Saint Étienne, Paname, Nantes, Aubervilliers, Marseille, Villeurbanne, Lille, Rabastens, Bayonne… On continue de se balader pour présenter notre dernier livre, qui porte la voix de plus de 50 prisonnier·e·s qui rappellent que non, la peine de mort n’a jamais été abolie.
Mantes-la-Jolie Des prisons, pour quoi faire ? Mercredi 2 février à la librairie la Nouvelle réserve – à partir de 19h – 5, rue du maréchal Foch, Limay.
Du lundi 29 novembre 2021 au mercredi suivant, les sept matons qui ont causé la mort de Sambaly à la Maison Centrale de Saint-Martin-de-Ré en août 2016 comparaissaient devant le tribunal correctionnel de La Rochelle. Il est mort par asphyxie dans les mains des matons. Nous étions présent·e·s au procès pour soutenir les proches de Sambaly. Ces 5 heures d’audio, en cinq parties, c’est un montage de nos retours à chaud, après chacune des trois journées d’audience où nous avons accompagné les proches de Sambaly Diabaté.
Faisons un maximum de bruit sur cette nouvelle mascarade judiciaire. Force et courage à Oumou Diabaté et à ses proches !
Procès des matons homicides, part. 1 – L’Envolée Procès des matons homicides, part. 2 – L’Envolée Procès des matons homicides, part. 3 – L’Envolée Procès des matons homicides, part. 4 – L’Envolée Procès des matons homicides, part. 5 – L’Envolée
Mise à jour suite au délibéré du jeudi 27 janvier 2022 :
Quatre peines de douze à vingt-quatre mois de sursis ont été prononcées contre les surveillants, dont une est accompagnée d’une interdiction d’exercer pendant cinq ans. Les trois autres condamnés n’auront pas de restriction pour exercer leur métier à Saint-Martin de Ré. Trois autres accusés sont simplement relaxés. No comment.
Il est presque rentré partout à l’intérieur, et chez tous les abonnés ! Abonnez-vous et/ou commandez-le via contact@lenvolee.net ! Retrouvez les lieux de dif’ en cliquant ici. Au sommaire :
« L’émotion est à son comble », lettre de Nadia – p.5
La peine de mort n’a jamais été abolie, des prisonniers troublent la fête d’anniversaire – p.7 * Lettres de 2021 de L’Infâme, Francis, Mounir, Daniel et Kémi
Matons violents en procès et familles en colère – p.15 * Homicide à la centrale de Saint-Martin-de-Ré * « On en a marre qu’ils salissent nos défunts » par Charlotte
A l’isolement – p.18 * « La nécessité d’une mise à jour », lettre de Libre Flot * « Le QI peut abattre même les plus durs d’entre nous », lettre de Mickaël
Des nouvelles de l’ami Papillon – p.25 Traque, enfermement, expulsions… Violence d’état contre les étranger·e·s – p. 26 * « La pénitentiaire disait… », lettre de J. * « A chaque avion qui décolle, on panique », entretien avec S. * Refus de test PCR, par La Sellette * Une expulsion en quatre-vingts tours du monde, par B. « On ne se met pas à la place de la personne retenue en Ehpad », entretien avec Christine R. – p.34 Lettre ouverte d’une Gilet jaune contre la répression, par Nia – p.36
Notes sur le procès des révoltes provoquées par la mort d’Adama Traoré en 2016 – p.38 Transphobie en prison – p. 42 * « Criminaliser les femmes qui se défendent » à propos du procès de Jennifer * « Je ne me sens plus en sécurité depuis l’agression que j’ai subi », lettre de A.
Covid ou pas covid, ce qui ne varie pas, c’est le mépris – p. 45
« J’ai écouté l’émission, j’ai été très ému », lettre de Y. – p. 46
Coin lecture – p. 47
Merci à Nia, Léo, Laurent, Svink et aux colleur·euse·s pour les illustrations du numéro !
Édito L’Envolée 54 – novembre 2021
S’il y a bien un « lien indissoluble entre la dictature et la peine de mort » – dixit Robert –, qu’en est-il du lien indissoluble entre l’État – sous quelque forme qu’il se présente – et la violence systémique de ses agents en armes ? Entre l’État et la torture blanche soigneusement invisibilisée dans ses prisons ? Toutes les prisons sont des couloirs de la mort ! Nous avons tenté de faire vivre cette vérité avec la sortie d’un livre, des discussions publiques, des affiches sur les murs…
Au même moment, le budget pénitentiaire 2022 était examiné à l’Assemblée nationale et, toujours sans surprise, «l’extension du parc immobilier pénitentiaire» concentre l’immense majorité de ces fonds publics. L’autre gros poste de dépense, c’est la sécurisation des prisons. À croire que les conclusions des États généraux de la justice ont déjà été tirées : c’est la poursuite du programme pénal amorcé à la fin des années 1970, avec toujours plus d’enfermement préventif, plus de délits mineurs poursuivis et des peines qui s’allongent. Ce budget s’inscrit tout simplement dans la continuité d’une politique de surenfermement de la population : 49 000 prisonniers en 2001, 70 000 en 2020, 80 000 à l’horizon 2027 – sans aucun lien avec une quelconque évolution de la démographie ou de la « délinquance ». Le lien, c’est du côté de l’appauvrissement du plus grand nombre qu’il faut le chercher, tandis qu’une frange non négligeable de la grande bourgeoisie en profite en assumant de plus en plus ouvertement l’option fasciste.
« Il faut s’opposer au passe sanitaire qui nous habitue un peu plus au contrôle de nos déplacements », tentent de crier des manifestant·e·s. C’est vrai… mais nous nous sommes bien habitués aux tentes d’exilés lacérées par des fonctionnaires de police ; nous nous sommes habitués à laisser crever des gens trente ans en prison ; nous nous sommes habitués à voir dissoudre des associations « islamistes », « gauchistes », « islamogauchistes »… Nous nous sommes habitués à ce qu’on bâtisse des murs pour éloigner les usagers de drogues ; nous nous sommes habitués à ce que les mots changent de sens et qu’« antifa » veuille dire fasciste dans la bouche des éditorialistes de garde ; à entendre un ministre des migrations proférer que les « murs des camps protègent les migrants »…
Nous nous sommes habitués ? Qui ça, « nous » ? La « majorité » ? Ça reste à voir ! Des collectifs s’organisent ici et là contre les constructions de prisons à venir, des prisonniers et des prisonnières continuent de se battre à l’intérieur ; des Gilets jaunes mutilés, des proches, tués au mitard ou dans la rue par la police s’organisent pour combattre la violence de l’État ! Et ça fait tout de même du monde !
L’Envolée se veut un porte-voix pour les prisonniers et prisonnières qui luttent contre le sort qui leur est fait. Le journal publie des lettres, des comptes rendus de procès, et des analyses sur la société et ses lois. Il prolonge le travail mené par des émissions de radio qui maintiennent un lien entre l’intérieur et l’extérieur des prisons, hors du contrôle de l’administration pénitentiaire (AP). Le journal est réalisé par des ex-prisonnier·e·s, des proches de prisonnier·e·s et d’autres qui savent que la prison plane au-dessus de nos têtes à tous. Il est primordial de faire exister la parole des prisonnier·e·s qui sont les mieux placés pour décrire leur quotidien, dénoncer leurs conditions de détention, les violences qu’ils et elles subissent et critiquer la prison. Une parole qui sort de la prison constitue un acte politique qui dérange l’ordre des choses, surtout quand cette parole est collective. Nous sommes convaincu·e·s que les mots inspirent et nourrissent la lutte contre la justice et l’enfermement. La prison est le ciment nécessaire à l’État pour permettre au capitalisme de se développer. Prisons et justice servent principalement à enfermer la misère. En jouant son rôle de repoussoir social, l’enfermement carcéral produit la peur nécessaire au maintien de cette société. Ainsi la prison sert aussi à enfermer dehors. Ce journal existe depuis 2001 malgré les censures de l’AP, malgré les poursuites pour diffamation, malgré nos faibles moyens. Nous ne comptons que sur l’argent des abonnements extérieurs et des événements de soutien pour le financer. N’hésitez pas à écrire, à vous abonner et à abonner vos proches : pour les prisonniers et les prisonnières l’abonnement est gratuit.
Les décisions administratives refusant à une personne prisonnière de commander une revue ou de la détenir peuvent faire l’objet d’un recours administratif. Règlement intérieur type, Article 19, annexe de l’article R57-6-18 du Code de Procédure Pénale
Retour sur le procès de 7 matons qui ont tué Sambaly en août 2016 à la prison de Saint Martin de Ré, qui a eu lieu du 29 novembre au 1er décembre à la Rochelle. Appel et discussion avec Oumou, soeur de Sambaly.
Diffusion d’un enregistrement envoyé par l’assemblée d’Ile de France contre les centres de rétention (abaslescra.noblogs.org). Une personne récemment expulsée en Guinée, sans avoir fait de test PCR, revient sur son passage en CRA et la violence des expulsions.
L’Envolée est une émission pour en finir avec toutes les prisons. Elle donne la parole aux prisonniers, prisonnières et leurs proches & entretient un dialogue entre l’intérieur et l’extérieur des prisons. L’Envolée est aussi un journal d’opinion de prisonniers, de prisonnières et de proches.
Direct chaque vendredi de 19h à 20h30 sur FPP 106.3 en région parisienne et MNE 107.5 à Mulhouse, RKB 106.5 en centre-Bretagne lundi à 22h, Radio Galère 88.4 à Marseille le lundi soir à 23h, PFM à Arras et alentours 99.9 mardi à 21h30, Canal Sud 92.2 jeudi à 17h30 à Toulouse, L’Eko des Garrigues 88.5 à 12h le dimanche à Montpellier, Radio U 101.1 le dimanche à 16h30 à Brest, Radio d’Ici 106.6 à Annonay mardi à 21h30 et 105.7 FM & 97.0, à Saint-Julien-Molin-Molette dimanche à 20h et sur les webradios Pikez (dimanche à 11h) et Station Station (lundi à 13h). Podcasts disponibles sur toutes les plateformes !
Pour nous joindre : 07.53.10.31.95(whatsApp, telegram, signal, appels et textos). Pour écrire : Radio FPP – L’Envolée, 1 rue de la solidarité, 75019 Paris, ou encore àcontact@lenvolee.net et surinstagram, twitter, facebook & snapchat.
L’abonnement au journal est gratuit pour les prisonniers et les prisonnières. Les abonnements du dehors permettent ça. La censure qui frappe le numéro 52 ne concerne « que » ce numéro en détention. Contactez-nous !
Notre bouquin pour troubler la fête du quarantième anniversaire de la prétendue abolition de la peine de mort est sorti ! Une manière parmi d’autres, que nous espérons nombreuses, de faire entendre quelques voix dissonantes dans l’écœurante auto-célébration du pouvoir.
Ce livre réunit des paroles de prisonniers, de prisonnières et de proches publiées dans le journal depuis sa création en 2001 qui nous rappellent avec force qu’en réalité c’est seulement la guillotine qui a été supprimée en octobre 1981.
Il est disponible dans toutes les bonnes librairies et sur la boutique de nos ami.e.s des éditions du bout de la ville.
Il est gratuit pour toutes les personnes enfermées : écrivez-nous à contact@lenvolee.net pour que nous puissions le faire parvenir à vos proches emprisonné.e.s !
Communiqué du collectif clandestin de la centrale d’Arles, octobre 2001
« Comme toujours, la parole n’a pas été accordée aux principaux intéressés, à ceux et celles pour qui le quotidien est l’infamie carcérale, c’est à dire les détenus eux-mêmes ! La parole ne nous est pas donnée. Jamais . C’est pourquoi nous avons décidé de la prendre, ici et maintenant. C’est particulièrement au nom des détenus « longues peines » que nous nous exprimons, nous, les laissés pour compte, ceux pour qui l’horizon n’est que désespoir et haine. Nous sommes là, face à vous, pour exiger que nous soient appliquées des mesures justes, équitables, qui nous permettent de croire que nous n’avons pas été condamnés à la mort lente, à des peines qui ne sont qu’un substitut à la peine de mort. »
Retour sur la mort de Gordana à Fleury-Mérogis en 2012
Nous avons appris par la presse qu’un médecin a été jugé le 15 novembre 2021 pour homicide involontaire sur une prisonnière de la MAF de Fleury-Mérogis. Cette prisonnière, c’est Gordana, décédée après avoir réclamé des soins en vain. Sylvia, qui anime l’émission de L’Envolée depuis des années, était incarcérée à Fleury en 2012. Le 19 novembre dernier, elle a raconté à l’antenne l’histoire comme elle l’a vécue (Écouter l’émission ici). Les prisonnières se sont révoltées. Si l’administration pénitentiaire ‒cette fois ‒ n’a pas pu complètement étouffer l’affaire, c’est grâce à leur ténacité. Quelques médias en ont parlé, et L’Envolée a relayé la parole des enfermées.
Neuf ans (!) après, un médecin a fini par être jugé ; il risque tout au plus les quelques mois de sursis requis contre lui et une amende (verdict le 3 janvier). L’AP n’est même pas mise en cause : la justice n’a pas jugé utile de faire témoigner des prisonnières qui avaient dénoncé ce fatal refus de soins. Pourtant, ces récits montrent qu’au-delà du mépris du corps médical pour les prisonnier.e.s, c’est le système pénitentiaire lui-même qui a causé la mort de Gordana.
« LES PRISONNIÈRES, ON EST ASSEZ SOLIDAIRES DANS DES MOMENTS COMME ÇA » Récit de Sylvia à l’émission L’envolée du 19 novembre 2021
« On a vu un article sur le procès d’un médecin jugé pour « manque de soins » sur une femme décédée à Fleury-Mérogis en 2012. On a directement percuté que c’était de Gordana, morte dans la nuit du 1er novembre 2012, qu’ils parlaient. Dans cet article, on voit qu’un médecin est incriminé, mais il manque plein de gens, en fait, au procès !
Commençons par le début : dans la journée, Gordana se plaint de douleurs à la poitrine, au thorax et au dos. C’est pas des plaintes, c’est vraiment des douleurs, elle est très fatiguée, elle est pas bien. Donc en promenade, on décide d’appeler la surveillante qui garde la cour ; on tape à la porte, ils ouvrent, on dit qu’elle est malade, que c’est grave, que dans son dossier médical il est connu qu’elle a des problèmes de cœur, et que ce serait bien qu’elle aille voir le docteur parce que c’est une alerte cardiaque mortelle. La surveillante referme la porte, les prisonnières retapent, insistent fortement… ils décident de faire remonter Gordana en cellule, qu’elle partage avec sa cousine.
Toute la journée, elle reste enfermée, personne ne prend soin de venir l’aider. Les prisonnières, on est assez solidaires dans des moments comme ça… même si on s’aime pas, on est quand même solidaires, et quand y en a une d’entre nous qui est malade, on reste quand même humaines, et c’est le problème de tout le monde. Donc toutes les filles commencent à se rebeller et décident d’aller voir un gradé ‒ on va l’appeler Monsieur Piquet. Il explique que c’est certainement une crise d’angoisse et que s’il lui arrive quoi que ce soit, il en prendra l’entière responsabilité. Pourtant, apparemment, ce monsieur n’était pas au procès.
Ensuite, comme on peut pas sortir de cellule, on frappe aux portes, ça frappe très tard et très fort ; ça prend les balayettes pour taper, ça met des coups de pied, ça crie aux fenêtres pour faire comprendre aux surveillants et aux gradés de garde qu’il y a un problème et qu’il faut agir. Il y a une surveillante ‒ on peut dire que son surnom c’était Spock ‒ qui passe dans le couloir quand ça tape aux portes en criant au désespoir, mais tout ce qu’elle trouve à dire, c’est : « Arrêtez de crier, c’est la fête des morts. » Elle est où, cette femme ? Elle est pas passée au procès.
En France, y a pas beaucoup de prisons où y a un médecin de garde ; mais à Fleury-Mérogis, y en a un. C’est ce médecin de garde qui est incriminé. Il se décharge du fait qu’il s’occupait de deux hommes qui étaient malades, et c’est vrai qu’on en avait entendu parler. Donc il a diagnostiqué Gordana au téléphone, en disant que c’était pas très grave, que c’était effectivement une crise d’angoisse. Le souci, c’est que son dossier médical parle de problèmes cardiaques ; ça veut dire qu’il n’a même pas pris la peine d’ouvrir son dossier. Faut savoir que Fleury, c’est immense ; c’est tout un fonctionnement pour que ce docteur se déplace jusque là-bas, et à un moment, Gordana dit aux filles d’arrêter d’appeler les docteurs et de taper aux portes parce qu’elle est fatiguée. Donc ça s’arrête ; et le matin à 7 heures, elle est retrouvée morte dans leur cellule à l’ ouverture des portes.
Suite à ça, y a eu des gros, gros mouvements à l’intérieur ; dont des refus de plateaux-repas. Ça peut paraître bête, mais c’est très significatif, un refus de plateau : ça veut dire que tu te mets en grève de la faim, et au bout de trois refus, le procureur de la république est obligé d’être au courant. Quand la presse a été prévenue, l’administration pénitentiaire se défendait en disant qu’il n’y avait que trois personnes qui refusaient le plateau. C’était évidemment complètement faux : y avait plus de 150 femmes qui le refusaient, prévenues comme condamnées. Après y a eu des refus de remonter de promenade avec des interventions des Éris [matons version robocop qui interviennent pour mater les prisonnier.e.s]. Les prévenues se sont alignées dans la cour en se tenant les mains. C’est assez symbolique, parce que c’est de cette façon que les Éris viennent en cours de promenade pour cerner les prisonniers ou prisonnières. Elles ont décidé de se mettre en ligne, et de prendre un briquet. Il y a pas de barreaux chez les femmes, à Fleury, donc c’est facile de jeter des trucs ; elles ont jeté des draps par les fenêtres et elles se sont entourées de draps en disant que si les Eris approchaient, elles s’immoleraient par le feu. Ça, c’était côté prévenues. Côté condamnées, elles ont fait un tas de draps au milieu de la cour et elles y ont mis le feu. Pour l’administration pénitentiaire, c’était très grave ; pour nous, c’était … pfff !
Il y a eu 54 transferts disciplinaires. Ils disent tout le temps que Fleury est la plus grande prison de France, et effectivement, à l’époque il y avait 400 femmes ; 400 témoins de ce… de cet abattoir. Je sais pas comment appeler ça, mais pour moi c’est pas un « manque de soin ». Pour moi, c’est un refus de soigner.
Dans les journaux, ils parlent pas des prisonnières entendues suite à la mort de Gordana, évidemment. Je trouve ça très triste. Ils banalisent la chose alors que Gordana avait sept enfants, en prison pour un petit délit… Je tenais à lui rendre hommage aujourd’hui. Son mari qui était incarcéré à Fresnes a appris la mort de sa femme dans des circonstances horribles. Quand on a contacté l’avocate de Gordana un an après sa mort, il y avait toujours pas eu d’autopsie. Et sans autopsie, pas d’enterrement…
Le procureur requiert huit mois de prison avec sursis et 2 000 euros, et le médecin se défend en disant qu’il était submergé de travail et que la surveillante du moment a dit que c’était pas la peine de venir, qu’elle allait mieux. Elle s’est autoproclamée médecin ‒ avec ses réflexions de merde… En même temps, c’est pas qu’une question de diplôme. Quand t’es médecin, si t’es fatigué, mets-toi en repos. En plus il dit qu’il est de garde 24 heures ! On a l’UCSA [service médical de la prison] la journée, et un médecin de garde la nuit. L’après-midi, Gordana aurait dû aller à l’UCSA… ce médecin de garde, en fait, on s’en fout ! Et puis si c’est le même, il y a une lettre qui a été lue à l’antenne de l’Envolée à l’époque qui disait qu’il soignait les femmes comme de la merde. Je sais de quoi je parle, puisqu’on avait été amenées dans le bureau du directeur suite à cette lettre ! »
A l’époque, des prisonnières et l’avocate de Gordana étaient intervenues à l’antenne de L’Envolée pour dénoncer le rôle du médecin et de la pénitentiaire dans la mort de Gordana. On peut lire des transcriptions plus complètes dans le n°34 (janvier 2013) du journal L’Envolée, disponible ici. En voici quelques extraits en écho au récit de Sylvia ci-dessus.
« ON A AU MOINS RÉUSSI À FAIRE SORTIR L’INFO » Lettre de Sylvie
Maison d’arrêt des femmes de Fleury-Mérogis,le 8 novembre 2012
Depuis la veille à 16 h 30, soutenue par sa codétenue, Gordana signale aux surveillantes qu’elle va mal. Douleur à la poitrine et fourmillements dans le bras gauche. Les surveillantes disent qu’il n’y a plus de médecin. Mais ont-elles appelé l’Ucsa ? À 22 heures, elles se re-signalent. Gordana va de plus en plus mal. […] À 23 heures, un chef monte, ouvre la cellule. Gordana redonne ses symptômes. Toujours mal dans la poitrine, et ce bras gauche qui ne bouge presque plus. Le médecin n’étant pas disponible, ce ne doit être qu’une crise d’angoisse. Le chef prendra ses responsabilités s’il se passe quelque chose ! Eh bien le pire est arrivé. On a laissé une femme angoissée au chevet d’une mourante. Cela s’appelle « non-assistance à personne en danger ». Il fallait l’amener aux urgences.
Dès le vendredi après-midi, l’AP s’est passé le mot : ce n’est pas de leur faute, c’est le médical, s’il y a enquête. S’ils ne se sentaient pas coupables ou s’ils ne tentaient pas de se dédouaner, ils n’auraient eu aucune raison de communiquer avec nous. Cela a touché toute la maison d’arrêt des femmes. Vendredi après-midi, nous avons bloqué la promenade. Calmement, solidaires (un moment rare depuis que je suis en prison). Toutes les filles sont restées. […] Madame Herry, la directrice, est sortie en promenade. J’ai été lui parler. Voilà son discours, et sa défense bien préparée : « C’est pas nous, c’est le médical. » …et un chef de me préciser que depuis 1994, le médical est dissocié de l’AP. OK, mais qui détient les clés ? Qui est capable de réagir devant des situations d’urgence ? […] De plus, toutes celles qui ont pu ont fait sortir l’info. Les médias en ont parlé, et l’AP – alors que le matin elle avait dit que rien ne s’était passé aux journaleux qui avaient appelé –, bien sûr, a dû faire un communiqué. Nous avons bloqué gentiment. Pas d’émeute. Mais la violence est la seule réponse que l’AP a su opposer à notre souffrance. Trois détenues, pieds et poings liés, ont été transférées, escortées par les Éris. Plus de blocage. De toute façon, l’info est sortie. Maintenant, vous et moi on sait que des cas comme cela, il y en a au moins un par semaine. Les médias n’en parlent pas. Là, on a au moins réussi à faire sortir l’info. […] »
Sylvie
« LES SITUATIONS D’URGENCE SONT MORTELLES EN DÉTENTION » Extraits de l’interview de maître Crosnier,avocate des proches de Gordana, réalisée fin 2012
Me Crosnier : Forcément, la pénitentiaire est couverte, puisque leur seule obligation, c’est d’avertir le médecin et de décrire tant bien que mal les symptômes. Gordana avait déjà averti le juge d’instruction et le juge des libertés qu’elle avait des antécédents cardiaques.[…] Les surveillantes n’ont pas une formation médicale qui leur permette d’appréhender si la situation est dangereuse pour la détenue ou pas. La description des symptômes est quand même parlante : douleur au bras et à la poitrine, a priori, n’importe qui arrive à comprendre qu’on est face à un accident cardiaque. Il y a tellement d’intermédiaires et il se passe tellement de temps entre le moment où la personne appelle à l’aide et l’arrivée des secours que les situations d’urgence sont mortelles en détention. Quand je suis arrivée en détention pour voir le mari à Fresnes, j’ai été prise à partie par un gradé de sa division qui m’a dit : « Ne vous en prenez pas à la pénitentiaire. » J’ai eu droit à une mise en garde à Fresnes [alors que Gordana est morte à Fleury-Mérogis]. Arriver à mettre en cause la responsabilité pénale de la pénitentiaire, c’est compliqué : ils se bordent en appelant le médecin. C’est sûr que le plus facile, c’est de s’en prendre au médecin, puisque c’est lui qui a la capacité de sauver la personne. C’est lui qui intervient en bout de chaîne, mais il n’est pas responsable de cette organisation. Je ne suis pas certaine que ce soit la partie médicale qui a organisé ce mode de fonctionnement quand il y a urgence. [Sa codétenue] s’est associée à la plainte, mais je ne sais pas si elle ira jusqu’à une constitution de partie civile. Après sa déposition devant la brigade de Fleury, quand j’ai annoncé que j’étais aussi son avocate, on m’a répondu : « Oui, enfin, vous savez… Maître… déjà, les dépositions de personnes incarcérées sous X … » Voilà le crédit qu’on apporte à la déposition de la personne qui est le premier témoin. Il y a forcément un a priori sur ses déclarations. […] En outre, il y avait d’autres filles du couloir qui tenaient absolument à être auditionnées parce qu’elles avaient entendu la cocellulaire appeler à l’aide plusieurs fois. La seule fille qui le sera finalement, c’est, comme par hasard, celle qui n’a rien entendu. Incohérence supplémentaire, les déclarations des surveillantes signalent bien des appels au secours… Il y a plusieurs détenues qui m’ont écrit pour être simple témoin, pour que leurs voix soient entendues et non pas pour porter plainte. La dernière lettre que j’ai reçue d’une de mes clientes de la MAF signalait : « Il y a des détenues qui vous ont écrit, sauf que les courriers ont été bloqués. » Parce qu’elles aussi, elles dénoncent la difficulté d’accès aux soins : il y a un seul médecin la nuit pour toute la maison d’arrêt des hommes et des femmes de Fleury. J’ai des clients qui attendent six, huit mois pour avoir une paire de lunettes en détention, et c’est nous avocats qui les leur apportons, glissées dans les cheveux pour pouvoir passer les portiques. Sans parler de tout ce qui est gynécologique, etc. J’ai des comptes rendus d’histoires qui se sont passées à la MAF qui sont très inquiétants, sur des avortements qui auraient été provoqués, non consentis. On explique aussi à ces femmes qu’avoir un enfant en détention, c’est vraiment pas le bon endroit.
Procès des 7 matons homicides, compte rendu à chaud, jour 3 : 1er décembre 2021
À la Rochelle se tenait pendant 3 jours le procès en correctionnelle de 7 surveillants responsables de la mort de Sambaly Diabaté à la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré en août 2016. Une histoire qui nous tient à cœur et dont nous nous sommes déjà fait les relais ici. Nous étions présents au procès pour soutenir les proches de Sambaly, mort par asphyxie dans les mains des matons. Nous avons fait tous les jours un compte rendu à chaud disponible en podcast à l’issue des audiences.Premier bilan provisoire des audiences.
Ce mercredi 1er décembre, restait à entendre les plaidoiries des 6 avocats des 7 matons tueurs. La tâche n’était pas trop ardue, compte tenu des réquisitions scandaleuses de la proc. Rendu du tribunal, dont on n’attend rien si ce n’est qu’il se dessaisisse : le 27 janvier 2022 à 13h30. D’ici là, charge à nous de faire un maximum de bruit sur cette nouvelle mascarade judiciaire. Force et courage à Oumou Diabaté et à ses proches.
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Direct chaque vendredi de 19h à 20h30 sur FPP 106.3 en région parisienne et MNE 107.5 à Mulhouse, RKB 106.5 en centre-Bretagne lundi à 22h, Radio Galère 88.4 à Marseille le lundi soir à 23h, PFM à Arras et alentours 99.9 mardi à 21h30, Canal Sud 92.2 jeudi à 17h30 à Toulouse, L’Eko des Garrigues 88.5 à 12h le dimanche à Montpellier, Radio U 101.1 le dimanche à 16h30 à Brest, Radio d’Ici 106.6 à Annonay mardi à 21h30 et 105.7 FM & 97.0, à Saint-Julien-Molin-Molette dimanche à 20h et sur les webradios Pikez (dimanche à 11h) et Station Station (lundi à 13h). Podcasts disponibles sur toutes les plateformes.
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Communiqué du collectif clandestin de la centrale d’Arles, octobre 2001
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Procès des 7 matons homicides, compte rendu à chaud, jour 2 : 30 novembre 2021
À la Rochelle se tient pendant 3 jours le procès en correctionnelle de 7 surveillants responsables de la mort de Sambaly Diabaté à la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré en août 2016. Une histoire qui nous tient à cœur et dont nous nous sommes déjà fait les relais ici. Nous sommes présents au procès pour soutenir les proches de Sambaly, mort par asphyxie dans les mains des matons. Nous ferons tous les jours un compte rendu à chaud disponible en podcast à l’issue des audiences.
Ce matin du mardi 30 novembre, le tribunal entendait les trois derniers matons homicides. Puis en début d’après-midi, des proches de Sambaly Diabaté s’exprimaient à la barre. Les avocat.e.s de la famille Diabaté ont ensuite plaidé la requalification des faits en « violences volontaires ayant entraîné la mort », pour tenter d’obtenir un renvoi aux Assises.
La procureure a enfin donné son réquisitoire, des peines ridicules avec sursis. Demain, les avocats des tueurs déjà ravis vont tenter de faire baisser encore le tarif.
Administration pénitentiaire, justice, police…
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L’abonnement au journal est gratuit pour les prisonniers et les prisonnières. Les abonnements du dehors permettent ça. La censure qui frappe le numéro 52 ne concerne « que » ce numéro en détention. Contactez-nous !
Notre bouquin pour troubler la fête du quarantième anniversaire de la prétendue abolition de la peine de mort est sorti ! Une manière parmi d’autres, que nous espérons nombreuses, de faire entendre quelques voix dissonantes dans l’écœurante auto-célébration du pouvoir.
Ce livre réunit des paroles de prisonniers, de prisonnières et de proches publiées dans le journal depuis sa création en 2001 qui nous rappellent avec force qu’en réalité c’est seulement la guillotine qui a été supprimée en octobre 1981.
Il est disponible dans toutes les bonnes librairies et sur la boutique de nos ami.e.s des éditions du bout de la ville.
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Communiqué du collectif clandestin de la centrale d’Arles, octobre 2001
« Comme toujours, la parole n’a pas été accordée aux principaux intéressés, à ceux et celles pour qui le quotidien est l’infamie carcérale, c’est à dire les détenus eux-mêmes ! La parole ne nous est pas donnée. Jamais . C’est pourquoi nous avons décidé de la prendre, ici et maintenant. C’est particulièrement au nom des détenus « longues peines » que nous nous exprimons, nous, les laissés pour compte, ceux pour qui l’horizon n’est que désespoir et haine. Nous sommes là, face à vous, pour exiger que nous soient appliquées des mesures justes, équitables, qui nous permettent de croire que nous n’avons pas été condamnés à la mort lente, à des peines qui ne sont qu’un substitut à la peine de mort. »
Par le procès qui commence lundi, la justice cherchera à désigner des boucs émissaires pour leur faire payer ces révoltes, comme lors des procès des gilets jaunes et de Villiers-le-Bel, ou ceux des émeutes qui ont suivi le viol de Théo… Et le climat particulièrement sécuritaire de la période risque d’aggraver encore la lourdeur des peines. Depuis cinq ans, certains et certaines d’entre nous apportent un soutien concret à un des accusés en détention préventive et à sa famille. Ce qui suit est une modeste contribution pour tenter de faire en sorte que l’histoire ne se répète pas : les cinq accusés ne doivent pas subir une vengeance d’État. Seule une mobilisation conséquente pourrait gripper le fonctionnement normal de la machine à punir.
Bientôt cinq après les faits – et presque autant de détention préventive pour certains d’entre eux –, les accusés comparaîtront face à de très nombreux membres des forces de l’ordre : près d’une centaine se seraient en effet portés partie civile. Ils prétendent qu’on leur a tiré dessus avec la volonté de tuer : ils auraient essuyé des dizaines de tirs de chevrotine, de plombs, de fusil de chasse… et une dizaine d’entre eux auraient été légèrement blessés. Au départ, comme elle ne disposait pas de suffisamment d’éléments à charge, la juge d’instruction n’avait retenu que des « violences volontaires » et renvoyé les accusés devant le tribunal correctionnel pour ce délit. Mais cette décision a été contestée par le parquet, et la chambre d’instruction de la cour d’appel de Versailles a finalement maintenu la qualification criminelle des faits. Non seulement les peines encourues sont sans commune mesure, mais cette qualification d’une extrême gravité pose d’emblée une image déformée des accusés : il ne s’agit plus de quelques jeunes soupçonnés d’avoir pris part à une révolte face à une situation insupportable qui a réuni des centaines de personnes pendant plusieurs nuits, mais d ‘une bande de tueurs de flics. Les accusés sont poursuivis pour « tentative de meurtre sur personnes dépositaires de l’autorité publique » avec la circonstance aggravante de « bande organisée », et pour délit de « dégradations ».
MORT ENTRE LES MAINS DES FORCES DE L’ORDRE La police nationale avait été remplacée quelques années auparavant par des compagnies de gendarmerie. Des habitants de Beaumont-sur-Oise – petite ville du Val-d’Oise d’à peine 10 000 habitants – nous ont rapporté que dès leur arrivée , les rapports des gendarmes avec la population ont tout de suite été particulièrement tendus ; ils cherchaient à s’imposer par la force pour contrôler le secteur, exerçant de nombreuses violences sur les jeunes habitants des quartiers populaires de Beaumont et des villes voisines. Les contrôles d’identité viraient au harcèlement, et souvent, dégénéraient : insultes, coups de matraques, balayettes, bombes lacrymogènes, Tasers, Flash-Balls. Personne ne portait plainte, tout le monde sait bien que ça n’aboutit jamais…L’après-midi du 19 juillet 2016, Adama Traoré, habitant du quartier Boyenval à Beaumont-sur-Oise, s’enfuit en courant pour échapper à un contrôle d’identité. Interpellé, il est plaqué et maintenu au sol par trois gendarmes qui pèsent de tout leur poids sur son corps. Les militaires notent qu’il se plaint de ne pas pouvoir respirer ; ils l’embarquent cependant dans leur fourgon où il perd connaissance. Mais ils ne le transportent pas à l’hôpital, ils poursuivent leur route vers la gendarmerie. Les pompiers constatent son décès à 19 h 05 : ils le trouvent menotté dans la cour de la caserne, face contre terre. Mais rien n’est dit à la famille. Ayant entendu dire qu’il « a fait une crise », ses proches contactent les hôpitaux pour rechercher sa trace. En vain. C’est par un appel aux pompiers qu’ils apprennent que le jeune homme est retenu à la gendarmerie. Quand la mère d’Adama s’y rend alors pour demander des nouvelles de son fils, elle se voit répondre qu’« il va très bien ». Elle attend donc sur place avec ses proches. Ce n’est qu’à 23 h 30 que les gendarmes annoncent la mort d’Adama Traoré à sa famille. Soit quatre heures et demie après le constat officiel du décès. Le choc est terrible. Le jeune homme est bien connu à Beaumont pour sa pratique intensive du sport avec des jeunes du coin, et tous ceux qui le connaissent savent bien qu’il était en excellente forme physique au moment de son interpellation. Personne ne peut croire à un prétendu « malaise ». Les forces de l’ordre sont déployées pour protéger la gendarmerie et la mairie, et les alentours du quartier Boyenval sont « bouclés ».
RÉVOLTE POPULAIRE ET MENSONGE D’ÉTAT Dès l’annonce du décès du jeune homme qui fêtait ce jour-là ses 24 ans, des affrontements surviennent entre les gendarmes et de jeunes riverains. Selon les autorités, des dizaines de personnes mettent feu à des voitures. Des tirs sont entendus. Les gens scandent le nom d’Adama. 130 policiers, gendarmes et CRS sont déployés dans tous les quartiers populaires de la zone, ainsi qu’une soixantaine de pompiers. Plusieurs hélicoptères balayent la commune avec leurs projecteurs. Les forces de l’ordre utilisent leurs Flash-Balls tout près des habitations, lancent des lacrymogènes, des grenades de désencerclement. Une personne est interpellée. À l’issue de cette première nuit, cinq gendarmes auraient été légèrement blessés par des tirs à la carabine à plomb. Le lendemain matin, mercredi 20 juillet, le procureur de Pontoise déclare publiquement qu’Adama Traoré serait mort « à la suite d’un malaise ». La maire refuse de rencontrer la famille, qui n’a toujours pas pu voir le corps. Le préfet, qui doit tenir une conférence de presse, annule sa venue au dernier moment. Mais les journalistes se sont déplacés. Des proches en profitent pour prendre la parole et donner leur version des faits, lançant à la presse que sans les émeutes de la veille, ils ne se seraient pas intéressés une seule seconde à la mort d’un jeune homme noir dans une gendarmerie. Le soir même, une vingtaine de personnes se rassemblent pacifiquement devant la caserne et font un sit-in pour réclamer que la famille puisse enfin voir le corps du défunt. Tout le monde se fait gazer à terre sans sommation, puis les coups de matraques pleuvent dans la plus grande confusion. Le « dispositif de sécurisation » est reconduit pour la nuit de mercredi à jeudi, avec toujours autant de forces de l’ordre. Plusieurs véhicules et du mobilier urbain sont incendiés dans la nuit. Neuf personnes sont interpellées. Jeudi 21 juillet, une première autopsie prétend qu’Adama Traoré serait mort des suites d’une « infection très grave touchant plusieurs organes ». Ses proches n’y croient pas car il n’a aucun antécédent médical. La tension ne baisse pas. Le quartier est toujours encerclé de fourgons de gendarmes, de policiers et de CRS particulièrement virulents. C’est une véritable occupation militaire. Malgré la pression de la préfecture qui tente de convaincre les parents de rapatrier au plus vite le corps d’Adama Traoré au Mali, prétextant les rites musulmans à respecter, la famille tient bon et exige une seconde expertise ; elle ne lance pas d’appel au calme. Des centaines de personnes sont encore dehors pour exprimer leur colère. En trois nuits, elles ont essuyé les tirs de plus de 300 balles de défense et de 60 grenades de désencerclement. Vendredi 22 juillet, une marche blanche est organisée à Beaumont par la famille. La tentative de la mairie et de la préfecture de l’en dissuader, prétextant les « tensions », échoue. Plusieurs milliers de personnes défilent sans incident en mémoire d’Adama Traoré. Dix personnes auraient été interpellées, cette nuit-là. Les autorités rapportent des « tirs de mortiers et de chevrotines », qui auraient « blessé très légèrement » quatre gendarmes. Le lendemain soir, le « dispositif de sécurité » est encore renforcé : 265 membres des forces de l’ordre encerclent le quartier. Au moins une voiture serait incendiée, et des flics prétendent avoir été la cible de tirs d’armes à plomb. Les forces de l’ordre auraient « sécurisé la zone » ; c’est le dernier soir qualifié « d’émeute » par les médias. Plusieurs fourgons auraient été visés, et les plaintes des hommes en armes pleuvent déjà pour « tentative d’homicide » et « menaces de mort ».
OCCUPATION MILITAIRE : PUNITION COLLECTIVE Tout au long de cette première semaine, la presse se focalise sur les « violences urbaines » de Persan-Beaumont. Les images de voitures calcinées et d’un fourgon criblé d’impacts de plomb tournent en boucle, tandis que seule la version officielle sur les circonstances de la mort d’Adama Traoré est relayée. La parole n’est presque jamais donnée aux habitants et aux proches du défunt. Aucun média ne rapporte qu’au quartier Boyenval, où vit la famille en deuil, les hélicoptères tournent toute la journée et une bonne partie de la nuit. Les nombreuses brigades qui l’encerclent donnent l’assaut fréquemment, harcèlent les jeunes, font régner une ambiance de guerre : la gestion coloniale des quartiers populaires fonctionne à plein. Les voies sans issue sont ouvertes pour que les forces de l’ordre puissent faire le tour du quartier avec leurs véhicules. L’éclairage public est coupé chaque fois que des habitants se rassemblent. Tout le monde a peur, on n’ose plus laisser sortir ses enfants, chacun craint pour sa propre vie. Cette occupation policière dure près d’une semaine, elle est vécue par tous comme une punition collective. Il s’agit de faire payer le mouvement de révolte en cours à tous les habitants – coupables d’habiter au mauvais endroit et d’appartenir à la mauvaise classe sociale. Réprimer un quartier entier, c’est aussi une stratégie cynique pour que les habitants se désolidarisent du combat de la famille pour la vérité, en la désignant implicitement comme responsable des désordres. Le message est clair : quand les flics tuent vos enfants, encaissez en silence. La seule réponse au deuil et à la colère, c’est l’intimidation et le mépris : la maire ne daigne même pas présenter ses condoléances, et les gendarmes responsables de la mort d’Adama Traoré ne sont pas mis en examen – à l’heure actuelle, ils n’apparaissent encore dans l’enquête que comme simples « témoins assistés » et continuent leur sale besogne. De nombreux interpellés passent en comparution immédiate peu après les révoltes ; certains sont interdits de la zone. D’ailleurs, quatre mois plus tard, les émeutes reprennent à Beaumont lorsque deux frères de la famille Traoré sont mis en examen pour des accusations délirantes : cette fois, l’itinéraire du bus qui dessert le quartier Boyenval est carrément détourné. La justice inflige déjà une peine pour l’exemple en condamnant cinq proches d’Adama Traoré à des peines allant jusqu’à trois ans de prison. On comprend pourquoi la révolte qui a débuté à Boyenval s’est vite étendue à tout une partie du Val-d’Oise, rappelant l’embrasement de 2007 qui avait suivi la mort de Lakhamy Samoura et Moushin Sehhouli, percutés par un véhicule de police à Villiers-le-Bel. Mais c’est surtout la vengeance d’État qui s’en est suivie qui nous fait redouter l’issue du procès qui va se tenir : après les révoltes de Villiers-le-Bel, la machine judiciaire s’était mise en branle pour désigner des responsables. Loin d’inquiéter les flics tueurs, elle avait renvoyé cinq habitants de Villiers devant les assises pour des tirs sur la police. Sans preuves, et essentiellement sur la base de témoignages anonymes rémunérés, deux d’entre eux avaient écopé de peines de douze et quinze ans de prison. Un troisième, accusé d’avoir fourni l’arme, avait été condamné à trois ans. Force est de constater que l’histoire se répète.
LA MACHINE IMPITOYABLE DES COURS D’ASSISES Un procès de cour d’assises est une pièce de théâtre, la mise en scène d’une justice rendue par le peuple, incarné par six jurés de plus de 23 ans tirés au sort sur les listes électorales. Ils votent en délibéré à l’issue des audiences avec le président et ses deux assesseurs, d’abord sur la culpabilité, puis sur la peine. La mécanique est bien huilée, et rien ne doit venir perturber la bonne marche de cette machine à punir le plus lourdement possible. Les cours d’assises jugent les crimes. Celles et ceux qui y sont jugés sont donc d’emblée perçus, notamment par les jurés, comme de présumés criminels. Dans le box, face à la salle et aux parties civiles, parfois entravé, souvent entouré de gendarmes, l’accusé est livré en pâture. Chacune de ses réactions est scrutée, chaque attitude disséquée et analysée – à charge. Dans le procès de novembre, les cinq accusés vont comparaître ensemble sous la qualification de « bande organisée ». En plus, certains d’entre eux, depuis quatre ans en détention préventive, comparaîtront comme prisonniers extraits en vue du procès. C’est peu dire que leur appréciation risque d’être un poil orientée par la mise en scène quand on leur demandera en substance : « Pensez-vous que les cinq personnes que vous voyez rassemblées dans le même box, entourées de flics, constituent une bande organisée ? » Mais l’influence ne s’arrête pas là. Dans leur noire tenue de carnaval macabre, le juge et ses deux assesseurs, auréolés de leur maîtrise du code pénal, surplombent l’ensemble, jurés compris. C’est le président qui dirige les audiences. Il distribue la parole, donne le rythme, impose le silence. Pas facile pour le juré de remettre en cause la manière dont le procès se déroule. Tout au plus peut-il, comme à l’école, demander la permission pour poser une question ou aller pisser. Alors, quand vient le moment du délibéré, il écoute généralement bien sagement le juge. Il faut du courage pour aller contre celui qui sait.Et puis les jurés sont pris par l’air du temps, qui est sacrément défavorable aux accusés : ils viennent d’un quartier populaire, une « cité sensible », un de ces « territoires perdus de la République », « criminogène », où les caïds sont censés régner en maître et où prospère « l’ensauvagement » – vieille thématique de l’extrême droite aux relents coloniaux reprise sans complexe par le ministre de l’intérieur. Sans oublier la promesse de Macron aux flics à la mi-octobre, quand il a demandé à ses ministres de travailler à la « fin des réductions de peine automatiques pour les agresseurs de policiers ». Voilà des mois que les politiques et les médias n’interrompent leur logorrhée anxiogène sur le covid que pour tourner en boucle sur une insécurité prétendument galopante et la « haine de la police » – cette police qui fout la pression à l’État à coups de grèves récurrentes pour avoir plus de fric et plus de flingues. La défiance envers l’autorité serait donc une violence qui se répand comme un virus sans qu’on parvienne à l’endiguer ? Accuser des jeunes de cité de s’être réunis pour tuer des flics, c’est avant tout l’occasion de faire un exemple, de faire « passer un message ». La cour d’assises est le lieu de la vengeance d’État. S’y prononcent, dans la bienséance, des peines d’élimination sociale. En fait, ce qui est jugé en cour d’assises, ce n’est pas tant l’acte comme ils le prétendent que l’individu accusé de l’avoir commis. Pour mieux jouer la comédie de l’impartialité, les jurés voient défiler des experts grassement rétribués par la justice qui servent la soupe de l’accusation, chacun dans son domaine respectif, noyant l’auditoire sous un jargon technique qui veut se faire passer pour de la science. Il en va des experts psy comme des experts en balistique : ils inventent des trajectoires. Les experts psy voient les accusés quelques minutes, les enquêteurs de personnalité interrogent leur « entourage » ; ensemble, ils figent l’accusé dans un processus criminel, une ligne droite qui va de sa naissance à son « crime » supposé. C’est ainsi que des violences subies dans l’enfance ne seront pas présentées comme des circonstances atténuantes ou des clés de compréhension, mais plutôt comme autant de signes d’une personnalité irrémédiablement violente. Le parcours judiciaire, notamment, est toujours scrupuleusement égrené pour mieux démontrer la dangerosité d’un profil. Car il ne s’agit pas pour une cour d’assises de considérer un être humain dans sa complexité, de comprendre comment et pourquoi il en vient à agir de telle ou telle manière. Il s’agit d’infliger une peine de prison à un individu, pris isolément. Le caractère collectif n’est pris en considération que comme circonstance aggravante : une association de malfaiteurs ou une bande organisée. Les circonstances d’un événement sont au mieux des éléments d’information qui appuient une accusation, mais elles ne rentrent que très peu en ligne de compte quand il s’agit de prononcer la peine. On va jusqu’à prétendre deviner une intention pour la juger – et cela risque d’être particulièrement le cas dans ce procès. Le contexte social, économique et politique, n’a rien à faire en cour d’assises. Car ici encore plus qu’ailleurs, expliquer, ce serait déjà excuser. On n’est pas là pour ça, il faut du sang et des larmes. Il y a donc peu de doutes que dans le procès à venir, les portraits des accusés seront à charge, et que tout ce qui pourrait expliquer leur présence dans le box sera retenu contre eux. Ils viennent du même secteur ? Ce sera sans doute un indice probant de « bande organisée ». Certains ont été proches d’Adama Traoré ou de membres de sa famille ? Ça servira inévitablement à corroborer une prétendue haine naturelle de la police, sur le mode : « Ils voulaient tuer un flic pour se venger. » Et le fait que ce quartier ait été immédiatement placé sous occupation policière – en fait, une provocation indécente – deviendra la preuve de la dangerosité de la zone. Sous les lambris de la justice de classe, ils risquent de devenir les leaders ensauvagés d’une insurrection armée déterminée à faire couler le sang des condés pour venger l’un des leurs… Devant une salle remplie de forces de l’ordre de tout poil, parties civiles de circonstance venues se faire un peu d’argent de poche et asseoir un peu plus leur pouvoir de chefaillons. La fiction risque hélas de convaincre des jurés abreuvés ad nauseam de discours sécuritaires. Et comme toujours aux assises, les zones d’ombres et les doutes ne profiteront pas aux accusés. Plus les caricatures sont grossières, plus le jury peut condamner lourdement, en toute bonne conscience, persuadé de contribuer à protéger une société en déroute ; alors que le véritable objet de ce procès, c’est la légitimation d’une occupation militaire d’État qui a suivi une exécution, même si elle ne sera jamais évoquée en ces termes.
LES ÉMEUTIERS DE BOYENVAL ONT EU RAISON DE SE RÉVOLTER De notre côté, peu nous importe de savoir si tel ou tel accusé a tiré à la carabine à plomb en direction des forces d’occupation. Les rares flics « blessés » ont eu au pire quelques égratignures, voire paraît-il une perte d’audition. Ce qui est sûr, c’est que la justice veut faire payer aux accusés une révolte populaire de grande ampleur. Qu’ils y aient participé ou non, qu’ils aient tiré ou non, l’enjeu reste le même : en punir quelques-uns pour terroriser les autres. Inutile de préciser que les gendarmes qui ont tué Adama Traoré, eux, ne sont toujours pas poursuivis. C’est tout un quartier qui s’est soulevé quand on a appris que ce jeune homme noir était mort dans la gendarmerie. Un de plus sur la trop longue liste des victimes de la police, qui présentent presque invariablement un profil similaire : un jeune non-blanc d’un quartier populaire… La révolte s’est répandue face aux mensonges éhontés de l’État et à une occupation policière brutale et humiliante. C’est ce soulèvement et le combat médiatique et politique des proches d’Adama Traoré qui ont permis que cette mort ne soit pas oubliée comme tant d’autres. La colère enfle aujourd’hui dans tous les quartiers du pays, déjà salement frappés ces derniers mois par les mesures de confinement qui ont laissé les coudées franches à la police pour y jouir violemment de son arbitraire et de son racisme. Rappelons-nous de la manif monstre qui a encerclé le nouveau TGI de Paris une semaine après la fin du confinement : des dizaines de milliers de personnes venues crier leur ras-le-bol du traitement colonial, de la brutalité policière, du racisme d’État. On le sait : la police est violente par essence, et de la gifle au meurtre, les violences policières ne sont jamais le fait de brebis galeuses. Comme le racisme, ça fait partie de l’exercice normal du maintien de l’ordre. En France, si la guillotine a été officiellement abolie il y a bientôt quarante ans, la peine de mort prospère dans la rue, les fourgons, les casernes, les mitards. Chaque fois que la police tue, chaque fois que la matonnerie tue, c’est toujours pareil : mensonges sur les circonstances, sempiternelle mise en avant de la « légitime défense », portrait à charge de la victime – comme si un profil pouvait justifier qu’un chien de garde décide de la peine de mort… Quand les proches ont la force et le courage de mener un combat pour la vérité arrive parfois un procès, au bout d’harassantes années de lutte, et c’est la justice qui vient plier l’histoire… en relaxant presque systématiquement les flics tueurs ou en les condamnant à des peines symboliques. La violence de l’État est systémique et sans commune mesure avec l’autodéfense qui y répond parfois. Les quartiers populaires ont évidemment raison de se révolter. Et nous sommes du côté de ceux que l’État veut sacrifier en boucs émissaires. C’est pourquoi nous appelons toutes les personnes solidaires à se rendre à la cour d’assises du Val-d’Oise* du 21 juin au 10 juillet pour soutenir les accusés. Il ne faut pas les laisser seuls dans une salle pleine d’uniformes – histoire que la justice ne puisse pas faire son sale boulot en catimini.
*(Depuis la gare du Nord : Ligne H, arrêt Pontoise / Depuis gare Saint-Lazare : Ligne J, arrêt Pontoise / RER C : arrêt Pontoise)
Ce dimanche 30 mai à 19h, nous vous proposons une rencontre avec l’Envolée, journal anticarcéral qui se veut porte voix des prisonniers et prisonnières en lutte contre le sort qui leur est fait. Cette rencontre se fera en présence de l’association Idir, Espoir et Solidarités qui mène depuis plusieurs mois un combat pour demander justice et vérité pour Idir, tué à la prison de Corbas en septembre 2020.
Ce dimanche 30 mai a lieu à 14h, place Bellecour, un rassemblement organisé par le collectif Espoir & Solidarité pour dénoncer les violences pénitentiaires, les crimes maquillés en suicides, et les quartiers disciplinaires (plus d’infos ici).
Après le rassemblement, on vous propose de poursuivre cette mobilisation anticarcérale à l’Île égalité avec l’Envolée pour discuter ensemble de comment faire vivre du dehors la parole et les luttes des prisonnier.es ainsi que celles de leurs proches. On parlera aussi de la censure, et on en profitera au passage pour présenter le dernier numéro.
A la fin de la présentation, on pourra continuer les discussions autour d’un repas convivial.
On vous invite aussi à revenir à l’Île mercredi 2 juin à 18h30 pour assister à la projection du film «Ils nous ont volé nos nuits du collectif Mujeres ante la carcel».
Parce que lutter, c’est aussi créer et partager de bons moments, retrouvons-nous dimanche 30 mai à 19h, à l’Île égalité 6 rue de l’Egalité à Cusset (Villeurbanne).
L’Envolée est un journal qui parait plusieurs fois par an. Il publie les lettres de prisonniers que nous recevons, des compte rendus de procès auxquels nous assistons, et des analyses sur la société et ses lois. Ce journal prolonge le travail mené par des émissions de radio indépendantes qui maintiennent un lien entre l’intérieur et l’extérieur des prisons, en dehors du contrôle de l’administration pénitentiaire. Le journal est réalisé par des ex-prisonniers ou des proches de prisonniers qui pensent qu’il est primordial de publier des textes venus des prisons et des textes contre les prisons. Les prisonniers et prisonnières décrivent leur quotidien, dénoncent leurs conditions de détention, se battent contre l’enfermement. Ils le feront toujours mieux que tous ceux qui veulent parler à leur place. En janvier dernier, le n°52 de l’Envolée a été censuré à l’intérieur des prisons, et une plainte en diffamation a été déposée par l’Administration Pénitentiaire. Cela parce qu’y étaient dénoncées des morts suspectes et les violences pénitentiaires.
Le week-end du 15 mai 2021, de nouvelles fenêtres ont été posées aux cellules des bâtiments du centre de détention du quartier femmes des Baumettes, mais pas pour le confort des prisonnières… Les réactions ne se sont pas faites attendre…
En pleine crise sanitaire, de nouvelles fenêtres ont été posées le week-end du 15 mai 2021 aux cellules des bâtiments du centre de détention [1] (CD) du quartier femmes des Baumettes, mais pas pour le confort des prisonnières… Ces fenêtres sont « antibruit », mais n’ont pas été installées pour protéger les femmes enfermées du cri de l’aigle de Bonelli, plutôt pour protéger le voisinage de la prison. Réclamées par les riverain·e·s (notamment par Éliane), et déjà installées dans la maison d’arrêt [2] pour femmes il y a quelques mois, ces blocs inamovibles empêchent l’air de circuler dans les cellules. L’aération est pourtant vitale pour empêcher le coronavirus de se propager, pour que les odeurs de clope, de cuisine ou des toilettes n’envahissent pas toute la pièce, et surtout pour ne pas s’asphyxier et souffrir de migraines. Ces fenêtres entièrement vitrées empêchent aussi les yo-yo et les discussions entre cellules.
Ce manque d’aération est d’autant plus insupportable que, au moins la journée du jeudi 13 mai, les prisonnières ont toutes été confinées dans leur cellule au prétexte de lutter contre le covid, alors que la chaleur commence à monter. Les parloirs ont été annulés au dernier moment sans que les proches n’aient été prévenu·e·s. Même les promenades ont été annulées. L’établissement a été entièrement bloqué et toutes les activités suspendues. Les prisonnières ont toutes eu à subir un test PCR.
À l’approche des chaleurs de l’été, des prisonnières du CD ont donc décidé de manifester leur mécontentement contre ces fenêtres, dont l’installation ce week-end dernier est vécue comme une provocation supplémentaire de l’administration pénitentiaire après les événements de jeudi. Dans au moins une dizaine de cellules, ces fenêtres inutiles et dangereuses pour la santé ont été cassées par les prisonnières dès leur installation. Ces dernières risquent une répression de l’administration pénitentiaire et une condamnation à rembourser les dégâts.
D’autre part, les prisonnières se plaignent que la puissance des brouilleurs de téléphones a été fortement augmentée ces derniers jours. Il s’agit là encore d’une mesure répressive : les téléphones ne captent plus ou coupent très régulièrement, ce qui empêche les prisonnières de tenir informé·e·s les proches dehors qui s’inquiètent pour elles.
Notes :
[1] Où sont censées être les prisonnières déjà jugées et celles condamnées à des peines de moins de deux ans.
[2] Où sont censées être les prisonnières en attente de jugement.