Le journal L’Envolée n°62 est sorti !

Il est disponible pour 2 euros dans de nombreux points de distribution (voir ici), en abonnement de soutien pour 15 euros par an, et gratuit pour les prisonniers et prisonnières.

Sommaire :

  • Justice n’a pas été rendue à Angelo Garand mais l’institution judiciaire a fait son travail : entretien avec Aurélie (à écouter aussi ici)
  • Les prisonnier.ères privé.es d’activités
  • Régime d’exception à Condé et Vendin
  • Assos de réinsertion : le biz du flicage
  • Mayotte : une gestion raciste et sécuritaire
  • Lettres de Moulins, Seysses, Vendin

Édito : L’état de droit est mort, Vive l’état de droit !

Stop ! Arrêtez tout ! On s’était trompé·es ! Les juges sont de gauche et les tribunaux sont le meilleur rempart contre le fascisme ! Ben oui : à L’Envolée, on a fait (une) fausse route. Suffisait juste de la rendre, la justice – enfin « la vomir ! la dégueuler ! », comme disait Hafed. Jordan Bardella et le lugubre ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, quant à eux, vomissent la tyrannie des « juges rouges » en France. Il est vrai que dans un pays où le nombre de prisonnier·es augmente de plus de 500 personnes par mois, les juges sont à l’avant-garde de la lutte des classes. Selon que vous aurez des « garanties de représentation » ou pas – « selon que vous serez puissant ou misérable » comme dirait l’autre – la Justice saura toujours infliger aux plus précaires des exécutions définitives et des détentions provisoires à la pelle. Même si Marine Le Pen chouine depuis son château de Montretout sur l’exécution provisoire de la peine d’inéligibilité à laquelle elle a été condamnée, elle ne mettra pas un pied en prison.

Désolé, on n’avait pas compris. Plions donc bagage pour rejoindre les manifestations pour la Justice organisées par la gauche en « défense de l’état de droit » – trois mots charmants qui ne nous veulent que du bien… Tant qu’on y est, construisons ensemble une internationale pro-Justice pour un monde meilleur ; plaçons tous nos espoirs dans les tribunaux pour faire face au trumpisme, aux dictateurs génocidaires et à l’internationale fascisante qui prend forme des deux côtés de l’Atlantique !

En vrai, l’extrême droite n’est ni contre l’État – ni contre le droit, dont elle se sert, quitte à le faire évoluer, voire le balayer tout à fait. « L’état de droit » est un mot creux : ce n’est que le reflet des rapports de force. Par contre, un État de droit dit démocratique prétend que le droit est l’arme du faible contre le fort – et il est bien obligé de mettre ça en pratique de temps en temps pour qu’on continue à y croire –, tandis qu’un État de droit fasciste ne ferait même plus semblant. Mais dans l’ensemble, ces derniers temps, on peut dire que ça se lâche déjà pas mal…

Au moment où le piège se referme, pas étonnant que le droit prenne progressivement une place débordante dans toutes les luttes. Mais qu’il soit de notre côté, c’est une vaste blague ! Tout·es les prisonnier·es ont déjà eu affaire à la Justice, forcément, et savent bien qu’en taule on est constamment confronté·es au droit, aux règlements, aux tribunaux et autres prétoires… Les prisons, ces institutions totales où légalité et barbarie tendent à se confondre, sont tout autant des zones où un droit omniprésent couvre la violence de l’administration et des matons que des « zones de non-droit ».

Pas d’inquiétude : le droit n’a pas attendu qu’on manifeste pour lui pour continuer son offensive. Faut dire qu’il y avait un sacré retard à rattraper : « la politique pénale de ces dernières années a souffert d’une idéologie anti-prison », comme l’affirmait avec fantaisie le député du Cher Loïc Kervran. La loi qu’il a proposée permettrait de refuser plus facilement des aménagements pour les peines de moins de six mois et réintroduirait les peines ferme de moins d’un mois. Une autre proposition de loi en remet une couche : les mineur·es pourraient être mis·es en prison pour un mois dès l’âge de treize ans afin de leur faire subir un « choc carcéral », dont la violence n’est plus dénoncée mais revendiquée.

« Tu regardes les infos en France, nous écrit Rédoine depuis Vendin-le-Vieil, il n’y a que deux problèmes : la DZ Mafia et les OQTF. » On a place Vendôme un ministre qui veut réintroduire sans plaisanter les QHS à Vendin et Condé, et place Beauvau un autre qui fait des étranger·es un perpétuel ennemi intérieur. Deux ministères de la répression sur la même longueur d’onde, dont les occupants se tirent la bourre à coups de circulaires. Quand l’un abroge la circulaire Valls sur les régularisations par le travail ou au titre de la vie privée et familiale, l’autre supprime direct les activités

en prison ! Ça ne les empêche pas de s’entendre pour concocter une loi narcotrafic – pas encore adoptée au moment où nous écrivons ces lignes – qui sape les droits de la défense et allonge toujours un peu plus les peines. Dans ce petit jeu de séduction de l’extrême droite, ils se permettent même quelques extravagances, comme l’annonce par Gérald Darmanin de trois mille nouvelles places de prison en Algeco, livrées dans les plus brefs délais. À quand les bagnes en kit et les camps en impression 3D ?

« Nous devons combattre le narcoterrorisme avec les mêmes armes que celles que nous avons utilisées contre le terrorisme », claironne encore Bruno Retailleau – rien que ça ! Les trafiquants et les étranger·es aujourd’hui, les terroristes depuis dix ans, et avant eux les pointeurs, les braqueurs… tous ces grands méchants loups – dont politiques et médias nous rebattent les oreilles à longueur de journée – ont pour principale fonction de nous faire avaler toujours plus d’extensions des pratiques répressives et du droit. Contre ces figures du monstre, d’abord, puis contre le reste de la société.

P. S. : À l’heure où nous bouclons ce numéro, nous apprenons qu’une dizaine d’actions ont ciblé des portes de prison et des voitures de surveillant·es. Aussi sec, les deux ministres brandissent de plus belle les épouvantails du « narcoterrorisme » et de l’« ultragauche » devant micros et caméras. Saisir le parquet antiterroriste, c’est le bon plan pour mettre le paquet sur les moyens de l’enquête, quitte à requalifier les faits par la suite… Et surtout, braquer les projecteurs sur les futur·es accusé·es – qui vont forcément prendre cher –, ça permet de passer opportunément sous silence le sort des 82 000 prisonnier·es et de leurs proches. Pourtant, un texte posté sur un canal Telegram – que le parquet semble vouloir associer aux récentes attaques – dénonce la violence du système carcéral et les mesures brutales mises en place par Gérald Darmanin. Ce quotidien insupportable, il est indispensable de le mettre en lumière. C’est la réalité que nous nous efforçons de relayer dans le journal.

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