Catégorie : Lettres

  • Passer les fêtes au QI : lettres de Kémi

    Passer les fêtes au QI : lettres de Kémi

    Auteur du texte « Santa Muerte » sur la prison de Saint-Maur et le QI (quartier d’isolement), Kémi dit dans ces six lettres comment la dureté de l’isolement déteint sur son moral. Après un Noël 2021 solitaire, Kémi est enfin sorti du QI en janvier comme on peut le lire dans les deux dernières lettres. Cependant, à l’heure où nous publions ces lettres sur le site, l’AP (administration pénitentiaire) a déjà remis Kémi à l’isolement pendant l’été 2022.


    « Je m’en suis pris à l’AP et maintenant j’en paie le prix fort »

    Lettre lue pendant l’émission du 10 décembre 2021.

    Maison centrale de Saint-Maur, quartier d’isolement,

    Novembre 2021

    Bonsoir chers auditeurs,

    Là il est 23 h et je tourne en rond dans ma cellule, donc je prends ma plume pour vous donner de mes nouvelles. La semaine dernière, j’ai enfin vu la directrice de Santa Muerte, elle a fait une demande de sortie d’isolement, mais je crois que c’était pour m’endormir car pour l’instant, j’y suis encore. En plus, j’ai appris par un pote qui a vu la cheffe et qui lui a dit que ce n’était pas pour tout de suite. Ils sont même pas capables de me le dire en face. Je vois rouge ! Pour les autres détenus, ça prend trois jours, et pour moi ça prend des plombes. J’avoue que mon moral baisse, car les fêtes arrivent, et j’me sens pas capable de les passer à l’isolement. Des envies de suicide me traversent l’esprit, j’essaie de rester combatif, mais imaginez deux ans de quartier d’isolement gratuit, et encore un Noël seul sans parloir, sans rien ni personne avec qui discuter. J’ai beaucoup de lettres qui me donnent leur soutien et je les en remercie, mais je supporte de moins en moins l’isolement social. 23H/24 dans 9 m² pendant deux ans, ça laisse des traces indélébiles. Mes enfants me manquent, le contact humain me manquent. Je regarde autour de moi et tout ce que je vois c’est le néant, le vide. Ce soir je regardais un film qui se passait en prison. Dans ce film, il y avait une scène qui m’a rappelé de mauvais souvenirs. C’est un type qui venait d’apprendre le décès de son papa, il avait l’autorisation d’aller aux obsèques, mais à la dernière minute l’administration pénitentiaire (AP) l’en a empêché. Ce qui m’est arrivé, et pour ça faire une prise d’otage en 2016 à la centrale d’Ensisheim en Alsace, ce qui m’a valu huit ans ferme en plus.

    Je regarde autour de moi et tout ce que je vois c’est le néant, le vide

    Depuis tout à l’heure, je suis partagé entre la douleur et la rage – la raison pour laquelle j’écris ce soir en espérant que ça me calme, mais je sais que je suis parti pour une nuit blanche. J’aimerais parler de choses joyeuses, mais j’ai le cœur et les pensées si sombres que cela m’est impossible. Je m’accroche et me dis que peut-être je sortirais de quartier d’isolement dans quelques jours, mais sans grande conviction.

    Je sais que j’ai commis des actes condamnables, mais ça fait dix ans que je suis en prison, et j’en ai encore onze ans sur le papier alors que je n’ai tué personne. Un violeur n’aurait même pas fait la moitié de ma peine. Alors que je n’ai que 32 ans. Je m’en suis pris à l’AP et maintenant j’en paie le prix fort. Ma vie est foutue, je n’ai plus d’avenir. Que vais-je faire à ma sortie après tant d’années passées derrière les barreaux. Dans quel état je vais être, avec toute cette haine et rage qu’ils ont placé en moi ? J’ai fait l’idiot, je l’assume, mais jamais je n’avais eu le cœur aussi noir. J’ai toute une vie à reconstruire car depuis mes 15 ans, je n’ai connu la liberté que pendant une année. Vous vous rendez compte ? J’ai passé plus de la moitié de ma vie en prison, mais on ne veut pas me donner une chance de me racheter. Je suis conditionnable en 2022, mais comment préparer ça dans de telles conditions d’incarcération ? C’est la prison et ses codes qui m’ont éduqué, j’ai appris la vie à l’école du crime. Pour la Justice française, je suis un cas perdu, mais c’est normal si l’AP ne fait rien pour m’aider à devenir autre chose qu’un numéro d’écrou. On me colle des avocats commis d’office, qui ne servent à rien car ils débutent ou que l’on ne peut pas leur donner 3000€ pour défendre nos droits. On nous parle de réinsertion, mais où est-elle ? Je vous pose la question, en prison il n’y a que la répression. Deux ans que je galère comme un chien à l’isolement gratuitement, tout ça parce que l’AP considère que je suis un danger. Mais un danger pour qui ? Je ne suis qu’un simple cambrioleur entouré de meurtriers et de violeurs, alors je suis un danger pour qui ? En bref je suis un danger car toutes les peines internes (23 ans que j’ai pris en plus), je les ai prises car je m’en suis pris à l’AP. Voilà ce qu’est l’administration française : violer nos enfants, on s’en fout, mais ne touchez pas à l’administration.

    Force et courage à toutes et tous, celles et ceux qui sont enfermé·e·s et leurs familles !

    Kémi


    « Je vais encore passer Noël au QI et ça me met un coup au moral »

    Maison centrale de Saint-Maur,

    Le 18 novembre 2021

    Salut L’Envolée,

    Merci pour votre carte, je vous mets un petit dessin avec cette lettre, un truc vite fait… En juin prochain ça fera dix ans que je suis en prison et libérable en 2032, avant ça j’étais en prison de mes 15 ans à mes 22 ans. Ces dix-sept dernières années, j’ai été libre un an avant de retomber en 2012, j’ai littéralement passé la moitié de ma vie en prison et pourtant j’ai que 32 ans ! C’est triste à dire mais c’est la prison qui m’a formé. Je fais partie de la communauté des gens du voyage donc la prison je connais depuis bébé, je suis venu au monde au parloir sérieux. Là le QI a été prolongé jusqu’au 4 février 2022, je vais encore passer Noël au QI et ça me met un coup au moral. Vous inquiétiez pas prenez votre temps pour répondre, je risque pas de bouger de là où je suis lol. Bon je vous laisse car faut que je nettoie la cellule car c’est le bordel.

    En attendant de vos nouvelles, prenez soin de vous les potos.

    Kémi

    Dessin de Kémi, le 18 novembre 2021.


    « Le père Noël est passé, l’AP m’a offert une X-box »

    Lettre lue pendant l’émission du 7 janvier 2022.

    Maison centrale de Saint-Maur, quartier d’isolement,

    Le 15 décembre 2021

    Bonjour l’équipe, bonjour à tous,

    Ce soir je prends la plume pour vous montrer toute la gratitude de ce que vous faites pour moi, mais surtout pour vous souhaitez de bonnes fêtes pour cette fin d’année 2021. Moi ça peut aller malgré le refus de ma sortie du QI. C’est bientôt les fêtes, alors j’essaie de me motiver pour essayer de rester positif, car mi-janvier la direction va faire une nouvelle demande. Je reste optimiste… qui sait ? Peut-être que la magie de Noël va frapper ? Quoiqu’il en soit, passez de bonnes fêtes avec vos proches car c’est important. Moi le père Noël est déjà passé, l’AP m’a offert une X-box et va m’apporter un colis de Noël ! Un vrai miracle de Noël MDR.

    Joyeux Noël, et bonnes fêtes à tous,

    Kémi


    « Comme vous devez vous en douter, j’ai passé des fêtes de merde »

    Lettre lue pendant l’émission du 7 janvier 2022.

    Maison centrale de Saint-Maur, quartier d’isolement,

    Le 28 décembre 2021

    Salut L’Envolée,

    Comme je le pensais, la demande de sortie du QI a été refusée, je suis dégoûté. Merci pour votre lettre avec le timbre et l’enveloppe que je viens de recevoir. Comme vous devez vous en douter, j’ai passé des fêtes de merde, seul dans mon 9 m² lol. Mi-janvier une nouvelle demande de sortie du QI va être faite mais bien sûr ça sera refusé 🙁 Sérieusement j’en ai marre d’être isolé, mon mental ne suit plus, je me bats pour ne pas baisser les bras mais c’est dur, surtout quand j’entends les autres détenus parler par la fenêtre de leur parloir ce qu’ils ont eu pour Noël, je t’avoue que ça m’a fait un truc en les entendant ! J’espère que 2022 sera une meilleure année pour moi.

    Bref je vous souhaite à tous une bonne année 2022 et tout ce qui va avec. Hâte d’avoir le nouveau numéro de L’Envolée, bon, il est 3h30 du matin, je vais en rester là car je vais aller faire dodo.

    En attendant de vos nouvelles,

    Prenez soin de vous les potos,

    Kémi

    Dessin de Kémi, le 8 décembre 2021.


    « Enfin la victoire ! »

    Maison centrale de Saint-Maur, en transit au quartier arrivants,

    Janvier 2022

    Enfin la victoire !

    Après deux ans d’isolement gratuit, mon avocate et moi avons gagné au tribunal administratif contre l’AP. Ça fait un mois que je suis sorti du QI, je vais faire la  »formation menuiserie ».

    Ça fait bizarre, après deux ans, de retrouver une détention  »ordinaire »… J’ai encore du mal à me repérer mais tout va bien.

    Aux détenus de France au QI et à leurs familles : ne lâchez rien. Avec un avocat et du calme on peut les faire plier. La preuve : je suis un preneur d’otage, un DPS (détenu particulièrement signalé), un détenu  »difficile », et pourtant mon avocate a gagné un recours, elle les a eus à leur propre jeu ! 

    Je circule en détention normale, je vais où je veux… 

    Gardez la force et le courage !

    Voilà, Kémi est enfin sorti du QI !

    Merci à tout le monde, on reste en contact régulier pour se donner des news ! 

    Kémi


    « Les deux ans de QI que j’ai fait gratuit m’ont rendu plus fort, en vrai »

    Lettre lue pendant l’émission du 4 février 2022.

    Maison centrale de Saint-Maur, quartier arrivants,

    Janvier 2022

    Bonjour à tous,

    Bonne nouvelle : ça fait une semaine que je suis enfin sorti du QI ! Pour l’instant je suis en observation au quartier arrivants depuis une semaine. Encore une, et après ils me disent si je reste à cet étage et bosser comme « auxi peintre » (ça veut dire repeindre les cellules) ou s’ils me jettent dans le bâtiment B dans la jungle. Moi, je veux rester à mon étage, y a pas vingt détenus et c’est que des anciens. Après deux ans de QI gratuit, j’ai besoin de calme, car je sais qu’au bâtiment B je vais m’embrouiller, et obligé quelqu’un va me tester. Et je veux pas retourner au QI. On verra bien, si je vais au B, je vais me mélanger avec personne, parce que sinon je vais en corriger un. Ici au A, je suis posé, je joue au rami avec les anciens, c’est calme, c’est tranquille, c’est ça qu’il me faut. Mais bon, avec mon dossier, ils vont me mettre au B, ils me donneront pas une chance de réinsertion, l’AP on connaît, ça fait dix piges que je les côtoie tous les jours. Je me tiens à carreaux, mais l’AP regarde que mon passé, sans compter sur les histoires que l’ancienne directrice de Saint-Maur m’a faites. Là je profite à fond, c’est pas grave, les deux ans de QI. Les deux ans de QI que j’ai fait gratuit m’ont rendu plus fort en vrai.

    Là j’écoute un peu de son, et je me sens bien. Je suis plus au QI, ça fait trop chelou. Surtout la promenade. Bon là ça caille, donc je sors pas trop, mais j’hallucine quand j’y vais. Je peux marcher dans une vraie grande promenade. Bon je vous laisse, je vous tiens au jus et encore merci à vous, vous êtes des vrais, on lâche rien, y a pas d’arrangement !

    Kémi


  • Interview de Thierry, prisonnier du mouvement social suite à la mort de Nahel

    Interview de Thierry, prisonnier du mouvement social suite à la mort de Nahel

    Thierry a été arrêté le 28 juin 2023 à Saint-Étienne pendant la première nuit de révolte qui a suivi la mort de Nahel, tué par la police. Amené tout droit au trou, Thierry en est sorti trois mois plus tard. Il a alors raconté dans une interview son arrestation, son procès et sa détention. Son récit est malheureusement exemplaire de la répression judiciaire qui s’est abattue massivement sur ce mouvement social il y a un an. Voici certains extraits condensés, dans lesquels il raconte la violence des policiers, les dangereux conseils des avocats commis d’office et la roublardise des juges.

    « Ils ont tiré au Flash-Ball au petit bonheur la chance. »

    « On était à une manifestation contre les violences policières suite à la mort de Nahel qui avait eu lieu la veille, et on nous a proposé de rejoindre des émeutes le soir. On y est allés avec un groupe de copains. Quand ça a commencé à allumer des feux, tout de suite, deux hélicos et 60 policiers sont arrivés, et ça a commencé à courir de tous les côtés. La BAC (brigade anticriminalité) était planquée dans un buisson. Les éclairages publics étaient éteints, il faisait tout noir, on n’y voyait rien… les flics non plus. Ils ont tiré au Flash-Ball au petit bonheur la chance. Ils ont eu mon cousin, qui est tombé ; je l’ai aidé à se relever et je me suis retrouvé avec trois Flash-Ball pointés vers ma tête. Ils m’ont dit : « Mets-toi au sol. » J’ai fait remarquer que j’avais déjà les mains levées. Ça leur a pas plu : ils m’ont plaqué violemment au sol – en se permettant de me retirer mon cache-cou et ma casquette – et m’ont dit : « On t’a eu, de toute façon. » Ça faisait un moment qu’ils voulaient m’avoir, suite aux nombreuses manifestations que j’ai faites dans la Loire depuis 2018. J’ai fait les Gilets jaunes, plein de mouvements sociaux… Ils me l’avaient dit : « On va te faire tomber. »

    Quand ils nous ont arrêtés, moi et mon cousin, ils nous ont insultés – ça m’a pas étonné… Un mec de la BAC m’a mis un coup de genou au moment d’entrer dans la voiture. Tout le long du trajet, l’un d’eux s’est amusé à me mettre sa lampe torche dans les yeux jusqu’au commissariat en me disant : « J’espère que ça te fait du bien ! » Là, ils me sortent un mortier et me disent qu’ils vont retrouver mes empreintes dessus. « – Faites tous les tests que vous voulez, y aura pas mes empreintes dessus. J’ai jamais touché de mortier de ma vie ! » […] Ils voulaient me coller un jet de bouteille aussi. J’ai passé quarante-huit heures en garde à vue. […] J’ai demandé à voir un médecin et un avocat : je les ai vus au bout de neuf heures. J’avais un bleu causé par le coup de genou d’un agent de la BAC lors de l’arrestation : je ne sais même pas si c’est stipulé dans le rapport du médecin qui m’a vu en garde à vue.

    « Mon avocat a servi à rien, je conseille de pas écouter les avocats commis d’office »

    On va pas se mentir : mon avocat a un peu servi à rien. Il a même pas demandé le report de la comparution immédiate ; sa défense était basée sur le fait de reconnaître les faits : selon lui, la juge serait plus indulgente… C’est totalement faux ! Au contraire, ils peuvent dire : « Lui-même l’a reconnu, donc on peut lui coller ça sur le dos ! » […] Je conseille de pas écouter les avocats commis d’office ; mieux vaut essayer de se défendre tout seul – ou alors choisir son avocat. J’ai dit : « Je vais pas avouer le tir, le jet de bouteille… des trucs que j’ai pas faits ! – Non, mais au moins, tu avoues que tu étais sur place. » Je suis pas un pro des procès, donc j’ai écouté ce que me disait cet avocat commis d’office… mais pendant mon audition, l’OPJ [officier de police judiciaire] avait parlé d’embuscade en réunion1. Le vendredi, il nous a envoyés devant le procureur en disant qu’après, on rentrait chez nous… On a été transférés au tribunal en fourgon cellulaire. […] On a vu le juge [des libertés et de la détention] qui a décidé de me placer en détention provisoire au vu de mon passé. Mon cousin a tout de suite été remis en liberté, vu que c’est sa première histoire. Je suis resté en prison jusqu’au lundi, où on est passés en comparution immédiate. […]

    Au procès, la juge nous a pas fait de cadeaux : je m’attendais vraiment pas à ce qu’ils racontent notre passé – que mes enfants étaient placés, que moi j’avais été placé en foyer et famille d’accueil… On est pas là pour juger le passé des gens ! Elle a parlé de notre consommation de stupéfiants, elle a tenté de nous mettre plus bas que terre, et ça s’est vu dans l’article du journal local – et avec la circulaire de Moretti qui disait qu’il fallait faire des exemples… J’ai essayé de parler du pourquoi des émeutes, mais la juge m’a rétorqué, en mode je la saoule : « Faut pas croire qu’il est en liberté [le flic tueur]. Faut laisser faire la justice… »
    L’avocat des policiers a dit qu’ils voulaient nous coller les tirs de mortier, mais qu’ils ne pouvaient pas parce que c’était tout éteint : il n’y avait pas de lumière dans la rue… Alors ils ont ressorti une histoire pour laquelle je devais être jugé plus tard […] : le procès aurait dû avoir lieu le 26 septembre, ils l’ont finalement inclus dans l’audience du 3 juillet.

    « Remets ton casque et retourne avec tes collègues, j’ai pas envie de te parler. »

    Quand je suis arrivé au tribunal le lundi, je pensais pas qu’il y aurait autant de monde ; en fait, je pensais qu’il allait y avoir personne ! Et quand je suis sorti début octobre, j’ai vu sur des lives Facebook qu’il y avait même du monde dehors ! Quand je suis rentré dans la salle d’audience, que j’ai vu ma copine, que j’ai vu des amis, ça m’a fait du bien. Le tribunal a condamné mon cousin à dix-huit mois avec sursis, avec obligation de soin par rapport aux stupéfiants, obligation de formation ou travail ; et ils m’ont collé six mois ferme et douze avec sursis. Et 500 € chacun pour trois policiers, donc 1 500 € chacun à payer solidairement : s’il y en a un qui a pas la possibilité de payer, c’est l’autre qui payera 3 000 balles. Ça, c’est pour… comment ils ont appelé ça ? Soutien psychologique, je crois.

    Après la fin du procès, quand j’ai été redescendu dans les cellules du tribunal, le commissaire de police est gentiment venu me voir et m’a dit : « J’espère que ça te servira de leçon. » J’ai gentiment répondu : « Remets ton casque et retourne avec tes collègues, j’ai pas envie de te parler. » »

    L’intégralité de cette interview a été diffusée dans les émissions radio L’Envolée du 29 décembre 2023 et du 19 janvier 2024 et sur le blog Infos prisons Saint-Etienne (cliquer ici).

    1. L’avocat commis d’office a fait le jeu du tribunal : si Thierry n’avait pas reconnu sa présence dans une « embuscade », le dossier était vide. ↩︎
  • CI-GÎT l’«ÉTAT DE DROIT». TOUTES NOS CONDOLÉANCES.

    CI-GÎT l’«ÉTAT DE DROIT». TOUTES NOS CONDOLÉANCES.

    BADINTER EST MORT, MAIS PAS LA PEINE DE MORT.

    Des prisonniers du centre de détention de Montmédy nous ont adressé une lettre ouverte suite à l’annonce du décès de celui dont le nom reste associé à l’abolition de la guillotine.

    « Pour comprendre Robert Badinter, il suffit de remonter le cours de son histoire » dit un des nombreux éloges parus dans la presse. Pour comprendre que la peine de mort n’a jamais été abolie, en revanche, il faut écouter les prisonniers et les prisonnières. Alors que les hommages se multiplient, nous donnons ici la parole à celles et ceux que la justice et la prison ont continué et continuent de tuer.

    Nous vous invitons aussi à lire ou relire dans ce livre que nous avons publié d’autres paroles de prisonnier.es qui dénoncent cette prétendue abolition.

    Communiqué des détenus de Montmédy (55)

    CI-GÎT l’«ÉTAT DE DROIT». TOUTES NOS CONDOLÉANCES.

    Le décès tardif de Badinter a provoqué certains éloges qui eussent gagné à s’exprimer en privé.

    Mais d’une manière plus surprenante et plus scandaleuse que de coutume, les médias à tendance gauchiste passive choisissent l’admiration esthétique du plus contestable «socialiste» bourgeois plutôt que le silence ou les injures qui, depuis l’application de la théorie du «droit pénal de l’ennemi» dans le droit français, se trouvent seuls moralement justifiés.

    Entendons-nous: avec l’«abolition de la peine capitale», ce qui était jusqu’alors la part honteuse, occulte de la proclamé démocratie française (torture, assassinats extrajudiciaires, perpétuité réelle…) va être exhibée aux gens du pays, sapant dans ses profondeurs cet «État de droit» qui justifierait qu’on tolère le régime.

    le 16 février 2024.

  • « En France, la psychiatrie et la prison c’est la même chose »

    « En France, la psychiatrie et la prison c’est la même chose »

    On avait pas encore publié cette lettre écrite en 2020 par une personne enfermée à l’Hôpital Psychiatrique des Eaux Vives en région parisienne. Dans notre émission et notre journal, on parle rarement de ces lieux d’enfermement car on y a moins de contacts. Mais ces paroles nous rappellent bien que les HP sont aussi des prisons où on subit un enfermement contraint, encadré par la justice et où le quotidien est soumis à l’arbitraire d’une administration. Force à toutes les personnes psychiatrisées sous contrainte et leurs proches. Continuons de faire sortir la parole de ces lieux et de soutenir celles et ceux qui y sont enfermées.

    Salut l’Envolée,

    Déjà quand t’arrives ici en HP ça commence par le déshabillage et ça c’est humiliant. Y a l’isolement aussi qui est une forme de torture psy. Y en a beaucoup d’autres ici (des formes de tortures) comme la contention où ils te ligotent – le mot est faible, c’est comme une camisole.

    Y a une chambre qui s’appelle la cellule d’isolement et après y a une camisole chimique qui peut avoir lieu.

    Y a un autre truc qui s’appelle le patch et genre on t’immobilise et tu peux plus bouger, t’es attaché a un lit. Moi ils m’ont fait ça pendant 20 minutes, j’avais peur qu’ils m’abandonnent là. C’est tous leurs outils pour la torture.

    Quand t’arrives ici à l’hôpital le premier truc qu’ils te font c’est te mettre à poil pour vérifier que t’as pas de drogue ou quoi que ce soit. Et après ils te filent une tunique ou un pyjama où on se sent complètement à poil. Parce que les médecins et infirmières et les anciens patients, eux sont habillés. C’est humiliant et ça crée un truc par rapport aux autres patients, ça met une distance.

    J’trouve ça absurde qu’on condamne les gens parce qu’ils sont malades.

    À chaque fois que je suis hospitalisé ou interné, ma grand mère m’envoie des cartes postales. Et ça, ça fait très plaisir. Dès qu’on est enfermé, la première chose qu’on fait c’est rédiger un papier pour le juge ou écrire un papier à sa femme ou sa famille. J’ai vu des gens qui arrivaient là dedans (en hôpital psychiatrique), la première chose qu’ils faisaient c’était de rédiger un testament.

    Souvent le fait que les gens sont internés, on pense directement à la folie. Mais souvent c’est lié à des événements extérieurs  : situation économique, familiale ou de société.

    Ici, pour vous décrire comment ça se passe. T’as une petite chambre avec une petite table, une chaise et un lit. C’est pas un hôtel F1 c’est sûr.. Y a des toilettes mais y a pas de douche. Ici c’est mal isolé. Ma chambre donne sur un couloir. A gauche y a un côté où à une époque ils avaient mis tous les gens qui avaient attrapé le covid.

    À côté de ma chambre, y a la cellule d’isolement. Là, y a un mec qui a été, comment dire, peut être pas neutralisé, mais violenté par les infirmiers parce qu’il était réticent à leur obéir. Là, il est enfermé à l’isolement on sait pas pour combien de temps. Lui il crie derrière la porte qu’on le torture et il demande à voir les surveillants… J’essaye d’aller lui parler à travers la porte pour le rassurer. Je comprends qu’il soit pas bien.. Moi quand je suis arrivé ici, je me suis réveillé et je savais pas ce que je foutais là.

    La journée ici : normalement on te réveille à 7h pour aller à la douche. Mais moi j’ai obtenu de me lever à 8h. Et j’arrive pas utiliser leurs douches. L’hygiène c’est important c’est sûr, mais ici y a pas d’intimité. Y a une douche pour 20 personnes, je vais pas faire la queue en slip avec un savon.

    Le petit dej c’est un beurre président, confiture, du pain. C’est le premier truc qui se passe dans la journée. C’est un moment important.

    Jusqu’à midi on fait ce qu’on peut. Y en a qui lisent comme moi, d’autres qui sortent dans le parc parce qu’ils sont autorisés. Moi j’ai eu des permissions en ville, jpourrai rentrer chez moi si je voulais mais j’ai plus mes clés, mon portefeuille ou quoi. Ils m’ont tout pris, donc bon je reste là.

    La différence entre la psychiatrie et la prison. C’est qu’en prison t’as une peine, ça dure un certain temps. Ici en psychiatrie on a aucune idée de date de sortie. Et ça, c’est angoissant.

    C’est ce que j’essaye d’expliquer à ma responsable. Je comprends pas ce qu’ils veulent de moi. Je sais pas si je dois fermer ma gueule ou faire genre que je vais mieux. Apparemment il faudrait que je patiente. Le temps de comprendre ça, c’est déjà quelque chose.

    Moi ça me fait peur de rester ici jusqu’à la fin de ma vie. Ici je vois des vieux qui sont là depuis longtemps, je vois des gens qui sont là depuis 15 ans…

    En fonction de ton attitude quand t’arrives, d’abord t’as un entretien avec un médecin pendant 10 minutes qui évalue si on te met à l’isolement ou pas. Mais si t’arrives le week-end ou un jour férié y a pas de médecin disponible pour te recevoir, alors tu vas à l’isolement direct.

    Au début quand t’es à l’isolement, t’as le droit à 4 cigarettes par jour, en bâtiment fermé t’as 10 cigarettes, et en bâtiment ouvert, comme là où je suis, j’ai le droit de fumer comme je veux. Enfin en fonction de mes moyens donc je suis obligé de me limiter. Ici c’est la guerre des clopes, tout le monde en a besoin. Le troc marche pas mal à base de clopes.

    Quand t’es à l’isolement, la cigarette c’est un des trucs qui fait tenir. T’attends ta cigarette, t’essaies d’en profiter un maximum.

    La cuisine c’est un problème énorme ici. Dans tous les sens du terme. Y a beaucoup de gens qui ont des intoxications alimentaires parce que la chaîne du froid est pas respectée. Beaucoup de produits sont congelés ici et ils font pas attention.

    Ici y a un tout secteur qui s’appelle IS A 13, l’autre c’est l’ASM 13 (association mentale 13). En gros ici c’est l’hôpital psychiatrique du 13e arrondissement même s’il est en Essonne.

    Y a d’autres bâtiments dont je connais pas le nom, là où on n’a pas accès parce que c’est grillagé. Ça paraît plutôt inquiétant, on sent qu’il se passe des choses derrière la grille. Des fois y a des camions qui partent, y a aussi la police qui passe souvent dans les bâtiments fermés. Y a 2-3 jours une personne qui portait pas de masque a été contrôlée dehors, ils l’ont ramenée au bâtiment fermé parce qu’elle était sortie de psychiatrie quelques jours avant. Là ils viennent de la ramener en bâtiment « ouvert ».

    La première fois que ça m’est arrivé ce truc là d’enfermement, j’suis resté 1 mois et demi en bâtiment fermé.

    Ici on mange à 19h et après on me donne des médicaments. Après je m’endors direct, je fume une clope et jm’endors. À 21h30-45 on me redonne un somnifère qui est assez efficace et qui me permet de m’endormir. Et je me réveille le lendemain avec les gens à l’isolement qui tapent à la porte. Même si je dors, on me réveille a 21h30 pour me donner le somnifère. Ça m’a toujours fait halluciner mais je cherche plus à comprendre.

    Et c’est rien y a bien pire. J’ai vécu bien pire et je vois des cas où c’est très compliqué. Y des patients qui ont pas de visite, pas de courrier, pas de procédure pour faire appel devant la justice, qui ont toujours des médicaments ou qui sont dans des situations d’handicap qui les placent en situation de dépendance totale face à l’administration, à qui on parle comme à des demeurés. J’trouve ça inhumain comme ils traitent ces gens.

    Au niveau de la justice ici ça passe par le JLD. C’est le juge des libertés et détention. Simplement on arrive dans une salle d’attente. Ça m’est arrivé d’être convoqué au TGI pour des JLD de personnes que je connaissais. Le juge te dit selon tel article t’es vraiment malade mais il y connaît rien en médecine le juge. Le dernier JLD auquel j’ai assisté c’était dans une petite pièce. Y avait le juge, la greffière, le ministère public, mon avocat et moi. L’avocat m’a demandé ce qu’j’voulais, je lui ai demandé qu’on me libère. Je suis sorti de la pièce et j’ai reçu deux jours après par courrier des papiers me disant que j’étais prolongé.

    Le premier JLD j’ai pas pu y assister parce qu’ils m’ont placé à l’isolement à mon entrée à l’HP.

    On les voit quand ils sortent de la salle, ils sont tous copains. Le magistrat, l’avocate, la greffière, ils passent leur vie ensemble. L’avocate, le magistrat c’est plus à lui qu’elle a envie de plaire qu’à moi.

    En France la psychiatrie et la prison c’est la même chose.

    On continue de donner des nouvelles.

    Une personne enfermée aux Eaux-vives le 20.10.2020

  • Lettres reçues après la censure du journal 56 dans les prisons françaises

    Lettres reçues après la censure du journal 56 dans les prisons françaises

    Ces lettres sont arrivées après la sinistre nouvelle : le numéro 56 de L’Envolée est censuré par l’administration pénitentiaire, encore une fois. Pour rappel, le numéro 55 et le 52 avaient aussi eu le même traitement… Pour le 56, on en parle dans l’émission de fin janvier (que vous trouverez en cliquant ici).
    Passez le mot, dites nous si vous avez des retours des abonné.e.s de l’intérieur, ne les laissons pas seul.e.s face à l’administration pénitentiaire ! Et pour soutenir, abonnez-vous !

    23 janvier 2023, dans une prison française

    Salut L’Envolée, comment vous allez ? Bien j’espère. Moi ça peut aller, je lâche rien !
    Les matons sont venus reprendre le numéro 56 de L’Envolée, ils n’ont pas déboulé dans ma grotte mais ils ont ouvert la trappe de ma porte et ont réclamé le magazine. Ils m’ont montré une circulaire qui en gros disait qu’à cause de l’article qui pénave des matons qui sont passés en procès pour violence volontaire, le numéro 56 est censuré. Ils ont même réclamé les photocopies que le poto m’a envoyé qui n’avait rien à voir avec les matons ! C’était l’hommage à l’ami Romain, paix à son âme.

    C’est abusé, dès que L’Envolée retransmet un procès de matons, ils censurent le numéro… Vous les touchez là où ça leur fait mal ! Par contre, quand un détenu craque et les bouscule c’est les premiers à faire en sorte que tout le pays soit au courant et en plus ils tournent le truc à leur sauce, se placent en victimes pour réclamer des chiens, des taseurs, et des nouvelles pompes pour mieux nous écraser la tronche au sol ! Sérieux, je me demande quel traumatisme ils ont vécu dans leur enfance pour être comme ça à l’âge adulte, ils se sont fait tchourave leur goûter à l’école par plus balèze qu’eux ? C’est quoi, leur problème ? Déjà, pour enfermer des êtres humains dans neuf mètres carrés, ‘faut vraiment être taré ! Y en a marre de l’oppression de l’administration pénitentiaire, j’en ai marre de devoir faire ma peine qui est quand même longue en fonction de leur humeur ! On veut juste faire notre peine sereinement et sortir retrouver nos proches quand on en a. Pourquoi ils s’acharnent à nous torturer l’esprit et le corps, pourquoi ils nous assassinent ? Les juges nous condamnent et l’AP nous amène à l’échafaud ! On est entre les mains de sadiques remplis de frustrations et au QI d’une huitre !!!

    Bref.. Ils vont bloquer mon courrier si je les vexe… On lâche rien !



    Du fond d’une geôle de l’hexagone, janvier 2023

    Salam, shalom, que la paix soit sur vous, « L’Envolée » !

    Un cocktail de sentiments lorsque l’on tourne les pages de ces magazines, amoncellement de bribes de vie, de vérité, maillage de papier ô combien résistant d’une solidarité à l’ombre, caisse de résonance de la voie des années car condamnés, ô combien détestés par cette infâme institution qui s’alimente de la souffrance humaine.

    « L’Envolée » à son corps défendant et comme cet oiseau noir d’une intelligence rare que l’on considère à tort être de mauvaise augure !

    « L’Envolée » tel un corbeau porte l’ingéniosité, l’abnégation de la « populace » mais aussi ce sentiment particulier que l’on ressent avant d’apprendre de tristes nouvelles, comme une « mauvaise augure ».

    Merci à L’Envolée car peu importe la dureté de l’information, savoir est le premier pas nécessaire sur la route de la lutte.

    Grosse force aux familles qui ont perdu des proches victimes de la violence non pas aveugle mais au contraire consciemment appliquée, dirigée contre les humains sur qui ne souffle plus le vent de la liberté.

    Refus d’accès aux soins, coups, leur système tue et ils le savent. Une pensée pour le frérot Théo Sahna, décédé à Fresnes et dont le récit du décès fait par l’administration pénitentiaire est totalement contredit par les témoins. 

    Que dire de plus : ils n’ont pas apprécié que je prenne le stylo, alors voilà, puisqu’ils nous lisent, qu’il n’y ait aucune ambiguïté : entendez le vertige, Kundera dit « la voix du vide » c’est ici la voix de l’ombre, de ceux que vous souhaitez cacher, dissimuler.

    Le silence fracassant des coups de pieds dans les portes, des mots, des idées, qui sortent de derrière vos murs et auquel chacun peut se rattacher. Le silence turbulent dont seule la privation de liberté a le secret. Vous voulez interdire, censurer car vous connaissez la puissance des mots qui reflètent la vérité. 

    Du fin fond d’un QI à tous ceux que l’on appelle « personne détenue » mais qui pour eux ne sont personne si ce n’est un numéro d’écrou et un pécule. 

    Je vous dit, les humains, ne lâchez rien, on est ensemble, ne lâchez rien ! 

    Un jour de plus, un jour de moins, mais un jour de trop.

    En deçà du réel

  • Deux lettres de la Maison d’Arrêt de Caen pour y dénoncer les conditions infâmes d’enfermement

    Deux lettres de la Maison d’Arrêt de Caen pour y dénoncer les conditions infâmes d’enfermement

    Une lettre et un poème qu’on a reçu de la maison d’arrêt de Caen qui décrivent les mêmes horreurs quotidiennes que doivent y subir les prisonniers. On les avait lues et discutées dans l’émission du 7 octobre 2022 (à réécouter ici). On peut lire ici le texte qu’avait fait sortir des prisonniers de cette taule il y a un an pour rendre hommage à Youssef, mort entre ces murs, et auquel il est fait référence dans la première de ces lettres. On y lit aussi un petit aperçu de la censure du dernier numéro du journal et du prétexte qu’elle a offert aux matons pour mettre la pression. On sait que c’est bien la merde dans toutes les maisons d’arrêt mais ça fout quand même bien les boules de lire les abus quotidiens de la matonnerie. Force et courage à eux !

    3 juillet 2022, MA de Caen

    Gros big up à l’Envolée !

    J’écris depuis la maison d’arrêt de Caen (Duparge), l’omerta carcérale fait loi ici, comme dans la majorité des prisons en France. Mais ici on est un peu plus gâtés, laissez moi vous en raconter quelques-unes:

    • Les suicides, les matons fachos-fachés qui y poussent. On oublie pas le poto Youssef mort au 3ème étage du bâtiment Grande Galerie qui a été poussé à bout!
    • Des parloirs sans boxes ni séparation. Aucune intimité pour les familles, les tables sont espacées de 50cm entres elles, on doit gueuler pour s’entendre, surveillés par une matonne de des caméras.
    • On a ni UVF ni parloirs familiaux pouvoir profiter de nos proches avec un minimum d’intimité.
    • Les matons qui ouvrent les fenêtres des coursives pour fumer, les pigeons entrent. Les coursives et les escaliers sont couverts de merde de pigeon. Il y en a partout, pratiquement jusque dans la gamelle!
    • Des cours de promenade dégueulasses, avec un robinet pour tout le monde avec un mini filet d’eau calcaireuse imbuvables quand elle n’est pas coupée.. Un pissoir par promenade surveillé par caméra, toujours bouché. Les auxiliaires font avec les moyens du bord et se retrouvent à devoir les vider avec une éponge et un seau, c’est inhumain.
    • Pas de frigo parce que l’installation électrique est vétuste, on a droit de cantiner une glacière électrique (49.99 euros) pour ceux qui en ont les moyens!
    • L’ouverture des cellules à des heures pas possible pour les fouilles. Parfois c’est à 23h et quand ça leur dit ils le font à 6h du matin.
    • Les cabines téléphoniques sont tout le temps en panne et fonctionnent à moitié quand elles ne le sont pas.
    • Les bâtiments aux normes de 1945, la mentalité des matons date visiblement de la même période. Il n’y a que l’uniforme qui change.

    Et puis comme dans d’autres prisons, la censure du journal du mois de juin… Arrivée un peu tardivement ce qui nous a permis tout de même de lire l’article de Libre Flot. Mais voilà, mi-juin la censure est tombée et une fouille a été demandée pour chaque détenu abonné. Quelle belle surprise de rentrer de promenade et de voir la cellule retournée, comme s’ils cherchaient un portable ou des stups! Mais merde vous êtes si dangereux que ça les potos ? Lol.

    J’ai su par ma femme que d’autres prisons ont suivi, que les censures étaient tombées. Ça vient de la CGT pénit’ ?

    C’est dommage qu’ici on capte pas l’émission de radio. Alors on verra pour le prochain journal si on finit pas tous au mitard.. LOL

    3 juillet 2022, MA de Caen

    Je dis bonjour à l’Envolée

    Je voudrais qu’vous m’épauliez

    Je vais tout vous raconter

    Ça m’fait pas rigoler

    Oui ça nous sert la gamelle

    Oui ça nous prend pour des chiens

    Et t’as pas vu les matons

    Ils font les fachos toute l’année

    Moi j’ai bien analysé

    Eux ils n’aiment pas les arabes

    J’me rappelle j’ai cantiné

    Et ils ont enlevé tout mon rabe

    J’avais pris des Malboro

    Et beaucoup de Philip Morris

    Ils m’ont dit que c’était trop

    Je ne m’appelle pas Boris

    Et attends y’a la promenade

    Où y’a vraiment rien à faire

    Nous on fabrique des ballons

    Pour le moment ça fera l’affaire

    Si jamais tu veux pisser

    Dans la promenade le pissoir

    La vie d’ma mère c’est bouché

    Et c’est vraiment dérisoire

    Oh putain le robinet

    Qui s’trouve à l’opposé

    Moi j’ai connu des chaleurs

    Où il nétait pas allumé

    Moi j’avais ma bouteille d’eau

    Je pouvais pas la descendre

    Ils sont vraiment déterminés

    Ils veulent nous réduire en cendre

    Car ceci n’est pas le pire

    Ils veulent nous faire peur

    Et y’en a pour qui ça marche

    Je remonte de promenade

    Des pigeons dans l’batiment

    Et ça nous sert la gamelle

    Accompagnée de leurs excréments

    (Texte non fini pour l’Envolée. Je vous l’envoie dans l’urgence des conditions de détention que nous subissons)

  • La séparation des « proches » au quotidien : lettres d’Emma.V

    La séparation des « proches » au quotidien : lettres d’Emma.V

    L’administration pénitentiaire appelle « proches » les personnes qui soutiennent les enfermés jour après jour… mais elle les en éloigne systématiquement, parfois pour des années. Incarcérée aux Baumettes, Emma.V raconte la souffrance continue de cette séparation ; les quelques bouffées d’oxygène apportées par les parloirs, les UVF (Unités de vie familiale), les relais parents-enfants ou les perm n’enlèvent rien à la violence du retour en cellule.


    « Deux ans que je serai loin de mes princesses, jamais je ne vais me remettre d’une telle souffrance »

    Lettre lue à l’émission du 7 janvier 2022.

    Centre pénitentiaire de Marseille-Les Baumettes,

    Le 10 décembre 2021

    Bonjour L’Envolée,

    Je reçois avec plaisir votre petite carte, le petit rayon de soleil de la journée. À chaque fois que je reçois l’un de vos courriers je vous réponds aussitôt. [Du courrier s’est mystérieusement égaré.] Je me souviens que la dernière fois que j’avais reçu votre lettre, elle est partie dès le lendemain… Imaginez ici, on n’est même pas libre d’écrire librement !

    Pour répondre à votre carte, bien sûr que le mois de décembre est très dur… Ici tu dois supporter l’insupportable. En ce moment mon moral est à la baisse. Mes filles me manquent terriblement. Elles sont venues me voir le 1er décembre au relai parents-enfants, la seule chose qu’ils ont fait de bien ici, c’est une salle adaptée avec des jeux… J’étais heureuse de les voir bien sûr, mais quel sentiment de haine envers moi-même. Elles ont tellement grandi, j’ai tout loupé, j’ai mal, tellement mal à l’intérieur.

    Et ici aucun travail, très peu de formation même aucune ! Peu d’activités. J’en peux plus vraiment, après ici ils te parlent de réinsertion.

    Ça, plus tout ce que tu vis et vois au quotidien, je sais que ça me laissera d’énormes blessures intérieures. Je vous remercie du fond du cœur pour votre force et votre soutien. Comment voulez-vous, avec tout ça, ne pas lâcher l’affaire ?

    Le 18 décembre, deux ans que je serai loin de mes princesses. Jamais je ne vais me remettre d’une telle souffrance.

    Voilà.

    À très vite de vous relire, et surtout passez de bonnes fêtes de Noël et de fin d’année si je ne vous relis pas avant.

    Emma.V



    « Ce qui me détruit c’est à chaque fois que je vois mes filles, voir à quel point elles ont grandi »

    Lettre lue à l’émission du 1er avril 2022.

    Centre pénitentiaire de Marseille-Les Baumettes,

    Le 13 mars 2022

    Coucou L’Envolée !

    La détention détruit, l’enfermement te rend fragile, nerveuse. Des fois tu exploses pour un rien. C’est dur très dur. Ce qui me détruit en particulier c’est à chaque fois que je vois mes filles. Voir à quel point elles ont grandi. J’ai laissé un bébé de quatre mois et elle va avoir trois ans en mai. Imaginez. J’ai tout loupé… et ça, ça fait mal.

    J’ai bien eu mon UVF le 26 février, tout s’est bien passé. C’est là que je m’aperçois que mon mari est vraiment courageux. Les trois petites sont assez dures. Avec leur papa c’est des princesses donc elles n’écoutent pas grand-chose. Elles me manquent tellement.

    J’ai écrit à ma fille une carte d’anniversaire, elle ne l’a jamais reçue ! C’est dégueulasse !

    Voilà je vous remercie beaucoup à chaque fois de me mettre un timbre. Je galère tout le temps à en trouver. C’est horrible d’être démunie !

    À très vite,

    Emma.V


    « Ma place, ma vie n’est vraiment pas d’être dans cette prison de merde »

    Lettre lue à l’émission du 10 juin 2022.

    Centre pénitentiaire de Marseille-Les Baumettes

    Ma première permission

    Avril 2022

    Après deux ans et quatre mois d’enfermement, j’ai pu bénéficier d’une journée de permission. La première. 9h-19h une vraie bouffée d’oxygène. Une grande remise en question également. Quand on passe une journée dehors et que l’on doit revenir, le soir, on se rend compte que la liberté n’a pas de prix. Ma place, ma vie n’est vraiment pas d’être dans cette prison de merde.

    La dérention nous fait prendre conscience de nos erreurs certes, mais on est H24 en stress, le bruit des clefs, toute cette souffrance à l’intérieur de ces murs, cette violence verbale et psychique c’est horrible.

    J’ai l’impression d’avoir tout perdu et pourtant mon mari est toujours là, seul avec nos trois petites princesses. Elles me manquent tellement.

    Mai 2022

    Chaque matin, dès 7h, on est dans le stress. Les bruits des clefs arrivent. Ce bruit de clefs restera gravé dans notre tête, un bruit pour lequel on restera marquées.

    À peine réveillées il faut sortir notre poubelle. Parfois, un peu d’humanité un « bonjour », parfois rien.

    Supporter l’insupportable

    Certaines surveillantes respectent notre sommeil, d’autres nous allument la lumière en plein sommeil lors de leurs rondes : 23h, 3h, 6h. Pire que de la torture.

    Je suis épuisée d’ici, ça crie tout le temps le soir jusqu’à pas d’heure. Les filles s’insultent pour une cigarette ou du tabac. Une fatigue intérieure tellement profonde…

    Emma.V

    Dessin d’Emma.V, le15 février 2022.
  • Mourir à petit feu : trois lettres de prisonnier·e·s longues peines

    Mourir à petit feu : trois lettres de prisonnier·e·s longues peines

    Trois prisonnier·e·s condamné·e·s à de longues peines disent le temps qui détruit leur vie et celle des autres prisonnier·e·s, ces peines interminables qui dissipent tout idée de « réinsertion », mais surtout, qui tuent à petit feu, anéantissent les facultés physiques et intellectuelles. Cesario en arrive même à interpeller les institutions de l’État pour revendiquer le droit à mourir – comme les dix prisonniers de la centrale de Clairvaux qui écrivaient le 16 janvier 2006 :

    "À ceux de l'extérieur osant affirmer que la peine de mort est abolie. Silence ! On achève bien les chevaux ! Nous, les emmurés vivants à perpétuité du centre pénitentiaire le plus sécuritaire de France (dont aucun de nous ne vaut un Papon), nous en appelons au rétablissement effectif de la peine de mort pour nous."

    La guillotine certes n’existe plus ; mais la peine de prison à vie, c’est-à-dire de prison jusqu’à la mort, l’a remplacée à coups « de mois qui paraissent être un an » comme l’écrit Céline ci-dessous, avec un tranchant tout aussi morbide. Ces courriers font hélas écho aux dits et écrits de prisonnier·e·s rassemblés dans le livre La peine de mort n’a jamais été abolie.


    « La vie continue, mais nous, on stagne au jour de notre incarcération »

    Lettre de Céline

    Publiée dans le numéro 55 de L’Envolée, et lue à l’antenne le 4 février 2022.

    Centre de détention de Rennes,

    Le 19 mars 2022

    Salut l’équipe,

    J’ai encore dix longues années à tenir dans ces lieux. J’en ai effectué que deux et demi sur les seize ans de départ. Je ne serai aménageable qu’en 2026. Le temps est long. Dans ces lieux, un mois paraît être un an, alors je mets à profit ce temps pour comprendre ce qui m’a conduit ici et pour « préparer » tant bien que mal ma sortie.

    Cela fait un an que je suis à Rennes (avant j’étais à la maison d’arrêt pour femmes de Limoges), le plus grand centre de détention pour femmes de France et apparemment d’Europe. Laissez-moi rire. L’administration pénitentiaire est pire que ce que j’ai connu en maison d’arrêt. Voilà deux semaines que j’attends pour enregistrer un numéro de téléphone, cinq mois d’attente et certainement plus pour un droit de visite. Des demandes sans réponses. On m’avait dit, avant mon transfert : « les numéros de téléphone suivent ». Et bien ici, non. Alors qu’à Fresnes, à Jullouville, à Poitiers, et j’en passe, ça suit. Quand je parle aux filles qui ont connu d’autres maisons d’arrêt, d’autres centres de détention, dès lors qu’on est condamné, on n’a plus besoin de fournir de factures pour enregistrer les numéros. Mais ici il le faut. C’est incompréhensible.

    En ce qui concerne le taf, il n’y a pas de travail pour toutes. Il y a une vingtaine de places au façonnage où l’on fait du travail à la pièce, coller des blocs sur des pochettes, plier des documents pour faire des pochettes à rabats ou des dossiers, faire des disques stationnement, enrouler des affiches pour des magasins, mettre des documents sous film. Il y a environ quarante places à la confection : draps, serviettes pour les prisons, uniformes pour les matons, matelas, et quelques commandes pour des entreprises privées. Ensuite, il y a les auxi pour le repas, le ménage, la désinfection. Ensuite, il y a la cuisine et deux ou trois filles pour les cantines. Il y a deux ou trois formations rémunérées. Pour les autres, ce sera soit l’indigence, soit des personnes à l’extérieur s’il nous en reste, quand elles peuvent et qu’elles nous font des virements.

    Comment s’intégrer dans notre famille quand on est au téléphone ?

    Il faut un projet pour la sortie, mais comment mettre un projet en route quand on n’a pas les formations nécessaires ? Comment se renseigner quand on n’a pas accès aux informations ? Quand je vois des filles qui sont là depuis dix, quinze, vingt ans, comment les réinsérer dans un monde qui a totalement changé ? Ces filles qui n’ont pas connu internet et les téléphones portables, comment vont elles être autonomes et se servir de ces technologies qui sont tellement importantes aujourd’hui et pour lesquelles elles ne connaissent rien ? Ça me fait peur pour elles, mais aussi pour moi : dans dix ans, tout aura changé. C’est la vie ! Comment s’intégrer dans notre famille quand on est au téléphone ?

    Dehors la vie continue, mais nous on stagne au jour de notre incarcération. Oui, la sortie me fait plus peur que de rester ici, mais pourtant j’ai un désir beaucoup plus grand d’être libre. C’est paradoxal et difficile à vivre.

    En ce qui concerne le CGLPL (Contrôleur général des lieux de privation de liberté), on se tourne vers eux mais si on sait que ça sert à rien, mais surtout parce qu’on ne sait pas vers qui se tourner pour revendiquer ce qui nous semble injuste, ignoble. Alors on écrit au CGLPL ou à l’OIP (Observatoire international des prisons). Si les gens savaient vraiment ce que l’on vit, ce que l’on paie, et le prix, ce que l’on touche… Même ça, est ce que ça aurait un impact ?

    Céline


    « Des vieux que l’on a laissés crever »

    Lettre lue à l’antenne le 10 juin 2022.

    Centre de détention de Bédenac,

    Mai 2022

    Bonjour,

    Je suis dans la prison où il y a eu pas mal de problèmes, avec des vieux que l’on a laissé crever. J’ai vu ce qu’il y a de pire. Et aujourd’hui encore, exemples :

    • un codétenu cardiaque, avec les poumons foutus, et un demi-cœur qui fonctionne, qui n’a aucun suivi depuis un an qu’il est ici
    • un autre, polytraumatisé, avec le cerveau d’un enfant enfermé sans suivi

    Et le pire, c’est que le SPIP (Service pénitentiaire d’insertion et de probation) ne sert à rien, le médical c’est du n’importe quoi depuis que le médecin que l’on avait est parti. Pour savoir ce qu’il s’est passé, vous n’avez qu’à regarder sur le net : Bédenac, CGLPL, « maltraitrance sur les personnes âgées ». Je fais partie de principaux donneurs d’alerte au CGLPL, avec aussi l’ancien médecin du site. J’appelais tous les jours le CGLPL, et avec des courriers de suivi. Du coup, après cette visite de contrôle, du CGLPL, je vous explique pas, je suis très mal vu de la direction. Heureusement que les surveillants me comprennent, sauf deux ou trois qui n’ont rien compris. Mais si je devais recommencer, je le ferai car c’est inhumain ce qu’il se passe. On a été condamnés à la prison, pas à la peine de mort ! C’est que, ici, on peut se poser la question.

    Dans ce pays, il y a un sacré nombre de fachos !

    Vous savez, un autre exemple : un détenu qui me traite de « sale juif », qui fait des saluts nazis, des propos insultants sur les juifs. Et là, personne ne fait rien ! On le laisse faire. Pas besoin de se demander pour qui vote la direction de cette taule. Il ne fait pas bon être juif et étranger ici.

    En gros, c’est la merde totale, sauf les cellules et les bâtiments. En fait, c’est comme les bonbons à l’orange sanguine : l’emballage est beau, mais sans l’emballage c’est amer. C’est pour cela que je n’en peux plus. Je suis triste de cette vie et de ce monde qu’on laisse à nos enfants. On nous abreuve d’informations de guerre, de haine. Dans ce pays, il y a un sacré nombre de fachos ! Et tous ces gens qui crèvent dans le monde de faim, de la guerre, quelle honte !

    Je vous remercie pour votre réponse, à bientôt.


    « La peine de mort ayant été abolie en 1981, une peine de détention jusqu’à la mort a remplacé celle-ci dans les faits »

    Lettre de Cesario

    Lettre lue à l’antenne le 17 juin 2022.

    Dans une prison du sud de la France, quartier d’isolement,

    Mai 2022

    À mesdames et messieurs les représentants de la nation française, élu·e·s aux élections législatives de juin 2022,

    Je rédige ce courrier depuis la cellule d’un quartier d’isolement d’un centre pénitentiaire du sud de la France. J’ai écrit précédemment plusieurs courriers aux différents ministres de la Justice successifs. Au dernier en poste aussi, après la visite qu’il a effectué dans cet établissement quelques semaines en arrière, sans un regard sur ce quartier d’isolement situé à 50 mètres à peine de son parcours balisé ! J’écris donc ce jour à ceux qui véritablement s’intéressent et s’investissent réellement dans la défense des droits et conditions de vie en détention, comme l’OIP-SF et le trimestriel Dedans-dehors, que je lis depuis de nombreuses années. Si ma lettre paraît, vous en prendrez connaissance. La CGLPL recevra une copie de ce courrier. Nous sommes actuellement 501 détenus condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité en France. Pour certains, les plus anciens, la fin de vie est proche mais leur état physique ne leur permet pas une libération, ils attendent la mort dans les « EPHAD » pénitentiaires.

    Tous savent, et moi le premier, que je n’ai désormais plus aucune perspective d’avenir en liberté

    Pour d’autres, dont je fais partie, nous sommes encore en bonne santé apparente. Mon cas personnel est tout de même atypique. Condamné en 1988 à la réclusion criminelle à perpétuité pour des faits datant de 1986. Je fus libéré deux fois en libération conditionnelle, en 2007 puis une seconde fois en mars 2019. En novembre 2019 j’étais à nouveau réincarcéré et je viens de voir ma conditionnelle révoquée en totalité. Sans rentrer dans les détails, tous savent, et moi le premier, que je n’ai désormais plus aucune perspective d’avenir en liberté. À 62 ans et trente-huit années de détention effectives, je souhaite comme certains autres détenus ayant mon profil de peine, que nous soient accordé le droit de partir en bon état, en utilisant un procédé létal et légal de fin de vie. Je suis encore en capacité de faire ce choix, et vous élus du peuple, êtes en capacité de faire adopter une loi le permettant. La peine de mort ayant été abolie en 1981, une peine de détention jusqu’à la mort a remplacé celle-ci dans les faits.

    Vous pouvez l’ignorer, mais c’est un fait établi dont personne ne parle. N’attendez pas comme d’habitude qu’un très grave fait divers intramuros vous oblige, sous la pression médiatique, à vous pencher sur ce dossier de la fin de vie des très, très longues peines. J’en terminerai en citant Cioran :

    "Je ne vis que parce qu'il est en mon pouvoir de mourir quand bon me semblera : sans l'idée de suicide, je me serais tué depuis toujours."

    Salutations à toutes et tous,

    Cesario

  • Expérimentations sécuritaires et violences pénitentiaires : lettres sur le QI et le mitard

    Expérimentations sécuritaires et violences pénitentiaires : lettres sur le QI et le mitard

    Le QI (quartier d’isolement) et le mitard sont les parties de la prison les plus propices aux violences pénitentiaires. Francis Dorffer explique comment les QI deviennent de plus en plus invivables, au rythme de la diffusion progressive des nouvelles logiques sécuritaires. Beaucoup de morts en prison ont lieu à l’isolement ou au mitard, comme le dit Kémi dans une lettre écrite le 29 mai 2022 à l’occasion de la journée nationale contre les violences pénitentiaires. Anonyme, une quatrième lettre revient sur le caractère systémique des violences contre les prisonnier·e·s, spécialement au QI.


    « À chaque transfert, je recommence le circuit de la mort à zéro »

    Lettre de Francis Dorffer

    Nous avons publié au début de l’année une lettre ouverte de Francis écrite en décembre 2021 depuis Saint-Maur. Transféré à Arles, il continue à y subir la gestion toujours plus sécuritaire des QI. Cette première lettre a été lue à l’antenne le 18 mars 2022.

    Maison centrale d’Arles, quartier d’isolement,

    Le 15 février 2022

    Aujourd’hui en prison, on n’y fait plus attention, mais la sécurité prend une place de plus en plus énorme et déshumanise tout. Depuis un certain temps, au nom de la sécurité, on a laissé tomber toute forme de sympathie ou même d’humanité. Depuis bientôt trois ans, je vis à l’isolement enfermé 24 heures par jour. C’est par une trappe dans la porte que je dois passer mes mains pour être menotté dans le dos, par des casqués équipés de boucliers, pour sortir de cellule. Comment me sentir bien ? Comment résister et ne pas tomber dans la haine, dans la violence ? Je résiste sans dire un mot. Malgré les années qui sont passées, à chaque transfert, je recommence le circuit de la mort à zéro.

    Exemple : ici, on m’a mis dans une cellule dite « de force », où la fenêtre ne s’ouvre presque pas, les toilettes et le lavabo sont dans du béton, il n’y a aucun meuble à part une table en ferraille attachée au sol. Et le pire, je suis menotté à chaque sortie de cellule par des surveillants qui me tiennent par chaque bras. Imaginez un rendez-vous ! La personne vous voit arriver avec cinq surveillants équipés comme des robots ! Super, les entretiens menottés dans le dos. Au dentiste les menottes me rongent la peau car je suis assis dessus, et je me casse les poignets. Je pense que les directions qui prennent ce genre de mesures contre moi ne se rendent même plus compte qu’ils participent à un acharnement et cela commence à me ronger.

    Je vis en détention depuis vingt-deux ans. J’ai passé plus de temps en prison qu’à l’extérieur, j’ai été condamné à une peine qui est la plus longue infligée en France. En tout, quatre-vingt-six années de détention ont été prononcées contre moi et j’ai encore un jugement en attente. Pour ceux qui ont du mal à y croire, qu’ils contactent mes avocats ou qu’ils regardent sur le net.

    Quand j’entends que la France est un pays fondateur des droits de l’homme, ça me dégoûte. Et mes droits, ils sont où ? Ah, je suis un taulard, donc je peux m’asseoir dessus ? Les gens pensent : « il est en prison, il l’a bien mérité », mais non ! J’ai pas mérité d’être condamné à autant. J’ai pas versé une seule goutte de sang. Dans mes prises d’otages, je n’ai pas frappé une seule fois un otage ! Pourtant on m’a condamné comme si j’avais tué cent fois, et c’est ma quinzième année de détention au QI, et actuellement j’en suis à la troisième d’un trait. Menotté et baluchonné chaque année, car à chaque fois on me dit : « reste tranquille et on va enlever les menottes », arrivé quelques mois on me met les menottes devant, puis paf on me transfère ailleurs et arrivé dans une nouvelle prison on me dit :

    "On te connaît pas, donc on repart sur le menottage dans le dos, si tu reste tranquille on verra pour te les mettre devant !"

    Que la France arrête de faire semblant d’être un pays humain et surtout qui respecte les droits de l’homme. Ça fait 22 ans que je suis en prison et chaque jour on m’attache comme un chien ! C’est ça, se réinsérer, les gens ! En les attachant dans le dos ! En les éloignant de leurs familles, en les laissant des années au QI, en les laissant sans rien. Bref, ce que je sais, c’est que c’est pas comme ça qu’ils vont me casser !

    Force et courage à tous, soyez forts, et si besoin écrivez-moi, je répondrai.

    Francis Dorffer


    En direct des abattoirs français

    Lettre de Francis Dorffer

    Nous avons publié au début de l’année une lettre ouverte de Francis écrite en décembre 2021 depuis Saint-Maur. Transféré à Arles, il continue à y subir la gestion toujours plus sécuritaire des QI. Cette seconde lettre a été lue à l’antenne le 18 mars 2022.

    Maison centrale d’Arles, quartier d’isolement,

    Le 20 février 2022

    Aujourd’hui, la prison a pris un tournant ultra-sécuritaire. C’est de plus en plus inquiétant : en 2022 le budget pénitentiaire a voté 145 millions d’euros rien que pour le volet sécuritaire ! Quand le budget pour les alternatives à la prison s’élèvent à 300000 euros ! Ou la prévention de la récidive : 90 millions ! C’est hallucinant. À ces deux catégories, on n’arrive même pas au budget alloué pour la sécurité. Alors que les deux sont essentiels. Sur le terrain, la hausse de l’hyper-sécuritaire se fait ressentir chaque jour un peu plus.

    Quand on se penche un peu sur les quartiers d’isolement… Pour être concret : il y a quinze ans, j’étais en QI dans des maisons d’arrêt. Il n’y avait pas de système de trappes aux portes. Aujourd’hui, 90% des QI sont munis au moins partiellement de ces trappes ! Et ce qu’il se passe, c’est que dans beaucoup de QI, vu qu’il y a ces trappes aux portes, les agents n’ouvrent quasiment plus les portes. La facilité de venir seul et de distribuer le courrier, les cantines ! Voire dans certains cas, les repas. Et l’humain disparaît petit à petit. Même des audiences sont faites par les trappes ! Et je ne suis pas une exception. Des détenus traités comme moi, il y en a de plus en plus… Il faut que ça cesse ! On a pas le droit de laisser des êtres humains comme ça ! Le contact avec les surveillants ne fait plus que le bruit de la ferraille des menottes et le claquement des boucliers, chaque jour depuis trois ans. Et je vous le dit, il y a des centaines de détenus qui vivent ça. Mais les pauvres ont tellement laissé le temps passer que pour eux, c’est normal ! C’est devenu banal de laisser les gens mourir à petit feu comme ça.

    Et quand il y a des incidents, on relance les vieux débats, les manques de moyens, etc. Non ! Stop ! Aujourd’hui le directeur d’une prison peut placer un prisonnier au QI, le faire menotter, lui imposer des agents équipés casqués avec boucliers, lui imposer des heures de sortie (1 heure du matin !), le mettre en position animale ! Et après ils vont dire : « regardez, le mec est violent ». On fabrique des bombes humaines et quand elles explosent on se demande comment c’est arrivé. Non, vraiment, stop ! Il est temps de traiter les détenus comme des humains et de leur laisser l’espoir, la vie est déjà assez compliqué pour nous. Il faut que ça cesse ! Venez voir !

    Merci à tous,

    Francis Dorffer


    Le mitard et l’isolement

    Lettre de Kémi

    Kémi écrit dans cette lettre, lue à l’émission du 20 mai 2022, qu’il est sorti d’isolement peu de temps avant, en janvier 2022. Cependant, l’AP a depuis décidé de l’y remettre au courant de l’été 2022...

    Maison centrale de Saint-Maur,

    Mai 2022

    Bonjour à tous,

    Je vous écris de la centrale de Saint-Maur, je m’appelle Mickaël, j’ai 33 ans et ça fait dix ans que je suis en cellule, et il me reste encore dix ans sur le papier, tout ça pour vous dire que je connais bien le mitard et l’isolement. D’ailleurs, récemment je suis sorti de l’isolement après un bref séjour de deux ans, le mitard je connais que trop bien aussi malheureusement, j’ai même connu les fameux 45 jours fermes de cachot ! Un mois et demi enfermé dans 3 m² avec rien, même la radio ils font galérer pour nous la donner !

    La France devrait fermer ces lieux sombres, sérieux

    L’isolement en France c’est quoi ? C’est ni plus ni moi que les QHS (quartiers de haute sécurité) des temps modernes ! On est 23H/24 enfermés en cellule, impossible de voir à quoi ressemble ton voisin de cellule, et si tu parles à la fenêtre faut faire très attention à tes propos et avec qui tu les tiens pour éviter que l’AP te colle une étiquette chelou sur ton dos ! Si tu t’énerves faut être préparé car ils entrent dans ta cellule avec le bouclier et les tenues pare-coups, et te sautent dessus, donc quitte à faire du mitard, autant y aller pour une raison valable…

    Ça peut paraître brutal, mais en vrai vous êtes loin de la vérité, c’est encore plus brutal. Je m’exprime pas très bien, mais c’est des abattoirs à détenus. Regardons la vérité des choses, la plupart du temps, quand un détenu perd la vie, c’est soit au mitard, soit à l’isolement, ou alors par un incendie dans la cellule…

    L’isolement et le mitard en France, ce sont des lieux où l’on se sert des détenus comme des cobayes, ils essayent de vous shooter avec des médocs, ou alors ils te piquent, c’est la camisole de force par injection, c’est des oufs ! La France devrait fermer ces lieux sombres, sérieux, vous ne pouvez pas imaginer ce qui s’y passe !

    Oui c’est vrai, à l’isolement, on a le droit à la télé et aux cantines mais si tu bosses pas et que t’as pas de soutiens à l’extérieur tu fais comment ? Rares sont les quartiers d’isolement où tu peux bosser, la télé n’est pas gratuite, c’est 20€ par mois, et même si t’as la télé tu peux passer plusieurs années à l’isolement coupé de tout, si tu commences à parler à ta télé et que tu attends une réponse, ben, pose-toi les bonnes questions !

    J’ai vécu une nuit au mitard en 2014 où je me suis battu pour ma vie, merci à mes voisins qui ont fait le bordel

    J’ai personnellement côtoyé l’isolement, j’ai passé plusieurs années dans ces mouroirs. Le mitard c’est pareil, on doit rester sur nos gardes 24H/24. Pour tout vous dire, j’ai vécu une nuit au mitard en 2014 où je me suis battu pour ma vie, et merci à mes voisins qui ont fait le bordel quand ils ont entendu la bagarre dans ma cellule, à cette époque j’étais le détenu à briser voir plus après une prise d’otage dont j’ai été l’auteur, quand on joue avec l’AP, on joue sa vie !

    Bref, j’espère que ces quelques mots permettront de voir un peu ce qu’est l’isolement et le mitard… Force, courage et honneur pour tout·e·s les détenu·e·s de France et leurs familles !

    Mickaël, AKA Kémi


    « S’adapter, ne pas s’habituer »

    Lettre d’un lecteur anonyme de L’Envolée

    Cette lettre a été lue à l’émission du 17 juin 2022.

    Dans une prison de France, quartier d’isolement,

    Juin 2022

    Salam, peace à toute la populace,

    Je suis un lecteur assidu de L’Envolée, un révolté de nature, qui au fur et à mesure vire entre haine et dégoût. Innocent ? Nan, sûrement pas, et alors ? Non coupable ? Ça dépend des points de vue. Plus de sept ans de détention, six ans d’isolement ininterrompu, réclusion criminelle à perpétuité, la trentaine, nice to meet you.

    Je suis en ce moment dans une cellule d’isolement. Force à tous ceux qui sont dans ce cas. La fenêtre s’ouvre à peine suffisamment pour passer la main, ni un oiseau ni un singe et, malgré tout le respect que j’ai pour eux, j’ai l’impression d’être un animal dans un zoo. Drôle de situation quand un directeur vient vous accueillir à votre arrivée en disant : « alors, c’est vous ? », avec le regard que l’on pourrait porter sur un lion domestiqué ou non domestiqué dans une cage.

    Ces bleus, ces humains qui ne le sont que très peu au quotidien, agents et acteurs d’un racisme structuré

    S’adapter, ne pas s’habituer. J’ai vu au cours des années des détenus flancher psychologiquement, répondre à la violence institutionnelle (quand elle n’est qu’institutionnelle, ce qui est extrêmement rare), par la violence physique, souvent contre eux-mêmes, trop souvent contre eux-mêmes d’ailleurs. À l’égard des bleus, parfois ces bleus, ces humains qui ne le sont que très peu au quotidien, agents et acteurs d’un racisme structuré, nous les noirs ris de leurs blagues racistes de leurs collègues. Ces gens, ces bleus, très souvent instables, qui laissent libre cours à leur base instable à l’ombre de ce système panoptique, où force n’est pas à la loi, puisque ces lois ils les bafouent en permanence et que le détenu qui aurait l’outrecuidance de s’emparer de ces lois pour tenter de se défendre (je dis bien tenter) est immédiatement estampillé procédurier et les vexations ne font que se multiplier.

    Que dire des piqûres ? De la camisole chimique ? Que dire des décès ? Des meurtres maquillés en suicides ? De l’instrumentalisation de la bassesse humaine ? De l’utilisation des détenus contre d’autres détenus ?

    Et lorsque l’on a dit tout cela, que dire des QI ? J’y suis depuis six ans. On m’accuse d’être un roc, de ne pas faiblir, de ne pas craquer, d’être trop peu impacté après toutes ces années. Qu’on se le dise, je n’ai pas l’intention d’abdiquer : routine exigeante émaillée d’effractions de la part de soldats, plus exactement de marionnettes de l’injustice.

    L’instrumentalisation d’événements au profit du tout sécuritaire… Des débats contradictoires pour donner à tout cela un semblant de cadre légal. Pour ma part, je dis une chose simple quant à ces débats. Dire à son empoisonneur : « je connais ta recette » est inutile, puisqu’il ajoutera toujours un nouvel ingrédient à son poison. Lorsqu’on nous empoisonne, la meilleure façon de ne pas mourir, c’est d’arrêter de manger. Il faut donc ne plus accepter de subir. Stimulez votre intellect, maintenez votre physique en bon état, résistez de la manière la plus adaptée à votre situation… peu importe la manière et peu importe cette situation.

    Un grand salam à L’Envolée que je lis depuis longtemps, à qui je n’ai jamais écrit. C’était une présentation, peut-être que d’autres courriers suivront. Dans tous les cas, je ne souhaite pas que mon identité soit donnée si ce courrier devait être publié. Un grand big up de l’ombre pour les gens à la lumière, prenez soin de vous, je vous souhaite de sortir dans le meilleur état possible.

  • « Rejetée et refusée ! » Lettre de J.

    « Rejetée et refusée ! » Lettre de J.

    Nous avons publié dans le numéro 54 du journal et en ligne une lettre de J. qui expliquait que son ancienne co-détenue Kristina avait été enfermée en centre de rétention administrative (CRA) dès sa sortie de taule, puis assignée à résidence dans le département des Alpes-de-Haute-Provence. Étrangères, Kristina et J. demandent toutes deux l’asile en France, mais elles sont sous le coup d’une interdiction de territoire français (ITF), contre laquelle elles ont fait un recours. Depuis, les nouvelles sont mauvaises : leurs demandes d’asile et leurs recours respectifs contre l’interdiction de territoire ont été rejetés et refusés, comme l’explique J. dans une lettre lue à l’antenne le 4 mars 2022, publié dans le numéro 55, et reproduite ci-dessous.

    Centre pénitentiaire de Marseille-Les Baumettes,

    Le 22 février 2022

    Salut L’Envolée,

    Comment vous allez ? Je m’excuse de ne pas vous avoir répondu plus tôt. Il s’est passé tellement de choses que je n’étais pas d’humeur à écrire. Je me suis beaucoup isolée cette fois, mais maintenant je vais mieux ! 🙂

    Bon, concernant ma demande d’asile, elle a été rejetée aussi bien pour moi que pour Kristina. J’ai fait appel à la CNDA (Cour nationale du droit d’asile), maintenant j’attends une nouvelle date pour avoir une nouvelle audience. Quand à l’ITF, ils l’ont maintenue.

    L’audience a été terrible et le juge a été très sarcastique. Pour te donner une idée, il a commencé l’audience en disant : « Madame c’est marrant… tu apportes 30 kg de cocaïne en France et tu demandes l’asile ? » Donc, à partir de là, tu sais déjà !

    En décembre je suis descendue au CD0 (rez-de-chaussée du centre détention) et en janvier je suis montée au CD1. Le CD1 est très bien, parce que c’est portes ouvertes donc je peux me promener dans tout l’étage et le temps passe plus vite.

    Kristina va bien, mais après que l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides, devant lequel on passe pour la première audience d’une demande d’asile) a refusé notre demande d’asile, ils l’ont forcée à signer à nouveau dans le commissariat deux fois par semaine et elle ne peut pas quitter le département 04. C’est à cause de cela que je n’ai plus de parloirs.

    Il y a un grand manque d’information parmi les organisations françaises, c’est le bordel franchement !

    Comme nous avons fait appel avec la CNDA, la CNDA n’a pas prévenu la mairie… alors ils ont stipulé ces obligations pensant qu’elle n’avait pas fait appel. Du coup Kristina essaie de rentrer en contact avec la mairie pour régler ça.

    Cela fait trois ans que je n’ai pas dormi ailleurs que dans ma cellule

    Ce qui est bien avec toutes ces histoires, c’est que je suis au CD1 et début janvier j’ai eu un UVF (Unité de vie familiale) avec Kristina pendant 24 heures. C’était très bien et en même temps très étrange. Bizarre car cela fait trois ans que je n’ai pas dormi ailleurs que dans ma cellule. Les appartements UVF sont grands et comme j’ai l’habitude des 9 m², je pensais que tout était grand et j’ai fini par laisser tous les robinets ouverts ! À Kristina de les éteindre. MDR !

    Concernant la sortie des parcs des Calanques [organisée par la prison], la juge d’application des peines me l’a également refusée à cause de ma confirmation de l’ITF, disant que je m’enfuirais ! Cela n’a aucun sens, sachant que j’ai fait une demande d’asile.

    Ma vie entre novembre et fin décembre était basée sur le « rejetée et refusée » !

    Merci beaucoup pour toutes les lettres que vous m’avez envoyées, même si je n’ai pas répondu, cela fait du bien de savoir qu’il y a des gens qui pensent à nous.

    À bientôt ! 🙂

    J.