Étiquette : QHS

  • « Tous les détenus de France cherchent à s’évader M. l’avocat général » – Procès d’une belle de velours spectaculaire : douze personnes aux assises pour l’évasion de Rédoine Faïd de Réau en 2018

    « Tous les détenus de France cherchent à s’évader M. l’avocat général » – Procès d’une belle de velours spectaculaire : douze personnes aux assises pour l’évasion de Rédoine Faïd de Réau en 2018

    Émission de l’Envolée du 3 Novembre 2023

    Émission préenregistrée spécialement dédiée au procès de Rédoine Faïd et ses complices réels ou supposés suite à son évasion de la prison de Réau en 2018

    On commence par faire le récit de cette évasion spectaculaire en hélicoptère qui nous avait bien fait plaisir car Réau était considérée comme une des prisons les plus sécuritaires de France. Mais aussi parce que des amis qui viennent chercher leur proche à l’intérieur c’est un des plus beaux actes de solidarité qu’on puisse imaginer à l’Envolée (c’est pas pour rien qu’on tire notre nom d’un bouquin qui raconte une évasion en hélico). Et si on parle ici en long de cette évasion très médiatisée, il faut pas oublier toutes les autres belles, réussies ou ratées, dont on parle moins mais que la justice et l’AP répriment tout autant.

    On rappelle que les évasions font partie des seules occasions où la loi autorise les matons à ouvrir le feu même si pour une fois, ce jour-là, ils s’en sont abstenus et cette belle se passe tout en douceur, sans un coup de feu, devant des surveillants bouche bée.

    Après les 4 mois de cavale, la taule a servi à réprimer les complices de Rédoine pour les pousser à parler. Ses neveux et un de ses frères ont passé 5 ans en détention provisoire dont 24 mois à l’isolement pour les deux neveux et 5 ans pour son frère Rachid. Ils ont refusé de parler avant d’être sorti de l’isolement et ce procès est donc le premier moment où tous ont pris la parole sur les faits.

    Ils ont profité de l’audience pour critiquer longuement les taules et expliquer la nécessité de l’évasion par les conditions de détention en prison, au mitard, à l’isolement. Malgré la juge, ils ont bien réussi à en faire « le procès de la prison », des longues peines, et du quartier d’isolement comme outil de répression de l’administration pénitentiaire. Comme le dit Rédoine Faïd au proc « tous les détenus de France cherchent à s’évader ».

    Le journal numéro 57 est dispo !

    L’abonnement au journal est gratuit pour les prisonniers
    et les prisonnières.

    L’Envolée est une émission radio pour en finir avec toutes les prisons. Elle donne la parole aux prisonniers, prisonnières et leurs proches & entretient un dialogue entre l’intérieur et l’extérieur des prisons. C’est aussi un journal d’opinion de prisonniers, de prisonnières et de proches.

    On manque parfois de forces pour faire tourner l'émission comme on le voudrait en ce moment : 
    que vous soyez prisonnier·e·s, proches, ou révolté·e·s contre l'enfermement et l'AP, n'hésitez pas à nous contacter & à passer le mot !

    Direct chaque vendredi de 19h à 20h30 sur FPP 106.3 en région parisienne !
    Rediffusions sur MNE 107.5 à Mulhouse, RKB 106.5 en centre-Bretagne lundi à 22h, Radio Galère 88.4 à Marseille le jeudi soir à 20h30, PFM à Arras et alentours 99.9 mardi à 21h30, Canal Sud 92.2 jeudi à 17h30 à Toulouse, L’Eko des Garrigues 88.5 à 12h le dimanche à Montpellier, Radio U 101.1 le dimanche à 16h30 à Brest, Radio d’Ici 106.6 à Annonay mardi à 21h30 et 105.7 FM & 97.0, à Saint-Julien-Molin-Molette dimanche à 20h, Radio FM 43 dimanche à 12h en Haute-Loire, 105.7 FM au Chambon-sur-Lignon, 102 FM à Yssingeaux et 100.3 FM au Puy-en-Velay, sur Radios libres en Périgord, en Dordogne,102.3 FM à Coulounieix-Chamiers jeudi à 20h, sur Radio Alto 94.8 FM sur le massif des Bauges jeudi à 21h et sur les webradios Pikez (dimanche à 11h) et Station Station (lundi à 13h) ! Dispo sur toutes les plateformes de podcast.

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  • Expérimentations sécuritaires et violences pénitentiaires : lettres sur le QI et le mitard

    Expérimentations sécuritaires et violences pénitentiaires : lettres sur le QI et le mitard

    Le QI (quartier d’isolement) et le mitard sont les parties de la prison les plus propices aux violences pénitentiaires. Francis Dorffer explique comment les QI deviennent de plus en plus invivables, au rythme de la diffusion progressive des nouvelles logiques sécuritaires. Beaucoup de morts en prison ont lieu à l’isolement ou au mitard, comme le dit Kémi dans une lettre écrite le 29 mai 2022 à l’occasion de la journée nationale contre les violences pénitentiaires. Anonyme, une quatrième lettre revient sur le caractère systémique des violences contre les prisonnier·e·s, spécialement au QI.


    « À chaque transfert, je recommence le circuit de la mort à zéro »

    Lettre de Francis Dorffer

    Nous avons publié au début de l’année une lettre ouverte de Francis écrite en décembre 2021 depuis Saint-Maur. Transféré à Arles, il continue à y subir la gestion toujours plus sécuritaire des QI. Cette première lettre a été lue à l’antenne le 18 mars 2022.

    Maison centrale d’Arles, quartier d’isolement,

    Le 15 février 2022

    Aujourd’hui en prison, on n’y fait plus attention, mais la sécurité prend une place de plus en plus énorme et déshumanise tout. Depuis un certain temps, au nom de la sécurité, on a laissé tomber toute forme de sympathie ou même d’humanité. Depuis bientôt trois ans, je vis à l’isolement enfermé 24 heures par jour. C’est par une trappe dans la porte que je dois passer mes mains pour être menotté dans le dos, par des casqués équipés de boucliers, pour sortir de cellule. Comment me sentir bien ? Comment résister et ne pas tomber dans la haine, dans la violence ? Je résiste sans dire un mot. Malgré les années qui sont passées, à chaque transfert, je recommence le circuit de la mort à zéro.

    Exemple : ici, on m’a mis dans une cellule dite « de force », où la fenêtre ne s’ouvre presque pas, les toilettes et le lavabo sont dans du béton, il n’y a aucun meuble à part une table en ferraille attachée au sol. Et le pire, je suis menotté à chaque sortie de cellule par des surveillants qui me tiennent par chaque bras. Imaginez un rendez-vous ! La personne vous voit arriver avec cinq surveillants équipés comme des robots ! Super, les entretiens menottés dans le dos. Au dentiste les menottes me rongent la peau car je suis assis dessus, et je me casse les poignets. Je pense que les directions qui prennent ce genre de mesures contre moi ne se rendent même plus compte qu’ils participent à un acharnement et cela commence à me ronger.

    Je vis en détention depuis vingt-deux ans. J’ai passé plus de temps en prison qu’à l’extérieur, j’ai été condamné à une peine qui est la plus longue infligée en France. En tout, quatre-vingt-six années de détention ont été prononcées contre moi et j’ai encore un jugement en attente. Pour ceux qui ont du mal à y croire, qu’ils contactent mes avocats ou qu’ils regardent sur le net.

    Quand j’entends que la France est un pays fondateur des droits de l’homme, ça me dégoûte. Et mes droits, ils sont où ? Ah, je suis un taulard, donc je peux m’asseoir dessus ? Les gens pensent : « il est en prison, il l’a bien mérité », mais non ! J’ai pas mérité d’être condamné à autant. J’ai pas versé une seule goutte de sang. Dans mes prises d’otages, je n’ai pas frappé une seule fois un otage ! Pourtant on m’a condamné comme si j’avais tué cent fois, et c’est ma quinzième année de détention au QI, et actuellement j’en suis à la troisième d’un trait. Menotté et baluchonné chaque année, car à chaque fois on me dit : « reste tranquille et on va enlever les menottes », arrivé quelques mois on me met les menottes devant, puis paf on me transfère ailleurs et arrivé dans une nouvelle prison on me dit :

    "On te connaît pas, donc on repart sur le menottage dans le dos, si tu reste tranquille on verra pour te les mettre devant !"

    Que la France arrête de faire semblant d’être un pays humain et surtout qui respecte les droits de l’homme. Ça fait 22 ans que je suis en prison et chaque jour on m’attache comme un chien ! C’est ça, se réinsérer, les gens ! En les attachant dans le dos ! En les éloignant de leurs familles, en les laissant des années au QI, en les laissant sans rien. Bref, ce que je sais, c’est que c’est pas comme ça qu’ils vont me casser !

    Force et courage à tous, soyez forts, et si besoin écrivez-moi, je répondrai.

    Francis Dorffer


    En direct des abattoirs français

    Lettre de Francis Dorffer

    Nous avons publié au début de l’année une lettre ouverte de Francis écrite en décembre 2021 depuis Saint-Maur. Transféré à Arles, il continue à y subir la gestion toujours plus sécuritaire des QI. Cette seconde lettre a été lue à l’antenne le 18 mars 2022.

    Maison centrale d’Arles, quartier d’isolement,

    Le 20 février 2022

    Aujourd’hui, la prison a pris un tournant ultra-sécuritaire. C’est de plus en plus inquiétant : en 2022 le budget pénitentiaire a voté 145 millions d’euros rien que pour le volet sécuritaire ! Quand le budget pour les alternatives à la prison s’élèvent à 300000 euros ! Ou la prévention de la récidive : 90 millions ! C’est hallucinant. À ces deux catégories, on n’arrive même pas au budget alloué pour la sécurité. Alors que les deux sont essentiels. Sur le terrain, la hausse de l’hyper-sécuritaire se fait ressentir chaque jour un peu plus.

    Quand on se penche un peu sur les quartiers d’isolement… Pour être concret : il y a quinze ans, j’étais en QI dans des maisons d’arrêt. Il n’y avait pas de système de trappes aux portes. Aujourd’hui, 90% des QI sont munis au moins partiellement de ces trappes ! Et ce qu’il se passe, c’est que dans beaucoup de QI, vu qu’il y a ces trappes aux portes, les agents n’ouvrent quasiment plus les portes. La facilité de venir seul et de distribuer le courrier, les cantines ! Voire dans certains cas, les repas. Et l’humain disparaît petit à petit. Même des audiences sont faites par les trappes ! Et je ne suis pas une exception. Des détenus traités comme moi, il y en a de plus en plus… Il faut que ça cesse ! On a pas le droit de laisser des êtres humains comme ça ! Le contact avec les surveillants ne fait plus que le bruit de la ferraille des menottes et le claquement des boucliers, chaque jour depuis trois ans. Et je vous le dit, il y a des centaines de détenus qui vivent ça. Mais les pauvres ont tellement laissé le temps passer que pour eux, c’est normal ! C’est devenu banal de laisser les gens mourir à petit feu comme ça.

    Et quand il y a des incidents, on relance les vieux débats, les manques de moyens, etc. Non ! Stop ! Aujourd’hui le directeur d’une prison peut placer un prisonnier au QI, le faire menotter, lui imposer des agents équipés casqués avec boucliers, lui imposer des heures de sortie (1 heure du matin !), le mettre en position animale ! Et après ils vont dire : « regardez, le mec est violent ». On fabrique des bombes humaines et quand elles explosent on se demande comment c’est arrivé. Non, vraiment, stop ! Il est temps de traiter les détenus comme des humains et de leur laisser l’espoir, la vie est déjà assez compliqué pour nous. Il faut que ça cesse ! Venez voir !

    Merci à tous,

    Francis Dorffer


    Le mitard et l’isolement

    Lettre de Kémi

    Kémi écrit dans cette lettre, lue à l’émission du 20 mai 2022, qu’il est sorti d’isolement peu de temps avant, en janvier 2022. Cependant, l’AP a depuis décidé de l’y remettre au courant de l’été 2022...

    Maison centrale de Saint-Maur,

    Mai 2022

    Bonjour à tous,

    Je vous écris de la centrale de Saint-Maur, je m’appelle Mickaël, j’ai 33 ans et ça fait dix ans que je suis en cellule, et il me reste encore dix ans sur le papier, tout ça pour vous dire que je connais bien le mitard et l’isolement. D’ailleurs, récemment je suis sorti de l’isolement après un bref séjour de deux ans, le mitard je connais que trop bien aussi malheureusement, j’ai même connu les fameux 45 jours fermes de cachot ! Un mois et demi enfermé dans 3 m² avec rien, même la radio ils font galérer pour nous la donner !

    La France devrait fermer ces lieux sombres, sérieux

    L’isolement en France c’est quoi ? C’est ni plus ni moi que les QHS (quartiers de haute sécurité) des temps modernes ! On est 23H/24 enfermés en cellule, impossible de voir à quoi ressemble ton voisin de cellule, et si tu parles à la fenêtre faut faire très attention à tes propos et avec qui tu les tiens pour éviter que l’AP te colle une étiquette chelou sur ton dos ! Si tu t’énerves faut être préparé car ils entrent dans ta cellule avec le bouclier et les tenues pare-coups, et te sautent dessus, donc quitte à faire du mitard, autant y aller pour une raison valable…

    Ça peut paraître brutal, mais en vrai vous êtes loin de la vérité, c’est encore plus brutal. Je m’exprime pas très bien, mais c’est des abattoirs à détenus. Regardons la vérité des choses, la plupart du temps, quand un détenu perd la vie, c’est soit au mitard, soit à l’isolement, ou alors par un incendie dans la cellule…

    L’isolement et le mitard en France, ce sont des lieux où l’on se sert des détenus comme des cobayes, ils essayent de vous shooter avec des médocs, ou alors ils te piquent, c’est la camisole de force par injection, c’est des oufs ! La France devrait fermer ces lieux sombres, sérieux, vous ne pouvez pas imaginer ce qui s’y passe !

    Oui c’est vrai, à l’isolement, on a le droit à la télé et aux cantines mais si tu bosses pas et que t’as pas de soutiens à l’extérieur tu fais comment ? Rares sont les quartiers d’isolement où tu peux bosser, la télé n’est pas gratuite, c’est 20€ par mois, et même si t’as la télé tu peux passer plusieurs années à l’isolement coupé de tout, si tu commences à parler à ta télé et que tu attends une réponse, ben, pose-toi les bonnes questions !

    J’ai vécu une nuit au mitard en 2014 où je me suis battu pour ma vie, merci à mes voisins qui ont fait le bordel

    J’ai personnellement côtoyé l’isolement, j’ai passé plusieurs années dans ces mouroirs. Le mitard c’est pareil, on doit rester sur nos gardes 24H/24. Pour tout vous dire, j’ai vécu une nuit au mitard en 2014 où je me suis battu pour ma vie, et merci à mes voisins qui ont fait le bordel quand ils ont entendu la bagarre dans ma cellule, à cette époque j’étais le détenu à briser voir plus après une prise d’otage dont j’ai été l’auteur, quand on joue avec l’AP, on joue sa vie !

    Bref, j’espère que ces quelques mots permettront de voir un peu ce qu’est l’isolement et le mitard… Force, courage et honneur pour tout·e·s les détenu·e·s de France et leurs familles !

    Mickaël, AKA Kémi


    « S’adapter, ne pas s’habituer »

    Lettre d’un lecteur anonyme de L’Envolée

    Cette lettre a été lue à l’émission du 17 juin 2022.

    Dans une prison de France, quartier d’isolement,

    Juin 2022

    Salam, peace à toute la populace,

    Je suis un lecteur assidu de L’Envolée, un révolté de nature, qui au fur et à mesure vire entre haine et dégoût. Innocent ? Nan, sûrement pas, et alors ? Non coupable ? Ça dépend des points de vue. Plus de sept ans de détention, six ans d’isolement ininterrompu, réclusion criminelle à perpétuité, la trentaine, nice to meet you.

    Je suis en ce moment dans une cellule d’isolement. Force à tous ceux qui sont dans ce cas. La fenêtre s’ouvre à peine suffisamment pour passer la main, ni un oiseau ni un singe et, malgré tout le respect que j’ai pour eux, j’ai l’impression d’être un animal dans un zoo. Drôle de situation quand un directeur vient vous accueillir à votre arrivée en disant : « alors, c’est vous ? », avec le regard que l’on pourrait porter sur un lion domestiqué ou non domestiqué dans une cage.

    Ces bleus, ces humains qui ne le sont que très peu au quotidien, agents et acteurs d’un racisme structuré

    S’adapter, ne pas s’habituer. J’ai vu au cours des années des détenus flancher psychologiquement, répondre à la violence institutionnelle (quand elle n’est qu’institutionnelle, ce qui est extrêmement rare), par la violence physique, souvent contre eux-mêmes, trop souvent contre eux-mêmes d’ailleurs. À l’égard des bleus, parfois ces bleus, ces humains qui ne le sont que très peu au quotidien, agents et acteurs d’un racisme structuré, nous les noirs ris de leurs blagues racistes de leurs collègues. Ces gens, ces bleus, très souvent instables, qui laissent libre cours à leur base instable à l’ombre de ce système panoptique, où force n’est pas à la loi, puisque ces lois ils les bafouent en permanence et que le détenu qui aurait l’outrecuidance de s’emparer de ces lois pour tenter de se défendre (je dis bien tenter) est immédiatement estampillé procédurier et les vexations ne font que se multiplier.

    Que dire des piqûres ? De la camisole chimique ? Que dire des décès ? Des meurtres maquillés en suicides ? De l’instrumentalisation de la bassesse humaine ? De l’utilisation des détenus contre d’autres détenus ?

    Et lorsque l’on a dit tout cela, que dire des QI ? J’y suis depuis six ans. On m’accuse d’être un roc, de ne pas faiblir, de ne pas craquer, d’être trop peu impacté après toutes ces années. Qu’on se le dise, je n’ai pas l’intention d’abdiquer : routine exigeante émaillée d’effractions de la part de soldats, plus exactement de marionnettes de l’injustice.

    L’instrumentalisation d’événements au profit du tout sécuritaire… Des débats contradictoires pour donner à tout cela un semblant de cadre légal. Pour ma part, je dis une chose simple quant à ces débats. Dire à son empoisonneur : « je connais ta recette » est inutile, puisqu’il ajoutera toujours un nouvel ingrédient à son poison. Lorsqu’on nous empoisonne, la meilleure façon de ne pas mourir, c’est d’arrêter de manger. Il faut donc ne plus accepter de subir. Stimulez votre intellect, maintenez votre physique en bon état, résistez de la manière la plus adaptée à votre situation… peu importe la manière et peu importe cette situation.

    Un grand salam à L’Envolée que je lis depuis longtemps, à qui je n’ai jamais écrit. C’était une présentation, peut-être que d’autres courriers suivront. Dans tous les cas, je ne souhaite pas que mon identité soit donnée si ce courrier devait être publié. Un grand big up de l’ombre pour les gens à la lumière, prenez soin de vous, je vous souhaite de sortir dans le meilleur état possible.

  • LE VRAI « DRAME DE CONDE-SUR-SARTHE », C’EST SON EXISTENCE MÊME

    LE VRAI « DRAME DE CONDE-SUR-SARTHE », C’EST SON EXISTENCE MÊME

    LE VRAI « DRAME DE CONDE-SUR-SARTHE », C’EST SON EXISTENCE MÊME

    Communiqué de l’Envolée suite au mouvement de blocage des #MatonsQuiPleurent

    Les prisonniers et leurs familles pris en otages

    « Avec cette lettre motivée, je viens à vous qui êtes à l’extérieur afin de faire entendre nos voix. Je suis un des détenus longues peines de France actuellement incarcérés dans une des maisons centrales (MC) ou quartiers maison centrale (QMC) telles que Valence, Réau, Condé-sur-Sarthe et Vendin-le-Vieil. Ces nouvelles structures sont en fait des QHS (quartiers de haute sécurité) ou des QSR (quartiers de sécurité renforcée). Les nouvelles prisons françaises sont copiées sur le format canadien, et se dirigent vers l’américanisation. Ces systèmes pénitentiaires ultradurs sont basés sur des fonctionnements répressifs et pervers. Nous sommes passés de personnes détenues à bétail. Certains diront aussi : cobayes. Nous ne sommes pas considérés comme des humains, ni des citoyens. Torture psychologique, psychique, voire même physique lors des fouilles à nu qui sont pourtant interdites et abusives. (…) L’oppression, la frustration, la stigmatisation mises en place par la pénitentiaire, la sursécurité font que certains craquent parfois, et les rares fois où des violences sont commises sur le personnel, elles sont surmédiatisées par les syndicats FO et CGT Pénitentiaire, nous faisant passer pour des gens dangereux, violents et mauvais aux yeux de la société. (…) Les bâtiments sont neufs, et modernes, mais le fonctionnement et les règlementations internes sont indignes. Nous voudrions, si des personnes se sentent de nous aider, continuer à dénoncer les conditions de détention et les fonctionnements archaïques type QHS/QSR des établissements cités dans cette lettre. Alors multipliez les manifestations devant ces lieux et devant les ministères concernés. Avec médias à l’appui, comme eux le font systématiquement contre nous. Que les détenus se réveillent aussi, car cela ne va faire qu’empirer pour nos proches et nous-mêmes. »

    Romain L.

    Cette lettre a été écrite en juin 2017 du centre pénitentiaire de Condé-Sur-Sarthe, prison dont  la presse ne se ressouvient que depuis quelques jours. Un prisonnier y répétait ce que les premiers prisonniers enfermés dans ce QHS moderne disaient déjà en 2013, quelques mois après son ouverture ; le N°39 était entièrement consacré à la publication de leurs témoignages. Comme sa petite sœur de Vendin-le-Vieil, ouverte deux ans plus tard, Condé a été placée dans une région dévastée par l’industrie puis par la désindustrialisation. Ces prisons sont destinées à l’enfermement ad vitam des prisonniers qui ont à faire des « peines infaisables ». Des prisonniers à qui les cours d’assises n’ont même pas eu la « politesse des bourreaux » de laisser l’espoir d’une possible sortie. Des prisonniers considérés comme les plus rétifs, dont la plus grande faute est bien souvent de ne pouvoir se résoudre à être enfermés ; ce qui leur vaut de prendre des peines supplémentaires à l’intérieur.

    Le 5 mars, un prisonnier et sa femme auraient attaqué deux matons dans l’unité de vie familiale (UVF) de Condé-sur-Sarthe et s’y seraient retranchés jusqu’à l’intervention des policiers du Raid. Ceux-ci ont blessé le prisonnier et abattu sa compagne. L’usage du conditionnel s’impose car la seule version dont nous disposons est celle des matons et des policiers cagoulés eux-mêmes, celle que les médias se sont empressés de reprendre en chœur : le prisonnier condamné à une peine de vingt-huit ans d’enfermement se serait radicalisé en prison, et il aurait attaqué les surveillants pour des motifs religieux. La ministre des tribunaux et des prisons, Nicole Belloubet, a parlé d’une « attaque terroriste », et la section antiterroriste du parquet de Paris s’est saisie de l’enquête.

    Une version au mieux simpliste et partielle, puisqu’elle fait abstraction des conditions dans lesquelles l’attaque –supposée !- se serait produite, c’est-à-dire les conditions d’enfermement insupportables dénoncées par tous les prisonniers de Condé… Et peut-être fausse : la « radicalisation » du prisonnier pourrait aussi bien avoir servi à maquiller une simple embrouille de fin de parloir qui a dégénéré, comme c’est fréquemment le cas à Condé. Il y a quelques semaines encore, nous relayions à l’antenne de L’Envolée (sur FPP, 106.3, tous les vendredis de 19 heures à 20 h 30) le récit des provocations et des brimades subies par la compagne d’un prisonnier qui s’est vu refuser l’accès au parloir et suspendre son permis parce qu’elle a répliqué. Une seule chose est certaine : c’est que l’unité d’intervention a abattu la compagne du prisonnier en entrant dans l’UVF. Là-dessus, la presse préfère glisser rapidement.

    Ce qui est sûr, aussi, c’est ce que les matons veulent faire de cette tragédie le fait divers qui fera aboutir leurs sempiternelles revendications. En décembre 2017 et janvier 2018 déjà, ils avaient pris prétexte d’une « agression terroriste » pour lancer le mouvement de blocage des prisons le plus dur depuis des années. N’ayant pu obtenir la revalorisation de leur statut -en gros, ils veulent autant d’argent et le même équipement répressif que leurs grands frères policiers-, ils essayent de remettre le couvert depuis décembre 2018. Au moment où les flics peuvent se vanter de réprimer sans aucune retenue les mobilisations des gilets jaunes, et ont obtenu une prime à la matraque sur la simple menace d’un mouvement de grève, les matons se sont saisis du prétexte terroriste pour booster une mobilisation qui piétinait depuis des semaines.

    En dépit des airs qu’ils se donnent, des feux de palettes qu’ils allument, des gilets jaunes qu’ils enfilent parfois devant les caméras, les surveillants ne sont pas des travailleurs précaires comme les autres ; et leur mouvement « social » est surtout corporatiste et franchement réactionnaire. Toutes leurs revendications sans exception visent au durcissement de la répression. D’ailleurs les gendarmes qui viennent quotidiennement disperser leurs blocages pour qu’un peu de nourriture puisse tout de même rentrer ne s’y trompent pas : ils les gazent au-dessus de la tête, les manipulent avec une sollicitude inhabituelle… On les a même vus, après, se faire des checks comme des footballeurs d’équipes adverses à la fin du match.

    Cette pantomime a déjà permis de remettre en avant les revendications phares des #MatonsQuiPleurent : rétablissement des fouilles à nu systématiques –rappelons au passage que si elles sont limitées par le droit en théorie, elles n’ont en fait jamais disparu d’aucune détention- , autorisation de la palpation des proches lors des visites même si les détecteurs n’ont rien décelé d’illégal, multiplication des unités cynophiles, Statut d’OPJ, obtention de Tasers… La revalorisation d’un métier qui a du mal à trouver des candidats au concours -et on comprend pourquoi-, passe exclusivement  par l’obtention de moyens légaux et techniques de réprimer plus et mieux. Les négociations sont en cours : le patron de l’AP propose, la ministre discute, les matons sont déçus… mais quoi qu’ils obtiennent cette fois-ci, ce sera toujours aux dépens des prisonniers et de leurs proches.

    En attendant, le blocage de Condé continue, et aggrave encore tragiquement les conditions d’une privation de liberté déjà insupportable. On aimerait bien que les journalistes, si prompts à parler de prise d’otage dés que des cheminots font une demi-journée de grève, osent titrer :  « LES PRISONNIERS ET LEURS FAMILLES PRIS EN OTAGE ! » Car c’est bien de ça qu’il s’agit : confinement en cellule, fin des activités, absence de travail, suppression des cantines, des parloirs, de la distribution du courrier, la coupure des lignes téléphoniques, et des réseaux… Ça fait maintenant plus de dix jours que les enfermés de Condé-Sur-Sarthe sont coupés du monde.

    Comme le dénonce le syndicat PRP, des familles qui avaient fait des centaines de kilomètre pour voir leur proche se sont vues refouler et railler sur le parking par les matons qui ne les laissent même pas accéder à l’abri familles. Certains continuent cependant à se rendre au parloir tous les jours. Ils ne veulent rien lâcher, et demandent aux matons pourquoi ils ne prennent pas plutôt leur courage à deux mains pour aller bloquer le ministère de la justice, leur employeur. Pour certains proches, les matons cherchent vraiment à ce que ça pète à l’intérieur.

    A part un petit nombre de familles qui ont pu échanger quelques mots au téléphone avec leur proche au début de cette semaine, aucun témoignage n’est sorti pour l’instant. Par le biais de leur avocat Me Benoit David, deux prisonniers ont tout de même réussi à porter plainte au tribunal administratif contre les traitements inhumains que le blocage de la prison leur fait subir : Jeudi 14 mars, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a considéré que la « dégradation des conditions de détention au centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe n’était pas d’une gravité suffisante pour constituer une atteinte grave et illégale. »

    Une fois de plus, l’institution judiciaire et pénitentiaire, celle-là même qui marque les prisonniers du sceau infamant de la « dangerosité », se rend directement responsable de la dite dangerosité ; c’est elle qui la fait naître. La prison remplit ainsi pleinement sa fonction d’élimination sociale. Ces taules de Condé et de Vendin visent à permettre au système pénal de tenir ses promesses ; même au risque de se prendre les pieds dans le tapis des peines infinies qu’il a lui-même prononcé. Même si ces peines sont infaisables. On est loin des doctes péroraisons des experts en radicalisation qui permettent d’occulter totalement cette réalité pénitentiaire !

    A l’heure où nous publions ce texte, nous apprenons que la police, appuyée par le Raid, a fait une descente dans la prison de Condé et que cinq prisonniers ont été placé en garde à vue. Nous continuerons à faire connaître ce qu’il se passe à Condé dès que nous disposerons de plus d’informations sur ces nouvelles représailles.

    SOLIDARITE AVEC LES PRISONNIERS DE CONDE-SUR-SARTHE ET LEURS PROCHES !


    Le Syndicat Pour la protection et le respect des prisonnier.e.s, des proches de prisonniers enfermée à Condé appellent à  un rassemblement devant la prison de Condé-Sur-Sarthe à partir de vendredi  22 mars à  13 heures (début des parloirs en temps normal) pour soutenir les familles et les prisonniers pris en otage par le blocage des surveillants.

    VENEZ nombreux et nombreuses !!!

    L’Envolée :  @anticarceral / contact@lenvolee.net

    Syndicat PRP : @SyndicatPRP /  0665118145