Étiquette : prisonnières

  • « Un humain = un humain ! »

    « Un humain = un humain ! »

    Voici une lettre adressée à L’Envolée par une prisonnière de la Maison d’arrêt femmes (MAF) des Baumettes (Marseille). Elle nous écrit pour dire qu’elle ne baisse pas les bras, dans un contexte carcéral ultra répressif. Nous avons déjà évoqué la violence pénitentiaire subie par les prisonnières des Baumettes (voir en bas de cette page). Entre autres : coupure des liens familiaux, fermeture des fenêtres, brutalités, fouilles à nu fréquentes et violentes. Elles subissent des représailles en réponse à leurs protestations. Forces, courage et détermination à elles !

    “Maison d’arrêt pour femmes des Baumettes, le 24 février 2021,

    Bonjour à vous,
    J’espère que ma carte vous trouve en bonne forme et en bon moral.

    L’hiver passe et nous arrivons au printemps. Mais il ne nous a pas épargnées cette année 2020 : pluie, vent, froid, neige, inondation, etc. Alors oui, on l’a senti passer. De plus, les conditions de ce château sont loin d’être aux normes européennes… mais une honte de la société, c’est clair.

    La solidarité, bien des personnes ont oublié ce mot. Comme d’habitude, je me bats pour tout. De toute façon, la vie est un combat. Et il ne faut jamais baisser les bras !!! Peu importe l’adversaire face à soi.

    Je ne rentre pas dans la case car je suis assez trempée en caractère. Je tempère au vu du lieu et des conséquences. De toute façon, j’assume. Face à nous, ils sont tous humains.
    Un humain = un humain !

    Ça passe vite pour mes enfants dehors. J’ai laissé des bébés, ce sont des femmes et des hommes maintenant. C’est une claque qui fait mal. Mais pas le choix, on s’y fait, et le temps fait son chemin et son travail.

    Prenez soin des vôtres, c’est important.

    N.”

    • Plus d’infos sur la MAF des Baumettes ici et .
    • Lisez aussi notre article sur le 8 mars des prisonnières ici.
  • Le 8 mars et toute l’année : Solidarité avec les prisonnières !

    Le 8 mars et toute l’année : Solidarité avec les prisonnières !

    De Fleury aux Baumettes, et partout ailleurs : solidarité avec les prisonnières.

    Pour le 8 mars 2014, des prisonnières, militantes basques féministes, avaient diffusé un tract dans la cour de promenade de la MAF (maison d’arrêt femmes) de Fleury Merogis : un appel aux femmes et prisonnières à se révolter. A l’occasion du 8 mars 2021, nous le republions ci-dessous, complété d’extraits de lettres qui détaillaient alors leurs conditions d’enfermement, leurs combats, leurs solidarités.

    Ces récits résonnent avec ce que dénoncent les prisonnières de la MAF des Baumettes (Marseille) depuis l’automne 2020 : déjà menacés par l’enfermement, les liens avec leurs proches, avec leurs enfants, sont coupés sous prétexte de Covid. On leur impose des grilles aux fenêtres qui les empêchent de respirer et de se parler. Elles subissent des fouilles à corps particulièrement abusives et humiliantes. Elles ont refusé de remonter de promenade, mené des recours juridiques, fait du boucan aux fenêtres en interpellant Dupont-Moretti – resté sourd évidemment. Elles subissent brutalités et représailles de la pénitentiaire. Forces, courage et détermination à elles !

    [ Plus d’infos sur les Baumettes ici et ]

    « La prison étouffe nos conditions de vie »

    Tract diffusé par des prisonnières de Fleury Merogis dans la cour de promenade le 8 mars 2014

    Aujourd’hui, 8 mars, le jour international de la femme, en tant que femmes prisonnières, militantes, basques et féministes, nous vous faisons part de nos réflexions.

    Encore en 2014, nous les femmes, continuons à nous battre pour nos droits dans cette société. Avec l’Europe en crise des droits, notre situation et les acquis de ces dernières décennies ont régressé considérablement. Il suffit d’apprécier la croisade contre les droits des femmes déclenchées par l’Eglise et l’extrême-droite.

    « La prison rend presque impossible le droit d’être maman et aussi la maternité. »

    Le système capitaliste-patriarcal veut diriger nos vies et même nos corps à l’avantage du capitalisme. Par conséquence, en faisant partie de ce système, nous les femmes, il ne nous reste que la violence, la précarité, la pauvreté. La prison ne fait qu’aggraver la crue réalité. Elle nous éloigne de la société égalitaire qu’on revendique, avec le seul objectif de nous soumettre, suscite une constante violence dans la relation pouvoir-soumission. La prison étouffe nos conditions de vie, en empêchant notre développement, en amplifiant les situations de pauvreté et précarité, en nous exploitant au travail et en nous rémunérant avec des salaires misérables. La prison rend presque impossible le droit d’être maman et aussi la maternité. L’architecture de la prison ne répond pas aux besoins ni de l’enfant ni de la mère. Les mamans avec des enfants hors de la prison n’ont pas beaucoup plus de chances. Elles subissent de véritables entraves pour conserver les liens avec leurs enfants. Les obstacles aux relations nous les trouvons régulièrement : avec les proches, amis, conjoint/e… Il faut ajouter que tout contact avec des hommes est annulé, nous nous trouvons alors dans une situation, dans un monde hors de la réalité. Si le fait d’être en prison ne suffit pas, notre sexualité aussi est condamnée à périr dans ces quatre murs. Aucun texte ne mentionne expressément que les relations sexuelles sont interdites en prison. Sans être explicitement interdite ni autorisée, toute pratique sexuelle peut aussi bien être sanctionnée que tolérée en prison. Alors, l’administration pénitentiaire s’appuie sur une faute disciplinaire, celle « d’imposer à la vue, des actes obscènes ou susceptibles d’offenser la pudeur », lorsqu’elle souhaite sanctionner une pratique sexuelle au sein d’un établissement pénitentiaire. Conséquence : toute possibilité d’intimité et de sexualité est anéanti en prison. Que dire du plaisir, aucune prévention, aucune mesure nous est proposé pour avoir un moment de plaisir. Pas d’endroit où l’intimité est assurée, pas de préservatifs, ni jouets sexuels à disposition… La prison réagit avec un discours répressif et une mentalité conservatrice et réactionnaire.

    « Notre sexualité aussi est condamnée à périr dans ces quatre murs »

    L’assemblée nationale vient d’accepter une proposition de loi au sujet de l’égalité homme- femme. Projet mené par Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes. Nous estimons que cette loi ne répondra pas aux besoins des femmes, elle sert à laver l’image de cette société mais pas pour faire face à la véritable controverse.

    Nous voulons profiter du 8 mars pour dénoncer et faire appel à toutes les femmes pour se battre ensemble, coude à coude, pour une société égalitaire. Nous encourageons toutes les femmes à être sujets de révolte contre cette situation d’oppression.

    Pour la défense de nos droits fondamentaux, pour une société égalitaire femme-homme, pour une société plus humaine : femme prisonnière, engage-toi dans la lutte féministe !

    Des prisonnières politiques basques.

    « L’étouffante pression que nous subissons quotidiennement »

    Extrait d’une lettre de prisonnières politiques basques, Fleury Merogis, mars 2014 :

    “Le problème, ce ne serait pas les conditions inhumaines que nous subissons ? Nous pourrions parler du manque d’hygiène des douches, qui sont pleines de moisissure, ou de la cour de promenade pleine d’excréments où nous devons nous asseoir par terre. Des repas répétitifs, froids, servis en quantité insuffisante avec un chariot qui amène la nourriture à deux pas du sol. (…) De la suppression de la trousse mensuelle avec les produits d’hygiène corporelle de base et la suppression du service de laverie. Du manque de respect de certaines surveillantes qui nous réveillent la nuit ou crient dans les couloirs. Du manque de possibilité de formation. De l’étouffante pression que nous subissons quotidiennement : palpation, fouilles… même la bassine pour aller aux douches est fouillée !”

    (publié dans le journal L’envolée n°39 en mai 2014)

    « Nous avons fait un blocage après la promenade du dimanche »

    Lettre d’Itziar, MAF de Fresnes, mars 2014 :

    “ Le 9 janvier, une femme a mis le feu à sa cellule ; mis à part le manque d’information et le retard dans l’évacuation des détenues, malheureusement habituelles dans ces situations, il faut absolument dénoncer l’attitude et les décisions suivantes de la direction : cette femme, après un cri à l’aide comme celui-là, a été placée seule en cellule, cellule théoriquement “particulièrement surveillée”. Trois jours après, cette femme a été retrouvée morte dans sa cellule. N.L., tuée par le système pénitentiaire. Nous, les détenues de la MAF, nous avons fait un blocage après la promenade, une minute de silence pour dénoncer sa mort et en hommage. D’ailleurs, nous avons écrit une carte pour embrasser et soutenir ses proches, mais la direction a refusé de nous fournir l’adresse de la famille.”

  • « Tu chantes pas, tu manges pas » : une Prisonnière au CRA de Mesnil-Amelot raconte les humiliations sexistes et racistes par les keufs (extrait de l’émission du 9 Octobre)

    « Tu chantes pas, tu manges pas » : une Prisonnière au CRA de Mesnil-Amelot raconte les humiliations sexistes et racistes par les keufs (extrait de l’émission du 9 Octobre)

    Au centre de rétention administrative (CRA, prison pour sans papier) de Mesnil Amelot, alors qu’une prisonnière est tombée malade suite à une infection (dû au rationnement de serviettes hygiéniques), les prisonnières ont dû lutter pour faire intervenir les pompiers. Elles dénoncent les multiples insultes et harcèlements – traitées notamment de « putes » par les flics- et aussi l’humiliation lorsqu’ils les forcent à chanter « joyeux anniversaire » au chef du centre sous peine de ne pas manger. Elles dénoncent aussi la nourriture périmée qui leur est donnée, qui s’ajoute au froid dans lequel elles vivent. Voici une retranscription de l’émission de l’Envolée du 9 octobre dans lequel une prisonnière raconte tout ça (d’abord publié sur abaslescra.noblogs.org https://abaslescra.noblogs.org/tu-chantes-pas-tu-manges-pas-temoignage-des-prisonnieres-du-cra-du-mesnil-amelot/).

    « – Bonjour madame

    Bonjour, déjà merci de ton appel, est ce que tu vas bien ?

    – Oui ça va un peu malgré le stress et tout .

    Tu voulais nous parler de choses précises aujourd’hui ?

    – Ouais ouais ce que je vis depuis 2 jours là, ça a commencé avant hier et ça m’a un peu bouleversée, ça m’a rendue triste et donc c’est pourquoi je voulais le partager avec certaines personnes aussi.

    N’hésite pas vas y on t’écoute.

    – En fait ici sur le CRA des filles, parce que nous sommes aussi avec des filles qui parlent pas français – il y a les albanaises et tout- nous vivons avec elles. Alors il y a de cela 2 jours, il y a une albanaise qui est venue me voir, comme elle parle pas français, elle, elle parle anglais… bah bien que je parle pas trop français je me débrouille quand même. Elle est venue me dire qu’elle avait ses règles et elle voulait avoir des bandes hygiéniques. Elle me dit si je peux l’accompagner à la police pour aller demander des bandes hygiéniques. Là je l’ai accompagnée, arrivées là bas on a trouvé une dame, je lui ai dit voilà, la demoiselle elle a ses règles elle voulait avoir les bandes hygiéniques et la police lui a remis juste 2 bandes. Elle a négocié elle a dit avec 2 bandes qu’est-ce que je vais faire avec ? Et la police l’a grondé. La fille elle a eu peur, on est rentrées. Après dans la journée elle a utilisé les 2 serviettes, ça n’a pas suffi. Donc elle est venue me voir elle a demandé si j’en avais aussi. Moi non plus j’en avais pas. Du coup elle a pris son habit, elle a pris sa blouse, elle l’a déchiré, elle a utilisé ça comme serviette. Sans se rendre compte qu’il y avait des problèmes avec ça. Et comme la femme, elle est trop fragile elle a attrapé des infections. Elle a commencé à avoir trop mal au niveau du bas ventre et au niveau de la hanche. Elle pleurait tellement fort, elle est venue me dire « je me sens pas bien, j’ai trop trop trop mal », du coup elle est tombée par terre elle a commencé à crier très fort et comme dans notre bâtiment, il y a un bouton là quand vous appuyez directement ça sonne chez la police. Moi j’ai sonné et on a essayé d’appeler la police. La police nous a répondu « nous ne sommes pas là pour vos conneries, donc démerdez vous là bas ». C’est la réponse qu’ils nous ont donnés. Et du coup la fille elle a commencé à pleurer. Au départ on croyait que non ça va passer, c’est juste une douleur, comme on avait pas aussi les antidouleurs rien du tout. Elle pleurait, elle pleurait et plus le temps avançait, la fille elle devenait pale et elle avait une forte fièvre je voyais aussi ses yeux commencer déjà à changer et tout le monde était paniqué. On savait plus quoi faire. Elle pleurait tellement, elle était par terre, elle a commencé à faire… comment appeler ça…

    Des convulsions ?

    – Oui. Et elle pleurait tellement fort j’ai eu peur. Après il y a une des amies ici, on l’avait rapatriée il y a pas longtemps, elle m’a appelé, j’étais tellement paniquée, je lui ai expliqué la situation, elle m’a dit « attends d’abord je t’envoie le numéro des pompiers ». C’est elle qui nous a envoyé le numéro des pompiers. On a essayé de contacter les pompiers, mais on leur a dit, dès que vous êtes là, il faut pas dire aux flics que c’est nous qui vous avons fait un signe parce que ça risque de nous créer des problèmes. Effectivement les pompiers sont arrivés, à la porte d’abord, il y a eu un peu de discussion, apparemment la police ne voulait pas que les pompiers rentrent à l’intérieur pour prendre la retenue. Et à la fin les pompiers ils ont réussi à les convaincre parce que les pompiers ils sont entrés à l’intérieur ils ont pris la fille ils ont vérifié l’état de sa tension, elle était déjà en baisse, ils ont remarqué aussi qu’elle avait une forte fièvre, la fille était vraiment KO. Ils ont pris la fille et ils sont partis avec. Et puis la police est venue. Déjà les portes de ma chambre sont déjà cassées donc ça fait déjà 3 jours que je dors… on dirai que… je suis congelée en fait. Premièrement on mange pas bien et aussi tu dors dans le froid, j’imagine la suite de ma santé avec la crise sanitaire, comment je vais m’en sortir ? Donc j’ai l’impression que je vais aussi tomber malade. Et du coup les flics ils sont venus nous voir « Ouais les filles c’est vous qui avez appelé les pompiers? On va voir. » Directement ils se sont approchés de moi, ils ont commencé à m’agresser en me disant « toi tu parles français mieux que les autres c’est à dire c’est toi qui est allé appeler les pompiers » j’ai dit « mais comment ? C’est pas moi qui ai appelé les pompiers c’est la fille elle-même, c’est elle-même qui avait mal et savait ce qu’elle sentait dans son corps. Moi je suis pas dans son corps pour sentir ce qu’elle elle sent, c’est elle qui a appelé les pompiers. » Et directement une policière s’est approchée de moi, elle a voulu me gifler, j’ai esquivé, je suis rentrée dans ma chambre.

    « ok vous serez poursuivie : 3 ans de prison si vous faites pas le test. »

    Vers 4h, ils sont venus dans ma chambre comme la porte est déjà cassée, comme toutes les portes sont déjà cassées, donc il y a même pas moyen qu’elle frappe à la porte, elle rentre, elle m’a réveillé à 4h et j’ai sursauté sur le lit il y avait déjà l’un des… [problème de téléphone] je ne comprenais rien de ce qu’il voulaient me faire en fait… Le policier il était dehors et la dame elle est rentée, elle m’a réveillé elle dit « demain tu dois te présenter au greffe » j’ai dit «  bah pour quelle raison ? » « Tu n’as aucun droit de me poser des questions, demain tu te présentes au greffe. » Je lui demande « mais pourquoi ? » elle me dit « Tu dois faire le test parce qu’il y a un vol prévu pour toi » je lui ai dit « non je vais pas faire le test » « si tu oses refuser tu vas voir, de toute façon tu verras ce qu’on va te faire. » Le matin effectivement vers 10h comme ça, les gens de l’hôpital m’appellent : « mademoiselle il faut passer à l’infirmerie. » Je suis pas partie, j’ai essayé d’appeler les garçons, les amis qui sont dans l’autre CRA, ils me disent « non il faut pas y aller ». Je suis pas allé non plus. Après quelques minutes comme ça je vois qu’ils ont envoyé 4 policiers qui sont venus. Ils me disent « madame vous êtes appelée à l’infirmerie. » Comme j’ai refusé de partir du coup je vois l’un d’eux dit : « ok vous serez poursuivie : 3 ans de prison si vous faites pas le test. » J’ai pas répondu à ça et dans la nuit encore ils sont venus là ou j’étais et ils ont commencé à me traumatiser. Il y en a un là qui m’a bousculé. Elle me dit « comme tu veux pas y aller, que ca fait 2 fois que tu as refusé le vol, tu seras escortée parce que tu dois faire le test. » J’ai dit « non c’est ma santé si je ne veux pas faire le test, je ne vais pas, je ne vais pas, de toute façon je suis pas en train de présenter les symptômes du Covid ». Ils ont commencé à parler n’importe quoi, comme ils voulaient parler et c’était fini.

    Aujourd’hui quand on est allé manger, vers 18h (aujourd’hui on a fini à 19h), nous sommes rentrées à l’intérieur du réfectoire comme on fait souvent, des lignes : vous montrez les cartes et puis vous vous asseyez. Du coup on voit la policière elle se lève et elle nous dit « Avant de manger vous devez d’abord chanter. » Chanter ? Chanter quoi encore ? Elle nous dit comme quoi ouais aujourd’hui c’est l’anniversaire de leur chef et nous sommes obligées de chanter. J’ai dit « est-ce que chanter pour votre chef c’est obligatoire? »

    Elle me dit « si tu chantes pas tu manges pas ».

    C’est à dire on a commencé à prendre une personne par personne. C’est à dire vous rentrez à l’intérieur vous chantez 3 fois joyeux anniversaire, 3 fois, et puis vous partez manger. Si vous refusez on ne vous donne pas à manger. Il y a le même fille là qui était malade, celle qui avait été emmenée à l’hôpital elle ne se sentais pas bien, elle n’a pas la force de chanter et la policière lui a exiger de chanter, la fille elle dit : « j’ai très mal, je ne peux pas chanter ». Directement on a refusé de la nourrir. Jusqu’à présent la fille est est dans la maison [la chambre] et comme on a l’habitude de prendre le pain pour rentrer avec dans la chambre, ils ont remarqué que quand on prenait le pain on va donner à la fille. Ils ont refusé de nous donner même le pain … [problème de téléphone] quand la nuit elle est trop longue. Parfois la nourriture qu’on nous donne on arrive pas à manger, c’est pas du tout bon alors quand on te donne le pain ca va t’aider durant la nuit tu peux avoir faim. Ça peut t’aider, tu peux manger, tu bois de l’eau, tu dors et la nuit passe. Mais comme notre amie elle est malade, le pain là on allait amener avec nous, comme ça on peut partager avec l’autre. Mais eux ils disent non il faut pas prendre de pain parce que ils savent que au cas ou on prenait le pain on va le donner à la fille. Ça fait depuis le matin que la fille n’a pas mangé vous exigez aux gens de chanter pour votre anniversaire, vous vous êtes bien alors que nous nous sommes stressées la nuit on dots pas on ne sait pas comment on va s’en sortir. Oui on a fait des erreurs chaque personnes fait des erreurs dans la vie et toute personne à le droit à un deuxième chance…

    […]

    Je suis avec deux autres ici.

    Et ça va ? Elles ont le moral ?

    Bah on essaie un peu d’être fortes, on essaie. On a pas le choix, seulement la fille elle m’inquiète beaucoup parce que on a donné des médicaments qu’elle doit prendre ce soir mais elle n’a rien mangé, comment elle va s’en sortir ? Elle n’a rien mangé elle est devenue pale. Déjà ici je n’ai pas de pull, déjà je porte que seuls deux habits que je suis venue avec depuis que je suis venue en France. Je suis venue avec que deux habits parce que je fuyais chez moi avec la guerre qui était là bas je fuyais, je n’avais que deux habits et toutes les portes sont cassées ce qui fait qu’il fait très très très froid. Ça fait deux mois et quinze jours que j’utilise les même draps non lavés et c’est déjà troué. Donc j’arrive même pas à me couvrir comment je vais continuer à vivre comme Ça ?

    Elles nous ont racontées ce matin que la femme malade a été libérée hier soir, suite à l’intervention des pompiers. C’est grâce à leur lutte collective que cela a pu arriver !

    Lien vers l’émission du vendredi 9 Octobre en entier:

    Vous pouvez appeler et soutenir les personnes enfermées dans les taules pour sans papier.

    Rassemblement vendredi 16 Octobre 2020 à 16h30 au RER A Joinville le Pont pour manifester devant le centre de rétention de Vincennes en solidarité avec les personnes enfermées en CRA.

  • Lettre d’Emma

    Lettre d’Emma

    AU CPF DE RENNES IL EST MONNAIE COURANTE POUR LES DETENUES DE SUBIR DES AGRESSIONS DE LA PART DES SURVEILLANTES

    Lettre d’Emma, lue à l’antenne le 18 Septembre 2020

    Je m’appelle Emma, je suis transgenre, J’ai été détenue au centre pénitentiaire des femmes de Rennes, entre décembre 2018 et août 2020 où j’ai subi des violences répétées par le personnel pénitentiaire, la direction et les détenues.

    En décembre 2018 j’arrive au centre de détention des femmes de Rennes, où je suis intégrée à la maison d’arrêt de Rennes ; mon entrée a débuté par une fouille au corps avec palpation, Quand je suis arrivée je ne me sentais pas bien, on ne m’a pas donné mes hormones comme il se doit, car le docteur S a refusé pour des raisons qui la concernent. Elle m’a appelé Monsieur en plein rendez-vous.

    En janvier 2019 et février 2019, Monsieur B, directeur de la prison des femmes de Rennes s’est permis, de m’insulter en donnant son avis sur mes organes génitaux, à la suite de quoi j’ai été mise au quartier disciplinaire, ainsi qu’au quartier d’isolement pour une période totale de 8 mois, car Monsieur le directeur m’a dit très frontalement qu’il pensait que j’avais un sexe masculin.

    Sans mes hormones, ma transformation était compliquée psychologiquement et physiquement, d’autant qu’en isolement on est maltraitée : violences et brimades par les surveillantes, pas le droit de sortir, pas le droit aux activités, c’était ce qu’ils appelaient le « régime de contrôle ».

    La seule activité à peu près autorisée était le sport, pour toute autre activité il fallait demander l’accord du chef de détention. Les femmes qui se retrouvent en isolement perdent leur travail ou ne peuvent pas travailler, je suis restée un an et demi sans travail à cause des refus répétés du Directeur de la prison. J’ai passé ma détention entre quartier disciplinaire et isolement et de temps à autre au centre de détention quand le personnel ne trouvait plus de motif à me mettre à l’isolement Je tiens à vous préciser que j’ai vu plusieurs filles aller en isolement à la demande du directeur du centre pénitentiaire des femmes de Rennes ou sur simple décision du chef de détention, et cela m’est arrivé à la fin de ma détention au sein du CPF, sans motif valable. En ce qui concerne les violences, après une tentative de suicide, j’ai été mise à l’isolement ce qui a généré chez moi une incompréhension mêlée à un sentiment d’injustice devant cet abus d’autorité. En tant que personne fragile cela était compliqué pour moi de rester enfermée 24 heures sur 24, dans une cellule de 7,35 m².

    Au régime régime d’isolement, les douches sont très peu nettoyées ; quand on me donnait à manger c’était dans de l’aluminium.

    En mai 2020, je me suis énervée contre les surveillantes qui avaient eu des remarques déplacées sur ma transidentité. Je leur ai dit qu’elles avaient un délire de persécution, elles m’ont alors plaquée au sol à plusieurs, deux hommes étaient présents, l’un des deux m’a tiré par les cheveux en me disant « tu aimes bien le quartier disciplinaire ». Il m’a fait très mal, ils ont utilisé une prise d’étranglement, je ne pouvais plus bouger, j’étais paralysée et je ne pouvais plus respirer. J’avais la main en sang car les plaies de ma tentative de suicide s’étaient rouvertes dans la bagarre. La surveillante m’a donné un coup de poubelle métallique sur la figure. J’ai encore à ce jour deux crans à la tête, qui témoignent de la force qu’elle a mise à ce geste ; à ce jour j’ai encore des pertes d’équilibre dues à cette bagarre.

    J’ai été obligée de passer une I.R.M. cérébrale pour suspicion de traumatisme et j’ai été jugée par le tribunal correctionnel de Rouen, qui n’a pas reconnu la violence que j’ai subie. J’ai été condamnée à sept mois d’emprisonnement avec sursis, dont trois ferme, avec un suivi de deux ans, obligation de soins et obligation de travail.

    Je souhaite à ce jour déposer plainte contre les 8 surveillant.e.s, dont la surveillante qui m’a frappée avec la poubelle métallique pour tentative d’homicide sur personne vulnérable.

    Au CPF de Rennes il est monnaie courante pour les détenues de subir des agressions de la part des surveillantes lorsqu’elles sont dans des lieux à l’abri du regard des autres. J’ai été visée par 38 compte rendus d’incident : de la part des surveillantes qui se sont senties insultées si je leur répondais ou bien par des détenues qui me calomniaient, l’une d’elles a même déposé plainte contre moi pour des faits qui ne se sont jamais produits.

    Juste après sa prise de fonctions la nouvelle directrice s’est permise de m’insulter en pleine commission de discipline devant l’avocat, et les assesseurs avant de me mettre au quartier disciplinaire pendant 20 jours. Je connais une détenue qui est à l’isolement, à répétition depuis au moins janvier 2019. La prison est vétuste, l’eau est calcaire, les douches ne sont pas nettoyées, les sols non plus, surtout dans les couloirs, et cela ne change pas même en temps de Covid 19. Les détenues ne portent pas de masque et n’ont pas accès à du gel hydroalcoolique, les activités sont réduites.

  • Lettre ouverte à la ministre des tribunaux et des prisons

    Lettre ouverte à la ministre des tribunaux et des prisons

    «Nous, détenus, accusons
    le système judiciaire et carcéral de nous mettre en danger de mort
    et demandons immédiatement le désengorgement de toutes les prisons.
    Nous, détenus, sommes tout simplement au bord de la rupture
    qui s’est accentuée avec ce contexte anxiogène
    de la propagation du virus Covid-19. »i

    Madame la ministre des tribunaux et des prisons,

    L’Envolée a été fondée en 2001 par d’anciens prisonniers et prisonnières et des proches pour servir de porte-voix à celles et ceux qui savent ce qui se vit au jour le jour derrière les murs, loin des regards du fameux « peuple français » au nom duquel vous les condamnez.

    « Personne ne se préoccupe de notre état de santé. […]  Nous présentons des symptômes de fièvre, le nez qui coule, et la gorge qui pique. […] L’administration trouve une seule solution : “Vous vous étouffez pas ? Y a pas de souci à se faire !”» ii

    Vous ne protégez pas, vous menacez ; car c’est la prison elle-même – déjà en temps normal, mais plus encore en ce moment – qui place les prisonniers et prisonnières en danger de mort :

    «  Il attendent qu’on tombe par terre pour nous envoyer à l’infirmerie. »iii

    Vous feignez de ne pas entendre la révolte des prisons alors même que votre administration pénitentiaire est terrifiée par les refus de remonter de promenade, les blocages, les montées sur les toits, les incendies dans toutes les prisons de France : Aiton, Aix-en-Provence, Angers, Argentan, Bar-le-Duc, Béziers, Bois-d’Arcy, Carcassonne, Coulaines, Douai, Draguignan, Ducos en Martinique, Epinal, Fleury-Mérogis, Grasse, Grenoble, Le Mans, Lille-Sequedin, Limoges, Longuenesse, Luynes, Lyon-Corbas, Maubeuge, Marseille-Les-Baumettes, Meaux, Metz, Montauban, Moulin, Nancy, Nanterre, Nantes, Neuvic, Nice, Paris-La Santé, Perpignan, Réau, Reims, Rennes-Vezin, Rémire-Montjoly à Cayenne en Guyane, Roanne, St-Etienne, St-Malo, St-Quentin-Falavier, Toulon, Uzerche, Val-de-Reuil, Valence, Varenne-le-Grand, Villefranche… La liste s’allonge tous les jours.

    Le 17 mars, vous avez choisi – en guise de mesure de confinement – de les couper brutalement de l’extérieur en supprimant tous les parloirs et toutes les activités en détention. Concrètement, cela signifie que l’ensemble des prisonniers et prisonnières vont passer 23 heures sur 24 dans une cellule de 9 m2 à deux, trois, quatre ou plus, sans jamais voir leurs proches.

    « Nous voulons être informés de l’évolution de cette situation : Qu’en est-il, les parloirs seront-ils rétablis ? Qu’en est-il des cantines? Qu’en est-il des sacs de linge ? »iv

    Vous ne l’avez pas fait pour protéger les prisonniers, sinon vous auriez plutôt choisi d’imposer des mesures barrières aux familles – comme dehors – ; voire de confiner les 30 000 surveillants dans les prisons pour éviter qu’ils n’y fassent entrer le virus.

    « Nous voulons un dépistage pour chaque détenu ainsi que pour chaque membre de l’administration pénitentiaire. Nous souhaitons que tous les agents pénitentiaires sans exception soient équipés de gants et de masques (ce sont eux les plus exposés au virus car ce sont eux qui rentrent et sortent de l’établissement). Nous voulons être informés de l’évolution de cette situation ».v

    Vous leur avez déjà refusé le gel hydro-alcoolique au motif que l’alcool est interdit en prison. Peu de chances pourtant que le premier souci des enfermé.e.s soit de se saouler la gueule au savon plutôt que de sauver leur santé.

    « Pour nous protéger, nous aimerions que chaque détenu ait du gel désinfectant et un masque à sa disposition (le minimum en mesure d’hygiène actuellement). » vi

    Vous avez pensé éteindre le feu en offrant des miettes.

    « On nous offre la télé et 40 euros pour les indigents, waouh, quelle belle mesure par l’Etat ! S’il peut faire mieux, ce serait pas mal, sinon ça va chauffer. »vii

    Vous envoyez des Eris (Equipes régionales d’intervention et de sécurité, desbandes de cagoulés en armes) aboyer au visage des prisonniers et les massacrer pour briser les mutineries.

    « Nous, détenus, dénonçons les violences physiques et morales de la part de certains surveillants et Équipes régionales d’intervention et de sécurité couvertes par les directions. » viii

    Vos tribunaux font pleuvoir les années de prison supplémentaires sur les supposés meneurs de ces révoltes légitimes. Vous transférez des prisonniers de prison en prison, prenant ainsi le risque de répandre un peu plus la contamination et les éloignant de leurs familles.

    Vous refusez toute grâce collective, toute loi d’amnistie, alors que vous et vos amis n’avez plus que le mot « guerre » à la bouche. Feignant d’écouter les nombreux professionnels du droitix qui – terrifiés par ce qui se profile – vous rappelaient que l’État est garant de l’intégrité physique des personnes qu’il place sous le régime de l’enfermement carcéral, vous annoncez la libération de quelques milliers de prisonniers. En effet, déjà en temps dit « normal », l’accès aux soins est catastrophique en prison ; de très nombreux prisonniers et prisonnières souffrent de pathologies qui les rendent extrêmement vulnérables à une maladie telle que le Covid-19.

    « En Iran, ils ont libéré 85 000 détenus, en France on parle de 5 000 ? Une goutte d’eau au milieu de la mer. »x

    Le seul but votre annonce était de tendre une carotte aux prisonniers, donnant à chacun l’espoir d’être le prochain… sur une liste ridiculement courte. Car vous mentez aussi sur les chiffres : vos services incluent dans ces prétendues « libérations » des reports de mise en détention et des aménagements déjà prévus. Pire : vous allongez à six mois la durée maximum de la détention préventive afin de ne surtout pas laisser sortir 21 000 personnes pourtant présumées innocentesxi ; et votre gouvernement vote une loi qui prévoit jusqu’à six mois de prison ferme pour le non-respect d’un confinement qui étend la logique de l’isolement carcéral à l’ensemble de la société. De fait, les peines de prison ferme pleuvent déjà : chaque jour, des dizaines de personnes continuent d’entrer en prison ; notamment en maison d’arrêt. Loin de désengorger, tout au plus vos tribunaux diminuent-ils (à peine) la suroccupation de vos prisons.

    Enfin, vous faites rouvrir des ateliers pénitentiaires pour faire fabriquer les masques que l’Etat a trouvé trop onéreux de stocker. Ils seront produits à vil prix par une main-d’œuvre corvéable à merci… et pas pour eux-mêmes mais pour leurs geôliers.

    Maintenant que le cynisme de vos premières décisions éclaire vos véritables intentions ; maintenant qu’il est manifeste que vous ne viderez pas même un petit peu les prisons ; maintenant qu’il ne fait plus aucun doute que la coercition sécuritaire de votre Etat sera inversement proportionnelle à sa scandaleuse gestion sanitaire, nous sommes contraints d’anticiper.

    ● Alors que vos surveillants eux-mêmes menacent de faire valoir leur droit de retrait pour se protéger, enverrez-vous l’armée assurer la continuité du service public de la torture carcérale ?

    ● Après les parloirs, allez-vous, au fil de l’annonce des contaminations, supprimer totalement les promenades comme le demandent des syndicats de surveillants ?

    « Nous, détenus, dénonçons avec la plus grande véhémence le régime fermé des maisons d’arrêt et demandons immédiatement la reprise dans toutes les prisons de deux promenades par jour. »xii

    ● Allez-vous – à terme – empêcher toute sortie de prison au motif de protéger la société contre ces clusters que vous aurez contribué à développer ?

    « On a peur qu’un jour la porte s’ouvre plus, qu’on nous laisse mourir dans la cellule… Y a beaucoup de psychose qui commence à s’installer dans la prison. »xiii

    ● Attendez-vous les premiers morts dans des tentatives d’évasion, comme en Italie ? Attendez-vous que comme là-bas vos surveillants les abattent – comme ils en ont déjà le droit  en temps normal ?

    « Ils ont tiré sur un mec à balles réelles, et là-bas ça brûle ! Dans un bâtiment où y a des confinés ! Les surveillants font rien, il va y avoir des morts. »xiv

    ● Avez-vous en tête de faire frémir le bon peuple des confinés du dehors avec ce genre de spectacle venu des prisons ? Retournerez-vous le mot de barbarie contre ceux-là même qui la subissent, faisant d’eux une fois de plus des boucs émissaires pour détourner les regards des véritables raisons du drame ?

    Vous partagez certes avec vos illustres prédécesseurs la responsabilité du surenfermement de la population. Vous partagez certes avec la société le désintérêt, voire la haine de celles et ceux qu’elle désigne comme des délinquants ; et partant de là, des sous-humains. Mais il se peut que votre nom, Madame Belloubet, passe à la postérité pour une raison bien particulière : vous seriez celle qui a prétendu défendre la société en assumant de laisser mourir ses prisonniers. Celle qui aura vidé les prisons, oui ; mais dans des cercueils. Car nous savons hélas que les enfermé.e.s ne seront pas considérés comme des personnes à sauver en priorité quand il s’agira de faire le tri dans des hôpitaux ravagés par les politiques de votre gouvernement et des précédents.

    « Les prisonniers et les vieux, on s’en bat les couilles ! Nos vieux, on les laisse crever comme dans une cellule. »xv

    Si tel était le cas, nous serions alors tentés de vous demander, en guise de formule de politesse, Madame la ministre des tribunaux et des prisons, d’avoir l’obligeance de manger vos morts.

    L’Envolée, le 9 avril 2020,
    avec les communiqués et lettres de prisonniers de Rennes-Vézin, Béziers, Meaux-Chauconin, Uzerche et Seysses

    i Communiqué collectif de la prison de Rennes-Vézin (35), 23 mars 2020, signé et relayé dans d’autres prisons de France : https://lenvolee.net/nous-detenus-bloquons-les-prisons-de-france/
    ii Intervention d’un prisonnier de la Maison d’arrêt de Seysses (31), 20 mars 2020 : source IAATA, https://twitter.com/iaata_info/status/1241367099345375232
    iii Lettre de Heisenberg, prisonnier à Meaux-Chauconin (77), adressée à L’Envolée le 30 mars 2020 et lue dans l’émission du 3 avril 2020 : https://lenvolee.net/emission-du-3-avril-2020/
    iv Revendications des prisonniers du centre de détention d’Uzerche (19), lors de la mutinerie des 21 et 22 mars : https://lenvolee.net/les-prisonniers-du-centre-de-detention-duzerche-montent-sur-les-toits-et-exigent-des-mesures-contre-lepidemie/
    v Ibid.
    vi Ibid.
    vii Communiqué du centre pénitentiaire de Béziers (34), 23 mars 2020 : https://lenvolee.net/face-au-covid-19-en-prison-amnistie-generale/
    viii Communiqué collectif de la prison de Rennes-Vezin (35), 23 mars 2020, signé et relayé dans d’autres prisons de France : https://lenvolee.net/nous-detenus-bloquons-les-prisons-de-france/
    ix « Prisons : réduire la surpopulation pour éviter la crise sanitaire », communiqué commun de l’Association des avocats pour la défense des droits des détenus (A3D), l’Association nationale des juges de l’application des peines (ANJAP), l’Observatoire international des prisons-section française (OIP-SF), le Syndicat des avocats de France (SAF) et le Syndicat de la magistrature (SM), le 18 mars 2020 : https://oip.org/communique/prisons-reduire-la-surpopulation-pour-eviter-la-crise-sanitaire/ . « L’inégalité des vies en temps d’épidémie » tribune de Didier Fassin dans le journal Libération le 18 mars 2020 :https://www.liberation.fr/debats/2020/03/18/l-inegalite-des-vies-en-temps-d-epidemie_1782169. « Vos consignes, contradictoires et sibyllines, sont incompréhensibles », lettre ouverte de l’Association des avocats pour la défense des droits des détenus (A3D) à Nicole Belloubet, ministre de la justice, le 31 mars 2020 : https://www.association-a3d.fr/articles/52815-vos-consignes-contradictoires-et-sibyllines-sont-incomprehensibles.
    x Lettre de Heisenberg, prisonnier à Meaux-Chauconin, adressée à L’Envolée le 30 mars 2020 et lue dans l’émission du 3 avril 2020 : https://lenvolee.net/emission-du-3-avril-2020/
    xi « Qui es-tu Nicole Belloubet, pour t’asseoir à ce point sur les libertés publiques ? », tribune de l’avocate Hannelore Cayre parue dans le journal Libération le 31 mars 2020 : https://www.liberation.fr/debats/2020/03/31/qui-es-tu-nicole-belloubet-pour-t-asseoir-a-ce-point-sur-les-libertes-publiques_1783694
    xii Communiqué collectif de la prison de Rennes-Vézin (35), 23 mars 2020, signé et relayé dans d’autres prisons de France : https://lenvolee.net/nous-detenus-bloquons-les-prisons-de-france/
    xiii Intervention d’un prisonnier de la Maison d’arrêt de Seysses (31), le 20 mars 2020, Mediapart :  https://www.mediapart.fr/journal/france/200320/coronavirus-en-prison-des-detenus-prennent-la-parole
    xiv Intervention filmée d’un prisonnier du CD d’Uzerche (19), le 22 mars 2020. Vidéo privée.
    xv Laurent Jacqua, ex-prisonnier longue peine, interrogé par L’Envolée. Entretien à l’émission de radio de L’Envolée du 3 avril 2020 :https://lenvolee.net/emission-du-3-avril-2020/
    Dessin de www.gwentomahawk.com
  • ÉMISSION DE L’ENVOLÉE DU 21 JUILLET 2017

     

        • Lettres : lettre de revendication des prisonnières de Rennes + une lettre de Samia, Fabrice Boromée
        • Appel : Hadjira, la sœur de Foued, agressé le 31 mai par la police de Cergy à Pontoise, puis incarcéré à la prison d’Osny. Aucune avancé concernant ses soins médicaux, lien fb : Justice Pour Foued
        • Invité : Eva, témoigne d’un stage d’interne en psychiatrie qu’elle a fait au SMPR de Fresnes

    Zics : Monsieur R – FranSSe / ASAP Rocky – Purple Swag, Chapter 2 / Piloophaz – C’est pour ceux


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  • « Ici nous vivons sous la contrainte permanente, torturées quotidiennement, oui, torturées, parce que cela n’a pas d’autre nom. » Marina, Fleury-Mérogis, mai 2016

    Fleury-Mérogis, en bas à gauche la maison d’arrêt des femmes

    Il y a un an, au début du mois d’avril 2016, des prisonnières de la maison d’arrêt des femmes (MAF) de Fleury-Mérogis entamaient une lutte contre le durcissement de leurs conditions de détention. Au prétexte d’uniformiser les régimes des hommes et des femmes, l’administration pénitentiaire mettait en place le logiciel Genesis (Gestion nationale des personnes écrouées pour le suivi individualisé et la sécurité). Sa mise en place a eu pour effet immédiat de supprimer une promenade par jour, de réduire l’accès aux parloirs, aux activités et de limiter les contacts que les prisonnières pouvaient avoir entre elles (lire ici).

    En plein mouvement contre la « loi travail », la publication des lettres des prisonnières en lutte à Fleury avaient incité des personnes de l’extérieur à inonder de courriers le directeur de la MAF, à se rassembler devant la prison et à témoigner de leur solidarité. Dans la foulée, des prisonnières de Fresnes avaient collectivement dénoncé l’autoritarisme des surveillantes.

    Dans un long dossier publié dans le numéro 44 du journal nous avions rendu compte de cette lutte de prisonnières ainsi que des allers-retours entre l’intérieur et l’extérieur qui ont donné du souffle et de l’écho à ces mobilisations (lire ici et ici). Le logiciel de gestion de la détention a finalement été mis en place, certaines prisonnières ont subi de longues semaines d’isolement en représailles (lire ici) et le mouvement s’est essouflé… mais il reste exceptionnel par sa durée et sa vitalité. Alors que le groupe anticarcéral « les Trois passants » vient d’organiser à Toulouse une très belle journée de rencontres sur le thème « des femmes face à la prison », nous avons décidé de republier une longue lettre de Marina, qui revenait sur la vie à Fleury avant le début du mouvement. Vous pouvez par ailleurs écouter la dernière émission de l’Envolée pour avoir des nouvelles de Marina actuellement enfermée à la prison de Rennes.

     

    Maison d’arrêt des femmes de Fleury– Mérogis, le 10 mai 2016

    Je suis arrivée a la MAF(maison d’arrêt des femmes) de Fleury-Mérogis en 2006, et en 2016, après un petit tour par d’autres prisons, je suis encore là. J’ai donc vu l’évolution (ou plutôt l’involution) de cette maison d’arrêt, qui tombe en lambeaux depuis des années déjà : douches pourries, murs pleins de moisissure, morceaux du mur extérieur qui tombent sur la cour de promenade… dégradation matérielle qui vient s’ajouter à la dégradation psychique d’une administration malade de sécurité et de contrôle. Pendant des années, l’AP a laissé pourrir cette prison parce que, soi– disant, de grands travaux de renouvellement étaient prévus pour… 2012. Après, ça a été reporté jusqu’en 2014. Nous sommes en 2016, et après avoir fait des travaux à la maison d’arrêt des hommes et au centre des jeunes détenus, il semblerait qu’il ne reste plus de budget pour rénover la MAF. Cela ne les a pas empêchés de dépenser de l’argent pour renforcer les mesures sécuritaires : barbelés, caméras, portiques, construction d’une nouvelle cage (impossible d’appeler ça une promenade) pour isoler les mineures… pour cela, oui, il y a de l’argent.

    La MAF de Fleury a été construite en 1968, c’est donc une prison ancienne. Elle fait partie d’un programme pilote qui prétendait tenir compte des caractéristiques spécifiques des femmes, – dans l’optique hétéropatriarcale, en nous considérant comme des êtres faibles à protéger. Juste pour donner quelques exemples : dans les quartiers des hommes il y a des matons et des matonnes, mais chez les femmes il y a seulement des matonnes ; les vêtements trop courts, un peu transparents, les décolletés, ou même le fait de ne pas porter de soutien– gorge font l’objet de remarques et de prohibition ; les activités proposées sont orientées vers des occupations dites « féminines » : patchwork, tricot, couture, soins corporels, etc. ; enfin les parloirs avec des proches masculins sont doublement surveillés. Autre particularité ; les fenêtres des cellules n’ont pas de barreaux – peut-être nous croit-on incapables de tenter une évasion. Elles sont grandes, dégagées, ce qui permet de voir un grand morceau de ciel, mais en revanche, ce système ne permet pas d’aérer la cellule parce que la fenêtre ne s’ouvre que de dix centimètres en bas et en haut – à peine la place pour sortir l’étendoir.

    Cette maison d’arrêt est donc construite à l’ancienne : une promenade avec de l’herbe, deux ou trois arbres… il y a des grilles pour séparer la promenade des fenêtres des cellules, mais elles ne sont pas assez hautes pour empêcher de s’envoyer un peu de tabac ou du café ; il y a encore des douches collectives et aussi des espaces où objets et histoires se sont accumulés au fil des années. Je dis cela parce que j’ai connu des prisons récentes et qu’elles sont toutes en béton, grises, sans vie ni histoire, aseptisées, cloisonnées, froides, compactes, grillagées… et ça fait une grande différence.

    Le fait est que la structure de la prison ne permet pas encore de nous isoler autant que l’AP le voudrait – alors comment empêcher le contact et la communication ? Comment mettre en place de nouvelles mesures sécuritaires ? En limitant nos mouvements au maximum, en nous isolant de plus en plus en cellule.

    A mon avis, c’est dans cette logique que le système de promenade unique et les changements qui vont avec ont été conçus.

    A l’intérieur, nous sommes à peu près 260 femmes. Il y a une aile arrivantes, 3 ailes pour les prévenues, 3 ailes pour les condamnées, une pour les mineures – elles sont entre 15 et 20 à galérer dans un espace exigu, persécutées et fouillées sans cesse par les matonnes à la recherche de tabac, avec un seul jour de sport par semaine et des conditions vraiment pénibles… Ça mériterait tout un texte a part ! Et il y a la nursery dans un espace complètement différencié. Dans chaque aile il y a 20 ou 30 cellules de 9m2, avec un lit superposé pour 2 personnes, mais aussi des cellules collectives de 6 lits. Être seule en cellule, pour celles qui le veulent, c’est considéré comme un cadeau que l’AP te fait. Les cellules sont en très mauvais état : la peinture tombe, il y a de la moisissure sur les murs, il manque des carreaux au sol. Il y a quelques cellules dans lesquelles le soleil ne rentre jamais, ce qui les rend très froides et humides en hiver. ll y a un chauffage au sol, mais il ne marche pas dans toutes les cellules. D’autres, au contraire, sont orientées est – ouest, et en été elles sont en plein soleil pendant des heures et des heures.

    Dans les cellules, le mobilier est composé de deux ou trois armoires, une ou deux tables, des WC séparés par un rideau, un bidet et un lavabo. II y a une seule prise de courant tout en haut, au plafond, ce qui nous oblige à mettre des rallonges bout à bout pour brancher la bouilloire, la plaque électrique, le poste de radio, la télé, etc. L’installation étant ancienne, ça pète souvent, à la moindre surcharge. C’est l’excuse de l’AP pour ne pas installer de frigos et limiter l’accès aux appareils électriques (sèche-cheveux, lecteur DVD, etc.). Dans la cellule, il n’y a pas de système d’alarme ni d’interphone, ce qui veut dire que si quelqu’une a une urgence ou fait un malaise, nous sommes obligées d’alerter nos voisines et de taper sur les portes toutes ensemble jusqu’à être entendues par les matonnes, qui peuvent prendre tout leur temps pour venir. Les repas sont distribués en cellule ; ici, ça marche encore à la louche. Composés de produits en boîte ou surgelés, ils sont répétitifs, ni variés ni équilibrés et toujours en quantité insuffisante ; parfois il y a de la salade ou un fruit, Ici chacune mange seule en cellule, impossible de partager un repas, ni même un café. Pour faire passer de la nourriture d’une cellule à l’autre, ça dépend toujours de la matonne, et il n’y en a pas beaucoup qui acceptent de le faire. Nous pouvons faire la cuisine en cellule avec des produits que nous achetons à la cantine – pour celles qui ont de l’argent, bien sûr. Il n’y a pas beaucoup de variété, mais il y a pas mal de fruits et légumes, et de ce côté-là, ça passe ; j’ai vu pire, surtout dans les prisons semi– privées, où les prix explosent. Comme nous n’avons pas de frigo, en été nous devons consommer tous les produits périssables en vitesse ou de bien regarder s’ils ne sont pas pourris. Pas de boisons fraiches non plus.

    En ce qui concerne l’hygiène, nous avons droit à trois douches par semaine, mais celles qui vont à la salle de sport peuvent se doucher là-bas aussi. Dans mon bâtiment, les deux ailes – à peu près 60 femmes – doivent se partager 6 douches. Les murs sont sales et le nettoyage inexistant, le seul changement des dernières années a été de passer une couche de peinture sur les murs pourris, mais maintenant la peinture tombe, et cela augmente encore la sensation de saleté ; il n’y a pas assez d’aération ; les dalles en plastique disposées au sol ont disparu : nous les avons sorties dans le couloir il y a quelques mois pour protester parce qu’elles étaient noires de moisissure et pleines de petites bêtes qui couraient en dessous ; nous ne pouvons pas régler la température de l’eau, et comme il n’y a pas assez de pression, il n’y a qu’un petit filet d’eau qui sort.

    Avant, il y avait un salon de coiffure géré par une surveillante et deux auxiliaires, mais il y a deux ans, le salon a été fermé, et depuis lors il n’y a plus de service ; alors chacune se débrouille comme elle peut pour se faire couper ou tresser les cheveux… Suite à nos protestations des derniers jours pour dénoncer la dégradation de nos conditions de vie en général, il semblerait que la direction envisage de rouvrir le salon, mais pour l’instant il n’y a rien de fait.

    Tous les produits d’hygiène corporelle doivent être achetés, car ce qu’on appelle partout la « trousse mensuelle »(deux rouleaux de papier toilette, un gel de douche, un paquet de mouchoirs, un peigne, une savonnette, des serviettes hygiéniques, une brosse à dents et un tube de dentifrice) n’est maintenant distribuée que deux ou trois fois par an. Pour le nettoyage des cellules, nous recevons chaque mois (sauf quand il y a la trousse) un flacon de liquide vaisselle, un autre pour faire la lessive, une éponge à récurer et une dosette d’eau de javel. Avant, il y avait un service payant de lingerie, mais il a été supprimé il y a des années déjà, donc nous lavons tout notre linge dans de petites cuvettes.

    Le plus gros de la journée, nous le passons enfermées en cellule. Quand il n’y a ni sport ni activités pour cause de vacances, week-end, annulations, etc., le seul moment que nous avons pour nous rencontrer, c’est la promenade.

    Les condamnées et les prévenues sortent dans des promenades différentes. Avant la séparation prévenues – condamnées en 2009, nous sortions ensemble, une heure le matin, et deux heures l’après-midi en horaire d’hiver – trois heures en horaire d’été. Après, l’horaire d’été a été supprimé et elles ont mis deux tours de chaque côté. Le temps de promenade est compté dès que les matonnes démarrent les mouvements, alors la dernière à sortir peut perdre 15 à 20 minutes de promenade. Et pour rentrer, c’est pareil : si la promenade doit finir par exemple, à 11 heures, la surveillante va appeler à 10 h 50, afin qu’à 11 heures tout soit fini. Avec le système de promenade unique, il y a des jours où nous passons vingt-deux heures consécutives enfermées en cellule, et cela a des conséquences à tous les niveaux.

    La promenade est l’espace des échanges, où on peut se dépanner les unes les autres d’un peu de tabac, discuter avec les copines, passer un appel, marcher ou faire un peu de sport, s’allonger dans l’herbe, partager de bonnes ou mauvaises nouvelles, évacuer l’angoisse, respirer de l’air frais… Et les heures sont longues en cellule, surtout quand il fait beau a l’extérieur.

    La chaleur est insupportable et te laisse dans un état de fatigue physique permanente aggravée par le manque de mouvement. En cellule, tu passes de la chaise au lit, du lit à la chaise, et le corps en subit les conséquences. Il faut être très motivée pour faire du sport sur même pas 2 mètres carrés (le seul espace qui reste dégagé). Psychologiquement, c’est très dur, car tu ne peux jamais « déconnecter » : toute l’activité se passe dans la tête, et même si tu es une personne qui aime lire, écrire ou étudier, il arrive toujours un moment où il faut que tu bouges, que tu communiques, que tu changes d’activité. Et en cellule, il n’y a pas beaucoup d’options pour cela. En plus, dans le couloir, il y a constamment des mouvements et des bruits qui t’empêchent de te concentrer. Dès le premier contrôle à 7 heures du matin, la prison te tombe dessus, le bruit des serrures, le claquement des portes, les matonnes qui se parlent entre elles en criant d’un bout à l’autre du couloir, la sortie de la poubelle, la distribution des bons de cantine, du pain, du courrier. En une matinée, on peut t’ouvrir la porte au moins dix fois. En plus, il y a des matonnes qui t’obligent à te déplacer jusqu’à la porte pour récupérer ce qu’elles ont à distribuer. Si tu ne te lèves pas pour prendre le pain, tu restes sans pain toute la journée ; c’est comme ça, à Fleury.

    Sur les matonnes et le personnel pénitentiaire en général… que dire ? Qu’elles ont une apparence humaine et que cela nous confond parfois. On croirait qu’en tant que personnes, elles peuvent raisonner, argumenter, être sensibles, comprendre des situations graves et agir en conséquence, avoir de l’empathie… Mais non, il semblerait qu’en signant le contrat avec l’Etat, elles échangent leur cerveau contre un règlement et lui jurent obéissance absolue. Les effets sont dévastateurs. Nous avons vu mille fois le processus de dégradation d’une jeune stagiaire parfois arrivée toute fraîche et souriante, croyant venir faire du « social », ou l’autre extrême, la version apeurée et raide, venue protéger la société de toute cette racaille. Toutes découvrent très vite la parcelle de pouvoir qu’elles acquièrent avec l’uniforme, c’est-à-dire le pouvoir de décider si tu sors ou pas, si tu appelles, si ton attitude est suspecte et si tu dois être fouillée, si ton attitude est indécente et doit faire l’objet d’un rapport, si tu passes trop de temps sous la douche, en bref le pouvoir d’imposer quelque chose à quelqu’un, et elles y prennent goût rapidement. Maintenant, elles sont l’AUTORITé ! Et qu’importe si la matonne sort de sa poche une nouvelle règle sortie de son interprétation personnelle du règlement, ou même de sa vision du monde personnelle : tous les bleus se couvrent systématiquement entre eux et c’est sa décision qui va finir par s’imposer.

    Pour nous, les DPS (détenues particulièrement signalées), le contrôle est total jour et nuit : tous nos mouvements sont notés dans des cahiers aux ronds-points intérieurs, où nos photos sont affichées. Il y est noté aussi avec qui nous parlons en promenade, avec qui nous nous promenons, ce que nous faisons… La nuit, nous subissons des contrôles toutes les deux heures, les surveillantes allument la lumière, certaines d’entre elles font claquer l’œilleton, frappent parfois à la porte pour nous faire bouger – cela pendant des années et des années. Nous sommes fouillées par palpation et nous devons passer sous les portiques détecteurs de métaux pour sortir en promenade, pour nous rendre aux parloirs famille et avocats, et même pour faire des photos. Nous subissons encore la fouille à nu à la sortie des parloirs, ainsi qu’à chaque extraction au palais ou à l’hôpital, et à chaque fouille de cellule.

    Nous avons imposé des limites, et nous n’acceptons pas certaines choses, comme les demandes de montrer l’intérieur de la bouche, retirer le tampon ou montrer ses fesses, mais ceci suppose toujours un moment de tension qui peut bien te gâcher ton parloir ou ta journée. Les matonnes contrôlent aussi le sac que nous emportons au sport, et parfois même la bassine pour aller à la douche. A tout cela il faut ajouter le contrôle de toutes nos communications écrites ou téléphoniques.

    Ici nous vivons sous la contrainte permanente, torturées quotidiennement, oui, torturées, parce que cela n’a pas d’autre nom.

    Il y aurait plein d’autres choses à dire, mais j’espère qu’avec ça vous pourrez vous faire une idée de comment nous survivons ici. Je ne vous ai pas parlé du mitard parce qu’ils ont fermé l’ancien et que nous ne connaissons pas encore le nouveau, mais ne vous inquiétez pas, peut-être que nous pourrons bientôt vous en dire quelque chose…

    Demain, les 4 d’entre nous qui avons été choisies comme bouc-émissaires, allons passer en commission disciplinaire à cause des blocages, et nous ferons sûrement l’objet d’une lourde punition. Rien de nouveau, cela nous le savions déjà. L’AP ne tolère pas l’insoumission, et encore moins quand elle est collective. Elle nous impose des mesures de sécurité toujours plus strictes et veut que nous avalions tout sans protester ; quand nous ne le faisons pas, toute la machinerie répressive se met en route pour nous écraser. C’est le modèle régnant : obéir et se taire.

    Contre cela, il nous reste toujours l’immense plaisir de désobéir et de crier bien haut que « non ! », on ne va pas tout avaler, et qu’il n’y a pas de grillage ni de mur assez hauts pour enfermer notre détermination !

    Salutations à toutes les rebelles.

    A bas les murs des prisons !

    Marina

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  • Christine est enfin sortie pisser dans l’herbe… yeah

    mouton-punk

    Dans l’océan de misère, d’indignité, de peines infinies, que charrie le système pénal, il arrive parfois qu’une bonne nouvelle  survienne. Eh bien c’est arrivé il y a quelques jours à peine !

    Christine Ribailly, la – trop fameuse à son goût – bergère insoumise est enfin sortie  le 22 décembre, après quatre années de dédale pénitentiaire. Christine, était incarcérée depuis novembre 2012 pour diverses condamnations d’outrages et rébellions sur des flics et des matons. Rentrée pour quelques mois, elle est finalement restée plus de quatre ans en détention.

    4 ans de détention dont plus de la moitié en quartier disciplinaire ou en isolement.

    4 ans de détention dont 18 transferts disciplinaires et 15 taules différentes.

    4 ans de détention dont 6 procès suites à des plaintes de matons à l’intérieur.

    4 ans de détention et 4 demandes de libération conditionnelle…

    Toutes refusées, sauf la dernière, bien sur…

    Comme elle l’a souvent écrit elle-même, le sort qui a été fait à Christine est exemplaire de celui que subissent des milliers de prisonniers et prisonnières ; en particulier celles et ceux  qui refusent les intimidations, les traitements dégradants, les fouilles à nu, les transferts disciplinaires ou les refus de libération en conditionnelle. Celles et ceux qui s’insurgent aussi bien contre le sadisme des personnels que contre l’absurdité de règlements dont la violence est structurelle. Celles et ceux qui relèvent la tête malgré la prison et contre elle.

    Après des dizaines de courriers de l’intérieur pour raconter ses luttes ou celles de ces co-enfermées, voici le premier message de Christine depuis l’extérieur:

    Le 16 décembre c’était la réponse de la dernière demande de libération conditionnelle faite à Nantes.  Surprise! Le JAP est d’accord. Encore plus grosse surprise, le proc’ ne s’y oppose pas dans les 24 h.  Bref, le mardi 20 à 9h30, j’ai la confirmation que je sors le jeudi 22 !

    Alors, voilà aujourd’hui c’est fini. Ouf !

    Merci à ceux qui m’ont aidée à rester debout, qui ne m’ont pas lâchée, qui m’ont écrit, qui sont venus me voir aux parlus, qui ont aidé à diffuser les infos….

    Bon vent à tous et VIVE LA LIBERTÉ !

    Christine

    Christine est donc libre depuis le jeudi 22 décembre mais sous un régime de liberté conditionnelle. C’était trop. C’est toujours trop. Et c’est pas trop tôt! Bonne suite à toi Christine! Tu vas pouvoir enfin pisser dans l’herbe, y courir, y revoir tes proches.

    On peut notamment lire certains épisodes de ces quatre longues années sur le site https://enfinpisserdanslherbe.noblogs.org/  ainsi que dans les articles et lettres publiés par nos soins par exemple : la lettre collective de revendication depuis la MAF de Poitiers Vivonne ; des courriers à propos d’une bagarre pour la réouverture de la salle de convivialité à la prison de Réau début 2014 ; ou encore des courriers depuis les prisons de La Talaudière, Corbas, Joux-La-Ville et Bapaume. On peut la lire aussi au fil des pages des dix derniers numéros, notamment, en discussion autour des possibilités de luttes collectives dans le numéro 40 en janvier 2015 ; ou sur la question des peines intérieures dans le numéro 43 de mars 2016.

  • EMISSION DE L’ENVOLÉE DU 7 OCTOBRE 2016

    • Lettres : Marina, Béa, Redouane
    • Téléphone : Aurore
    • La Chronique de Sylvia : Les Corses et les cafards…
    • Info : 33 nouvelles prisons
    • La Chronique de Stéphane : Emeutes et loi travail, nouvelles de l’intérieur (El Hadj Omar Top) et de l’extérieur
    • Invitée : Kaoutar

    Zics : Eskicit – Echos ; Keny Arkana – J’arrive Du Monde De Demain ; Dead Prez – Wolves


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  • Quand la justice fait obstacle à l’exécution d’une décision… de justice

    A.  passe devant le juge le 13 octobre à 9 heures, au palais de justice de Valence. Elle risque d’être ré-incarcérée : on lui reproche de ne pas avoir exécuté un TIG (travail d’intérêt général)… alors même qu’elle a tout fait pour ! Petit retour sur cette ubuesque histoire. Pour ne pas la laisser seule face à cette drôle de machine, à la fois bureaucratique et vengeresse.

    labyrinthe« Voici une histoire parmi d’autres qui montre comment la justice cherche à piétiner celles et ceux qui ne baissent pas la tête.

    En 2014, A. est condamnée à 8 mois de prison, pour une récidive de conduite sans permis. Incarcérée à la maison d’arrêt de Valence, elle y subit des violences de la part de certains surveillants. De l’intérieur, elle décide de porter plainte contre eux et de dénoncer leurs agissements. Mais cette plainte est, aujourd’hui, classée sans suite. À sa sortie, elle participe à des rassemblements devant la maison d’arrêt de Valence, ce qui lui vaut un rappel à la loi, des menaces, et des pressions de la part de sa conseillère du Spip Nathalie PERRIN (Service pénitentiaire d’insertion et de probation) en rapport à son contrôle judiciaire.

    En juin dernier (2015), A. est condamnée pour un autre délit antérieur à son enfermement. Elle écope de 105 heures de TIG (Travail d’intérêt général) à faire dans un délai de douze mois. En septembre, elle prend contact avec la conseillère Spip chargée de la mise en place de son TIG. Mais au goût de Mme Perrin, A. n’est pas assez disponible (alors que ça n’empêche pas l’exécution de sa peine), et surtout son attitude n’est pas docile et ça lui déplaît fortement. Elle rédige un rapport négatif à son sujet, puis refuse de la rencontrer à nouveau. Durant l’hiver, le Juge d’Application des Peines, F.Dumas, couvre le comportement de sa subalterne, et menace A. de l’incarcérer – en révoquant le sursis correspondant à la non exécution de la peine, soit 6 mois de prison – au prétexte qu’elle ferait preuve de « mauvaise volonté ».

    Depuis lors, A. a effectué d’innombrables démarches : cherché elle-même des structures qui acceptent de la prendre en TIG (l’attestent pas écrit), interpellé la direction du SPIP, écrit plusieurs courriers à son juge pour lui expliquer la situation, demandé à changer de conseillère SPIP puisque Mme Perrin refuse de la laisser faire son TIG dans les structures qui acceptent de la prendre, demandé au juge de convertir les heures de TIG en jour amende, interpellé des médiateurs afin que cette situation trouve une issue…

    Mais le temps passe et elle n’a aucune réponse de la part du juge. Celui-ci attendait-il que le délai soit écoulé pour lui reprocher de ne pas avoir exécuté sa peine ? Et ainsi, tenter de l’incarcérer ? Pour cela, A. a l’obligation de se rendre à un débat contradictoire au palais de justice de Valence le 13/10/16, le juge voulant mettre à exécution la peine de 6 mois d’emprisonnement.

    On utilise malheureusement le même mot : « justice » pour parler d’une valeur idéaliste, pour laquelle on se bat parfois ; et cette institution qui a pour but principal d’apprendre la soumission et de briser celles et ceux qui passent devant les magistrats. Le juge Dumas fera, comme depuis des mois à son sujet et des années au sujet de centaines d’autres personnes, ce qu’il veut de la liberté et de la vie d’A. ; mais cela ne se fera pas dans l’indifférence générale !

    Soyons présent/es au palais de justice de Valence

    Le 13 octobre dès 9 heures

    Des proches de A.