quartiers maisons centrales, c’est des véritables QHS à… la moderne. Ils sont propres, nickel et tout, bien sûr, mais ils sont dotés d’une part d’une technologie effrayante – caméras et doubles sas partout, etc. – et d’autre part de moyens bien plus importants, ne serait-ce qu’en personnel : il y a environ quatre à cinq matons par prisonnier. Beaucoup de ces prisonniers sont encadrés par plusieurs matons dans tous leurs déplacements. C’est de petites unités, mais quand une aile de l’unité est en mouvement, l’autre est bloquée pour éviter toute rencontre. Bref tout est fait pour maintenir l’isolement le plus complet possible. Ils n’y arrivent pas encore complètement, parce qu’ils ont pas encore tous les moyens pour le faire, mais c’est leur objectif. Évidemment, quand on est complètement seul, ça devient compliqué de construire une résistance… On est moins fort. On le voit bien pour d’autres prisonniers, qui continuent néanmoins à se battre, mais c’est des batailles terribles, quasiment désespérées, comme celles de Fabrice Boromée ou de Rachide Boubala, dont on a souvent parlé. Ils continuent à résister, mais pour eux l’univers se rétrécit toujours un peu plus. C’est cette logique-là qui préside à l’architecture et au fonctionnement de ces saloperies de QMC, qui ont leurs modèles dans les deux prisons les plus sécuritaires du pays : Condé-sur-Sarthe et Vendin-le-Vieil.

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     « On s’était mis d’accord pour s’attaquer aux locaux pas aux personnes, pas de règlements de comptes. Toute la population pénale a montré sa frustration mais personne n’a été blessé des deux côtés »  Romain L.

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    On n’y enferme pas des petites peines mais ceux qui ont de très très très longues peines, c’est-à-dire des 25, 30 ans, des perpètes. Des gens qui ont peu de chances de sortir, en fin de compte, parce qu’on sait maintenant que quand on chope des peines comme ça, même à la fin de la peine on sort toujours pas. Il faut donc que l’AP réussisse à gérer cette politique de mise à mort. Y a pas d’autre mot. C’est de ça que les QMC sont le laboratoire. Évidemment, tant qu’il reste un souffle de vie, ça bouge à l’intérieur, parce que ce sont des êtres humains qui sont emmurés, des gens pour qui c’est insupportable. Évidemment, l’AP n’arrive pas à tous les éteindre à coup de télé, de drogues légales ou illégales ou de passage en hôpital psychiatrique comme ils essaient souvent de le faire. Il y en a quelques-uns pour qui ça marche, mais c’est pas la majorité. Ils en sont très, très loin ! Donc ça gueule. Ça gueule, mais le truc, c’est que pour gueuler, pour se faire entendre dans ces taules-là, y a qu’une seule solution. C’est ce qu’a dit Romain au procès en première instance à Valence :

    « Quand il n’y a plus de mots, il ne reste que les actes. »

    Passer aux actes, c’est ce qu’avaient décidé de faire les prisonniers du QMC de Valence.

    Après le premier jugement de Valence, Romain et José ont immédiatement fait appel de leur condamnation, mais José s’est ensuite désisté de son appel, sur le conseil à mon avis pas très avisé de son avocate. Elle, qui avait accepté que le procès se tienne quasiment à huis clos (cf. le “non-compte rendu du procès de la mutinerie de Valence” sur ce même site), a persisté dans une posture très timorée devant un verdict pourtant démesurément lourd. A Grenoble, les choses se sont passées différemment : les soutiens, nombreux, ont pu entrer dans la salle d’audience. Il avait été établi avec Romain et Bernard Ripert qu’il n’était pas question d’accepter de participer à une audience à huis clos…

    Romain a pu expliquer parfaitement toutes les raisons de ce mouvement. Il l’a répété plusieurs fois :

    « C’est moi qui passe en jugement, mais ce que je dis, c’est au nom de toutes les longues peines de France. »

    Il a aussi dit que ça concernait encore plus l’ensemble des gens qui se font spolier de leurs conditions d’existence dans cette société : « Pour nous, c’est comme pour les ouvriers qu’on licencie, qu’on jette sans rien leur demander et qui en viennent à prendre des patrons en otage, à détruire du matériel et à installer des bouteilles de gaz en menaçant de faire péter leur usine pour pouvoir se faire entendre ! Nous c’est le même combat ! On est pareils ! » C’était clair comme de l’eau de roche. Le but de tout ce qu’il a raconté, c’était absolument pas de nier quoi que ce soit :

    « Ce que j’ai fait, j’ai dit que je l’avais fait, y a pas de problème, et je regrette rien. Ce qui est regrettable, c’est qu’on soit obligés d’en arriver là ! »

    Ce qui est regrettable, c’est surtout que lui, il prend des risques énormes ! Il sait très bien que derrière, c’est des semaines de mitard, des transferts et des peines de prison supplémentaires ! Effectivement, qu’ils en soient réduits à en arriver là juste pour demander des améliorations de conditions de détention : c’est-à-dire l’application de leur putain de règlement dans ces QMC qui ne devraient pas fonctionner comme des maisons d’arrêt ou comme des quartiers d’isolement parce que c’est invivable… oui, c’est regrettable. Voilà. C’est un truc simple, mais il a su le dire sans jamais se laisser désarçonner par le président qui lui posait des questions sans aucun rapport avec les faits. Et le réquisitoire du proc’ : « Je sais tout ça parce que j’ai été avocat de la défense pendant seize ans, donc je connais les prisons, et c’est vrai qu’il faut les améliorer… On va y arriver ! C’est pas encore magnifique, mais elles sont un peu plus belles que celles que j’ai connues il a vingt-cinq, trente ans ; c’est pas en détruisant celle-là qu’on va améliorer les choses… Il nous reste beaucoup de travail à faire, mais déjà, ce qu’il y a, c’est une belle avancée ! » Romain, il faisait non de la tête, et nous dans la salle on a grommelé tant qu’on a pu, pendant l’ensemble du procès, évidemment, comme d’habitude. Le proc’ a fini sa petite tirade par « …c’est pourquoi je trouve que la peine prononcée à Valence est une juste peine, dont je demande la confirmation ».

    Après, c’est Bernard Ripert qui a plaidé une bonne heure. Il a commencé par dire ses quatre vérités à cette justice, comme d’habitude, et répéter ce à quoi elle sert vraiment ; absolument pas à être juste, ou quoi, ou qu’est-ce, mais bien à maintenir l’ordre à n’importe quel prix ; ensuite, comme il fait toujours, il a dit :

    « Mais bon, il n’y a pas que les déclarations de principe, vous les connaissez et j’y tiens, mais maintenant je vais démonter votre dossier qui ne tient pas la route. »

    Il a pris les éléments de l’acte d’accusation un par un, et à chaque fois il disait : « L’accusation est fausse, elle ne tient pas du tout pour diverses raisons, et c’est obligatoirement une relaxe. » Un exemple tout con : il y avait marqué « Vol des clés de M…. [le surveillant] » :

    « Il n’y a jamais eu vol des clés du surveillant, puisque les clés n’appartiennent pas au surveillant ! Ce ne sont pas les clés de chez lui, ce sont les clés de l’administration pénitentiaire. Pour que l’accusation soit juste il faut formuler les choses différemment. C’est trop tard pour les reformuler maintenant. Donc cette accusation ne tient pas. Ce qu’il y a eu c’est le vol des clés de l’administration pénitentiaire portées par M. Machin. Ce n’est pas pareil. »

    Un autre élément de l’accusation, c’était l’incendie des cellules. Et là, il a tout repris, il y a la preuve par beaucoup de témoignages que José et Romain n’ont pas eux-mêmes mis le feu aux cellules:

    « Parce que c’est eux qui ont pris les clés, qui ont ouvert les cellules, après quoi des gens ont mis le feu à quatre cellules, vous leur faites porter la responsabilité de ce geste incendiaire. Mais ça, aujourd’hui, en France, ça ne tient pas la route. C’était possible du temps de la loi anticasseurs, mais elle n’est plus en vigueur. »

    C’est vrai que pendant quelques années, la législation permettait de rendre tout le monde collectivement responsable de l’action d’une seule personne du simple fait d’avoir été là, mais ça a été abrogé (cf : la loi anticasseur évoquée par Ripert ; seule la « bande organisée » ou « l’association de malfaiteurs » permettent de rendre quelqu’un responsable d’actes qu’il n’a pas commis. Ces inculpations sont très souvent utilisées précisément pour pallier le vide des dossiers de flics ; mais cette fois non). Donc en l’absence d’une preuve formelle, témoignage, document… qui montre l’un ou l’autre en train de mettre le feu, l’accusation ne tient pas. Ils n’ont pas mis le feu. Donc relaxe, obligatoirement… Ils les a tous démontés comme ça un par un : à la fin il restait plus rien ! Du coup Bernard Ripert leur a dit que ce n’était pas une provocation de demander la relaxe : c’est l’application de la loi ! Il a apostrophé le proc’ :

    « Je ne comprends pas que quelqu’un d’aussi féru en droit que vous ne l’ait pas vu ! Vous auriez dû sauter au plafond ! »

    Romain était super content, ça se voyait, il regardait Ripert – qu’il ne connaissait pas avant de le rencontrer au procès– et c’était un bon moment de complicité entre eux deux ; je pense qu’ils ont été contents l’un de l’autre. A la fin, ils ont demandé à Romain s’il avait quelque chose à ajouter, tout en annonçant le délibéré pour le 11 juillet : ils n’ont pas donné la réponse tout de suite, contrairement à l’autre fois, ils se laissent un petit peu de temps. Romain a répondu :

    « Je tiens surtout à remercier les quelques personnes qui sont venues me soutenir ».

    On était effectivement “quelques-un.e.s”, il le savait, on s’est fait des coucous, etc. Mais quand il a vu toute la salle se lever – y avait que nous – pour applaudir, et des applaudissements qui ont duré cinq minutes…, on a lu toute l’émotion sur son visage… Il a complètement halluciné de voir cette salle entière qui s’était déplacée en soutien à ce qu’il avait fait, pour pas le laisser seul face à la justice.

    Il était déjà menotté dans le dos, donc il pouvait pas faire grand-chose, mais il faisait tous les mouvements qu’il pouvait pour nous signifier qu’il était vachement touché. Rien que ça, cet échange de force à ce moment-là, toutes les personnes présentes ont trouvé que ça donnait une respiration, et lui ça lui en a donné une aussi. Ça montre encore un coup qu’à chaque fois qu’on peut le faire, il faut le faire. Surtout pour des histoires comme ça, de mutinerie et d’évasion, où les risques sont tellement énormes, et c’est des gestes qui ne sont pas simples… Alors dès qu’on peut organiser un soutien… On n’arrive pas toujours à mobiliser autant de gens, ça c’est sûr, mais même s’il y a dix personnes c’est déjà quelque chose. Adeline – sa compagne, avec laquelle on reste évidemment toujours en relation, qui était présente à Valence mais qui n’a pas pu être là parce qu’elle est maintenant installée à Alençon avec sa petite fille et que le voyage était compliqué pour elle – l’a eu le soir même au téléphone quand ils l’ont fait dormir à Aiton, avant de le rebaluchonner à Condé-sur-Sarthe au matin d’où il lui a encore reparlé, et à chaque fois il lui a dit :

    « Vraiment, tu leur redis à tous que ça m’a mis un coup de chaleur et que je les remercie infiniment. »

    Faut absolument que tous ceux qui nous écoutent, et les soutiens qui sont plus loin, sachent bien que le mec était super content. Et moi j’ai dit à Adeline qu’on était super contents de voir un mec qui se tient tout droit debout comme ça… Ça nous a donné aussi une vraie force.

    S : Ça montre qu’on peut toujours créer un rapport de forces dans un tribunal, faut jamais croire que c’est mort. Il y aura peut-être une sanction horrible qui va tomber, mais ça aura permis de se défendre. Ce moment de la fin du procès que tu as décrit, quand tout le monde s’est levé pour applaudir, je pense que c’est un souvenir qui va rester longtemps ; et rien que le fait que le proc’ n’ait pas repris la réquisition de huit ans de la première instance, ça montre que tous ces rapports de forces ont une efficacité ; on croise les doigts pour l’appel, mais en tout cas il y a quelque chose qui s’est passé, et c’est important.

    O : Et n’oublions pas qu’il faut botter le cul aux avocats qui préfèrent se soumettre à l’autorité en pensant que ça va aider les inculpés en quoi que ce soit, alors que ça donne jamais rien. C’est la marche des canards, ils sont déguisés pareil, sauf exception ; mais il ne faut absolument pas les laisser faire dès qu’ils font mine de se comporter comme ça, à dire : « Attention, ça va énerver le président… ». Plus on rampe, plus on prend des coups.

    #ProcesMutinerieValence

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     « Je suis libérable en 2038.
    Je veux bien mettre un genou à terre mais pas les deux.
    Je veux garder ma dignité » Romain L.

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    INTERVIEW DE BERNARD RIPERT

    APRÈS LE PROCÈS EN APPEL DE ROMAIN L.

    https://vimeo.com/223278402

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