Le journal L’Envolée n°60 est sorti !

Ça y est le numéro 60 du journal de l’Envolée est sorti ! Il est disponible pour 2 euros dans de nombreux points de distribution (voir ici), en abonnement de soutien pour 15 euros par an, et gratuit pour les prisonniers et prisonnières. En voici le sommaire et l’édito :

Sommaire de l’Envolée n°60 :

  • « L’autre côté des choses » Lettres de Redoine Faïd
  • Kanaky : révoltes et déportations judiciaires
  • Lettres de Moulins et de Poitiers-Vivonne
  • Mai 2024 : blocage de toutes les prisons de France
  • Trimer pour des miettes : lettres de Blanche et d’Aurélie
  • Oppression carcérale des Palestinien-ne-s.
  • Médaille de plomb des JOP (Jeux olympiques et paralympiques)

Édito : Pas de quoi danser la Zumba !

Un océan de contre-vérités, d’inversion des termes, de mensonges déconcertants ; des torrents d’insultes, de menaces et de violences ; des ratonnades racistes, homophobes et transphobes. Voilà ce qui a caractérisé la dernière période électorale, ce qui a contribué à nous faire peur – plus peur que la fois d’avant, mais moins que la prochaine. Peur d’une prise de pouvoir des franges les plus fascistes du bloc bourgeois auxquelles les libéraux
autoritaires préparent le terrain depuis des années.


Dans ce flot médiatique, une ex-Miss France électrice du RN a fait le buzz. Elle explique à un journaliste qu’en cas de victoire de la gauche, elle s’enfuit au
Maroc. Sourire complice aux lèvres, elle ajoute : « Vous voyez, je ne suis pas raciste ! » Paradoxal ? En fait, non : en votant pour un parti raciste-autoritaire, ce qu’elle veut avant tout, c’est préserver sa place dans la hiérarchie sociale et économique. Le contrat que passe le RN avec son éléctorat, qu’il soit ouvrier, petit ou grand bourgeois, est avant tout un contrat raciste, un genre de pacte qui masque la question sociale derrière un prétendu problème racial. Le deal est simple: le prolo peut continuer de se faire exploiter tant que son voisin arabe ne touche pas d’allocs ; le petit patron peut accepter sa petitesse tant qu’il peut employer au black des étranger·e·s corvéables à merci ; le grand patron peut soutenir le parti de Jordan TikTok Bardella tant qu’il a le même programme économique que Macron. Comme ça, aucun risque de remise en cause des inégalités sociales. Le bloc bourgeois paie déjà des clowns de plateaux pour diffuser son racisme chez les pauvres dans un simu-
lacre de connivence. « Pour remonter ton pouvoir d’achat, la seule chose qu’on peut te promettre, c’est de baisser celui des Arabes ou des Noir·e·s déjà plus en galère que toi. » Point barre, voilà le programme. « Et si ça marche pas, on aura au moins baissé le leur, ça devrait suffire à te consoler. »

Ce pacte raciste repose sur la déshumanisation d’une partie de la population. «Marre des raclures, des nuisibles et des jeunes d’origine étrangère », comme
le sort tranquillement le patron d’Alliance, principal syndicat de flics radicalisés qui roule pour le FN-RN. C’est cette déshumanisation qui permet de tuer les jeunes des quartiers populaires et d’enfermer massivement les autres quand ils se révoltent, comme l’été dernier. La domination coloniale repose sur la même déshumanisation : le pacte raciste permet toutes les
horreurs, comme on l’a vu avec les milices loyalistes en Kanaky (lire page 6). Le contrat raciste que les partis d’extrême droite passent désormais au grand jour avec leurs électeurs et électrices avait déjà cours de la droite à l’extrême centre. C’est lui qui a permis le vote de la dernière loi sur l’immigration en janvier 2024 ; c’est lui qui enferme à tour de bras dans des centres de rétention ; c’est lui qui devient le programme commun de l’Europe forteresse.

À côté de ce deal raciste, il y en a un autre, inscrit au plus profond de la démocratie libérale : le pacte pénal. Par le biais de ses juges, l’état de droit nous impose ce pacte à toutes et à tous sans exception, sur le dos des délinquant·e·s que la société fabrique. C’est ce que nous tentons de mettre au grand jour depuis 60 numéros. Le contrat pénal, c’est simple : « Pour te consoler de galérer dehors, on va rendre la vie impossible à celles et ceux qui ne le respectent pas. Si tu te plies à nos règles, t’iras pas en prison ; par contre, les autres vont y aller. Et promis, ils vont en chier. »
Évidemment, pacte pénal et pacte raciste marchent ensemble : il s’agit toujours de rediriger la colère vers des boucs émissaires. C’est pour ça que le chiffre de 80 000 personnes enfermées – et leurs familles avec – ne choque pas ; loin de là. On pourrait même dire que c’est le contraire qui scandalise : les prétendues « prisons-Club Med », les pauvres courses de karting, et même les Playstations en cellule. « Dans la pénombre de l’institution, on mesure l’indifférence profonde des gens pour les emprisonnés. Cette opinion publique sera toujours hostile au changement », résume Rédoine Faïd dans
ses lettres (lire page 4). À la limite, plus la prison déshumanise, plus les gouvernants prouvent qu’ils font bien leur travail. En attendant, elle joue pleinement son rôle d’épée de Damoclès : suspendue au-dessus de nos têtes, elle fait peur. Grosse injonction à rester du bon côté du Code pénal.

L’idée de troquer liberté et égalité contre une sécurité prétendument menacée par d’autres pauvres – Arabes ou Noir·e·s, dans l’ensemble – est très largement partagée par le champ politique. La preuve : tout ce que le RN propose, c’est d’approfondir ou de durcir des lois existantes – permis de tuer pour les flics, remise en cause du droit du sol… Preuve supplémentaire, dès le lendemain du second tour des législatives, Olivier Faure – petit patron d’un PS ressuscité – a appelé à «célébrer » la victoire du Nouveau Front populaire tout en appelant à « entendre la demande de sécurité ». Rappelons que c’est la gauche qui a initié le grand enfermement des quartiers dans les années 1980 : la population carcérale a doublé en moins de cinquante ans. La « politique de la ville », comme on disait à l’époque, fut surtout une politique de la prison.
Le combat contre le fascisme ne consiste pas à pousser un grand ouf de soulagement en attendant la prochaine élection. Il passe nécessairement par la remise en question du contrat raciste et du contrat pénal. C’est cette remise en cause qui fonde la lutte anticarcérale. Une lutte qui se mène forcément à l’écoute des prisonniers et des prisonnières, avec elles, avec eux

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